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D

D’une fille deux gendres

France, 1907 : Tirer avantage de plusieurs endroits à la fois, au moyen d’une seule promesse, comme ces parents peu scrupuleux qui, ayant une fille à marier, entretiennent les espérances de plusieurs amoureux afin d’en tirer parti. Cette expression était fort usitée au siècle dernier, à propos des auteurs ou des artistes qui dédiaient leurs œuvres à la fois à plusieurs grands personnages dont ils attendaient protection. On dit dans le même sens : faire d’une pierre deux coups.

Da

d’Hautel, 1808 : Interjection badine et vulgaire qui exprime la surprise, l’étonnement, le reproche. Syncope du vieux mot dea ; se joint ordinairement à oui, et équivaut à comment donc ! eh mais ! certainement ; en vérité.

France, 1907 : Abreviatif de dab.

Da !

France, 1907 : Exclamation d’assurance.

Dab

Delvau, 1866 : s. m. Roi, et, plus particulièrement Père, — dans l’argot des voleurs. Les Anglais ont le même mot pour signaler un homme consommé dans le vice : A rum dabe, disent-ils.

Delvau, 1866 : s. m. Maître, dans l’argot des domestiques ; Patron, — dans l’argot des faubouriens.

La Rue, 1894 : Dieu, père, maître, roi.

Hayard, 1907 : Père, patron.

Dab de la cigogne

Larchey, 1865 : Procureur général.

On vient me chercher de la part du dab de la cigogne.

Balzac.

Rigaud, 1881 : Procureur général, procureur de la République. D’après M. L. Larchey le mot dab et ses composés viennent de l’ancien damp, seigneur.

Dab des renifleurs

Virmaître, 1894 : Préfet de police (Argot des voleurs).

Dab ou dabe

Virmaître, 1894 : Père (Argot du peuple).

France, 1907 : Père, Dieu, maître. Grand dab, roi ; dab d’argent, spéculum. Cramper avec le dab d’argent, passer à la visite du médecin ; argot des filles. Dab de la cigogne, procureur général ; dab des renifleurs, préfet de police. Voir Darbe

— Nini, tu couches avec moi, ce soir ; je te paye une tripe et un petit noir.
— J’peux pas ; la dernière fois que j’ai couché avec Dodophe, j’at rien reçu une riche floppée.
— Ton dab est un mufle ; t’y diras ça de ma part.
— Va-z-y dire toi-même, mais avant fais numéroter tes abattis.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Dab, dabe

Rigaud, 1881 : Dieu, père, maître, roi. — Frangin dab, oncle.

Dabe

anon., 1827 : Maître, père, roi.

Bras-de-Fer, 1829 : Maître, père, roi.

un détenu, 1846 : Père.

Halbert, 1849 : Père, maître.

Larchey, 1865 : Père. — Dabuche : Mère. — Dabuchette : Jeune mère, belle-mère.

Larchey, 1865 : Dieu.

Mercure seul tu adoreras comme dabe de l’entrollement.

Vidocq.

Larchey, 1865 : « C’est notre dabe, notre maître. »

Balzac.

L’étymologie de dabe est incertaine. Il est à noter que dam avait au moyen âge la même signification.

Rigaud, 1881 : Maîtresse, amante, — dans le jargon des souteneurs.

Ma dabe vient m’assister et me voir deux fois par semaine.

(Max. Du Camp, Paris, la Prostitution, t. m, 1875.)

anon., 1907 : Père. Mère.

Dàbe

Clémens, 1840 : Père.

Dâbe

Rossignol, 1901 : Père. Mon père, mon dâbe ; son père, son dâbe.

Dabe d’argent

Rigaud, 1881 : Speculum, — dans le jargon des filles. — Cramper avec le dab d’argent, passer à la visite ; mot à mot faire l’amour avec le speculum.

Dabe, dabesse

La Rue, 1894 : Reine. Femme de souteneur.

Dabérage

Rigaud, 1881 : Bavardage, commérage. — Dabérer, bavarder, raconter, — dans le jargon des marchands juifs.

France, 1907 : Bavardage.

Dabérer

France, 1907 : Parler, bavarder.

Dabesse

Delvau, 1866 : s. f. Reine.

Rigaud, 1881 : Reine.

Hayard, 1907 : Mère.

France, 1907 : Reine, mère, patronne ; maîtresse de souteneur.

— Je ne te demande rien, Roland, je respecte tes secrets, fit-elle d’une voix douce, quoique entre nous il ne devrait pas y en avoir. Ne suis-je pas ta gonzesse, ta dabesse, ta femme enfin… ?

(Hector France, La Vierge Russe)

Dabichonne

Hayard, 1907 : Jeune mère.

Dabicule

Delvau, 1866 : s. m. Fils du patron.

France, 1907 : Fils du patron, généralement un sale petit môme.

Un affreux marmot, le dabicule, tyran de la maison, qu’on eut aimé écraser comme une punaise, poussait des cris de paon.

(Les Propos du Commandeur)

Dabicule, dabmuche

Rigaud, 1881 : Petit patron, fils de patron.

Dabier

Virmaître, 1894 : Père (Argot du peuple).

France, 1907 : Père.

Dâbier

Rossignol, 1901 : Synonyme de dâbe.

Dabin

Halbert, 1849 : Tambour.

France, 1907 : Tambour ; corruption de tapin.

Dabot

Larchey, 1865 : Préfet de police.

Delvau, 1866 : s. m. Préfet de police.

Rigaud, 1881 : Préfet de police.

France, 1907 : Souffre-douleur ; corruption de l’espagnol dable, facile, faisable, « facile à tourmenter », ou, suivant d’autres étymologistes, de debile, faible.

France, 1907 : Préfet de police ; augmentatif de dab.

Dabucal

Halbert, 1849 : Royal.

Dabuche

anon., 1827 : Maîtresse, mère.

Bras-de-Fer, 1829 : Maîtresse, mère, reine.

un détenu, 1846 : Mère.

Halbert, 1849 : Mère, maîtresse.

Delvau, 1866 : s. f. Mère, nourrice.

Rigaud, 1881 : Patronne, maîtresse, mère. — Dabuchette, belle-mère, jeune mère. — Dabuge, dame, bourgeoise. — Frangine dabuche, tante.

La Rue, 1894 : Patronne, maîtresse, mère, nourrice. Bourgeoise.

Hayard, 1907 : Bourgeoise, mère.

France, 1907 : Mère, grand’mère ; nourrice. Argot des voleurs.

Dabuchette

Halbert, 1849 : Jeune mère ou belle-mère.

France, 1907 : Jeune mère, belle-mère.

Elle était vraiment gentille la dabuchette, avec sa croupe rondelette et ses seins mignons qu’elle offrait, l’un après l’autre, aux lèvres gourmandes du pourpard.

(Les Propos du Commandeur)

Dabuchon

France, 1907 : Père.

Une rougissante fiancée de seize printemps va rendre visite à son futur, guerrier attaché à l’artillerie royale. Il est absent, mais à sa place se présente le papa qui, quoique en cheveux blancs, se propose de remplacer son fils et de lui prouver sa verdeur. Lui aussi est ancien guerrier. « Plus faire que dire » est sa devise ; il ne perd pas son temps en longues conférences. La fiancée, plus rougissante que jamais, lutte, se débat, appelle. On frappe à la porte. « Dieu soit loué, c’est Will ! » C’est Will, en effet, il constate le trouble et l’agitation du couple.
— Qu’avez vous fait ? demande-t-il, menaçant, à l’auteur de ses jours.
— F… le camp ! réplique celui-ci, s’armant d’une solide trique.
Le fils obéit, emmenant sa fiancée que le dabuchon n’avait pas eu le temps de trop détériorer, en faisant claquer la porte.
Montrant par la qu’il n’était pas content.

(Hector France, La Nation)

Dabucol

France, 1907 : Royal.

Dabuge

France, 1907 : Bourgeoise, dame.

Une majestueuse dabuge ornée d’une paire de fesses sur l’estomac qui faisait loucher notre enrager capiston.

(Les Joyeusetés du régiment)

Dâbuje

Rossignol, 1901 : Mère.

Dachar

Rossignol, 1901 : Acharnement.

Dache

Delvau, 1866 : s. m. Diable, — dans l’argot des voleurs, qui pourtant ne croient ni à Dieu ni à diable. Envoyer à dache. Envoyer promener, envoyer au diable. Les ouvriers emploient aussi cette expression.

Rigaud, 1881 : Diable. — Envoyer à dache, envoyer au diable.

La Rue, 1894 : Diable. À dache ! au diable.

Rossignol, 1901 : Dire à quelqu’un : Allez raconter çà à Dache, le perruquier des zouaves, c’est lui dire : je ne vous crois pas.

France, 1907 : Diable ; argot des voleurs. De diache, vieux mot qui a même signification. Dans l’argot militaire, Dache est un perruquier passé légendaire aux zouaves pour sa simplicité ; on dit, après avoir écouté quelques grosses gasconnades : Allez donc raconter cela à Dache, le perruquier des zouaves !

Mais voici que la voix de coq enrhumé de l’infirmier-sacristain retentit dans la salle :
— Eh ! les amis, y aura des brioches à la messe.
— Des brioches ! Faut conter ça à Dache.
— Oui, oui, des brioches en place de pain bénit.
— C’est pas des blagues, au moins, Lenglumé ?
— Parole d’honneur ! D’ailleurs, allez-y voir.
Et Lenglumé passait et continuait dans la salle voisine :
— Eh ! les amis, vous savez, y aura des brioches à la messe.
— Nom de Dieu ! c’est donc pas pour rire ?

(Hector France, L’Homme qui tue)

Dache, perruquier des zouaves

Merlin, 1888 : Personnage imaginaire (d’aucuns prétendent pourtant qu’il a réellement existé) à qui l’on renvoie les hâbleurs, les raseurs, les importuns : Allez donc raconter cela à Dache !

Dada

d’Hautel, 1808 : Mot enfantin, qui signifie cheval.

Delvau, 1866 : s. m. Cheval, — dans l’argot des enfants. Fantaisie, manie, — dans l’argot des grandes personnes, plus enfants que les enfants.

France, 1907 : Marotte, manie, idée à laquelle on revient continuellement comme un cheval que l’on monte toujours, d’où : monter sur son dada, enfourcher son dada. « Une monture qui nous monte, dit le docteur Grégoire, et qui va toujours droit devant elle, à travers champs, à travers choux. Une espèce de bélier breton. »

Le dada d’une jeune fille, c’est d’avoir un mari ; quand elle a un mari, son dada est d’avoir un amant ; quand elle a un amant, son dada est de devenir veuve pour épouser son amant ; quand elle devient veuve, son dada est de mettre son amant à la porte.

(Jules Noriac)

— Mais la morale, la morale sans épithète, qui veut que la vertu soit toujours récompensée et le vice puni ?
— En voilà une blague ! fit Marthe en haussant les épaules. Est-ce que c’est vrai cela, dans la vie ? Et puis, qu’est-ce que la vertu et le vice ?
Puis, reprenant son dada ordinaire :
— La vertu, c’est d’être mariée ! Le vice, c’est de ne pas avoir un éditeur responsable ; il y a des femmes mariées qui aiment leurs cochers ou leurs valets de chambre ; n’importe, le mari est là ; son nom est le pavillon qui couvre la marchandise.

(E. Ducret, Le Baiser funeste)

Dada (à)

Larchey, 1865 : À cheval.

V’là z’une belle amazone à dada.

1810, Désaugiers.

Dada (aller à)

Merlin, 1888 : Sacrifier à Vénus.

France, 1907 : Chevaucher une femme.

— Ah ! la bonne garnison ! Des femmes à gogo ! Bourgeoises et grisettes aimaient à se mirer dans nos casques. Et un choix, mes enfants ! Nous en étions fourbus. Tous les jours à dada, et chaque fois nouvelle monture.

(Les Propos du Commandeur)

Dada (avoir un)

Virmaître, 1894 : V. Marotte.

Dadais

d’Hautel, 1808 : Un grand dadais. Sobriquet insultant qui signifie un benêt, un nigaud ; un grand garçon niais et décontenancé ; d’un air simple, innocent et stupide.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, homme qui fait l’enfant, — dans l’argot du peuple, qui ne se doute pas que le mot a trois cents ans de noblesse.

France, 1907 : Niais, nigaud.

Pas tout à fait un imbécile, mais un candidat qui a des chances.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

Dague

d’Hautel, 1808 : Fin comme une dague de plomb. Phrase proverbiale et ironique, pour dire, dénué d’esprit, de sens et de finesse.

Hayard, 1907 : Couteau.

France, 1907 : Couteau.

Dahoméen (prendre du)

France, 1907 : Se livrer à des actes hors nature.
Il paraît que les Dahoméens sont sujets à ce vice qui faisait les délices de Henri III et de Frédéric le Grand ; mais combien de Parisiens du grand et du petit monde imitent les Dahoméens !

Daim

d’Hautel, 1808 : Puer comme un daim. Exhaler une odeur fétide, comme il arrive à celui qui est sujet à lâcher de mauvais vents.

Clémens, 1840 : Niais, Niaise.

Delvau, 1864 : Le monsieur qui paie les filles pour être trompé par elles avec leurs amants de cœur ; le mâle naturel de la biche.

Des daims ! J’ôte jamais mes frusques, moi.

Lemercier de Neuville.

Larchey, 1865 : Niais, dupe.

L’une des grandes finesses des garçons de restaurant, quand ils servent un homme et une femme dans un cabinet, est de pousser à la consommation… persuadés que le daim n’osera refuser aucune dépense en présence de celle à qui il veut plaire.

La Fizelière.

V. cocodès. — Il est possible que Daim soit une abréviation de dindon. V. ce mot.

Delvau, 1866 : s. m. Monsieur bien mis, et garni d’un porte-monnaie mieux mis encore, qui se fait gloire et plaisir d’être le mâle de la biche, — dans l’argot des faubouriens, dont la ménagerie s’augmente tous les jours d’une bête curieuse. Daim huppé. Daim tout à fait riche. Signifie aussi : imbécile, nigaud.

Rigaud, 1881 : Personnage dont le rôle, dans la comédie humaine, consiste à jouer les grandes premières dupes auprès des femmes. Le daim est généralement riche, bien mis et stupide.

Virmaître, 1894 : Imbécile (Argot du peuple). V. Couillon.

Rossignol, 1901 : Synonyme de pante. Daim veut aussi dire bête, imbécile.

France, 1907 : Niais, imbécile qui se laisse facilement duper. C’est aussi le synonyme de gommeux. Daim huppé, riche imbécile.

— Pourquoi, dit le mari, mettez-vous sur votre tête les cheveux d’une autre femme ?
— Pourquoi, répond sa douce moitié, portes-tu sur la main la peau d’un autre daim ?
 
Ça s’appell’ des genss’ à son aise,
Mais c’est pas eux qu’est les malins ;
Si c’est toujour’ eux qu’a la braise,
C’est toujour’ eux qui s’ra les daims.

(Aristide Bruant)

Daim hupé

Rigaud, 1881 : Homme riche et d’une exploitation facile.

Daims huppés

Halbert, 1849 : Gens riches.

Larchey, 1865 : Bourgeois riches. — V. Coup.

Il y a de l’argent à gagner, c’est des daims huppés.

E. Sue.

Dal

Hayard, 1907 : Rien.

Dal (que)

anon., 1907 : Rien.

Dale

Larchey, 1865 : Argent. — Abrév. de rixdale, ancienne monnaie allemande.

Faut pas aller chez Paul Niquet, Ça vous consume tout vot’ pauv’dale.

P. Durand, vaudeville, 1836.

France, 1907 : Argent. Pièce de cinq francs ; aphérèse de rixdale, ancienne monnaie allemande.

Dalège

Hayard, 1907 : Omnibus.

Dalle

Larchey, 1865 : Bouche. — Comparaison de la bouche à la pierre d’évier (appelée dalle en beaucoup de cuisines). Cette pierre est percée d’un trou qui sert comme le gosier à l’écoulement des liquides. V. Rincer.

Delvau, 1866 : s. f. Pièce de six francs, — dans l’argot des voleurs, dont l’existence est pavée de ces écus-là.

Delvau, 1866 : s. f. Gosier, gorge, — dans l’argot des faubouriens. S’arroser ou Se rincer la dalle. Boire. On dit aussi la Dalle du cou.

Rigaud, 1881 : Gosier, bouche. — Se rincer la dalle, boire.

Rossignol, 1901 : La bouche.

Tu as soif, viens que je te rince la dalle.

Hayard, 1907 : La gorge ; (se rincer la) boire.

France, 1907 : Gosier. Se rincer ou s’arroser la dalle, boire.

Il se versa une rasade et but.
Après avoir fait claquer sa langue, il s’écria :
— Elle est exquise… Ça fait du bien par où ça passe. À ton tour, Pierre, rince-toi la dalle.

(Marc Mario et Louis Launay)

J’ai du sable à l’amygdale,
Ohé ! ho ! buvons un coup,
Une, deux, trois, longtemps, beaucoup !
Il faut s’arroser la dalle
Du coup !

(Jean Richepin, Les Gueux de Paris)

Dalle en pente

Rigaud, 1881 : Solide appétit. Mot à mot : gosier en pente.

Que ceux qui ont un vaste estomac, de gros boyaux, la dalle en pente, engloutissent des platées énormes et vident des brocs, rien de plus juste.

(La Petite Lune, janvier 1879.)

La variante est : Gargouenne en vente.

Dalzar

Rigaud, 1881 : Pantalon, — dans le jargon des ouvriers ; par abréviation de pantalzar.

France, 1907 : Pantalon ; abréviation de panthalzar.

J’ai bâti des maisons étage par étage ;
J’ai vieilli, j’ai souffert de la faim et du froid,
De mendier mon pain n’ayant pas le courage,
Avec mon chat, je crève en un grenier étroit.
Je lègue ma charogne aux gens de la clinique,
À mon portier ma pipe et mon vieux dalzar bleu ;
Et je dis à Paris : Cambronne pour ta clique !

(Barrillot, La Mascarade humaine)

Dalzar, falzar

La Rue, 1894 : Pantalon.

Dam

France, 1907 : Dommage, détriment ; apocope de damnation.

Napoléon, c’est le régiment qui passe. Or, le régiment les fait toutes tourner, les têtes, toutes ! Un de mes amis, un réfractaire — on a tant d’amis ! — court à sa fenêtre quand vibre le dzim boum boum des cuivres militaires, et, convaincu, dit à son fils — dix-huit mois – dont les prunelles et le sphincter pareillement se dilatent, au grand dam de la manche paternelle : « Mon gars, tu iras au canon !… »

(Paul Bonnetain)

Dame

d’Hautel, 1808 : Dame touchée, dame jouée. Dicton qui signifie que dès que l’on a touché un pion, il faut le jouer.
Faire la dame. Se dorloter, se délicater, n’en prendre qu’à son aise.

Dame !

d’Hautel, 1808 : Particule adversative, espèce d’interjection qui équivaut à pourquoi ? d’où vient ? pour quel motif ? etc.
Dame ! puisque vous le voulez ainsi !
Dame ! c’est sa faute ; qu’avoit-il besoin de se fourrer dans cette affaire-là ?

France, 1907 : Cette interjection est ce qui reste d’un juron du moyen âge, dame-Dieu ! qui est lui-même une altération de Domine Deus ! Seigneur Dieu ! Dame-Dieu ! se rencontre continuellement dans les anciens textes : le mot Dieu fut supprimé comme offensant la divinité et remplacé par bleu ! C’est ainsi que le mot diable étant considéré comme malsonnant, on en a fait diantre ! Saint Louis, d’ailleurs, avait édicté des peines fort sévères contre les blasphémateurs, d’où sont venues ces exclamations bizarres : parbleu ! corbleu ! par la sambleu ! etc., transformations de : par Dieu ! par le corps de Dieu ! par le sang de Dieu !

Dame aux camélias

Delvau, 1864 : Femme entretenue, qui joue quelquefois à la ville le rôle de Marguerite Gautier (Marie Duplessis) avec un coiffeur de son quartier, qu’elle aime ou fait semblant d’aimer, dans un accès de vertu — heureusement très court.

Quand la lorette arrive à la prospérité, elle change de nom et s’appelle Dame aux Camélias.

Edmond Texier.

Dame blanche

France, 1907 : Bouteille de vin blanc.

Dame de pique

France, 1907 : Le jeu de cartes. Aimer, courtiser la dame de pique, aimer les cartes.

Après la dame du comptoir assez dodue et fort appétissante, il consacrait ses loisirs à la dame de pique.

(Les Joyeusetés du régiment)

Dame du cordon

France, 1907 : Concierge.

Aussi portières et facteurs sont-ils en hostilités perpétuelles, et si jamais le paradis tardait à s’ouvrir devant un de ces derniers, c’est qu’à coup sûr on aurait omis, en pesant ses mérites, de mettre dans la balance les actes innombrables de patience et de longanimité pratiqués, sa vie durant, à l’égard des dames du cordon.

(J. Hilpert, Le Facteur de la poste aux lettres)

Dame du lac

Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue, ou qui, désirant l’être, va tous les jours au Bois de Boulogne, autour du lac principal, où abondent les promeneurs élégants et riches. Argot des gens de lettres.

France, 1907 : Dame où fille à la recherche du mâle cossu et dont le champ d’exploration est principalement le tour du lac du bois de Boulogne.

Dame verte

France, 1907 : Absinthe.

Dame-Jeanne

d’Hautel, 1808 : Nom que l’on donne à une grande bouteille remplie ordinairement de liqueur.

Damer

d’Hautel, 1808 : Damer le pion à quelqu’un. Contrarier quelqu’un dans ses entreprises ; aller sur ses brisées ; faire avorter ses projets ; le supplanter.

La Rue, 1894 : Rendre femme une jeune fille.

France, 1907 : Prendre la virginité d’une fille, la rendre dame.

Un prêtre catholique, le révérend père Aloysius, est traduit aux assises pour privautés sur la petite Ellen Stokes, beauté précoce qui n’a pas encore vu treize fois jaunir les houblonnières.
Un dimanche matin, comme elle rapportait au révérend le linge que sa mère avait lavé et préparé pour le saint sacrifice, l’homme de Dieu oublia ses vœux de chasteté.
Comment la Société de vigilance eut-elle vent du péché mortel qui se dégagea de cet entretien secret ? Comment sut-elle que le père Aloysius avait onctueusement damé la fillette ? Je ne saurais le dire, mais elle fit appréhender le saint homme à Folkestone, au moment où il se reposait de ses fatigues en une benoite villégiature et fortifiait ses reins et ses poumons en aspirant les vivifiants aromes des sels marins.

(Hector France, La Nation)

Damer le pion

France, 1907 : Gagner, l’emporter sur quelqu’un ; le supplanter. Terme du jeu d’échecs.

En fait d’hypocrisie, Mlle Thérèse Ancelin eût pu rendre des points à M. le commis-voyageur Saulnoy, lui damer le pion, à lui et toute la terre. Elle avait fort bien vu où tendait le manège de l’entreprenant boute-en-train, fort bien su d’avance comment la petite fête se terminerait.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Damer le pion à quelqu’un

Delvau, 1866 : Le supplanter, lui jouer un tour quelconque pour se venger de lui, lui répondre vertement. Argot des bourgeois.

Damer une fille

Delvau, 1866 : v. a. La séduire, — ce qui, du rang de demoiselle, la fait passer à celui de dame, de petite dame.

Dames (ces)

Delvau, 1864 : On appelle ainsi un groupe de femmes, célibataires ou non, qui vivent, travaillent ou se divertissent ensemble : Ces dames du corps de ballet, ces dames au théâtre, ces dames les étudiantes, ces dames du Casino, de Mabille, etc., etc. — En famille, le fils sortant avec sa mère et ses sœurs dit : Je vais au théâtre avec ces dames. — Dans les ateliers de femmes, chez les couturières, les modistes, les lingères, etc., on dit mesdemoiselles… ces demoiselles. — Au bordel, on dit : « Toutes ces dames au salon ! » — Être dame est le rêve que caresse toute jeune fille sage qui désire sa liberté.

Damné

d’Hautel, 1808 : Souffrir comme un damné. Souffrir excessivement ; être atteint de douleur cuisante. On dit aussi Faire souffrir quelqu’un comme un damné, pour, exercer sur lui une autorité tyrannique ; lui rendre la vie malheureuse.
Une ame damnée. Un misérable ; un homme qui se plait à nuire à ses semblables ; un scélérat.
C’est son ame damnée. Se dit d’un homme soumis aveuglément à un autre qui en fait son souffre douleur.

Damoiseau

France, 1907 : Petit-maître, jeune oisif, à tête vide. Le gommeux d’il y a cent ans.

Des damoiseaux la nation timide,
Quand il s’agit d’affronter bataillons,
A du courage et paraît intrépide,
Lorsqu’il ne faut qu’insulter cotillons.

(Grécourt)

Danaïdes (faire jouer les)

Rigaud, 1881 : Battre une femme, — dans le jargon des voleurs. (L. Paillet.)

France, 1907 : Battre ou fouetter une femme. Allusion à une pièce de 1819 : Les petites Danaïdes, représentant les épouses infidèles sévèrement punies.

Dandée

Fustier, 1889 : Coup, frottée. (V. Delvau : Dandinette.)

Qui a composé cette chanson ?
C’est un Cotric tourangeau
Par joie et satisfaction
D’ la dandée de ce Morvandiau.

(Chanson, 1884.)

Dandillante

Virmaître, 1894 : La cloche. Dans les usines, la cloche sonne les heures d’entrées et de sorties et aussi l’heure des repas.
— Si je suis en retard c’est parce que tu as foutu un coup de pouce à la tocante du singe.
Mot à mot : la cloche dandille (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Cloche.

France, 1907 : Cloche.

Dandiller

Halbert, 1849 : Sonner.

Delvau, 1866 : v. n. Sonner, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Sonner. — Le carme dandille dans la fouilleuse, l’argent sonne dans la poche.

La Rue, 1894 : Sonner. Dandillon, cloche.

Virmaître, 1894 : Sonner. Les faubouriens en ont fait dardiller de dard.
— Je dardille pour une belle fille (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Sonner. Le carme dandille dans sa fouillouse, l’argent sonne dans sa poche.

Dandillon

Halbert, 1849 : Cloche.

Delvau, 1866 : s. m. Cloche.

Rigaud, 1881 : Sonnette. Taquiner le dandillon, pincer le dandillon, tirer la sonnette.

France, 1907 : Cloche. Pincer le dandillon, sonner la cloche.

Dandin

d’Hautel, 1808 : Un George-Dandin. Épithète insultante que l’on donne à un mari d’humeur facile et complaisante ; et généralement à un homme simple et pusillanime dont la bonté approche beaucoup de la bêtise.

France, 1907 : Mari trompé, personnage d’une pièce de Molière : Georges Dandin ou le Mari confondu. Mais, avant Molière, Rabelais avait déjà fait un nom propre de ce mot si expressif de notre vieille langue, qui signifiait un niais, un badaud.

De plus, nous vivons dans un milieu aimable où l’indulgence souriante est de bonne compagnie. Non seulement où ne s’indigne nullement à l’idée qu’une jolie femme trompe son mari, mais les pièces de théâtre, les romans et les journaux — que le Gil Blas prenne sa part de responsabilité ! — nous prêchent la vie facile et excusent, pour ne pas dire glorifient, l’adultère. Depuis certain général qui semble la personnification vivante de la bravoure française et de l’élégance aristocratique, il n’est plus du tout ridicule pour un marquis d’être un successeur de Sganarelle ou de Dandin.

(Colombine, Gil Blais)

Dandinage

Rigaud, 1881 : Raclée soignée, — dans le jargon des voleurs. Il va y avoir du dandinage.

Dandiner

d’Hautel, 1808 : Se dandiner. Avoir un maintien sot et décontenancé ; se balancer sur sa chaise ; niaiser, paresser.

Halbert, 1849 : Balancer.

France, 1907 : Battre, frapper ; celui qui est battu remue son corps, se dandine pour esquiver ou parer les coups.

Dandiner (se)

Rossignol, 1901 : Se balancer en marchant.

Dandiner un pante

Rigaud, 1881 : Battre, maltraiter quelqu’un qui vous déplaît, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Battre quelqu’un.

Dandines

France, 1907 : Coups. Recevoir des dandines, être battu. Encaisser des dandines.

Dandines (coller des)

Rigaud, 1881 : Porter des coups. — Encaisser des dandines, recevoir des coups. — Une grêle de coups de poing fait dandiner celui qui les reçoit ; d’où le mot dandines.

Dandinette

Delvau, 1866 : s. f. Correction, — dans l’argot du peuple, qui corrige ses enfants en les faisant danser.

Virmaître, 1894 : Diminutif de danse, battre légèrement. Dandinette est une correction infligée à un enfant désobéissant (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Petit poisson en étain garni d’un hameçon double que l’on descend et remonte du fond de l’eau pour prendre des perches ou brochets.

France, 1907 : Correction.

Furieux de l’insolence de cette petite maritorne, le capitaine n’en fit ni une ni deux : il se leva d’un bond, empoigna la donzelle et, la troussant jusqu’aux hanches, lui administra, devant l’assemblée ébahie, une forte dandinette.

(Les Propos du Commandeur)

Dandy

France, 1907 : Fat oisif dont la seule occupation est de se parer. Le dandy est l’ancien petit-maître du XVIIe siècle, le marquis de Molière, ridicule espèce de parasite social, que l’immortel moraliste La Bruyère a si bien décrit et qui traverse les âges avec de simples variations de costumes, étalant son outrecuidance et sa nullité sous des noms divers : élégant, incroyable, merveilleux, dameret, muscadin, gandin, cocodès, petit crevé, gommeux, pschutteux, etc.
Dandy, comme fashionable, est une importation d’outre-Manche. Apocope du vieil anglais dandeprat ou dandiprat, terme usité quelquefois en signe de mépris, dit Johnson dans son Dictionnaire, pour petit drôle, moutard, « a little fellow, an urchin ». Il est donc erroné de prétendre, comme le fait Littré, que ce mot vient du français dandin, avec lequel, du reste, il n’a aucun rapport.
L’importation date de 1838 ; Mme de Girardin, dans ses Lettres Parisiennes, protestait déjà à cette époque contre l’anglomanie :

Les dandys anglais ont fait invasion à Paris ; leur costume est étrange : habit bleu flottant, col très empesé, dépassant les oreilles, pantalon de lycéen, dit à la Brummel, gilet à la maréchal Soult, manteau Victoria, souliers à boucles, bas de soie blancs, mouchetés de papillons bruns, cheveux en vergette, un œil de poudre, un scrupule de rouge, l’air impassible et les sourcils rasés, canne assortie.

George Brummel, dit le beau Brummel, plus tard, chez nous, le comte d’Orsay furent les plus célèbres type du dandysme.
« Le dandy, dit Barbey d’Aurevilly, a l’impertinence somptueuse, la préoccupation de l’effet extérieur. » Le même écrivain donne de curieux exemples des raffinements que les dandies apportaient dans la conception de leur toilette.

Un jour, ils eurent la fantaisie de l’habit râpé. Ils étaient à bout d’impertinence, ils n’en pouvaient plus. Ils trouvèrent celle-là, qui était si dandy, de faire râper leurs habits avant de les mettre, dans toute l’étendue de l’étoffe, jusqu’à ce qu’elle ne fût plus qu’une espèce de dentelle — une nuée.
Ils voulaient marcher dans leur nuée, ces dieux ! L’opération était très délicate et très longue, et on se servait, pour l’accomplir, d’un morceau de verre aiguisé. Eh bien ! voilà un véritable fait de dandysme. L’habit n’est presque plus. – Et en voici un autre encore : Brummel portait des gants qui moulaient ses mains comme une mousseline mouillée. Or, le dandysme n’était pas dans la perfection de ces gants, qui prenaient le contour des ongles comme la chair le prend, c’était qu’ils eussent été faits par quatre artistes spéciaux, trois pour la main, et un pour le pouce.
Telle est la façon subtile dont les dandys pratiquaient l’élégance.
 
Le dandy n’est qu’une transformation du raffiné, du muguet, du roué, de l’homme à la mode, de l’incroyable et du merveilleux.

(Frédéric Soulié, L’Âmé méconnue)

J’ai dit que ce type avait existé en tous temps et dans tous les pays ; rapprochons des lignes de Barbey d’Aurevilly ces lignes de Sénèque sur les dandies de son époque, qu’il considérait comme les gens les plus occupés du monde.

Jouissent-ils du repos, ceux qui passent les heures entières chez un barbier pour se faire arracher les poils qui ont pu croître dans la nuit précédente, pour prendre conseil sur l’arrangement de chaque cheveu, sur la façon de les faire revenir ou de les ramener sur le front, afin de remplacer ceux qui leur manquent ? Voyez comme ils se mettent en colère quand le barbier n’y a point apporté toute son attention et s’est imaginé qu’il avait affaire à des hommes !
Voyez comme ils entrent en fureur lorsqu’on leur a coupé quelques cheveux des côtés, lorsque quelques-uns passent les autres et ne forment pas la boucle ! Est-il un de ces personnages qui n’aimât mieux voir la république en désordre que sa coiffure, qui ne soit plus inquiet de sa frisure que de sa santé et qui ne préfère la réputation d’être l’homme le mieux coiffé à celle d’être le plus honnête ? Jouissent-ils du repos, ces hommes perpétuellement occupés d’un peigne et d’un miroir ?

Dandysme

Larchey, 1865 : « Cette fatuité commune à tous les peuples chez lesquels la femme est quelque chose n’est point cette autre espèce qui, sous le nom de dandysme, cherche depuis quelque temps à s’acclimater à Paris. L’une est la forme de la vanité humaine, universelle ; l’autre d’une vanité particulière et très-particulière : de la vanité anglaise… Voilà pourquoi le mot dandysme n’est pas français. Il restera étranger comme la chose qu’il exprime… Bolingbroke seul est avancé, complet, un vrai dandy des derniers temps. Il en a la hardiesse dans la conduite, l’impertinence somptueuse, la préoccupation de l’effet extérieur et la vanité incessamment présente. Enfin, il inventa la devise même du dandysme, le nil mirari de ces hommes qui veulent toujours produire la surprise en gardant l’impassibilité. »

B. d’Aurevilly.

Dans le dos, le lac, le seau, le sciau

Hayard, 1907 : Être dupé.

Dans le goût de pantin

Larchey, 1865 : À la mode de Paris, et, par extension, très bien.

Là ! v’là qu’est arrangé dans le goût de Pantin.

Zombach, Chansons.

Dans le train (être)

France, 1907 : Être de son époque. Faire comme tout le monde. N’avoir ni préjugé ni conscience.

Qui donc aux élections lui a pris la moitié de ses voix ? Le troisième larron, le socialiste, le jeune avocat Mufflet. Oh ! tout à fait « dans le train », celui-là, et — si j’osais me servir d’une expression aussi éculée — tout à fait « fin de siècle. »

(François Coppée)

Dans le trou

Halbert, 1849 : En prison.

Danse

d’Hautel, 1808 : Donner une danse à quelqu’un. Le réprimander ; le tancer vertement ; et, dans un sens plus étendu, lui donner une volée, lui caresser les épaules à coups de bâton.
Entrer en danse. Signifie entrer en matière ; entamer une conversation, un discours.

Larchey, 1865 : Grêle de coups. — allusion ironique aux piétinements forcés de la lutte.

je prends le sabre. — c’est dit, et à quand la danse ?

about.

Delvau, 1866 : s. f. Coups donnés ou reçus, — dans le même argot [du peuple]. Danse soignée. Batterie acharnée.

Delvau, 1866 : s. f. Combat, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Batterie, bataille. — Étape militaire, marche forcée, — dans le jargon des troupiers.

Fustier, 1889 : Puanteur. (V. Delvau, Danser.)

La Rue, 1894 : Coup. Combat. Infection.

France, 1907 : Mauvaise odeur, infection.

France, 1907 : Coups. Donner, recevoir une danse.

France, 1907 : Bataille.

Dans cette bagarre, on ramassa dix-sept morts et trente-cinq blessés. La dispute avait commencé au sujet d’un jeu de monte. Un joueur qui perdait se mit à tirer des coups de revolver dans les lampes et, pendant ce petit sport, tua un homme en face de lui : d’où la danse.

(Hector France, Chez les Indiens)

Danse (donner une)

Hayard, 1907 : Battre quelqu’un.

Danse (en donner une)

Virmaître, 1894 : Battre un individu. Entrer en danse, entrer dans une affaire, apparaître (Argot du peuple).

Danse (la) à plat, la basse danse, la danse du loup

Delvau, 1864 : L’acte vénérien, pendant lequel les deux acteurs se trémoussent en cadence, coups de cul de ci, coups de queue de là, — ce qui les échauffe bien plus que n’importe quelle varsoviana.

L’époux remonte, et Guillot recommence.
Pour cette fois, le mari vit la danse
Sans se fâcher.

La Fontaine.

Il lui enseigna la danse du loup, la queue entre les jambes.

(Moyen de parvenir.)

Je crois que tu ne te ferais point prier de danser le branle de un dedans et deux dehors.

Tournebu.

La danse est pour les jeunes filles ce qu’est la classe pour les adolescents, une école protectrice de la sagesse, un préservatif des passions naissantes. Le célèbre Locke recommande expressément d’enseigner aux enfants à danser dès qu’ils sont en état de l’apprendre. La danse porte en soi une qualité éminemment réfrigérante et, sur tout le globe, les tempêtes du cœur attendent, pour éclater, le repos des jambes.

Lemontey.

À quinze ans, la danse est un plaisir, à vingt-cinq ans un prétexte, à quarante ans une fatigue.

Ad. Ricard.

Danse (recevoir une)

Rossignol, 1901 : Recevoir des coups. Veut aussi dire sentir mauvais, puer : ça danse, ça pue.

Danse du panier

Delvau, 1866 : s. f. Bénéfice illicite de la cuisinière. Argot du peuple. On dit aussi : Faire danser l’anse du panier. Quand une cuisinière, revenue du marché, a vidé les provisions que contenait tout à l’heure son panier, elle prend celui-ci par l’anse et le secoue joyeusement pour faire sauter l’argent épargné par elle à son profit, et non à celui de sa maîtresse.

La Rue, 1894 : Bénéfices illicites de la cuisinière.

Danser

d’Hautel, 1808 : Faire danser la danse de l’ours à quelqu’un. Le mener à la baguette ; lui donner les étrivières.
Faire danser quelqu’un. Le mener durement ; lui jouer quelque mauvais tours.
Danser le branle de sortie. S’en aller malgré soi d’un lieu où l’on se plaisoit.
Du vin à faire danser les chèvres. Pour dire du vin dur et vert, de la ripopée.
Il paie les violons et les autres dansent. Se dit de quelqu’un qui fait tous les frais d’une affaire, dont les autres retirent le profit.
Il en dansera. Menace que l’on fait à quelqu’un pour dire qu’on se vengera de lui.
Toujours va qui danse. Signifie qu’on pardonne volontiers à celui qui ne sait pas danser, en faveur de la complaisance qu’il met à faire danser les autres.

Larchey, 1865 : Payer. — Mot à mot : danser de ses écus.

C’étaient d’assez bons pantres. Enfin ils savaient danser.

De Lynol.

Delvau, 1866 : v. n. Perdre de l’argent ; payer ce qu’on ne doit pas. On dit aussi, à propos d’une somme perdue, volée, ou donnée : La danser de tant. Faire danser quelqu’un. Se faire offrir quelque chose par lui.

Delvau, 1866 : v. n. Exhaler une insupportable odeur, — dans l’argot des faubouriens. Danser du bec. Avoir une haleine douteuse. Danser des arpions. Avoir des chaussettes sales.

Rigaud, 1881 : Sentir mauvais ; principalement en parlant du fromage.

La Rue, 1894 : Payer. Mourir.

Virmaître, 1894 : Faire danser quelqu’un. Synonyme de faire payer (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Payer pour les amis.

Voilà plusieurs fois que je règle les dépenses, c’est toujours moi qui danse.

France, 1907 : Sentir mauvais ; allusion au fromage rempli de vers. Danser du bec, avoir mauvaise haleine.

France, 1907 : Payer. Il a dansé de dix ronds. Se dit aussi en parlant des écus.

Elle avait neuf frères ; on peut s’imaginer si mes écus dansèrent ; plus de cent cinquante dollars firent le saut.

(Hector France, Chez les Indiens)

France, 1907 : Mourir.

Danser (faire)

Delvau, 1866 : Battre, donner des coups. Faire danser ses écus. Dépenser joyeusement sa fortune.

Rigaud, 1881 : Donner des coups. — La danser, recevoir des coups. — Être congédié, perdre sa place. — Payer pour un autre.

Danser (la)

Delvau, 1866 : v. n. Perdre son emploi, et, par extension, la vie. Signifie aussi : Être battu.

France, 1907 : Être battu, gourmandé. Se dit aussi pour mourir.

Danser (ne pas savoir sur quel pied)

France, 1907 : Être embarrassé, ne savoir que faire.

Chaque préfet de police apporte des idées nouvelles, un caractère différent, des plans qui anéantissent tout ce qu’a créé son prédécesseur, et que son successeur mettra de côté comme absurdes. Que d’innovations n’avons-nous pas vu annoncer comme des merveilles, et que ont été reconnues comme impraticables, dès les premiers essais : les commissaires de nuit, les visites de postes, etc. ! Tous les deux ans, cette malheureuse administration est obligée de se métamorphoser de fond en comble… On ne sait jamais, comme on dit, sur quel pied danser.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

Danser de

Larchey, 1865 : Se mettre en frais de…

Je dansais pour c’te reine d’un joli châle tartan.

A. Cahen, Chansons.

Rigaud, 1881 : Payer ; généralement employé dans le sens de payer pour un autre. — Danser d’une demi-douzaine de consommes au cafemar, payer une demi-douzaine de consommations au café.

Danser devant le buffet

Larchey, 1865 : N’avoir rien à manger.

Tu bois et négliges ta besogne, Tu me fais danser devant le buffet.

Aubry, Chansons.

Nous faudra danser sans musique devant le buffet, aux heures des repas.

Chansons, Clermont, 1835.

Delvau, 1866 : v. n. N’avoir pas de quoi manger, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : N’avoir rien à se mettre sous la dent. — Pour égayer la situation on danse devant le buffet, comme David dansait devant l’arche.

Rossignol, 1901 : Ne rien avoir à manger.

France, 1907 : Jeûner par force, n’avoir rien à se mettre sous la dent.

Qu’on me nomme : alors plus de danses folles !
Adieu la bourrée et les farandoles !…
Ce sera bien fait !
On pourra, d’un air décent et sévère,
Danser seulement, quand je serai maire,
Devant le buffet !

(Daniel, Le Grelot)

Danser du bec

Virmaître, 1894 : Puer de la bouche (Argot du peuple). V. Trouillotter de la hurlette.

Danser l’anse de panier (la faire)

Virmaître, 1894 : Domestique qui majore les denrées qu’elle achète et fait payer cent sous à la patronne ce qui en vaut quarante (Argot du peuple).

Danser l’anse du panier (faire)

France, 1907 : Spécialité des cuisinières et, généralement, des domestiques qui comptent à leur maître les denrées à un prix très supérieur à celui qu’elles les ont payées.

Je m’acostois souvent de certaines servantes
Que je voyais toujours propres, lestes, pimpantes,
Et qui, pour soutenir l’éclat de leurs atours,
Sur l’anse du panier faisaient d’habiles tours !

(La Mallose des Cuisinières)

Danser le branle du loup

France, 1907 : (ou ajoute généralement : la queue entre les jambes). Avoir peur, n’être pas à son aise, à cause de la manière de marcher du loup, qui a constamment la queue entre ses jambes comme un chien effrayé.
Cette expression a aussi une signification obscène, beaucoup plus en usage.

— Je ne connais qu’une danse, répondait un faraud de village à qui l’on demandait de faire le quatrième dans un quadrille.
Et comme un groupe de jeunes campagnardes le regardaient d’un air interrogateur :
— C’est celle du loup, ajouta-t-il cyniquement.

Le mot se trouve dans Béroalde de Verville : « Il lui enseigna la danse du loup la queue entre les jambes. »

Danser tout seul

France, 1907 : Avoir mauvaise haleine.

Danseur

d’Hautel, 1808 : Un danseur. Terme d’argot, qui signifie un dindon, que l’on appelle aussi, dans le même patois, un Jésuite.

Clémens, 1840 : Dinde.

Delvau, 1866 : s. m. Dindon, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Dindon. — Par allusion, sans doute, à la danse des dindons, danse obtenue à l’aide d’une plaque de tôle qu’on chauffe par degrés et sur laquelle un imprésario a préalablement posé les Taglioni à plumes.

France, 1907 : Dindon. L’expression est vieille, car elle fait allusion au dindon que les bateleurs de foires posaient sur des plaques de fer chaudes, ce qui les obligeait à lever comiquement leurs pattes comme s’ils dansaient. Nos mœurs actuelles ont complétement fait disparaître ce spectacle cruel.

Dar dar ou dare dare

France, 1907 : Rapidement, vite. Du vieux verbe darer, courir, lancer.

Dar-dar

Larchey, 1865 : Tout courant.

Qu’il vienne tout de suite ! — Oui, dar-dar…

Labiche.

Même racine que le mot suivant. Dar (dare) serait l’impératif de darer.

Darbe

France, 1907 : Le père ou la mère. Grand ou grande darbe, l’aïeul ou l’aïeule. Sans darbe, orphelin.

— I1 est de son intérêt de se réconcilier avec sa mère… d’autant plus que son père… inconnu au bataillon.
— Ah ! s’exclama la Noire, regardant le jeune homme avec un vif intérêt, monsieur est enfant de l’amour ?
— Oui, répondit Paméla, sa canaille de darbe s’est tiré les flûtes après s’être donné de l’agrément avec mademoiselle sa maman. Tous les mêmes, ces salauds d’hommes !

(Hector France, La Vierge Russe)

Darbe des darbes

France, 1907 : Dieu.

Darbe des renifleurs

France, 1907 : Préfet de police.

Darbuche

France, 1907 : Mère.

Dard

Delvau, 1864 : Le membre viril — avec lequel on pique les femmes, qui aiment toutes à être ainsi piquées.

… Il devient dard avec le pioupiou.

Louis Protat.

Ce brutal, ce Maure arrogant,
Dans son amoureuse-tempête,
S’élance au cul, le dard en main.

B. de Maurice.

Rigaud, 1881 : Glaive qui ne donne pas la mort, au contraire.

France, 1907 : « Exprime le superlatif de la vitesse, qu’il s’agisse de courir ou de travailler : courir comme un dard ou chiader tel le dard. On comprend l’origine du mot : le dard des animaux est lancé avec une grande vitesse. Dans le langage ordinaire, on emploie avec le même sens le mot dare dare, qui n’a cependant ni la même orthographe, ni surtout la même origine. »

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Dard ou Dardillon

Rossignol, 1901 : Voir bogue.

Dardant

anon., 1827 : L’Amour.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Amour.

Bras-de-Fer, 1829 : L’amour.

Halbert, 1849 : L’amour.

Larchey, 1865 : L’amour. — C’est l’archerot de nos anciens poètes, c’est Cupidon dardant son trait. — V. Coquer.

Icicaille est le théâtre Du petit Dardant ; Fonçons à ce mion folâtre Notre palpitant.

Grandval, 1723.

Delvau, 1866 : s. m. L’amour, — dans l’argot des voleurs, qui aiment la femme avec excès.

La Rue, 1894 : L’amour. Liaison amoureuse.

Rossignol, 1901 : Soleil.

France, 1907 : L’Amour.

Ici-caille est le théâtre
Du petit dardant ;
onçons à ce mien folâtre
Notre palpitant.

(Grandval, 1725)

Le mot s’emploie aussi au pluriel dans le sens de « mes amours ».

L’on vient, l’on me ligotte,
Adieu ma cambriole,
Mon beau pieu, mes dardants !

(Winter, forçat, 1829)

Dardant (le)

Hayard, 1907 : L’amour.

Dardant, le petit dardant

Rigaud, 1881 : L’amour, — dans le jargon des voleurs.

Dardants

Virmaître, 1894 : Mes amours (Argot des voleurs).

Dardelle

Delvau, 1866 : s. f. Gros sou, — dans l’argot des gamins, qui s’en servent pour jouer au bouchon.

Rigaud, 1881 : Pièce de deux sous.

France, 1907 : Gros sou.

Dardunne

Virmaître, 1894 : Cinq francs (Argot des voleurs). V. Tune.

France, 1907 : Cinq francs ; argot des voleurs.

Dare-dare

Delvau, 1866 : interj. À la hâte, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter cette expression à Diderot, qui s’en est servi dans son Neveu de Rameau.

Rigaud, 1881 : Vite, tout de suite. — Décaniller dare-dare, partir au plus vite.

Dariole

d’Hautel, 1808 : Au propre, espèce de pâtisserie légère. Au figuré, et seulement en style vulgaire, coup, morniffle que l’on donne avec la main.
Donner ou repasser des darioles à quelqu’un. Le maltraiter ; se porter sur lui à des voies de fait ; le battre.

Larchey, 1865 : Coup. — De l’ancien verbe darer : lancer vivement. V. Roquefort.

V’là que je vous y allonge une dariole
Qu’i r’pare avec son nazaret ;
Le raisinet coulait
D’son nez comm’ une rigole.

Le Casse-Gueule, ch., 1841.

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, coup de poing, — dans le même argot [du peuple].

Rigaud, 1881 : Coup, contusion.

Fustier, 1889 : Pâtisserie commune. Darioleur : pâtissier.

La Rue, 1894 : Coup de poing.

Virmaître, 1894 : Soufflet, coup de poing. A. D. La dariole est une pâtisserie commune qui se vend dans les fêtes publiques. Le pâtissier se nomme darioleur (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Coup.

France, 1907 : Pâtisserie commune.

France, 1907 : Coup ; du vieux mot darer, lancer.

Darioleur

France, 1907 : Mauvais pâtissier.

Dark horse

France, 1907 : Cheval qui n’a pas couru ; anglicisme ; mot à mot : cheval obscur, c’est-à-dire dont les qualités et les défauts ne se sont pas encore montrés.

Daron

d’Hautel, 1808 : Sobriquet que les ouvriers donnent à leurs bourgeois : ce mot signifioit dans le vieux langage, un vieillard fin et rusé.
Un daron. Se dit aussi d’un homme de la manique, d’un cordonnier.

anon., 1827 : Maître, père.

Bras-de-Fer, 1829 : Maître, père.

M.D., 1844 : Le père.

Halbert, 1849 : Maître, père.

Delvau, 1866 : s. m. Père, — dans l’argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot au vieux langage des honnêtes gens. Daron de la raille ou de la rousse. Préfet de police.

Virmaître, 1894 : V. Dabe.

Rossignol, 1901 : Père.

Daron de la rousse

France, 1907 : Préfet de police. On dit aussi : daron de la raille.

Daron ou dabe

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Maître d’une maison où l’on reçoit les voleurs.

Daron, daronne

Larchey, 1865 : Père, mère. — Daron de la rousse : Préfet de police. — Daronne du mec des mec. Mère de Dieu. V. Rebâtir.

Rigaud, 1881 : Maître, maîtresse. — Père, mère. — Daron de la raille, de la rousse, préfet de police. — Daronne du Mec des Mecs, daronne du grand Avre ou Havre, la mère de Dieu, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Maître, maîtresse. Père, mère.

Hayard, 1907 : Père, mère.

France, 1907 : Patron, patronne. Se dit aussi pour père et mère. Ce mot signifiait, dans le vieux langage, vieillard rusé. Il est encore employé, dans la Flandre française, dans le sens de maître de maison, et comme équivalent de chef de famille. Selon toute probabilité, c’est une corruption de baron, autrefois employé dans le sens de maître, de mari ; à moins, comme le dit Larousse, qu’il ne vienne de la racine sanscrite dar, déchirer, diviser, le maître de la maison divisant, faisant les parts aux siens.

Le daron, à pas lents, parcourt du même jour
La ville, les faubourgs et jardins tour à tour.

(Anonyme)

La double signification de mère et maîtresse de maison se retrouve dans les lettres adressées, de la prison de Luxembourg, à sa chère Lucile, par Camille Desmoulins. Il appelle constamment daronne Mme Duplessis, sa belle-mère, avec qui il habitait à Cachan.

(Intermédiaire des chercheurs et curieux)

Darone

M.D., 1844 : La mère.

Daronne

anon., 1827 : Maîtresse, mère.

Bras-de-Fer, 1829 : Maîtresse, mère.

Halbert, 1849 : Maîtresse, mère.

Delvau, 1866 : s. f. Mère. Daronne du Dardant. Vénus, mère de l’Amour. Daronne du grand Aure. la Sainte Vierge, mère de Dieu.

Virmaître, 1894 : Mère ; dans le peuple on dit la dabuche (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mère.

France, 1907 : Prune.

Daronne du dardant

Virmaître, 1894 : La déesse Vénus. Daronne, mère ; dardant, amour. Mot à mot : la mère des amours (Argot des voleurs).

France, 1907 : La mère de l’amour, Vénus.

Daronne du grand aure

Virmaître, 1894 : La Sainte Vierge. Je n’ai pu trouver nulle part la signification du mot aure (Argot des voleurs).

Daronne du mec des mecs

France, 1907 : La mère de Dieu.

Si tu consens à vous laisser rebâtir le ratichon et sa larbine, nous irons pioncer dans le sabri du rupin de ton villois, à cinquante paturons de la chique de la daronne du mec des mecs.

(Mémoires de Vidocq)

On dit aussi : daronne du grand Aure.

Daronne ou dabuche

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Maîtresse d’une maison où l’on reçoit les voleurs.

Daronne, davonne

La Rue, 1894 : Prune.

Darwinisme

France, 1907 : Doctrine de Charles Darwin sur l’Origine des espèces. Ce célèbre naturaliste explique la formation graduelle des individus, animaux et végétaux, ayant une origine commune et se modifiant insensiblement à travers les âges, par suite de l’influence des milieux et des sélections, de façon à former non seulement des variétés, mais des espèces différentes. Cette doctrine fut le signal d’un mouvement dont on trouverait peu d’exemples dans l’histoire de la pensée. La descendance animale de l’homme que Darwin n’ose reconnaître ouvertement, mais que tous ses écrits font pressentir, souleva le clergé tout entier contre l’auteur de l’Origine des espèces, qui portait un coupe mortel à l’argument décisif de toutes les religions, celui des causes finales, démontrant l’existence d’un Dieu intelligent. De leur côté, les socialistes prirent comme mot d’ordre les formules du naturaliste anglais, d’où ils tirèrent le terrible axiome de notre société moderne : « Struggle for life » (la lutte pour la vie).

Darwiniste

France, 1907 : Partisan de la doctrine de Darwin.

Les darwinistes affirment que, à l’origine, abeilles et castors auraient travaillé sciemment et que c’est à la longue seulement, qu’ayant trouvé la forme d’habitation convenant à leurs mœurs, ils s’en seraient tenus à cette forme et en auraient transmis le secret à leurs descendants, qui le mettent en pratique sans y rien changer, comme des machines. La vérité est que les darwinistes n’en savent rien.

(Paul Foucher)

Dasbuche

France, 1907 : Roi.

Dates (des) !

France, 1907 : Interjection de mépris ou de refus.

Ell’ se r’tourn’, lui dit : Des dattes !
Tu peux t’fouiller, vieux pruneau !
Tu n’tiens plus sur tes deux pattes.
Va donc, eh ! fourneau !

Dattes (comme des)

France, 1907 : Expression indiquant l’absence d’une chose.

— Ah ! madame, j’ai connu des artistes, moi… J’ai eu le plaisir de trinquer avec André Gill, le grand dessinateur, au cabaret des Assassins, sur la Butte, et j’ai fréquenté tous ces charmants garçons de Montmartre, Willette, Forain, Steinlen, Somm, Rivière… Par ici, on a moins de goût pour les arts… Je l’ai dit au patron, dans une bibine comme celle-ci, la peinture c’est comme des dattes.

(Edmond Lepelletier)

Daube

Rigaud, 1881 : Cuisinière, souillon de cuisine, par allusion au ragoût désigné sous le nom de daube.

Dauber

d’Hautel, 1808 : Il a été daube ; on l’a daubé comme il faut. Pour il a été berné, rossé, battu.

France, 1907 : Se moquer.

Plusieurs collègues d’Aline avaient flairé déjà quelque chose, s’étaient, à mots plus ou moins couverts, confié leurs soupçons ; et de maints côtés déjà l’on daubait sur cette petite sainte nitouche, cette petite dévergondée.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Daubeur

d’Hautel, 1808 : Pour railleur, moqueur, pointilleur, persiffleur.

Rigaud, 1881 : Forgeron qui bat le fer.

Dauche, doche

Rigaud, 1881 : Père, mère. Mon doche, mon père. Ma doche, ma mère, — dans le jargon des voyous. C’est le mot moderne.

Daudée

Rossignol, 1901 : Recevoir une daudée, c’est recevoir des coups.

Il pleurait pour rien, je lui ai flanqué une daudée, afin qu’il pleure pour quelque chose.

Hayard, 1907 : Volée.

France, 1907 : Tripoter. Passer à la daudée, recevoir des coups.

Daudée (passer à la)

Virmaître, 1894 : Souteneur qui floppe sa marmite quand elle ne rapporte pas de pognon (Argot des souteneurs). N.

Dauf

Virmaître, 1894 : V. Paf.

Rossignol, 1901 : Voir bogue.

Daufe

Hayard, 1907 : Verge.

Dauffe

Delvau, 1866 : s. f. Pince de voleur, dont l’extrémité est en queue de dauphin.

France, 1907 : Pince à effraction. On dit aussi : Jacques, Biribi, L’enfant, Sucre de pomme, Rigolo.

Dauffe, dauffin

Rigaud, 1881 : Pince, ciseau à froid, fausse clé, — dans l’ancien argot.

Dauffe, dauphin

La Rue, 1894 : Pince d’effraction.

Dauffer

Rossignol, 1901 : Il y a des gens qui prétendent qu’en mettant un fût en perce, poser la cannelle devant ou derrière, le vin a le même goût : c’est affaire d’appréciation.

Daune

France, 1907 : Maitresse de maison ; du latin dona.

Dauphin

Rigaud, 1881 : Souteneur ; le dos vert d’autrefois, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Souteneur.

France, 1907 : Souteneur.

Dauphin ou Dos fin

Delvau, 1866 : s. m. Souteneur de filles ; homme-poisson ad usum Delphinæ, ou toute autre sainte de même farine ou de même charbon.

Daussière

Halbert, 1849 : Femme publique.

Daussière, dossière

France, 1907 : Fille publique ; féminin de dos, souteneur.

David

Fustier, 1889 : Casquette de soie. Du nom du bon faiseur.

Parlant argot, portant les rouflaquettes bien cirées, la blouse de fil tirée aux épaules, le David crânement posé sur le front…

(Humbert, Mon bagne)

France, 1907 : Casquette de soie qu’affectionnent les souteneurs, vulgairement appelée casquette à trois ponts. David est, paraît-il, l’industriel qui, le premier, lança cette coiffure.

… Les rouflaquettes bien cirées, la blouse de fil tirée aux épaules, le David crânement posé sur le front…

(Humbert, Mon bagne)

Davone

Halbert, 1849 : Prune.

Delvau, 1866 : s. f. Prune, — dans l’argot des voleurs.

Davonne

France, 1907 : Prune.

Delvau, 1866 : adv. Oui, — dans l’argot des marbriers de cimetière.

Rigaud, 1881 : Oui, — dans l’argot des marbriers de cimetière. (A. Delvau)

La Rue, 1894 : Oui. Verre à boire.

France, 1907 : Nature de la femme. (Voir Écuelle).

Dé !

France, 1907 : Oui.

Dé (être de la)

La Rue, 1894 : Être malheureux.

France, 1907 : Être malheureux. est ici l’apocope de dèche.

De (se pousser du)

Rigaud, 1881 : Faire sonner avec ostentation la particule nobiliaire qu’on tient de ses aïeux ou qu’on s’est octroyée à soi-même.

France, 1907 : Placer cette particule devant son nom pour se faire passer pour noble.

Dé à boire

France, 1907 : Verre.

De bric et de broc

d’Hautel, 1808 : De bric et de broc, il s’est amassé une jolie fortune. Pour dire de côté et d’autre ; tant bien que mal.

De carton

Larchey, 1865 : De petite valeur. V. Occasion (D’), Michet.

De cuir d’autrui, large courroie

France, 1907 : Dicton appliqué à la très nombreuse catégorie de gens qui, fort économes quand il s’agit de ce qui leur appartient, taillent largement dans la propriété d’autrui et font les généreux avec le bien du voisin.

De fil en aiguille

France, 1907 : Passer d’un propos a l’autre.

De la bourrache !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des faubouriens, dont il n’est pas difficile de deviner le sens quand on connaît les propriétés sudorifiques de la borrago officinalis. C’est une expression elliptique très raffinée : Ah ! delà bourrache ! c’est-à-dire : «Tu me fais suer ! »

France, 1907 : Expression de refus.

De la haute

Clémens, 1840 : Être riche.

De nihilo nihil

France, 1907 : « De rien ne vient rien. » Dicton tiré d’un hémistiche d’une satire du poète latin Flaccus Persius, dont, avec notre manie d’estropier les noms propres, nous avons fait Perse.

De peu (gens)

France, 1907 : Expression par laquelle les bourgeois enrichis désignent ceux qui ne le sont pas.

Cela comporte des soupers où l’on boit trop et un dédain plein d’ignorance pour les gens de peu. — De peu, cela veut dire sans doute « de peu d’argent. »

(Edmond Lepelletier)

De quoi

d’Hautel, 1808 : Il n’y a pas de quoi. Réponse triviale et vulgaire que l’on fait à celui qui vous fait ses remercimens ; pour exprimer que le service qui en est l’objet, ne mérite pas un témoignage de reconnoissance.
De quoi ? Espèce d’interrogation qui exprime que l’on n’a pas bien entendu ce que l’on vous adressoit, et pour inviter à recommencer.

Delvau, 1866 : s. m. Fortune, aisance, — dans le même argot [du peuple]. Avoir de quoi. Être assuré contre la soif, la faim et les autres fléaux qui sont le lot ordinaire des pauvres gens. On dit aussi Avoir du de quoi.

De quoi (avoir)

Rigaud, 1881 : Avoir de quoi vivre.

France, 1907 : Avoir de l’argent. L’expression est ancienne, car on la trouve dans la Complainte de France de 1568 :

C’est moy qui te produis le moyen, le de quoy
Qui te fay redouter, qui fay qu’on te révère.

Le Caquet des bonnes chambrières, réimprimé en 1831, donne sur de quoi de nombreux exemples :

De quoy nourrist les macquerelles,
De quoy nourrist les macquereaulx,
De quoy fait vendre les pucelles,
De quoy nourrist les larronneaulx,
De quoy faict maint rapporteur faux,
De quoy pucelles faict nourrisses,
De quoy faict au monde maintz maux…

On lit ceci dans un placet de Chapelle au comte de Lude, pour lui demander du petit salé :

C’est le seul mets en bonne foi,
Qui peut mon trop petit de quoi
Sur ma table faire paraître
Pour nourrir ma famille et moi.

De riffe

Rossignol, 1901 : Autorité.

Quoiqu’il ne soit pas le patron, il m’a renvoyé de riffe.

De visu

France, 1907 : De vue ; latinisme.

Dé, dé à coudre

Rigaud, 1881 : Verre à boire. — Locution employée par les ivrognes pour désigner un verre de petite capacité. Est-ce que vous vous fichez de nous, que vous nous donnez des dés à coudre ?

Dead heat

France, 1907 : Course nulle ; anglicisme. Littéralement : chaleur morte, c’est-à-dire effort sans résultat, les deux concurrents étant arrivés sur la même ligne.

Déambuler

France, 1907 : Aller, marcher ; du latin ambulare.

Un fiacre, le long du trottoir,
S’en allait, plein de nonchaloir,
Roulant cahin, cahant,
Déambulant, suivant la rue,
Un arroseur municipal
Arrosait sans penser à mal,
Roulant cahin, cahant,
Déambulant…

(Aristide Bruant)

Débacher

Hayard, 1907 : Se lever.

Débâcher la roulotte

Virmaître, 1894 : Changer la voiture de place. Les forains emploient cette expression pour indiquer qu’ils vont d’une ville à une autre. (Argot des saltimbanques).

France, 1907 : Changer la voiture de place : argot des forains.

Débacle

d’Hautel, 1808 : Au figuré, mot ironique qui équivaut à bande, troupe, clique, coterie.

Débâcle

Rigaud, 1881 : Accouchement, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Accouchement.

France, 1907 : Accouchement.

Débacler

Halbert, 1849 : Ouvrir.

Larchey, 1865 : Ouvrir (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. Ouvrir, — dans l’argot des voleurs.

Débâcler

d’Hautel, 1808 : Venir à l’improviste, et en grande compagnie chez quelqu’un ou l’on n’est pas attendu.
Débâcler la lourde. En terme d’argot, veut dire, ouvrir la porte.

anon., 1827 : Ouvrir.

Bras-de-Fer, 1829 : Ouvrir.

Rigaud, 1881 : Ouvrir. — Débâcler la guimbarde, ouvrir la porte.

Rigaud, 1881 : Accoucher.

France, 1907 : Accoucher, ouvrir ; corruption de déboucler. Débâcler la roulante, ouvrir une voiture. Débâcler son chouan, ouvrir son cœur. Débâcler la lourde, ouvrir la porte.

Débâcler ou débrider

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Ouvrir. Débâcler la roulante, ouvrir la voiture.

Débacler son chouan

La Rue, 1894 : Ouvrir son cœur.

Débâcleuse

France, 1907 : Sage-femme. On dit aussi tâte-minette, madame Tire-monde.

Débâcleuse de mômes

Rigaud, 1881 : Sage-femme.

Débagouler

d’Hautel, 1808 : Au propre, dégueuler, vomir. Au figuré, parler sans ménagement, clabauder, en dégoiser.
On dit d’un bavard, d’un homme qui se plaît à dire des grossièretés, des injures, que quand il aura tout débagoulé, il finira par se taire.

Delvau, 1866 : v. a. Parler, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Cette expression est usitée dans les faubourgs pour qualifier un orateur de réunion publique qui débagoule son boniment (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Parler avec abondance.

France, 1907 : Parler.

Il montra le poing à la vision de cet inconnu hostile, débagoula un flot d’injures en sacrant effroyablement.

(C. Lemonnier)

Pour qu’on entende tes harangues,
Braille-les dans l’argot du jour ;
Pourquoi pas ? Tu dois, tour à tour,
Débagouler toutes les langues.

(André Gill, La Muse à Bibi.)

Débagouleur

France, 1907 : Parleur, orateur de réunions politiques, politicien à la douzaine.

Il se disait ouvrier peintre sur porcelaine, mais, comme la plupart des politiqueurs en chambre, il était débagouleur de club ; son atelier était la salle du cabaret, son établi le comptoir, ses pinceaux un grand verre et ses couleurs le litre à douze ; en fait de peinture, sa figure seule était enluminée, et les festons qu’il avait imaginés étaient ceux qu’il décrivait pour regagner son taudis…

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Débagouliner

Rigaud, 1881 : Raconter avec volubilité tout ce qu’on a sur le cœur. — Se répandre en injures, injurier avec bagou. C’est une variante de débagouler.

France, 1907 : Parler à profusion, pérorer en public.

Le tambour, un vieil abruti qui ne rate jamais une occase de se piquer le nez, va d’un roulement : mossieu le maire débagouline un pallas patriotocard ; ensuite, tambour battant, on déboule à la gare prochaine.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Débalinchard

France, 1907 : Flâneur.

Déballage

Delvau, 1864 : Le déshabillé des femmes. Telle qui, sur le boulevard, avec sa crinoline et les tromperies ouatées de son corsage, a un aspect très appétissant, n’a plus, une fois nue, que des séductions de manche à balai.

Faut voir ça au déballage… y a p’t-être plus d’ réjouissance que d’ viande là-dessous.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : s. m. Déshabillé de l’homme ou de la femme, — dans l’argot des faubouriens. Être volé au déballage. S’apercevoir avec une surprise mêlée de mauvaise humeur, que la femme qu’on s’était imaginée idéalement belle, d’après les exagérations de sa crinoline et les exubérances de son corsage, n’a aucun rapport, même éloigné, avec la Vénus de Milo.

Rigaud, 1881 : Opération qui, pour une femme, consiste à s’affranchir de ses appas d’emprunt et à se montrer sous un jour plus naturel. — Perdre au déballage, perdre à être vue dans le simple appareil. — Gagner au déballage, tenir plus qu’on ne promet. — Être volé au déballage, c’est mettre la main sur un Ary Schelfer alors qu’on croyait trouver un Rubens.

Rigaud, 1881 : Linge de femme.

Tout ce coin où traînait le déballage des dames du quartier.

(É. Zola.)

Virmaître, 1894 : Étalage par les camelots de marchandise sur la voie publique ou dans des boutiques louées au mois. Déballage se dit aussi dans le peuple d’une femme avec qui on couche pour la première fois.
— Tu la crois dodue, bien faite tu vas la voir au déballage ; elle a été moulée dans un cor de chasse (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Sortir du lit.

C’est une belle fille le soir, mais si tu la voyais au déballage, elle est rudement moche.

France, 1907 : Déshabillé. Être volé au déballage, s’apercevoir, en couchant avec une femme, que les charmes qui vous ont séduit sont des appas postiches. Plus le déballage cause de déceptions, dit un philosophe, plus c’est flatteur pour la couturière. Gagner au déballage : le triomphe des fausses maigres.

Le long de la plage,
Comme au déballage,
C’est un étalage
De gens mal bâtis ;
Maillots uniformes,
Où des corps difformes
Exhibent leurs formes
Et leurs abatis.

(L. Xanrof)

Déballage (être volé au)

Larchey, 1865 : Reconnaître dans les charmes d’une femme aimée autant d’emprunts décevants faits aux ressources de la toilette.

Il est accablé de rhumatismes ce qui le fait ressembler, au déballage, à ces statuettes que vous avez sans doute remarquées dans la vitrine des bandagistes.

Monselet.

Déballer

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Domange, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Déshabiller, enlever l’arsenal des faux-chignons, tournures, soutien des faibles, faux râteliers, et tous les trompe-l’œil de la toilette féminine.

Virmaître, 1894 : Soulager ses entrailles pour quinze centimes, ce que ne pouvait digérer Villemessant qui trouvait exorbitant d’être forcé de donner trois sous pour restituer un petit pain qui n’en coûtait qu’un et encore en laissant la marchandise (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Personne n’en est exempt.

Hayard, 1907 : Soulager ses entrailles.

France, 1907 : Déshabiller ; soulager ses entrailles ; exhiber.

Déballer des fonds de chapeaux (faire)

Fustier, 1889 : Ennuyer, obséder quelqu’un, dans l’argot des placiers et des commis voyageurs.

Déballer, déshabiller

La Rue, 1894 : Aller à la selle.

Déballonner

Rossignol, 1901 : Sortir de prison, du ballon.

Hayard, 1907 : S’évader.

Déballonner (se)

Virmaître, 1894 : S’évader. Mot à mot : se sauver du ballon (prison). Déballonner : accoucher. Se défaire de son ballon ou mieux du lève-jupes (Argot des voleurs).

France, 1907 : S’évader ; accoucher, c’est-à-dire se défaire de son ballon.

Débandade

d’Hautel, 1808 : Tout est à la débandade. Pour dire, tout est en désordre, sens-dessus-dessous ; sans aucune discipline.

Débander

Delvau, 1864 : Sentir son membre devenir mou, de dur qu’il était auparavant, soit parce qu’on a tiré un coup et qu’on est fatigué, soit parce qu’on ne se sent pas inspiré.

Tu ne me serres pas le vit comme tantôt… je sens que je débande.

La Popelinière.

Débanquer

France, 1907 : Faire sauter la banque.

Débarbouiller

Delvau, 1866 : v. a. Éclaircir une chose, une situation, — dans l’argot du peuple. Se débarbouiller. Se retirer tant bien que mal d’une affaire délicate, d’un péril quelconque. Se dit aussi du temps lorsque de couvert il devient serein.

Débarbouiller (se)

Rigaud, 1881 : Se tirer d’affaire. — Se sauver, quitter une société à la bâte.

France, 1907 : Se tirer d’affaire.

Pour te débarbouiller,
Va prendre un bénitier.

C’est-à-dire rien de tel pour se blanchir, lorsqu’on est tout souillé de vices et de rapines, que de se fourrer dans le giron de l’Église, se faire dévot et marguillier.

Toutes les vieilles salopes dont les hommes ne veulent plus prennent Jésus pour amant et se débarbouillent dans le bénitier.

Débarbouiller à la potasse

Rigaud, 1881 : Frapper au visage. — Avoir l’avantage sur son adversaire, soit dans une scène de pugilat, soit à un jeu quelconque.

La Rue, 1894 : Frapper au visage.

France, 1907 : Frapper quelqu’un au visage. On sait que la potasse est un corrosif.

Débarbouiller un mort

France, 1907 : Faire une chose inutile, prendre une peine superflue.

… C’était fini, elle avait pris son parti de donner dans le travers… elle allait partir avec elle… si elle ne l’emmenait pas… elle entrerait dans une maison de Paris, la première venue. S’entendre avec sa mère, c’était vouloir débarbouiller un mort.

(Edmond de Goncourt, La Fille Élisa)

Débardeur

Delvau, 1866 : s. m. Type du carnaval parisien, inventé il y a une trentaine d’années, et dont il ne reste plus rien aujourd’hui que ce léger fusain :

Qu’est-ce qu’un débardeur ? Un jeune front qu’incline
Sous un chapeau coquet l’allure masculine,
Un corset dans un pantalon.
Un masque de velours aux prunelles ardentes,
Sous des plis transparents des formes irritantes,
Un ange doublé d’un démon.

Rigaud, 1881 : Personnage carnavalesque à la mode en 1840. Le costume du débardeur mâle, comme celui du débardeur femelle, consistait en un large pantalon de toile ou de velours, serré à la taille par une ceinture, chemise bouffante, perruque et chapeau gris haute forme. Le débardeur femelle remplaçait le chapeau par le bonnet de police, et naturellement la chemise était aussi échancrée que le permettait l’indécence.

France, 1907 : Personnage de carnaval dont le costume n’a pourtant rien de commun avec celui des débardeurs des quais. On trouve dans Barthet cette flatteuse définition du débardeur femelle :

Qu’est-ce qu’un débardeur ?… Un jeune front
…qu’incline,
Sous un chapeau coquet, l’allure masculine,
Un corset dans un pantalon,
Un masque de velours aux prunelles ardentes,
Sous des plis transparents des formes irritantes,
Un ange doublé d’un démon.

Débarquer

La Rue, 1894 : Se débarrasser de quelqu’un. Se débarquer, renoncer, se retirer.

Débarquer (se)

Rigaud, 1881 : Renoncer à.

France, 1907 : Renoncer à une affaire que l’on croit mauvaise. On se retire du bateau qui va sombrer.

Débarquer, déporter

Hayard, 1907 : Renvoyer, congédier.

Débarras

d’Hautel, 1808 : C’est un bon débarras. Se dit de quelqu’un, ou de quelque chose dont on se félicite d’être débarrassé.

Débâté

d’Hautel, 1808 : C’est un vrai âne débâté. Pour, c’est un bourru, un butor, un homme impétueux, qui agit sans ménagement ni précaution.

Débattre

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas se débattre de l’épée qui est chez le fourbisseur. C’est-à-dire, se disputer sur une chose que l’on ne possède pas, ou sur un événement qui n’est pas encore arrivé. Voyez Chape.

Débaucher

Rigaud, 1881 : Congédier. Par opposition à embaucher, — dans le jargon des typographes. — Se débaucher, s’octroyer son congé.

Boutmy, 1883 : v. a. Congédier, renvoyer. Il a été débauché, on l’a remercié, on l’a renvoyé de l’atelier.

France, 1907 : Renvoyer, congédier. Le contraire d’embaucher.

Débaucher une fille

Delvau, 1864 : Lui prendre son pucelage et lui donner le goût de la pine — qu’elle ne perdra plus désormais qu’en perdant le goût du pain.

Débecqueter

Fustier, 1889 : Vomir.

Rossignol, 1901 : Dégoûter. — « Tu me dégoûtes, tu me débectes. » Une chose écœurante est débectante. — « Je suis passé à la morgue, c’était débectant. »

Débectant

Fustier, 1889 : Ennuyeux, désagréable.

Mentor qui connaissait tout le fourbi, dit alors à Télémaque : C’est débectant, mais au fond, ça ne fait rien…

(A. Leroy : Les mistouf’s de Télémaque.)

France, 1907 : Ennuyeux, sale, dégoûtant.

Débecter

La Rue, 1894 : Vomir. Ennuyer.

France, 1907 : Vomir.

Débinage

Larchey, 1865 : Médisance.

Compliments désagréables, indiscrétions et débinages.

Commerson.

Delvau, 1866 : s. m. Médisance, et même calomnie, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Propos malveillant. — Fuite.

La Rue, 1894 : Médisance. Débiner, médire, nuire à quelqu’un en parlant mal sur son compte.

France, 1907 : Médisance. Occupation à laquelle se livrent généralement les « bons petits camarades » de lettres, lorsque l’un des leurs vient de les quitter.

Le Journal des Goncourt est une des lectures des plus passionnantes de ce temps. Il m’a tour à tour charmé et énervé, séduit et irrité ; il a l’attrait d’un écrit satirique contre les meilleurs de nos contemporains, ce qui flatte la méchanceté endormie en nous ; bourré d’anecdotes, de bruits, de conversations, il manque de valeur documentaire, parce que leur vision est étroite, petite, menue, morcelée, troublée. un fond de malveillance et de débinage.

(Henri Bauer, La Ville et le Théâtre)

Débinance

Rigaud, 1881 : Médisance. C’est une forme nouvelle de débinage. Mince de débinance.

Boutmy, 1883 : s. f. Action de débiner, de dire du mal de quelqu’un.

Débine

d’Hautel, 1808 : Mot fait à plaisir, et qui signifie, délabrement, déchéance, misère, pauvreté.
Être dans la débine. Être déchu de sa condition ; être déguenillé ; réduit à une extrême indigence.

M.D., 1844 : Dispute.

un détenu, 1846 : Misère, indigence.

Larchey, 1865 : Mot qui signifie déchéance, misère, pauvreté (d’Hautel, 1808).

La débine est générale, je suis enfoncé sur toute la ligne.

Montépin.

Delvau, 1866 : s. f. État de gêne, misère, — dans le même argot [des faubouriens]. J’ai entendu dire Dibène (pour malaise, dépérissement) sur les bords de la Meuse, où l’on parle le wallon, c’est-à-dire le vieux français. Tomber dans la débine. Devenir pauvre.

Rigaud, 1881 : Grande misère, misère noire.

La Rue, 1894 : Misère. Se débiner, tomber dans la misère ou s’affaiblir, devenir malade.

Virmaître, 1894 : Se prend de manières différentes. Être dans la misère la plus complète.
— Je suis dans la débine.
— Je m’en vais, je me sauve, je me débine (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Misère.

Hayard, 1907 : Misère.

France, 1907 : Misère, pauvreté.

Le paletot râpé abrite autant de souffrances que la blouse, mais il les montre moins apitoyantes. La débine de l’employé est sans issue, sans espoir. La redingote, cuirasse de détresse, supporte des assauts et cache des blessures secrètes et profondes que ne connurent jamais veste et bourgeron.

(Edmond Lepelletier)

Une vraie potée d’asticots, un groupe d’enfants malingres et vicieux, champignons vénéneux poussés sur le fumier civilisé, s’amusaient à se tordre et à se mordre tout en grattant des peaux de lapin. Filles et garçons, demi-nus, grelottants, s’égayaient et s’échauffaient en paroles cyniques et en ébats infâmes : pullulation de l’égout social, fleurs de crapule et fruits de potence, gâtés en germe, et mûrissant dans cette serre chaude de la débauche et de la débine pour les récoltes du bagne et les moissons de l’échafaud.

(Félix Pyat, Le Chiffonnier de Paris)

Débiné (être)

M.D., 1844 : Être salle.

Débine (la)

anon., 1907 : La misère.

Débiner

d’Hautel, 1808 : Décroître, aller en décadence, perdre sa fortune, son emploi, ses ressources, se laisser aller en guenilles.
Il est tout débiné. Pour dire, il a un habit tout déguenillé ; il est dans la pénurie, dans le besoin.

anon., 1827 : Parler contre.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Parler contre un confrère, le dénoncer.

Bras-de-Fer, 1829 : Parler contre.

M.D., 1844 : Mépriser.

un détenu, 1846 : Parler mal d’autrui.

Larchey, 1865 : Médire.

On le débine, on le nie, on veut le tuer.

A. Scholl.

Delvau, 1866 : v. a. Médire, — et même calomnier. En wallon, on dit : Dibiner, pour être mal à l’aise, en langueur. Se débiner. S’injurier mutuellement.

Rigaud, 1881 : Dire du mal. — Déprécier. Mot à mot : mettre quelqu’un ou quelque chose dans la débine, l’appauvrir moralement.

Boutmy, 1883 : v. Dénigrer, dire du mal de quelqu’un. N’est pas particulier au langage typographique.

Virmaître, 1894 : Dire du mal de quelqu’un.
— Nous l’avons tellement débiné qu’il n’a pu réussir (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Dire du mal de quelqu’un c’est le débiner.

Hayard, 1907 : Critiquer, (se), partir.

France, 1907 : Décrier, médire ; le plus grand plaisir des femmes, après celui de tromper leur amant ou leur mari, et la consolation des ratés.

— Je puis, deux heures d’affilée, débiner les camarades au café. Mais, dès que j’essaie de travailler, je sens que je vais mourir, je meurs, je m’éteins.

(Émile Goudeau, Le Journal)

— C’est comme ça, madame ! Par dépit ! Par jalousie ! Et elle nous débine toutes auprès de vous, et vous la croyez, vous la soutenez.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

anon., 1907 : Dire du mal de quelqu’un.

Débiner (se)

Delvau, 1866 : S’en aller, s’enfuir. En wallon, on dit Biner pour Fuir.

Rigaud, 1881 : Se sauver.

Rigaud, 1881 : S’affaiblir, se sentir malade, perdre ses forces, — dans le jargon du peuple. — Se débiner des fumerons, ne pas être solide sur ses jambes. (L. Larchey)

Rossignol, 1901 : S’en aller, se sauver. « Je suis presse, je me débine. » — « Je me suis débiné des agents. »

France, 1907 : Se défaire, s’affaiblir ; tomber dans la misère ou dans la maladie. S’en aller. Se débiner des fumerons, se sauver.

anon., 1907 : S’en aller.

Débiner le pante

La Rue, 1894 : Voler l’homme qu’un autre s’était réservé de voler.

France, 1907 : Voler l’homme qu’un autre voleur s’était réservé ; profiter des affaires ou des plans d’un autre. Débiner, dans ce cas, doit venir du provençal debina, deviner. On devine, en effet, la victime dont un autre voulait s’emparer.

Débiner le truc

Delvau, 1866 : v. a. Vendre le secret d’une affaire, révéler les ficelles d’un tour. Argot des saltimbanques.

Virmaître, 1894 : Compère mécontent qui révèle le secret de son associé (Argot des voleurs).

France, 1907 : Révéler le secret.

— Ainsi, me voilà comte !… comte de Latra !… Que cet imbécile ait gobé ou non ma noblesse de fraîche date, je m’en soucie comme d’un faux florin… Ce n’est pas lui qui ira me vendre… débiner le truc… Comte de Latra ! Eh bien, quoi ! n’ai-je pas l’air d’un comte comme un autre ? Il y en a tant qui ont la mine de savetiers.

(Hector France, La Mort du Czar)

Débineur

Rigaud, 1881 : Celui qui débine. Les amis sont des débineurs par excellence.

Débineur, débineuse

France, 1907 : Medisant, cancanier. S’emploie aussi adjectivement.

Elle parlait des gens qui n’étaient pas là, de leur maison, de leurs meubles, de leurs bêtes, de leurs pas, de leurs gestes, de leur argent, de leurs défauts, de leurs vices, de leurs crimes. Car sa conversation était enragée, débineuse, mauvaise. Elle suspectait tout, inventait des péripéties dans ce lieu morne, déployait une imagination terrible, disait que celui-ci volait des légumes la nuit, qu’elle l’avait entendu marcher, — que cet autre volait le lait des vaches, — qui cette vieille avait été, était encore une bête de luxure, — que ce vieux avait brûlé son père dans son lit pour hériter plus vite.

(Gustave Geffroy)

Débiscassié, débistoché

France, 1907 : Fatigué, éreinté ; du patois rémois.

— Ah ! mon pauv’ fieu ! V’là ce que c’est que d’épouser une jeune femme qu’a pas du sang d’navet dans les veines et qui aime trop qu’on lui arrose le bénitier. J’en suis tout débiscassié, quoi !

(Les Propos du Commandeur)

Débiteur, débitrice

France, 1907 : Personne employée, dans les magasins au détail, au débit, enfin les vendeurs et les vendeuses.

Certes, je ne vais pas jusqu’à dire que les chefs de rayon font marcher leur personnel à coups de trique, et que les inspecteurs passent leur temps à enfoncer des aiguilles sous les ongles des débitrices…
Mais si tous les patrons ne sont pas des hourreaux, je vous certifie que toutes les vendeuses sent des victimes.
Il n’est pas de métier plus ingrat, de sort plus dur, de situation plus pénible que celle de ces jeunes femmes gagnant à peine et si durement leur maigre vie.

(Jacqueline, Gil Blas)

Déblayer

d’Hautel, 1808 : Pour sortir d’embarras, se débarrasser de quelqu’un ou de quelque chose qui importunent ; mettre en ordre des affaires embrouillées.
Quand je serai déblayé ; quand mes affaires seront déblayées, etc.
Ce verbe ne se dit au propre qu’en parlant des terres et des matériaux que l’on ôte d’un endroit où ils embarrassent : hors de là il est de mauvais style, et ne peut figurer dans la bonne conversation.

France, 1907 : « Argot théâtral. Réciter avec volubilité le commencement d’une tirade pour arriver aux passages saillants que l’on débite avec plus de lenteur, en les soulignant plus particulièrement, de façon à provoquer les applaudissements à ce qu’en appelle les bons endroits. »

(Gustave Fustier)

Se dit aussi pour raccourcir, écourter un rôle.

Débloquer

Larchey, 1865 : Lever une consigne. V. Bloquer.

France, 1907 : Lever une punition dans l’argot militaire, faire sortir du bloc.

Débonder

d’Hautel, 1808 : Au propre, ôter la bonde d’un tonneau. Au figuré et par facétie, faire ses nécessités après s’être long-temps retenu ; ou après une colique douloureuse ; il signifie aussi ouvrir son cœur à quelqu’un ; s’entretenir du sujet de ses chagrins, de ses peines.

Delvau, 1866 : v. n. Alvum deponere, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Se soulager les entrailles.

— Nom de Dieu ! dit Balourdeau, v’là mon ventre qui gargouille, il va falloir me débonder.

(Les Propos du Commandeur)

Débonder (se)

Rigaud, 1881 : Sacrifier à la compagnie Lesage.

Déboquer

France, 1907 : Enlever les fagots du bois. Terme de bûcheron ; du vieux français boquet, bois.

Ces sages lenteurs sont bonnes tout au plus l’hiver, en saison de repos, si, d’aventure, il n’y a pas fumiers à charrier ou fagots à déboquer.

(Ecarnot)

Déborder

Delvau, 1866 : v. n. Rejeter hors de l’estomac le liquide ou la nourriture ingérés en excès, — dans le même argot [du peuple]. Se faire déborder. Se faire vomir.

France, 1907 : Vomir.

Déboucher une rue

Rigaud, 1881 : Payer les dettes qu’on a dans une rue. Les dettes bouchent la rue et empêchent le débiteur timide d’y passer.

Déboucler

Halbert, 1849 : Ouvrir.

Larchey, 1865 : Faire sortir de prison (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. Mettre un prisonnier en liberté, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Rendre un prisonnier à la liberté. — Ouvrir. — Déboucler une guimbarde à coups de sorlots, ouvrir une porte à coups de pied.

La Rue, 1894 : Ouvrir. Rendre à la liberté. Accoucher.

Rossignol, 1901 : Ouvrir.

J’étais enfermé, on vient de me déboucler.

France, 1907 : Faire sortir de prison, rendre à la liberté ; accoucher ; ouvrir. Déboucler sa valise, mourir. Déboucler ses naseaux, faire attention, étudier le terrain. Allusion au cheval qui renifle dans l’obscurité.

Déboucler sa valise

Virmaître, 1894 : Mourir. On devrait plutôt dire boucler car le voyage est assez long (Argot des commis voyageurs).

Déboucleur de lourdes

Fustier, 1889 : Voleur qui a la spécialité de fracturer les portes.

France, 1907 : Voleur avec effraction.

Débouler

Fustier, 1889 : Accoucher.

Virmaître, 1894 : Femme qui accouche. Allusion de forme ; enceinte à pleines ceintures, elle est ronde comme une boule ; accouchant elle déboule (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Arrivée subite de quelqu’un que l’on n’attendait pas.
— Il déboule subito (Argot du peuple).

France, 1907 : Accoucher. Littéralement : s’enlever la boule. Arriver subitement et sans être attendu ; s’enfuir et rouler en tombant. Du patois rémois.

Déboulonnage

Rigaud, 1881 : Action de déboulonner.

Déboulonné (n’avoir rien)

France, 1907 : N’avoir rien inventé ; ne rien produire.

Déboulonner

Rigaud, 1881 : Vendre, écouler, — dans le jargon des libraires. — Déboulonner dix mille exemplaires d’un ouvrage.

Rigaud, 1881 : Enlever les plaques de métal qui recouvrent la maçonnerie de certains monuments. — Le peintre Courbet voulait seulement déboulonner la colonne Vendôme. Sa pensée, paraît-il, fut mal interprétée, et la colonne fut renversée.

Déboulonner sa colonne

Virmaître, 1894 : Mourir. Cette expression n’est employée que depuis 1871, lorsque les communards jetèrent la colonne Vendôme par terre parce qu’elle gênait Courbet (Argot du peuple).

France, 1907 : Mourir. Allusion à la colonne Vendôme que Courbet voulait faire déboulonner et que les communards renversèrent.

Déboulonner, débrouillonner

France, 1907 : Vendre ; se débarrasser de ses bouillons.

Déboulonneur

Rigaud, 1881 : Amateur du déboulonnage, individu qui a pris part au renversement de la Colonne. — Longtemps, sur les murs de Paris, le nom de « Courbet » fut accolé à l’épithète de « déboulonneur. »

Débourrer

d’Hautel, 1808 : Il commence à se débourrer. Pour il devient insensiblement plus civil ; il se familiarise avec le ton, les usages du monde et les bienséances sociales.

Delvau, 1866 : v. a. Déniaiser quelqu’un, — dans l’argot du peuple. Se débourrer. S’émanciper, se dégourdir.

Fustier, 1889 : Jargon des maquignons. Cheval débourré, cheval qui a perdu l’embonpoint factice qu’on lui avait donné pour le vendre.

Au bout de quelque temps, les fraudes se découvrent, l’embonpoint factice s’affaisse, les côtes reparaissent, et la bête est ce qu’on appelle débourrée…

(Siècle, 1867. Cité par Littré.)

Rossignol, 1901 : L’empereur n’y allait pas à cheval.

Hayard, 1907 : Aller aux water-closets.

France, 1907 : Déniaiser. Enlever la bourre d’innocence, dégrossir.

… Faites-nous des romans
Remplis de passions et de débordements ;
Qu’ils soient bien croustillants, gonflés de choses sales,
Détritus ramassés aux fanges de nos halles ;
Mettez-y des catins retroussant leur jupon…
Surtout des vieux paillards, au nez plein de roupilles,
Qui s’en vont débourrant toutes les jeunes filles.

(Barrillot, La Mascarade humaine)

Débourrer (se)

France, 1907 : Se décharger Le ventre ou, encore, s’émanciper.

En vain, nous, sexe fort,
Pour nous débourrer vite,
Nous avons encore tort.
Pour le beau sexe on fait
Des chalets de toilette,
Où la dame coquette
Fait… tout ce qui lui plaît.

(Henry Buguet)

Débourrer sa pipe

Rigaud, 1881 : Faire ses nécessités, — dans le jargon des ouvriers.

Virmaître, 1894 : V. Déballer.

France, 1907 : Faire ses besoins.

Débouscailler

Delvau, 1866 : v. a. Décrotter, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Décrotter. — Débouscailleur, décrotteur.

France, 1907 : Décrotter.

Débouscailleur

Delvau, 1866 : s. m. Décrotteur.

France, 1907 : Décrotteur.

Debout

d’Hautel, 1808 : Dormir tout debout. Éprouver une grande envie de dormir ; être accablé de fatigues ; se laisser abattre soit par la chaleur, soit par mollesse et fainéantise.
Il ne peut tomber que debout. Se dit d’un homme qui par ses talens, ses parens, ses amis, ses protecteurs, est à l’abri de l’indigence et de la nécessité.
Des contes à dormir debout. Voyez Contes.
On est plus couché que debout. Signifie qu’une grande partie de la vie se passe dans l’inaction et le repos

Déboutancher

M.D., 1844 : Déboutonner.

Déboutonné

d’Hautel, 1808 : À ventre déboutonné. De tous ses moyens, de toute sa force ; s’en donner à cœur joie.
Manger à ventre déboutonné. C’est-à-dire d’une manière intempérante, sans aucune mesure.

Déboutonner

d’Hautel, 1808 : Se déboutonner avec ses amis. Parler librement et ouvertement à ses amis, leur dire franchement ce que l’on a sur le cœur.

Virmaître, 1894 : Parler, avouer.
— Tu peux te déboutonner mon vieux, il faut que nous sachions ce que tu as dans le ventre. On dit aussi : Déculotte ta pensée (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Dire la vérité, se décider à avouer une chose. On dit aussi : il s’est déboutonné, il m’a donné ce que je lui demandais.

Il nous a offert une bouteille, ce n’est cependant pas son habitude de se déboutonner.

Déboutonner (se)

Delvau, 1866 : Parler franchement, dire ce qu’on a sur le cœur ou dans le ventre. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Parler franchement ; avouer.

— Vous payez… donc vous êtes mon gouvernement. Ah ! les idiots, s’ils m’avaient écouté !… J’étais prêt à tout, pourtant… oui, à tout, absolument à tout. Alors, vous disiez que les gens officiels ne veulent pas se débotonner ?… rien à faire avec eux ?…

(Hector France, La Mort du Czar)

Débraillé

d’Hautel, 1808 : Décoleté, découvert, vêtu avec une grande négligence.
Cette femme est toute débraillée. Pour dire est mise indécemment ; il règne dans tout son habillement un désordre honteux.

Débranler

d’Hautel, 1808 : Mot vulgaire et borné.
Pour exprimer qu’un homme est fort assidu à son travail, que rien ne peut le distraire de ses occupations ; qu’il ne désempare pas que sa tâche ne soit remplie ; on dit qu’il ne débranle pas de son ouvrage.

Débricabraqué

Virmaître, 1894 : Un bric-à-brac monte sa boutique de bric et de broque, ric-à-rac (petit à petit). On construit une pièce avec différents morceaux, un béquet par-ci, un béquet par-là. Si elle ne plaît pas au directeur, il faut que l’auteur la retape, qu’il la débricabraque. Mot à mot : qu’il la démolisse pour la rebricabraquer (Argot du peuple).

Débrider

d’Hautel, 1808 : Faire quelque chose sans débrider. Sans interruption, tout d’un seul trait.

anon., 1827 : Ouvrir.

Clémens, 1840 : Ouvrir.

M.D., 1844 : Ouvrir.

un détenu, 1846 : Ouvrir. Débrider une carrouble ; ouvrir une porte.

Larchey, 1865 : Ouvrir (Vidocq).Débrider les chasses : Ouvrir l’œil. V. Temps. — Débridoir : Clef.

Delvau, 1866 : v. n. Ouvrir, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : v. n. Manger avec appétit, — dans l’argot du peuple, qui assimile l’homme an cheval.

Rigaud, 1881 : Crocheter une serrure, ouvrir. — Débrider la margoulette, manger. — Débrider les chasses, ouvrir l’œil, faire attention.

Fustier, 1889 : Autoriser, permettre. Argot des forains. (V. supra, Brider.)

La Rue, 1894 : Ouvrir Manger. Crocheter une serrure. Autoriser.

France, 1907 : Ouvrir : terme de chirurgie. Manger, allusion au cheval que l’on débride pour le faire manger. Crocheter une serrure. Débrider la margoulette, manger. Débrider les châsses, ouvrir les yeux.

Puis dormoit sans desbrider jusques au lendemain huict heures.

(Rabelais)

Débrider la lourde

Halbert, 1849 : Ouvrir la porte.

Débridoir

Delvau, 1866 : s. m. Clef.

Rigaud, 1881 : Clé, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Clé.

Débridoire

Virmaître, 1894 : Outil de malfaiteurs (Argot des voleurs). V. Tâteuse.

Débris (vieux)

Rigaud, 1881 : Homme vieux, cassé, femme vieille, cassée.

Débrouillard

Rigaud, 1881 : Celui que rien n’embarrasse, qui sait toujours se tirer d’affaire.

Un grand garçon, ancien militaire, excuirassier de Reischoffen, très honnête et très débrouillard, comme on dit au régiment.

(Figaro du 17 juillet 1877.)

Ils étaient jeunes, bien tournés, débrouillards.

(Vicomte Richard, Les Femmes des autres.)

Virmaître, 1894 : Individu qui sait se débrouiller au milieu des ennuis de la vie et qui en sort victorieux. On emploie, dans les ateliers, cette image caractéristique, mais peu parfumée :
— Il sortirait de cent pieds de merde (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Celui qui sait se débrouiller pour sortir des mauvaises passes de la vie.

Hayard, 1907 : Arriviste.

France, 1907 : Homme actif, entreprenant, qui a de l’initiative et sait tirer parti de tout.

J’en sais qui, par traité, sont forcés de livrer deux romans par an à un éditeur, moyennant quoi l’autre leur fournit les moyens de dîner ; deux romans, vous entendez, sept cents pages, avec des descriptions, de la psychologie, de la pensée, le meilleur d’eux-mêmes.
Et ce sont les favorisés, les débrouillards, au-dessous desquels s’agitent ceux qui sont sans éditeur, sans journal, sans rien que leur papier blanc, leurs idées et leur obscurité, dont personne ne veut…

(F. Vandérem)

M. Bourgeois est un jeune dans toute l’acception du mot, puisqu’il n’a encore que quarante ans, et la chose parait à peine croyable quand on considère son brillant passé administratif. En même temps, c’est un débrouillard, possédant au service d’une intelligence hors ligne une faculté de travail infatigable.

(Écho de Paris)

Un jeune Anglais, établi depuis peu à Paris, se présente dans les bureaux d’un grand journal pour demander à faire du reportage.
Le directeur lui pose les questions d’usage :
— Avez-vous déjà écrit ?… Et, enfin, êtes-vous débrouillard ?
— Oh ! oui, monsieur, des brouillards… de la Tamise.

Débrouille

Fustier, 1889 : Argot des enfants. Débarras. S’emploie surtout dans le jeu de billes. Quand devant une bille visée se trouve un obstacle quelconque, un caillou, du sable, l’enfant qui vise s’écrie : débrouille ! et aussitôt il ôte l’objet qui le gênait, à moins que son camarade n’ait crié avant lui : sans débrouille !

France, 1907 : Débarras : argot des enfants.

S’emploie surtout dans le jeu de billes. Quand devant une bille visée se trouve un obstasle quelconque, un caillou, du sable, l’enfant qui vise s’écrie : Débrouille ! et aussitôt il ôte l’objet qui le gênait, à moins que son camarade n’ai crié avant lui : Sans débrouille !

(Gustave Fustier)

Débrouiller

Rossignol, 1901 : « Je me suis trouvé dans une mauvaise affaire, il m’a fallu me débrouiller pour en sortir. »

Débrouiller (se)

Larchey, 1865 : Vaincre les obstacles. — Usité dans la marine, où un homme qui se débrouille est un homme aguerri qui sait son métier.

France, 1907 : Savoir se tirer d’affaire, vaincre les difficultés.

Le fait est que monseigneur ayant prononcé l’interdit, il se trouvait sur le pavé, sans sou ni maille, comme un pauvre, un gueux ou un simple communard au retour de Nouméa. Comment vivre ? Ah ! oui, comment vivre ? À lui de se débrouiller.

(Hector France, Marie-Queue-de-Vache)

Débrouiller un rôle

France, 1907 : C’est, dans l’argot des coulisses, étudier le caractère et les sentiments du personnage que l’on doit représenter.

Débusquer

d’Hautel, 1808 : Chasser ; supplanter.
Il a fait tout ce qu’il a pu pour le débusquer. C’est-à-dire, pour prendre sa place ; lui ravir le fruit de ses travaux.

Débuter

Delvau, 1866 : v. n. Viser un but quelconque et s’en approcher le plus possible, afin de savoir qui jouera le premier aux billes, à la marelle, etc. Argot des enfants.

Décadener

Delvau, 1866 : v. a. Déchaîner, débarrasser de ses liens, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Retirer les menottes à un voleur.

Virmaître, 1894 : Quand le gendarme ôte le cabriolet d’un prisonnier, il le décadène. Mot à mot : il le dechaîne. On dit également dédurailler (Argot des voleurs).

France, 1907 : Déchaîner ; de cadenne, chaîne.

Décadent

France, 1907 : Disciple d’une sorte d’école littéraire qui s’est imposé la tache de rendre inintelligible, confuse et assommante la langue française. Ces littérateurs baroques tendent, comme jadis Ronsard, au XVIe siècle, à franciser des mots latins.

Les déctents schopenhauériens, symbolistes, chatnoiriens, égotistes, werthériens et autres abstracteurs de quintessence idéale nous ennuient. Voilà qui est net. Et j’ajoute qu’ils sont profondément ridicules et sots.

(Abel Peyrouton, Mot d’Ordre)

À l’encontre des décadents demeurés à Paris, et qui n’ont pas le droit de nous parler une langue incompréhensible, n’ayant d’ailleurs à nous révéler que des choses communes.

(Émile Goudeau)

Ô vous, les délicats artistes,
Délinquescents et décadents,
Translucides ; et symbolistes,
Il n’est que d’être Chambigistes !
Ça vous guérit du mal de dents.

(Gringoire)

Décadisme

France, 1907 : Abréviation de décadentisme. Mais, comme les décadents emploie ce mot à l’exclusion de l’autre, il faut s’y conformer.

Décalitre

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau rond, en forme de boisseau, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme.

Virmaître, 1894 : Chapeau. Il a, en effet, la forme d’un boisseau (Argot du peuple).

France, 1907 : Chapeau ou schako de haute forme.

Décalotter

Delvau, 1864 : Découvrir le prépuce qui recouvre le gland du phallus, soit en bandant trop fort, soit en jouant avec, pour examiner son état sanitaire. — J’aime cette habitude de politesse du membre viril, ôtant respectueusement sa calotte devant la femme — quelle qu’elle soit. Il est vrai qu’en l’ôtant ainsi sans précaution, il s’expose à s’enrhumer — et à couler : mais il a été poli, mais il a été galant, l’honneur est sauf.

Un vit, sur la place Vendôme,
Gamahuché par l’aquilon,
Décalotte son large dôme
Ayant pour gland… Napoléon !

(Parnasse satyrique.)

France, 1907 : « Mettre à jour le gland du pénis en faisant glisser la membrane ou calotte qui le couvre. »

(Dr Michel Villemont, Dictionnaire de l’amour et du mariage)

Décamper

d’Hautel, 1808 : S’esquiver ; déloger au plus vite s’enfuir à toutes jambes.

Delvau, 1866 : v. n. S’en aller, s’enfuir, — dans l’argot du peuple. Décamper sans tambour ni trompette. S’en aller discrètement ou honteusement, selon qu’on est bien élevé ou qu’on a été inconvenant. On dit aussi Décampiller.

Rossignol, 1901 : S’en aller.

Veux-tu décamper d’ici.

Décamper sans tambour ni trompette

Virmaître, 1894 : Lâcher une femme ou un patron sans les prévenir. Fausser compagnie à quelqu’un. Laisser une affaire en plan (Argot du peuple).

France, 1907 : Fausser compagnie, laisser en plan une personne ou une affaire sans prévenir.

Décampiller

France, 1907 : Partir.

Décanailler (se)

Delvau, 1866 : v. a. Sortir de l’obscurité, de la misère, de l’abjection, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Sortir de la misère ou de l’abjection.

Décanillage

France, 1907 : Départ, déménagement.

En juillet, le déménagement est une fête, Mais en octobre, n, i, ni, c’est fini de rire : le déménagement est funèbre et s’appelle de décanillage à la manque. »

(Jean Richepin)

Décaniller

Larchey, 1865 : Décamper. — Mot à mot : sortir du chenil (canil). V. Roquefort.

Ils ont tous décanillé dès le patron-jacquette.

Balzac.

Delvau, 1866 : v. n. Déguerpir, partir comme un chien, — dans le même argot [du peuple]. On demande pourquoi, ayant sous la main une étymologie si simple et si rationnelle (canis), M. Francisque Michel a été jusqu’en Picardie chercher une chenille.

Rigaud, 1881 : Partir.

Décanillons et presto !

(G. Marot, l’Enfant de la Morgue 1880.)

Virmaître, 1894 : Se lever de sa chaise ou de son lit.
— Allons, paresseux, décanille plus vite que ça (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Quitter sa chaise ou son lit.

France, 1907 : Partir, s’en aller ; quitter le chenil (canil).

— C’est fait, monsieur, me dit le garde, j’ai mis l’hospitalisés en chemin de fer… Je l’ai trouvé sur la porte de la cabane, en train de se chauffer au soleil… Si vous aviez vu son trou !… Il n’y a pas de baraque à cochons qui ne soit plus logeable… Le toit est percé comme une poêle à châtaignes ; l’eau dégouline des murs, et la pluie a transformé la litière en une purée de paille et de boue… Un vrai fumier, quoi !… Eh bien ! monsieur, croiriez-vous que le vieux était tout chagrin de quitter son chenil ?… Pendant un bon quart d’heure, il s’est mis à tourner tout autour de la hutte, en poussant des soupirs ; et quand il s’est enfin décidé à décaniller, ma parole ! Il pleurait, monsieur, il pleurait comme un gosse !

(André Theuriet)

L’un des hommes, haussé sur la pointe des pieds, chercha alors à regarder à travers les carreaux dépolis ; et comme il déclarait ne rien voir, les autres un à un décanillèrent.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Décapité parlant

Rigaud, 1881 : Imposteur. — Petit homme à grosse tête. — Le décapité parlant est un tour d’escamotage qui consiste à présenter au public une tête humaine sur une table recouverte d’une draperie. La tête répond aux questions qu’on lui adresse. Le tour s’exécute au moyen d’un système de miroirs combinés.

Décarade

Virmaître, 1894 : S’en aller au plus vite. En un mot, décarrer, partir (Argot du peuple). Une vieille chanson dit :

Allons, Flipote,
Met ta capote,
Et puis, décarrons-nous.

Décarade, carrement

Larchey, 1865 : Départ. — Jour du décarement : Jour de la mort. V. Bachasse.

Décarcassé

Rigaud, 1881 : Sans charpente, sans solidité, en parlant d’une pièce dramatique. (L. Larchey)

France, 1907 : Mal agencé. Se dit d’une pièce ou d’un ouvrage qui manque de charpente, ou d’une personne mal bâtie et de tournure ridicule.

Une vieille décarcassée, sexagénaire en deuil, à l’œil dur, à la mine sinistre, va de table en table jeter ses louis sur des numéros qu’elle nomme d’une voix stridente, semblant les évoquer de quelque chaudron où ont bouilli des tas de petits enfants…

(Hector France, Monaco)

Décarcasser

France, 1907 : Battre quelqu’un.

Décarcasser (se)

Larchey, 1865 : Agir activement. — Mot à mot : remuer sa carcasse.

Delvau, 1866 : v. réfl. Se démener, s’agiter bruyamment, — dans le même argot [du peuple].

Rigaud, 1881 : Se donner beaucoup de mal ; se démener. — Se décarcasser le boisseau, se tourmenter.

Virmaître, 1894 : S’échiner à faire un travail qui produit peu. Se décarcasser à courir pour arriver à l’heure de la cloche.
— J’ai beau me décarcasser, je ne suis pas plus avancé une année que l’autre (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Faire tout son possible pour arriver a quelque chose que l’on désire. On se presse, on se décarcasse, pour terminer un travail.

France, 1907 : Se dépêcher, se hâter de faire un travail ; secouer sa carcasse. Se décarcasser le boisseau, se torturer le cerveau.

Décaré

M.D., 1844 : Sortir de prison.

Décarer

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Se sauver.

Larchey, 1865 : Partir. Mot à mot : se faire voiturer dehors. V. Car, Roquefort.

Faut décarer. Ces gens la veulent m’assommer.

Dialogue entre Charles X et le duc de Bordeaux, chanson, 1832.

Décarer de belle

Bras-de-Fer, 1829 : Être sûr de se sauver.

Décarer ou décarrer

France, 1907 : S’en aller, fuir.

Allons, Flipote,
Mets ta capote
Et puis décarrons-nous.

(Vieille chanson)

Décarer de la geôle, sortir de prison. Décarer de belle, sortir de prison avec une ordonnance de non-lieu. Décarer à la bate, s’échapper.

Décarler

Clémens, 1840 : Sans le sol.

Décarpiller

Hayard, 1907 : Partager.

Décarrade

un détenu, 1846 : Sortie de prison.

Delvau, 1866 : s. f. Sortie, départ, fuite, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Fuite précipitée, fuite du voleur qui a la police à ses trousses. — La grande décarrade, la décarrade de la fin, la mort.

France, 1907 : Acquittement, fuite.

Cocantin, qui fait la cautionne,
Méfie-toi qu’un pierrot t’conne,
Assure-t’en, mais pas à crever ;
Puis enguirlande l’cuisinier,
Sur tézigue si l’lav’ton bavarde,
Offre-boi une décarrade.

(Hogier-Grison)

Décarrant

Clémens, 1840 : Sortant.

Décarre

Rigaud, 1881 : Acquittement.

France, 1907 : Même sens que ci-dessus. [Acquittement, fuite]

Décarre, décarrade

La Rue, 1894 : Acquittement. Fuite. Liberté.

Décarrement

Fustier, 1889 : Évasion. (V. Delvau : Décarrade.)

Décarrer

Clémens, 1840 : Se sauver.

un détenu, 1846 : Prendre la fuite.

Delvau, 1866 : v. n. S’en aller de Quelque part, s’enfuir. — dans l’argot des voleurs et du peuple.

Rigaud, 1881 : Acquitter en justice. — Se sauver. — Décarrer à la bate, s’évader. — Décarrer cher, avoir fait son temps de prison.

Rossignol, 1901 : Sortir. Celui qui sort de prison décarre. Lorsque les ouvriers sortent de l’usine, c’est la décarrade.

Hayard, 1907 : Être libéré, sortir.

Décarrer de belle

Delvau, 1866 : Sortir de prison sans avoir passé en jugement. Argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Sortir de prison à la suite d’une ordonnance de non-lieu. Mot à mot : Je l’échappe belle (Argot des voleurs).

Décarrer de l’avant

Clémens, 1840 : Se presser de courir.

Décartonner

Virmaître, 1894 : Mourir de consomption. Les commères disent : mourir à petit feu. Décartonner est synonyme de décoller (Argot du peuple).

Décartonner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Vieillir, ou être atteint de maladie mortelle, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Vieillir ; se dit principalement des femmes. Bien des femmes sont comme certains livres qui, à force d’avoir passé de main en main, finissent par perdre le cartonnage.

Boutmy, 1883 : v. pr. S’affaiblir, devenir poitrinaire. Terme emprunté aux relieurs.

La Rue, 1894 : S’affaiblir, tomber malade.

Hayard, 1907 : Être malade, dépérir.

France, 1907 : Devenir poitrinaire, s’affaiblir, vieillir.

Décati

Delvau, 1866 : adj. et s. Qui n’a plus ni jeunesse, ni beauté, qui sont le cati, le lustre de l’homme et de la femme.

Rigaud, 1881 : Usé, vieilli, flétri, en parlant des personnes. Allusion aux étoffes décaties, c’est-à-dire qui ont perdu leur apprêt.

France, 1907 : Décrépit, avachi, fatigué.

Ah ! il était bien changé ? Ce n’était plus le bel homme souriant, plein de confiance en lui-même, haut en couleur, à large poitrine et à solide croupe que toutes les dévotes admiraient, le vicaire aux longs cheveux bruns dont les boucles soyeuses frisottaient sur le cou blanc, faisant, lorsqu’il passait, vêtu de sa belle soutane de drap fin, troussée de façon à déployer les rondeurs des mollets, et chaussée de ses souliers à boucles d’argent, faisant, dis-je, tourner la tête aux petites ouvrières et aux demoiselles de la congrégation, tandis que les vierges mûres soupiraient, s’emplissant, faute de mieux, la bouche de son nom : « M. l’abbé Guyot par-ci ! M. le premier vicaire par-là ! Ah ! l’abbé Guyot ! » du même ton qu’elles eussent dit : « Ah ! mon aimable Sauveur ! » ou bien : « Ah ! le bon sucre d’orge ! » Hélas ! il n’était plus que l’ombre de lui-même, un fantôme d’abbé Guyot : maigre, râpé, les yeux cernés, les cheveux ras et en échelle, comme ceux d’un forçat, décati, lamentable.

(Hector France, Marie Queue-de-Vache)

Décatir (se)

Larchey, 1865 : S’user, s’enlaidir. — Allusion au décatissage des tissus.

Elle sentait la pane venir, elle se décatissait.

Les Étudiants, 1860.

Delvau, 1866 : v. réfl. Vieillir, enlaidir, se faner.

France, 1907 : Vieillir, s’enlaidir.

Décatissement

Fustier, 1889 : Mot plus trivial qu’argotique et synonyme de décrépitude, d’affaiblissement.

De là, — toujours style des jolis gommeux, — ce décatissement inouï, accompagné de phénomènes comateux…

(De Montépin : Sa Majesté l’Argent.)

Décavage

Rigaud, 1881 : Misère, ruine.

France, 1907 : État du joueur qui a perdu.

Vous connaissez le célèbre baron Rapineau. Le voici près du croupier, étalant sa face mafflue, son nez d’oiseau de proie et son ventre de silène. Une rosette raccrochée dans de véreuses affaires s’épanouit, insolente et énorme, sur son veston anglais. Un officier, en la voyant, met la sienne dans sa poche.
Il joue gros jeu, le maltôtier. De combien de larmes et de sueurs furent arrosés les billets volés qu’il entasse et les rouleaux d’or qu’il éventre sur le tapis ! Il perd, il gagne, il reperd. Hier, il a ramassé cent mille francs ; aujourd’hui, c’est la revanche de la banque, c’est le décavage !

(Hector France, Monaco)

Décavé

Larchey, 1865 : Homme ruiné, qui n’a plus de quoi caver à la roulette.

À Bade, les décavés vivent sur l’espérance aussi somptueusement que les princes de la série gagnante.

Villemot.

Delvau, 1866 : s. m. Homme ruiné, soit par le jeu, soit par les femmes, — dans l’argot de Breda-Street.

Rigaud, 1881 : Ruiné. Allusion aux joueurs de bouillotte décavés.

La Rue, 1894 : Ruiné.

France, 1907 : Joueur ruiné. Mot à mot : qui ne peut plus caver, c’est-à-dire ponter à la roulette.

Oh ! soyez assuré que son exemple n’empêchera pas demain une autre fille de marchand de lavements ou de débitant de limonades purgatives d’épouser le premier inutile rencontré, décavé, vanné, vidé, éteint, mais apportant à sa femme le droit de mettre sur ses cartes de visite une couronne plus ou moins entortillée.

(Edmond Lepelletier, Écho de Paris)

Corrects et mis à peindre, en costume gris fers,
Tubés, rasés de près et la peau satinée,
Deux par deux, stick en main, toute la matinée,
On les voit faire au Bois les cent pas du « masher »,
L’un doit à son coiffeur sa moustache d’or clair,
L’autre à son corsetier sa taille bondinée,
Le troisième à Guerlain sa peau veloutinée,
Et chacun au mépris l’objet dont il est fier.
Vieux beaux, pourvus trop tard de conseils de famille,
Prétentieux chercheurs de mariages rêvés,
De la Concorde au Bois, ce sont les décavés.

(Jean Lorrain)

— Tiens ! le petit vicomte ! quelle tête il fait ! Encore décavé, sans doute !

(Adolphe Belot)

Décavé de la vie

France, 1907 : Homme qui a tout perdu, argent, considération et espérance.

Décembraillard

Rigaud, 1881 : Partisan du coup d’état du 2 décembre 1851. Nom donné aux partisans de la dynastie napoléonienne par leurs adversaires politiques.

France, 1907 : Sobriquet donné par les républicains et les monarchistes aux bonapartistes en souvenir du coup d’État de décembre 1851. On dit aussi décembrailleur.

Décembrisard

France, 1907 : Même sens que ci-dessus.

Déchaîner

d’Hautel, 1808 : C’est un diable déchaîné. Se dit par exagération d’un enfant mutin, pétulant, difficile à maintenir. On se sert aussi de cette expression pour peindre un homme intrigant, processif et méchant.
Se déchaîner. Se mettre en colère ; entrer en fureur.

Déchanter

d’Hautel, 1808 : Être obligé de rabattre du ton que l’on avoit pris, ou des spéculations que l’on avoit faites ; dire tout le contraire de ce que l’on s’étoit d’abord proposé.
Il y a bien à déchanter. Pour, il en faut bien rabattre.

Delvau, 1866 : v. n. Revenir d’une erreur ; perdre une illusion ; rabattre de ses prétentions, — dans l’argot du peuple, fidèle sans le savoir à l’étymologie (décantare).

Rigaud, 1881 : Être désenchanté, par abréviation.

France, 1907 : Revenir d’une erreur. Voir s’effondrer ses espérances. Devenir modeste à la suite de déceptions. « On a chanté trop tôt victoire, on déchante maintenant. »

Leur vie d’autrefois recommença, morne et lourde après une courte accalmie. Elle avait été reprise d’une de ces fougasses amoureuses qui lui irritaient le sang, à chacune de ces comédies et décevaient Huriaux, comme un renouveau, un retour au bon temps. La fringale passée, il fut bien contraint de déchanter.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Décharboter

France, 1907 : Débarrasser. Du vieux mot bourguignon décharpoter, de charper, prendre avec violence, qui vient lui-même du latin carpere, gripper.

Déchard

Rigaud, 1881 : Pauvre, misérable ; celui qui est en proie à la dèche, — dans le jargon du peuple.

Eh bien, ces déchards-là, s’ils ne payent pas leur terme… on les fout sur le pavé sans pitié.

(Le Père Duchêne, 1879.)

Virmaître, 1894 : Qui est dans la dèche (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Celui qui dépense beaucoup.

Hayard, 1907 : Misérable.

Déchard, décheux

France, 1907 : Malheureux que poursuit la déveine.

Cancre, hère et pauvre diable
Dont la condition est de mourir de faim,

dit La Fontaine.

Il y a les hôtels des richards,
Tandis que les pauvres déchards,
À demi morts de froid,
Et soufflant dans leurs doigts,
Refilent la comète.

(La Ravachol)

Ce qu’on donne aux déchards, toujours on le regrette,
Pour tirer d’eux ce qu’on leur prête,
On en vient d’ordinaire aux propos aigres-doux,
Il faut plaider, il faut combattre.
Offrez-leur un « pied » chez vous,
Ils en auront bientôt pris quatre.

(Marc Legrand)

Décharge

d’Hautel, 1808 : Une décharge de coups de bâton. Pour dire la bastonnade.

Delvau, 1864 : Éjaculation.

Il faut que la femme, dans le point de la décharge, si elle veut que le coup porte, tienne les fesses serrées l’une contre l’autre et ne se remue en façon quelconque que tout ne soit fait et achevé !

Mililot.

L’éclair brille, Jupiter tonne,
Son vit n’en est point démonté ;
Contre le ciel sa tête altière,
Au bout d’une courte carrière,
Décharge avec tranquillité.

Piron.

Ah ! tu ne t’en iras pas que je n’aie déchargé.

La Popelinière.

Les capotes mélancoliques
Qui pendent chez le gros Millan,
S’enflent d’elles-mêmes, lubriques,
Et déchargent en se gonflant.

(Parnasse Satyrique.)

Décharger

d’Hautel, 1808 : Décharger son estomac ; décharger son ventre. Pour expectorer ; évacuer, aller à la selle.

Décharme

France, 1907 : Vareuse d’intérieur dont se servent les polytechniciens, adoptée en 1890 sur la proposition du colonel Décharme, commandant en second de l’École.

On appelle encore décharme la planche sur laquelle l’administration fait afficher les avis officiels qu’elle veut porter à la connaissance des promotions, avis officiels qui prennent le nom de déci, abréviation de décision.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Dechasse

Halbert, 1849 : Yeux.

Déchausser

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas se déchausser pour faire cet ouvrage. Pour dire, cela n’est pas bien difficile ; on peut aisément en venir à bout.
Il n’est pas fait pour le déchausser. Se dit par mépris d’un homme médiocre qui se compare à un homme supérieur.
Pied déchaux. Pauvre hère, malotru, qui veut trancher du grand seigneur.

Déchausser Bertrand

France, 1907 : Faire la débauche, se saouler à en perdre la raison et commettre toutes sortes de folies. Cette locution, hors d’usage, est donnée à titre de curiosité. En voici l’explication, d’après Guillaume Bouchet :

Il se peut que quelqu’un étant bien ivre, avoit déchaussé Bertrand, son valet, au lieu de se faire déchausser par lui, comme aux Saturnales, pendant la débauche desquelles le valet bien saoul se faisoit servit par son maistre, encore plus saoul.

Déche

Virmaître, 1894 : Synonyme de débine. Cette expression est due à une circonstance curieuse : Un colosse, nommé Hache, marchand de ribouis au marché du Temple, avait la passion du théâtre ; il figurait au cirque de l’ancien boulevard du Temple. Il occupait l’emploi de tambour-major de la garde ; c’était insuffisant pour son ambition : il voulait parler. À force d’obsessions, il obtint de Laloue de dire un mot dans une pièce. Il devait dire à Napoléon :
— Quel échec, mon Empereur !
La langue lui fourcha, il avait oublié sa phrase. Alors, à tout hasard, il s’écria :
— Sire, ah ! quelle dèche !
L’expression est restée, et, dans le peuple, quand on veut indiquer un grand, malheur elle est employée (Argot du peuple).

Dèche

un détenu, 1846 : Voleur dans la débine.

Halbert, 1849 : Perte, misère.

Larchey, 1865 : Ruine, misère. — Abrév. de déchet.

Elles se présentent chez les courtisanes dans la dèche.

Paillet.

Sans argent dans l’ gousset, C’est un fameux déchet.

Chansons. Avignon, 1813.

Delvau, 1866 : s. f. Pauvreté, déchet de fortune ou de position, — dans le même argot [du peuple]. Ce mot, des plus employés, est tout à fait moderne. Privat d’Anglemont en attribue l’invention à un pauvre cabotin du Cirque, qui, chargé de dire à Napoléon dans une pièce de Ferdinand Laloue : « Quel échec, mon empereur ! » se troubla et ne sut dire autre chose, dans son émotion, que : « Quelle dèche, mon empereur ! »
Être en dèche. Être en perte d’une somme quelconque.

Rigaud, 1881 : Misère momentanée. La dèche est moins forte, moins soutenue que la débine, et surtout que la panne. — Dans une pièce militaire de Ferdinand Laloue, l’acteur chargé de donner la réplique à l’Empereur et de répondre : « Hélas ! quel échec, mon Empereur ! » se troubla. Destiné aux rôles muets, il parlait pour la première fois ; son émotion fut si grande que, bredouillant, il répondit : « Quelle dèche, mon Empereur ! » Le mot fît fortune, la presse s’en empara, et, lors de l’impression de sa pièce, Ferdinand Laloue le substitua au mot primitif. (Rapporté par Privat-d’Anglemont, Paris-Inconnu.)

Boutmy, 1883 : s. f. Dénuement absolu. Employé dans d’autres argots.

La Rue, 1894 : Misère. Battre la dèche.

Rossignol, 1901 : Dépense. Celui qui paye la dépense, paye la dèche.

Hayard, 1907 : Misère.

France, 1907 : La sœur de la débine et de la panade. Être dans la déche. Battre la déche.

Elle entrevit l’abîme sombre où glisse, se débat et meurt l’employé, ce serf modèle dont la glèbe est un fauteuil de bureau, et qui attend toujours sa nuit du 4 août et sa prise de la Bastille.
La misère ouvrière est intense et cruelle, la détresse de l’employé est pire.
Elle se nomme d’un nom qui ajoute l’ironie à la souffrance : l’ouvrier est dans la misère, l’employé est dans la dèche.

(Edmond Lepelletier)

Cache-la bien, Nini, ma triste déche
À Villemain, même à Montalembert,
Chez qui souvent j’ai mangé l’huître fraîche,
Chez qui toujours est servi mon couvert.

(Léon Rossignol, Lettes d’un mauvais jeune homme à sa Nini)

De quel droit, bandit, t’es-tu permis de te faire mon juge ?… T’occupais-tu de moi, quand je crevais dans la dèche ?… Tiens, voilà pour toi !

(Père Peinard)

Oui, quelques joyeux garnements
Battent la déche par moments.
Chose bien faite !
Moi, dans mes jours de pauvreté,
J’ai, dit-on, beaucoup fréquenté
Père Lunette.

(Fernand Foutan)

Dèche (être en)

Rossignol, 1901 : Être malheureux, ne plus rien posséder.

Décher du carme

France, 1907 : Donner de l’argent.

Déchet

d’Hautel, 1808 : Il y a du déchet. Pour, il faut en rabattre de moitié ; c’est bien loin de ce que l’on avoit promis.
Quel déchet ! Exclamation ; raillerie ; en parlant de quelqu’un qui a été pris pour dupe.

Décheur

Rossignol, 1901 : Celui qui dépense dèche ; c’est un décheur. Déclarer ballon, avoir faim.

Décheux

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme pauvre, misérable.

Déchiré (pas trop)

Rigaud, 1881 : Pas trop mal, assez gentil. — Se dit du physique d’une personne. Cette femme n’est pas trop déchirée.

Déchirée (n’être pas trop)

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot du peuple — d’une femme qui est encore jeune, jolie et appétissante. On dit aussi N’être pas trop égratignée.

France, 1907 : Se dit d’une femme qui, malgré son âge, parait encore appétissante.

Au coin du feu, trouvèrent la vieille troussée quasiment jusqu’aux hanches : — Ça vous fait loucher, mes bons messieurs, dit-elle, mais on n’est pas encore trop déchirée pour son âge.

(Les Propos du Commandeur)

Déchirer

d’Hautel, 1808 : On dit d’une femme qui malgré un âge mur, conserve de la fraîcheur et quelque reste de beauté, qu’elle n’est pas trop déchirée.
Chien hargneux a toujours l’oreille déchirée.
Pour dire qu’un homme querelleur s’attire toujours de fâcheuses affaires.

Déchirer (ne pas se)

Delvau, 1866 : Se faire des compliments ; se vanter.

France, 1907 : Se louanger.

Déchirer de la toile

Delvau, 1866 : Faire un feu de peloton, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Faire du bruit avec l’antipode de la bouche. — Tirer un feu de peloton.

France, 1907 : Faire un feu de peloton ; argot militaire.

Déchirer la cartouche

Delvau, 1866 : v. a. Manger, — dans l’argot des soldats et des ouvriers qui se souviennent de leurs sept ans.

Rigaud, 1881 : Manger, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Manger ; allusion aux anciennes cartouches des fusils à pierre que l’on déchirait avec les dents, au commandement du quatrième temps de la charge en douze temps : Déchirez… ouche !

Déchirer sa toile

Virmaître, 1894 : Pester. Allusion au bruit qui souvent ressemble à un déchirement (Argot du peuple). V. Peau courte.

France, 1907 : Péter.

— Et tu crois que c’est pas emmiellant de coucher avec un type comme ça ! Le bougre de salaud ne fait toute la mit que déchirer sa toile. Tu penses si ça danse dans la piaule.

(Les Propos du Commandeur)

Déchirer son habit

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des tailleurs.

Déchirer son tablier

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des domestiques.

La Rue, 1894 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

Déchireur

France, 1907 : Débardeur.

Décimadorès

Fustier, 1889 : Cigare de dix centimes.

— Cochon de cigare ! — En voulez-vous un autre ? — Volontiers. Les miens sont pourtant d’une bonne marque ; des décimadorès de choix !

(Charivari, juillet 1884.)

Déclancher (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se démettre l’épaule, — dans l’argot des faubouriens, qui assimilent l’homme au mouton.

France, 1907 : Se démettre l’épaule.

Déclaquer

Rigaud, 1881 : Dire ce qu’on a sur le cœur.

France, 1907 : Même sens que se déboutonner.

Déclouer

Delvau, 1866 : v. a. Dégager des effets du mont-de-piété, du clou.

France, 1907 : Retirer un objet du mont-de-piété, c’est-à-dire dégager du clou.

Déclouer, décrocher

Rigaud, 1881 : Dégager un objet du Mont-de-Piété.

Décoction

d’Hautel, 1808 : C’est une mauvaise décoction. Pour dire qu’une entreprise, après avoir trainé en longueur, n’a amené aucun résultat avantageux ; qu’elle a mal tourné ; qu’on en sera le mauvais marchand.

Décœurer

France, 1907 : Se débarrasser de ce qu’on a sur le cœur, vomir.

Décognoir

Rigaud, 1881 : Nez de forte taille, — dans le jargon des typographes. Au propre, en terme de métier, on nomme « décognoir » le morceau de bois dont on fait usage pour chasser les coins avec lesquels on serre les formes.

Boutmy, 1883 : s. m. Morceau de bois dur, long de 18 à 20 centimètres, aminci par un bout, employé pour chasser les coins avec lesquels on serre les formes. Au fig. Nez. Pourquoi appelle-t-on un gros nez un décognoir ? Sans doute à cause de l’analogie de forme.

France, 1907 : Nez. Le décognoir est, en terme d’imprimerie, un morceau de bois dont une des extrémités est amincie et qui sert à chasser les coins.

Décoller

Delvau, 1866 : v. n. S’en aller de quelque part ; quitter une place, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Quitter un endroit où l’on se trouve depuis longtemps.

La Rue, 1894 : S’en aller, quitter.

France, 1907 : Quitter un endroit, s’en aller d’une place. Décoller le billard, mourir. On dit aussi : dévisser son billard.

Décoller (se)

Fustier, 1889 : Manquer, ne pas réussir, ne pas avoir lieu.

Voilà que le banquet du 13 se décolle !

(Bataille, 1882.)

France, 1907 : Manquer, ne pas avoir lieu. Devenir vieux.

Décoller le billard

Delvau, 1866 : Mourir. On dit aussi Dévisser son billard.

Décolleté (être)

France, 1907 : Parler ou agir d’une façon immodeste.

Décompte

Delvau, 1866 : s. m. Blessure mortelle, — dans l’argot des troupiers, qui savent qu’en la touchant il faut quitter le service et la vie.

Rossignol, 1901 : Moitié de ce que gagne un condamné pendant sa détention et qui lui est remise à sa sortie de prison.

Décompte (recevoir son)

Larchey, 1865 : Mourir. — Dans l’armée, on ne quitte pas le service sans toucher son décompte.

Tué raide sur le champ de bataille, le beau tambour-major avait, pour parler en style de bivouac, reçu son décompte.

Ricard.

France, 1907 : Mourir ; argot militaire.
Le décompte était, dans l’ancienne armée, la somme que les soldats soigneux de leurs effets touchaient non seulement trimestriellement, mais à leur départ du corps. Recevoir, toucher son décompte, était donc s’en aller.

Déconfiture

d’Hautel, 1808 : Être dans la déconfiture. Expression comique qui signifie être en pleine disgrace ; être fort mal dans ses affaires

Delvau, 1866 : s. f. Faillite, — dans l’argot des bourgeois. Être en déconfiture. Avoir déposé son bilan.

France, 1907 : Faillite. Être en déconfiture, faire de mauvaises affaires, ne pouvoir payer ses créanciers, déposer son bilan.

Déconner

Delvau, 1864 : Sortir du con de la femme, soit parce qu’on a fini, soit parce qu’elle remue trop les fesses. Il y a des gens qui peuvent, comme l’Ascylte de Pétrone, rester deux jours sur une femme. Heureux Ascylte ! Plus heureuse femme !

Ah ! me voilà déconné !

La Popelinière.

Le vit alors, bien convaincu
Qu’on ne peut voir un con vaincu,
Renonce à la victoire :
Il déconne et s’adresse au cu.

(Chanson anonyme moderne.)

Avec cet outil-là, je puis, sans me gêner
Fournir mes douze coups, dont six sans déconner.

Piron.

France, 1907 : Radoter, Mot à mot : devenir vieux, s’affaiblir.

Décors

Delvau, 1866 : s. m. pl. Cordons, tabliers, bijoux, — dans l’argot des francs-maçons.

Virmaître, 1894 : Bijoux. L’expression est jolie. On dit dans le peuple, d’une femme chargée de bijoux : Elle est décorative (Argot du peuple).

France, 1907 : Bijoux ; argot populaire. Tabliers et cordons ; argot des francs-maçons.

Décotailler

France, 1907 : Découper.

Découcher

Delvau, 1864 : Aller passer la nuit au bordel quand on est homme, hors du bordel quand on est fille.

Excusez-moi, mais, fidèle à mes devoirs de mari, je n’ai jamais découché et ne découcherai jamais.

Lireux.

Découcheur

France, 1907 : Soldat qui a l’habitude de coucher hors du quartier.

Découdre

d’Hautel, 1808 : On dit d’un ouvrier très-habile à l’ouvrage, qu’il en découd quand il est en train.
En découdre.
Signifie aussi en venir aux mains ; se prendre aux cheveux, se battre vigoureusement.

Découdre (en)

Delvau, 1866 : v. n. Se battre en duel ou à coups de poing, — dans l’argot du peuple et des troupiers.

Rigaud, 1881 : Se battre à l’arme blanche. Mot à mot : découdre la peau. Il faudra en découdre.

France, 1907 : Se battre.

Il est loin le temps des alarmes
Où nous subissions les affronts,
En refoulant du poing nos larmes,
En baissant humblement nos fronts,
Nous avons le fusil, la poudre,
Les hommes tant qu’il en faudra,
Et, ma foi, s’il faut en découdre,
Gare à qui nous attaquera !…

(Henri Buguet)

Découpage (vol au)

France, 1907 : « Le découpeur ou voleur au découpage est un amateur d’autographes ; seulement, pour donner à sa collection une valeur supérieure, voilà ce qu’il fait : s’il reste un blanc entre la signature de l’écrit et la formule de politesse qui la précède, il découpe hardiment le papier et, dans l’espace non maculé, libelle un reçu, ou un ordre de payement, suivant les habitudes du signataire qu’il connait. Ceci ne serait rien, si, une fois cette pièce obtenue, il ne s’empressait d’envoyer un ami ou un commissionnaire toucher le montant du reçu dans une administration ou un journal dans lesquels le malheureux signataire a un compte ouvert. »

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on fibuste)

Découragiste

France, 1907 : Individu atteint de cette maladie d’esprit qui fait, suivant le dicton, « jeter le manche après la cognée ». Le découragiste est, dans une société, aussi nuisible et aussi démoralisant que le je-m’en-foutiste.

C’est un produit essentiellement français. Schopenhauer, Hartmann et les autres découragistes n’ont fait que traduire, en l’alourdissant, en l’embrumant, le clair et mélancolique langage de Chateaubriand.

(Edmond Lepelletier)

Découvert (être à)

France, 1907 : C’est, dit Lorédan Larehey, « spéculer à la Bourse sur des valeurs qu’on n’a pas le moyens d’acheter ni de vendre », c’est-à-dire agir en filou, ce que font d’ailleurs tons les boursicotiers ; d’où achat, vente à découvert, qui se disent d’opérations faites dans les conditions ci-dessus.

Découvrir

d’Hautel, 1808 : Découvrir le pot aux roses. Mettre une fourberie, un dessein, une intrigue dans tout son jour.
Découvrir Saint-Pierre pour couvrir Saint-Paul. Prendre à l’un pour donner à l’autre.

Découvrir la peau

La Rue, 1894 : Faire avouer.

France, 1907 : Faire avouer. En découvrant la peau, on met la personne à nu.

Découvrir la peau de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Lui faire dire ce qu’il aurait voulu cacher, — dans l’argot du peuple.

Découvrir saint Pierre pour couvrir saint Paul

Rigaud, 1881 : Contracter une dette pour en payer une autre. (Oudin, Curiosités françaises.) L’expression est encore fort de mise.

France, 1907 : Enlever à l’un pour donner à l’autre.

Décramponner (se)

France, 1907 : Se débarrasser d’une femme ou d’une maîtresse, enfin de toute personne gênante, dite crampon.

— Pourquoi ai-je quitté Paris ? Pour me décramponner tout à fait de cet imbécile qui, panné, décavé, commençait à me porter la guigne. »

(Jean Richepin)

Décrasser

d’Hautel, 1808 : Il commence à se décrasser. Pour, il commence à être moins grossier ; à se former à la politesse et aux usages du monde ; à prendre une certaine tournure.
On dit des provinciaux, qu’ils viennent à Paris pour s’y décrasser.

Virmaître, 1894 : Les filles décrassent un homme en le débauchant d’abord, en le ruinant ensuite. Les voleurs décrassent un pante en le volant. Décrasser, dans un autre sens, est synonyme de déniaiser (Argot du peuple).

France, 1907 : Déniaiser, débaucher ou voler.

Décrasser un homme

Delvau, 1866 : v. a. Lui enlever sa timidité, sa pudeur, sa dignité, sa conscience, — dans l’argot des faubouriens, qui ont des idées particulières sur la propreté. Pour les filles, Décrasser un homme, c’est le ruiner, et pour les voleurs, c’est le voler, — c’est-à-dire exactement la même chose.

Décravater ses propos

France, 1907 : Avoir une conversation libre qui faut rougir et, en même temps, pâmer les petites pensionnaires du Sacré-Cœur et choque les vieilles drôlesses.

Décrier

d’Hautel, 1808 : Il est décrié comme la vieille monnoie. Pout exprimer qu’un homme a perdu sa réputation ; qu’il a un fort mauvais crédit.

Décroche-moi ça

Rigaud, 1881 : Fripier. — Terme générique donné à toutes les friperies dont des spécimens sont accrochés au-dessus de la porte du revendeur à la toilette : chapeaux pour les deux sexes, souliers, bottines, habits, vestes, culottes et robes, autant de décroche-moi ça, de décrochez-moi ça.

Décroche-moi-ça

La Rue, 1894 : Fripier.

Décrocher

Larchey, 1865 : Retirer du Mont-de-Piété. V. Clou — On dit aussi Déclouer.

Les révolutions m’ont réduite à mettre au clou les diamants de ma famille… faudra que tu me décroches ça, mon chéri.

Lefils.

M. Auguste s’habille au décroche moi cela ce qui veut dire en français chez le fripier.

Privat d’Anglemont

Au Temple, un Décrochez-moi ça est un chapeau de femme d’occasion. — J’ai vu au carré du Palais-Royal (du Temple) des Décrochez-moi ça qu’on eût pu facilement accrocher au passage du Saumon.

Mornand.

Larchey, 1865 : Faire tomber d’un coup de fusil.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer d’un coup de fusil, — dans l’argot des troupiers. Ils disent aussi Descendre.

Delvau, 1866 : v. a. Dégager un objet du mont-de-piété, — dans l’argot des ouvriers.

France, 1907 : Sonner, voler à la tire. Abattre d’un coup de fusil. Se dit aussi pour retirer un objet du mont-de-piété, c’est-à-dire décrocher ce qui est au clou.

Décrocher la lune avec les dents

Virmaître, 1894 : Vouloir accomplir une chose impossible. Expression employée par ironie (Argot du peuple).

Décrocher la timbale

Virmaître, 1894 : Arriver bon premier, réussir. Allusion au mât de cocagne, où le premier arrivé au sommet décroche le premier prix qui est généralement une timbale. Cette expression est populaire depuis la représentation de la pièce intitulée la Timbale (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Arriver le premier, réussir. Allusion au mât de cocagne, où le premier arrivé choisit le premier prix, qui est ordinairement une timbale d’argent.

Pour décrocher la timbale parlementaire, M. des Muffliers s’est donné un mal de chien, et il a surtout pioché les campagnes, ce qu’on appelle, en style noble, les masses profondes du suffrage universel. L’arrivée de sa charrette anglaise a effaré la volaille dans bien des rues de village. Il a pénétré, en redingote correcte et avec des gants de peau, dans des cours champêtres, où le porc familier venait flairer ses bottes vernies, et il a peloté le paysan tant qu’il a pu.

(François Coppée)

Décrocher les tableaux

Rigaud, 1881 : Pratiquer des fouilles dans l’édifice nasal.

Décrocher ses cymbales

Rigaud, 1881 : Mourir dans l’exercice des fonctions notariales, — dans le jargon des ouvriers. Les clercs de notaires et les clercs d’huissiers disent, dans une langue plus relevée, pour exprimer la même idée : Décrocher ses panonceaux.

Décrocher ses tableaux

Delvau, 1866 : v. a. Opérer des fouilles dans ses propres narines et en extraire les mucosités sèches qui peuvent s’y trouver. Argot des rapins.

La Rue, 1894 : Mettre les doigts dans son nez.

Virmaître, 1894 : Individu qui sans cesse se fourre les doigts dans le nez pour en retirer les ordures.
— Tu reçois donc du monde que tu décroches tes tableaux ? (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Se mettre un doigt dans le nez.

France, 1907 : Allusion aux gens qui ont la vilaine habitude de se fourrer les doigts dans le nez.

Deux rapins causent ensemble. L’un d’eux se fourre désespérément les doigts dans le nez.
— Voyons, fait l’autre, est pas le moment de décrocher les tableaux, à la veille de l’ouverture du Salon.

Décrocher un enfant

Delvau, 1866 : v. a. Faire avorter une femme, — dans l’argot du peuple. Se faire décrocher. Employer des médicaments abortifs.

France, 1907 : Faire avorter.

Décrocher un lardon

Virmaître, 1894 : Faire avorter une femme. Les spécialistes qui se livrent à ce genre de travail se nomment des faiseuses d’anges (Argot du peuple). N.

Décrochez-moi ça

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau de femme, — dans l’argot des revendeuses du Temple.

Delvau, 1866 : s. m. Boutique de fripier, — dans l’argot du peuple. Acheter une chose au décrochez-moi ça. L’acheter d’occasion, au Temple ou chez les revendeurs.

Virmaître, 1894 : Vêtements fripés que vendent les marchandes à la toilette. Comme les vêtements sont accrochés et étiquetés, inutile de marchander ; on n’a qu’à dire à la vendeuse : Décrochez-moi ça. Toute personne mal habillée sent le décrochez-moi ça (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Le carreau du Temple.

France, 1907 : Boutique de fripier ou patron de ladite boutique.

De ces anciens bohèmes qui, parlant une langue étrange, menant une vie décousue, s’habillant au décrochez-moi ça, pour aller dans le monde, et avaient de l’esprit chaque jour de la semaine, et même le dimanche, bien peu subsistent encore ; et si parfois on les rencontre, ce ne sont plus que les ombres blanchies d’un passé condamné aux mânes.

(Écho de Paris)

Décrotté

France, 1907 : Sorti des basses classes, parvenu. Les décrottés sont d’ordinaire les plus insolents et les plus outrecuidants des bourgeois.

Les Grecs s’efforçaient d’excuser l’esclavage des uns en montrant qu’il était la condition du développement intégral des autres. Ils ne s’étaient pas avisés de prêcher l’esclavage des masses, dans le seul but d’élever au rang d’« éminents filateurs », de « grands banquiers », d’« illustres marchands de cirage perfectionné », quelques parvenus grossiers ou à demi décrottés. La bosse de la charité chrétienne leur manquait.

(Karl Marx)

Décrotter

d’Hautel, 1808 : Manger avec avidité, avec grand appétit.
Comme il vous décrotte ce plat ! Pour, comme il mange de bon appétit.
C’est déjà décrotté. Pour, c’est déjà fini ; déjà mangé.

Décrotter un gigot

Delvau, 1866 : v. a. N’en rien laisser que l’os, — dans l’argot des ouvriers, qui ont bon appétit une fois à table.

France, 1907 : N’en laisser que l’os.

Décrotter une femme

Delvau, 1864 : La brosser vigoureusement avec son vit, de façon à lui désobstruer le con, si par hasard il était embarrassé et embroussaillé de restants de sperme ou de sang menstruel.

Il me répond : Ne te fâche, Babeau,
Avant partir tu seras décrottée.

(Recueil de poésies françaises.)

Déculotté

Virmaître, 1894 : Homme qui a mis son mobilier ou son commerce au nom de sa femme. Il ne porte plus la culotte. Déculotté aussi quand la femme est maîtresse au logis : elle porte les culottes (Argot du peuple).

France, 1907 : Particulier, boutiquier ou négociant, qui à mis son mobilier ou son commerce au nom de sa femme.

Déculottée (donner une)

France, 1907 : Battre quelqu’un, lui flanquer une volée dont il se souvienne ; allusion aux petits garçons qu’on déculotte pour les fouetter.

Déculotter

Fustier, 1889 : Faire faillite.

France, 1907 : Faire faillite.

Dédale

Delvau, 1864 : La nature de la femme, où le membre viril s’égare souvent, lorsqu’elle est trop large ou qu’il est trop petit, — bien qu’il ait la main d’Ariane pour le conduire au bonheur.

Ce beau dédale qu’il contemple
Avec des yeux étincelants,
Fait naître et couler dans ses sens
Une ardeur qui n’a point d’exemple.

Grécourt.

Dedans

d’Hautel, 1808 : Il est dedans comme le frère Laurent. Rebus qui équivaut à il a fait un sot marché ; il est dupé, attrappé, friponné.
Je ne suis pas dedans. Dicton des marchands de commestibles et de fruits, quand on leur reproche que leur marchandise étoit gâtée intérieurement.
Mettre quelqu’un dedans. Pour le tromper, l’escroquer ; le friponner daris une affaire. Signifie aussi mettre quelqu’un en prison.
On ne l’a mis ni dehors ni dedans. Pour, on ne lui a rien promis ; on l’a laissé en suspens, dans l’incertitude.
Beaucoup de personnes ont coutume d’employer cet adverbe de lieu pour la préposition dans, et de dire :
J’ai votre affaire dedans ma poche, pour dans ma poche.
Dedans
ne veut point de régime après lui.
Est-il dans cette chambre ? oui, il est dedans.

Dedans (mettre)

Larchey, 1865 : mettre en prison (d’Hautel, 1808).

Rigaud, 1881 : Tromper. — Emprisonner.

France, 1907 : Tromper ; griser ; mettre en prison.

Dedans (voir en)

France, 1907 : Se dit des ivrognes qui parlent en monologues et se font de longues conversations, comme s’ils s’adressaient à une tierce personne qu’ils voient en dedans d’eux-mêmes.

Dédèle

France, 1907 : Maîtresse.

Dédire (se) cher

La Rue, 1894 : Être à l’agonie.

Dédire cher (se)

Rigaud, 1881 : Être à l’agonie, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Être à l’agonie et se repentir.

Dédit

d’Hautel, 1808 : Il a son dit et son dédit. Signifie, il est inconstant, irrésolu, capricieux ; on ne peut se fier à ses promesses.

Déduit

Delvau, 1864 : L’acte amoureux, — du verbe latin deducere, tirer, faire sortir, c’est-à-dire, en vieux français, se divertir en tirant — un coup.

Qu’il ne manquait ou de jour, ou de nuit,
Sous prétexte de voir son ingrate maîtresse,
De faire naître avec adresse
Un rendez-vous pour l’amoureux déduit.

La Fontaine.

L’homme noir, friand du déduit,
De dire : l’aventure est bonne.

Grécourt.

Il est minuit,
C’est l’instant du mystère,
Il nous invite à l’amoureux déduit.

Pebraux.

France, 1907 : Vieux mot toujours neuf qui exprime la mature de la femme.

— Six pieds de taille, une poitrine large comme un rempart de ville, des bras à briser un arbre en l’étreignant, des jambes à faire vingt lieues sans fatigue, bête comme plusieurs oies d’ailleurs, mais prêt à se faire couper la tête pour le déduit, stupide, mais convaincu, ne vous laissant jamais le temps ni de pleurer ni de rire. Allez, mes enfants ! voilà ce qu’il y a encore de mieux.
Une voix hoquetante, dont le timbre extra-humain sonna comme une volée de glas aux oreilles des vieilles épouvantées, murmura très distinctement toutefois :
— Elle a raison !

(Armand Silvestre)

Dédurailler

Delvau, 1866 : v. a. Oter les fers d’un forçat ou les liens d’un prisonnier.

France, 1907 : Déferrer.

Défâcher

d’Hautel, 1808 : S’il se fâche, il aura deux peines, de se fâcher et de se défâcher. Se dit de quelqu’un dont l’estime et l’amitié importent peu, et dont on ne redoute pas le courroux.

Défaire

d’Hautel, 1808 : Faire et défaire, c’est toujours travailler. Manière goguenarde de réprimander quelqu’un qui s’est trompé, et à qui ont fait recommencer l’ouvrage sur nouveaux frais.

Défaits

Rigaud, 1881 : Ce sont, en terme de libraire, les feuilles d’un livre qui ne sont pas suivies et qui servent à compléter celles qui peuvent manquer.

Défalquer

anon., 1827 : Ch.

Bras-de-Fer, 1829 : Ch….

Halbert, 1849 : Ch…. Déponner. Id.

Rigaud, 1881 : Faire ses nécessités, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Faire ses besoins ; éliminer.

— Ah ! le maudit animal ! Il dévastait les plates-bandes, déterrait les semis, détruisait les jeunes pousses, grimpait dans les chambres, arrachait les rideaux, aiguisait ses griffes sur les meubles, déchirait la tapisserie, cassait la vaisselle, crevait le paravent, et, de temps à autre, pour varier la série de ses méfaits, défalquait sous le lit de M. le curé !

(Hector France, Les Cent curés paillards)

Défardeur

anon., 1827 : Voleur.

Halbert, 1849 : Voleur.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur, — dans l’argot des voyous. On dit aussi Doubleur.

France, 1907 : Voleur ; il vous débarrasse du fardeau de votre bourse.

À l’étrangu’mar, bon défardeur,
T’iras t’esclaffer de ton grilleux…

(Hogier-Grison)

Défargué

Halbert, 1849 : Déchargé.

Défarguer

Clémens, 1840 : Se débarrasser d’objets suspects.

Delvau, 1866 : v. n. Pâlir. — dans l’argot des voleurs, pour qui farguer c’est rougir.

La Rue, 1894 : Pâlir. Céder. Se débarrasser. Défargueur, plaideur. Témoin à décharge.

Virmaître, 1894 : Pâlir.

Le parrain fargue,
Le bêcheur défargue.

dit une vieille chanson (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Les joueurs disent cela d’une carte qui les gêne. Au polignac il se défarguent du valet de pique (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Décharger quelqu’un d’un fardeau ou de charges qui pèsent contre lui, c’est le défarguer. Le contraire de farguer. Le ministère public fargue et l’avocat défargue son client des faits compromettants. Décharger quelqu’un d’un colis est le défarguer. Celui qui se débarrasse d’objets compromettants se défargue. Un voleur qui reconnaît être seul l’auteur de vols qu’on lui reproche défargue son complice.

France, 1907 : Pâlir ; être acquitté.

— Vous avez changé, mon pauvre vieux. Je vous trouvé défargué. Vous avez du trimard ? Dégoisez, je suis votre homme.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

France, 1907 : Céder. En terme de joueur, c’est se débarrasser d’une carte qui gêne.

Défarguer (se)

M.D., 1844 : Déposer les objets dont on est porteur.

Hayard, 1907 : Se décharger au détriment d’un complice.

Défargueur

Larchey, 1865 : Témoin à décharge. — Du vieux mot fardage : fardeau. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Témoin à décharge, assez maître de lui pour mentir sans rougir.

France, 1907 : Témoin à décharge.

Défarquer

un détenu, 1846 : Ôter quelque chose d’un endroit.

Défaute

France, 1907 : Défaillance, manque.

Défendre

d’Hautel, 1808 : Je m’en défends, mon corps et mon sang ; si tu m’attrapes, tu es un serpent. Dicton usité par les écoliers, lorsqu’ils jouent aux barres ou à la crémisette, et qu’ils sont sur le point d’être attrapés avant que d’avoir touché le but.

Défendre sa queue

Delvau, 1866 : v. a. se défendre quand on est attaqué, — dans l’argot du peuple, qui prend l’homme pour un chien.

Virmaître, 1894 : Défendre sa peau dans une bataille. Quand deux chiens se battent dans la rue, les spectateurs crient :
— Toto, dé fend ta queue.
Défendre sa queue,
c’est défendre ses intérêts de toutes manières (Argot du peuple).

France, 1907 : Défendre ses intérêts.

Déferrer

d’Hautel, 1808 : Il se déferre aisément. Pour, il se déconcerte au premier mot ; il devient confus, muet, à la plus petite observation.
Être déferré d’un œil. Pour, en avoir perdu un ; être éborgné.

Deffardeur

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voleur.

Defflourer la picouze

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voler le linge étendu sur les haies.

Déficher

France, 1907 : Bâiller.

Défier

d’Hautel, 1808 : Il ne faut jamais défier un fou de faire des folies. Signifie qu’il ne faut jamais défier un extravagant, de crainte de le porter à quelque excès.

Défiger

Delvau, 1866 : v. a. Réchauffer, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Réchauffer.

Défiler

d’Hautel, 1808 : Défiler son chapelet. Dégoiser tout l’on sait ; dire tout ce que l’on a sur le cœur ; faire des plaintes que l’on retenoit intérieurement depuis long-temps.

Défiler la parade

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des troupiers, qui blessés en pleine poitrine par un éclat d’obus, trouvent encore le temps de faire le salut militaire à leur chef comme pour lui dire : Ave, Cæsar, morituri te salutant.

Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon des troupiers.

Virmaître, 1894 : Se dit à quelqu’un que l’on chasse.
— Allons, défilez la parade, et plus vite que ça (Argot du peuple).

France, 1907 : Mourir ; argot militaire. On défile la parade quand la revue est terminée. Se dit aussi de quelqu’un que l’on chasse.

Défiler son chapelet

Virmaître, 1894 : Quand deux commères se disputent, c’est un déluge de paroles et d’épithètes interminable.
— As-tu vu comme je lui ai défilé mon chapelet ?
Allusion au chapelet qu’une dévote fait tourner toute sa vie dans ses mains sans en trouver la fin (Argot du peuple). N.

Déflaque

Fustier, 1889 : Excrément. (Richepin.)

Déflaquer

France, 1907 : Faire ses besoins, d’où déflaque, excrément.

Puis il avait peur des enfants, tous salauds qui déflaquent dans les coins et mettent partout une odeur de bran. Sa propreté s’en offusquait à l’avance, comme d’une saleté incurable, et il pensait aussi aux femmes fécondes dont les flancs sont toujours en travail.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Défleurir la picouse

Larchey, 1865 : Voler du linge qui sèche sur une haie. — Allusion à la couleur tranchante des objets étendus et aux épines de la haie.

Delvau, 1866 : v. a. Voler le linge étendu dans les prés ou sur les haies. Argot des prisons.

France, 1907 : Voler du linge qui sèche au dehors des maisons. On dit aussi : déflouer la picouse.

Défleurir ou déflouer la picouse

Virmaître, 1894 : Voler le linge qui sèche dans les campagnes, sur des haies (Argot des voleurs). V. Batousier.

Déflorer une fille

Delvau, 1864 : Lui enlever son pucelage, — une rose diablement épineuse.

Si fut-il admiré pour masle très-puissant
D’en avoir une nuit défloré demi-cent.

J. De Schélandre.

Déflouer la picouse

Halbert, 1849 : Voler chez un blanchisseur le linge étendu.

Déflourer la picouze

anon., 1827 : Prendre le linge qui est étendu sur des perches dans les prés.

Déformer

France, 1907 : Briser, enfoncer. Déformer une quille, casser une jambe.

Défourager

Virmaître, 1894 : S’en aller, quitter un endroit pour un autre.
— Je défourage de la Centrousse pour renquiller à Pantin (Argot des voleurs).

France, 1907 : S’en aller.

Défouraillage (en)

France, 1907 : En liberté.

Défourailler

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Tomber.

Halbert, 1849 : Courir.

Larchey, 1865 : Sortir de prison. — Du vieux mot defors : dehors. V. Babillard.

Delvau, 1866 : v. n. Courir, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Courir. — Tomber. — Sortir de prison.

La Rue, 1894 : Courir. Sortir de prison. Tomber.

France, 1907 : Courir. Sortir de prison ; du vieux mot defors, dehors.

Ah ! si j’en défouraille,
Ma largue j’entiferai ;
J’li f’rai porter fontange
Et souliers galuchés.

(Chanson de l’argot)

Du croquant fais une lessive,
Choppe-lui cornauts, douille et sive ;
Mais si tu rebouissais l’arnac,
Défouraille, t’irais dans l’lac !

(Hogier-Grison)

Defourayer

Clémens, 1840 : Retirer, Sortir.

Défourguer

France, 1907 : Racheter.

Defourrailler

un détenu, 1846 : Sortir d’un endroit, d’une prison.

Défoux

Rossignol, 1901 : Casquette de soie haute de forme que portent les bouchers et dont le prix est de cinq à six francs. Le créateur de cette casquette est le chapelier Défoux. Il y a quarante ans, il y avait une casquette qui se portait que l’on nommait la David, également du nom du fabricant.

Défrimousser

Larchey, 1865 : Dévisager. V. Frime.

Delvau, 1866 : v. a. Défigurer quelqu’un, — dans le même argot [des voyous].

France, 1907 : Dévisager.

Défringué

La Rue, 1894 : Débraillé.

France, 1907 : Débraillé.

Quant à moi, je soutiens que ce fut la paresse
Qui fit au lupanar coucher ces Danaé,
Dont les seins, dégagés d’un fichu denoué,
Attendent, s’allongeant sur le bord de leur couche,
Des hommes avinés, au regard morne et louche,
Jupiters défringués, qui, tout crottés et soûls,
Pour payer des baisers, font pleuvoir des gros sous.

(Barillet, La Mascarade humaine)

Défringuer

Rossignol, 1901 : Déshabiller, du contraire de fringuer. En se levant on se fringue, et pour se coucher on se défringue.

France, 1907 : Enlever ses vêtements.

Défringuer, défrusquer

La Rue, 1894 : Prendre des vêtements.

Défriser

d’Hautel, 1808 : Ça te défrise. Locution burlesque qui équivaut à cela te chiffone, te contrarie ; se dit à quelqu’un qui trouvé à redire à ce que l’on dit, ou qui jette un regard envieux sur le bonheur d’autrui.

Larchey, 1865 : Désappointer.

Ce qui nous défrise, c’est que je suis retenu.

P. Lacroix.

Delvau, 1866 : v. a. Désappointer, contrarier quelqu’un, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Désappointer.

Défrusquer

Larchey, 1865 : Déshabiller. V. Frusque.

Delvau, 1866 : v. a. Dépouiller quelqu’un de ses vêtements, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Défrusquiner. Se défrusquer. Se déshabiller.

Rossignol, 1901 : Se dévêtir, retirer ses frusques.

France, 1907 : Déshabiller, voler à quelqu’un ses vêtements.

Défrusquer, défrusquiner

Rigaud, 1881 : Déshabiller. — Voler des vêtements.

Défrusquiné

Halbert, 1849 : Déshabillé.

Défrusquiner

anon., 1827 : Déshabiller.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Déshabiller. Défrusquiner les momes, voler les habits des enfants.

Bras-de-Fer, 1829 : Déshabiller.

Défunt

d’Hautel, 1808 : Défunt mon père. Pour dire, feu mon père. Ce mot n’est que du style bas et comique.

Dégager

d’Hautel, 1808 : Avoir l’air dégagé. Avoir l’air libre, hardi et tranchant ; être sans modestie, sans pudeur.

Dégaine

Delvau, 1866 : s. f. Allures du corps, fourreau de l’âme. — dans l’argot du peuple, qui n’emploie ordinairement ce mot qu’en mauvaise part. Avoir une belle dégaine. Se dit ironiquement des gens qui n’ont pas de tenue, ou des choses qui sont mal faites.

France, 1907 : Tournure, tenue. Le mot ne s’emploie qu’en mauvaise part. « Quelle sale dégaine a ce pierrot ! »

La tournure d’une jolie femme, au dire de toutes les laiderons.

(Dr Grégoire, Dictionnaire humoristique)

Dégaîne

d’Hautel, 1808 : Il a une belle dégaîne. Manière triviale et goguenarde de dire que quelqu’un a une mauvaise tournure, est gauche et emprunté dans son maintien.

Dégaîner

d’Hautel, 1808 : Dégaîner son compliment. Faire son compliment à quelqu’un ; le congratuler ; le féliciter.
Être dur à la desserre, n’aimer pas à dégainer. Être avaricieux ; dépenser avec parcimonie.
Dégaîner. Pour dire mettre l’épée à la main ; venir aux armes.

Dégaîneur

d’Hautel, 1808 : Bretteur, homme qui cherche toujours à férailler ; hâbleur, fanfaron.

Dégauchir

Delvau, 1866 : v. n. Voler.

La Rue, 1894 : Voler.

France, 1907 : Voler.

Dégazonner (se)

Rigaud, 1881 : Perdre ses cheveux.

France, 1907 : Devenir chauve.

Dégel

Larchey, 1865 : Mortalité.

Il y aura un rude dégel.

Watripon.

On connaît les effets dissolvants du dégel.

Rigaud, 1881 : Mort. — Dégelé, cadavre. — Dégeler, mourir. — Se dégeler, se suicider.

France, 1907 : Mort.

Dégelé (un)

France, 1907 : Un mort, un cadavre.

Dégelée

Larchey, 1865 : Volée de coups. — Il y a une chanson de V. Gaucher intitulée la dégelée de 1854, ou la Prise de Bomarsund. — Une volée dégèle ordinairement ce lui qui la reçoit.

Delvau, 1866 : s. f. — Coups donnés ou reçus, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Série de coups. — Flanquer une dégelée soignée.

France, 1907 : Coups. Recevoir, donner une dégelée.

Enfin, mon père arrive avec un fouet à lanière en peau de serpent noir, et, me faisant courir devant son cheval, lié à la taille par une corde fixée à sa selle, il me cingla tout le long du chemin. Je n’oublierai jamais cette dégelée.

(Hector France, Chez les Indiens)

Dégeler

d’Hautel, 1808 : Mourir, expirer, s’en aller dans l’autre monde.
Il est dégelé. Pour, il est mort, il est expiré.
Cette locution se prend toujours en mauvaise part, et ne se dit que d’une personne pour laquelle on n’avoit ni respect, ni estime, ni considération.

Delvau, 1866 : v. n. Se déniaiser, se remettre de son émotion, — dans le même argot [des faubouriens]. Signifie aussi : Mourir.

Rossignol, 1901 : Mourir.

Hayard, 1907 : Assassiner.

Dégéler

un détenu, 1846 : Mourir par violence en prison.

Dégeler (se)

La Rue, 1894 : Se déniaiser, se dégourdir.

France, 1907 : Se déniaiser, se dégourdir.

Ne te semble-t-il pas que la petite Georgette s’est joliment dégelée depuis sa sortie du couvent ?
— Bah ! ce n’était qu’une couche de givre. Un baiser de son cousin le cuirassier l’a fait fondre.

(Les Propos du Commandeur)

Dégeler son membre

Delvau, 1864 : L’introduire à moitié roide dans le vagin d’une femme dont la chaleur le force à grossir et à brûler lui-même.

Un jour d’hiver Collas tout éperdu
Vint à Catin présenter sa requête
Pour dégeler son chose morfondu.

Cl. Marot.

Déger

La Rue, 1894 : Mort. Dégelé, cadavre.

Degingandé

France, 1907 : Débauché. Personne à longues jambes, d’une tournure gauche ou ridicule.

Dégingandé

d’Hautel, 1808 : On dit par mépris d’une femme grande et mal bâtie, dont le maintien est libre et peu décent, qu’Elle est toute dégingandée ; et plus communément toute déhanchée.

Delvau, 1866 : adj. s. Qui a mauvaise grâce, au propre et au figuré, — dans l’argot du peuple.

Dégingander (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se donner des allures excentriques et de mauvais goût.

France, 1907 : Marcher d’une façon gauche : se donner des allures excentriques. Le mot date du XVe siècle. On écrivait alors déguenguander. Rabelais dit déhingander.

— Je me donne à tous les diables, si les rhagadies (gerçures) et hémorrhoïdes ne m’advinrent si très horribles que le pauvre trou de mon clouz bruneau en feut déhingandé.

(Pantagruel)

Charles Nisard donne comme radical à ce mot le roman guandia ou guanda ; au figuré, tromperie, tergiversation, détour et, au propre, tout mouvement de côté pour s’esquiver.

Déglingué (être)

France, 1907 : Être fripé, déchiré, en haillons.

Déglingue (tomber dans la)

Virmaître, 1894 : Être tout à fait par terre. Plus misérable que les misérables (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Tomber dans la dernière misère.

Déglinguer

Fustier, 1889 : Détériorer.

La Rue, 1894 : Détériorer. Arracher.

Rossignol, 1901 : Déchirer.

Tu viens de nu déglinguer les baguenaudes de mon serouel.

Hayard, 1907 : Abîmer, déchirer.

France, 1907 : Abimer, détériorer, friper.

— Hé ! dites donc, vous, là-bas ! Quand vous aurez fini de tripoter ma fille ! vous allez me la déglinguer !

(Les Joyeusetés du régiment)

Dégobillade

Delvau, 1866 : s. f. Résultat d’une indigestion, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Vomissement, chose malpropre et répugnante.

Dégobillage

Rigaud, 1881 : Matières rejetées hors de l’estomac. — Dégobiller, vomir. — Pratiquer sa cambrure dans un fort dégobillage escrabouillé sur le trot. Mettre le pied dans un fort dégobillage aplati sur le trottoir.

Dégobiller

d’Hautel, 1808 : Vomir les viandes, que l’on a prises avec excès ; regorger le vin dont on s’est enivré.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Avoir une indigestion.

Virmaître, 1894 : Vomir (Argot du peuple). V. Mettre du cœur sur le carreau.

Rossignol, 1901 : Vomir.

Hayard, 1907 : Vomir.

France, 1907 : Vomir : de gobiller, fréquentatif de gober.

Lors je fis mettre le couvert
Sous un rocher creux et couvert
De quantité d’arbres sans nombre,
Où l’on pouvoit manger à l’ombre,
Aussi tost que l’on eut servy,
Tout aussi-tost tout fut ravy
Par ces franches escornifleuses :
O bon Dieu ! les braves mangeuses !
Le chancre près d’elles n’est rien,
Quoy qu’un chancre mange très bien,
Mais les porques dégobillèrent
Et toutes nos napes souillèrent.

(Scarron, Le Virgile travesti)

Dégobillis

d’Hautel, 1808 : Vomissement ; rejet des alimens que l’on a pris avec trop d’abondance. Le peuple dit par corruption, dégobillage.

Dégoiser

d’Hautel, 1808 : Babiller, bavarder avec feu ; caqueter comme un perroquet.
Il a l’air dégoisé ; c’est-à-dire, fin et mâdré.
On dit aussi d’une fille hardie, qui semble en savoir plus qu’il ne convient, qu’elle a l’air dégoisée.
Faire dégoiser quelqu’un.
Le faire jaser, lui tirer les vers du nez.

Rossignol, 1901 : Parler, causer, dire.

As-tu bientôt fini de dégoiser sur tout le monde. — Je le sais, on me la dégoisé.

Dégommade

Delvau, 1866 : s. f. Vieillesse, décrépitude naturelle ou précoce, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Voir Dégommage.

Dégommage

Rigaud, 1881 : Perte d’emploi. — Misère. Allusion aux timbres-poste qui, faute de gomme, ne tiennent pas.

France, 1907 : Ruine morale ou physique. En argot militaire, cassation. Le gradé cassé perd en effet, de son brillant, de son lustre, de sa gomme.

Dégommé

Larchey, 1865 : Fané, terni.

Je me rouille, je me dégomme.

Labiche.

Rigaud, 1881 : Usé, vieilli, flétri. — Comme elle est dégommée. — Infortuné qui a perdu sa place. — Préfet dégommé.

C’est moi qui du coin d’la rue,
J’ta l’premier trognon de laitue
À c’ pouvoir qu’est dégommé.

(L. Festeau, Le Gamin 1834.)

France, 1907 : Mort. Quart des dégommés, commissaire des morts.

Dégommer

un détenu, 1846 : Mourir, cesser de vivre.

Larchey, 1865 : Destituer.

Réélu ! — Dégommé !

Gavarni.

Delvau, 1866 : v. a. Destituer, casser d’un grade, — dans l’argot des troupiers. Se dégommer. S’entre-tuer.

Rigaud, 1881 : Surpasser. — Destituer.

Fustier, 1889 : Mourir. Dégommé, mort. Quart des dégommés, commissaire des morts.

France, 1907 : Surpasser.

France, 1907 : Mourir.

— Comment ! Le colonel est dégommé ! C’est pour ça qu’on est si joyeux ! C’était pourtant un brave brave homme.
— Brave homme, c’est possible ! mais ça va faire de l’avancement ! de l’avancement, mon bon, de l’avancement…

(Hector France, L’Homme qui tue)

France, 1907 : Casser, en argot militaire, un caporal ou un sous-officier de son grade. Destituer un fonctionnaire, lui enlever sa gomme.

La cour, qui en voit de raides cependant, a eu de la peine à digérer celle-là. Toutelois, on n’ose jamais tenir grande rigueur à un premier ministre. Timidement la magistrature lui a posé cette petite question : Mais vous êtes trigame ?
— C’est bien possible, a répondu Crispi, mais je suis aussi ministre. Si vous ne me f… pas la paix, je vous dégomme.

(Le Petit Pioupiou)

N’est-ce pas la gomme qu’on emploie pour donner à une étoffe la roideur, le poli, l’éclat ? Quand cette étoffe est dégommée, elle a perdu son lustre, elle est devenue chiffon. Un homme maladif, souffrant, est, dit-on, dégommé. C’est une expression très juste et qui lait image. Voyez ce préfet, à la démarche roide et fière, au regard olympien. Il fait trembler son département. — Vienne un simple télégramme, trois mots… Il est démissionné — non, il est dégommné. Son œil se voile, sa raideur s’affaisse. (J’en ai connu un qui avait perdu en une nuit dix centimètres de sa taille.) Le frac vulgaire, ou le démocratique paletot-sac, a remplacé l’habit brodé. Dégommé ! oh ! oui, dégommé !

(Baron Piot)

Dégommer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Vieillir, perdre de ses cheveux, de son élégance, de sa fraîcheur, — au propre et au figuré.

France, 1907 : S’entre-tuer.

Napoléon, c’vieux grognard,
D’ces jeux où l’on se dégomme,
En queuqu’s mots résumait l’art.

(Vieille chanson)

Se dit aussi pour vieillir, perdre ses cheveux, ses dents, sa fraîcheur.

Dégorger

d’Hautel, 1808 : C’est un gros pigeon qu’il faut faire dégorger. Pour c’est un escroc, un voleur, qu’il faut forcer à restitution.
Dégorge. Se dit à un joueur de mauvaise foi, qui après avoir gagné frauduleusement finit par perdre.

Rigaud, 1881 : Avouer.

Il devait en jauger plus qu’il n’avait voulu certainement en dégorger.

(L. Cladel, Ompdrailles, Le Tombeau des lutteurs.)

France, 1907 : Payer. Dégorger sa sangsue, avoir commerce avec une femme.

Trop de sang, nom de Dieu ! s’écriait le capitaine ; le sang m’étouffe ! J’ai besoin d’une saignée.
— Oui, répliqua le médecin-major, il vous faut dégorger votre sangsue.

(Les Propos du Commandeur)

Dégoté (être)

France, 1907 : Être renvoyé, perdre son emploi.

Pauvre ouvrier en redingote,
Que l’État traite en vrai bourreau,
Pour ne pas que l’on te dégote,
Trime pour ton chef de bureau.

(Jules Jouy)

Dégoter

d’Hautel, 1808 : Terme burlesque fort usité parmi les écoliers, et qui équivaut à déplacer, chasser quelqu’un de son poste, le supplanter dans la place ou le rang qu’il occupoit.
Il a beau faire, il ne le dégotera pas. C’est-à dire, quoiqu’il fasse, quelque peine qu’il se donne pour le déplacer, il n’y parviendra pas.

La Rue, 1894 : Prendre. Apercevoir. Découvrir. Destituer. Surpasser.

Rossignol, 1901 : Trouver, voir.

Il y a un mois que je cherchais mon chien, j’ai fini par le dégoter. — J’ai dégoté la femme à Jules au bras d’un amoureux.

Dégoter veut aussi dire faire mieux qu’un autre. On dit encore de quelqu’un qui est mal vêtu : il la dégote mal.

Dégoter, dégotter

France, 1907 : Surpasser.

L’émulation, ce puissant moteur du bien, existe aussi pour le mal. Les jeunes rôdeurs se montent mutuellement la tête. Ils veulent faire parler d’eux, devenir célèbres, dégotter tel ou tel cabot du crime dont le public s’entretient. Ils vont au mal, parce que la route du mal s’ouvre devant eux. Peut-être iraient-ils au bien si la société se préoccupait avec plus d’intelligence de leur en montrer le chemin.

(Paul Foucher)

Bien à tort, le public s’exclame
Sur la finesse de Prado ;
Cet assassin, je le proclame,
N’est qu’un maladroit, un lourdaud.
Sans me faire de la réclame,
Je puis dire, sans vanité,
Que, par mon habileté,
Je l’ai vraiment dégoté !

(Jules Joly)

— Sieds-toi, monsieur ; regarde comme je suis belle ! Et prends-moi, si ça te plaît !
Il s’étendit à plat le ventre sur le divan aux couleurs tapageuses qui, rehaussant cet humble boudoir, lui prêtait, à la clarté molle de deux lampes d’albâtre, une certaine apparence de luxe, et, s’étant étiré les quatre membres, il bâilla, puis il la contempla nonchalamment de cet œil connaisseur avec lequel maquignons et gentilshommes étudient la structure des pur sang.
— Hé ! hé ! bourdonna-t-il, tu dégotes la Médicis et la Milo !

(Léon Cladel, Une Maudite)

Dégottage

Delvau, 1866 : s. m. Action de surpasser quelqu’un en force ou en talent, en esprit ou en beauté. Argot des faubouriens. Signifie aussi : Recherche couronnée de succès.

Rigaud, 1881 : Trouvaille.

Rigaud, 1881 : Supériorité morale ou physique.

France, 1907 : Action de surpasser quelqu’un d’une façon quelconque.

Dégotter

un détenu, 1846 : Trouver quelqu’un ; piller, prendre, enlever.

Larchey, 1865 : Surpasser. On disait en 1808 dégoutter, c’est-à-dire : être placé au-dessus de quelqu’un, dégoutter sur lui. V. d’Hautel.

Quel style ! Ça dégotte Mm’ de Sévigné.

Labiche.

Delvau, 1866 : v. a. Surpasser, faire mieux ou pis ; étonner, par sa force ou par son esprit, des gens malingres ou niais. Signifie aussi : Trouver ce que l’on cherche.

Rigaud, 1881 : Surpasser. — Prendre la place d’un autre — Trouver. Dégotter une roue de derrière, trouver une pièce de cinq francs.

D’ailleurs, l’affaire est à moi. Je l’ai dégottée et, de plus, j’ai donné le coup.

(G. Marot, l’Enfant de la Morgue.)

Merlin, 1888 : Surpasser.

Virmaître, 1894 : Se dit de quelqu’un mal habillé.
— Tu la dégottes mal.
Dégotter, signifie également trouver.
— Il y a deux mois que je la cherche, j’ai fini par la dégotter.
Dégotter
quelqu’un : faire quelque chose mieux que lui. Victor-Hugo, par exemple dégotte Sarrazin, le poète aux olives (Argot du peuple).

France, 1907 : Trouver, découvrir.

Pour cette fois, les policiers ont fait four, ils n’ont pu rien dégotter qui donne un semblant de raison à leurs menteries.

(Père Peinard)

— Tiens ! quoi donc que j’dégott’ dans l’noir,
Qu’est à g’noux, là-bas, su’ l’trottoir ?
Eh ben ! là-bas, eh ! la gonzesse !

(André Gill, La muse à Bibi)

Dégotter (la)

Rigaud, 1881 : Faire figure, représenter. Il la dégotte mal, il a mauvaise tournure, argot du peuple.

Dégouler

Rigaud, 1881 : Baisser, diminuer, ralentir, s’en aller. « Le travail dégoule, » — dans le jargon des ouvriers. C’est l’opposé Rabouter.

France, 1907 : Tomber.

Dégoulinage

Rigaud, 1881 : Larmes silencieuses ; eau qui tombe goutte à goutte.

France, 1907 : Boisson de qualité inférieure.

Dégoulinement

France, 1907 : Coulement lent d’un liquide.

Par intermittences, des grommellements sourds lui montaient aux dents, à travers le tire-jutage d’une chique de tabac que, d’un coup de langue, il poussait d’une joue à l’autre ; et en un mouvement machinal, il passait la main sur le bas de son groin lubrifié par le dégoulinement des salives.

(Camille Lemonnier)

Dégouliner

Larchey, 1865 : Couler doucement. — Onomatopée.

V’là au moins la vingtième (larme) qui dégouline sur ma joue.

Ricard.

Delvau, 1866 : v. n. Couler, tomber goutte à goutte des yeux et surtout de la bouche, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Couler doucement goutte à goutte. Les larmes dégoulinent le long des joues. — Dégouliner ce qu’on a sur le cœur, dire sa façon de penser, se soulager par l’aveu d’un secret. Le mot date de la fin du XVIIIe siècle.

Céline baissa la tête, alors l’autre baissa aussi la tête et une grosse larme lui dégoulina des cils.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

France, 1907 : Couler lentement, goutte à goutte. Dégouliner ce que l’on a sur le cœur, même sens que se déboutonner.

Il avait gardé dans les mâchoires une chique de tabac dont le jus coulait en filets bruns sur les picots de son menton, et de là dégoulinait parmi les ganglions du cou, comme à travers des rigoles.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Dégourdi

d’Hautel, 1808 : Un dégourdi. Un garçon alerte et éveillé, et très-près regardant sur ses intérêts.

Virmaître, 1894 : Se dit par ironie d’un homme lourd et pâteux.
— J’ai froid, je vais marcher vite pour me dégourdir les jambes.
On dit d’une gamine qui connaît à six ans ce qu’elle devrait ignorer à quinze : elle est dégourdie pour son âge (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Malin. On dit aussi de celui qui est leste : c’est un dégourdi.

France, 1907 : S’emploie ironiquement pour le contraire.

— Allons, espèce d’empoté ! Vous avez l’air d’une andouille ! Avancez donc, bougre de dégourdi !… hurla au jeune engagé le sous-off, en guise d’encouragement.

(Les Joyeusetés du régiment)

France, 1907 : Émancipé, alerte, actif.

Un grand gaillard, propre comme un sou neuf, des guêtres éblouissantes, la vareuse bien tendue sur le ceinturon luisant, le képi sur l’oreille, le teint brûlé, de la moustache à peine, l’air dégourdi d’un faubourien de grande ville.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Dégourdir

d’Hautel, 1808 : On dit malicieusement d’une jeune demoiselle qui chaque jour devient plus libre, qui prend un air gaillard avec les hommes, qu’elle commence à se dégourdir.

Delvau, 1866 : v. a. Émanciper l’esprit ou les sens de quelqu’un, — dans le même argot [du peuple]. Se dégourdir. Se débourrer, se débarrasser de ses allures gauches, de la timidité naturelle à la jeunesse. Signifie aussi : S’amuser.

Rossignol, 1901 : Lorsqu’il fait froid, on marche vite pour se dégourdir les membres. On dit aussi à celui qui est mou, mollasse :

Je vais te dégourdir.

France, 1907 : Déniaiser quelqu’un. Donner à quelqu’un de l’entregent, de l’initiative, lui faire perdre de sa gaucherie et de sa timidité.

Dégoutation

Rigaud, 1881 : Personnification dégoûtante. (L. Larchey) Une dégoutation d’homme.

Dégoûtation

France, 1907 : Personne ou chose dégoûtante.

En course, l’après-midi, son grand carton sous le bras, ou, le soir, lorsqu’elle remontait vers les pruneaux paternels, elle allumait les regards et électrisait les moelles des vieillards fatigués qui guettent le fruit vert dans les passages. Mais les vieillards fatigués en étaient pour leurs furtifs attouchements et leurs propositions chuchotées. Elle filait comme une comète, avait vite essoufflé les suiveurs. Enfin, chaque soir, à son sixième de la rue de la Goutte-d’Or, en se mettant au lit, séparée par une cloison mince comme une feuille de papier du lit où l’épicier cohabitait avec sa concubine, Solange s’endormait en se disant : « Pouah ! tout ça c’est de la degoûtation… Moi, je le garde pour me marier… »

(Paul Alexis)

Dégoûté (n’être pas)

Delvau, 1866 : Prendre le meilleur morceau, choisir la plus jolie femme, — dans le même argot [du peuple].

Rigaud, 1881 : Savoir apprécier, montrer du goût. — Vous aimez les jolies femmes, vous n’êtes pas dégoûté.

Dégouté (pas)

Larchey, 1865 : Ambitieux.

Se dit en plaisantant d’un homme qui sans avoir l’air de choisir, prend le meilleur morceau.

d’Hautel, 1808.

« Belle dame, vous êtes joliment jolie ce soir ! je souperais fièrement avec vous. » — « Tu n’es fichtre pas dégoûté. » — Gavarni.

Dégoûté (pas)

France, 1907 : Se dit de quelqu’un qui désire au-dessus de sa condition ou hors de toute probabilité de réussite.

— Je coucherais bien avec la marquise.
— Je te crois, mon vieux larbin, tu n’es pas dégoûté !

Dégoûter

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas dégoûté. Se dit en plaisantant d’un homme qui, sans avoir l’air de choisir, prend toujours le meilleur morceau d’un plat, ou s’approprie la meilleure partie d’un lot ou d’une affaire.
C’est un bon dégouté. Pour c’est un luron de bon appétit, qui aime le plaisir par-dessus toute chose.

Dégoutter

d’Hautel, 1808 : Quand il pleuvra sur lui il dégouttera sur moi. C’est-à-dire, j’aurai part au bien ou au malheur qui lui arrivera.
À la cour, chez les gens puissans, s’il n’y pleut il y dégoutte. Signifie que s’il n’est pas jours permis d’y espérer une grande fortune, on peut du moins y prétendre à quelqu’avantage.

Dégrafée

Hayard, 1907 : Prostituée élégante.

France, 1907 : Jeune personne de mœurs plus que légères.

Chez une de nos dégrafées :
Après déjeuner, le vieux baron de X… ayant trop présumé de ses forces, s’affale tout à coup sur le canapé, pris d’une syncope.
La belle, effrayée, sonne et dit à sa camériste qui accourt :
— Des sels, vite, des sels !
Le vieux, se remettant un peu et entr’ouvrant péniblement un œil :
— Non, du poivre, plutôt !

(Ange Pitou)

Deux dégrafées de haute marque parlent chacune de son seigneur et maître avec une égale désinvolture.
— Il est très gentil le baron, mais il m’embête.
— Comme le comte, alors !
— Dame ! Il est toujours sur mon dos.
— Moi, c’est le contraire !

(Gil Blas)

Dégraffer

d’Hautel, 1808 : Détacher une agraffe. Le peuple dit par corruption désagraffer.

Dégraisser

d’Hautel, 1808 : On dit figurément d’un homme que l’on a dépouillé d’une grande partie des biens qu’il avoit mal acquis, qu’on l’a bien dégraissé.

Rigaud, 1881 : Faire perdre de l’argent. — Dégraisser le hausse, faire perdre de l’argent au patron.

La Rue, 1894 : Voler.

France, 1907 : Voler, l’argent étant considéré comme une graisse. Se dit aussi pour toucher de l’argent chez un débiteur. Dans l’argot des filles dégraisser un homme, c’est de ruiner.

Dégraisser (se)

Delvau, 1866 : Maigrir, — dans l’argot du peuple.

Dégraisser un homme

Delvau, 1866 : v. a. Le ruiner, — dans l’argot des petites dames, qui trouvent alors qu’il n’y a pas gras dans ses poches.

Dégraisseur

Rigaud, 1881 : Filou, usurier, — dans le jargon des voyous. Envoyer une bobine chez le dégraisseur, voler une montre.

Virmaître, 1894 : Le garçon de banque qui à chaque échéance vient dégraisser les débiteurs (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Garçon de recettes.

France, 1907 : Garçon de banque qui passe à chaque échéance chez le débiteur pour le dégraisser.

Dégraisseurs

Rossignol, 1901 : Garçons de recette.

Degré de longitude

France, 1907 : Membre viril. On l’appelle aussi : bâton pastoral, bâton de lit, branche de corail, bréviaire, fuseau, laboureur de nature, paquet de mariage, pèrm bout avant, pièce de génération, touche d’Allemand.

Dégrimauder

France, 1907 : Marmotter entre ses dents d’un air mécontent, comme fout les vieilles femmes.

Dégrimoner (se)

France, 1907 : S’agiter, se tourmenter.

Dégrimonner

Rigaud, 1881 : S’agiter, se tourmenter, — dans l’argot des bourgeois. (L. Larchey)

Dégringiller

France, 1907 : Sortir.

Dégringolade

Delvau, 1866 : s. f. Ruine, débâcle de fortune, — dans l’argot des bourgeois, témoins des croulements fréquents des parvenus d’aujourd’hui.

Rigaud, 1881 : Vol. — Dégringolade à la flûte, vol commis par une fille publique sur la personne d’un client.

La Rue, 1894 : Vol ou assassinat. Mort.

Virmaître, 1894 : V. Dégringoler.

Rossignol, 1901 : Lorsque les affaires vont en périclitant, c’est de la dégringolade.

France, 1907 : Chute ; vol ; assassinat ; mort.

Nous qui, jadis, montrions tant d’ardeur et d’enthousiasme, et à qui les autres peuples prêtaient tant d’esprit, — pourquoi dit-on qu’ils nous prêtaient de l’esprit ? ils en avaient donc ? — je nous regarde aujourd’hui veules, avachis, et nous laissant aller à une véritable dégringolade, effet désastreux de j’ignore quelle cause et qui nous abîmera au fond de je ne sais quoi.

(Louis Davyl)

Dégringolade à la flûte

La Rue, 1894 : Vol commis par une prostituée sur son client.

Virmaître, 1894 : Vol commis par une fille sur un miché de passage. L’expression flûte est assez significative (Argot des voleurs).

France, 1907 : Vol commis par une fille publique sur un client de passage. Expression imagée.

Dégringolage

France, 1907 : Vol.

Dégringolé du c. de Marie la salope

Rigaud, 1881 : Enfant de père inconnu.

Dégringoler

d’Hautel, 1808 : Descendre en hâte, se laisser choir ; tomber de l’endroit où l’on étoit monté.
Faire dégringoler les escaliers à quelqu’un. Le faire descendre quatre à quatre, avec ignominie.
On dit aussi figurément d’une personne dont la fortune va toujours en décroissant, qu’il dégringole.

Rigaud, 1881 : Voler. Dégringoler un aminche, voler un camarade.

Virmaître, 1894 : Tomber d’une haute situation dans la misère. Dégringoler un pante : tuer un bourgeois. Dégringoler des hauteurs d’un succès pour tomber dans la médiocrité (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Voler. Si en entrant chez soi on trouve son logement dévalisé, c’est que l’on a été dégringolé.

Hayard, 1907 : Glisser, tomber.

France, 1907 : Voler où tuer.

Nos pères ne connaissaient pas le récidiviste, plaie de nos grandes villes. De leur temps, la première fois qu’on prenait un particulier à dégringoler un pante, on lui cassait les bras et les jambes et on le laissait expirer, les membres entrelacés, dans les jantes d’une roue de cabriolet, supplice d’une inutile atrocité, mais qui ne permettait pas la récidive.

(Albert Rogat)

Quand la môm’ rend visite
À Lazar’, son patron,
Pour remplacer la p’tite
Faut qu’ils gagn’nt du pognon
Ils dégringol’nt, en douce,
Les malheureux poivrots,
Car ils n’ont pas la frousse
Les petits gigolos !…

(Léo Lelièvre)

France, 1907 : Tomber, perdre sa situation.

Chose curieuse ! sa fin (Maurice Richard) lui avait été prédite avec tous les détours possibles, il y a peu de temps, par une mondaine de ses amies qui s’occupe de graphologie.
Elle faisait devant lui des expériences avec l’écriture de diverses personnes. Le châtelain de Millemont voulut avoir son horoscope et se mit à griffonner quelques lignes d’écriture.
— Oh ! oh ! se récria la dame en inspectant l’autographe, il faut faire attention, car vous dégringolez, mon cher ministre !…

(Gil Blas)

Dégringoler de la mansarde

Fustier, 1889 : Sentir mauvais de la bouche.

France, 1907 : Avoir mauvaise haleine.

Dégringoler par la gargouille

France, 1907 : Couler dans le gosier ou sur la figure.

Sûr, i’ pleut ! Mêm’ que ça coul’ dru ;
Ça dégringol’ par la gargouille ;
Jusqu’à présent j’ai toujours cru
Qu’quand i’ tombe d’eau ça vous mouille…

(Aristide Bruant)

Dégringoleur, euse

Fustier, 1889 : Voleur, euse.

Malgré la réputation de dégringoleuse de la prévenue, le vol du chronomètre n’a pas été suffisamment établi à sa charge.

(Gazette des Tribunaux, août 1884.)

Dégringoleuse

Hayard, 1907 : Prostituée qui dévalise.

Dégrossir

Delvau, 1866 : v. a. Découper des viandes, — dans l’argot des francs-maçons.

France, 1907 : Découper de la viande. Terme de bouchers

Dégrossir une paysanne

France, 1907 : La dégourdir et, souvent, la rendre grosse.

Une jolie petite bonne, arrivée récemment de la campagne et paraissant fort naïve, éprouve tout à coup une indisposition inaccoutumée. On envoie chercher le médecin.
— Oh ! oh ! fait celui-ci au maître de céans, je crois que notre ingénue a été dégrossie.
— Non, monsieur, répond la paysanne, je crois, au contraire, que je suis grosse.
Et elle se met à pleurer.
— C’est ce que je voulais dire, reprend le docteur. Et… de combien, pensez-vous ?
— Hélas ! monsieur, d’une fois seulement.

Dégrouiller

France, 1907 : Bruit que les boyaux font dus le ventre.

Dégrouper (se)

Rigaud, 1881 : Se retirer d’un endroit, quitter une société, — dans le jargon du peuple. Dégroupons, faut aller pioncer.

T vas te fair’ dégrouper et p’us vite que ça, vadrouilleux.

Déguelade, dégueulage

France, 1907 : Vomissement.

Déguelindo

Rossignol, 1901 : Rot, roter.

Dégueulade, dégueulage, dégueulis

Fustier, 1889 : Vomissement. Dégueulage a aussi, dans le peuple, le sens de cravate.

Dégueulando

France, 1907 : « En dégueulant », latinisme de cuisine.

Et sur ces pauvres faces, si dolentes au réveil, un rayon s’allumait et comme une aurore se mettait à fleurir, tandis que le chanteur continuait sa romance, pourtant bien banale, barytonnée de quel accent à la fois vulgaire et prétentieux, avec des ports de voix pleurarde, des roulades gargouillantes et de savonneux roucoulements dégueulando…
Plus prétentieux alors, plus artiste et plus cabotin se faisait le chanteur, qui grasseyait jusqu’à l’écœurement ses flûteries mélancoliques, se gargarisait sans fin de ses roulades, roucoulait caracoulait et s’alanguissait en ports de voix où l’on eût dit que dans un dégueulando suprême il allait rendre l’âme.

(Jean Richepin)

Dégueularder

France, 1907 : Parler, médire.

Dégueulas

Delvau, 1866 : adj. Dégoûtant, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens et des choses.

Rigaud, 1881 : Dégoûtant.

Rossignol, 1901 : Chose écœurante à voir.

France, 1907 : Qui donne envie de vomir. Le féminin est dégueulasse.

Voir cette fin de siècle, dégueulasse au possible, où tout est menteries, crapuleries et brigandages, — et assister la bouche close à tout ça : nom de Dieu ! je pouvais pas m’y faire.

(Almanach du Père Peinard, 1894.)

Dégueulas, dégueulatif, dégueuldif, dégoutatif et emmerdatoire

Virmaître, 1894 : Individu à l’aspect tellement dégoûtant que sa vue soulève le cœur et donne envie de vomir (Argot du peuple). N.

Dégueulasse

Hayard, 1907 : Dégoûtant.

Dégueulatif

Rigaud, 1881 : Être, objet dégoûtant, dont la vue fait vomir.

Vos pareils ont l’habitude vraiment dégueulative d’attendre les filles du peuple à la sortie des ateliers.

(L’art de se conduire dans la société des pauvres bougres, 1879.)

Dégueulatoire

Fustier, 1889 : Repoussant, dégoûtant, qui donne envie de dégueuler.

France, 1907 : Repoussant.

Dégueulbite, dégueulboche

Rigaud, 1881 : Dégoûtant, — dans le jargon des voyous. Dérivés de dégueulis.

Dégueuler

d’Hautel, 1808 : Terme bas et ignoble quand on l’applique à un être doué de raison, et qui signifie vomir, dégorger. On dit figurément d’un grossier, d’un butor qui se plait à dire des injures, qu’il ne fait que dégueuler.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Avoir une indigestion, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Dénoncer ses complices.

France, 1907 : Vomir.

Françoise, qui toujours est prête
À faire entendre son caquet,
Veut crier plus haut ; un hoquet
Lui coupe soudain la parole,
Il redouble. — Oh ! lui dit Nicole,
Ne nous dégueulez pas au nez…

(J.-J. Vadé, Œuvres poissardes)

France, 1907 : Parler avec abondance, comme si l’on vomissait ses paroles.

Réciter de mémoire une leçon du professeur, tout un chapitre de chimie : parler d’abondance sans s’inquiéter de comprendre ce que l’on dit. Certains « colleurs » prétendent coter l’intelligence de l’élève ; d’autres apprécient uniquement le dégueulage. Le comble de l’astuce est de dégueuler sa réponse, en s’exprimant avec une légère hésitation, afin de laisser croire qu’on a trouvé par réflexion la réponse à la question posée.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argort de l’X)

Dégueulis

Delvau, 1866 : s. m. Résultat d’une indigestion.

Rigaud, 1881 : Matières rejetées hors de l’estomac. Mot à mot : au-delà de la gueule.

France, 1907 : Vomissement.

Dégueuloir

France, 1907 : Récipient dont se servaient les anciens pendant leurs banquets pour se décharger l’estomac et pouvoir le remplir à nouveau.

Si les consuls romains, en général, étalaient leurs déportements, ils apportaient dans l’administration, dans l’armée, dans les arts, des merveilleuses capacités intellectuelles, parce que ces gens-là sentent si bien la nécessité de renouveler leur chyle, puis leur sang riche, qu’ils mangeaient même plus que leur estomac ne pouvait contenir ; et ne sait-on pas que leurs salles de festins étaient pourvues de dégueuloirs !

(Paul Pourot, Les Ventres)

Dégui

Delvau, 1866 : s. m. Déguisement — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Déguisement. Signalement.

Virmaître, 1894 : Abréviation de déguisement (Argot des voleurs).

Déguignoner

d’Hautel, 1808 : Être déguignoné. N’être pas toujours dans le malheur, avoir des intervalles de bonne fortune ; regagner ce que l’on a perdu au jeu.

Déguis

France, 1907 : Abréviation de déguisement.

Déguiser (se) en cerf

La Rue, 1894 : Fuir.

Déguiser en cerf

un détenu, 1846 : Prendre la fuite.

Déguiser en cerf (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se retirer avec plus ou moins d’empressement, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Se sauver le plus rapidement possible.
— Je t’invite à un bal masqué, quel costume prendras-tu ?
— Je me déguise en cerf.
Mot à mot : Je n’y vais pas (Argot du peuple). N.

France, 1907 : S’enfuir le plus vite possible.

Déguismar

Rigaud, 1881 : Déguisement. Variantes : Déguis, déguisemuche, déguisemince.

Déhanché

d’Hautel, 1808 : Avoir l’air d’un déhanché. C’est-à-dire, l’air d’un polisson, d’un libertin, d’un mauvais sujet

Déhotter

Hayard, 1907 : Partir.

France, 1907 : Débourber un chariot ; du patois rémois.

Deïe

un détenu, 1846 : Foule, monde, attroupement.

Déjeté

Delvau, 1866 : adj. Individu mal fait, laid, maigre, dégingandé, — dans l’argot des ouvriers. N’être pas trop déjeté. Être bien conservé.

Rigaud, 1881 : Homme courbé par le malheur ou la maladie, affaissé moralement ou physiquement. Femme déjetée, femme sur le retour.

La Rue, 1894 : Laid. Mal venu. Ne pas être déjeté, avoir bonne mine, être joli, bien fait.

Hayard, 1907 : Décrépit.

France, 1907 : Mal bâti. N’être pas déjeté, avoir bonne mine.

Déjeter

Rossignol, 1901 : Mal, vilain. Une femme d’un certain âge, bien conservée, n’est pas toujours à déjeter.

Déjeûner

d’Hautel, 1808 : Il n’en a pas pour un déjeûner. Métaphore qui se prend en bonne part, en parlant d’un ouvrier fort habile à l’ouvrage ; et en mauvaise part en parlant d’un dissipateur.
Déjeûner de clerc. Déjeûner sec et de courte durée.

Déjeuner à la fourchette

Merlin, 1888 : Se battre en duel. C’est le matin qu’on se rend, en effet, généralement sur le terrain ; mais comme dans le métier militaire on se bat parfois pour des motifs futiles et qu’avec les précautions prises, le duel n’a, la plupart du temps, aucun résultat fâcheux, il n’est pas rare que l’incident soit suivi d’un véritable déjeuner à la fourchette.

France, 1907 : Duel au sabre ou au fleuret ; argot militaire.

Déjeuner de perroquet

Delvau, 1866 : s. m. Biscuit trempé dans du vin, qui permet d’attendre un repas plus substantiel. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Pain où biscuit trempé dans du vin.

Déjeuner de soleil

Rigaud, 1881 : Objet de peu de durée : s’emploie surtout en parlant d’une étoffe mauvais teint.

C’est un déjeuner de soleil.

Déjoséphier

France, 1907 : Déniaiser, en parlant des garçons, par allusion à Joseph que madame Putiphar ne parvint pas à déniaiser.

Déjucher

d’Hautel, 1808 : Chasser quelqu’un d’un lieu où il est bien établi.
On aura bien de la peine à le déjucher de là. Pour on le fera difficilement déguerpir de ce lieu là.

Delader

M.D., 1844 : Ne pas être heureux.

Délamponné

France, 1907 : Débraillé, déchiré ; du patois rémois. « Un petit drôle tout délamponné. »

Deleatur

Boutmy, 1883 : s. m. Signe ayant à peu près la forme d’un delta grec, et par lequel on indique, dans la correction des épreuves, ce qui est à retrancher. Ce mot qui est la troisième personne sing. du présent du subjonctif passif du verbe latin delere, effacer, signifie : qu’il soit effacé.

Delenda Carthago

France, 1907 : « Il faut détruire Carthage. » Ce latinisme s’emploie en parlant d’un orateur où d’un écrivain qui ramène sans cesse et avec obstination ses discours ou ses écrits sur le même sujet, une idée qu’il croit bonne et utile à la cause qu’il défend, comme le célèbre Caton, dit l’Ancien ou le Censeur, qui ne prenait la parole au sénat romain que pour terminer ses discours par ces mots « et delenda Carthago ». La reprise de l’Alsace-Lorraine est le delenda Carthago des patriotes.

Délibérable (un)

Merlin, 1888 : Pour libérable.

Délicat

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme qui a le goût difficile, qu’il est délicat et blond.

Délicat et blond

Delvau, 1866 : adj. Se dit ironiquement d’un gandin, d’un homme douillet, quelles que soient la couleur de ses cheveux et la vigueur de son corps. L’expression date d’un siècle.

France, 1907 : Gandin, homme douillet, petit crevé.

Délicoquentieusement

Larchey, 1865 : Délicieusement. — V. Supercoquelicantieux.

Pour y retrouver un Arthur delicoquentieusement séducteur.

Ed. Lemoine.

Delvau, 1866 : adv. Merveilleusement, — dans l’argot des coulisses.

France, 1907 : Mot inventé par quelque imbécile ou quelque fat de lettres pour dire délicieusement et qui a été adopté aussitôt par les moutons de Panurge qui composent le public.

Delige

Larchey, 1865 : Voiture publique (Vidocq). — Abrév. de diligence.

Délige

Delvau, 1866 : s. f. Diligence, — dans l’argot des voyous, qui ne parlent pas toujours diligentissimè.

France, 1907 : Coche, patache. Altération de diligence.

Délinquement

France, 1907 : Délit, faute : vieux français.

Blanquine de Laborde ayant été séduite par Jean du Ganser, le sénéchal d’Oloron condamna ce dernier à payer à sa victime pour son délinquement et récompense de la défloration cinquante écus petits et une vache pleine ou avec son veau.

(V. Lespy et P. Raymond)

Déliquescence

France, 1907 : Coterie littéraire, cousine germaine des décadents.

La politique des groupes n’a et ne peut avoir que deux résultats : la violence, — comme dans la Convention — ou la déliquescence, comme aujourd’hui.

(Nestor, Gil Blas)

Déliquescent

France, 1907 : Poète qui se dit délicat, et qui n’est le plus souvent qu’incompréhensible et assommant.

Eugénie Forestier sort de la geôle pour reprendre son métier de fille entretenue. Le jury a fait preuve envers elle d’une indulgence extraordinaire. On avait parlé à l’audience de la possibilité de la ramener au bien. O le joli pied de nez qu’elle fait, la belle fille, à ces humanitaires déliquescents ! L’écrou levé elle reprend le collier de travail et de diamants.

(Edmond Deschaumes)

Délirant

Rigaud, 1881 : Charmant.

Je ne vous connaissais pas ce bracelet, Cydalise ; il est délirant.

(Al. Karr, Les Femmes.)

Delirium tremens

France, 1907 : Folie furieuse ; latinisme.

L’ivresse est héréditaire dans sa famille : sa mère est morte à Sainte-Anne, à la suite d’un delirium tremens ; son père, après une tentative de suicide, a fini ses jours récemment à l’hôpital ; elle-même est maintenant près de sa fin ; l’alcool accomplit son œuvre néfaste ; bientôt la mort aura raison de ce corps saturé.

(G. Macé, Un Joli monde)

Trouver un rapport quelconque entre la très sublime et très sainte idée du socialisme et ces cas de delirium tremens pour lesquels Chartenton tresse ses camisoles de force et capte tes eaux courantes, ô fleuve séquanien, en ses réservoirs à douches, c’est mériter soi-même ces douches et ces camisoles, car, pas plus que les autres philosophies, le socialisme n’est responsable des idiots ou des canailles qui, au nom de n’importe quelle théorie de progrès ou de réaction, incendient les temples de Delphes ou les bibliothèques d’Alexandrie.

(Émile Bergerat)

Délivre

France, 1907 : Synonyme vulgaire d’arrière-faix ; le placenta et les enveloppes du fœtus.

(Dr Michel Villemaret, Dictionnaire scientifique de l’amour)

Déloger

d’Hautel, 1808 : Il a pris Jacques Déloge pour son procureur. Facétie populaire pour dire qu’un homme a déménagé sans payer ; qu’il s’en est allé furtivement.
Déloger sans tambour ni trompette. Mettre la clef sous la porte ; faire banqueroute ; s’en aller à petit bruit.

Déluber

Rigaud, 1881 : Commencer, débuter. C’est la dislocation de ce dernier mot.

Demain

Larchey, 1865 : Jamais. — Terme ironique. — Demain ne sera jamais aujourd’hui.

France, 1907 : Jamais.

Démancher

d’Hautel, 1808 : Se démancher. Se donner beaucoup de peine ; crier à tue tête ; s’agiter, se démener ; se détraquer pour des choses très-peu importantes.

Démancher (se)

Larchey, 1865 : Se donner grand mouvement.

Et d’la façon dont j’me démanche, On nous verra requinqués à la papa.

Duverny, Chanson, 1813.

Delvau, 1866 : Se remuer beaucoup, se donner beaucoup de mal, souvent inutilement. Argot du peuple.

France, 1907 : Se donner du mal ou du mouvement.

Demande

d’Hautel, 1808 : À sotte demande point de réponse. Se dit à quelqu’un qui fait de sottes questions. Il est moins incivil de dire : À folle demande point de réponse.

Demander

d’Hautel, 1808 : Faut-il demander à un malade s’il veut la santé ? Équivaut à, faut-il demander à un prisonnier s’il veut la liberté ; à une belle, si les hommages la flattent ; à un glorieux, si les honneurs lui sont agréables ; à un avare, si l’argent lui plaît ; à un fat, si la pédanterie lui sied ?

Démanger

d’Hautel, 1808 : La langue lui démange. Se dit d’un grand bavard qui ne peut trouver l’occasion de parler, et qui en meurt d’envie.
On dit aussi d’un homme vif, pétulant et impétueux, que les pieds lui démangent.
Le dos lui démange.
Pour dire, il fait tout ce qu’il faut pour se faire battre.
Gratter où cela démange. Flatter une passion dominante ; caresser ses vices.

Démantibuler

d’Hautel, 1808 : Ce meuble est tout démantibulé. C’est-à-dire, est brisé ; est hors d’état de servir.
Avoir la mâchoire toute démantibulée. C’est à-dire, ébranlée ; en fort mauvais état.

Delvau, 1866 : v. a. Briser, disjoindre. Même argot [du peuple]. C’est démandibuler qu’il faudrait dire ; la première application de ce verbe a dû être faite à propos de la mâchoire, qui se désarticule facilement. Se démantibuler. Se séparer, se briser, — au propre et au figuré.

France, 1907 : Briser, disjoindre. « Un vieux tout démantibulé. »

Démantibuler (se)

Rigaud, 1881 : Se battre, chercher à se casser un ou plusieurs membres.

Démaquiller

Larchey, 1865 : Défaire. V. Maquiller.

Delvau, 1866 : v. a. Défaire une chose faite ou convenue, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Décommander, défaire, renoncer à, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Défaire une chose convenue ou faite.

France, 1907 : Défaire une chose arrangée.

Demarcouser

Hayard, 1907 : Démarquer.

Démarger

Delvau, 1866 : v. a. S’en aller, disparaître, s’enfuir, — dans le même argot [des voleurs]. On disait autrefois Démurger.

France, 1907 : Partir ; altération du vieux mot français desmarcher.

Démariager

d’Hautel, 1808 : Se démariager. Pour se séparer de corps et de biens avec sa femme ; divorcer ; faire faux bond à l’hyménée.

Démarquage de linge

Rigaud, 1881 : « Il s’est adonné tout bonnement à un genre d’exercice qu’en argot du métier (de journaliste) nous appelons un démarquage de linge. Il a taillé, coupé, rogné dans notre article sans nous citer. » (H. de Villemessant, Figaro du 6 août 1877.)

Démarquer

France, 1907 : Changer le texte d’un article tout en en conservant le fond.

Démarquer le linge

Rigaud, 1881 : Se parer des plumes, non, de la plume d’un confrère en journalisme.

Démarqueur de linge

Rigaud, 1881 : Journaliste qui s’approprie l’article d’un confrère en changeant quelquefois un peu la rédaction. Par laconisme on dit démarqueur.

M. de P. est ce qu’on peut appeler un de nos bons démarqueurs.

(H. de Villemessant, Figaro du 6 août 1877.)

Dans une autre acception, démarqueur sert à désigner celui qui ôte les marques d’un objet dans un but de tromperie ou de vol. (Littré, Supplément au Dict. franc.)

Virmaître, 1894 : Homme de lettres qui pille ses confrères sans façon. Démarquer un article de journal : changer simplement les phrases. Allusion aux voleurs qui démarquent le linge avant de le bazarder au fourgat (Argot du peuple).

France, 1907 : Plagiaire.

Démarrer

d’Hautel, 1808 : Changer continuellement de place ; être pétulant, vif et léger.
On dit d’un homme très-attaché, très-constant dans ses habitudes, qu’Il ne démarre pas d’un lieu.

Delvau, 1866 : v. n. S’en aller ; quitter une place pour une autre, — dans l’argot du peuple, qui a emprunté ce mot au vocabulaire des marins.

Rigaud, 1881 : Quitter un lieu après une longue station. Les soûlots démarrent péniblement de chez le mastroc, les ivrognes s’en vont avec peine de chez le marchand de vin.

France, 1907 : Partir ; terme venu des gens de mer. Quand on part, on lève l’amarre.

Psit !… viens ici, viens que j’t’accroche,
V’là l’omnibus, faut démarrer !
Rubau !… r’cul’ donc, hé ! têt’ de boche !Tu vas p’têt’ pas t’foute à tirer
Au cul ! T’en a assez d’la côte ?
T’as déjà soupé du métier ?
Mais tu peux pus en faire un aute,
Te v’là comm’ moi, te v’là côtier.

(Aristide Bruant)

Dématé

M.D., 1844 : Jeter quelqu’un par terre.

Démêler

d’Hautel, 1808 : Démêler une fusée avec quelqu’un. Avoir une explication, débrouiller une affaire par intrigue ; vider une querelle, un différent.

Déménager

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme qui a le cerveau foible, qui faits des extravagances, des folies, que as tête déménage.
Déménager.
Signifie aussi devenir vieux, foible et débile ; incliner vers sa dernière demeure.

Larchey, 1865 : Faire des extravagances, agoniser. — Ces deux sens étaient connus de d’Hautel.

Delvau, 1866 : v. n. Perdre la raison, le bon sens, le sang-froid, — dans le même argot [du peuple]. Signifie aussi : Être vieux, être sur le point de partir pour l’autre monde.

Rigaud, 1881 : Déraisonner.

Je craignais que dans le changement de domicile sa tête n’eût déménagé la première.

(E. Pelletan, La Nouvelle Babylone.)

France, 1907 : Faire des folies, perdre la tête et aussi mourir.

Déménager à la cloche de bois

France, 1907 : Partir furtivement d’un logement ou d’un hôtel sans payer. On dit dans le même sens : à la cloche de zinc, ou à la clochette de bois.

Déménager à la ficelle

Larchey, 1865 : Déloger clandestinement par la fenêtre en descendant certains objets à l’aide d’une ficelle. — Mettre les ficelles : Garrotter.

Delvau, 1866 : v. n. À l’insu du propriétaire, la nuit, avec ou sans cordes, par la fenêtre ou par la porte, — dans l’argot des bohèmes, pour qui le dieu Terme est le diable. On dit aussi Déménager à la cloche de bois.

France, 1907 : Faire descendre ses meubles par la fenêtre à l’aide de cordes.

Déménager à la lune

France, 1907 : Variante lyonnaise de déménager à la cloche de bois.

Déménager avant le terme

Delvau, 1866 : Faire un Lapsus linguæ, « mettre la charrue devant les bœufs ». Argot du peuple.

Déménager par la cheminée

Delvau, 1866 : v. n. Brûler ses meubles lorsqu’on a reçu congé, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Brûler ses meubles pour faire une niche à son propriétaire qui s’apprête à les saisir. Le mot est de Murger.

Démener

d’Hautel, 1808 : Il se démène comme trois pois dans une marmitte. Pour, il est actif, vigilant, inquiet, tourmenté ; il se donne de la peine et du mouvement pour faire réussir une affaire.
On dit dans le même sens : Il se démène comme le diable dans un bénitier.

Démenti

d’Hautel, 1808 : Un démenti vaut un soufflet. Locution dont on se sert en appliquant un soufflet à la personne qui vous donne un démenti, afin de lui apprendre que rien n’est plus insultant pour un homme d’honneur que de recevoir un démenti.
Il en aura le démenti. Pour dire, à quelque prix que ce soit, on saura maîtriser ses volontés, il ne fera pas ce qu’il a en vue.
Il n’en aura pas le démenti. Se dit d’une personne opiniâtre, obstinée, qui veut, coûte qui coûte, faire à sa tête.

Demeurer

d’Hautel, 1808 : Demeurer sur son appétit. Demeurer sur sa bonne bouche. Demeurer en beau chemin. On se sert plus communément du verbe rester dans ces trois locutions. Voy. Rester.

Demi

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas fripon à demi. Se dit injurieusement d’un homme sans délicatesse et sans probité
Sans respect ni demi. Pour, sans aucun respect
À trompeur, trompeur et demi. Signifie qu’il faut le plus possible agir de ruse avec les fourbes et les fripons

Demi sac

France, 1907 : Cinq cents francs, le sac étant de mille.

Demi stroc

Larchey, 1865 : Demi-setier (Vidocq). — Diminutif corrompu du même mot.

Demi-aune

Larchey, 1865 : « Il y avait deux heures que je tendais ma demi-aune sans pincer un radis. »

Luc Bardas.

Delvau, 1866 : s. f. Bras, — dans l’argot des faubouriens. Tendre la demi-aune. — Mendier.

Virmaître, 1894 : Le bras. Les mendiants disent :
— Je tends la demi-aune.
C’est une façon de ne pas avoir l’air que l’on tend la main (Argot des mendiants).

France, 1907 : Bras, dans l’argot des mendiants, qui disent : tendre la demi-aune, pour tendre la main.

Demi-cachemire

Delvau, 1866 : s. m. Fille ou femme qui est encore dans les limbes de la richesse et de la galanterie, et qui attend quelque protection secourable pour briller au premier rang des drôlesses. Au XVIIIe siècle, en appelait ça Demi-castor. Les mots changent, mais les vices restent.

France, 1907 : Se disait, au temps où les châles des Indes étaient à la mode, des filles qui commençaient à se lancer dans la galanterie.

Demi-castor

Delvau, 1864 : Femme de moyenne vertu.

Deux de ces filles qu’on appelle dans le monde demi-castors, se trouvèrent, par hasard, assises près de moi l’autre jour au jardin des Tuileries.

(Correspondance secrète.)

Fustier, 1889 : « Demi-castor est devenu un terme courant sous lequel on désigne une personne suspecte, équivoque, sous des dehors soignés ; mais en grattant le castor on trouverait le lapin. »

(Figaro, janvier 1887.)

France, 1907 : Fille qui commence à se lancer dans le monde de la haute noce. Le mot est du XVIIIe siècle.

Les carpes de ces messieurs, turbineuses d’amour, rôdeuses de bitume, splendeurs fleuries d’Opéra, noctambules des cabinets particuliers, demi-castors, marquises complaisantes, toutes sont égales au pied de l’autel du grand Saint Alphonse. Celle qui donne cent louis et celle qui donne cent sous, les ont gagnés du même travail.

(Fin de Siècle)

Encore un ménage de demi-castor qui se lézarde. À vrai dire, presque tous finissent de la sorte. Du reste, comment voudriez-vous qu’il en fut autrement ? Est-ce qu’une femme qui a vécu pendant vingt ans de la vie libre et indépendante, changeant d’amant comme de chemise, peut supporter longtemps la vie de ménage ?

(Gil Blas)

Demi-castor, demi-poil

La Rue, 1894 : Demi-vertu.

Demi-cercle

France, 1907 : Voir Cercle.

Demi-fortune

France, 1907 : Voiture à un cheval.

Aux Champs-Élysées, officiers et jeune-mondains à cheval luttent de vitesse et de noble allure, tandis que les financiers se prélassent au fond de leur berline fermée, et que les jolies femmes sourient dans leur calèche découverte ou leur demi-fortune.

(Octave Uzanne, La Femme et la Mode)

Demi-jetée

France, 1907 : Cinquante francs.

Demi-jetée, demi-pile

La Rue, 1894 : Cinquante francs.

Demi-kilo

France, 1907 : Chopine.

Demi-lune

France, 1907 : Fesse.

La petite blanchisseuse, dos tourné et se croyant seule, enlevait sa chemise ; mais j’eus beau écarquiller les yeux, je n’aperçus qu’une demi-lune.

(Les Propos du Commandeur)

Demi-mondaine

Delvau, 1866 : s. f. Femme du demi-monde, — dans l’argot des gens de lettres.

France, 1907 : Femme ou fille qui a reçu une certaine éducation et qui est tombée dans la prostitution élégante.

Demi-monde

Larchey, 1865 : Une femme demi-monde est celle qu’on appelait en 1841 une femme déchue, — née dans un monde distingué dont elle conserve les manières sans respecter les lois. Le succès d’une pièce de Dumas fils a créé le nouveau mot. On a créé par analogie ceux de meilleur monde, et de quart de monde.

On écrit en toutes lettres que vous régnez sur le demi-monde. — C’est fort désagréable pour moi.

A. Second.

Delvau, 1866 : s. m. Sphère galante de la société parisienne, dans l’argot de M. Alexandre Dumas fils, qui a fait une pièce là-dessus.

Demi-pile

France, 1907 : Cinquante francs, la pile étant de cent francs.

Demi-poil

Fustier, 1889 : Demi-vertu.

Allez donc établir une distinction quelconque entre une marquise célébrée par les reporters de salon et une fille de demi-poil.

(L. Chapron.)

France, 1907 : Demi-mondaine.

Demi-point

France, 1907 : Cinquante centimes ; ancien argot des marchands du Temple.

Demi-récolte

Virmaître, 1894 : Personne petite, naine, chétive. On dit dans le peuple :
— Sa mère devait être concierge, un locataire aura demandé le cordon au bon moment (Argot du peuple). V. Bas du cul.

France, 1907 : Personne chétive.

Demi-stroc

Rigaud, 1881 : Demi-setier.

La Rue, 1894 : Demi-setier.

France, 1907 : Demi-setier.

Demi-supe, demi-supérieure

Rigaud, 1881 : Demi-bouteille de vin de qualité supérieure, vin d’extra.

Demi-tour

Fustier, 1889 : Jargon des élèves de l’école de Saint-Cyr. Le demi-tour est une sorte de brimade qui consiste à jeter bas de leurs lits les nouveaux élèves et à renverser leur literie.

Le soir, les élèves se livrèrent à ce qu’ils appellent le demi-tour.

(Événement, juillet 1884.)

Demi-vertu

Delvau, 1864 : Femme qui n’est pas encore fille.

Et ces d’mi-vertus à panache,
Tendres à cent écus par mois.

E. Debraux.

Delvau, 1866 : s. f. Demoiselle qui est devenue dame de son propre chef, sans passer par l’église ni par la mairie : la chrysalide d’une fille.

Rigaud, 1881 : Personne du sexe faible dont la vertu a subi, une fois au moins, le feu des enchères de l’amour.

France, 1907 : Fille qui a vu le loup.

Démoc

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Démocrate, — dans l’argot du peuple. Démoc-soc. Démocrate socialiste.

Démoc-soc

Larchey, 1865 : Démocrate socialiste. — Abréviation.

Messieurs les Démocs-socs, vous voyez si vos menaces m’ont effrayé.

Chenu.

Rigaud, 1881 : Démocrate socialiste. En 1848, les démocs-socs étaient ce que sont aujourd’hui les radicaux, l’épouvantail de la bourgeoisie.

France, 1907 : Double abréviation de démocrate socialiste.

Nous savons que la Patti affectait un dédain tout aristocratique – avant d’être Mme Nicolas, elle était marquise, s’il vous plaît ! – pour notre France de démocs-socs : elle avait refusé énergiquement de chanter chez nous tant que nous serions en République ; elle a fini par céder. On avait employé, il est vrai, vis-à-vis d’elle, l’argument de la duchesse de Bouillon. Elle a fini par dire, elle aussi, à mesure qu’on augmentait la somme : « Vous m’en direz tant ! »

(Edmond Lepelletier)

Demoiselle

d’Hautel, 1808 : C’est une demoiselle dont auquel. Phrase équivoque et de convention, qui se prend toujours en mauvaise part, et qui signifie une demoiselle allurée, de vertu, de mœurs suspectes ; ou celle dont l’humeur est revèche et acariâtre.

Delvau, 1864 : Fille, dirait le portier de Prud’homme — qui est encore garçon, — parce qu’elle n’est pas mariée. — Se dit aussi pour pucelle.

Par hasard la trouvant d’moiselle,
À son pèr’ je d’mandai la belle.

E. Debraux.

Rigaud, 1881 : Bouteille. Foutre un soufflet à la demoiselle, qu’on lui en voit le derrière, vider une bouteille d’un coup en buvant à la régalade.

La Rue, 1894 : Bouteille de vin. La petite fille est la demi-bouteille.

Rossignol, 1901 : Demi-bouteille de vin rouge.

France, 1907 : Jeune personne dite comme il faut ; nom que les concierges donnent à leur fille.

Vous pensez bien qu’une adorable petite papetière comme celle-là, qui avait atteint ses vingt ans aux dernières giroflées, n’aurait pas eu de peine à trouver un amoureux ; et, bien entendu, pour le bon motif. Mais voilà. Elle était trop fine, trop demoiselle, pour se contenter du monde, assez vulgaire, du faubourg.

(François Coppée)

France, 1907 : Bouteille de vin. La petite fille est la demi-bouteille.

Demoiselle de paveur

Virmaître, 1894 : Sorte de pilon en bois garni à sa base d’un fort morceau de fer. Il sert à enfoncer les pavés pour égaliser la rue. Ce pilon a deux anses en forme de bras ; pour le soulever, les paveurs le prennent par les bras. Allusion au bras que l’on donne aux demoiselles. Elles sont généralement moins dures à soulever que la demoiselle du paveur (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Outil à l’usage des paveurs pour enfoncer les pavés. La femme qui tient les bras en cerceau a les bras comme une demoiselle de paveur.

France, 1907 : Pilon en bois dont on se sert pour enfoncer les pavés. Nom que l’on donne à une femme qui met ses poings sur les hanches.

Demoiselle des tuileries

Delvau, 1864 : Vieille fille en quête d’un mari.

La demoiselle des Tuileries appartient aux Tuileries à titre de meuble, comme la statue de Méléagre ou comme celle de Spartacus. — Elle avoue vingt-cinq ans et en a trente bien sonnés. Elle est arrivée à cette époque fatale de la vie ou l’on dit : Voilà une femme qui a dû être fort bien. De trente à trente-cinq ans, elle dissimule la tristesse qui la gagne, elle s’efforce de sourire. Quand elle voit passer à sa portée un bel enfant avec des cheveux blonds, elle l’attire a elle, l’embrasse tendrement et pousse un profond soupir qui veut dire : J’aurais été si bonne mère ! — Les trente-cinq ans arrivent : oh ! alors, c’est l’énergie du désespoir, c’est la rage, une fureur. La demoiselle des Tuileries s’accroche à tout ; elle est prête à tout ; elle épousera, si on le veut, avec un égal empressement, un jeune homme de dix-huit ans qui veut s’émanciper, ou un vieillard qui cherche une garde-malade… — À quarante ans, le rôle de la demoiselle des Tuileries est fini ; elle prend le mariage en horreur, elle est vieille fille et restera vieille fille…

E. Glorieux.

Demoiselle du Pont-Neuf

Delvau, 1864 : Fille ou femme sur le ventre de qui tout le monde passe, a passé, ou passera.

Delvau, 1866 : s. f. Femme banale dans le cœur de laquelle tout le Paris galant a le droit de circuler.

France, 1907 : Prostituée. Le Pont-Neuf était autrefois ce que devint plus tard le Palais-Royal, et ce que sont les boulevards aujourd’hui. On dit aussi : demoiselle du bitume.

Demoiselles (ces)

Rigaud, 1881 : Nom générique donné à toutes les femmes qui, de près ou de loin, touchent au métier ou à l’art de la prostitution. « Ces demoiselles ont été successivement appelées : Lorettes, Filles de marbre, Dames aux camélias, Biches, Cocottes, autant de mots que l’on chercherait en vain dans le dictionnaire de l’Académie. » (G. Claudin, Paris et l’Exposition.) Le succès de la Dame aux camélias, pièce de M. A. Dumas fils, valut à ces demoiselles l’honneur d’un nouveau baptême. En souvenir de l’héroïne de la pièce — qui méritait mieux — elles furent sacrées : dames aux camélias. Le prototype a existé sous le nom de Marie Duplessis « Remarquablement jolie, grande, médiocrement faite, ignorante, sans esprit, mais riche d’instinct. Ex-paysanne normande, elle s’était composé une généalogie nobiliaire, et, de son autorité, rapprochait d’un nom historique son nom légèrement modifié. » (N. Roqueplan, Purisme.)

Démolir

Larchey, 1865 : Maltraiter quelqu’un en actes, en paroles, en écrits.

Deux champions prononçant la phrase sacramentelle : Numérote tes os que je les démolisse.

Th. Gautier, 1845.

Ruffard la dansera, c’est un raille à démolir.

Balzac.

On démolissait Voltaire, on enfonçait Racine.

L. Reybaud.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot des faubouriens, qui oublient trop qu’il faut vingt ans pour construire un homme.

Delvau, 1866 : v. a. Critiquer âprement et injustement, — dans l’argot des gens de lettres, qui oublient trop qu’il faut quelquefois dix ans pour bâtir un livre.

Hayard, 1907 : Assassiner.

France, 1907 : Maltraiter quelqu’un, soit par des voies de fait, des injures on des écrits.

Certains journalistes se donnent la tâche de démolir la réputation de leurs confrères.

France, 1907 : Destituer. Démolir un fonctionnaire.

Démolir un homme

France, 1907 : Tuer.

Mais ses principes d’obligeance reparaissent encore chez lui dans ces moments-là, et avant de démolir un homme (comme il dit), notre héros le prévient charitablement de numéroter ses membres.

(P. Bernard, L’Homme à tout faire)

Démolisseur

France, 1907 : Pamphlétaire ; critique mordant et acerbe. Un écrivain d’un grand talent, Léon Bloy, s’est intitulé « entrepreneur de démolitions ».

Démon

d’Hautel, 1808 : Il a de l’esprit comme un petit démon. Se dit d’un enfant enclin à la malice et à l’espièglerie, qui montre des dispositions et un goût prématuré.

Démonétiser

Delvau, 1866 : v. a. Attaquer la réputation de quelqu’un et le ruiner, — dans l’argot du peuple. Se démonétiser. Se discréditer, s’amoindrir, se ruiner moralement.

Rigaud, 1881 : Perdre quelqu’un de réputation. — Se démonétiser, ne laisser à personne autre qu’à soi-même le soin de se perdre de réputation.

Démonétiser (se)

France, 1907 : Se discréditer ; s’amoindrir.

Démonter

d’Hautel, 1808 : Pour, dépiter, impatienter, contrarier quelqu’un ; le contre-carrer dans ses projets.
Il se démonte le visage, suivant les circonstances. Pour, il fait paroître la joie ou la tristesse, selon que cela convient à ses intérêts.

Démonter son chouberski

Virmaître, 1894 : Mourir. L’expression n’est pas juste, on devrait plutôt dire : monter son chouberski, car chacun sait que ce poêle n’a rien de commun avec l’élixir de longue vie (Argot du peuple). N.

Démordre

d’Hautel, 1808 : Il n’en démordra pas. Se dit d’un homme sottement opiniâtre qui s’acharne à soutenir une mauvaise cause.

Démorfillage

Rigaud, 1881 : Action de démarquer une carte, c’est-à-dire enlever les signes, traits d’ongles, points de repère que les grecs font aux cartes qu’ils veulent reconnaître.

Je vas leur z’y en coller du démorfillage.

(A. de Caston, Les Tricheurs.)

France, 1907 : Action de faire disparaître le marquage d’une carte.

Démorfiller

Rigaud, 1881 : Démarquer une carte, — dans le jargon des grecs.

France, 1907 : Enlever la trace indicatrice d’une carte morfillée ; argot des grecs.

Démorganer

Larchey, 1865 : Se rendre à une observation. — Mot à mot : perdre de sa morgue.

Delvau, 1866 : v. n. Se ranger à un avis, se rendre à une observation, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Accepter une observation. Comprendre que la morgue est inutile (Argot du peuple).

France, 1907 : S’humilier, perdre de sa morgue ; accepter une réprimande ou une observation.

Demorre

Virmaître, 1894 : Homme (Argot des voleurs).

Démorre

France, 1907 : Homme ; argot des voleurs.

Démurger

anon., 1827 : S’en aller.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : S’en aller.

Bras-de-Fer, 1829 : S’en aller.

Halbert, 1849 : S’en aller.

Rigaud, 1881 : Sortir de prison. — Démurger sans caserne, sortir de prison sans savoir où aller coucher.

Virmaître, 1894 : Fuir. Cette expression est fréquemment employée par les souteneurs au cours d’une bataille :
— Voilà la rousse, démurge ou y vont te faire chouette. La copaille va rendre l’affe, il est saigné au bon coin (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Sortir, s’en aller.

Je ne veux pas de clients comme vous, il faut démurger de chez moi. — Allez, démurgez !

Hayard, 1907 : S’enfuir.

France, 1907 : S’en aller, fuir ; corruption de démarger.

Démuseler

France, 1907 : C’est, dans l’argot des écoles, parler après avoir été longtemps silencieux.

Denaille (Saint)

Rigaud, 1881 : Saint-Denis.

France, 1907 : Saint Denis.

Déniaiser

d’Hautel, 1808 : Se déniaiser. S’enhardir ; devenir fin et rusé dans les affaires, après avoir appris à ses dépens.

Dénicher

d’Hautel, 1808 : Les oiseaux sont dénichés. Pour faire entendre qu’un prisonnier s’est sauvé des mains de la justice, ou que quelqu’un étoit sorti lorsqu’on a été lui rendre visite.

Dénicheur

d’Hautel, 1808 : Dénicheur de merles, de fauvettes. Chevalier d’industrie fort ardent à rechercher tout ce qui peut contribuer à ses plaisirs ; coureur de bonnes fortunes.

Dénicheur de fauvettes

Delvau, 1864 : Libertin, dont l’unique occupation est de faire la chasse aux connins, de dénicher les pucelages pour son propre compte.

Delvau, 1866 : s. m. Coureur de filles, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Terme ironique employé pour se moquer d’un individu qui se vante de prendre la virginité des filles (Argot du peuple). V. Dépuceleur de nourrices.

France, 1907 : Coureur de jeunes filles.

Grand dénicheur de fauvettes, il allait gaiement à travers la vie, vidant les bouteilles et emplissant les filles.

Dénicheur de pigeons ou de moineaux

France, 1907 : Chevalier d’industrie qui va chercher quelque bon nid, un gogo qui lui confie son argent ou une femme à exploiter.

Au café de l’allumage, le pigeon était jaugé sur la mine par une douzaine de grecs, qui en achetaient aux enchères, dans un langage convenu, la propriété au dénicheur.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Denier

d’Hautel, 1808 : Il le vendroit à beaux deniers comptans. Pour exprimer qu’un homme est plus subtil qu’un autre ; qu’il lui est supérieur dans un art ou profession quelconque.
Il n’y a point de borne qui ne lui doive un denier. Se dit d’un domestique musard, indolent, paresseux, qui s’arrête aux moindres bagatelles.
Il vaut plus de deniers que lui ne vaut de mailles. Pour, il l’emporte sur lui en toute chose.
Net comme un denier. Manière figurée qui s’entend d’un compte mis au net, réparé.

Denier à Dieu

France, 1907 : On appelle ainsi la prime donnée à un concierge quand on retient un appartement.

Le propriétaire du lieu,
Ayant eu le denier à Dieu.

(Scarron)

Dent

d’Hautel, 1808 : Une vieille sans-dents. Surnom injurieux que l’on donne à une vieille femme qui ne fait que radoter.
Avoir une dent de lait contre quelqu’un. Lui garder rancune.
Brèche dent. Mot railleur dont on se sert pour désigner un homme à qui il manque quelques dents sur le devant de la bouche.
Il n’en a pas pour sa dent creuse. Se dit en mauvaise part d’un dissipateur à qui on semble ne jamais donner assez ; et d’un ouvrier peu soigneux qui mène l’ouvrage grand train.
Rire du bout des dents. Sans en avoir envie ; malgré soi.
Ne pas desserrer les dents. Être de mauvaise humeur ; ne dire mot ; garder un morne silence.
Montrer les grosses dents. Faire menace ; prendre un ton dur et sévère.
Il n’a rien à mettre sous la dent. Pour, il est réduit à la mendicité ; il est dénué de toutes ressources.
Il ment comme un arracheur de dents. Voyez Arracheur.
Il n’en perd pas un coup de dents. Se dit de quelqu’un qui, quoique très occupé, ou indisposé, ne laisse pas que de bien manger.
Il n’en croquera que d’une dent. Pour, il ne viendra pas tout-à-fait à bout de ce qu’il désire.
Malgré lui, malgré ses dents. C’est-à-dire, quelqu’obstacle qu’il puisse mettre à cette affaire.
Tomber sur les dents. Être harassé de fatigue ; n’en pouvoir plus.
Il lui vient du bien quand il n’a plus de dents. Se dit d’une personne qui fait un héritage dans un âge très-avancé, où il ne lui est pas possible d’espérer d’en jouir long-temps.
Avoir la mort entre les dents. Être dangereusement malade ; être à l’agonie.
On dit, pour empêcher les enfans de toucher à un couteau ou à quelque chose de nuisible, que cela mord, que cela a des dents.
Prendre le mors aux dents.
Briser les freins de subordination ; commettre de grands excès. Se dit aussi pour, travailler avec une grande ardeur, après avoir fait des siennes.
Il y a long-temps qu’il n’a plus mal aux dents. Se dit d’un homme mort depuis long-temps, et dont on demande des nouvelles.
Le vin trouble ne casse point les dents. Maxime bachique, qui signifie que le vin, quelque médiocre qu’il soit, est toujours bon à boire.
Avoir les dents longues. Être réduit aux dernières ressources, et dans une indigence affreuse ; ou être à jeun.
Savant jusqu’aux dents. Amplification, pour dire un pédant érudit, un sot docteur.
Donner un coup de dent à quelqu’un. Le mettre en pièces dans ses propos ; tenir des discours satiriques, offensans sur son compte.
Pour empêcher les enfans de manger des bonbons, des sucreries, on leur dit que cela casse les dents.

Dent (avoir de la)

Delvau, 1866 : Être encore beau cavalier ou jolie femme, — dans l’argot de Breda-Street. Les petites dames de ce pays cythéréen qui veulent donner a rêver aux hommes disent aussi : Seize ans, toutes ses dents et pas de corset.
Mal de dents.
Mal d’amour. N’avoir plus mal aux dents. Être mort.

Dent (garder une)

France, 1907 : Conserver de la rancune contre quelqu’un, avoir une haine sourde ou cachée. Avoir de la dent, être bien conservé, pouvoir mordre au besoin.

… Monté par l’escalier du million jusqu’à l’Olympe où trônent les dieux de la finance, il gardait une dent contre les riches, des imbéciles, disait-il, dont il avait fait bêtement les affaires, lui, l’ex-porion, en partageant avec eux les bénéfices dus à ses seules et persistantes initiatives…

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Dent creuse (ne pas en avoir pour sa)

Rigaud, 1881 : Avoir très peu de chose à manger ; avoir une très petite portion sur son assiette. (Oudin.) Un pilon de volaille, merci, j’en ai seulement pas pour ma dent creuse. N’a pas cessé d’être usité.

Dentelle

Hayard, 1907 : Billet de banque.

France, 1907 : Billet de banque. Vol à la dentelle, émission de faux billets de banque. Dentelle de millet, billet de mille.

Dentelle (de la)

Rigaud, 1881 : Billets de banque. — C’est un girondin calé qu’a de la dentelle à faire péter son porte-mince.

Dentelle de milled

La Rue, 1894 : Billet de 1.000 fr.

Dents (avoir toutes ses)

Rigaud, 1881 : Être à l’âge de raison, à cet âge où l’on peut mordre son voisin et au besoin sa voisine.

Dents (être sur les)

France, 1907 : Être las, fatigué, rendu, n’en pouvoir plus à force de maladie ou de travail.

Dents ne lui font plus mal (les)

Rigaud, 1881 : Il est mort depuis longtemps.

Dépagnoter

France, 1907 : Se séparer ; de pagnoter, se coucher. Altération de paniotter, qui a le même sens.

Dépagnotter (se)

La Rue, 1894 : Se quitter.

Dépailler

Virmaître, 1894 : Jusqu’ici cette expression était employée pour dire qu’une chaise n’avait plus de paille : elle était dépaillée. Dans les quartiers pauvres, les ouvriers n’ont généralement pas de sommiers ; ils couchent sur des paillasses garnies de paille de seigle ; quand un propriétaire, un vautour impitoyable, veut les faire expulser, ils disent :
— Tu peux aller chercher le quart et tous ses sergots. tu ne me feras pas dépailler.
Mot à mot : abandonner ma paille (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Quitter un garni. Mot à mot : abandonner sa paille.

Jusqu’ici cette expression était employée pour dire qu’une chaise n’avait plus de paille : elle était dépaillée.
Dans les quartiers pauvres, les ouvriers n’ont généralement pas de sommiers ; ils couchent sur des paillasses garnies de paille de seigle ; quand un propriétaire, un vautour impitoyable, veut les faire expulser, ils disent :
— Tu peux aller chercher le quart et tous ses sergots, tu ne me feras pas dépailler.

(Ch. Virmaître)

Dépairer

France, 1907 : Déparailler ; mot à mot : défaire la paire.

Déparier

Rigaud, 1881 : Avoir le délire, — dans le jargon des garde-malades.

Déparler

Delvau, 1866 : v. n. Ne pas savoir ce que l’on dit, parler d’une chose que l’on ne connaît pas. Argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : v. n. Cesser de parler, — dans l’argot du peuple. Ne pas déparler. Bavarder fort et longtemps.

France, 1907 : Parler à tort et à travers ; discuter sur un sujet que l’on ne connaît pas.

Département

d’Hautel, 1808 : Prendre son département. S’en aller d’un lieu ; se retirer chez soi après avoir terminé des affaires extérieures.

Département du bas-rein

Delvau, 1866 : s. m. La partie du corps sur laquelle on s’assied, et qui depuis des siècles a le privilège de servir d’aliment à ce qu’on est convenu d’appeler « la vieille gaieté gauloise ». L’expression appartient à l’argot des ouvriers, loustics de leur nature.

Rigaud, 1881 : Partie de l’être humain qui a quelquefois besoin de ronds hygiéniques comme certains yeux ont besoin de lunettes. — La cible à tant de plaisanteries surannées.

France, 1907 : Le derrière.

Dépasser ou ne pas dépasser la rampe

France, 1907 : Garder une juste mesure ; ne pas trop accentuer une bouffonnerie ; avoir du tact en scène.

« Dépasser ou ne pas dépasser la rampe », tout est là pour l’acteur. La science n’a rien à voir dans cet effet spontané et, pour ainsi dire, inconscient de la vis comica. La Comédie-Française, entre autres qui possède tant d’excellents professeurs, compte peu de comédiens qui « dépassent la rampe ». Ce sont des fonctionnaires du Rire national, des chefs de bureau préposés à la gaieté publique qui époussettent d’une main morose les bustes des grands patrons et s’esclaffent dans une majestueuse nécropole.

(François Chevassu)

Dépayser

d’Hautel, 1808 : Au propre, faire passer quel qu’un de son pays dans un autre ; au figuré, le leurrer, l’égarer ; ou le duper par des pièces artificieuses.

Dépeceur

France, 1907 : Ouvrier employé à un certain travail de carrosserie.

Les véhicules usés jusqu’à la corde et dont le maquillage est impossible sont abandonnés aux dépeceurs, qui se livrent sur eux à un véritable travail de dissection chirurgicale, et qui mettent de côté et divisent par sortes et par lots toute la ferraille provenant de ces démolitions, lames de ressorts, boulons, fers de roues, etc., etc.
Ces épaves de la carrosserie trouvent preneurs à des prix avantageux, et, après avoir traversé le feu de la forge et subi l’épreuve du marteau, recommence un nouveau service qui quelquefois n’est pas le dernier.

(X. de Montépin, La Comtesse de Nancey)

Dépêche

d’Hautel, 1808 : Pour faux-fuyant, défaite, subterfuge.
C’est une bonne dépêche qu’il nous a donnée là. Pour il nous en a fait accroire ; il nous a attrappés.

Dépêcher

d’Hautel, 1808 : Il l’aura bientôt dépêché pour l’autre monde. Se dit d’un empirique ignorant, d’un charlatan en médecine, qui, par ses ordonnances, avance les jours de son malade.

Dépenaillé

d’Hautel, 1808 : Mot burlesque très-borné, et qui n’est d’usage qu’en style populaire, où il se prend pour déguenillé, mis en pièces.
Un habit tout dépenaillé. Pour tout déchiré ; en loques.

Dépendeur d’andouilles

Delvau, 1866 : s. m. Homme d’une taille exagérée, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Homme grand comme une perche à houblon. Allusion à ce qu’il pourrait sans échelle dépendre les andouilles suspendues au plafond (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Imbécile.

France, 1907 : Homme grand et sot. Voir Andouille. Se dit aussi pour gaillard solide et de haute taille.

M. Gulinel avança jusque sur le pas de sa porte, en déboutonnant ses manches, et en commençant à les retrousser avec ostentation.
Mais, à la vue du grand dépendeur d’andouilles qui lui était désigné, le charcutier prit tout de suite un air rêveur.

(Paul Hervieu)

Dépendeuse d’andouilles

France, 1907 : Cette expression n’est pas le féminin de la précédente, avec laquelle elle n’a aucun rapport. Une dépendeuse d’andouilles est une coureuse nocturne.

Dépendre

d’Hautel, 1808 : Qui bien gagne et bien dépend, n’a que faire de serrer son argent. Proverbe qui signifie qu’un prodigue a rarement assez d’argent pour pouvoir le mettre en bourse.
On dit d’un homme entièrement dévoué aux intérêts de quelqu’un, qu’il est à lui vendre et à dépendre.

Dépense

d’Hautel, 1808 : Il ne paroît pas pour la dépense. Se dit par raillerie d’un avare, d’un homme inhabile, dans les actions duquel un défaut total d’esprit, de sens et de jugement se fait apercevoir.

Dépenser

d’Hautel, 1808 : Journée gagnée, journée dépensée. Se dit de ceux qui dépensent l’argent aussi facilement qu’ils le gagnent.
Il ne dépense guères en espions. Pour exprimer qu’un homme ignore les choses qu’il lui importe le plus de savoir.
Il y a plus de moyens de dépenser que d’acquérir. Signifie que les occasions de dépenser sont fréquentes, et que celles de faire quelque bénéfice sont difficiles à trouver.

Dépenser sa salive

Delvau, 1866 : v. a. Parler, — dans le même argot [du peuple]. On dit aussi Perdre sa salive, dans le sens de : Parler inutilement.

Rigaud, 1881 : Parler-On dit de quelqu’un de taciturne : En voilà un qui a peur de dépenser sa salive.

Virmaître, 1894 : Orateur qui parle à un auditoire distrait ; il parle en pure perte et dépense sa salive inutilement. On dépense sa salive à vouloir convaincre quelqu’un qui ne veut rien savoir (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Parler inutilement.

Dépenser ses côtelettes

Delvau, 1864 : Tirer un coup, parce que le sperme est le résultat de la nourriture absorbée. — Cette expression a été employée pour la première fois dans une nouvelle à la main du Figaro, dont le parquet a ri — sans la poursuivre comme outrage à la morale publique. Une dame avait un amant pauvre, qu’elle invitait souvent à dîner chez elle, afin de lui confectionner un sperme de bonne qualité et de le forcer à bander en temps utile. Un jour elle s’aperçut qu’il la trompait pour une autre femme ; elle s’en plaignit amèrement à une de ses amies, en disant : « Il va dépenser ailleurs les côtelettes qu’il mange chez moi ! »

Dépêtrer

d’Hautel, 1808 : Ne pouvoir se dépêtrer de quelqu’un. Ne pouvoir se débarrasser d’une personne importune et quelquefois à charge.
Se dépêtrer. Se tirer d’un mauvais pas ; se débarrasser d’une affaire épineuse.

Dépétri

France, 1907 : Fatigué, démoli.

— Écoutez, ma belle petite chatte, si vous tombez jamais dans mon lit entre cinq et six du matin, l’heure où Cupidon s’éveille, je vous prouverai qu’on est pas aussi dépétri qu’on en a l’air.

(Les Propos du Commandeur)

Dépiauler

La Rue, 1894 : Découvrir le domicile.

France, 1907 : Découvrir le domicile de quelqu’un qui se cache ; de piaule, maison.

Dépiauter

Delvau, 1866 : v. a. Enlever la peau, l’écorce, — dans le même argot [du peuple]. Se dépiauter. S’écorcher. Signifie aussi Se déshabiller.

Rigaud, 1881 : Battre fortement. Mot à mot : enlever la peau comme à un lapin ; faute de mieux, se contenter d’enlever les vêtements.

Virmaître, 1894 : Synonyme de dépouiller. Terme commun.
— Je me déshabille, je me dépiaute.
Quand les voleurs s’en veulent pour un motif quelconque, ils tentent de s’arracher la peau. Mot à mot : se dépiauter comme un lapin (Argot des souteneurs).

Dépiauter, dépioter

France, 1907 : Dépouiller. Mot à mot : enlever la peau. Se dit aussi pour déshabiller.

Elle commença la tournée par les officiers supérieurs, les dépiota comme des écrevisses jusqu’à leur dernier son d’économies, et, les huit jours finis, leur tirant sa révérence, s’écria :
— Vous savez, j’en ai mon compte… Quand vous me reverrez, vieux singes !…

(Mora, Gil Blas)

Dépiecer

d’Hautel, 1808 : Mettre en pièces, démembrer ; et non dépiéceter, comme on le dit fréquemment à Paris.

Dépieuter

Rossignol, 1901 : Sortir du lit, du pieu.

Dépioter

Larchey, 1865 : Enlever la peau.

Si monsieur croit que c’est commode… on se dépiote les pouces.

P. de Kock.

Dépiotter

un détenu, 1846 : Ôter, enlever, priver quelqu’un de quelque chose.

Dépité

Virmaître, 1894 : Ennuyé, éprouver du dépit, dans le sens de déception. Dans le peuple on applique cette expression aux députés non réélus. Le mot français est devenu un mot d’argot.
— C’est un dépité de la Seine ou d’ailleurs.
On dit encore qu’il a été dépoté, prenant la Chambre pour un pot. Ou bien :
— Les électeurs l’ont enfin déporté (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Député non réélu.

Dépiter

d’Hautel, 1808 : Cela me dépite. Pour me contrarie, m’afflige, me fâche.
Se dépiter contre son ventre. Prendre de l’humeur contre soi-même ; agir, par dépit, contre ses propres intérêts.

Déplaisant

d’Hautel, 1808 : Ce qui est petit est gentil, ce qui est grand est déplaisant. Dicton facétieux et badin dont on se sert par flatterie, lorsqu’une personne se plaint du peu d’avantages physiques que la nature lui a donnés.

Déplanquer

un détenu, 1846 : Ôter, découvrir, dégager du Mont-de-Piété.

Halbert, 1849 : Déterrer.

Larchey, 1865 : Exhiber (Vidocq). V. Vague.

Delvau, 1866 : v. a. Retirer des objets d’une cachette ou du plan, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Retirer un objet caché, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Quand un voleur est en prison, il est en planque. Il est également en planque quand il est filé par un agent ; quand il sort de prison ou quand il grille l’agent, il se déplanque (Argot des voleurs). V. Déplanqueur.

Hayard, 1907 : Sortir de prison.

France, 1907 : Retirer des objets de chez le recéleur ; de planque, cachette. Se dit aussi pour un voleur sorti de prison.

Déplanquer son faux centre

Rigaud, 1881 : Être condamné sous un nom d’emprunt.

Déplanqueur

Virmaître, 1894 : Complice qui déterre les objets volés pendant que son camarade subit sa peine. C’est un usage chez les voleurs d’enterrer pour les soustraire à la justice, les objets volés ; au moins s’ils subissent une peine ils ne font pas du plan de couillé (Argot des voleurs).

France, 1907 : « Complice qui déterre les objets volés pendant que son camarade subit sa peine. C’est un usage chez les voleurs d’enterrer, pour les soustraire à la justice, les objets volés. »

(Ch. Virmaître)

Déplceleur de femme enceinte

Virmaître, 1894 : V. Enfonceur de porte ouverte.

Déplumé

Delvau, 1866 : s. m. et a. Homme chauve, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Sénateur. La cambuse aux déplumés, le sénat, — dans le jargon du peuple.

Rossignol, 1901 : Celui qui n’a plus ou peu de cheveux.

Hayard, 1907 : Chauve.

Déplumer

d’Hautel, 1808 : Il a l’air bien déplumé. Pour dire il présente l’aspect de la détresse et de la pauvreté.

Déplumer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Perdre ses cheveux.

Rigaud, 1881 : Perdre ses cheveux. — Déplumé, chauve.

France, 1907 : Devenir chauve.

Certes, ce mariage ne remplissait pas tous les vœux d’Aline, il s’en fallait ! M. Saulnoy n’avait plus l’âge ni la tournure d’un jeune premier ; son ventre commençait à bedonner, son crâne à se déplumer ; ce n’était pas son idéal, à elle, le mari de ses rêves, oh ! non. Mais le rencontre-t-on jamais ce parfait galant et soupirant accompli, ce pur être de raison ?

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Déponer

Delvau, 1866 : v. n. Levare ventris onus, — dans l’argot du peuple, pour qui le derrière est le ponant du corps.

Virmaître, 1894 : Levare ventris onus. A. D. Nous voilà suffisamment renseigné si on ajoute pour comprendre que déponer vient de ponant, derrière, et que déponer est synonyme de débourrer. Quand un individu vous cramponne par trop, on l’envoie… déponer sur la planche où il met son pain (Argot du peuple).

France, 1907 : Rendre le produit de la digestion ; de ponant, derrière.

Déponner, dépousser

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Domange, — dans l’ancien argot.

Déporter

Rigaud, 1881 : Renvoyer, — dans le jargon des ouvriers. — Être déporté, être renvoyé de l’atelier.

Rossignol, 1901 : Renvoyer quelqu’un de chez soi ou le mettre à la porte, c’est le déporter.

France, 1907 : Mettre à la porte.

Les rixes sont fréquentes dans la salle du Sénat, mais tout se passe en famille, et rarement la police intervient. Si, par hasard, une affaire prend trop mauvaise tournure, le garçon, solide gaillard, déporte (c’est le mot consacré) les combattants dans la rue, où un cercle de curieux les protège, pendant qu’ils s’administrent une peignée en règle ; ensuite, comme les duellistes renommés, ils se réconcilient sur le terrain et rentrent dans l’établissement, où ils se font servir une tournée de tord-boyaux qui cimente la paix conclue.

(G. Macé, Un Joli monde)

Par la venterne on te déporte,
Au claq renquille par la porte.

(Hogier-Grison)

Déposer un kilo

Rigaud, 1881 : Faire ses nécessités, — dans le jargon des ouvriers qui disent encore, sans respect pour le suffrage universel : Déposer son bulletin, déposer un bulletin dans l’urne.

Déposer une pèche

France, 1907 : Faire ses besoins.

Déposer une pêche

Delvau, 1866 : v. a. Levare ventris onus, — dans l’argot des ouvriers. Ils disent aussi Déposer un kilo.

Dépot

France, 1907 : Prison située sous le Palais de Justice, enclavée derrière les tourelles de la Conciergerie, dans le massif d’édifices qui comporte la cour d’appel, le tribunal, les greffes, le parquet, la cour de cassation, la cour d’assises, et les services annexes de l’instruction, du petit parquet, de la préfecture de police, de la souricière, des archives, de l’assistance judiciaire, du bureau des amendes et des criées ; enfin, occupant tout le vaste quadrilatère du boulevard du Palais, du quai des Orfèvres, de la place Dauphine, du quai de l’Horloge, qu’on nommait jadis le quai des Morfondus.
On y conduit par le panier à salade toutes les personnes arrêtées par les agents. « C’est, dit Charles Virmaître, un lieu infect, indigne de notre époque, en raison de la promiscuité des détenus et de l’absence d’air et de lumière. Ce n’est pas dépôt que l’on devrait dire, mais dépotoir, car il y passe annuellement 67,000 individus, environ 13.000 vagabonds et 22,000 filles publiques. »

Dépôt

Rigaud, 1881 : Dépôt de la préfecture de police.

Dans le siècle dernier, ce dépôt (spécialement affecté aux prostituées) portait le nom de salle ou de maison Saint-Martin ; il était situé rue du Verbois, au coin de la rue Saint-Martin.

(Parent-Duchatelet.)

En 1785 les prostituées furent dirigées sur l’hôtel de Brienne dit la Petite-Force. Depuis 1798 elles sont consignées au dépôt général de la préfecture de police. — On envoie au Dépôt les individus mis en état d’arrestation par ordre du commissaire de police. On les transporte du violon au Dépôt dans le panier à salade. Ils y restent jusqu’à ce que le juge d’instruction ait statué sur leur sort.

Virmaître, 1894 : Prison située sous le Palais de Justice, où l’on conduit par le panier à salade tous les individus arrêtés par les agents. C’est un lieu infect, indigne de notre époque, en raison de la promiscuité des détenus et de l’absence d’air et de lumière. Ce n’est pas dépôt que l’on devrait dire, mais bien dépotoir, car il y passe annuellement 67 000 individus. Environ 13 000 vagabonds et 22 000 filles publiques. Je ne compte pas les voleurs qui ont horreur de ce lieu de détention surnommé la Cigogne (Argot des voleurs). N.

Dépoter

Fustier, 1889 : Accoucher.

Une tante qui, sans être sage-femme, était experte en ce genre d’ouvrage, dépota l’enfant.

(Huysmans : À vau-l’eau.)

France, 1907 : Accoucher, partir.

— Tu sais qu’il doit y avoir une soirée au ministère des affaires étrangères. Ce que ce sera chic ! rien que le beau monde… Attends, auparavant il y en a une au ministère de l’intérieur, une soirée libre, entrera qui voudra. Il y aura des démoc-socs. Et ça continuera… Partout des buffets à l’œil, naturellement. Alors, tu sais, je n’en dépote.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Dépotoir

Delvau, 1866 : s. m. Confessionnal, — dans l’argot des voleurs, qui ont de rares occasions d’y décharger leur conscience, pourtant bien remplie d’impuretés.

Delvau, 1866 : s. m. « Pot qu’en chambre on demande », — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Coffre-fort.

Delvau, 1866 : s. m. Prostibulum, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Pot de chambre.

Rigaud, 1881 : Confessionnal, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Confessionnal. C’est bien en effet un dépotoir, puisque l’on y laisse ses ordures, une fois l’absolution reçue. (Argot des voleurs). V. Comberge.

France, 1907 : Vase de nuit. Confessionnal. C’est dans ce pot de chambre, en effet, que les vieilles dévotes viennent déposer toutes leurs petites ordures.

Dépôts & consignations (caisse des)

Rigaud, 1881 : Lieux d’aisances, en style d’employés des grandes compagnies financières.

Dépouiller

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas se dépouiller avant de se coucher. Signifie qu’il ne faut pas, tant que l’on existe, se dessaisir de ce que l’on possède, si l’on ne veut être à la merci d’autrui.

Dépouiller le vieil homme

France, 1907 : Quitter ses habitudes, changer de conduite.

L’expression : dépouiller le vieil homme, est un souvenir textuel de la formule employée chez les juifs pour ordonner au néophyte de revêtir de nouveaux habits, avant son entrée dans le sanctuaires. C’est saint Paul qui nous l’a transmise.

(Fournier, L’Esprit des autres)

Dépousser

Halbert, 1849 : Faire ses nécessités.

Dépuceler une fille

Delvau, 1864 : La débarrasser, à coups de pine, du fardeau de sa virginité ; briser la cloison de l’hymen pour entrer dans son divin retrait, — où déjà, peut-être, est entré l’indiscret médium.

Il trouve son écolière sur le lit, qui l’attendait, dont il jouit à son souhait, et la dépucelle.

Mililot.

Il vaut mieux dépuceler une garce que d’avoir les restes d’un roi.

Brantôme.

Çà donc, mon cœur et ma rebelle,
Çà mon âme, çà mes amours,
Qu’à ce coup je vous dépucelle.

(Cabinet Satyrique.)

La nouvelle mariée fit pourtant si bien qu’elle dépucela son mari.

Tallemant des Réaux.

Dépuceleur de femmes enceintes

Rigaud, 1881 : Fanfaron en fait de galanterie, don Juan grotesque.

Dépuceleur de nourrice

Virmaître, 1894 : Fanfaron qui s’imagine avoir trouvé la pie au nid et qui y trouve souvent une chose désagréable. (Argot du peuple).

Dépuceleur de nourrice ou de femme enceinte

France, 1907 : Vantard, fanfaron.

Un grand dépuceleur de filles,
Un grand ruineur de familles.

(Scarron)

Dépuceleur de nourrices

Delvau, 1864 : Fat qui joue au don Juan, qui prétend avoir mis à mal une infinité de pauvres innocentes, et qui n’a jamais baisé que des gourgandines.

Delvau, 1866 : s. m. Fat ridicule, cousin germain de l’amoureux des onze mille vierges, — dans l’argot du peuple, qui n’aime pas les Gascons.

Députados, député

France, 1907 : Cigare de dix centimes.

Nous venions chacun de toucher notre paye : lui, de journalier, moi, de journaliste, et c’était à qui des deux offrirait à l’autre le députados de dix centimes par lequel on célèbre l’égalité du salaire à la tâche.

(É. Bergerat, Le Journal)

Ici le préfet, ouvrant un des tiroirs de son bureau, empli de havanes, de londrès, de partagos, de bouts, et aussi de ces cigares à dix centimes nommés des députés, qu’on fabrique spécialement pour les débits ouverts au Palais-Bourbon et au Luxembourg…

(Edmond Lepelletier)

Député

France, 1907 : Billet de faveur ; argot théâtral.

Député de buvette

France, 1907 : Représentant de la nation qui n’est bon à rien, si ce n’est à voter, et dont la principale occupation est de se faire servir des consommations à la buvette de la Chambre ; argot des coulisses parlementaires.

— Voyons, chère petite, vous n’êtes plus dans votre province, n’est-ce pas ? Vous êtes à Paris et votre mari est député. Vous appartenez au monde officiel. Avez-vous un mari dans le genre de Lebossard, une manière d’ivrogne qui ne deviendra jamais que ce qu’on appelle, dans notre langage, des députés de buvette ou des « machines à voter » ? Non, vous avez un mari qui à déjà la réputation d’être intelligent et travailleur et sur lequel on fonde des espérances. Donc, vous n’êtes pas un zéro dans le monde officiel, vous êtes un chiffre, vous vous additionnez, et vous n’aurez qu’une chose contre vous, chose qui est plus utile dans le monde officiel que dans n’importe quel monde : vous n’avez pas d’argent.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Déquiller

France, 1907 : Éstropier. Mot à mot : faire tomber les quilles, c’est-à-dire les jambes.

Les gars dont le cœur battait ferme entre les côtes se foutaient en révolte. Formés en bandes, toujours prêtes aux coups de torchon, ils dévalisaient les diligences, ratiboisaient le pognon de l’État, déquillaient les gendarmes, s’emparaient des villes.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Der

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de dernier, — dans l’argot des écoliers.

France, 1907 : Apocope de dernier, dont se servent les enfants dans leurs jeux.

Dérager

France, 1907 : Cesser de rager.

Dérailler

Rigaud, 1881 : Sortir de son sujet, perdre le fil d’un discours — Dans le vocabulaire de l’amour, c’est… dame, c’est difficile à dire, quoique le sens soit le même.

Fustier, 1889 : Divaguer.

France, 1907 : Se déranger, divaguer. Courir la pretantaine.

Quèqu’ tu r’gard’ ? eun’ jument qui pisse…
Ça t’fait donc encor’ de l’effet ?
Vrai, j’taurais pas cru si novice,
Les femm’s !… tiens… (il crache) v’là l’effet qu’ça m’fait.
Viens, mon salaud, viens, guide à gauche,
T’es trop vieux, vu, pour dérailler,
D’ailleurs, c’est pour ça qu’on t’embauche :
Tu n’es pus bon qu’à travailler.

(Aristide Bruant)

France, 1907 : Déclassé, homme jeté en dehors de sa vocation.

Déralinguer

Larchey, 1865 : Mourir. — Terme de marine.

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des marins d’eau salée et d’eau douce.

France, 1907 : Mourir ; argot des marins.

Au temps des coquelicots d’État, il n’y en a que pour leurs boutonnières (les peintres). Et tout ça, parce qu’au moment précis ils ont su donner le banquet voulu à un Maître. Pendant ce temps, nous autres, épars et déralingués, nous nous courons les uns après les autres, et nous f… le camp devant le Scandinave.

(Émile Bergerat)

Dératé

d’Hautel, 1808 : Il court comme un dératé. Pour dire à toutes jambes, comme un fou.
Un dératé. Homme éveillé, alerte et rusé, dont il est difficile de faire une dupe.

Dératifier

France, 1907 : Empêcher quelqu’un d’être rat, c’est-à-dire en retard, dans l’argot de l’École Polytechnique. Voir Rat.

Derne (être)

France, 1907 : Être étourdi, troublé, perdre la tête ; du patois rémois. Dans l’argot des enfants, c’est être le dernier.

Dernier

d’Hautel, 1808 : Il n’aura pas le dernier. Espèce de menace que l’on fait à un homme entêté qui répond insolemment à toutes les représentations qu’on lui fait, et qui ne veut jamais convenir de ses torts ; pour dire qu’on est bien décidé à lui tenir tête, à ne lui point céder.
On dit aussi, il veut toujours avoir le dernier. Pour il est d’une obstination, d’un entêtement sans égal ; il faut que tout lui cède.

Dernier (avoir le)

Larchey, 1865 : Avoir le dernier mot. V. Double.

France, 1907 : Sous-entendu : dernier mot.

Dernier bateau (être du)

France, 1907 : Être dans le mouvement, suivre la mode.

Je sais bien que l’employé de bureau n’a plus les manches de lustrine et le toquet de velours des romans de Paul de Kock. Je le veux aussi du dernier bateau, jeunet, habillé aux laissés pour compte des grands tailleurs, cachant même Bourget dans le fond de son pupitre, ce qui indique, ce me semble, une jolie culture intellectuelle. Pris individuellement, il est charmant, spirituel même, sachant joliment tourner une lettre agressive.

(Mentor, Le Journal)

Un membre du Jockey, tout à fait dernier bateau et converti au sport moderne, sollicite la concession d’une grande piste pour bicyclettes. Je le sais par la veuve d’un officier supérieur, qui postule elle-même la location des chaises sur la piste. Les chances de cette dame respectable étaient, jusqu’ici, à peu près nulles. Elle n’avait dans sa manche qu’une douzaine de sénateurs et de députés, personnages de second plan, sans grande influence, pas même compromis dans le Panama. Mais je viens d’apprendre avec plaisir qu’elle est sérieusement recommandée par le concierge de la maîtresse du beau-frère du fameux Terront.

(François Coppée)

Dernier de M. de Kock

Larchey, 1865 : « Ce mot a signifié cocu pendant quinze jours. En ce temps, il venait de paraître un roman de M. Paul de Kock intitulé le Cocu. Ce fut un scandale merveilleux… Il fallait bien pourtant se tenir au courant et demander le fameux roman. Alors (admirez l’escobarderie !) fut trouvée cette honnête périphrase : Avez-vous le dernier de M. de Kock ? » — Th. Gautier. — « Le mari. — Et de cette façon je serais le dernier de M. de Kock, minotaure, comme dit M. de Balzac. » — Id.

Dernier mot de M. de Kock

France, 1907 : Périphrase par laquelle les pudibondes bourgeoises désignaient le roman de Paul de Kock intitulée Le Cocu.

Dernière faveur (la)

Delvau, 1864 : Ainsi appelait-on, au XVIIIe siècle, la complaisance qu’une femme avait de prêter son derrière à un homme après lui avoir prêté son devant. Cela résulte clairement de ce passage des Tableaux des mœurs du temps, de La Popelinière :

— Comment donc, comtesse, vous ne lui avez pas encore accordé la dernière faveur ! — Non certes, je m’y suis toujours opposée. — Cela vous tourmentera et lui aussi, ma petite reine ; il faut bien que vous fassiez comme les autres… Les hommes sont intraitables avec nous jusqu’à ce qu’ils en soient venus là.

(Dialogue XVII.)

Aujourd’hui, la Dernière faveur, dans le langage de la galanterie décente, c’est la coucherie pure et simple — et c’est déjà bien joli.

Dernières recommandations

France, 1907 : Conseils sur les règles à suivre dans la couche nuptiale, que croient devoir donner les mamans naïves à leurs filles, le soir de leurs noces.

Une veuve déjà un peu mûre vient d’épouser un tout jeune homme.
Le soir du mariage, vers minuit, comme elle causait mystérieusement avec son mari :
— Que lui racontes-tu ? lui demande une de ses amies.
— Je lui fais les dernières recommandations avant de nous retirer dans notre appartement : le pauvre enfant n’a plus sa mère !

(Gil Blas)

Derniers outrages

France, 1907 : Euphémisme par lequel on désigne l’acte de prendre violemment une femme.

— Parbleu ! cette vieille en veut aux jeunes femmes, d’autant plus qu’elle a toujours été laide comme une horreurs ; on ne lui a jamais fait la cour, elle n’a même pas de souvenirs ; alors, elle crève de jalousie… Elle est de ces femmes pour lesquelles les derniers outrages seraient les premières politesses.

(Maurice Donnay, Chère Madame)

— Oui, j’ai goûté l’ivresse des suprêmes abandons sans qu’il m’ait été nécessaire de subir ce que ces messieurs, dans leur langue toujours un peu triviale, appellent les derniers outrages.

(Camille Lemonnier, L’Ironique amour)

… Ce lâche suborneur
Vous a fait perdre votre honneur
Et subir les derniers outrages !
Mathurine frémit…
Sur son banc
Retombant,
Elle se met à fondre en larmes…
— Si j’pleurons…
C’est point parc’ que vous m’avez dit
Qu’il avait été trop hardi
Et que d’sous les ombrages,
Au p’tit bois des nois’tiers,
Y m’a fait subir des outrages…
Mais… c’est… parc’ que vous m’dit’s… que ça s’ra… les derniers !

(Octave Pradels)

Dérober

Fustier, 1889 : Argot de turf. Un cheval se dérobe quand il s’écarte de la piste.

Dérober (se)

France, 1907 : C’est, dans l’argot du turf, un cheval qui s’écarte de la piste.

Dérondiner

Halbert, 1849 : Payer.

Rigaud, 1881 : Payer, — dans l’ancien argot.

Virmaître, 1894 : Un sou se nommant un rond, de là l’expression pour indiquer que l’on s’en sépare en payant :
— Je me dérondine tous les jours pour sorguer (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Payer. De celui qui est avare, qui ne sort pas ses ronds (sous) de son porte-monnaie on dit qu’il n’est pas facile de le faire dérondiner.

France, 1907 : Payer. Mot à mot : se défaire de ses ronds.

Dérouiller

d’Hautel, 1808 : On dit d’un provincial qui a l’air neuf, gauche et emprunté, qui n’a nulle idée des usages de Paris, qu’il n’est pas encore dérouillé.

Virmaître, 1894 : Recouvrer sa souplesse, se mettre au fait d’un service L. L. Dérouiller : enlever la rouille d’une pièce de fer ou d’acier. Dérouiller : perdre ses habitudes casanières pour reprendre ses relations. Dérouiller a dans le peuple une autre signification. Pour dérouiller, ce n’est pas le papier émeri qui est employé, mais la première femme venue (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Il paraît que c’est pour avoir dérouillé que Adam et Eve furent chassés du Paradis.

Hayard, 1907 : Vendre.

Dérouiller (chercher à)

France, 1907 : Faire la cour à une femme.

Dérouiller (se)

France, 1907 : Sortir de sa torpeur, se mettre en train, s’initier à de nouvelles fonctions. Perdre ses habitudes casanières.

Déroute

d’Hautel, 1808 : Être en déroute. Équivaut à se mettre en ribotte ; se livrer à la dissipation, à la débauche.

Dérouter

d’Hautel, 1808 : Dérouter quelqu’un. Le déconcerter ; le rendre confus.

Déroyaliser

Delvau, 1866 : v. a. Détrôner un roi, enlever à un pays la forme monarchique et la remplacer par la forme républicaine. L’expression date de la première Révolution et a pour père le conventionnel Peysard.

Rigaud, 1881 : Renverser un souverain de son trône. Enlever à un roi la couronne de dessus la tête, et quelquefois la tête, avec la couronne.

Derrière

d’Hautel, 1808 : Montrer le derrière. Manquer à sa parole ; reculer dans l’exécution d’une affaire après s’y être engagé avec fanfaronnade.
Mettre une chose sens devant derrière. Pour dire à rebours, dans un sens opposé à celui qui convient.
Il a toujours quelques portes de derrière. Se dit d’un homme de mauvaise foi, qui se comporte de manière à ne jamais tenir sa parole.
Faire rage des pieds de derrière. Employer tous les moyens pour venir à bout d’une affaire.
Prendre quelqu’un par derrière. L’attaquer en traître ; le prendre à l’improviste.
S’en torcher le derrière. Locution fort ignoble, qui se dit d’un papier, d’un écrit, d’un acte quelconque dont on ne fait aucun cas, que l’on regarde avec mépris et comme une chose très-peu importante.

Derrière (enlever le)

Rigaud, 1881 : Donner un coup de pied au derrière.

Derrière (le)

Delvau, 1864 : Le cul, soit de la femme, soit de l’homme.

Et pour peu que, d’un air tendre,
On dirige un doigt savant,
On les voit se laisser prendre
Le derrière et le devant.

Charles Monselet.

Phœbus, au bout de sa carrière,
Put les apercevoir tous deux,
Le brigadier dans le derrière
Agitant son membre nerveux.

(Parnasse satyrique.)

Pour offrir
Son devant aux madames,
Son derrièr’ ferme et doux
Aux époux.

(Chanson anonyme moderne.)

Derrière le poêle

Boutmy, 1883 : V. Il n’y en a pas !

Derrière le poêle chez Cosson

France, 1907 : « Phrase de l’argot des typographes, qui la mettent à toutes sauces et l’emploient surtout lorsqu’il ne leur plaît pas de répondre à une question. N’importe ce qu’on leur demande, ils vous renvoient toujours là. L’expression sort de l’imprimerie Cosson, et du patron est descendue aux ouvriers. »

(Delvau)

Derrière le premier (se lever le)

Rigaud, 1881 : Se lever de mauvaise humeur. — Être de mauvaise humeur dès le matin.

France, 1907 : Se réveiller de mauvaise humeur.

Derrière les fagots (vin de)

France, 1907 : Vin que l’on a gardé précieusement pour servir à de vieux amis ou à des hôtes d’importance. Pour le mettre à l’abri, on cachait généralement les bouteilles derrière les fagots.

Des dattes

Rossignol, 1901 : Celui qui vous répond des dattes à une demande que vous lui faites, oppose un refus.

Tu offres un vermouth ? Oh ! des dattes. — On t’a promis telle chose, si tu comptes dessus, c’est comme des dattes.

Désarçonné (être)

Delvau, 1864 : Ne plus bander, pour avoir trop bandé ; — femme, faire déconner son fouteur.

L’étudiant qui n’est pas encore désarçonné.

Henry Monnier.

Je désarçonnai mon cavalier, qui n’avait pas encore fini sa course.

(Meursius.)

Désargenter

France, 1907 : Être sans argent.

Quand on est désargenté, on se la brosse, et l’on ne va pas se taper un souper à l’œil.

(Mémoires de Vidocq)

J’avais donc, en courant de fredaine en fredaine,
Ruiné mes parents, qui sont morts à la peine,
Et c’est bien fait pour eux, ils m’avaient trop gâté,
Enfin, lorsque je fus par trop désargenté,
— Hélas ! j’avais vendu mes dernières dépouilles
Pour une autre boisson que celle des grenouilles ! –
Voulant continuer mon état de rentier,
Car je l’aimais, je fis plus d’un sale métier.

(Barillot, La Mascarade humaine)

Désargoté

France, 1907 : Malin, l’argoté étant la dupe.

Désargoter

Halbert, 1849 : Faire le malin.

Rigaud, 1881 : Déniaiser, — s’ingénier, — dans le jargon des voleurs. — Désargoté, malin.

La Rue, 1894 : Déniaiser. Désargoté, malin.

France, 1907 : Déniaiser.

Désarrer

Halbert, 1849 : S’enfuir.

France, 1907 : Fuir.

Désatiller

Halbert, 1849 : Châtrer.

Delvau, 1866 : v. a. Châtrer, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Châtrer (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Châtrer.

France, 1907 : Châtrer ; argot des voleurs.

Desbrouf

M.D., 1844 : Vivement.

Descendre

d’Hautel, 1808 : Descendre la garde. Expression plaisante et figurée, qui signifie, parmi le peuple, tomber d’un lieu élevé ; s’en aller dans l’autre monde ; laisser ses os dans une affaire, dans une batterie quelconque.
Descendez, on vous demande en bas. V. Bas.
On dit vulgairement descendre en bas, et monter en haut.
Le génie de la langue allemande et de la langue anglaise peut tolérer ces locutions ; mais la langue française les rejette absolument ; il faut dire simplement sans régime, monter et descendre.

Delvau, 1864 : Aller faire la rue, dans l’argot des filles de bordel, qui descendent le plus souvent qu’elles peuvent, afin d’être montées d’autant.

Va t’êt’ onze heures, j’ descends pus… Nous allons nous coucher, dis, veux-tu ?

Henry Monnier.

Larchey, 1865 : Tuer, faire tomber.

J’ajuste le Prussien et je le descends.

M. Saint-Hilaire.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, abattre d’un coup de fusil, — dans l’argot des soldats et des chasseurs.

Rigaud, 1881 : Faire tomber ; tuer d’un coup de fusil. — Descendre la garde, mourir.

Fustier, 1889 : Expression théâtrale en usage dans les répétitions. C’est aller dans la direction de la rampe. — Terme de turf ; quand un cheval appelé à courir acquiert une plus value, on dit qu’il descend, parce qu’en effet la proportion dans laquelle on pariait contre lui tombe. Ainsi, un cheval qui hier était coté à 7 contre — 1, et qui est aujourd’hui à 5 contre — 1 est un cheval qui descend (Littré.)

La Rue, 1894 : Mourir. Mettre hors de combat. Tuer.

Hayard, 1907 : Assassiner.

France, 1907 : Tuer.

— Prends le reste des spahis et va explorer le sommet des mamelons sur notre gauche, jusqu’à la plaine. Si tu rencontres des Kabyles, descends-les.
— Oui, mon colonel.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Descendre à la cave

Rossignol, 1901 : Il y a des gens qui n’aiment pas y descendre, ils prétendent que c’est une cave qui est située trop près de la fosse d’aisances.

Descendre à la crémerie

Virmaître, 1894 : Cette expression est employée par les filles qui n’aiment pas les hommes ; elle est suffisamment claire. Par la satisfaction qu’elles éprouvent, elles boivent du lait non écrémé (Argot des filles). V. Accouplée. N.

France, 1907 : « Cette expression est employée par les filles qui n’aiment pas les hommes ; elle est suffisamment claire. Par la satisfaction qu’elles éprouvent, elles boivent du lait non écrémé. Argot des filles. »

(Ch. Virmaître)

Descendre de La Courtille

France, 1907 : La Courtille était située au haut du faubourg du Temple, après la barrière de Belleville. Les matins de carnaval, après avoir passé la nuit à danser et à boire, les masques sortaient des bals et des guinguettes de la Courtille et rentraient en masse, ivres, bruyants, crottés dans Paris par la grande rue. C’est ce qui s’appelait la descente de La Courtille.

Une chose très importante, selon nous, dont il faut, en finissant, féliciter Chicard, c’est d’avoir tué pour jamais la descente de la Courtille. Si quelque chose sentait le vulgaire, l’épicier, le rétrospectif, c’est sans contredit cette solennité, qui n’était en définitive qu’une débauche de Debureau, une orgie de farine.

(Taxile Delort)

Descendre des travaux

Fustier, 1889 : Argot ouvrier. Travailler d’arraché pied.

Le patron avec qui nous avons traité… était étonné de la façon dont nous avons descendu les travaux…

(Enquête de la Commission extraparlementaire des associations ouvrières.)

Descendre la garde

Larchey, 1865 : Mourir. — Mot à mot : n’être plus de service.

Amis, quand la camarde
M’fera descendre la garde.

Festeau.

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Mourir (Argot du peuple).

France, 1907 : Mourir. En style militaire, c’est, après avoir fini son service de garde, qui est de vingt-quatre heures, retourner au quartier.

— Eh bien, reprit Hulot, qui possédait éminemment l’art de parler la langue pittoresque du soldat, il ne faut pas que de bons lapins comme nous se laissent embêter par des chouans… Vous allez, à vous quatre, battre les deux côtés de cette route. Tâchez de ne pas descendre la garde, et éclairez-moi cela vivement.

(Balzac, Les Chouans)

On enterrait un soldat. Un bataillon accompagnait le convoi.
Passe un gavroche :
Ce que c’est que la vie, pourtant, dit-il ; il y en a qui montent la garde et d’autres qui la descendent.

Descendre son crayon sur la colonne

Rigaud, 1881 : Administrer une volée de coups de canne, — dans le jargon des voyous.

Descente

d’Hautel, 1808 : Faire une descente chez quelqu’un. S’y transporter en masse et sans y être attendu, à dessein de faire quelques perquisitions ou d’exercer quelqu’exaction.
Une descente de gosier. Expression burlesque, pour dire un mal de gorge.

Descente de gosier

Virmaître, 1894 : Avoir une soif perpétuelle. Pochard jamais rassasié (Argot du peuple).

France, 1907 : Soif perpétuelle.

Descente de lit

Delvau, 1866 : s. f. Lion que l’esclavage a abruti et qui se laisse donner des coups de cravache par son dompteur sans protester par des coups de griffes.

Virmaître, 1894 : Femme facile, qui se couche au moindre signe. Synonyme de paillasse (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « Femme facile, qui se couche au moindre signe. Synonyme de paillasse. » (Ch. Virmaître)

Désembrener

France, 1907 : Enlever le bran au derrière des enfants.

Il leur fallait, à ces messieurs, de bonnes grosses dots, en espèces sonnantes et trébuchantes — ou des femmes utiles à quelque chose, pouvant raccommoder leurs chaussettes, préparer leur popotte et désembrener leurs mioches.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Désenberluer

France, 1907 : Désennuyer.

Il était bien le fils de ce bonhomme qui se vantait de n’avoir jamais bu qu’à sa soif, ne s’étant grisé qu’une fois, le jour de con mariage, par révérence pour son beau-père, un vieux bibard. Simonard, pour le désenberluer, à plusieurs reprises, avait essayé de l’entraîner à des bordées.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Désenbonnetdecotonner

Delvau, 1866 : v. a. Débourgeoiser, donner de l’élégance à quelqu’un ou à quelque chose. Le mot est de Balzac.

France, 1907 : Débourgeoiser. Mot créé par Balzac.

Désenfariner (se)

France, 1907 : Se dégrossir, sortir des bas rangs sociaux ; changer son nom de vilain contre un nom de gentilhomme. Se dit de tout rustaud enrichi qui, par un moyen quelconque, essaye de faire oublier son origine sans y réussir, car, dit le proverbe : La caque sent toujours le hareng.

Sachant fort bien qu’en France on ne juge parfois du sac que par l’étiquette et qu’avec un titre sur une carte et des armoiries sur sa voiture on fait assez bonne figure dans le monde, nombre de fils de meuniers désireux de se « désenfariner » s’imaginent avoir assez fait pour légaliser l’usurpation de leur titre, lorsqu’ils défrayent, à force d’exploits, la conversation des « copurchics » dans les boudoirs achalandés, ou les sous-entendus des articliers dans la chronique scandaleuse.

(Albert Dubrujeaud)

Désenflaquer

Rigaud, 1881 : Se tirer d’une situation difficile. Mot à mot : se tirer d’une flaque.

Virmaître, 1894 : Se tirer d’un mauvais pas. Mot à mot : sortir de la merde. Un prisonnier est enflaqué ; le désenflaquer, c’est lui rendre la liberté (Argot des voleurs).

France, 1907 : Tirer d’embarras. Sortir de la flaque.

Désenflaquer (se)

Delvau, 1866 : Se tirer de peine, et aussi de prison, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : Se désem…nuyer, — dans l’argot des faubouriens.

Désenfrusquiner (se)

Delvau, 1866 : Se déshabiller, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Se déshabiller. Retirer ses frusques.

Désennuyeur

Rigaud, 1881 : Terme réservé qu’emploient les souteneurs de filles pour se désigner. Ils désennuient ces dames.

Desentiflage

Rigaud, 1881 : Séparation entre époux. — Être désentiflé, vivre séparé de sa femme.

Désentiflage

Delvau, 1866 : s. m. Rupture, divorce, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Rompre avec quelqu’un avec qui on était lié. Mot à mot : se désentifler, se quitter, se séparer. C’est l’opération contraire à celle d’entifler (Argot du peuple).

France, 1907 : Rupture, séparation, divorce.

Désentifler

Larchey, 1865 : Divorcer. V. Antifler.

France, 1907 : Se séparer, divorcer.

Désentifler (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se quitter, divorcer.

Déséquilibrée

France, 1907 : Femme atteinte d’une maladie spéciale, causée par l’état anormal où nous met notre civilisation ou par l’abus de lectures idiotes ou de plaisirs excessifs ou hors nature.

Or, c’est un point remarquable que toute la littérature d’à présent tend aux mêmes héroïnes. Pour peu qu’un écrivain s’attaque à une étude de psychologie conjugale, il y a cent à parier contre un qu’il nous présentera une petite déséquilibrée qui n’aura pas de plus grand ennemi au monde que son mari.

(E. Depré)

Désert

France, 1907 : On appelle ainsi, dans l’argot de l’École Polytechnique, un coin de la salle d’études qui échappe au regard du surveillant.

C’est là que se réfugie l’élève qui veut griller une « sèche », c’est-à-dire fumer tranquillement une cigarette sans être vu ; c’est dans le désert qu’on s’allonge sur un lit confectionné à l’aide des cartons à dessin, cherchant dans le sommeil l’oubli momentané des intégrales et de l’arche biaise ; c’est encore là qu’on va piquer le bouquin, c’est-à-dire lire le journal où le roman nouveau, faire un mort ou cuisiner le chocolat du matin.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Il existe dans chaque salle,
Dans l’coin en entrant, un désert.
C’est là que l’cuisinier s’installe,
Car de cuisine je lui sers.
L’gaz descend par un tub’ flexible,
Depuis le « rosto » jusqu’au fond’ment d’un brûleur,
Er j’rends la marmite invisible
Pour les regards inquisiteurs.
Ça va bien, ça va bien !
Ça va bien, ça va bien !
Grâce à moi, le capitaine
Qui dans le corri s’promène,
Ne s’apercevra de rien.

(J. Dreyfus et Onillon, 1882)

Désespérade

d’Hautel, 1808 : À la désespérade ; jouer à la désespérade. Pour dire, en désespéré.

Désespoir

d’Hautel, 1808 : Par quolibet, désespomme. Ce pitoyable calembourg est fort usité parmi le peuple, qui l’emploie dans un sens ironique. En parlant de quelqu’un qui affiche une douleur fausse et hypocrite, on dit : elle est tombée dans un désespomme affreux.

Desfoux

Rigaud, 1881 : Enorme casquette de soie, bouffante, casquette à triple étage, casquette à trois ponts, particulière aux Desgrieux de barrière. Vient du nom du fournisseur. On dit une desfoux, comme dans un autre monde, un gibus. Je viens de me fendre d’une desfoux un peu chouette, cinq balles !

France, 1907 : Casquette de soie, particulière aux souteneurs, appelée généralement casquette à trois ponts. On les appelait primitivement Desfoux, du nom d’un chapelier voisin du Pont-Neuf qui en faisait un grand débit.

Desgenais

France, 1907 : Personnage vertueux d’une comédie de Théodore Barrière. Faire son Desgenais, jouer au moraliste.

Desgenais en chambre

Rigaud, 1881 : Moraliste qui entend la plaisanterie et la noce. Moraliste bon enfant. — Allusion au type d’un des personnages des Filles de marbre. Expression un peu démodée comme la pièce. Faire son Desgenais, faire de la morale.

Desgrieux

Delvau, 1864 : Maquereau, amant de cœur d’une femme galante. — Tout le monde a lu le roman de l’abbé Prévost d’Exiles, intitulé Manon Lescaut, et, l’ayant lu, sait que dans ce roman — qui a l’air d’être une histoire arrivée — le chevalier Desgrieux joue le rôle de maquereau, et même un peu d’escroc.

Delvau, 1866 : s. m. Chevalier d’industrie et souteneur de Manons, — dans l’argot des gens de lettres, qui, avec raison, ne peuvent pardonner à l’abbé Prévost d’avoir poétisé le vice et le vol.

Rigaud, 1881 : Aimable et joli souteneur de filles, le frère aîné de M. Alphonse. En souvenir du nom du héros du roman de Manon Lescaut.

France, 1907 : Amant de cœur d’une prostituée, du nom du triste héros du célèbre roman de l’abbé Prévost : Manon Lescaut.

Déshabillage

France, 1907 : Critique à laquelle se livrent les artistes et les gens de lettres, contre un confrère absent. On le déshabille de façon à montrer touts ses tares.

Déshabillé

France, 1907 : Terme de boucherie, synonyme d’écorcher, dépouiller. On déshabille un mouton ou un bœuf en lui enlevant la peau.

Les aides mettaient la main au couteau. En une seconde, la gorge était ouverte, la robe fendue du mufle aux mamelles, la bête déshabillée ; et sur le sol où ruisselait le sang, la peau traînait à terre, comme, après un bain, un peignoir foulé. Puis par les deux pieds de derrière, un treuil élevait le bœuf au-dessus du sol, la tête en bas.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Déshabiller

Delvau, 1866 : v. a. Donner des coups, battre quelqu’un à lui en déchirer ses vêtements, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Donner à quelqu’un une telle tripotée qu’on en déchire ses vêtements.

Désheuré

France, 1907 : Qui a l’habitude d’être en retard, qui n’a pas d’heures régulières.

Bien certainement, si elle tardait, ce n’était pas pour baguenauder dans les rues, sachant qu’il était seul à garder la maison. Et pour la première fois, il s’avisa de la déconsidération qui s’attache à une ménagère désheurée.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Desiderata

France, 1907 : Choses désirées. Latinisme : pluriel de desideratum.

Les ouvriers de toutes les nations ont forcément des desiderata communs et dans la lutte qu’ils soutiennent contre leurs exploiteurs, vrais ou supposés, ils se servent des armes qui sont à leur disposition.
Mais que dire de ces nobles qui ont un pied en France, et l’autre en Allemagne, qui pourraient siéger un jour au Palais-Bourbon et le lendemain à la Chambre des seigneurs de Prusse ?

(Camille Dreyfus, La Nation)

Desideratum

France, 1907 : Singulier du mot précédent.

Désirance

France, 1907 : Envie de femme grosse.

Deslasé

France, 1907 : Désaoulé.

Desmesure

France, 1907 : Excès, défaut de mesure.

Désoler

Halbert, 1849 : Jeter.

France, 1907 : Jeter.

Désoler un saint

Halbert, 1849 : Jeter quelqu’un à l’eau.

Désosse

Rigaud, 1881 : Misère, ruine, — dans le jargon des barrières. — Jouer la désosse, être ruiné.

France, 1907 : Détresse. On n’a, en effet, plus d’osse.

Désossé

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme extrêmement maigre, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Qui est sans argent, — dans le jargon des voyous. Os veut dire argent ; désossé, c’est donc celui qui n’a pas d’os.

France, 1907 : Homme maigre.

Désosser

Rigaud, 1881 : Tomber sur quelqu’un à grands coups de poing. — Je t’vas désosser.

Hayard, 1907 : Battre.

France, 1907 : Taper à grands coups de poing.

Despicable

France, 1907 : Méprisable ; vieux français.

En simple état des mondaines despicables.

(Fourqué, Vie de Jésus-Christ)

Dessalé

Virmaître, 1894 : Noyé que l’on retire de l’eau, Allusion à la morue que les ménagères font dessaler avant de la manger (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Dégourdi, malin. Un intelligent est un dessalé. Un noyé, un dessalé. Tomber à l’eau c’est se dessaler.

Dessalé (être)

Hayard, 1907 : Être dégourdi, à la coule.

Dessalée

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, — dans le même argot [du peuple]. Cette expression, qui a plus d’un siècle, signifie aussi femme rusée, roublarde.

Rigaud, 1881 : Femme rusée, coquine délurée, femme sans moralité ni tenue. La dessalée était la gourgandine de nos pères. Ce n’était primitivement qu’une épithète accrochée au vocable « morue. » On disait sous Louis XV « morue dessalée » pour donner plus de force à l’injure. Aujourd’hui tout est si cher, même les mots du bas langage, que d’mie injure on en a fait deux, et voilà pourquoi l’on dit « morue » pour désigner une femme sale, repoussante, et pourquoi « dessalée » dans le sens de fille de joie.

Vous paraissez toutes deux assez dessalées.

(Les Souffleurs.)

La Rue, 1894 : Femme rusée ou sans moralité ni tenue.

France, 1907 : Femme de mœurs légères.

Dessaler

d’Hautel, 1808 : Terme typographique qui signifie s’acquitter, remplir la tâche dont on a touché le montant d’avance ; se mettre au courant de son ouvrage. Voy. Saler.
Un dessalé. Pour dire un finot, un luron alerte et éveillé ; un gaillard auquel on n’en fait pas accroire.

Rigaud, 1881 : Noyer. Dessaler le client à la faux, noyer quelqu’un après l’avoir volé.

France, 1907 : S’acquitter.

France, 1907 : Noyer quelqu’un, d’où l’appellation de dessalés aux noyés que l’on retire de l’eau.

Dessaler (se)

Larchey, 1865 : Boire.

Delvau, 1866 : v. Boire le vin blanc du matin, — dans l’argot des faubouriens, qui dorment volontiers salé, comme Gargantua.

Rigaud, 1881 : Tomber malade, — dans le jargon des voleurs. Allusion aux conserves qui s’amollissent lorsqu’elles perdent leur sel.

Rigaud, 1881 : S’acquitter d’une avance faite, — dans le jargon des typographes. C’est mot à mot : restituer son salé. Les avances d’argent ont reçu le nom de salé, par abréviation de salaire.

Rigaud, 1881 : Boire, — dans le jargon des voyous. — Viens-tu nous dessaler ?

Boutmy, 1883 : v. pr. S’acquitter, se mettre au pair, quand on a compté par avance une composition qui n’était pas faite. V. Salé.

France, 1907 : Boire le petit verre de vin blanc matinal qui dessale le gosier, ou se rendre malade.

Dessaler le client à la faux

France, 1907 : Noyer l’homme que l’on vient de voler.

Dessaler, désoler

La Rue, 1894 : Noyer. Dessaler le client à la faux. Noyer l’homme que l’on a volé.

Dessaleurs

Virmaître, 1894 : C’était une compagnie d’assassins qui attendaient sur les quais déserts du canal Saint-Martin les passants attardés. Ils les dépouillaient d’abord et les jetaient ensuite à l’eau. Le lendemain matin ils arrivaient comme par, hasard sur la berge, armés d’un croc et repêchaient le dessalé pour avoir la prime. L’opération était doublement fructueuse. La bande fut arrêtée et condamnée. L’expression est restée dans le peuple ; tout noyé pour lui est un dessalé (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « C’était une compagnie d’assassins qui attendaient sur les quais déserts du canal Saint-Martin les passants attardés. Ils les dépouillaient d’abord et les jetaient ensuite à l’eau. Le lendemain matin, ils arrivaient comme par hasard sur la herse, armés d’un croc, et repêchaient le dessalé pour avoir la prime. L’opération était doublement fructueuse. La bande fut arrêtée et condamnée. »

(Ch. Virmaître)

Dessaquer

d’Hautel, 1808 : Vider ses sacs.
Il a dessaqué ses écus. Se dit par raillerie d’un avare qui est contraint à faire une grosse dépense.

Dessécher

d’Hautel, 1808 : Il dessèche sur pied. Se dit d’un homme que le travail, le chagrin ou la maladie font maigrir sensiblement.

Desserre

d’Hautel, 1808 : Être dur à la desserre. Être fort intéressé ; aimer trop l’argent ; se faire tirer l’oreille pour acquitter ses dettes.

Desserrer les genoux

Delvau, 1864 : Consentir à se laisser baiser. Ouvrir les cuisses pour recevoir un homme, de même qu’on ouvre la bouche et desserre les dents pour recevoir un vit.

Un cordelier d’une riche encolure,
Large de quarrure,
Fier de son pouvoir,
Prodigue du mouchoir,
Au coin d’un bois rencontra sœur Julie,
Lui dit : Je vous prie,
Çà, dépêchez-vous,
Desserrez les genoux.

Haguenier.

Dessert

d’Hautel, 1808 : Entre Pâques et la Pentecôte, le dessert n’est qu’une croûte. Signifie qu’à cette époque, la saison n’offre aucun fruit.
Le peuple a coutume de dire : Entre Pâques et la Pentecôte, le dessert n’est qu’une crotte.

Desserte (vol à la)

France, 1907 : S’introduire en costume de cuisinier dans une maison où l’on donne un grand dîner et s’emparer de l’argenterie.

Dessinandier

Rigaud, 1881 : Dessinateur.

Dessouler

d’Hautel, 1808 : Il ne dessoule jamais. Pour, il vit continuellement dans l’ivrognerie, la débauche et la fange.

Dessous

d’Hautel, 1808 : Savoir le dessous des cartes. Connoitre les intrigues, les ressorts cachés d’une affaire.

Halbert, 1849 : Amant supplémentaire.

France, 1907 : La chemise, les jupons et le pantalon d’une femme.
Nini Patte-en-l’air affirme que ses dessous lui coûtent trois cents francs. Puisqu’ils sont destinés à être exhibés, ce luxe n’a rien de surprenant ; mais que penser de cette prude dévote à qui une amie demandait pourquoi, au moment de partir en voyage, elle soignait tant ses dessous. — « Ah ! Répliqua-t-elle, on ne sait avec qui l’on se trouve dans les trains et l’on peut rencontrer un insolent. »

Les jambes en question, les demi-nus suspects, les dessous prévenus, il me semble qu’on serait juste, qu’on ferait preuve de bonne grâce en reconnaissant la part qu’ils ont souvent dans la naissance du sentiment et dans la conservation de l’amour.

(Fernand Vandérem, Le Journal)

France, 1907 : Amant de cœur d’une fille. Celui qu’on cache quand se présente l’amant payant, le miché sérieux.

Dessous (tomber dans le troisième)

Rigaud, 1881 : Être complètement ruiné, tomber dans la misère. — Au théâtre on entend par dessous les étages pratiqués sous la scène pour les besoins des décors. On dit d’une pièce qui a échoué qu’elle est tombée dans le troisième dessous.

France, 1907 : Faire une chute complète, dans l’argot théâtral ; tomber dans la misère et le discrédit.

Dessus

d’Hautel, 1808 : Par-dessus l’épaule ; tu l’auras par-dessus l’épaule. Expression métaphorique qui veut dire, point du tout, jamais.
En avoir cent pieds par-dessus la tête. Être fatigué, dégoûté de quelque chose.
Il a des affaires par-dessus les yeux. Pour, il est accablé d’occupations.

Halbert, 1849 : Amant en titre.

France, 1907 : Amant payant. Celui qu’on montre.

Dessus des châsses

France, 1907 : Front.

Dessus du panier

France, 1907 : Ce qu’il y a de mieux. Allusion aux maraîchères qui étalent, au dessus de leurs paniers, leurs fruits les plus beaux ou leurs plus fraiches marchandises.

Trop pressé de signer un livre,
Pauvres vers, éclos en rêvant,
Sans raisonner, quand je vous livre
À tous les caprices du vent ;
Lorsque durant toute ma vie,
Ne vous mirant qu’à mon miroir,
J’aurais, sans peur et sans envie,
Pu vous garder dans mon tiroir,
Peut-être vainement j’enroule
Vos fleurs d’un ruban printanier ;
Ceci, me répondra la foule,
N’est pas le dessus du panier.

(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais jeune homme à sa Nini)

Dessus du panier des amours (le)

Delvau, 1864 : Le pucelage des jeunes filles, auquel personne n’a encore touché du bout de la queue.

Ces messieurs du faubourg ont le dessus du panier des amours, et, comme ils ont l’appétit et les dents de la jeunesse, ils mordent aux grappes lorsqu’elles ont précisément toute leur fraîcheur, toute leur saveur, tout leur parfum.

A. Delvau.

Destrier

Delvau, 1866 : s. m. Cheval. — dans l’argot des académiciens, qui ont horreur du mot propre. Ils disent aussi Palefroi, — dans les grandes circonstances.

Destrois

France, 1907 : Difficulté.

Destructeur

France, 1907 : Genre de sadique.

Ces maniaques coupent, à l’aide de ciseaux, les robes, les manteaux des femmes, et les morceaux qu’ils enlèvent sont précieusement entassés dans des tiroirs. Sur l’étiquette indicatrice, on lit, avec la date, le nom du magasin, le signalement de la femme, la satisfaction du… charme éprouvé. La personne qui a le malheur de faire leur caprice est certaine d’avoir ses vêtements à remplacer.

(G. Macé, Un Joli monde)

Destruction

d’Hautel, 1808 : Il ne se plaît qu’à la destruction. Pour il a le génie destructeur et malfaisant.

Destuc

Halbert, 1849 : De moitié.

France, 1907 : Part à demi dans un vol.

Détaché

Fustier, 1889 : Argot de sport. Qui est en avant des autres chevaux. Tel cheval est arrivé second, mais il était complètement détaché du reste du champ, c’est-à-dire qu’à l’exception du vainqueur, tous ses rivaux étaient loin derrière lui.

France, 1907 : En argot du sport, c’est le cheval qui, quoique arrivé second, laisse tous les autres chevaux loin derrière lui ; il est, par conséquent, complètement détaché du reste.

Détacher

d’Hautel, 1808 : En détacher. Montrer beaucoup d’ardeur à l’ouvrage ; être très-habile dans un art ou profession.
Il en détache, quand il est à la besogne. Se dit d’un ouvrier fort expéditif, très-assidu.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Couper (Voyez Cosser).

Bras-de-Fer, 1829 : Couper.

Delvau, 1866 : v. a. Donner, — dans l’argot du peuple. Détacher un soufflet. Souffleter quelqu’un. Détacher un coup de pied. Donner un coup de pied.

Détacher le bouchon

anon., 1827 : Couper la bourse.

Halbert, 1849 : Couper la bourse.

Delvau, 1866 : v. a. Couper la bourse ou la chaîne de montre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Aller à la selle. — Les anciens tireurs employaient cette expression dans le sens de voler la bourse.

Virmaître, 1894 : Vider ses intestins. Allusion à la bouteille qui se vide le bouchon retiré (Argot du peuple). V. Débourrer sa pipe.

France, 1907 : Ouvrir le derrière, c’est-à-dire mettre culotte bas.

Détacher un coupon

France, 1907 : Gagner une grosse somme sur son propre cheval ; argot des courses.

Détacher un transfert, un transferrement

Rigaud, 1881 : Détacher un solide coup de pied.

Je détache un transferrement au cab avec mon rigodon à clous.

(La Petite Lune, 1879.)

Détaffer

Larchey, 1865 : Aguerrir. V. Taffe.

Delvau, 1866 : v. a. Aguerrir quelqu’un, l’assurer contre le taf, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Remonter le moral ; donner du courage. Mot à mot : enlever le taf, enlever la peur.

France, 1907 : Aguerrir, ne plus avoir le taffe.

Détail

Delvau, 1866 : s. m. Chose grave que l’on traite en riant, — dans l’argot du peuple. L’est un détail ! signifie : Cela n’est rien ! — même lorsque c’est quelque chose d’important, d’excessivement important, fortune perdue ou coups reçus.

Détail (c’est un)

Larchey, 1865 : C’est un accident grave. — Ironie parisienne… Annoncez qu’un tel s’est cassé le bras, a perdu cinquante mille francs, etc., on vous répondra toujours : C’est un détail !

Rigaud, 1881 : Ce n’est rien. Mot que le scepticisme moderne devait appliquer aux événements les plus graves et qu’ordinairement on souligne par un rire. — Vous êtes en deuil ? — Ma femme est morte. — C’est un détail. Un tel a fait faillite et ruine plus de cent familles. — C’est un détail, je n’avais pas un sou chez lui.

Détail (faire le)

Rigaud, 1881 : Couper sa victime en morceaux d’après la méthode Billoir, — dans le jargon des voyous.

Détailler le couplet

France, 1907 : Nuancer habilement les différents effets d’une chanson. Détailler un rôle, c’est, en argot théâtral, mettre en relief toutes ses parties.

Détaler

d’Hautel, 1808 : Mot comique qui signifie s’esquiver, s’enfuir à la hâte, se retirer sans bruit et à la sourdine.

Clémens, 1840 : Courir.

Delvau, 1866 : v. n. S’enfuir, s’en aller sans bruit, — dans le même argot [du peuple].

Détar

Fustier, 1889 : Veston. Argot du peuple.

Détaroquer

Larchey, 1865 : Démarquer (Vidocq). — Du vieux mot taroter : marquer. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : v. a. Démarquer du linge, — dans l’argot des voleurs, qui ont bien le droit de faire ce que certains vaudevillistes font de certaines pièces.

Rigaud, 1881 : Démarquer, — dans l’ancien argot des grecs ; c’est, mot à mot : effacer les marques des tarots.

La Rue, 1894 : Démarquer le linge.

France, 1907 : Démarquer le linge.

Détectant

Hayard, 1907 : Dégoûtant.

Détective

France, 1907 : Agent de la police de sûreté ; anglicisme.

— Comment ! vous êtes de La police ? fit le jeune homme avec un soubresaut.
— Eh bien, quoi ! répliqua cyniquement l’autre. Tout le monde ne peut pas être dans les ambassades. Vous figuriez-vous parler à un major général ! Je suis détective, je l’avoue, et c’est en cette qualité que je vous ai filé, mon camarade.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

Déteindre

France, 1907 : Mourir.

Dételer

Delvau, 1866 : v. n. Renoncer aux jeux de l’amour et du hasard, — dans l’argot des bourgeois, qui connaissent le Solve senescentem d’Horace, mais qui ont de la peine à y obéir. On dit aussi Enrayer.

Rigaud, 1881 : Dételer le char de l’amour, pour parler la langue académique. Se retirer des joies de ce monde, parce qu’on est vieux, infirme et désillusionné.

À cette heure il avait dételé, mais il aimait encore la société des femmes folles de leur corps.

(E. de Goncourt, La Fille Élisa)

France, 1907 : Ne plus pouvoir sacrifier à Vénus. Un cheval dételé ne tire plus. « Le mot, dit Lorédan Larchey, est du XVIIIe siècle. Effrayé dès le début de sa dernière maladie, Louis XV disait à La Martinière : — Je le sens, il faut enrayer. — Sentez plutôt qu’il faut dételer ! répondit brusquement le docteur. »

Comme nous nous attardions, après ce souper frugal de camarades qui ont dételé, qui regardent avec une sereine philosophie les autres continuer la fête, qui ne se passionnent plus pour rien, et ainsi que des soldats chevronnés qui firent les mêmes campagnes, commencent à remuer ce tas de feuilles mortes qu’est le passé !

(Champaubert)

Dételer, enrayer

La Rue, 1894 : Renoncer à la vie Joyeuse, à l’amour.

Détente (avoir de la)

Merlin, 1888 : Avoir de l’énergie.

Détente (dur, dure à la)

Rigaud, 1881 : Celui, celle qui ne délie pas facilement les cordons de sa bourse.

Leur famille est riche, mais elle est également dure à la détente, ce qui est l’expression consacrée.

(Adrien Paul, Floueurs et Floués.)

Détente (facile à la)

France, 1907 : Libéral, généreux, donnant facilement. Mot à mot : détendant sa main.

Sidonie rêvait. Aimait-elle Ugène ? Mon Dieu ! oui ; autant celui-là qu’un autre ; c’était un bon garçon, assez facile à la détente, en matière d’argent, bien entendu ; et lui, il l’adorait, certainement, car on a beau dire, le cœur est dans la bourse.

(Maurice Montégut)

Déterrer

d’Hautel, 1808 : Découvrir quelque chose après beaucoup de recherches et de perquisitions ; trouver la retraite de quelqu’un que l’on cherchoit de puis long-temps.
Il a une mine de déterré. Pour, il a le visage blême et décharné.

Détester

d’Hautel, 1808 : Détester sa vie. Se dépiter ; se manger les sens ; maudire les misères de la vie.

Détirer

d’Hautel, 1808 : Se détirer. Étendre ses bras et ses jambes en bâillant, comme lorsqu’on sort des bras de Morphée, ou qu’on a resté long-temps occupé et dans la même position.

Détoce

Virmaître, 1894 : Détresse, misère. Quand les aminches n’ont plus d’os, ils sont dans la détoce (Argot du peuple).

Detoce ou Détosse

Delvau, 1866 : s. f. Détresse, guignon, — dans l’argot des prisons.

Détorce

Rossignol, 1901 : Appauvrissement, misère.

Détorse (la)

Clémens, 1840 : Système pénitentiaire.

Detosse

un détenu, 1846 : Misère.

Détosse

La Rue, 1894 : Misère.

Hayard, 1907 : Misère.

France, 1907 : Détresse, misère.

Détosse (être de la)

Halbert, 1849 : Être ruiné.

Détourne (vol à la)

Delvau, 1866 : s. m. Vol dans l’intérieur des magasins ou à la devanture des boutiques. On dit aussi Grinchissage à la détourne.

Rigaud, 1881 : Vol qui se pratique dans l’intérieur des magasins.

France, 1907 : C’est une spécialité exercée généralement par les femmes dans les grands magasins ; tandis que l’une attire l’attention du commis, l’autre détourne l’objet.

Détourner

d’Hautel, 1808 : Prendre des chemins détournés dans une affaire. Se conduire avec adresse, et de manière à ne se point compromettre ; avoir recours aux subterfuges et aux faux-fuyans.

Larchey, 1865 : Voler dans l’intérieur d’une boutique.

Parmi les détourneurs, on distingue : 1) les grinchisseuses à la mitaine, assez adroites de leur pied pour saisir et cacher dans de larges pantoufles les dentelles et les bijoux qu’elles font tomber (on appelle mitaine leur bas qui est coupe pour laisser aux doigts leur liberté d’action) ; 2) les enquilleuses, femmes cachant des objets entre leurs cuisses (quilles) ; 3) les avale tout cru, cachant les bijoux dans leur bouche ; 4) les aumôniers, jetant le produit de leur vol à de faux mendiants.

Vidocq.

Ces genres de vol constituent le vol à la détourne.

Détourneur

Rigaud, 1881 : Voleur à la détourne.

Il y a des voleurs à la détourne de trois classes : les aristos, les bourgeois et les voyous. Les premiers ne travaillent qu’en équipage et ne font que la pièce de soie, de velours, ou le cachemire des Indes ; ils ont des laquais avec des galons d’argent et des jambes torses comme les colonnes d’un lit Louis XIII.

(L. Paillet, Voleurs et Volés.)

La Rue, 1894 : Voleur à la détourne dans intérieur des magasins.

Virmaître, 1894 : Voleur. Détourner un objet de sa destination (Argot des voleurs).

Détourneur, détourneuse

France, 1907 : Voleur ou voleuse à la détourne dans les magasins.

Détourneur, euse

Delvau, 1866 : s. Individu qui pratique le grinchissage à la détourne.

Détourneuse

Virmaître, 1894 : Voleuse qui opère spécialement dans les grands magasins de nouveautés. Il y a bien des manières de pratiquer ce vol, elles sont expliquées à leur place (Argot des voleurs).

Détourneuse au momignard

Virmaître, 1894 : V. Abéqueuse.

France, 1907 : Variété des voleuses de magasins. « Ce vol, dit Ch. Virmaître, nécessite trois personnes : la mère, la nourrice et le momignard. Tous trois entrent dans un magasin. La mère se fait montrer les étoffes. Elle détourne l’attention du commis par un manège quelconque. Profitant de ce moment, elle fait tomber à terre une pièce d’étoffe. La nourrice se baisse, comme pour y déposer l’enfant un instant, et cache prestement l’objet sous la pelisse du petit. Aussitôt elle le pince fortement. L’enfant crie comme un possédé. Elle fait semblant d’essayer de le calmer, mais elle le pince encore plus fort. Ses cris redoublent. Alors la mère témoigne une impatience très vive : — Te tairas-tu ? lui dit-elle ; allez-vous-en, nourrice. Nous reviendrons une autre fois. »
On dit aussi dans le même sens : détourneuse à la nourrice.

Détraper, détrapper

France, 1907 : Déménager, débarrasser, tirer ; mot à mot : sortir d’une trappe ; du patois bourguignon, vieux français. On trouve dans Du Bartas, poète du XVIe siècle, ces vers tirés de la description du cheval de Caïn :

Le champ plat bat, abat, détrappe, grappe, attrappe
Le vent qui va devant…

(La Seconde Semaine)

Détraquage

France, 1907 : Maladie nerveuse qui affecte spécialement les Parisiennes, les dévotes et les bas-bleus.

Le détraquage a fait son œuvre. La licence a porté ses fruits. Je demande la création d’un Musée national des horreurs où l’on conserve religieusement les documents de l’histoire scandaleuse de ce temps. On pourra y contempler, à côté de la reproduction des beautés mâles de Pranzini, la collection d’autographes de la Limousin et le rasoir de Prado.

(Edmond Deschaumes)

Détraqué, détraquée

France, 1907 : Personne fantasque et que les nerfs surexcités poussent à toutes les extravagances.

Certes, il y a parmi nous des romanesques et des détraquées, mais alors celles-là s’adonnent entièrement à leur passion, sans réflexion, sans calcul : elles seront toujours sorties — et pour cause, — elles ne s’occuperont pas de leur intérieur, les enfants seront élevés à la grâce de Dieu par les gouvernantes, et le ménage ira à la diable.

(Colombine, Gil Blas)

Une des plus grandes détraquées de notre temps et qui n’est pas la première venue, en une heure d’abandon, a dit à un ami : « Vous voulez savoir pourquoi je suis qui je suis ? demandez-le à l’homme de ma famille qui m’a violée quand j’avais treize ans ! »

(Colombine)

Du haut en bas de l’échelle, les ferments cérébraux travaillent et décomposent l’argile humaine, depuis les grandes dames jusqu’aux filles ; et, du salon à l’atelier, le même travail de démoralisation s’accomplit dans les esprits. Les grandes détraquées et les grandes névrosées se touchent à travers les trop franchissables hiérarchies sociales.

(Arsène Houssaye)

Détraquer le trognon (se)

France, 1907 : Devenir fou.

Détrempe

d’Hautel, 1808 : Un mariage en détrempe. Expression vulgaire ; commerce illicite que l’on a avec une fille, sous les apparences d’une alliance légitime.

Détrousser

d’Hautel, 1808 : Escroquer, voler, dépouiller.
Détrousser les passans sur les grands chemins. Les dévaliser.
Aller chez quelqu’un, robe détroussée. Y aller en grande parure, en pompeuse cérémonie.

Détrousseur

d’Hautel, 1808 : Larron, voleur qui exerce ses brigandages sur les grands chemins.

Dette

d’Hautel, 1808 : Être rongé de dettes. Devoir à Pierre et à Paul ; être accablé de créanciers.
Qui épouse la veuve, épouse les dettes. Pour dire qu’un mari doit payer les dettes de la femme qu’il prend pour épouse.
Dettes véreuses. Mauvaises créances, dettes dont le paiement est très-incertain.
Dettes criardes. Petites dettes ; ce que l’on doit aux débitans, à la fruitière, au marchand de vin, et qui font crier après le débiteur

Dette (payer une)

Halbert, 1849 : Être en prison.

France, 1907 : Être en prison.

Dette de cœur (payer une)

Rigaud, 1881 : Faire honneur à un engagement souscrit par le cœur au profit des sens, — dans l’argot des grandes dames. Dans le monde faubourien, où l’on n’enguirlande pas les expressions, les femmes disent : « S’exécuter à la bonne franquette. »

Deuil

d’Hautel, 1808 : Porter le deuil de sa blanchisseuse. Voy. Blanchisseur.
Porter un deuil joyeux. Porter le deuil d’une personne dont l’intérêt faisoit désirer la mort.

Deuil (demi-)

France, 1907 : Café sans cognac. Le café avec cognac s’appelle grand deuil.

Deuil (grand)

Rigaud, 1881 : Café avec cognac. — Demi-deuil, café sans cognac. (L. Larchey)

Deuil (il y a du)

Rigaud, 1881 : Ça marche mal dans le ménage.

La Rue, 1894 : Ça va mal ; il y a du danger.

France, 1907 : Il y a du danger. Cela tourne au noir.

Deuil (ongle en)

Larchey, 1865 : Ongle cerné d’une crasse noire.

J’aurai l’air d’être en deuil depuis la cravate jusqu’aux ongles, inclusivement.

A. Second.

Deuil (très)

Fustier, 1889 : Homme du monde ou mieux voulant se faire passer comme tel. Le mot, d’usage boulevardier, n’a fait qu’une courte apparition en 1886. Il faisait allusion au deuil porté avec ostentation par certaines personnes à l’occasion de la mort de la comtesse de Chambord.

Deuil de sa blanchisseuse (porter le)

Rigaud, 1881 : Porter du linge très sale.

France, 1907 : Ne pas souvent changer de linge. Imiter le vœu de la reine Isabelle de Castille, qui promit à Dieu de ne pas changer de chemise avant que ses troupes n’aient pris Grenade aux Mores, ce qui dut joliment faire plaisir au Père Éternel.

Deus aut bestia

France, 1907 : « Dieu ou bête » Axiome aristotélique. À voir la quantité d’animaux à deux pattes qui remplissent le monde, dindons, oies, renards, pourceaux et tigres, il reste en effet, peu de place pour l’homme.

Deux

d’Hautel, 1808 : N’en faire ni une ni deux. Ne plus garder de ménagement ; rompre toute mesure ; prendre sur le champ son parti.
Les deux font la paire. Se dit ironiquement de deux personnes qui ont les mêmes inclinations, les mêmes habitudes, les mêmes défauts.
Ils s’entendent tous deux comme larron en foire. Se dit de deux personnes qui forment clique ou coterie ; qui ont une intrigue, un intérêt commun.
Marcher deux à deux comme frères mineurs.
Deux chapons de rente,
etc. Voy. Chapons.
Il n’en fit pas à deux fois. Pour, il se détermine promptement.

Deux adjoints (les)

Delvau, 1864 : Les testicules, qui accompagnent partout le membre viril, — le maire naturel de Confoutu.

Ses deux adjoints lui font escorte ;
Mais, par un caprice nouveau,
Tous les deux restent à la porte :
Il entre seul à son… bureau.

Eugène Vachette.

Deux bibelots (les)

Delvau, 1864 : Les testicules, avec lesquels les femmes se plaisent à jouer.

Donne-moi tes deux bibelots, mon chéri, que je les pelote.

Jean Du Boys.

Deux bossus (les)

France, 1907 : Le numéro 33, au jeu de loto.

Deux cocottes (les)

Delvau, 1866 : Le numéro 22, — dans l’argot des joueurs de loto.

France, 1907 : Le numéro 22, dans l’argot des joueurs de loto, qui disent aussi les deux canards du Rhin.

Deux d’amour

Delvau, 1866 : s. m. Le numéro 2, — dans le même argot [des joueurs de loto].

France, 1907 : Le numéro 2 ; argot des joueurs de loto.

Deux dos (bête à)

France, 1907 : Accouplement de l’homme et de la femme.

… Les rideaux
Sont tirés. L’homme, sur la femme à la renverse,
Lui bave entre les dents, lui met le ventre en perce,
Leurs corps, de par la loi, font la bête à deux dos.

(Jean Richepin, Les Blasphèmes)

Deux épaules qui trottent (les)

France, 1907 : Le derrière.

Alors ce polisson lui allonge un maître coup de pied entre les deux épaules qui trottent, comme disent au régiment ceux qui se piquent d’élégance.

(Les Mésaventures de Bistrouille)

Deux fois

Rigaud, 1881 : Expression très usitée dans les régiments de cavalerie et qui équivaut à une négation. Le sous-off de garde dit : Tiens, tiens, tiens ! vous avez des bretelles deux fois demi-tour sur les hanches. — J’ai planché non pas deux fois, mais une bonne. — Quelquefois cette expression s’emploie dans le sens de « plus souvent » Veux-tu me prêter cinq ronds ? — Deux fois.

Deux galons

Fustier, 1889 : Lieutenant. Argot militaire.

Comment, disait-on, un médecin de deuxième classe qui n’a que le grade de lieutenant dans l’armée, un deux galons va commander des amiraux !

(Événement, juin 1884.)

Deux liards de beurre (gros comme)

France, 1907 : Tout petit.

— J’ai une petite fille, Marie, un amour, vrai. C’est gros comme pour deux liards de beurre et ça donne pour cent mille francs de bonheur ! Oh ! je me trouve heureux. L’enfant, vois-tu, Louis, c’est la joie de la maison !

(Félix Pyat, Le Chiffonnier de Paris)

Deux novembre 33

France, 1907 : Haricot de mouton ; argot militaire. Ce plat, vu son bon marché, étant d’un usage fréquent dans les pensions d’officiers, a été surnommé par eux 2 novembre 33, le 2 novembre 1833 étant la date du règlement sur le service intérieur des corps de troupe.

Deux oreilles

Delvau, 1864 : Les deux couilles.

Tu ronfles, tu sommeilles,
Tu mérit’rais, dans c’cas,
Puisque tu n’t’en sers pas,
Que j’te coup’ les deux oreilles.
Adrien, c’n’est pas bien, etc.

(Anonyme moderne.)

Deux sœurs

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les nates de Martial, — dans l’argot des faubouriens.

Deux sœurs (les)

Delvau, 1864 : Les deux fesses, inséparables.

Deux sœurs (mes)

Virmaître, 1894 : Dans le peuple, par abréviation, on dit : mes deux pour te faire une paire de lunettes. Ce n’est pas des fesses qu’il s’agit, comme le dit Delvau, mais des testicules. On appelle aussi deux sœurs, les deux nattes de cheveux que les femmes portent sur leurs épaules (Argot du peuple).

France, 1907 : Expression ironique dont se servent les ouvriers pour répondre à une question indiscrète. Mes deux sœurs, dit Alfred Delvau, sont les fesses, Charles Virmaître, de son côté, affirme que ce sont les testicules. Tous les deux ont raison.

J’aim’ pas les raseurs politiques ;
Faux radicaux, tas d’bonisseurs,
Faites vos discours à mes deux sœurs !
Je n’serai jamais de vos pratiques.

(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)

Deux sous du garçon

Delvau, 1866 : s. m. pl. Le pourboire que chaque consommateur est forcé — sous peine d’être « mal servi » — de donner aux garçons de café, qui s’achètent des établissements avec le produit capitalisé de cet impôt direct.

Deux trous (les)

Delvau, 1864 : L’anus et le con.

Le trou du cul, le trou du con,
Sont deux trous qui me semblent farces :
Par l’un, on jouit d’un garçon
Et par l’autre on jouît des garces.
Tous les deux me sont défendus ;
Mais puisqu’il faut que je me perde…
Je préfère le trou du cul,
Malgré mon dégoût pour la merde.

Bing.

Deux-bouts

France, 1907 : La rue.

— Oui, amour d’homme, c’est moi !… hein ! j’ai bien frisé… allons ! ouate !… enfilons la deux-bouts, les vaches ne nous auront pas encore cette fois !…

(Edmond Lepelletier)

Dévalidé

France, 1907 : Synonyme d’invalidé.

Devant

d’Hautel, 1808 : Préposition de lieu.
Si vous êtes pressé, courez devant. Se dit aux gens qui affectent des airs expéditifs et, empressés.
Mettre tout sens devant derrière, sens dessus dessous. Mettre tout en confusion, en désordre ; bouleverser quelque chose de fond en comble.
Bâtir sur le devant. Voy. Bâtir.

France, 1907 : Le côté opposé au derrière, dans le langage des petites filles qui n’ont pas encore été en pension.

À la place Maubert,
Un jour, une harengère
De monsieur Saint-Hubert
Insulta la bannière.
Pour punir cette infame,
L’on vit, soudainement,
Son chaudron plein de flamme,
Griller tout son devant.

(J.-J. Vadé, Cantique de Saint-Hubert)

Dialogue surpris sur le boulevard :
— Cocher, vous avez quelque chose qui se lève par devant, n’est-ce pas ?
— Oui, madame.
— Bien, c’est pour que ma bonne puisse s’asseoir dessus.
— Comme madame voudra.

(Gil Blas)

Devant (le)

Delvau, 1864 : Les parties sexuelles de l’homme et de la femme.

Le p’tit gueux, près des femmes,
Bientôt s’mit à courir,
Pour offrir
Son devant aux mesdames.

(Chanson anonyme moderne.)

On pourra désormais avoir confiance en moi, car on dit communément qu’il faut se défier du devant d’une femme, du derrière d’une mule, et d’un moine de tous les côtés.

(Le Moine sécularisé.)

Ah ! mon Dieu, quelle injustice que l’honneur d’un homme dépende du devant d’une femme !

Ch. Sorel.

Devant de gilet

Delvau, 1866 : s. m. Gorge de femme, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Gorge de femme.

Devant la glace (passer)

France, 1907 : Annoncer ses consommations au comptoir sans les payer. Derrière chaque comptoir se trouve, en effet, une glace.

Devanteau

France, 1907 : Tablier.

Devantier

d’Hautel, 1808 : Pour dire tablier.

Dévasté

France, 1907 : Homme courbé, fatigué par les excès plutôt que par les ans.

Le dévasté plaît, le dévasté intéresse parce qu’en le voyant, chacun se dit : Si cet homme a la tête plus nue que le genou, c’est que le volcan qui lui tient lieu de cervelle a anéanti sa chevelure, son œil est éteint ? C’est qu’il a trop flamboyé. Il n’a plus de mollets ? Ah ! Qu’est-ce que prouve cette absence du gras de la jambe, sinon que cet homme a trop abusé de ses mollets, sinon que cet homme a trop aimé !

(Ed. Lemoine)

Dévauler

France, 1907 : Descendre. Corruption de dévaler.

Déveinard

France, 1907 : Pauvre diable que la malchance poursuit.

Un de ces ouvriers déveinards, un de ces inventeurs en chambre, qui ont compté sur le coup de fortune du nouvel an.

(Jean Richepin, Le Pavé)

Déveine

Larchey, 1865 : Malheur constant. V. Veine.

Il paraît que la banque est en déveine.

About.

Delvau, 1866 : s. f. Malheur constant dans une série d’opérations constantes. Être en déveine. Perdre constamment au jeu.

France, 1907 : Série de malchances où de pertes.

Devenir

d’Hautel, 1808 : D’évêque devenir meunier. Passer d’une charge considérable à un emploi médiocre.
Devenir cruche. Rabêtir ; perdre tout le fruit de l’éducation qu’on a reçue.

Dévergondée

d’Hautel, 1808 : C’est une dévergondée. Terme injurieux qui ne s’emploie qu’en parlant d’une fille sans pudeur, d’une effrontée qui a levé le masque.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui a toute vergogne bue, — dans l’argot des bourgeoises, qui quelquefois donnent ce nom à une pauvre fille dont le seul crime est de n’avoir qu’un amant.

Dévidage

Larchey, 1865 : Discours aussi long que le dévidage d’un écheveau.

Delvau, 1866 : s. m. Long discours, bavardage interminable, — dans l’argot des voleurs. Dévidage à l’estorgue. Accusation.

Rigaud, 1881 : Promenade dans le préau d’une prison. (L. Larchey)

Rigaud, 1881 : Long discours.

Hayard, 1907 : Bavardage.

France, 1907 : Promenade dans le préau d’une prison.

France, 1907 : Discours interminable, bavardage incessant. Allusion à un écheveau que l’on dévide.

Dévidage à l’estorgue

Larchey, 1865 : Acte d’accusation.

Rigaud, 1881 : Mensonge. — Acte d’accusation.

Virmaître, 1894 : Acte d’accusation lu en cours d’assises par le greffier. Dévider : parler : à l’estorgue, faussement (Argot des voleurs). Dévider : promenade en dévidoir que font les prisonniers sur le préau (Argot des voleurs). V. Queue de cervelas.

France, 1907 : Accusation, mensonge.

Dévidage d’aminches

France, 1907 : Dénonciation d’amis.

Dévidages (faire des)

France, 1907 : Dénoncer.

Dévider

Larchey, 1865 : Avouer. V. Bayafe. — On dit communément dévider son chapelet. — Dévider à l’estorgue : Mentir. — Dévideur : Bavard (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. et n. Parler, et, naturellement, bavarder. Dévider à l’estorgue. Mentir. Dévider le jar. Parler argot. On dit aussi Entraver le jar.

Rigaud, 1881 : Parler. C’est dévider le fil d’un discours dans le langage métaphorique et précieux. — Dévider le jars, parler argot.

La Rue, 1894 : Parler. Dévidage à l’estorgue, mensonge, acte d’accusation. Dévidage d’amiches, dénonciation d’amis.

Rossignol, 1901 : Parler.

France, 1907 : Parler, mentir. Dévider le jars, parler argot.

Les mots rigolbocheurs, épars
De tout côtés dans le langage,
Attrape-les pour ton usage,
Et crûment dévide le jars.

(André Gill, La Muse à Bibi)

Dévider son chapelet, commérer, bavarder sans relâche en disant du mal du prochain. Dévider une retentissante, casser une sonnette. Dévider son peloton, parler sans prendre haleine, faire une confession.

Dévider le jars

Halbert, 1849 : Parler argot.

Hayard, 1907 : Parler argot.

Dévider son chapelet

Virmaître, 1894 : Les portières se chargent de cette opération en cancanant sur les locataires (Argot du peuple).

Dévideur

Delvau, 1866 : s. m. Bavard.

Dévideur, dévideuse

France, 1907 : Bavard, bavarde.

Dévierger

Delvau, 1866 : v. a. Séduire une jeune fille et la rendre mère, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Enlever la fleur de l’innocence à une jeune fille, ainsi qu’on s’exprime sous la coupole de l’Institut les jours où il n’y a pas de prix de vertu à décerner. — C’est, en bon français, peut-être, faire une femme avant la lettre… de faire part du mariage.

France, 1907 : Prendre la virginité d’une fille.

Quand j’étais petit, le téton de ma nourrice est ce que j’aimais le mieux.
— Et maintenant, c’est celui de ta servante.
— Je préfère, comme dit cet autre, dévierger une gueuse, que d’avoir le reste d’un roi.

(Les propos du Commandeur)

Deviner

d’Hautel, 1808 : Je vous donne cent ans pour le deviner. Se dit à celui que l’on cherche à embarrasser par quelqu’énigme, ou par quelque question, difficile à résoudre.
Il devine que c’est fête quand les boutiques sont fermées. Se dit d’un homme simple et crédule, à qui l’on en impose facilement.

Deviner les fêtes lorsqu’elles sont passées

France, 1907 : Être niais ou étourdi ; annoncer des nouvelles que tout Le monde connaît ; deviner les choses après qu’elles sont arrivées.

Dévirginer

Delvau, 1864 : Ôter la virginité.

Ceux-ci ne trouvèrent pas d’autres moyens que de les dévirginer eux-mêmes avant qu’elles pussent tenter personne.

Pigault-Lebrun

Oui, tout semblait m’annoncer qu’enfin j’allais être, et même très agréablement, dévirginée.

(Mon noviciat.)

Extasiée, fendue par l’énorme grosseur du vigoureux bourdon de mon dévirgineur,… je restai quelque temps accablée par la fatigue et le plaisir.

(Mémoires de miss Fanny.)

Dévisager

Delvau, 1866 : v. a. Égratigner le visage, le meurtrir de coups, — dans le même argot [du peuple]. Signifie aussi : Regarder quelqu’un avec attention.

France, 1907 : Regarder quelqu’un attentivement ou insolemment.

France, 1907 : Égratigner ou meurtrir le visage.

Dévisser

Rigaud, 1881 : Estropier, casser un ou plusieurs membres.

Tu veux donc te faire dévisser ?

(L. Cladel, Ompdrailles, le Tombeau des lutteurs.)

La Rue, 1894 : Estropier. Dévisser son billard, mourir.

France, 1907 : Perdre son rang, dans l’argot des polytechniciens. « Le major vient d’être dévissé. »

France, 1907 : Estropier.

Dévisser (se)

Fustier, 1889 : « C’était l’école préparatoire de Sainte-Barbe qui dévissait. Et pourquoi dévissait-elle l’école préparatoire ? Parce que beaucoup d’élèves étaient mécontents de ce que quelques-uns de leurs camarades avaient été renvoyés… »

(Constitutionnel, février 1883.)

France, 1907 : S’en aller. Se dévisser la pétrouille, se casser la tête.

Dévisser la pétronille (se)

Rigaud, 1881 : Se mettre en frais d’imagination, se creuser la cervelle, — dans le jargon des voyous.

Dévisser le coco

Rigaud, 1881 : Tordre le cou, étrangler.

France, 1907 : Étrangler. On dit aussi : dévisser le trognon.

Dévisser son billard

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon des piliers de café. Et par abréviation : dévisser. — Que devient, Machin ? Il a dévissé.

Virmaître, 1894 : Mourir. Quand le billard est dévissé, adieu la partie. Un à peu près dit qu’il n’y a plus Moyaux de faire une partie de Billoir quand on joue Troppmann (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mourir.

Hayard, 1907 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

— Faut pas en dire du mal, car c’était une femme de bonne volonté, un peu portée sur sa bouche de l’opposée, mais vaillante à la besogne, ripostant bravement de la langue et du reste, et, pour un coup qu’on lui baillait, en rendant volontiers deux. Ah ! mais !… Du reste, elle s’est jamais plainte de moi, et j’ai rien à me reprocher sur cet article, car je lui faisais toujours bonne chère, remplissant comme il faut mon devoir de coquebas ! Pauvre vieille ! Elle a dévissé son billard, comme vous savez, en revenant des foires !

(Les Propos du Commandeur)

Dévisseur

Delvau, 1866 : s. m. et adj. Médisant, débineur, — dans l’argot des gens de lettres et des faubouriens.

France, 1907 : Médisant ; synonyme de débineur.

Devoir

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme qui a des dettes innombrables, qu’Il doit à Dieu et à diable.
Il doit plus d’argent qu’il n’est gros.
Manière, exagérée de dire qu’un homme est fort endetté.
Il n’y a point de borne qui ne lui doive un denier. Pour dire qu’un homme est musard, causeur ; qu’il s’arrête à tout bout de champ.
Qui fait ce qu’il peut, fait ce qu’il doit. Signifie qu’on doit savoir gré à quelqu’un de la bonne volonté et du zèle qu’il met à s’acquitter de ses devoirs.
Il doit au tiers et au quart. Pour, il a des créanciers de tout état, de toute condition.
Qui doit a tort. Signifie qu’un débiteur est toujours condamnable quand il ne paye pas ses dettes.
Chose promise, chose due. Pour, il est du devoir d’un honnête homme de tenir inviolablement ses promesses.
Je lui en dois. Pour, je me vengerai de lui dès que l’occasion s’en présentera.
Il croit toujours qu’on lui en doit de reste. Se dit d’un vaniteux, d’un homme très-prévenu de son mérite, et pour lequel on semble ne jamais faire assez

France, 1907 : Compagnon charpentier.

Devoir (le)

Delvau, 1864 : La fouterie, qui est en effet le premier des devoirs, le plus sacré, celui auquel on manque le moins tant qu’on est jeune et qu’on sait jouer des reins.

Allons ! rentre chez toi, père de famille ! et fais ton devoir près de ta femme, cela dût-il te valoir un enfant !

Lemercier de Neuville.

Puis quand on vint au naturel devoir,
Ah ! dit Catin, le grand dégel s’approche.
Vrai, dit-il, car il va pleuvoir.

Cl. Marot.

Devoir une belle chandelle

France, 1907 : Avoir des obligations à quelqu’un. Allusion à la coutume des dévotes qui font brûler des cierges dans les églises quand elles croient leurs souhaits accomplis, et aussi des marins, rentrés au port après avoir échappé à un danger.

Devoir une dette

Delvau, 1866 : v. a. Avoir promis un rendez-vous d’amour, — dans l’argot des filles, qui sont brouillées avec la grammaire comme avec la vertu, et qui redoutent moins un pléonasme qu’un agent de police.

France, 1907 : Avoir promis un rendez-vous ; argot des filles.

Dévorant

d’Hautel, 1808 : C’est un dévorant. Pour, c’est un envahisseur, un homme ardent et cupide. Se dit communément d’un ouvrier qui entreprend plus d’ouvrage qu’il n’en peut faire, et souvent au détriment de ses camarades.
Un appétit dévorant ; une soif dévorante. Métaphores, pour un grand appétit ; une altération excessive.

Larchey, 1865 : Compagnon.

Je ne suis pas un dévorant, je suis un compagnon du devoir de liberté, un gavot.

Biéville.

Delvau, 1866 : s. m. Compagnon du Tour de France, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Pour dévoirant, compagnon du devoir.

Terme du compagnonnage qui nous a légué une petite ménagerie assez intéressante ; il y avait le singe, le lapin, le renard de liberté, le loup, etc… c’est-assez logique d’avoir le dévorant.

(Le Sublime.)

France, 1907 : Compagnon du devoir ; corruption de dévoirant. C’est le nom que se donnaient les ouvriers faisant le tour de France.

Dévorer

d’Hautel, 1808 : Manger avec avidité, en glouton ; travailler avec trop d’empressement.
Dévorer un livre. Le lire promptement, et sans désemparer ; se laisser entrainer au charme qu’il inspire.
Il ne mange pas ; mais il dévore. Se dit d’un homme qui mange avidement.

Dévotion

d’Hautel, 1808 : Ceci est à votre dévotion. Pour, à votre volonté, à votre commandement, à votre disposition.
Il n’est dévotion que de jeunes prêtres. Phrase proverbiale qui signifie qu’on n’est jamais plus ardent dans une entreprise quelconque, que lorsqu’on la commence.

Dévouser

France, 1907 : Tutoyer, cesser de dire vous.

Dévoyé

Rigaud, 1881 : Acquitté ; renvoyé des fins de la plainte, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Acquitté en justice, c’est dire relâché. Jeu de mots : relâchement, dévoiement.

Di primo cartello

France, 1907 : De premier ordre de première force ; italianisme.

Miss Bouchon n’est pas seulement une fort jolie femme, c’est encore un poète di primo cartello, si j’en juge par ces vers qu’elle a adressés ces jours-ci au prince de G…, et que voici :
Je serai, si tu veux, ton esclave fidèle,
Pourvu que ton regard brille à mes yeux ravis !
Reste, ô jeune étranger, reste, je serai belle !
Mais tu n’aimes qu’un jour, comme notre hirondelle !
Moi, je t’aime comme je vis !

(Gil Blas)

Dia

d’Hautel, 1808 : Mot dont les charretiers se servent pour faire aller leurs chevaux à gauche.
Il n’y a pas moyen de parler à cet homme, il n’entend ni à dia ni à hu-hau. Et plus communément, il n’entend ni dia ni hahu. Pour dire, qu’il est impossible de lui faire entendre raison.

Diable

d’Hautel, 1808 : Que le diable te ramasse ! Se dit en plaisantant à quelqu’un qui se baisse pour ramasser ce qu’il a laissé tomber.
Quand un homme bat sa femme, le diable s’en rit. Manière plaisante d’excuser les brutalités que certains hommes exercent sur leurs femmes.
On dit vulgairement, lorsqu’il pleut pendant que le soleil luit sur l’horizon, que c’est le diable qui bat sa femme.
Il a le diable au corps.
Se dit d’un homme qui fait des choses extravagantes et nuisibles à ses propres intérêts.
Que le diable m’emporte, si je lui cède ! Espèce de jurement pour affirmer qu’on est résolu de tenir tête à quelqu’un.
Le diable ne sera pas toujours à ma porte. Pour dire que l’on espère n’être pas éternellement malheureux.
Tirer le diable par la queue. Vivre péniblement, et avec une grande économie.
Il n’est pas si diable qu’il est noir. Pour, il, est meilleur qu’il ne le paroit.
On dit de quelqu’un qui n’a aucune succession à attendre, et auquel on ne fait jamais de don, que si le diable mouroit, il n’hériteroit pas même de ses cornes.
Diable ! comme il y’va !
Interjection qui marque la surprise et le mécontentement.
Je crois que le diable s’en mêle. Se dit d’une affaire dans laquelle on éprouve continuellement de nouveaux obstacles.
Se donner à tous les diables. S’impatienter, se dépiter, se dégoûter de quelque chose.
Cela s’en est allé à tous les diables. C’est-à dire, s’est dispersé, sans qu’on sache ce que c’est devenu.
Faire le diable à quatre. Faire du bruit, du tintamare ; mettre tout en désordre ; se déchaîner contre quelqu’un ; lui faire tout le mal possible.
En diable. Il a de l’argent en diable ; des dettes en diable. Pour dire, extraordinairement.
Que le diable t’emporte ! Imprécation que l’on fait contre quelqu’un, dans un mouvement d’humeur.
Qu’il s’en aille au diable ! Qu’il aille où il voudra, pourvu qu’il ne m’importune plus.
C’est un bon diable. Pour, un bon enfant, un bon vivant.
On dit aussi ironiquement, un pauvre diable, pour un misérable ; un homme de néant.
Un méchant diable ; un diable incarné ; un diable d’homme. Pour dire, un homme à craindre, et dont il faut se méfier.
Quand il dort, le diable le berce. Se dit d’un chicaneur, d’un méchant qui se plaît perpétuellement à troubler le repos des autres.
C’est un grand diable. Pour, c’est un homme d’une grande stature ; mal fait, mal bâti.
Un valet du diable. Celui qui fait plus qu’on ne lui commande.
Crever l’œil au diable. Faire le bien pour le mal ; se tirer d’affaire malgré l’envie.
Il est vaillant en diable ; il est savant en diable. Pour, il est très-courageux, très-savant.
Le diable n’y entend rien ; y perd son latin. Pour exprimer qu’une affaire est fort embrouillée ; que l’on ne peut s’y reconnoître.
Le diable étoit beau, quand il étoit jeune. Signifie que les agrémens de la jeunesse donnent des charmes à la laideur même.
Il vaut mieux tuer le diable que le diable ne vous tue. Pour, il vaut mieux tuer son ennemi que de s’en laisser tuer.
Le diable n’est pas toujours à la porte d’un pauvre homme. Pour dire que la mauvaise fortune a ses instans de relâche.
C’est là le diable ! Pour, voilà le point embarrassant ; le difficile de l’affaire.
Un ouvrage fait à la diable. C’est-à-dire à la hâte ; grossièrement ; sans goût ; sans intelligence.

Delvau, 1866 : s. m. L’attelabe, — dans l’argot des enfants, qui ont été frappés de la couleur noire de cet insecte et de ses deux mandibules cornées.

Delvau, 1866 : s. m. Agent provocateur, — dans l’argot des voleurs, qui sont tentes devant lui du péché de colère.

Rigaud, 1881 : Agent provocateur. (Moreau-Christophe.)

La Rue, 1894 : Agent provocateur. Coffre-fort.

Virmaître, 1894 : Agent provocateur. Malgré que ce mot fasse partie du vocabulaire des voleurs, il n’est pas d’usage que les agents de la sûreté provoquent les voleurs à commettre un vol ; ils n’ont pas besoin d’être stimulés pour cela. En politique c’est un fait constant, car, sous l’Empire, jamais il n’y a eu un complot sans que, parmi les pseudo-conspirateurs, il n’y se soient trouvés plusieurs agents de la préfecture de police. Il y en eut même un du service du fameux Lagrange dans l’affaire des bombes d’Orsini. Dans le peuple on dit simplement mouchard (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Agent qui provoque le vol ou l’assassinat.

France, 1907 : Coffre-fort.

France, 1907 : Agent provocateur.

Diable (à la)

Delvau, 1866 : adv. Avec précipitation, sans soin, sans précaution, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Se dit d’une chose faite précipitamment et sans soin.

Diable (crever l’œil au)

France, 1907 : Réussir en dépit des envieux.

Diable à quatre (faire le)

France, 1907 : Faire grand bruit, grand tapage.

Suivant l’abbé Tuet (Matinées Sénonaises), l’origine de ce proverbe vient des anciennes pièces de théâtre, appelés mystères, dans lesquelles les suppôts de l’enfer étaient représentés par quatre personnages, habillés en diables, qui faisaient un grand vacarme, poussaient des hurlements et cherchaient à donner aux spectateurs l’idée des tourments à venir.

(Le Roux de Rincy)

Diable au corps (avoir le)

France, 1907 : Être comme un enragé.

Il tua tout ce qui lui tomba sous la main. Sa dextérité dans l’égorgement, son brio dans le massacre furent merveilleux et demeurent proverbiaux. Depuis, pas un général ne les dépassa et même ne les atteignit. Écoutez n’importe quel officier parler de M. de Galliffet. Avec enthousiasme il vous dira que nul ne sut, comme lui, communiquer à ses troupes ce que les honnêtes gens appellent le diable au corps. En cette bienheureuse époque de la guerre civile où Paris se transforma en un véritable et horrible charnier, l’armée de Galliffet, grâce à son chef, poussa l’héroïsme et la pratique des vertus militaires jusqu’à se faire le bourreau de toute une ville. Dans certains quartiers, on montre encore des places commémoratives, qui restèrent longtemps poisseuses de tout le sang qui y fut versé. « Deux mois après, malgré les lavages, rapporte un historien, cela collait encore aux pieds. »

(Octave Mirbeau, Le Journal)

Diable au vert (aller au)

France, 1907 : Aller très loin. C’est au diable au vert, c’est une course fort longue à faire. Diable au vert est une corruption de diable de Vauvert, lequel diable, dit la légende, s’était emparé du château de Vauvert, sous le règne du roi Robert, et y faisait grand tapage. Ce château, alors isolé et relativement éloigné de Paris, puisqu’il se trouvant sur l’emplacement actuel de la rue d’Enfer, inspirait une grande terreur, et l’on disait, en parlant d’une course ennuyeuse et longue : « C’est au diable de Vauvert », d’où, par abréviation, diable au vert, ou, plus simplement, au diable.
Voir, d’ailleurs, ce qu’en écrivait Le Roux de Rincy dans son Livre des Proverbes français :

Vauvert était une habitation fort déserte, située non loin de Paris, vers l’endroit où se trouve l’entrée du Luxembourg, du côté de l’Observatoire. Des diables qui y séjournaient y faisaient, dit-on, un bruit épouvantable, jusqu’au moment où Saint Louis, en 1258, sollicité par le grand prieur des chartreux de Grenoble, donna cette maison de Vauvert à la communauté, qui y établit une maison et en chassa bientôt le démon.

Cette donation explique le sabbat de Vauvert : les moines, convoitant depuis longtemps cette magnifique propriété, s’étaient arrangés de façon à la rendre inhabitable, et propageaient la légende qu’elle était hantée du diable.

Diable au vert (au)

Delvau, 1866 : Très loin, — dans le même argot [du peuple]. Un grand nombre de savantes personnes veulent que cette expression populaire vienne du château de Vauvert, sur l’emplacement duquel fut jadis bâti le couvent des Chartreux, lui-même depuis longtemps remplacé par le bal de la Grande Chartreuse ou Bal Bullier : je le veux bien, n’ayant pas assez d’autorité pour vouloir le contraire, pour prétendre surtout être seul de mon avis contre tant de inonde. Cependant je dois dire d’abord que je ne comprends guère comment les Parisiens du XIVe siècle pouvaient trouver si grande la distance qu’il y avait alors comme aujourd’hui entre la Seine et le carrefour de l’Observatoire ; ensuite, j’ai entendu souvent, en province, des gens qui n’étaient jamais venus à Paris, employer cette expression, que l’on dit exclusivement parisienne.

Diable bat sa femme et marie sa fille (le)

Delvau, 1866 : Il pleut et fait soleil tout à la fois, — même argot [du peuple].

France, 1907 : Il pleut et fait du soleil.

Diable en prendra les armes (le)

France, 1907 : Expression de l’argot populaire, signifiant qu’une chose est si étonnante ou si effrayante qu’elle surprendrait le diable même.

Diable en prendrait les armes ! (le)

Delvau, 1866 : Expression de l’argot du peuple, qui l’emploie pour renforcer une menace, pour donner plus de poids à un ultimatum. Se dit aussi à propos d’un grand vacarme « où l’on n’entendrait pas Dieu tonner ». Quand on n’entend pas Dieu tonner, c’est qu’en effet le « diable en a pris les armes ».

Diable en prendrait les armes (que le)

Rigaud, 1881 : Exorbitant. Dire, faire une chose étonnante, tenir un propos tellement extravagant, donner de telles preuves de courage… en paroles, que le diable, effrayé, en prendrait les armes, s’il les entendait.

Diable est sur ses vaches (le)

France, 1907 : Dicton en usage dans les campagnes pour désigner un homme à qui rien ne réussit. On dit aussi : Le diable est sur ses poules et le diable est aux vaches, quand tout est trouble et confusion dans la maison.

Diablement

d’Hautel, 1808 : Terme d’exagération qui signifie excessivement ; dans le plus haut degré.
Cet ouvrage est diablement dur. Pour, est excessivement pénible.

Diablerie

d’Hautel, 1808 : Mauvais tour ; intrigue ; méchanceté noire.
Il y a quelque diablerie là dessous. Pour, il y a quelque manège, quelqu’intrigue dans cette affaire.

Diablesse

d’Hautel, 1808 : Au fond, c’est une bonne diablesse. Pour dire qu’une femme, quoique vive et emportée, ne laisse pas cependant que d’avoir un bon cœur, et quelques qualités précieuses.
C’est une méchante diablesse. Pour dire une femme processive, méchante au dernier degré.

Diablezot !

d’Hautel, 1808 : Sorte d’exclamation, du langage familier.
Vous pensez qu’on doive vous croire, diablezot ! C’est-à-dire je ne suis point assez sot pour cela. ACAD.

Diablotin

d’Hautel, 1808 : Petit enfant espiègle, vif et lutin, dont on ne peut venir à bout

Diamant

Delvau, 1866 : s. m. Voix de la plus belle eau, — dans l’argot des coulisses.

Rigaud, 1881 : Pavé. (L. Larchey)

Rigaud, 1881 : Clou de soulier, — dans le jargon des troupiers. Prends garde d’user les diamants de tes godillots, prends garde de trop marcher.

France, 1907 : Pavé.

France, 1907 : Belle voix.

Diamants

Halbert, 1849 : Pavés.

Diantre

d’Hautel, 1808 : Diantre ! comme vous y allez. Exclamation familière qui marque-la surprise, et qui dit autant que diable.
Au diantre ! Pour, allez vous promener ; laissez moi en repos.

Dictionnaire Verdier

Delvau, 1866 : s. m. Lexique fantastique, — dans l’argot des typographes, qui y font allusion chaque fois qu’un de leurs compagnons parle mal ou orthographie défectueusement.

France, 1907 : « Lexique fantastique dans l’argot des typographes, qui y font allusion chaque fois qu’un de leurs compagnons parle mal ou orthographie défectueusement. »

(Alfred Delvau)

Dieu

d’Hautel, 1808 : Tous les jours que Dieu fasse, on le rencontre en cet endroit. Pour, il y va tous les jours ; on l’y voit perpétuellement.
Faire quelque chose pour l’amour de Dieu. C’est-à-dire par contrainte ; de mauvaise grace ; en rechignant.
Dieu vous bénisse, Dieu vous assiste. Se dit à quelqu’un qui éternue, ou à un pauvre que l’on veut congédier.
Dieu me confonde ! Dieu me damne ! Espèces de jurement qui servent à affirmer.
Il s’en est donné Dieu sait comme. Pour, il est s’est bien diverti ; bien réjoui.
Que le bon Dieu le bénisse. Espèce d’interjection qui exprime le mécontentement que l’on éprouve de ce que quelqu’un n’a pas exécuté ce dont on l’avoit chargé.
Ce que femme veut, Dieu le veut. Manière honnête de dire que les femmes sont tellement opiniâtres, qu’il en faut passer par tout ce qu’elles veulent.
Faire un Dieu de son ventre. Aimer passionné ment la bonne chère ; mettre tous ses plaisirs à bien manger.
On dit aussi d’un homme lâdre et intéressé, qu’Il fait un dieu de son argent.

Dieu (il n’y a pas de bon)

Rigaud, 1881 : Mot à mot : il n’y a pas de bon Dieu qui puisse m’empêcher de faire ce que je veux faire.

Dieu (manger le bon)

Rigaud, 1881 : Communier. — Mangeur, mangeuse de bon Dieu, celui, celle qui s’approche souvent de la Sainte Table.

Dieu bat ses matelas

Delvau, 1866 : Se dit, — dans l’argot du peuple, — lorsqu’il tombe de la neige.

France, 1907 : Il tombe de la neige.

Dieu garde la lune des loups

France, 1907 : Vieux dicton que l’on adressait ironiquement aux bravaches et aux enfonceurs de portes ouvertes qui tempêtent, menacent, crient et s’en tiennent là. Allusion aux hurlements des loups et des chiens, qui, suivant l’expression, aboient à la lune.

Dieu terme

France, 1907 : Jour du paiement du terme.

Dieu Terme (le)

Delvau, 1866 : Les 8 janvier, 8 avril, 8 juillet et 8 octobre de chaque année, — dans l’argot des bohèmes.

Différer

d’Hautel, 1808 : Ce qui est différé n’est pas perdu. Signifie que lorsqu’on a fait une promesse à quelqu’un, le retard qu’éprouve son accomplissement ne doit pas pour cela en tenir quitte.

Difficile

d’Hautel, 1808 : Il est difficile à ferrer, à chausser. Se dit d’un homme que l’on ne manie pas comme on veut, dont on obtient difficilement ce que l’on désire.
Faire le difficile. Pour dire faire le délicat, le dégoûté, le dédaigneux ; n’être pas du goût de tout le monde.

Difficulté

Fustier, 1889 : Argot de sport. Être en difficulté, se dit d’un cheval qui a de la peine à garder son avance.

Au dernier tournant Gladius était en difficulté pour conserver son rang à côté de Bivouac qui prenait le dessus.

(Journal officiel.)

Dig

France, 1907 : Rien. N’y voir que dig, n’y voir que du feu.

… Panpan installait un jeu de petits chevaux de plomb dont il était le constructeur. Dix fois la police avait dérangé ses opérations, contrôlé son pivot. Mais le « hamaque » en était si perfectionné que les agents n’y voyaient que dig.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Dig-dig

La Rue, 1894 : Épilepsie. Batteur de dig-dig, escroc qui simule l’épilepsie pour exploiter la charité publique.

France, 1907 : Attaque d’épilepsie. Batteur de dig-dig, mendiant qui simule l’épilépsie sur la voie publique pour attirer la compassion des passants. Le moyen est des plus simples et consiste à faire des soubresauts désordonnés après s’être introduit un morceau de savon dans la bouche. Du béarnais dingue-dangue, oscillation, mouvement saccadé de droite et de gauche.

Dig, dog, savatte

d’Hautel, 1808 : Terme de jeu dont les enfans, les écoliers se servent en jouant à la faillousse.

Digelette

France, 1907 : Bague.

Digelettes

Hayard, 1907 : Bagues.

Digelettes ou dégelettes

Virmaître, 1894 : Bagues (Argot du peuple).

Digérer

d’Hautel, 1808 : C’est bien dur à digérer. Se dit d’une offense, d’une insulte, d’une injustice dont on est la victime, et que l’on ne peut oublier,
Il a un estomac d’autruche, il digéreroit du fer. Exagération usitée en parlant d’un grand mangeur, d’un goinfre, d’un glouton à qui rien ne fait mal.

Digestion

d’Hautel, 1808 : Un morceau de dure digestion. Pour dire un morceau de résistance, un ouvrage volumineux et de longue haleine ; une injure, une offense impardonnables.

Dignus est intrare

France, 1907 : « Il est digne d’entrer », latinisme tiré du Malade imaginaire de Molière, où, dans une cérémonie burlesque, huit porte-seringues, six apothicaires, vingt-deux docteurs et huit chirurgiens reçoivent Argan dans la docte compagnie en chantant après chacune de ses réponses :

  Bene, bene, bene, bene respondere,
  Dignus, dignus est intrare
  La nostro docto copore.

— L’Épatant est le nom d’un cercle de la rue Boissy-d’Anglas, qui avait, jusque dans ces derniers temps, la réputation d’être des plus fermés. Nous savons maintenant à quoi nous en tenir : si le talent — on y refusait l’entrée aux maitres du journalisme – n’était pas capable d’en ouvrir les portes, le toupet et aussi, il faut bien le reconnaître, la réputation d’être beau joueur, c’est-à-dire joueur malheureux, étaient suffisants pour faire prononcer en faveur d’un aigrefin le solennel dignus est intrare.

(Pierre Domerc, La Nation)

Digonneur, digonneuse

France, 1907 : Homme ou femme de mauvais caractère.

Digue

Rigaud, 1881 : Femme, dans l’ancien argot du Temple.

Vieux mot fort usité parmi les pitres et les queues rouges du XVIIe siècle.

(V. Hugo.)

La Rue, 1894 : Femme, prostituée.

Rossignol, 1901 : Rien. Celui qui ne possède rien n’a que l’digue.

France, 1907 : Prostituée, femme quelconque.

Digue-digue

Larchey, 1865 : Attaque d’épilepsie. — De dinguer : tomber. V. Camboler.

Delvau, 1866 : s. f. Attaque d’épilepsie, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Attaque d’épilepsie, — dans le jargon des voleurs.

Diguedigue

Rossignol, 1901 : Épilepsie. Tomber de cette maladie, c’est tomber du diguedigue.

Dijonnier

Larchey, 1865 : Moutardier (Vidocq). — Dijon est la capitale de la moutarde.

Delvau, 1866 : s. m. Moutardier, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Moutardier, la meilleure moutarde étant celle de Dijon.

Diligence

d’Hautel, 1808 : C’est la diligence embourbée. Locution ironique que l’on applique à une personne nonchalante, d’une lenteur insupportable.

Diligence (la) de Lyon

Delvau, 1864 : C’est une des postures (voir ce mot) les plus curieuses et les plus rares. Nombre de grands amateurs de Vénus sont morts sans la connaître ; c’est que, pour l’exécuter, il faut trouver une femme qui réunisse deux qualités rares : l’ardeur, d’abord. Nombre de femmes feignent d’être ardentes pour plaire à l’homme qu’elles veulent séduire, mais ne sont au fond que de simples patients et non des agents, et ici il faut que la femme soit agent et que l’homme soit patient. Ensuite, il faut qu’elle ne soit pas neutralisée par une sotte pudeur, résultat de la tyrannie des hommes exercée continuellement jusqu’ici sur les femmes. Quand une femme donc est ardente et libre, elle prend un homme qui lui plaise sous tous les rapports ; elle le met nu comme un ver, l’étend sur un lit en lui mettant des coussins sous la tête et sous les reins, et toute nue elle-même, elle se met à cheval à cru sur lui, s’embrochant sur le pivot naturel, c’est-à-dire sur son vit. Alors, elle fait comme le postillon sur un des chevaux des anciennes diligences de Lyon. S’appuyant un peu sur les épaules de son amant, elle s’avance en chevauchant et le vit se relève près du ventre de l’homme. Elle recule et le vit se renfonce dans son con jusqu’à la garde. Elle s’anime ; elle va de plus fort en plus fort, comme si la diligence parcourait un chemin raboteux. Ses yeux s’égarent, ses cheveux se dénouent. Elle jouit, elle jouit, mais elle va toujours ; elle va jusqu’à ce qu’elle soit tout à fait exténuée de décharge spermatique ; car il faut remarquer que l’homme, étendu sur ses coussins, ne pouvant pas bouger, bande de plus en plus, jusqu’à la fin, mais ne décharge pas. La femme tombe alors comme morte dans les bras de son amant, lequel, tout enflammé, finit de son côté comme il peut.

Je serai bien aimable, je me mettrai toute nue, dit-elle insidieusement. — Passe ton chemin, répond le fidèle époux, ayant encore présente à la pensée l’image des charmes de sa jeune moitié. — Je te ferai le grand jeu ! — Non — Feuille de rose ! — Non. — Le tire-bouchon américain ? — Connu… tu m’ennuies. — Eh bien, tiens, tu me plais, viens, tu ne payeras pas et nous ferons la diligence de Lyon…

(Fantaisiste, I, 177.)

Diligence de Lyon (la promettre)

Virmaître, 1894 : Chose invraisemblable que promit un jour une fille à un client de hasard. Elle mourut subitement avant d’avoir réalisé sa promesse. C’était, à ce qu’il paraît, vraiment fantastique : il fallait cinquante mètres de câble, une ancre de marine en acier fondu, cinq kilos de chandelles-des-six, un tonneau de mélasse, un kilo d’essence de géranium, trente éponges, la graisse d’un guillotiné, un fémur de fille vierge, dix litres de pétrole, deux cartouches de dynamite… Le client parcourut le monde entier à la recherche de la diligence de Lyon, il mourut à son tour sans la rencontrer (Argot des filles). N.

Diligence de Rome

Delvau, 1866 : s. f. La langue, — dans l’argot du peuple, qui sait qu’on va partout quand on sait demander son chemin.

La Rue, 1894 : La langue.

France, 1907 : La langue. Allusion au dicton : « Avec une langue on peut aller à Rome. »

Dimanche

Delvau, 1866 : s. m. Endroit d’un navire ou d’une maison qu’on a oublié de nettoyer, — dans l’argot des marins.

Delvau, 1866 : adv. Jamais, — dans le même argot [du peuple]. On dit aussi Dimanche après la grand’ messe.

France, 1907 : Jamais. On dit aussi dans le même sens : Dimanche après la grand’messe.

Dimasine

Delvau, 1866 : s. f. Chemisette, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Chemisette.

France, 1907 : Chemisette ; altération de limasine.

Dinde

Delvau, 1866 : s. f. Femme sotte, maladroite, sans aucun des charmants défauts de son sexe, — dans l’argot du peuple, qui a, du reste, l’honneur de se rencontrer avec Shakespeare : Goose (oie), dit celui-ci en deux ou trois endroits de ses comédies.

Rigaud, 1881 : Femme sotte.

France, 1907 : Sotte et ignorante.

Dindon

d’Hautel, 1808 : Il est le dindon de la farce. Pour dire il est seul dupe dans cette affaire ; c’est lui qui en supporte tous les frais ; qui sert de risée et de bardot à la compagnie.
On dit aussi par raillerie d’un idiot qui garde le silence par stupidité, qu’Il est comme le dindon, qu’il ne dit rien et n’en pense pas plus.
Bête comme un dindon.
Pour, rien de plus sot, de plus inepte.
Un grand dindon. Un grand imbécile homme simple, gauche, niais et borné.
On appelle vulgairement ce volatile un danseur ; un jésuite. Voyez Jésuite.

Larchey, 1865 : Niais, dupe. — V. Gogo.

J’ne veux pas être le dindon de vos attrapes.

Vadé, 1788.

Mari dindon : Mari trompé.

Il est le dindon de la farce ; il est seul dupe dans cette affaire.

d’Hautel, 1808.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, dupe. Être le dindon de la farce. Être la victime choisie, payer pour les autres.

France, 1907 : Imbécile, dupe, niais. Être ou rester le dindon de la farce, être victime dans une affaire, payer les pots cassés par les autres.

Ça étant, dites-moi, du oui ou du non, si vous voulez rompre la paille avec moi, parce que je ne veux pas être le dindon de vos attrapes.

(Vadé)

D’où vient ce dicton ? C’est là ce qui est généralement ignoré. Eh bien ! voici un renseignement historique que nous croyons inconnu ou peu s’en faut. Dans les premières pièces de théâtre, à peu près régulières, qui vinrent après les mystères, les moralités et les soties, et que l’on appelait des farces, les rôles de dupes et de niais étaient désignés sous le nom de Pères Dindons, par allusion sans doute à cet oiseau de basse-cour, dont on a fait le symbole de la sottise. C’est de là qu’est venue celle expression proverbiale : Être le dindon de la farce.

(Jules Prével, Figaro)

Le féminin est dindonne.

Les femmes pâles des artistes,
Les dindonnes des gras bourgeois,
Les modèles et les modistes,
Les compagnes à tant par mois.

(Jacques Redelsperger, Nos Ingénues au salon)

Dindonner

Larchey, 1865 : Duper.

Je n’ai jamais été chiche avec les femmes, mais je n’aime pas à être dindonné.

E. Sue.

Delvau, 1866 : v. a. Tromper, duper.

Rigaud, 1881 : Duper.

Je lui ai démontré qu’il était dindonné, ce que nous appelons refait au môme.

(Balzac.)

La Rue, 1894 : Duper.

France, 1907 : Duper, tromper.

Tant que le nez démangera,
Toujours on se le grattera ;
Tant que les femmes aimeront,
Les hommes les dindonneront.

Dindonnière

d’Hautel, 1808 : Fille qui garde les dindons. On donne aussi ce nom par mépris à une demoiselle de campagne qui veut s’élever au-dessus de sa condition.

Dindornier

Delvau, 1866 : s. m. Infirmier, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Infirmier. Dindornier de castu, prisonnier employé à l’infirmerie.

Dindornier de castu

Virmaître, 1894 : Infirmier. Prisonnier employé comme auxiliaire pour remplir ces fonctions dans les infirmeries des prisons (Argot des voleurs). N.

Dîner

d’Hautel, 1808 : Dîner par cœur. Se passer de dîner, arriver quand la table est desservie.
On dit pour exprimer le déplaisir que l’on sent en voyant une personne ennuyeuse, incommode et importune, j’ai dîné quand je vois cet homme.
On dit aussi d’un homme qui dîne à table d’hôte et qui ne se rend pas à l’heure : Son assiette dîne pour lui, ce qui signifie qu’il n’en paiera pas moins son écot.
S’il est riche qu’il dîne deux fois. Dicton des gens pauvres à l’égard des riches.

Dîner en ville

Delvau, 1866 : v. n. Manger un peut pain en marchant à travers les rues ; — dans l’argot parfois navrant des bohèmes.

France, 1907 : Manger un petit pain en allant à ses affaires.

Dîner par cœur

Delvau, 1866 : v. n. Ne pas dîner du tout, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Jeûner.

Dinguer

Larchey, 1865 : Tomber. — Envoyer dinguer : Jeter à terre.

Delvau, 1866 : v. n. N’être pas d’aplomb, — dans l’argot des coulisses, — où l’on emploie ce verbe à propos des décors et des machinistes.

Delvau, 1866 : v. n. Flâner, se promener, — dans l’argot des faubouriens. Envoyer quelqu’un dinguer. Le congédier brusquement, s’en débarrasser en le mettant à la porte.

Rigaud, 1881 : Lancer, frapper, laisser tomber, onomatopée du bruit d’un objet qui tombe à terre. — Envoyer dinguer, envoyer promener. — En terme de théâtre un objet qui dingue est un objet mal équilibré, qui menace de tomber.

Virmaître, 1894 : Envoyer dinguer quelqu’un, c’est l’envoyer promener. Quand deux hommes se battent et que l’un tombe sur le pavé, sa tête dingue. Synonyme de sonner (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Jeter, renvoyer. Une chose qui ne plait pas ou plus, on l’envoie dinguer. Un patron envoie dinguer un ouvrier qui ne fait pas son affaire.

France, 1907 : Chanceler, flâner ; du provençal dingue-dangue, oscillation. « Qu’en ba dingue-dangue », il marche en se dandinant.

Dinguer (envoyer)

Hayard, 1907 : Envoyer promener.

France, 1907 : Renvoyer quelqu’un, l’éconduire brutalement, le jeter par terre. « Je l’ai envoyé dinguer contre la muraille. »

— Un tas de sale monde qui se revengeait de n’avoir pas su lui lever les cottes. C’est pas faute d’avoir essayé, au moins, ah ! ben non :! Mais elle les avait envoyés dinguer tous, tous. Il n’y avait pas un homme du culot qui pouvait tant seulement se vanter qu’il avait vu la couleur de sa jarretière.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Un docteur très distingué est appelé par Baudelot, sérieusement indisposé.
— Je crois, docteur, que j’ai la maladie à la mode.
— Parbleu ! la dengue ; c’est ridicule, tous mes malades ont la dengue, maintenant.
— Et… le remède… à la dengue ?
Le docteur, impatienté :
— L’envoyer dinguer… voilà tout !

(Rouge et Noir)

Dire

d’Hautel, 1808 : Il n’y a pas à dire mon bel ami, il faut que cela aille. Se dit pour contraindre quelqu’un à faire une chose pour laquelle il montre une grande aversion.
Ce n’est pas pour dire ; ce n’est pas l’embarras. Locutions vicieuses qui équivalent à ce n’est pas qu’on y trouve à redire ; ce n’est pas qu’on soit jaloux, envieux, etc.
Se moquer du qu’en dira-t-on. Se mettre peu en peine de tout ce qu’on peut dire ; violer les bienséances ; lever entièrement le masque.
Mon petit doigt me l’a dit. Se dit par plaisanterie, en parlant aux enfans, pour leur faire entendre qu’on est instruit de leurs espiègleries.
Il ne dit rien, mais il n’en pense pas moins. Se dit d’un homme dont l’air, au défaut de la voix, manifeste le mécontentement.
Quand les mots sont dits, l’eau bénite est faite. Pour dire qu’un marché est conclu, et qu’il n’y a plus à revenir contre.
Cela soit dit en passant. C’est-à-dire à la dérobée, une fois pour toutes.
Qu’en voulez-vous dire ? Que proposez-vous ? Qu’avez-vous à objecter ?
Il en dit pis que pendre. Pour, il ne cesse de médire sur cet homme.
En dire de rudes. Conter des fagots, des bourdes, des choses invraisemblables.
Si le cœur vous en dit. Invitation familière que l’on fait à quelqu’un, et qui équivaut à ne vous gênez nullement sur cette chose, si elle peut vous faire plaisir.
C’est donc pour vous dire. Équivaut à, pour en revenir à ce que je voulois dire, à ce que je disois, etc. Le facétieux Brunet a osé le premier introduire cette locution vicieuse sur un théâtre, il est vrai, où toutes les licences de langage semblent être permises.

Delvau, 1866 : v. n. Plaire, agréer, convenir, — dans l’argot du peuple. Cela ne me dit pas. Je n’ai pas d’appétit, de goût pour cela.

France, 1907 : Plaire, convenir. Cela ne me dit pas, je n’en ai nulle envie.

Dire la sienne

Delvau, 1866 : v. a. Raconter son histoire ou chanter sa romance après que les autres ont chanté ou raconté. Même argot [du peuple].

France, 1907 : Chanter à son tour une chanson ou raconter une histoire.

Dire quelque chose

Rigaud, 1881 : Éveiller la sensualité, — dans le jargon des libertins. — Ne rien dire, laisser froid, indifférent. Cette femme ne me dit rien.

Dire ses oraisons

France, 1907 : Faire l’acte vénérien.

Diridornier

Rigaud, 1881 : Infirmier.

Dis que ça (je ne)

France, 1907 : Inutile ou impossible d’en dire d’avantage ; terme d’étonnement ou d’admiration.

Discret

d’Hautel, 1808 : Il est discret comme un boulet de canon. Se dit d’un homme imprudent, babillard et léger, qui va divulguer à chacun les secrets qu’on lui a confiés.

Discrète

France, 1907 : Bourse en toile que les maraîchères et les marchandes ambulantes attachent à leur ceinture.

Discrétion

Fustier, 1889 : Pari.

Des paris gagnés ou perdus qui, le plus souvent, prennent la forme compromettante et le titre étrange de discrétion.

(Indépendance belge, 1868.)

Discussion avec les pavés (avoir une)

Delvau, 1866 : Tomber sur les pavés et s’y égratigner le visage, soit en état d’ivresse, soit par accident, — dans l’argot des ouvriers, qui ont de ces discussions-là presque tous les lundis, en revenant de la barrière.

France, 1907 : Terme ironique employé en parlant des ivrognes qui se sont meurtris en tombant.

Discutailler

France, 1907 : Discuter mollement.

C’en était un, en effet, mais un bon : un type qui n’a qu’un tort, c’est d’en trop pincer pour Guesde, Vaillant, et toute la légumerie. Que voulez-vous, on n’est pas parfait ! Quoique ça, on peut causer avec lui, d’autant plus facilement qu’il n’a pas pour deux liards d’ambition. Illico, il s’affale sur une chaise et on continue à discutailler.

(Père Peinard)

Diseur de carabistouilles

France, 1907 : Flatteur.

Alors Ginginet, éveillé par son flair de rouleur, se risqua à des propos plus hardis, lui fit des compliments de mauvais goût sur ses yeux, — il n’y en avait pas de pareils dans tout le village. Et, à travers une œillade, elle lui jeta son mot de peuple : diseu de carabistouilles, comme une avance.

(Camille Lemonnier)

Disloquer

d’Hautel, 1808 : Cette affaire lui a disloqué la cervelle. Pour, lui a dérangé le cerveau ; a égaré sa raison.

Disparoître

d’Hautel, 1808 : Il n’a fait que paroître et disparoître. Pour, il est entré et sorti avec la même précipitation.

Dispensaire

Delvau, 1864 : Endroit spécial, à la préfecture de police, où sont obligées de se rendre une fois par semaine les filles en carte, afin d’y subir de la part des médecins qui s’y trouvent, une visite minutieuse de santé.

Disposer

d’Hautel, 1808 : L’homme propose et Dieu dispose. Signifie que les desseins, les projets ne s’accomplissent pas toujours suivant le désir de celui qui les forme.
On dit d’une personne qui gouverne à son gré le bien d’autrui, qu’elle en dispose comme des choux de son jardin.

Disputer

d’Hautel, 1808 : Disputer sur la pointe d’une aiguille. C’est-à-dire sur les choses les plus légères ; sur des bibus, des riens ; être fort près regardant sur ses propres intérêts.

Disputeur

d’Hautel, 1808 : Qui aime à contredire ; qui aime disputer, contrarier.

Disqualifié

Fustier, 1889 : Argot de turf. Cheval disqualifié, cheval mis hors concours par suite d’une infraction au règlement commise par son propriétaire ou par son jockey. (Littré.)

Disque

France, 1907 : Pièce de monnaie ou postérieur. Allusion à la forme ronde.

— Nom de Dieu ! eh ! Polyte… reluque donc ce pétard ? Quel beau disque !

(Henry Monnier)

Distingué

Fustier, 1889 : Verre de bière.

France, 1907 : Grand verre à bière, double bock ; argot des brasseries.

Distinguo

France, 1907 : Distinction puérile ou de peu d’importance ; latinisme.

Cette semaine, douze hommes se sont assemblés pour en juger un treizième. De celui-ci, je ne veux rien dire, n’ayant pas la liberté de le faire ainsi qu’il conviendrait, en une philosophie bien claire et bien haute, soit envers certains qui me dégoûtent et m’enragent, parce que ceux-là sont les plus forts, qu’incapables de comprendre, ils m’arracheraient la langue et me scieraient le poignet : — soit envers leurs adversaires, parce qu’on ne choisit pas l’heure où des gens sont traqués, menacés, proscrits, pour établir des distinguo, et hurler, si peu que ce soit, avec tous les chacals d’alentour.

(Séverine)

Distraction

d’Hautel, 1808 : Il est sujet aux distractions. Pour dire, à mots couverts, qu’un homme est sujet au vol et à la rapine ; qu’il s’empare souvent du bien d’autrui.

Distribuer

Boutmy, 1883 : v. intr. Mettre chaque lettre dans le cassetin qui lui est propre Distribuer à la Belge. Distribuer cran dessus.

District

Virmaître, 1894 : Maison de tolérance. Ces maisons sont parquées dans des quartiers spéciaux. C’est un restant des vieilles coutumes du moyen-âge, où les ribaudes étaient parquées dans les clapiers de la Cité. Mot à mot : maison dans un district (Argot des souteneurs). V. Bocard.

Divertir (se)

Delvau, 1864 : Baiser ferme et dru, ce qui est encore le moins trompeur de tous les plaisirs humains.

Il s’en allait, contre son gré, voir quelque fille pour se divertir, et, étant là, s’efforçait si fort sur elle qu’il en était allégé.

Mililot.

Et cherche un ami jeune et beau,
Par qui tu sois mieux divertie.

Maynard.

Au lit, le divertissement
Qui se donne entre deux courtines,
Tient un peu trop du sacrement.

Chapelle.

Divette

France, 1907 : Petite étoile de café-concert.

Pendant que de très longues femmes,
Divettes de café-concert,
Nous font voir leurs portraits-réclames…
Ce n’est pas beau, mais cela sert.

(Jacques Redelsperger, Nos Ingénues au salon)

Rien que des femmes. Des divettes
En train de faire leur chemin,
Pas mal de futures Yvettes,
Quelques Théresas de demain,
Des Anglaises, des Espagnoles
Se tortilleront devant vous,
Et des Turques des Batignolles
Vous rendront plus ou moins fous.

Dix-huit

d’Hautel, 1808 : Se mettre sur son dix-huit. Expression burlesque et vulgaire qui signifie, s’endimancher ; se parer de ses plus beaux habits ; se pomponner ; s’éléganter.

Larchey, 1865 : « Le fabricant de dix-huit s’appelle le riboui… Le dix-huit n’est pas un soulier remonté ou ressemelé, c’est plutôt un soulier redevenu neuf : de là lui vient son nom grotesque de Dix-huit ou deux fois neuf. Le dix-huit se fait avec les vieilles empeignes et les vieilles tiges de bottes qu’on remet sur de vieilles semelles retournées, assorties, et qui, au moyen de beaucoup de gros clous, finissent par figurer une chaussure. »

Privat d’Anglemont.

Delvau, 1866 : s. m. Soulier ressemelé, c’est-à-dire deux fois neuf (9), — dans l’argot calembourique du peuple.

Rigaud, 1881 : Soulier remis à neuf avec de vieux cuirs provenant de vieux souliers. Jeu de mot sur deux fois neuf — Dans l’argot des tailleurs un dix-huit est un vêtement retourné. — Dans le supplément à son dictionnaire français, M. Littré donne à « se mettre sur son dix-huit » le sens de « mettre ses plus beaux habits. » Je n’ai jamais entendu à Paris cette expression. M. Littré n’aurait-il pas confondu avec « se mettre sur son trente-et-un ? »

La Rue, 1894 : Souliers ressemelles (deux fois neufs).

Virmaître, 1894 : Ce mot est né d’un calembourg. Un soulier ressemelé est deux fois neuf. 2 fois 9 18 (Argot du peuple).

France, 1907 : Vieux souliers remis à neuf. Jeu de mots sur deux fois neuf.

Dixième (passer au)

Larchey, 1865 : Devenir fou. — Terme usité parmi les officiers d’artillerie. Frappés du nombre des camarades que leur enlevaient des attaques subites d’aliénation mentale, ils disent : Il est passé au dixième (régiment), pour montrer combien ils sont décimés par des pertes sur lesquelles l’étude des sciences exactes n’est pas, dit-on, sans influence.

Dixième marquet

France, 1907 : Le mois d’octobre.

Doche

Rossignol, 1901 : Mère. Ma doche, ma mère.

Hayard, 1907 : Mère.

France, 1907 : Mère.

Chez ell’ sa doche installa
Un lardon à la gueul’ fine
Qu’elle avait ramassé l’soir,
Crevant d’froid près d’un pissoir…

(Blédort)

Doche (boîte à)

France, 1907 : Cercueil.

Doctes pucelles (Les)

Delvau, 1866 : Les neuf Muses, — dans l’argot des Académiciens, qui devraient pourtant se rappeler le

…casta quam nemo rogavit

de Martial. Si les Muses avaient des amants plus platoniques, tout le monde y gagnerait, — et surtout la littérature française.

Docteur (le)

Delvau, 1864 : Le vit, — qui sert en même temps de remède.

Vieilles, jeunes, laides, belles,
Toutes aiment le docteur,
Et toutes lui sont fidèles…
Toutes ? non, c’est une erreur :
On dit qu’il en est entre elles,
Dans la crainte d’un malheur,
Qui se passent du docteur.

Doctrinaire

Larchey, 1865 : « On donne ce nom à une secte de gens bilieux, mais enchantés d’eux-mêmes, qui avouent que rien n’est plus raisonnable que leur propre raison. »

Ch. Blanc, 1844.

France, 1907 : Philosophe généralement doublé de sectaire protestant, qui érige en doctrine toutes les billevesées qui lui passent par la cervelle, et veut les imposer à autrui. Le froid et pompeux Guizot, ministre de Louis-Philippe, est le type du doctrinaire.

Dodiner

d’Hautel, 1808 : Se dodiner. Se dorloter ; prendre ses aises, ses commodités ; avoir grand soin de sa personne.

Dodo

d’Hautel, 1808 : Faire dodo. Mot d’enfant ; qui signifie dormir.

Larchey, 1865 : Lit. — Redoublement de la première syllabe de Dormir.

Dans le dodo jusqu’à midi, Je reste en attendant l’appétit.

La Femme comme on en voit peu, chanson, 1789.

Delvau, 1866 : s. m. Lit, — dans l’argot des enfants et des filles. Faire dodo. Dormir.

France, 1907 : Lit ; argot enfantin. Faire dodo, dormir. Faire faire dodo, faire dormir.

Parents, si vous avez un môme,
Avant de lui fair’ fair’ dodo,
Menez-le donc voir Fernando,
Ça l’amus’ra mieux qu’l’Hippodrome.

(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)

— Voilà un amour de soubrette qui doit joliment se tirer des pattes pour courir l’aventure dans les bastringues circonvoisins, quand sa maîtresse est au dodo !

(Paul Mahalin, Les Monstres de Paris)

Assise maintenant, et le corsage ouvert, un doigt pressant sa gorge débordante accolée aux lèvres avides du petit, elle le rendormit doucement, bercé en cadence avec ce dodo de son pays dont rien n’égale la grâce tendre et naïve :
Dors, mon p’tiot quinquin,
Mon p’tiot pouci,
Mon gros rogi,
Tu m’f’ras ben chagrin
Si tu n’dors jusqu’à d’main !

(Georges Herbet, Voleur d’amour)

Dodu

d’Hautel, 1808 : Gras et dodu comme une latte. Locution ironique, pour dire qu’une personne est maigre et décharnée.

Dog-cart

Delvau, 1866 : s. m. Sorte de voiture de maître, d’invention anglaise, et maintenant à la mode française. Argot des gandins et des carrossiers.

France, 1907 : Voiture de chasse ; anglicisme.

Au bout de cinq minut’s un quart,
Six fiacr’s, trois coupés, un dog-cart,
Roulant…
Complétaient l’cortège imposant
De notre agent verbalisant.

(Aristide Bruant)

Dogue

d’Hautel, 1808 : Gros chien.
C’est un vrai dogue. Signifie au figuré, un homme grossier, brutal et ignorant. Voyez Bouledogue.

Doigt

d’Hautel, 1808 : Il y a mis les quatre doigts et le pouce. Signifie, il s’est donné beaucoup de peine pour faire réussir une affaire ; il s’y est employé avec ardeur.
Il a de l’esprit jusqu’au bout des doigts. Pour dire qu’une personne est très-spirituelle.
Ne faire œuvre de ses dix doigts. Se croiser les bras ; ne rien faire de la journée ; être excessivement paresseux.
Mon petit doigt me l’a dit. Voyez. Dire.
Ce sont les deux doigts de la main. Se dit de deux personnes liées d’une étroite amitié, et qui sont inséparables.
Il s’en est léché les doigts. Pour, il a mangé de ce mets avec plaisir ; il en désiroit encore.
Entre l’arbre et l’écorce il ne faut pas mettre le doigt. Pour, il ne faut pas s’initier dans les secrets de ménage.
Il sait cela sur le bout de son doigt. C’est-à dire, il sait cela par cœur.
Je n’en mettrois pas mon doigt au feu. Pour je n’en jurerois pas ; je n’en suis pas bien certain.
Il a mis le doigt dessus. Pour, il a deviné juste.
Avoir l’esprit au bout des doigts. Faire tout ce que l’on veut de ses mains ; être fort industrieux.
Un doigt de vin. Pour dire très-peu de vin.
Il s’en mord les doigts. Se dit de quelqu’un qui regrette de n’avoir pas fait une chose qui lui avoit d’abord été proposée.
Donner sur les doigts. Réprimander, corriger quelqu’un.
Être servi au doigt et à l’œil. Pour dire, à souhait ; au premier commandement.
Être à deux doigts de sa perte. Pour, être dangereusement malade ; sur le point d’être ruiné ; dans un péril éminent.
Les cinq doigts de la main ne se ressemblent pas. Pour dire que rien n’est semblable dans la nature.
Faire aller une montre au doigt et à l’œil. Se dit d’une mauvaise montre qu’on est obligé de toucher souvent pour la remettre à l’heure.
Il n’en a donné qu’à lèche doigt. C’est-à dire, avec parcimonie ; à regret.

Delvau, 1864 : Le membre viril, que nous insinuons si volontiers dans le dé de la femme.

Et moy d’un seul petit coup
J’ay gagné la chaude-pisse,
Et du doigt de quoy je pisse
On m’en a coupé le bout.

(Chansons folâtres.)

Il cherche le temps et le lieu
Pour mettre le doigt du milieu
Dans la bague de ta nature.

Théophile.

Sans y réfléchir j’enfonçai
Ce pauvre doigt jusqu’à la gard

E. Debraux

Ma seringue, sans nul obstacle,
Peut seule opérer un miracle :
Pour guérir radicalement.
Prenez un doigt de lavement.

J. Cabassol.

Ce passe-temps partout d’usage
Favorise plus d’un amant :
La fillette innocente et sage,
Par là s’engage très souvent.
L’amour qui toujours nous partage
A soin que tout soit débrouillé,
Il dissipe plus d’un nuage
En conduisant le doigt mouillé.

(La Goguette du bon vieux temps.)

Doigt dans l’œil (se fourrer le)

Larchey, 1865 : S’abuser, ne pas bien voir les choses. Le nom de la cause est donné à l’effet.

Il s’est un peu fourré le doigt dans l’œil, le brave garçon.

De Goncourt.

Se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’au coude : Se faire de grandes illusions.

Rigaud, 1881 : Se tromper. — Se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’au coude, se tromper grossièrement, s’abuser au dernier point. — Faire partie de la société du doigt dans l’œil, s’illusionner sur son propre compte.

Virmaître, 1894 : Prendre ses désirs pour la réalité, croire que c’est arrivé. S’imaginer être aimé pour soi-même. Se figurer avoir du talent (Argot du peuple).

France, 1907 : S’abuser. Voir les choses d’une façon autre qu’elles ne sont réellement. Société du doigt dans l’œil, réunion de sectaires qui croient au triomphe prochain de leurs idées.

— Faire fortune ? Mais rien de plus facile. On divise son actif en doit et avoir. L’avoir, on le met dans sa poche.
— Et le doit ?
— Le doigt ? On le fourre dans l’œil de ses actionnaires.

(Courrier de Londres)

Se fourrer le doigt dans l’œil, jusqu’au coude, se faire de ridicules illusions ; s’abuser complètement.

Doigt dans l’œil (se mettre le)

Rossignol, 1901 : Se tromper.

Je croyais vous connaître, je me suis mis le doigt dans l’œil. — Je pensais que vous auriez fait mon affaire, je me suis mis le doigt dans l’œil.

Doigt de cour

Delvau, 1864 : Le médium de la main droite, qui sert à branler les femmes.

Savez-vous pourquoi nos belles
Sont si froides en amour ?
Ces dames se font entre elles,
Par un ingénieux retour,
Ce qu’on nomme un doigt de cour.

De Champcenetz.

Doigt de macchabée

France, 1907 : Salsifis.

Doigts de mort

Rigaud, 1881 : Salsifis, — dans le jargon du peuple. Allusion à la ressemblance entre des doigts de mort et des salsifis épluchés.

Domange (marmite à)

France, 1907 : Voiture de vidanges, du nom du grand fabricant de poudrette. Marmiton de Domange, vidangeur. Travailler pour monsieur Domange, manger.

— Tu m’es tombé sous la main au moment où je cherchais un homme, où j’avais besoin d’un homme… non pas un miché, entends-tu bien… un gigolo, des michés et des gigolos, je puis en remuer à la pelle et les jeter ensuite à la marmite à Domange, mais d’un meg d’attaque, sur le bras duquel une fille de ma trempe, qui n’a pas froid aux yeux, est fière de s’appuyer.

(Hector France, La Vierge Russe)

Dombeur

Virmaître, 1894 : Pince qui sert aux voleurs pour fracturer les portes (Argot des voleurs). V. Monseigneur.

Hayard, 1907 : Pince-monseigneur.

France, 1907 : Pince à fracturer les portes.

Dominer

France, 1907 : Se dit, en terme de coulisses, d’un acteur qui se tient derrière un autre plus près que lui de la rampe.

Domino

Larchey, 1865 : Dent. — Allusion de forme et de couleur. Pris en mauvaise part. — Quel jeu de dominos se dit de dents longues et jaunes. — Les jolis petites dents sont des quenottes ou des loulouttes.

Jouer des dominos signifie manger.

Balzac.

Fustier, 1889 : (V. Retaper le domino.)

Domino-culotte

Delvau, 1866 : s. m. Le domino restant dans la main du joueur.

France, 1907 : Domino qui reste dans la main du joueur.

Dominos

Clémens, 1840 : Dents.

Halbert, 1849 : Dents.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les dents, — dans l’argot du peuple, qui emploie là, sans s’en douter, une expression du slang anglais. Avoir le jeu complet. Avoir toutes ses dents. Jouer des dominos. Manger.

Rigaud, 1881 : Dents. — Jouer des dominos, manger.

La Rue, 1894 : Dents.

Rossignol, 1901 : Dents.

France, 1907 : Les dents, surtout celles des vieilles Anglaises, qui ressemblent par leur longueur à une rangée de ces morceaux d’os ou d’ivoire. À ce propos, peut-être n’est-il pas inutile de relater l’origine, non du jeu qui, comme celui des échecs, nous vient de l’Orient et était connu particulièrement des Hébreux, mais de son nom relativement moderne. Des bénédictins du mont Cassin s’étant imaginés de ressusciter ce jeu pour occuper en cachette leurs loisirs, convinrent que le gagnant préviendrait son partenaire en prononçant à demi-voix le premier verset de vêpres, afin de ne pas éveiller l’attention du prieur : Dixit Dominus Domino meo. Puis ils réduisirent le verset à Dominus Domino, et enfin Domino seul resta. Ce jeu gagna bientôt toutes les cellules, le prieur lui-même y prit part. Du couvent, il se répandit dans la ville, d’où il passa dans les villes voisines et devint populaire, sous le nom de Domino, dans toute l’Italie. Mais si non è vero, è bene trovato.
Avoir le jeu de dominos complet, avoir toutes ses dents. Jouer des dominos, manger.

Dominos (boîte aux)

France, 1907 : Cercueil, à cause de sa forme.

… Enfin, quand l’heure
Vient, quand vous comprenez que, malgré votre beurre,
Faut vous en aller dans la boîte aux dominos,
Pioncer ad æternum comme les camaros,
Se dire amèrement que les larmes versées
Autour de vous sont des larmes intéressées,
Et que vos héritiers qui sanglotent si fort
Sollicitent le ciel de hâter votre mort !

(André Gill)

L’infirmier prepare la boîte aux dominos ; le malheureux laisse échapper un cri, un cri suprême. On tire les rideaux. Les malades disent tout bas, en se signant : « C’est fini ! » Et un quart d’heure après l’homme est à l’amphithéâtre.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Dominus

d’Hautel, 1808 : Faire des dominus vobiscum. Signifie se retourner souvent pour parler à quelqu’un ; se distraire de ses occupations pour jaser.

Don d’amour

Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner l’acte vénérien.

Oui, mais aussi nous gagnons quelque chose,
Dit la jeune Ève, et son souris propose
Le don d’amour.

Parny.

Je ne fais que requérir,
Sans acquérir,
Le don d’amoureuse liesse.

Cl. Marot.

Conclusion, que Renaud sur la place
Obtint le don d’amoureuse merci.

La Fontaine.

Dondon

d’Hautel, 1808 : Une grosse dondon. Sobriquet injurieux que l’on donne à une servante d’auberge ; à une grosse réjouie ; à une femme grasse et d’un solide embonpoint.

Delvau, 1864 : Femme facile, qui se laisse prendre le cul par le premier venu, et, au besoin, se laisse baiser par lui.

Toinette, fraîche dondon,
Chantait ainsi son martyre.

Jules Poincloud.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot dédaigneux des bourgeoises.

Delvau, 1866 : s. f. Femme chargée d’embonpoint ; servante de cabaret — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Grosse femme aux forts appas.

C’est la remplaçante, une dondon au grand nez rouge, prétentieuse, endimanchée, et munie d’un vaste panier vide, qu’elle dissimule tout d’abord dans le recoin le plus obscur de l’entrée. Puis elle demande les cabinets, y passe un instant ; entre ensuite à la cuisine, retrousse la jupe de sa vieille robe de soie puce, épingle un torchon sur son large bedon afin de ne pas se salir, et demande à Julie la clef de la cave.

(Paul Alexis, Quelques originaux)

C’estoit une grosse dondon,
Grasse, vigoureuse, bien saine,
Un peu camuse à l’afriquaine,
Mais agréable au dernier point.

(Scarron, Virgile travesti)

Donjuanesque

France, 1907 : Se rapportant à la conduite du fameux séducteur don Juan.

Alexandre Dumas, qui sera toujours un grand moqueur, die aujourd’hui qu’il n’a pas reçu de lettres de « belles inconnues », ces insatiables qui veulent tourmenter tous les esprits, faute d’avoir tourmenté tous les cœurs. Dumas joue ainsi au « donjuanesque » qui ne daigne pas se souvenir de ses victoires féminines d’antan.

(Arsène Houssaye)

Donne

La Rue, 1894 : Regard. La donne souffle mal, le regard est mauvais.

France, 1907 : Regard. Le donne souffle mal, le regard est mauvais.

Donne (se faire la)

France, 1907 : Battre adroitement les cartes, de façon à laisser dessous celles que l’escroc se réserve.

Donner

d’Hautel, 1808 : Se donner du pied au cul. S’émanciper ; faire des siennes ; prendre de grandes libertés.
S’en donner à tire-larigot ; s’en donner à cœur-joie. Se rassasier de plaisir ; en prendre tout son soul.
Donner un pois pour avoir une fève ; un œuf pour avoir un bœuf. Semer pour recueillir ; faire un présent peu considérable dans le dessein d’en retirer un grand profit.
En donner de dures, de belles. Craquer, hâbler, exagérer.
À cheval donné, on ne regarde point à la bride. Voyez Cheval.
Se faire donner sur les doigts. Se faire corriger ; trouver son maître.
S’en donner de garde. Éviter de faire une chose.
On ne donne rien pour rien.
Il n’en donne pas sa part aux chiens.
Voyez Chiens.
Se donner à tous les diables. Se dépiter, se dégoûter de quelque chose quand on y trouve de grands obstacles ; se mettre en colère.
Donner de la gabatine. Tenir des propos ambigus ; faire des promesses que l’on ne veut point tenir.
Qui donne au commun ne donne pas à un. Signifie que personne ne vous tient compte de ce que vous donnez au public.
Donner de la tablature. C’est donner de la peine, du fil à retordre à quelqu’un dans une affaire ; mettre de grands obstacles à son succès.
Donner des verges pour se fouetter. Procurer à un ennemi les moyens de vous nuire.
Donner de cul et de tête dans une affaire. Pour dire y employer toute son industrie, tout son savoir.
Se donner du menu. Signifie prendre ses aises ; se divertir ; ne rien ménager à ses plaisirs.
Le peuple dit à l’impératif de ce verbe, donne moi-zen, il faut dire : donne-m’en, ou donne moi de cela.
Il donneroit jusqu’à sa chemise.
Se dit d’un homme généreux et libéral à l’excès.
À donner donner ; à vendre vendre. Signifie qu’il ne faut pas faire acheter ce que l’on veut donner, ni user d’une libéralité mal entendue lorsqu’on veut vendre.
Donnant, donnant. Pour dire de la main à la main ; ne livrer la marchandise qu’en en recevant l’argent.
Qui donne tôt, donne deux fois. Proverbe qui signifie que la manière de donner vaut souvent plus que ce que l’on donne.
Il ne faut pas se donner au diable pour deviner cela. Veut dire qu’une chose n’a rien de difficile, qu’on peut aisément la deviner.
Vous nous la donnez belle ! et plus communément encore : vous nous la baillez belle. Voyez Bailler.
Je donnerois ma tête à couper. Serment extravagant pour exprimer que l’on est très-sûr de ce que l’on dit.
Donner du nez en terre. Être ruiné dans ses espérances et dans ses entreprises.
Donner un coup de collier. Voyez Coup.

Delvau, 1866 : v. a. Dénoncer, — dans l’argot des voleurs. Être donné. Être dénoncé.

Rigaud, 1881 : Pour donner dans le piège ; abonder, — dans le jargon des filles.

Vous les retrouverez, si les hommes ne donnent pas, arpentant le terrain jusqu’à deux heures du matin.

(F. d’Urville, Les Ordures de Paris, 1874.)

La Rue, 1894 : Dénoncer.

Virmaître, 1894 : Dénoncer. Les nonneurs en dénonçant, mot à mot : donnent (livrent) leurs complices à la justice (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Dénoncer.

Donner (la)

Rigaud, 1881 : Regarder, dans le jargon des voleurs. — Le roublard la donne sur nos fioles, l’agent regarde nos physionomies. — La donne souffle mal, le regard d’un tel n’est pas franc, locution employée par les voleurs lorsqu’ils se sentent devinés soit par un agent, soit par n’importe qui. — La donner sur la croustille, n’avoir que du pain à manger ; c’est-à-dire tomber sur le pain.

Rigaud, 1881 : Chanter, — dans l’argot des barrières. C’est-à-dire : donner de la voix. — Entends-tu comme le gossier la donne ? entends-tu comme le particulier chante ?

Fustier, 1889 : Penser, croire, juger. Argot des voyous.

La Rue, 1894 : Regarder. Le roublard la donne sur nos fioles. L’agent regarde nos visages. Signifie aussi comprendre.

France, 1907 : Regarder. Le « flic donne sur nos fioles. » La donner à la bourbonnaise, regarder d’un mauvais œil.

Donner (s’en)

Delvau, 1866 : v. réfl. Prendre d’un plaisir avec excès, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : S’amuser beaucoup. — Donner du cambouis, railler, tromper.

France, 1907 : Prendre autant qu’on peut d’un plaisir. Je m’en suis donné à gogo, j’en ai pris tant que j’ai pu.

La seul’ prom’nade qu’ait du prix,
La seule dont je suis épris,
La seule où j’m’en donne, oùsque j’ris,
C’est l’boulevard du Temple, à Paris.

(Désaugiers)

Donner (se la)

Delvau, 1866 : v. S’en aller, s’enfuir, — dans l’argot elliptique des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Se battre. Mot à mot : se donner la volée de coups.

La Rue, 1894 : Se battre. S’en aller, s’enfuir.

France, 1907 : Fuir.

Donner à la bourbonnaise (la)

Delvau, 1866 : Regarder quelqu’un d’un mauvais œil, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Vouloir du mal à un individu, n’oser lui en faire, ne lui rien dire, mais le regarder d’un mauvais œil.
— Qu’est-ce que tu as donc que tu la donnes à la Bourbonnaise sur le barbauttier ?
— Y m’a foutu huit jornes de franc carreau (Argot des voleurs).

Donner cinq et quatre

Delvau, 1866 : v. a. Donner deux soufflets, l’un de la paume de la main, où les cinq doigts assemblés frappent ensemble ; l’autre du revers de la main, le pouce demeurant alors sans action. Argot du peuple. On dit aussi Donner dix-huit.

Donner cinq et quatre, la moitié de dix-huit

France, 1907 : Donner deux soufflets, l’un de la paume de la main où les cinq doigts frappent, l’autre du revers où quatre doigts seulement touchent, le pouce restant en arrière.

Donner dans

Rigaud, 1881 : Fréquenter : Donner dans la canaille. — Avoir du goût pour : Elle donne dans le militaire.

France, 1907 : Se laisser entraîner. Porter son affection sur quelqu’un ou quelque chose. Donner dans la culotte rouge, aimer les soldats. Donner dans la soutane, être amoureuse du gros curé ou dit petit vicaire, fréquenter les églises.

Donner dans l’œil

Delvau, 1866 : v. n. Plaire, — dans l’argot des petites dames, qui l’emploient aussi bien à propos des gens que des choses dont elles ont envie. Les faubouriens disent : Taper dans l’œil. C’est plus expressif, — parce que c’est plus brutal. Molière a employé Donner dans la vue avec la même signification, j’ai trouvé dans le Tempérament, tragédie parade de 1755 : Il m’a donné dans l’œil, employé dans le même sens.

France, 1907 : Plaire. On dit plus généralement : taper dans l’œil.

Donner dans l’œil à un homme ou à une femme

Delvau, 1864 : Donner envie à un homme de coucher avec une femme, ou à une femme de coucher avec un homme.

Il m’a dit que votre chienne de mine lui avait donné dans l’œil.

La Popelinière.

Donner dans le panneau

France, 1907 : S’être laissé tromper ; être victime de machinations.

Aujourd’hui, après que les croque-morts ont emporté sa bière, qu’on l’a enseveli sans escorte, sans roulements de tambours voilés de crêpe, comme un coupable, que ses vieux parents souffrent et se lamentent, le deuil au cœur, et peut-être mourront de cette honte, après avoir poursuivi leur enquête, fouillé les papiers, interrogé les camarades, ceux qui avaient condamné sans pitié s’aperçoivent qu’ils ont peut-être fait fausse route et donné dans de panneau d’un ignoble chantage.

(Mora, Gil Blas)

Donner de coups de pied (ne pas se)

Delvau, 1866 : Faire son propre éloge, se dire des choses aimables, s’avantager dans un récit. Argot du peuple.

Donner de l’air

Clémens, 1840 : Se sauver.

Donner de l’air (se)

Bras-de-Fer, 1829 : Se sauver.

Delvau, 1866 : v. réfl. S’en aller de quelque part, non parce qu’on y étouffe, mais parce qu’on s’y ennuie, ou parce qu’il est l’heure de se retirer.

La Rue, 1894 : Partir, s’enfuir. Donner un pont à faucher, tendre un piège. Donner un redoublement de fièvre, charger un accusé d’un nouveau méfait.

France, 1907 : S’enfuir.

Elle partit à pied pour Périgueux, à 120 kilomètres de Bordeaux, sans argent et sans s’inquiéter de ses effets. Il était sept heures du soir, elle arriva à minuit à Libourne et se présenta à la gare de chemin de fer. Un employé lui fournit un lit. Le lendemain, elle mit son châle « en plan » pour cinq francs. Elle partit de Libourne dans la soirée avec un commis-voyageur. Le cinquième jour, elle était de retour crottée, harassée, affamée, et se faisait enrôler dans une autre maison. Elle s’était donné de l’air.

(Dr Jeannel, La Prostitution au XXe siècle)

Donner de l’œil dans la perspective

Rigaud, 1881 : Avoir l’œil au guet, — dans le jargon des truqueurs.

En ce moment arrivent deux agents, que les associés de Mi-chon n’avaient pas vus, bien que donnant de l’œil dans la perspective.

(Paris-Vivant, le Truqueur, 1858.)

Donner de la grosse caisse

Delvau, 1866 : Faire des réclames à un livre ou à un médicament, — dans l’argot des journaux.

Donner de la salade

Delvau, 1866 : Battre, secouer quelqu’un, — dans l’argot des faubouriens, qui ne se doutent pas que cette expression est une corruption de Donner la salle, c’est-à-dire fouetter un écolier en public. Ils disent aussi Donner une chicorée.

France, 1907 : Secouer quelqu’un. Allusion à la salade que l’on secoue pour en faire écouler l’eau. On dit aussi dans le même sens : donner une chicorée.

Donner des noms d’oiseaux

France, 1907 : Cajoler quelqu’un, lui faire des mamours. Se dit aussi ironiquement pour injurier.

Donner du balai

Delvau, 1866 : Chasser quelqu’un, remercier un employé, congédier un domestique, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Renvoyer, chasser.

Il y a longtemps que la grosse maman leur a donné du balai, en leur disant : « Filez, salopes ! » Elles ne se le sont pas fait répéter, car elle leur menait la vie dure. Des filles de son mari… tu penses si elle rageait de les voir pousser et lui faire concurrence !

(Hector France, Marie Queue-de-Vache)

Donner du bon temps (se)

Delvau, 1864 : Passer sa jeunesse a baiser les filles, quand on est homme, et à se faire baiser par les hommes, quand on est fille. C’est le Aimons ! aimons ! de M. Alphonse de Lamartine.

Où qu’est le mal après tout ? On béquille, on s’amuse, on s’donne du bon temps, on oublie sa misère : c’est toujours ça d’gagné.

Henry Monnier.

Not’ vivandière
S’en donna tant,
Qu’il survint un enfant.

H. Debraux.

Se donner à crédit pendant qu’on est si belle,
Et pendant qu’on pourrait amasser des trésors,
Ma fille, proprement c’est là ce qu’on appelle
Faire folie de son corps.

Montreuil.

Delvau, 1866 : Se divertir, « cueillir le jour » et la nuit, — dans le même argot [des bourgeois].

France, 1907 : S’amuser.

Donner du cambouis

Delvau, 1866 : Se moquer de quelqu’un, lui jouer un tour, le duper, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression depuis trois cents ans : « Ah ! très orde vieille truande ! vous me baillez du cambouys ! » s’écrie le Diable dans la Farce du meunier.

France, 1907 : Duper quelqu’un, lui jouer de vilains tours, l’empêtrer dans de sales affaires.

Donner du chasse à la rousse

Fustier, 1889 : Faire le guet.

Tu donneras du chasse a la rousse, au moment
Où le patron fera son petit boniment.

(De Caston : Le Voyou et le Gamin.)

Donner du cœur au ventre

France, 1907 : Donner de l’aplomb, inspirer du courage.

— Moi, j’me disais : Faut ben que j’trouve la veine, nom de nom ! Oui, moi, la femme et les petits, nous sommes tous ad patres avant six mois. Et ça me donnait du cœur au ventre, fallait voir ! Là, voulez-vous que j’vous dise ? Faut que l’ouvrier mange bien, boive bien et rigole un brun pour bien travailler après. Tout le reste, c’est des histoires !

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

La façon de procéder des tireurs espagnols est la même que celle de leurs congénères anglais. Les uns et les autres, après avoir vérifié le contenu de quelques bons porte-monnaie ou portefeuilles enlevés, vont au premier cabaret venu absorber quelques verres de liqueur, pour se donner du cœur au ventre, comme disent les agents, et recommencer leur néfaste besogne.

(G. Macé, Un Joli monde)

Donner du contentement aux hommes

Delvau, 1864 : Savoir les faire jouir comme il faut, par des moyens que réprouve la morale et qu’autorise le bonheur.

Il dit qu’il me veut rendre une des plus habiles qui soient capables de donner du contentement aux hommes.

Mililot.

Donner du fil à retordre

Delvau, 1866 : Embarrasser quelqu’un, lui rendre une affaire épineuse, une question difficile à résoudre.

France, 1907 : Embarrasser quelqu’un, l’occuper d’une façon fastidieuse et désagréable.

— Tel que vous me voyez, j’étais noté dangereux, anarchiste, révolutionnaire. Et le colonel, en bonapartiste fini, n’a pas été fâché que je lui aie montré si j’étais bossu. Il disait à l’adjudant-major : « Ce sacré bougre de la quatrième du trois, il fait bien de se tirer les guêtres ; par le temps qui court, il nous donnerait du fil à retordre. » Oh ! oui, je leur en aurais donné !

(Hector France, Marie Queue-de-Vache)

Donner du flan

France, 1907 : Jouer honnêtement ; argot des grecs, qui disent aussi : donner de la galette.

Donner du flan, de la galette

Fustier, 1889 : Argot des grecs. Jouer honnêtement.

Donner du mal

Delvau, 1864 : Communiquer la maladie vénérienne par le coït.

Elle est belle, ma Joséphine… et elle connaît son affaire !…
Mais, pas d’bêtises, ô mon père ! elle vous donnerait du mal…

Tisserand.

Donner du mal (se)

Delvau, 1864 : Dans l’argot des filles publiques, c’est raccrocher fréquemment sur le trottoir, c’est monter souvent avec de nouveaux michés.

Mais, va, c’est égal,
Je m’ donnerai du mal,
Je veux c’ soir, bravant Saint-Lazare.
Labourer l’ persil.

Dumoulin.

Donner du plaisir

Delvau, 1864 : Faire jouir un homme à coups de cul, ou une femme à coups de queue.

Il faut de tous ces dons savoir bien se servir,
Savoir les employer à donner du plaisir
À ceux qui dans nos bras cherchent la jouissance.

Louis Protat.

Donner du tabac

Larchey, 1865 : Battre. — V. Esbrouffe.

Si tu m’échauffes la bile, je te f… du tabac pour la semaine !

Vidal, 1833.

Donner du vague

Halbert, 1849 : Chercher pratique.

La Rue, 1894 : Chercher fortune, vagabonder.

France, 1907 : Vagabonder, aller an hasard.

Donner du vent

Delvau, 1866 : Brimer, — dans l’argot des Saint-Cyriens.

France, 1907 : Brimer ; argot de Saint-Cyr.

Donner du vinaigre

Delvau, 1866 : Tourner très vite, — dans l’argot des enfants, lorsqu’ils jouent à la corde.

France, 1907 : Tourner très vite, dans l’argot des enfants qui sautent à la corde. Les Anglais disent : donner du poivre.

Donner l’assaut

Delvau, 1864 : Baiser une femme, monter sur elle et entrer par la brèche que vous savez.

Dames, dansez, et que l’on se déporte,
Si m’en croyez, d’écouter à la porte,
S’il donnera l’assaut sur le minuit.

Cl. Marot.

Donner l’aubade

France, 1907 : Accomplir, au réveil, l’acte qui peuple les mondes. « Je donne tous les matins l’aubade à ma femme. »

Donner l’aubaine

Delvau, 1864 : Baiser une femme, qui s’en trémousse beaucoup — de joie.

Aussi la dernière du bout
Se pâmant, cria : Le roi fout
Et chanta : Bon !
Le roi Salomon
M’en et donné l’aubaine !

Collé.

Donner la chasse à la rousse

France, 1907 : Faire le guet.

Donner la migraine à une tête de bois

Delvau, 1866 : v. a. Être excessivement ennuyeux, — dans l’argot des gens de lettres. L’expression appartient à Hippolyte Babou.

France, 1907 : Être tellement insupportable qu’on en rendrait malade une poupée ou un mannequin.

Donner la sauce

Delvau, 1864 : Donner la vérole.

Présent le plus funeste
Que puisse faire aux vits la colère céleste.

Donner le bon Dieu sans confession

France, 1907 : Donner à une Personne un certificat de vertu et de bonnes mœurs ; croire qu’elle est assez pure pour recevoir son Créateur dans son estomac sans qu’il soit nécessaire de le blanchir au tribunal de la pénitence.

À les voir à l’église et dans la rue, l’air grave, on leur eût donné le bon Dieu sans confession ; mais c’étaient justement celles-là les pires : pas une qui n’eût quelque chose sur la conscience.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Donner le coup de pouce

Larchey, 1865 : Étrangler.

Donner le picotin

Delvau, 1864 : Baiser une femme — qui mourrait d’inanition sans cette ration d’amour quotidien.

Un dimanche matin, il cuidait lui donner le picotin.

(Moyen de parvenir.)

Donner le plaisir à une femme

Delvau, 1864 : Besogner du membre dans son vagin.

Témoin son père, qui a donné le plaisir à Marguerite, la servante que vous avez chassée.

Mililot.

Donner le romarin

France, 1907 : Consoler quelqu’un d’un chagrin d’amour. Le romarin à la vertu de cicatriser les plaies.

Donner ou recevoir un clystère

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien, — par allusion a la forme de la seringue que l’on introduit dans le cul. Aussi trouve-t on dans les vieux auteurs, et notamment dans Rabelais, cette expression : Clystère barbarin dans le sens d’enculement. La seringue disparaît de jour en jour devant le clyso-pompe et autres irrigateurs : dans cinquante ans, nos petits-neveux ne sauront plus ce que c’est que de donner ou recevoir un clystère — barbarin ou non.

Donner quelqu’un

France, 1907 : Le dénoncer, c’est-à-dire le donner à la police.

Donner sa langue aux chiens, aux chats

Larchey, 1865 : Renoncer à deviner.

Je donne ma langue aux chiens, dit Jérôme, je renonce.

E. Sue.

Donner sa rose

Delvau, 1864 : Offrir son pucelage sur l’autel du dieu Priape.

Ma fille, avant d’ céder ta rose,
Retiens bien ce précepte-là.

E. Debraux.

Donner son bout

Delvau, 1866 : v. a. Congédier un ouvrier, — dans l’argot des tailleurs. On dit aussi donner son bout de ficelle.

France, 1907 : Congédier un ouvrier ; argot des tailleurs.

Donner son dernier bon à tirer

France, 1907 : Mourir.

Donner sur le biffeton

Rigaud, 1881 : Lire l’acte d’accusation et dévoiler les antécédents de l’accusé.

France, 1907 : Lire l’acte d’accusation.

Donner un branle

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Mais quand quelqu’un lui donne un branle,
En l’absence de son cocu,
Vous diriez, comme elle se branle,
Qu’elle a des épines au cu.

Théophile.

Donner un coup de cul

Delvau, 1864 : Se remuer sous l’homme, de façon à le faire jouir lorsque cela tarde trop.

En baisant, à propos donner un coup de cul.

Louis Protat.

Donner un coup de pied jusque…

Delvau, 1866 : Aller jusqu’à tel endroit désigné, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Aller à un endroit désigné.

Donner un coup de pilon

Virmaître, 1894 : Les mendiants qui ont une jambe de bois nomment cette jambe un pilon. L’allusion de forme est juste. Quand ils vont mendier à une porte, ils ont soin de faire voir leur infirmité, de là l’expression donner un coup de pilon (Argot des mendiants). N.

France, 1907 : « Les mendiants qui ont une jambe de bois nomment cette jambe un pilon. L’allusion de forme est juste. Quand ils vont mendier à une porte, ils ont soin de faire voir leur infirmité ; de là l’expression donner un coup de pilon.

(Ch. Virmaître)

Donner un coup de poing dont on ne voit que la fumée

Delvau, 1866 : v. a. L’appliquer sur le visage avec une grande violence, — même argot [du peuple]. J’ai entendu la phrase, et j’ai frémi pour celui a qui elle s’adressait : « Je te donnerai un coup de poing au nez, que tu n’en verras que la fumée ! » disait un robuste Auvergnat à un ouvrier d’apparence médiocre.

Donner un pois pour avoi une fève, ou un œuf pour avoir un bœuf

France, 1907 : Faire un présent de peu de valeur, dans l’espoir d’en recevoir un de plus grand prix.

Donner un pont

France, 1907 : Tendre un piège. Donner un pont à faucher, se moquer de quelqu’un.

Donner un pont à faucher

Halbert, 1849 : Tendre un piège.

Delvau, 1866 : v. a. Tendre un piège, — dans l’argot des voleurs.

Donner un redoublement de fièvre

Delvau, 1866 : v. a. Révéler un nouveau méfait à la charge d’un accusé, — dans le même argot [des voleurs].

France, 1907 : Charger un accusé d’un nouveau délit.

Donner une affaire

Larchey, 1865 : Céder les renseignements propres à commettre un vol.

France, 1907 : Céder à un compère tous les renseignements et toutes les indications pour faire un coup.

Donner une danse

Larchey, 1865 : Casser les épaules à coup de bâton.

d’Hautel, 1808.

Donnes les répétitions

France, 1907 : Se dit, dans l’argot des joueurs de roulette, d’un croupier dont la bille tombe plusieurs fois aux mêmes couleurs ou aux mêmes numéros.

Donneur d’affaires

Delvau, 1866 : s. m. Celui qui indique les vols à faire.

France, 1907 : Celui qui indique les vols à faire, autrement dit : nourrisseur.

Donneur de bonjour

France, 1907 : Voir Bonjourier.

Donneur de tuyaux

France, 1907 : Sorte de filou qui indique aux joueurs des courses les soi-disant coups préparées par les écuries et qui doivent faire gagner un cheval désigné.

Donnez-la

Virmaître, 1894 : Prenez garde, il y a du danger. Mot d’avertissement pour prévenir de l’arrivée de la police. Synonyme d’acrée (Argot des voleurs).

Donnez-la !

Delvau, 1866 : Méfiez-vous, — dans le même argot [des voleurs].

France, 1907 : Attention ! Prenez garde ! Synonyme d’acré.

Dont auquel

Larchey, 1865 : Auquel rien n’est comparable.

Car moi je suis un militaire dont auquel.

Vadé, 1756.

Delvau, 1866 : adj. À qui rien n’est comparable, — dans l’argot du peuple. Il y a plus d’un siècle déjà que ce barbarisme court les rues.

Dont auquel ou à laquelle

France, 1907 : Barbarisme populaire, signifiant une personne ou une chose incomparable.

Donzelle

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Fille de moyenne vertu, dont les mœurs et la conduite sont fort irrégulières.

Delvau, 1864 : Fille ou femme légère — comme chausson.

Tu veilleras à ce que la donzelle n’essaye pas de nous faire voir le tour.

X. de Montépin.

Delvau, 1866 : s. f. Fille qui préfère la compagnie des hommes à celle des femmes, — dans le même argot [du peuple]. Signifie aussi Maîtresse.
Comme les mots déchoient ! La donzelle du Moyen Âge était la demoiselle de la maison, — dominicella, ou domina ; la donzelle du XIXe siècle est une demoiselle de maison.

France, 1907 : Demoiselle de peu de vertu. Le mot est vieux et signifiait autrefois la femme d’un écuyer, d’un donzel.

… Ohé ! les mijaurées !
Dont la poudre de riz refait le teint de lis,
Chapelles de Vénus ou loge Syphilis,
Donzelles, venez çà ! corps de marbre ! âmes sales !
Mon bâton va frapper vos épines dorsales !

(Barillot, La Mascarade humaine)

Dor

Delvau, 1866 : s. m. Or, du dor, — dans l’argot des enfants.

Dorancher

Delvau, 1866 : v. a. Dorer, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Dorer.

Virmaître, 1894 : Pour dorer, par extension comme billancher pour biller. On trouve fréquemment dans l’argot du peuple un changement de finale pour exprimer un mot (Argot du peuple).

France, 1907 : Dorer.

Dorée (petite)

Fustier, 1889 : Femme de mœurs légères. Ce mot lancé vers l’année 1884 n’a point été adopté et a duré autant que la mode qui, à cette époque aussi bien pour les femmes honnêtes que pour celles qui ne le sont pas, était de porter des vêtements brodés, soutachés, pailletés d’or.

On a déjà débaptisé certaines parisiennes qu’on appelait hier encore des horizontales ; le nom qu’elles portent est les petites dorées.

(Temps, octobre 1885.)

Le Soir a pris pour des ouvrières les petites dorées, autrement dit : les cocottes.

(Bataille, novembre 1884.)

Dorer

d’Hautel, 1808 : Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée. Signifie qu’une bonne réputation vaut mieux qu’une ceinture dorée, qui étoit autre fois la marque distinctive que des femmes honnêtes. Voyez Ceinture.
Dorer la pillule. Adoucir quelque chose de fâcheux par de belles paroles.
Il est fin à dorer. C’est-à-dire, rusé, d’une grande subtilité dans les affaires.

Dorlotter

d’Hautel, 1808 : Se dorlotter. Se reposer ; prendre des soins minutieux de sa santé, comme le font les fats et les damoiseaux.

Dormant

d’Hautel, 1808 : Terme figuré et burlesque, pour dire un lit, un coucher.

Dormir

d’Hautel, 1808 : Qui dort dîne. Se dit par plaisanterie d’une personne qui se laisse aller au sommeil au moment où l’on se met à table.

d’Hautel, 1808 : Il est bon, mais c’est quand il dort. Se dit en plaisantant d’un enfant mutin, espiègle, et difficile à conduire.
Dormir comme un sabot. C’est-à-dire, très profondément, comme le font ordinairement les apathiques, les gens d’un sang lourd et épais ; et par allusion au sabot qui, agité fortement par le fouet d’un enfant, semble ne décrire aucun mouvement, et être tout-à-fait immobile.
Dormir comme une marmotte. Avoir l’air nonchalant, et toujours endormi. On sait que les marmottes dorment six mois de l’année.
Il ne sait s’il dort ou s’il veille. Se dit d’une personne étonnée, surprise, stupéfaite.
Des contes à dormir debout. Histoires ennuyeuses et mensongères.
Dormir la grasse matinée. C’est dormir en paresseux, toute la matinée.
Il ne faut pas réveiller le chat qui dort. Voy. Éveiller.
On dit communément parmi le peuple, dormir un somme, pour faire un somme, prendre un moment de sommeil.
Dormir sans débrider. Dormir la nuit entière sans s’éveiller.
Jeunesse qui veille et vieillesse qui dort, c’est signe de mort.
On dit d’un homme alerte, vigilant, intrigant dans les affaires, que le diable le berce quand il dort.
Il ne dort non plus qu’un jaloux.
Pour, il a le sommeil inquiet, agité, fort léger ; un rien suffit pour le réveiller.
Dormir à bâtons rompus. Se réveiller vingt fois dans une nuit.
Le bien vient en dormant. Proverbe qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre ; et qui se dit de certaines gens à qui il arrive des bonnes fortunes qu’elles n’ont pas méritées par leurs travaux.

Dormir à la corde

Virmaître, 1894 : Avant l’invention des refuges municipaux (les haras de la vermine) il existait, rue des Trois-Bornes, un bouge tenu par le père Jean. L’unique salle avait à peu près vingt mètres de long sur trois mètres de largeur. Dans toute la longueur, une grosse corde était tendue ; elle était terminée par deux forts anneaux qui la fixaient à chaque extrémité. Les clients, la plupart des giverneurs, payaient trois sous d’entrée ; cette somme leur donnait le droit de s’accroupir les bras sur la corde et de dormir. Cinquante environ pouvaient y trouver place. À cinq heures du matin le père Jean sonnait le réveil en tapant avec un morceau de fer sur une vieille casserole. Parmi les dormeurs il y en avait dont le sommeil était dur : ils ne se levaient pas. Alors le père Jean décrochait la corde et les dormeurs tombaient sur les dalles. Dormir à la corde est resté légendaire (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Voir Corde.

Dormir d’un œil

Virmaître, 1894 : Faire semblant de dormir, avoir l’œil ouvert et l’oreille aux aguets. Le prévenu enfermé dans sa cellule avec un mouton ne dort que d’un œil pour ne pas, pendant son sommeil, laisser échapper des révélations. On dit aussi dormir en gendarme (être en éveil) (Argot du peuple).

Dormir dans l’auge

Virmaître, 1894 : Paresseux pour qui le travail est un supplice. Allusion au cochon, qui, lorsqu’il est gavé, s’endort dans son auge (Argot du peuple). N.

Dormir debout (pied à)

Larchey, 1865 : Pied démesurément large et long.

Votre général qui a des pieds à dormir debout.

Gavarni.

Dormir en chien de fusil

Delvau, 1866 : v. n. C’est, — dans l’argot du peuple, — prendre en dormant une posture qui donne au corps la forme d’une S ou du morceau de fer qu’on abat sur le bassinet de certaines armes à feu lorsqu’on veut tirer.

Virmaître, 1894 : Dormir en cerceau. Allusion à la forme de l’ancien chien de fusil à piston (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Les jambes raccourcies.

France, 1907 : Dormir recroquevillé, les genoux dans la direction du menton.

Dormir en gendarme

Rigaud, 1881 : Ne dormir que d’un œil.

France, 1907 : Avoir le sommeil léger, ou plutôt faire semblant de dormir ; ne fermer qu’un œil, afin de voir ce qui se passe.

Dormir sur le pan de chemise de sa femme

France, 1907 : S’endormir après avoir rendu le devoir conjugal. « Quand un ouvrier, dit Ch. Virmaître, arrive en retard à l’atelier, les camarades le plaisantent et le saluent par cette phrase qui a un sens caché : Tu as dormi sur le pan de chemise de ta femme. »

Dormir sur le pan de la chemise de sa femme

Virmaître, 1894 : Quand un ouvrier arrive en retard à l’atelier, les camarades le plaisantent et le saluent par cette phrase, qui a un sens caché.
— Tu as dormi sur le pan de la chemise de ta femme (Argot du peuple). N.

Dormir sur le roti

Virmaître, 1894 : Être couché avec sa femme et s’endormir au moment psychologique. S’endormir sur son travail (Argot du peuple). N.

Dormir sur le rôti

France, 1907 : S’endormir sur la besogne.

Dorsay

Delvau, 1866 : s. m. Petite jaquette élégante, — dans l’argot des tailleurs et des gandins.

Dorset

France, 1907 : Sorte de voiture ; anglicisme.

Dort dans l’auge

France, 1907 : Fainéant.

Dort en chiant

Virmaître, 1894 : Ouvrier qui va fréquemment au cabinet et y reste longtemps : pendant ce temps-là il ne travaille pas. Cette expression s’applique surtout aux maçons qui restent accroupis jusqu’à ce que les jambes leur fassent mal. Dans le peuple on dit :
— Tu chies comme les maçons (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Paresseux, lambin, sans énergie.

Dort-dans-l’auge

Delvau, 1866 : s. m. Paresseux, homme qui s’endort sur la besogne, — dans l’argot du peuple.

Dort-en-chiant

Delvau, 1866 : s. m. Homme mou, paresseux, lambin.

Dos

d’Hautel, 1808 : Il a bon dos. Se dit d’un homme absent, sur lequel on rejette toutes les fautes ; et quelquefois d’un homme opulent qui peut supporter les frais d’une forte entreprise.
Être dos à dos. Vivre en mauvaise intelligence ; ne remporter ni l’un ni l’autre l’avantage dans un procès.
N’avoir pas une chemise à mettre sur son dos. Être réduit à une extrême indigence.
On mettra cela sur son dos. C’est-à-dire, sur son compte ; on lui fera payer les charges de cette affaire.
Faire le gros dos. Faire le fat ; se donner de l’importance ; faire le riche, le financier, lorsqu’on n’a pas le sou.
On dit d’un homme difficile à manier, et que l’on n’offense jamais impunément, qu’Il ne se laisse pas manger la laine sur le dos.
On dit dans un sens contraire, d’un homme mou et lâche, qui souffre tout sans mot dire, qu’Il se laisse manger la laine sur le dos.
Ils ont toujours le dos au feu et le ventre à la table.
Se dit des gens qui font un dieu de leur ventre ; qui ne respirent que pour manger.
On dit d’un homme ennuyeux et importun, qu’on le porte sur son dos.

Rossignol, 1901 : Souteneur. On dit aussi donner du dos ou du rein, cela regarde les chattes.

France, 1907 : Souteneur, amant d’une fille publique qui se fait entretenir par elle, maquereau enfin. C’est l’abréviation de dos vert, alias maquereau. Aristide Bruant a écrit les paroles et la musique de la Marche des Dos :

Le riche a ses titres en caisse,
Nous avons nos valeurs en jupon,
Et, malgré la hausse ou la baisse,
Chaque soir on touche un coupon.
V’là les dos, viv’nt les dos !
C’est les dos, les gros, les beaux !
À nous les marmites,
Grandes ou petites !
V’là les dos, viv’nt les dos !
 
Il était le personnage le plus connu, du Moulin de la Galette aux Folies-Bergère. Richepin l’avait surnommé l’empereur des dos. Son porte-monnaie était sans cesse garni de pièces jaunes que de gentilles tributaires étaient trop heureuses de lui apporter, après une nuit de travail.

(E. Lepelletier, Le Bel Alfred)

— Oh ! allez ! ne vous gênez pas ! faites comme chez vous ! appelez-moi dos pendant que vous y êtes : pourquoi pas ? Mais si moi, traîne-savates de naissance et d’éducation, je m’étais conjoint avec une gonzesse suiffarde qui m’aurait apporté du poignon à plein les plis de sa pelure blanche, — et ça se fait tous les jours dans la bonne société, — comment donc est-ce que vous m’auriez intitulé ?

(Montfermeil)

anon., 1907 : Souteneur.

Dos (en avoir plein le)

France, 1907 : Être fatigué d’une chose ou d’une personne. En avoir assez.

Au bout de quelques années de mariage, les maris ont généralement pleins le dos de leur femme et vice-versa.
 
— Ils se sont séparés avant-hier soir. Y avait longtemps que ça clochait, faut vous dire. Il en avait plein le dos ! Elle est allée se mettre dans un hôtel pas loin d’ici, hôtel du Puy-de-Dôme, au coin de la rue des Feuillantines.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Dos (faire la bête à deux)

France, 1907 : Accomplir l’acte vénérien.

En son age viril épousa Gargamelle, fille du Roi des Parpaillons, belle gouge et bonne trogne. Et faisoient eux deux souvent ensemble la bête à deux dos, joyeusement se frottant leur lard, tant qu’elle engrossa d’un beau fils, et le porta jusqu’à l’onzième mois.

(Rabelais)

Dos (scier le)

Larchey, 1865 : Importuner. V. Scier.

Moi, ça me scie le dos.

Rétif, 1782.

Rigaud, 1881 : Ennuyer. — En avoir plein le dos, manière d’exprimer son mécontentement, lorsque quelqu’un ou quelque chose vous ennuie énormément.

France, 1907 : Importuner. Assommer moralement.

Ah ! les femmes parfaites, les petites bourgeoises modèles, dignités du foyer, elles me scient le dos ! Elles sont terribles de douceur résignée, avec leurs yeux mourants levés au ciel, leur impeccabilité forcée et leurs occupations oiseuses et stériles ; des économies de bouts de chandelle dans leur intérieur et la moitié du budget conjugal jeté chez la couturière…

(Les Propos du Commandeur)

Dos à dos

France, 1907 : Renvoyer deux parties adverses sans que l’une ait avantage sur l’autre, c’est-à-dire Gros-Jean comme devant.

Dos d’âne (faire le)

France, 1907 : Se courber sur des paperasses. Devenir bossu à force d’écrire.

— Qu’elle apprenne à cuisiner, à coudre, ravauder, nettoyer, blanchir, repasser, et qu’elle prenne goût à ces indispensables, très appréciables et très nobles tâches. Il y en a bien assez sans elle qui faut le dos d’âne sur des paperasses et se croient pour cela supérieures à celles qui tirent l’aiguille ou écument le pot.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Dos d’azur

Delvau, 1866 : s. m. Souteneur de filles. (V. Dauphin.) On dit aussi Dos vert.

Dos vert

La Rue, 1894 : Souteneur.

Virmaître, 1894 : Maquereau. Ce poisson, en effet, est mélangé de plusieurs couleurs sur le dos. L’allusion est transparente. (Argot du peuple).

France, 1907 : Maquereau.
Fernand Varlot, garçon intelligent perdu par la flemme et l’absinthe, qui est devenu, à la suite d’infortunes de police correctionnelle, le poête du « Père Lunette », a chanté ainsi l’une des fresques ornant ce célèbre café :

Les pieds posés sur un dos vert,
Une Vénus de la Maubert,
Mise en sauvage,
Reçoit des mains d’un autre dos
Une cuvette pleine d’eau
Pour son usage.

On dit aussi dos d’azur.

Dos vert ou dos d’azur

Delvau, 1864 : Maquereau, souteneur de filles, parce que le scombre dont on a emprunté le nom pour flétrir ces sortes de gens a le dos d’un beau bleu métallique, changeant en vert irisé, et rayé de noir.

Écoute-moi, dos vert de ces putains sans nombre,
Ombre du grand Thomas qui de Priape est l’ombre.

Dumoulin

Je ne suis pas un miché, je suis un dos d’azur.

Lemercier de Neuville.

Dos vert, dos d’azur

Rigaud, 1881 : Souteneur de filles. Allusion aux écailles vertes d’un poisson sous le nom duquel les souteneurs sont généralement désignés.

C’est aussi un dos vert de la plus belle espèce.

(Vast-Ricouard, Le Tripot.)

Dos, dos vert

Hayard, 1907 : Souteneur.

Dose

France, 1907 : Certaine quantité de désagréments que l’on avale malgré soi, comme une dose de médecine.

Dossière

Delvau, 1866 : s. f. Fille publique, — dans l’argot des voleurs, qui n’ont certainement pas voulu dire, comme le prétend un étymologiste, « femme sur laquelle tout le monde peut s’asseoir ». Quelle étymologie alors ? Ah ! voilà ! Difficile dictu. Une dossière, c’est une femme qui joue souvent le rôle de supin.

Rigaud, 1881 : Prostituée qui gagne sa vie à genoux. Fellatrix.

Rigaud, 1881 : Poche assujétie dans toute la longueur du dos d’un paletot et particulière aux voleurs à la détourne qui s’en servent comme d’une besace.

Tous ces objets (un coupon de soie, un portefeuille, une tabatière en argent, une douzaine de mouchoirs) étaient dissimulés dans une poche pratiquée dans le dos du pardessus.

(Petit Journal du 30 juin 1880.)

Virmaître, 1894 : Chaise (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Fille publique. Elle s’étend facilement sur le dos.

Dossière de salle

France, 1907 : Siège ; chaise ou fauteuil.

Dossière de satte

Larchey, 1865 : Chaise de bois. — Dossière : Prostituée de dernier ordre. — Mot à mot : femme sur laquelle tout le monde peut s’asseoir. V. Calège.

Delvau, 1866 : s. f. Chaise, fauteuil, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Chaise.

La Rue, 1894 : Chaise.

Dossières

Clémens, 1840 : Filles qui font le commerce honteux.

Douanier

Rigaud, 1881 : Absinthe. — Allusion à la couleur verte du costume des douaniers.

France, 1907 : Absinthe, à cause de sa couleur verte.

Doublage

anon., 1827 : Larcin, larronage.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vol.

Bras-de-Fer, 1829 : Larcin.

Halbert, 1849 : Larcin, larronnage.

Delvau, 1866 : s. m. Vol, — dans l’argot des voyous, qui appellent les voleurs Doubleurs, probablement parce qu’ils témoignent une grande duplicité.

France, 1907 : Vol ; mensonge.

Doublage, doublé

Rigaud, 1881 : Vol ; mensonge. — Monter un doublé, en imposer.

La Rue, 1894 : Vol, mensonge.

Double

d’Hautel, 1808 : Voir double. Être gris n’avoir pas sa raison.
Jouer à quitte ou double. C’est-à-dire, le tout pour le tout.
Double jeûne, double morceau. Signifie que l’abstinence d’une chose vous donne des désirs plus vifs d’en faire usage.

Larchey, 1865 : Sergent-major, maréchal des logis chef. L’insigne de ce sous-officier est un double galon.

Si son double un soir pris d’humeur noire veut tempêter… il n’a pas le dernier.

Wado.

Delvau, 1866 : s. m. Sergent-major, — dans l’argot des soldats, qui l’appellent ainsi probablement à cause de ses deux galons dorés.

Rigaud, 1881 : Gardien-chef, — dans le jargon des prisons. Le mot est également en usage au régiment pour désigner un sergent-major. Allusion aux doubles galons.

France, 1907 : Sergent-major, ou maréchal des logis-chef, à cause de son double galon.

— C’est là, lui dit le planton : tu vas voir le double… oui, le double ! Le chef, si tu veux ; c’est comme ça qu’on appelle le sergent-major… C’est ici sa chambre et celle du fourrier, là oùsqu’ils font leurs écritures ! En face, c’est la hotte les pieds-de-banc, des sergents, si tu aimes mieux… T’as qu’à remettre ton papier… Ah ! passe-moi encore une sibiche…

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Le plus grand souci du double est de trouver un fourrier qui sache écrire pour deux.

(A. Foubert, Le 30e d’artillerie)

Doublé

Halbert, 1849 : Volé.

France, 1907 : Vol ; mensonge.

Double (le)

Merlin, 1888 : Le sergent-major, — par allusion à son double galon.

Double cholette

Larchey, 1865 : Litre (Vidocq). — Double vanterne : Lunettes. — Mot à mot : double vitre.

Double face

France, 1907 : Armoire à glace.

Double six

Delvau, 1866 : s. m. Nègre, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Les deux dents au milieu de la mâchoire supérieure. Argot des faubouriens.

France, 1907 : Nègre ; argot des voleurs. C’est le plus noir des dominos.

France, 1907 : Les deux incisives de la mâchoire supérieure.

Double-face

La Rue, 1894 : Armoire à glace.

Double-six

Rigaud, 1881 : Poseur. Fat sans cesse occupé à étudier ses poses, à faire valoir ses avantages. Au jeu de dominos la première pose est au joueur qui a le double-six ; d’où le surnom donné au poseur, au fat.

Virmaître, 1894 : Nègre (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Nègre.

Doublée

France, 1907 : Correction.

Doubler

Delvau, 1866 : v. a. Voler.

Rigaud, 1881 : Tromper ; voler.

France, 1907 : Voler.

Doubler le cap

Rigaud, 1881 : Faire un détour. On double le cap lorsqu’on prend le chemin le plus long afin d’éviter de passer devant la porte d’un créancier.

Doubler un cap

Larchey, 1865 : « Doubler un cap dans Paris, c’est faire un détour, soit pour ne pas passer devant un créancier, soit pour éviter l’endroit où il peut être rencontré. »

Balzac.

Delvau, 1866 : v. a. Passer heureusement une échéance, un 1er ou un 15, sans avoir un billet protesté, — dans l’argot des commerçants, qui connaissent les écueils de la Fortune. Henry Murger, dans sa Vie de Bohème, appelle ce 1er et ce 15 de chaque mois le Cap des Tempêtes, à cause des créanciers qui font rage à ce moment-là pour être payés.

France, 1907 : Faire un détour pour éviter un créancier. Doubler le cap du terme, payer son loyer.

Doublette

Halbert, 1849 : Escroc.

France, 1907 : Voleuse. On dit aussi doubleuse.

Doubleur

anon., 1827 : Larron.

Bras-de-Fer, 1829 : Larron.

Halbert, 1849 : Voleur.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur. Doubleur de sorgue. Voleur de nuit.

Hayard, 1907 : Menteur.

Doubleur de sorgue

Bras-de-Fer, 1829 : Larron de nuit.

Virmaître, 1894 : Voleur de nuit. Il double la journée (Argot des voleurs). V. Attristé.

Hayard, 1907 : Voleur de nuit.

Doubleur, doubleuse

Rigaud, 1881 : Menteur, menteuse ; voleur, voleuse.

Doubleur, doubleux

France, 1907 : Voleur, Doubleur de sonore, voleur de nuit

Doubleuse

Halbert, 1849 : Voleuse.

Doubleux

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voleur. Doubleux de sorgue, voleur de nuit.

Doubleux de sorgue

Halbert, 1849 : Larron de nuit.

Doubleux de sorgue ou sorgne

anon., 1827 : Larron de nuit.

Doublin

France, 1907 : Pièce de deux sous.

Doublon

Rigaud, 1881 : Répétition du même mot ou de la même phrase, — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : s. m. Répétition du même mot, du même membre de phrase ou de la même phrase de la copie. Cette répétition, due au manque d’attention de l’ouvrier, a pour lui les mêmes inconvénients que le bourdon et exige souvent un remaniement.

Doublonniste

Boutmy, 1883 : s. m. Compositeur qui fait habituellement des doublons.

Doublure

d’Hautel, 1808 : On dit, en terme de théâtre, d’un acteur, qui prend momentanément le rôle d’un autre, que c’est sa doublure.
Fin contre fin n’est pas bon à faire doublure.
C’est-à-dire que les gens rusés se trompent difficilement entr’eux.

Delvau, 1866 : s. f. Acteur secondaire, chargé de remplacer, de doubler son chef d’emploi malade ou absent. Argot des coulisses.

France, 1907 : Acteur chargé d’en remplacer un autre en cas d’absence ou de maladie. Les principaux rôles ont presque tous leur doublure.

La femme de chambre est généralement plus indulgente : elle imite et ne parodie pas, c’est une doublure, si vous voulez, qui copie servilement, mais avec conscience, les jeunes premières et les grandes coquettes. Elle grasseye, il est vrai, comme le chef d’emploi, marche de même, affectionne les mêmes gestes, les mêmes expressions, les mêmes airs de tête. Comme madame, elle à ses jours d’abattement…

(Auguste de Lacroix, La Femme de chambre)

Doublure de la pièce

Delvau, 1866 : s. f. « Ce qu’il y a sous le corsage d’une robe de femme », — dans l’argot des bourgeois, qui, quoique très Orgon, sont parfois de la famille de Tartufe.

France, 1907 : Rembourrage d’un corsage féminin.

Douce

d’Hautel, 1808 : Aller à la douce, comme les marchands de cerises. Faire tout doucement ses petites affaires, par allusion avec les marchands de cerises qui vont très-lentement dans les rues, en criant leur marchandise.

Larchey, 1865 : Soie (Vidocq). — Elle est douce au toucher.

Delvau, 1866 : s. f. Fièvre, — dans le même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : s. f. Étoffe de soie ou de satin, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Soie, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Soie. Fièvre.

France, 1907 : Masturbation. Se donner ou se faire donner une douce.

L’habitude du vieux paillard était d’aller chaque semaine, à la nuit, vers les terrains vagues qui avoisinent le pont de Grenelle, et de s’y faire donner une douce par quelques gosselines dressées à ce métier lucratif.

(Les Propos du Commandeur)

France, 1907 : Fièvre.

France, 1907 : Étoffe soyeuse.

Douce (à la)

Delvau, 1866 : adv. Doucement, — dans l’argot du peuple. On dit quelquefois : À la douce, comme les marchands de cerises.

France, 1907 : Doucement ; assez bien. « Ça va tout à la douce. »

Douce (aller à la)

Rigaud, 1881 : Aller doucement, se porter assez bien.

ALINE : Et mon oncle comment va-t-il ?
L’HOMME : À la douce, à la douce.

(Jean Rousseau, Paris-Dansant.)

Faire quelque chose à la douce, ne pas se presser.

Douce (la couler)

France, 1907 : Passer la vie sans souci et sans fatigue.

Douce (s’en offrir une)

Virmaître, 1894 : V. Bataille des Jésuites. N.

Douce affaire

Delvau, 1864 : L’affaire de cœur, c’est-à-dire du cul, douce à faire, en effet, bien que ses suites soient quelquefois amères. — Se donner, ou se coller une douce : se masturber.

Le portrait ravissant, l’image enchanteresse
Qu’en tout temps je me fais de ton con, de ta fesse,
De ta motte, des poils, blonds ou noirs, mais soyeux,
Qui viennent mollement frisotter auteur d’eux,
À mon organe cause une telle secousse,
Que j’ai beau tous les jours me coller une douce,
Dans mes rêves ton con m’agace et me poursuit.
Et me fait dans mes draps décharger chaque nuit…
Cette agitation me fatigue et me pèse :
Aussi, sans plus tarder, faut-il que je te baise.

Louis Protat. (Serrefesse.)

Doucette

Larchey, 1865 : Lime (Vidocq). — Allusion au travail de la lime qui opère tout doucement.

Delvau, 1866 : s. f. Lime, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Lime.

Virmaître, 1894 : V. Mordante.

France, 1907 : Lime ; argot des voleurs.

Douceur

d’Hautel, 1808 : En douceur. Avec mesure, circonspection, tout doucement.
La douceur. Sobriquet que l’on donne à un homme fort doux. Les soldats ont coutume de se donner entr’eux des sobriquets qui caractérisent leurs manières d’être. On appelle La douceur un soldat doux et complaisant ; Sans-Chagrin, un soldat d’une humeur facile et enjouée ; Va de bon cœur, un soldat ferme et courageux ; Bras de fer, celui qui a le poignet vigoureux, qui tire bien des armes, etc., etc.

La Rue, 1894 : Mettre quelqu’un en douceur, c’est le tromper ou le voler en le flattant.

France, 1907 : Tout ce qu’on mange avec son pain, dans l’argot des pauvres diables qui n’ont pas souvent quelque chose à étendre sur le leur.

Douceur (faire en)

France, 1907 : Voler ou tromper quelqu’un en le flattant ou le faisant boire. Se dit aussi pour tout acte vigoureux accompli sans violence.

Doué d’une force herculéenne, il considère comme une lâcheté de l’employer sans nécessité absolue. Si un malfaiteur qu’il arrête veut lui résister, il l’étreint… en douceur, et l’enlève comme une plume sans la moindre violence. Dans une bagarre, sa présence suffit pour ramener la paix. Il sépare placidement, écarte d’un revers de mains les combattants, et ramasse dans le tas celui qu’il cherche.

(G. Macé, Un Joli monde)

Douceur (le mettre en)

Rigaud, 1881 : Tromper quelqu’un avec de douces paroles ; voler quelqu’un en le flattant.

Douceurs

Delvau, 1866 : s. f. pl. Choses de diverse nature qu’on porte aux malades ou aux prisonniers, — aux uns des oranges, aux autres du tabac.

Douches (les)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Les mains.

Dougau

France, 1907 : Carcan que, dans le Midi, l’on met aux cochons pour les empêcher de passer à travers les haies. De l’espagnol dogal, cercle qu’on attache au cou des chevaux pour les conduire à l’abattoir.

Douillard

Delvau, 1866 : s. m. Homme riche, fourni de douille. Se dit aussi de quiconque a une chevelure absalonienne.

Virmaître, 1894 : Peut s’entendre de deux manières. Clovis Hugues a beaucoup de douilles (cheveux). Rothschild a beaucoup de douilles (argent) (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Celui qui a des douilles (cheveux).

Hayard, 1907 : Riche ; personne, travail ennuyeux.

Hayard, 1907 : Ennuyeux (arg. typo).

France, 1907 : Richard, ou homme chevelu.

Je suis un pauvre bougre et je m’en contrefiche,
Ça doit être souvent emmiellant d’être riche,
D’abord, dès sa jeunesse, ayant toujours été
Un douillard, être pris par la satiété,
Et comme on peut avoir tout ce que l’on désire,
S’apercevoir qu’en soi le désir même expire,
Et que dans votre cœur lassé, blasé de tout,
Il ne vous reste rien qu’un immense dégoût…

(André Gill)

Douillard chocolat

France, 1907 : Richard naïf.

Avec un douillard chocolat,
Fais-le broder s’il n’en a pas…

(Fais-lui faire des billets, s’il manque d’argent.)

(Hogier-Grison)

Douillard, douillarde

Rigaud, 1881 : Homme riche, femme riche.

Douille

un détenu, 1846 : Cheveux.

Larchey, 1865 : Cheveux. — Du vieux mot doille : mou, délicat. V. Roquefort. — Douilles savonnés : Cheveux blancs. — Douillure : Chevelure. — Douillette : Crin (Vidocq).

Larchey, 1865 : Argent.

Il y a de la douille à grinchir.

Paillet.

Du vieux mot double : monnaie. V. Roquefort. — Douiller : Donner de l’argent. — Douillard : Homme qui a de la douille.

Oh ! oh ! fit-il, un public ficelé ! rien que des hommes et des douillards.

De Pène.

Delvau, 1866 : s. f. Argent, monnaie, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Argent. — Douille fraîche, argent qu’on vient de recevoir.

Merlin, 1888 : (Voyez Galette).

La Rue, 1894 : Argent. Cheveux. Douiller du carme, payer. Douilles savonnées, cheveux blancs.

France, 1907 : Argent.

Du croquant fais une lessive,
Chope-lui cornant, douille et sive ;
Puis, si tu rebouinais l’arnac,
Défouraille, t’irais dans l’sac…

(Hogier-Grison)

Douiller

Rossignol, 1901 : Payer.

Je n’ai pas d’argent, douille pour moi, je te rembourserai.

Un individu qui a déjà été condamne a douillé (payé).

France, 1907 : Donner de l’argent. Douiller du carme, payer.

Le prodigue douille, la dupe casque, l’homme qui veut imposer la confiance éclaire, l’économe s’allonge, l’avare se fend jusqu’à s’écorcher.

(Lorédan Larchey)

Douiller, douiller du carme

Rigaud, 1881 : Donner de l’argent, payer, — dans le jargon des voleurs. Encore un qui ne douille pas souvent avec les aminches : faut toujours lui rincer le bec !

Douilles

anon., 1827 : Cheveux.

Bras-de-Fer, 1829 : Cheveux.

Clémens, 1840 : Cheveux.

Halbert, 1849 : Cheveux.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Cheveux, — dans le même argot [des voleurs et des faubouriens]. Douilles savonnées. Cheveux blancs.

Merlin, 1888 : Cheveux.

Virmaître, 1894 : Cheveux (Argot du peuple). V. Alfa.

Rossignol, 1901 : Cheveux ; celui qui en a beaucoup est riche en douilles.

Hayard, 1907 : Cheveux.

France, 1907 : Cheveux. Douilles savonnées, cheveux blancs. On dit aussi douillards.

Viv’ la gaité ! J’ai pas d’chaussettes ;
Mes rigadins font des risettes ;
Mes tas d’douillards m’servent d’chapeau.

(Jean Richepin, Chanson des Gueux)

anon., 1907 : Cheveux.

Douilles (les)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Les cheveux.

M.D., 1844 : Les cheveux.

Douilles savonnées

Virmaître, 1894 : Cheveux blancs. Lorsque les cheveux commencent à grisonner, la chevelure est poivre et sel (Argot du peuple). N.

Douilles, douillets

Rigaud, 1881 : Cheveux. La partie de la tête que recouvrent les cheveux est très sensible ; d’où le mot douillet.

Y veut s’ garantir les douillets.

(Le Parfait catéchisme poissard.)

Douilles savonnés, cheveux blancs. Piger les douilles, prendre aux cheveux, tirer les cheveux.

Douillet

Delvau, 1866 : s. m. Crin, crinière.

La Rue, 1894 : Innocent. Crin.

Douillet, douille-mince (jamais)

Rigaud, 1881 : Innocent, — dans le jargon des voleurs.

Douillet, douillette

Rigaud, 1881 : Crin, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Crin, crinière.

Douillette

France, 1907 : Figure.

Douillettes

Rigaud, 1881 : Figues, en terme des halles.

Douillure

Delvau, 1866 : s. f. Chevelure.

France, 1907 : Chevelure.

Douleur

d’Hautel, 1808 : À la chandeleur, les grandes douleurs. Parce qu’à cette époque les froids sont ordinairement le plus piquans.

Douleur (étrangler la)

La Rue, 1894 : Boire un verre d’eau-de-vie.

France, 1907 : Boire un verre d’eau-de-vie. La consolation est, en effet, au fond du verre.

Douleur (papier à)

Rigaud, 1881 : Papier timbré, protêt, congé par huissier, — dans le jargon du peuple.

Douliet (les)

M.D., 1844 : La barbe.

Douloureuse

Rigaud, 1881 : Dans le « pittoresque argot parisien de bas étage, la douloureuse est tout simplement la carte à payer, autrement dit l’addition. » (X. de Montépin, Le Fiacre no 13.)

La Rue, 1894 : La carte à payer.

Rossignol, 1901 : Note à payer.

France, 1907 : Note à payer.

On arrive au bal de l’Opéra, tout frais, tout mignon, tout pimpant, bien brossé, plein d’illusions, et l’on s’en retourne couvert de poussière, harassé, avec sa blanchisseuse ou la fille de sa concierge au bras, supercherie dont on ne s’aperçoit qu’au moment de la douloureuse, et l’on rentre chez soi avec cinq louis de moins dans son porte-monnaie, quelquefois avec un œil au beurre noir, un mal de tête atroce, et, malgré cela, avec l’envie de recommencer le samedi suivant.

(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais jeune homme à sa Nini)

Je vous jure que c’est odieux, attristant au delà de tout de ne pouvoir ainsi jamais s’abandonner aux tentations qui vous assaillent autant qu’un saint Antoine, croire à rien de ce qui vaut la peine de s’emballer, de ce qui sent un peu l’amour, de demeurer sans trêve sur le qui-vive, d’avoir cette perpétuelle arrière-pensée que ces regards alliciants, ces frôlements pervers, cette gentillesse, ces détraquantes coquetteries, ces lèvres qui s’offrent sont une comédie, un long mensonge, qu’on se fiche de l’homme, qu’on lui monte, comme on dit, un bateau, qu’on ne pense qu’à lui tendre un piège, qu’à profiter de sa faiblesse, qu’à acquitter en monnaie de singe une douloureuse dont on est embarrassée et devant laquelle renâcle l’amant peut-être aux abois.

(Champaubert, Le Journal)

Douloureuse (la)

Virmaître, 1894 : La carte à payer. Quand on paye c’est toujours douloureux, c’est l’éternel quart d’heure de Rabelais (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Note de restaurant.

Dousse

Halbert, 1849 : Fièvre, attouchement personnel.

Rigaud, 1881 : Fièvre, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Fièvre.

Doussin

Halbert, 1849 : Plomb.

Delvau, 1866 : s. m. Plomb, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Plomb. Doussiner, plomber, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Plomb.

Virmaître, 1894 : Plomb (Argot des voleurs). V. Gras double.

Hayard, 1907 : Plomb.

France, 1907 : Plomb.

Doussiné, ée

Halbert, 1849 : Plombé, plombée.

Doussiner

France, 1907 : Plomber.

Doutance

France, 1907 : Doute.

Doux

d’Hautel, 1808 : Du doux. Nom que le peuple de Paris donne à toutes les liqueurs huileuses, sucrées et agréables à boire ; comme il dit du rude, en parlant de toutes liqueurs fortes.
Doux comme un agneau. Se dit quelquefois par ironie de quelqu’un qui a trop de foiblesse, qui se laisse aller à tout vent.
Ce qui est amer à la bouche est doux au cœur. Se dit par plaisanterie aux enfans qui répugnent à prendre quelque médicament.
Un médecin d’eau-douce. Pour, un mauvais médecin.
Il a avalé cela doux comme lait. C’est-à-dire, il a pris cela sans rien dire ; il ne s’est pas aperçu du tour qu’on alloit lui jouer.
Filer doux. Souffrir patiemment une injure ; être soumis aux ordres de quelqu’un que l’on craint.

Delvau, 1866 : s. m. Crème de menthe, anisette, vespétro, etc., — dans l’argot des bourgeoises.

Doux (du)

Rigaud, 1881 : Liqueur douce. Un verre de doux.

Doux (un verre de)

Larchey, 1865 : « Un verre de liqueur sucrée, par opposition à un verre de liqueur forte ou de rude. »

d’Hautel, 1808.

France, 1907 : Un verre de liqueur.

Doux larcin

Delvau, 1866 : s. m. Baiser, — dans l’argot des académiciens, qui traitent l’Amour d’« aimable voleur de cœurs ».

France, 1907 : Acompte pris avant le mariage.

Douzaine

d’Hautel, 1808 : La couple vaut mieux que la douzaine. Voy. Couple.
On dit, par ironie, d’un mauvais poëte, d’un mauvais écrivain, d’un artiste médiocre, que c’est un poëte, un écrivain, un artiste, à la douzaine.
Et, dans un sens opposé, pour dire qu’un sujet, qu’un objet est rare, estimable, qu’il n’y en a pas treize à la douzaine.

France, 1907 : Les douze jurés. On pourrait dire souvent douzaine d’idiots, car, comme l’écrivait Edmond Lepelletier, on se demande avec effarement, devant certains verdicts inouïs, ce qui se cache dans la caboche de ces gens-là, qui, disait Victor Hugo, « s’étant faits riches pour avoir vendu à faux poids, sont faits jurés par la loi. »

Drachi

France, 1907 : Grappe de raisin après qu’elle a été pressée dans la drasque.

Drag

France, 1907 : Course où les cavaliers suivent un chef de file qui attache quelque chose à la queue de son cheval ; anglicisme et anglomanie.

Dragée

d’Hautel, 1808 : Il a reçu la dragée. Locution méchante et railleuse, en parlant d’une personne qui a été atteinte d’une balle, qui a été blessée dans une affaire.
Il a avalé la dragée. Se dit d’une personne à laquelle on a joué quelque tour, sans qu’elle s’en apperçut ; qui est tombée dans le piège qu’on lui tendoit.
Écarter la dragée. Laisser échapper, en parlant à quelqu’un, quelques petites parties de salive ; ce qui est fort désagréable pour celui qui en est atteint.

Larchey, 1865 : Balle. — Allusion à la forme.

Il a reçu la dragée : Il a été atteint d’une balle.

d’Hautel, 1808.

Delvau, 1866 : s. f. Balle, — dans l’argot des troupiers. Recevoir une dragée. Être atteint d’une balle. On dit aussi Gober la dragée.

Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voyous. Se piquer la dragée, se griser.

Y li a foutu un va-te-laver sur le mufle qui lui a escarbouillé la dragée et dévissé trois dominos.

Rigaud, 1881 : Balle, — dans le jargon des troupiers. Des dragées qu’on distribue aux baptêmes de feu.

Merlin, 1888 : Balle.

France, 1907 : Balle.Gober une dragée, recevoir une balle.

Drageoires

Virmaître, 1894 : Les joues (Argot des voleurs). V. Jaffles.

France, 1907 : Les joues.

Dragiste

Rigaud, 1881 : Ouvrier confiseur spécialement chargé de la fabrication des dragées.

Dragon

d’Hautel, 1808 : C’est un vrai dragon. Terme de mépris qui se dit d’une femme éveillée, hardie, qui n’a ni décence, ni vertu, ni pudeur.

Dragon de vertu

France, 1907 : Femme d’une vertu austère et farouche à l’extérieur, et, au fond… putain comme chausson.

— Tu ne feras plus le dragon, belle brunette.

(Favart)

Dragonne (faire la cour à la)

France, 1907 : Aller droit au but en amour ; ne pas s’arrêter aux balivernes du sentiment ; au besoin, prendre d’assaut.

Soudain, mes regards ayant cherché ceux de la fillette que j’aimais, afin d’y trouver une muette approbation, pleine de douceurs pour moi, je la vis, dans un coin sombre de la pièce, qui embrassait à pleine bouche, à la dérobée, une espèce de rustre un peu plus âgé que moi, lequel lui faisait la cour à la dragonne.

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

À plus d’une gentill’ friponne
Maintes fois j’ai fait la cour,
Mais toujours à la dragonne ;
C’est vraiment l’chemin l’plus court,
Et j’disais, quand une fille un peu fière
Sur l’honneur se mettait à dada ;
« N’tremblons pas pour ça,
Car ces vertus-là,
Tôt ou tard,
Finiss’nt par
S’laisser faire. »

(E. Debraux, Fanfan La Tulipe)

On dit aussi : à la hussarde.

Dragons

France, 1907 : Voyez Aller voir défiler les dragons.

Dragons (aller voir défiler les)

Rigaud, 1881 : Jeûner forcément. À l’heure du déjeuner, les ouvriers qui n’ont ni argent ni crédit chez le marchand de vin disent :

Nous allons les voir défiler.

Drague

M.D., 1844 : Médecin.

Halbert, 1849 : Chirurgien, drille.

Delvau, 1866 : s. f. Attirail d’escamoteur, tréteaux de charlatan, — dans l’argot des faubouriens, qui savent avec quelle facilité les badauds se laissent nettoyer les poches.

Rigaud, 1881 : Fonds de commerce de saltimbanque ; le métier de banquiste lui-même.

Il avait pris des associés et monté une drague.

(J. Vallès.)

Virmaître, 1894 : Le médecin. Allusion à la drague qui nettoye la Seine. Le médecin de prison qui a le purgatif facile, drague les intestins des malades qui sont au castu (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Médecin, charlatan, marchand d’onguent.

France, 1907 : Le médecin. Il drague les intestins.

France, 1907 : Fonds de saltimbanque, baraque de foire, table d’escamoteur, enfin tout ce qui sert à draguer l’argent des badauds.

Dragueur

Larchey, 1865 : Banquiste (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Charlatan, escamoteur, saltimbanque.

Rigaud, 1881 : Saltimbanque.

France, 1907 : Saltimbanque, banquiste, escamoteur.

Drainer

Fustier, 1889 : Ruiner. Le mot est expressif et fait image.

— Il se fera remisier ou il vendra des lorgnettes. — À moins qu’il n’épouse Coralie quand elle aura drainé le planteur et le fils du fabricant.

(Du Boisgobey : Paris-Bandit.)

Drap

d’Hautel, 1808 : La lisière est pire que le drap. Se dit familièrement pour faire entendre que les habitans des frontières d’une province auxquels on attribue certains défauts, sont pires que ceux de l’intérieur de la province même.
Mettre quelqu’un dans de beaux draps. Le mettre dans l’embarras ; lui causer de la peine ; lui jouer de mauvais tours.
Les plus riches ainsi que les plus pauvres n’emportent qu’un seul drap en mourant. Maxime dont les humains ne peuvent se pénétrer.
On dit d’un homme qui veut tout envahir, qu’Il veut avoir le drap et l’argent.
Tailler en plein drap.
Agir d’après ses propres volontés ; tailler et rogner librement dans une affaire.

France, 1907 : Apocope de drapeau, dans l’argot des polytechniciens.

Drap (manger du)

France, 1907 : Jouer au billard.

Drap mortuaire

Fustier, 1889 : Filet. Argot des braconniers.

La perdrix grise est ensevelie chaque jour dans le drap mortuaire.

(France, octobre 1885.)

Drapeau

d’Hautel, 1808 : Il ne se soutient non plus qu’un drapeau mouillé. Se dit d’un homme dont la foi blesse est telle, qu’il ne peut se soutenir.

Delvau, 1866 : s. m. Serviette, — dans l’argot des francs-maçons. Grand drapeau. Nappe.

Rigaud, 1881 : Serviette, — dans le jargon des francs-maçons. — Grand drapeau, nappe.

Rigaud, 1881 : Drap de lit. Être sous les drapeaux, être couché.

France, 1907 : Serviette ; argot des francs-maçons. Grand drapeau, nappe.

Drapeau (être de garde au)

Rigaud, 1881 : « Dans le jargon pittoresque des garnisons, on a donné à cette expression une acception que les règlements militaires n’avaient point prévue. Un officier est de garde au drapeau quand il est aux arrêts. On dit aussi qu’un camarade est de garde au drapeau lorsqu’il ne paraît pas le soir à la pension, et qu’il y envoie chercher par son ordonnance un dîner pour deux. » (Fr. de Reifienberg, La Vie de garnison.) Dans le monde de la bourgeoisie, on dit du mari qui est obligé d’accompagner sa femme en soirée ou de rester à la maison auprès de madame, qu’il est de garde au drapeau.

Drapeau rouge

France, 1907 : Menstrues. Mettre de drapeau rouge, avoir ses menstrues ; argot des ouvrières.

— Qui va danser à l’Alcazar, ce soir ?
On répondit :
— Moi !… Moi !… Moi !…
Clara reprit :
— J’irais bien, moi. Seulement, je ne danserai pas beauconp. Comme c’est le 14 Juillet, j’ai mis le drapeau rouge.
— Tiens ! moi aussi, fit une blondine de vingt ans, pâle de chlorose, qu’on appelait Lucie.
Et la première de l’atelier, la « contre-dame », comme on dit là-bas, déclara :
— Moi aussi !
On riait. Maria Dambre, qui seule n’avait pas compris, questionna de sa voix de fausset, tout en faufilant un jupon :
— Qu’est-ce que c’est donc que le drapeau rouge ?

(Marcel Prévost, Gil Blas)

On dit aussi dans le même sens : voir éclore la rose rouge.

Drapeau, drap de lit (planter un)

Hayard, 1907 : Ne pas payer ses dettes.

Drapeaux

Delvau, 1866 : s. m. pl. Couches, langes de nouveau-né, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce mot depuis quelques siècles.

Draper

d’Hautel, 1808 : Draper quelqu’un. Le censurer, lui faire de vives réprimandes ; l’invectiver.

Drègue

France, 1907 : Une des formes de l’argot, consistant à placer ce mot en le modifiant avant et après chaque mot que l’on veut rendre inintelligible.

Drès, drez

France, 1907 : Vieux français pour dès, aussitôt que, en usage dans nombre de provinces.

— Ce n’est pas ben loin qu’i’ demeure : drez que j’aurons bu ça, j’irons. Allons, Babet, achève, pis partons.

(Vadé)

Dresser

d’Hautel, 1808 : Dresser une batterie. Tendre un piège ; se mettre en mesure pour assurer le succès d’une affaire.
Cela fait dresser les cheveux de la tête. Métaphore de mauvais goût. Pour, cela fait horreur.
Un bon oiseau se dresse de lui-même. Signifie que lorsqu’on est né avec des dispositions, l’instruction est bien moins pénible.

Delvau, 1864 : Venir en érection.

Enfin tant que nous sommes,
Combien de membres d’hommes
Nous avons fait dresser.

(Cabinet satyrique.)

Drille

d’Hautel, 1808 : Un vieux drille. Un homme qui, après avoir fait des siennes dans sa jeunesse, mène encore une vie déréglée dans un âge avancé.

anon., 1827 : Soldat.

Bras-de-Fer, 1829 : Soldat.

France, 1907 : Pièce de cinq francs.

France, 1907 : Diarrhée.

France, 1907 : Compagnon charpentier.

Drin

France, 1907 : Peu.

Dringue

Delvau, 1866 : s. f. Ventris fluxus, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Pièce de cinq francs, — dans le jargon des voleurs. Une dringue tarte refroidie sur le zinc du mastroc, une fausse pièce de cinq francs clouée sur le comptoir du marchand de vin.

Fustier, 1889 : Vêtement, redingote.

La Rue, 1894 : Pièce de 5 francs. Diarrhée. Peur.

Virmaître, 1894 : Pièce de cinq francs en argent (Argot des voleurs). V. Tune.

Rossignol, 1901 : Pièce de 5 francs.

France, 1907 : Pièce de cinq francs.

France, 1907 : Peur, diarrhée.

Drive (être en)

Rigaud, 1881 : Tirer une bordée, prolonger de son autorité une permission, — dans l’argot de la marine. Drive est par altération pour dérive.

France, 1907 : Être en bordée ; argot des marins.

Droguage

France, 1907 : « Souvent, dans les courses de chevaux, les jockeys et même les propriétaires font administrer aux pauvres bêtes une drogue quelconque qui les fait s’arrêter, tremblant la fièvre et demi-mortes, à quinze cents mètres du point de départ ; cela se nomme le droguage. »

Drogue

d’Hautel, 1808 : Repasser la drogue. Locution basse et triviale qui signifie charger quelqu’un d’une chose difficultueuse et désagréable, d’une corvée ; lui faire supporter le fardeau d’une affaire.
On dit d’un charlatan, d’un homme qui met un trop grand prix à ses services, qu’il fait bien valoir sa drogue.

Larchey, 1865 : Mauvaise femme. — On dit souvent drogue pour une chose de mauvaise qualité.

Delvau, 1866 : s. f. Jeu de cartes, — dans l’argot des troupiers, qui condamnent le perdant à porter sur le nez un petit morceau de bois fendu. Faire une drogue. Jouer cette partie de cartes.

Delvau, 1866 : s. f. Femme acariâtre, et, de plus, laide, — dans l’argot du peuple, qui a de la peine à avaler ces créatures-là. Se dit aussi d’un Homme difficile à vivre.

Delvau, 1866 : s. f. Chose de mauvaise qualité, étoffe inférieure, camelote, — dans l’argot des bourgeois, qui se rappellent le droguet de leurs pères.

Rigaud, 1881 : Coquine, méchante femme. — Petite drogue, petite-coureuse.

France, 1907 : Sorte de jeu de cartes dans les chambrées ou les corps de garde.

France, 1907 : Article de mauvaise qualité et, par extension, femme également de qualité inférieure. Vieille drogue, sale drogue, variante de vieille gueunon. Petite drogue, petite coureuse ou petite taquine.

Drogué

M.D., 1844 : Demander.

Droguer

d’Hautel, 1808 : Ce verbe construit avec faire, signifie être retenu malgré soi dans un lieu où l’on n’est pas à son aise ; y attendre quelqu’un ; planter le piquet.
Il m’a fait droguer plus d’une heure dans la rue. Pour, il m’a fait attendre pendant long-temps ; il m’a fait niaiser ; lambiner ; bayer aux mouches.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Mendier.

Halbert, 1849 : Demander.

Larchey, 1865 : Dire. V. Girofle.

Larchey, 1865 : Attendre infructueusement : — Métaphore empruntée au jeu de la drogue.

Vous droguez nuit et jour autour de sa maison.

G. Sand.

Il m’a fait droguer plus d’une heure dans la rue.

d’Hautel, 1808.

Delvau, 1866 : v. n. Demander, — dans l’argot des voleurs, qui savent qu’on attend toujours, et quelquefois longtemps, une réponse.

Delvau, 1866 : v. n. Attendre, faire le pied de grue, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Mendier. (1829.)

Rigaud, 1881 : Attendre depuis longtemps, faire le pied de grue. — Faire droguer, faire attendre.

La Rue, 1894 : Dire. Demander. Attendre.

Virmaître, 1894 : Demander. Allusion à droguer, attendre.
— Voilà deux heures que ce pierrot-là me fait droguer pour la peau (Argot du peuple et des voleurs).

Hayard, 1907 : Attendre.

France, 1907 : Demander ; argot des voleurs.

France, 1907 : Attendre en faisant les cent pas.

Droguerie

Delvau, 1866 : s. f. Demande.

France, 1907 : Demande.

Drogueur

M.D., 1844 : Mendiant.

Drogueur de bretelles

M.D., 1844 : Mendiant de naissance.

Drogueur de la haute

Delvau, 1866 : s. m. Escroc habile, qui sait battre monnaie avec des histoires.

Rigaud, 1881 : Escroc qui exploite la crédulité publique au moyen de prétendues souscriptions financières ou patriotiques, de quêtes, de loteries, d’indulgences, de fausses eaux de Lourdes, etc., etc…

Virmaître, 1894 : Voleur du grand monde (Argot des voleurs).

France, 1907 : Escroc beau parleur, qui sait monter le coup aux dupes, leur faire avaler la pilule en la dorant

Droguiste

Rigaud, 1881 : Escroc, filou qui exerce à domicile en cherchant à apitoyer les âmes aussi sensibles que crédules. C’est une forme nouvelle de drogueur.

La Rue, 1894 : Escroc qui exploite la charité au moyen de fausses souscriptions, etc.

France, 1907 : Escroc qui se fait donner de l’argent à domicile à l’aide ce fausses souscriptions.

Droit

d’Hautel, 1808 : Cela est droit comme mon bras quand je me mouche. Se dit par raillerie de quelque chose qui va de travers.
Où il n’y a rien le roi perd ses droits. Pour dire qu’il ne faut pas intenter de procès aux gens qui sont insolvables.
Droit comme un échalas ; comme un cierge. Se dit par raillerie d’un homme qui a le maintien roide et affecté.
Droit comme la jambe d’un chien. Se dit figurément de quelque chose mal fait et tortu.
C’est son bras droit. Pour dire c’est l’homme qui dirige tous ses travaux ; à qui il doit toute sa réputation.

Droit de ménage

France, 1907 : Acte conjugal que les femmes mariées réclament comme un droit, et qui est souvent pour l’époux un devoir difficile à remplir.

— Et le droit de ménage ?
— Ah ! ma chère… fini, ou du moins si rare…
— Comment, ton mari est jeune encore !
— Oui, mais je crois qu’il court la pretantaine.
— Fais comme moi : j’ai un bon procédé pour empêcher le mien de courir… je lui casse la patte tous les matins.

Droite

d’Hautel, 1808 : Il ne connoît pas sa main gauche d’avec sa main droite. Se dit par mépris d’un ouvrier inhabile, d’un homme peu exercé dans son état, et qui a la manie, le sot orgueil de faire l’entendu dans tout.

Droite (aller à, être à)

Rigaud, 1881 : Aller aux cabinets d’aisances, être aux cabinets d’aisances, — dans le jargon des employés de commerce.

Droitier

France, 1907 : Membre de la droite de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire réactionnaire et clérical. Hâtons-nous d’ajouter que tous les réactionnaires et les cléricaux ne sont pas assis à la droite.

Le grand crime des droitiers, qui s’allient aux plus impurs chéquards et aux plus cyniques non-lieu pour organiser le monstrueux régime qui commence à fonctionner, est précisément de rendre impossible cette conciliation de tous les Français qui auraient fini par se supporter réciproquement.

(Édouard Drumont, La Libre Parole, 1894)

D’la tribune à la buvette,
Les gauchers et les droitiers
Vont avaler des d’mi-s’tiers,
Ou bien tailler un’ bavette,
Oh ! dis-moi, simple électeur,
Tu n’connais pas ton bonheur.

(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)

Drôle

d’Hautel, 1808 : C’est un drôle de corps. Pour dire un plaisant original ; un homme bizarre et ridicule.
Drôle. Terme d’injure, que l’on adressé à quelqu’un dans un moment de colère. Drôle que tu es, je t’apprendrai à vivre.
Il se donne aussi à un fainéant, à un bretteur, à un aventurier, un vaurien.

Drôle (pas ou peu)

Delvau, 1866 : adj. Expression de l’argot du peuple, qui l’emploie à propos de tout et de rien, d’un événement qui l’afflige ou d’une histoire qui l’ennuie, d’une bretelle qui se rompt ou d’une tuile qui tombe sur la tête d’un passant, etc., etc.

Drôle (pas)

Larchey, 1865 : Très-malheureux. — Expression singulière, dont le peuple de Paris connaît seul la valeur saisissante. Si quelqu’un est frappe par un accident grave, on le plaint par ces mots : « Le pauvre homme ! ça n’est pas drôle ! » Un homme sans ressources dira : « Je ne sais si je mangerai ce soir, et ça n’est pas drôle. »

Et ça vous fiche des coups… — Ça c’est peu drôle.

Gavarni.

Drôlerie

d’Hautel, 1808 : Des drôleries. Pour dire des friandises, des choses de fantaisie ; des frivolités.
Drôlerie, au propre signifie boufonnerie, goguenarderie, gaillardise, bagatelle divertissante.

Drôlesse

d’Hautel, 1808 : Terme insultant et de mépris, qui équivaut à coureuse, femme dévergondée, de mauvaise vie.

Delvau, 1864 : Fille ou femme de mœurs plus que légères — qui souvent n’est pas drôle du tout, à moins qu’on ne considère comme drôleries les chansons ordurières qu’elle chante au dessert.

Mais tout n’est pas rose et billets de mille francs dans l’existence phosphorescente, fulgurante, abracadabrante de ces adorables drôlesses, qui portent leurs vingt ans sans le moindre corset.

A. Delvau.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, concubine, — dans l’implacable argot des bourgeoises, jalouses de l’empire que ces créatures prennent sur leurs maris, avec leur fortune.

Delvau, 1866 : s. f. Habitante de Breda-Street, ou de toute autre Cythère, — dans l’argot des bourgeois, qui ont la bonté de les trouver drôles quand elles ne sont que dévergondées.

France, 1907 : Nom que des femmes vertueuses, ou supposées telles, donnent généralement à celles qui ne le sont pas. Mais à quoi tient la vertu des femmes : une affaire de tempérament, ou encore, comme l’a écrit La Rochefoucauld, l’amour de leur réputation et de leur repos.
Léon Rossignol, dans les Lettres d’un mauvais jeune honme à sa Nini, définit ainsi la drôlesse :
« C’est une femme qui quitte un beau soir l’atelier de son père, ou la loge de sa tante, et qu’on retrouve quinze jours après à Mabille ou dans les avant-scènes des Variétés, couverte de velours, de soie, de bijoux et de dentelles, que son déshonneur a payé trop largement. Elle adorait hier le pot-au-feu et le pain bis de la famille, elle les devorait, — l’honnêteté lui servait d’absinthe. Aujourd’hui, elle grignote du bout des dents les pains viennois et les perdreaux truffés des restaurants en vogue, et insulte les garçons. Elle sent le vice, elle se maquille, elle dégoûte. »

Salomon, repu de mollesses,
Étudiant les tourtereaux,
Avait juste autant de drôlesses
Que Leonidas de héros !

(Victor Hugo, Chansons des rues et des bois)

La Victoire est une drôlesse ;
Cette vivandière au flanc nu
Rit de se voir mener en laisse
Par le premier goujat venu.

(Ibid.)

Rien n’est plus rigolo que les petites filles,
À Paris. Observez leurs mines, c’est divin,
À dix, douze ans, ce sont déjà de fort gentilles
Drôlesses qui vous ont du vice comme à vingt.

(André Gill, La Muse à Bibi)

Drolibus

d’Hautel, 1808 : C’est drolibus. Manière burlesque de dire que quelque chose est fort, drôle, qu’il prête éminemment à la risée.

Drôlichon, drôlichonne

France, 1907 : Amusant, drôle.

— Ah ! vous voulez parler de la petite Adèle ? Elle était si gentille, toute rose, toute blonde, toute gaie, toute drôlichonne ; toujours les yeux ensoleillés de joie, elle riait et chantait de l’aube au crépuscule… Mais il y a deux ans de cela. Maintenant, elle ne rit ni ne chante plus.

(Les Propos du Commandeur)

Drôlichon, ne

Delvau, 1866 : adj. Amusant, drôle, — dans l’argot du peuple.

Dromadaire

Rigaud, 1881 : Femme de mauvaise vie, c’est une variante pour ne pas toujours dire : chameau.

France, 1907 : Fille on femme de mauvaise vie. Variété de chameau. C’était le nom que l’on donnait aux soldats du premier Empire qui avaient fait la campagne d’Égypte.

Drouillasse

France, 1907 : Diarrhée.

Après avoir boustifaillé et liché pendant une heure d’horloge sans arrêter, le bon curé se leva soudain de table, pris d’une drouillasse carabinée.

(Les Propos du Commandeur)

Dru

d’Hautel, 1808 : Boire dru. Pour dire avec intrépidité ; faire sauter quelques bouchons sans aller de travers.
Avaler quelque chose dru comme mouche. Se dit d’un gourmand, d’un glouton qui mange avidement, et qui, comme on dit, ne fait que tordre et avaler.
Dru. Pour gai, joyeux.
C’est un dru. Se dit d’un compagnon gaillard, et toujours en belle humeur.

Du même tonneau

Virmaître, 1894 : La même chose. Un homme politique veut tout réformer, il fait de belles promesses à ses électeurs et ne fait pas mieux que ses devanciers. C’est du même tonneau. Du vin à douze ou du vin à seize, Bordeaux ou Bourgogne : C’est du même tonneau (Argot du peuple). N.

Du vent

France, 1907 : Refus ironique, synonyme de : de la mousse, de l’anis, des navets, des nèfles, du flan !

Du vent ! de la mousse !

Larchey, 1865 : Rien pour toi ! — Vent signifie ici vesse. — V. Mousse.

Delvau, 1866 : Phrase de l’argot des faubouriens, qui l’emploient fréquemment en réponse à quelque chose qui leur déplaît ou ne leur va pas. Ils disent aussi, soit : De l’anis ! soit : Des navets ! soit : Des nèfles ! soit : Du flan !
Qu’on ne croie pas l’expression moderne, car elle a des chevrons : « Si on la loue en toutes sortes de langues, elle n’aura que du vent en diverses façons, » dit La Serre, historiographe de France, dans un livre adressé à mademoiselle d’Arsy, fille d’honneur de la reine (1638).

Duc

Fustier, 1889 : Grande voiture se rapprochant de la Victoria. Le duc est à deux places avec un siège par derrière et un par devant pour deux domestiques sur chaque. — Petit chapeau rond, de la forme du melon et que portent les souteneurs qui ont des prétentions à l’élégance.

France, 1907 : Voiture à deux places, avec un siège par derrière et un par devant pour deux domestiques sur chaque. « Ce qui fait quatre larbins pour deux pantes. C’est beaucoup trop. » On appelle aussi duc un chapeau melon.

Duc de Guiche

Delvau, 1866 : s. m. Guichetier, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Guichetier. À l’instar des anciens ducs féodaux, il règne sur ses vassaux : — les prisonniers (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Guichetier.

France, 1907 : Guichetier, Chef du guichet.

Duc de la panne

France, 1907 : Nécessiteux qui fait le grand seigneur.

Ducasse

France, 1907 : Fête de village dans les départements du Nord et dans le Brabant. Ce qu’on nomme assemblée dans le centre, pardon en Bretagne, vogue dans le Dauphiné, festin en Provence et kermesse en Belgique.

Les galants en appétit de sa chair sanguine et drue ne lui manquaient pas. Aux ducasses, les mains qui la chatouillaient aux aisselles lui avaient révélé le sournois désir des drilles, ses danseurs…
On était à la veille de la ducasse. Depuis une semaine, les gens du village échaudaient leurs maisons, peinturluraient leurs portes, éherbaient sur la haie les linges de fête.

(Camille Lemonnier)

Duce

Rigaud, 1881 : Signes conventionnels et indicatifs que pratiquent au jeu les grecs entre eux. C’est ce qu’ils nomment encore la télégraphie. Vient de dux, ducere conducteur, conduire. Le duce règle la conduite du grec au jeu.

Le dusse (sic) se varie à l’infini, et les grecs qui, dans une partie, craignent d’avoir été remarqués, changent de système pour le lendemain.

(A. Cavaillé, Les Filouteries du jeu.)

France, 1907 : On appelle ainsi l’ensemble des signes conventionnels que se font les grecs pour tricher au jeu.

Duce (envoyer le)

Rossignol, 1901 : Signe. Le complice d’un escroc au jeu de cartes en voie le duce à son compère, pour lui dire la carte qu’il doit jouer.

Duce (le)

La Rue, 1894 : L’ensemble des signes conventionnels et indicatifs que se font les grecs associés pour tricher.

Duchène

d’Hautel, 1808 : Le père Duchène. Nom apocryphe d’un vil folliculaire qui, pendant les troubles de la révolution, et à la faveur d’un style bas, grossier, trivial et populaire, vomissoit, dans une feuille ainsi intitulée, des imprécations et de sanglantes injures contre les premières autorités de l’état.
Le peuple a fait justice de cet écrivain incendiaire, en le livrant au mépris qu’il mérite ; et lorsqu’il veut parler d’une rage vaine, d’un cour roux impuissant et dont on a n’a rien à redouter, il dit : c’est la colère du père Duchène.

Duchêne (passer à)

Rigaud, 1881 : Payer, — dans le jargon des barrières. C’est-à-dire se faire arracher une dent. Duchêne est le nom d’un très populaire et très habile dentiste, le Calvin de la mâchoire. Maintenant que nous avons bouffé, faut passer à Duchêne ; garçon ! la craie.

France, 1907 : Se faire extraire une dent. Allusion à un fameux dentiste de ce nom.

Duchesse

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chef femelle d’une bande de voleurs.

La Rue, 1894 : Femme d’un chef de bande.

France, 1907 : Femme où maitresse d’un chef de bande, ou femme dirigeant une bande. Le mot date du moyen âge, où les bohémiens donnaient à leurs chefs le titre de duc, du latin dux, conducteur.

Duconneau

Virmaître, 1894 : Être niais.
— Tu es plus bête que celui d’où tu sors (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Niais : facile à duper.

— Eh ! bonjour, monsieur Duconneau,
Que vous êtes joli, que vous me semblez beau !

Duffer

France, 1907 : Cheval de course engagé dans le seul but de faire parier, et retiré dès que son propriétaire aura réalisé un bénéfice par ce moyen. Anglicisme.

Dulcinée

d’Hautel, 1808 : Faire la dulcinée du Toboso. Expression ironique dont on se sert pour peindre une bégueule, une mijaurée, une femme qui s’en fait trop accroire.
Dulcinée, est aussi le nom que l’on donne à une femme galante, à une maîtresse, à une donzelle.

Delvau, 1864 : Maîtresse ; femme entretenue ; fille publique.

Ma dulcinée est-elle venue ?

Auguste Ricard.

Larchey, 1865 : Maîtresse. — Dû à la vogue du roman de Cervantes.

Une mijaurée qui s’en fait accroire fait la Dulcinée du Toloso. — Dulcinée veut dire aussi une femme galante, une donzelle.

d’Hautel, 1808.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des bourgeois, qui cependant se garderaient bien de se battre pour la leur, même contre des moulins.

France, 1907 : Femme galante, mijaurée. Le nom vient de la maîtresse idéale de Don Quichotte, Dulcinée du Toboso.

Elle était de ces femmes qui, ne pouvant plus avoir d’amant, prennent un confesseur dans le secret espoir d’y rencontrer l’amant. « Faute de grives, on prend des merles », se dit l’abbé qui en un jour de jeûne, lorgnait ces restes ; mais cette Dulcinée le dégoûta, non parce qu’il en trouva les chairs trop molles, mais parce qu’elle avait la maladie des vieilles dont la vie a été oisive et nulle : la méchanceté, la médisance et la rageuse envie.

(Hector France)

Dumanet

Delvau, 1866 : s. m. Soldat crédule à l’excès, — dans l’argot du peuple, qui a conservé le souvenir de ce type de vaudeville, né le jour de la prise d’Alger.

France, 1907 : Ce nom, qui sert à désigner un soldat naïf et crédule, est un type du même vaudeville des frères Cogniard : La Cocarde tricolore, qui nous a fourni le type de Chauvin. Cette pièce, qui date du mois de mars 1831 et qui est un épisode de la prise d’Alger, eut un succès extraordinaire, et Dumanet comme Chauvin sont passés dans la langue.

Dun (parler en)

France, 1907 : Autre forme de l’argot, ou plutôt procédé de déformation argotique du même genre que drègue. Il consiste, dit Lorédan Larchey, à ajouter dun au mot prononcé en troquant l’n de dun contre la première lettre du rot si cette lettre est une consonne, et en l’ajoutant si c’est une voyelle. Non content de cette opération, on termine en redoublant après du la première syllabe. — « Ainsi, pour dire on ne voit pas, ils disent : nonduon nedue noiduvoit nadupas. Pour maladroit, ils disent naladroitdumal. » (Rabasse) Voilà bien du mal pour se rendre inintelligible.

Dunon (parler en)

France, 1907 : Même procédé de déformation argotique que le précédent, consistant ajouter dunon à chaque mot prononcé, en ayant soin de troquer l’n de dunon contre la première lettre du mot à prononcer. « Pour dire : bonjour, monsieur, ils disent : nonjour dubon nomsieur dumon. » (Rabasse)

Duo d’amour

La Rue, 1894 : Yeux pochés.

Virmaître, 1894 : Yeux pochés (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Les deux yeux pochés.

France, 1907 : Yeux pochés.

Duo sans musique

Delvau, 1864 : L’acte vénérien, qu’on accomplit à deux sans faire aucun bruit, sans sonner un seul mot, en se contentant de soupirer.

Dur

Larchey, 1865 : Fer (Vidocq).

Larchey, 1865 : Eau-de-vie. V. Chenique.

Pour faire place aux petits verres de dur.

Th. Gautier.

Delvau, 1866 : s. m. Fer, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Durin.

Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Raide.

Rigaud, 1881 : Vente difficile d’un livre, — en terme de libraire. Ce n’est pas un mauvais ouvrage, mais c’est dur.

Rigaud, 1881 : Fer, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie.

La Rue, 1894 : Fer. Eau-de-vie. Travaux forcés. Travailler sur le dur. Voler en chemin de fer.

Virmaître, 1894 : Il est au dur : en prison. C’est dur : pénible, difficile. C’est dur à digérer : grosse sottise ou blague impossible à avaler. Dur à cuire : vieux troupier qui ne ressent rien. Dur (être dans son) : être ce jour-là plus courageux qu’à l’ordinaire (Argot des voleurs).

France, 1907 : Travaux forcés.

— Un gars, le daron !… Il tire huit longes de dur pour avoir refroidi un ligordeau avec qui il avait eu de la renaude.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

France, 1907 : Foie de veau ou de bœuf, par opposition au poumon appelé mou.

France, 1907 : Fer.

France, 1907 : Eau-de-vie. On dit aussi raide.

Dur (aller au dur)

anon., 1907 : Aller en prison.

Dur (au)

Rigaud, 1881 : Travaux forcés.

Dur (brûler le)

anon., 1907 : Voyager sans billet.

Dur (être au)

Hayard, 1907 : En réclusion ; (être dans son), travailler avec énergie.

Dur (être dans son)

Rigaud, 1881 : Être très assidu à l’ouvrage, être dans le feu du travail. (Argot des typographes).

Boutmy, 1883 : v. Travailler avec une ardeur sans pareille. En général, c’est dans la semaine du batiau, quelques jours avant la remise du bordereau, que les ouvriers sont dans leur dur.

France, 1907 : Travailler avec ardeur ; argot des typographes.

Le compositeur est aux pièces, il n’est rétribué qu’en proportion de sa tâche, et son gain dépend de son assiduité. Ordinairement, lorsqu’il a des dettes, il travaille quelque temps avec ardeur et sans se déranger : c’est ce qu’il appelle être dans son dur.

(Jules Ladimir, Le Compositeur typographe)

Dur (le)

Rossignol, 1901 : Travaux forcés. Celui qui est condamné à cette peine est envoyé au dur, à la Nouvelle-Calédonie ou la Guyane.

Dur (travailler sur le)

France, 1907 : Voler en chemin de fer.

Dur à avaler

Delvau, 1866 : adj. Se dit — dans l’argot du peuple — d’une histoire invraisemblable à laquelle on se refuse à croire, ou d’un accident dont on a de la peine à prendre son parti. On dit aussi, dans le même sens : Dur à digérer.

France, 1907 : Chose difficile à croire.

— Dis donc, ma petite Irma, voilà la troisième fois cette semaine que tu vas poser des sangsues à ta tante, à Montmartre… la semaine dernière, tu as passé deux nuits chez ta cousine de Montrouge, qui venait d’accoucher…
— Eh bien ? qu’est-ce que tu me reproches ?
— Rien… mais c’est dur à avaler.

(Les Propos du Commandeur)

Dur à cuire

d’Hautel, 1808 : Un dur à cuire. Nom baroque et de mépris que les ouvriers donnent à leur maître, quand il montre de la résistance à leurs volontés ; qu’il sait se faire obéir et respecter.
Dur à la desserre. Voyez Desserre.
Il est dur comme du fer. Se dit d’un homme raisonnable que rien ne peut attendrir.
Quand l’un veut du mou, l’autre veut du dur. Se dit par comparaison de deux personnes qui sont continuellement en opposition.
Avoir l’oreille dure. Pour dire être un peu sourd.
On dit figurément d’un homme intéressé et parcimonieux, qui ne prête pas facilement de l’argent, qu’Il a l’oreille dure.

Larchey, 1865 : Homme solide, sévère, ne mollissant pas. V. d’Hautel.

En voilà un qui ne plaisante pas, en voilà un de dur à cuire.

L. Reybaud.

Rigaud, 1881 : Individu qui ne se laisse ni attendrir, ni intimider facilement. — Vieux dur à cuire ; par allusion aux légumes secs qui ne cuisent pas facilement.

France, 1907 : Homme qui en a vu de toutes les couleurs. Vieux troupier dont le corps s’est endurci dans les fatigues et qui a passé par toutes sortes d’épreuves.

Les durs à cuire avaient raison : ce n’était pas juste que le bénéfice fût seulement pour quelques-uns et la peine, la ruine, la misère pour les autres. Un levain de colère fermentait enfin en lui, toujours si raisonnable, contre les iniquités d’un état social qui faisait éternellement pencher d’un même côté le plateau des douleurs et des humiliations.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Au four crématoire :
Premier neveu. — Sapristi ! c’est dur à tirer. Cette incinération n’en finira donc pas ?
Second neveu. — Dame ! il faut patienter. Tu sais bien que notre baderne d’oncle étant un vieux

Dur à la détente

France, 1907 : Avare, fesse-mathieu, homme auquel il est difficile de faire ouvrir la main.

Porter leurs missives, leur procurer des amants, leur trouver des fonds lorsqu’elles en manquent, et, au besoin, jouer le rôle d’amant platonique quand le vieux devient dur à la détente : voilà leur mission officielle… leur escroquer de l’argent, voilà leur but caché.

(Hogier-Grison, Les Hommes de proie)

Dur-à-cuire

Delvau, 1866 : s. m. Homme insensible à la douleur, physique ou morale.

Dur-à-la-détente

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme avare, qui ne lâche pas volontiers les ressorts de la bienfaisance ou du crédit, — dans l’argot du peuple, pour qui ces sortes de gens sont de « singuliers pistolets ». On dit aussi Dur à la desserre.

Duraille

Delvau, 1866 : s. f. Pierre, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Dure. Dure à briquemon. Pierre à briquet. Ils disent aussi Dure à riffle. Duraille sur mince. Diamant sur papier.

La Rue, 1894 : Pierre. Duraille sur mince, diamants sur papier.

Virmaître, 1894 : Pierre (Argot des voleurs).

France, 1907 : Pierre.

Duraille d’orphelin

France, 1907 : Diamant (orphelin, pour orfèvre). Duraille sur mince, diamant sur papier.

Duraille sur mince

Virmaître, 1894 : Diamant sur carte (Argot des voleurs). N.

Durailles d’orphelins

Halbert, 1849 : Pierreries.

Durand

France, 1907 : « Cravate bleue, pareille à celle de la troupe, donnée par le général Durand de Villers ; elle remplace le col militaire, cet affreux carcan noir qui, pendant des années, a étranglé des milliers de polytechniciens : beaucoup d’entre eux, fort heureusement, savaient que la meilleure manière de le porter, pendant les études, était de le fourrer dans sa poche.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Dure

Halbert, 1849 : Pierre en terre.

Larchey, 1865 : Terre (Vidocq). — On dit classiquement coucher sur la dure. Dans ces quatre acceptions du mot dur, l’effet est pris pour la cause.

Delvau, 1866 : s. f. La terre, — dans l’argot des voleurs et du peuple. Coucher sur la dure. Coucher à la belle étoile.

Rigaud, 1881 : La terre. La grande langue a l’expression « coucher sur la dure, » c’est le nuda humo cubat de Virgile.

La Rue, 1894 : La terre. La maison centrale. Voler à la dure, étourdir d’un coup de bâton un homme pour le voler.

France, 1907 : Terre. Coucher, dormir sur la dure, coucher par terre.

Le matin, il s’éveillait, brisé d’avoir dormi sur la dure… mais la gaité persistait le service était moins pénible et la ville plus proche.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Après l’élection, le grand coëre commande à tous les argotiers nouveaux venus de se mettre à quatre pieds contre la dure, puis s’assied sur l’un d’eux.

(Cérémonie de l’élection du grand coëre au XVIIe siècle)

France, 1907 : Maison centrale.

Dure (la)

anon., 1827 : La terre.

Bras-de-Fer, 1829 : La terre.

Rigaud, 1881 : Maison centrale de force et de correction.

Virmaître, 1894 : Terre. Les vagabonds, qui y couchent souvent, savent par expérience qu’elle n’a pas la mollesse d’un lit de plume (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Terre.

Hayard, 1907 : La terre.

Dure (travailler à la)

France, 1907 : Assassiner. Voler à la dure, voler après avoir étourdi sa victime d’un coup de poing ou d’un coup de bâton.

Un jour, l’hercule avait voulu travailler à la dure, Cola s’y était refusé.
— Je ne sais pas le pourquoi, dit-il, mais ça ne m’allait pas de jouer du surin.

(Marc Mario et Louis Launay)

Dure (une)

M.D., 1844 : Une pierre.

Dure (vol à la)

Rigaud, 1881 : Vol qui consiste à étourdir d’un coup de poing ou d’un coup de bâton celui qu’on veut dépouiller. La variante est : Vol à la rencontre. Faire le client à la dure, étourdir d’un coup de bâton un homme et le voler.

Durème

Larchey, 1865 : Fromage (Vidocq).

Virmaître, 1894 : Fromage blanc (Argot des voleurs).

France, 1907 : Fromage blanc.

Durême

Delvau, 1866 : s. m. Fromage blanc, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Fromage, — dans l’ancien argot. Eau de moule. Absinthe très claire coupée avec beaucoup d’eau ; elle arbore la couleur vert-clair de l’eau dans laquelle nagent les moules cuites.

Durer

d’Hautel, 1808 : Faire durer le plaisir long-temps. Se dit des choses que l’on ménage, que l’on consomme petit à petit.
Faire vie qui dure. Dissiper, ne rien réserver pour l’avenir.
On dit par dérision d’un niais, d’un homme qui n’a aucun usage du monde, qu’il est bien neuf, qu’il durera long-temps.

Dures (en voir de)

France, 1907 : Passer par une foule de privations, de contrariétés et même de dangers. Éprouver des ennuis de toutes sortes.

Le service du café était fait par une malheureuse bonne ; elle en vit de dures, la pauvre Constance ! Je me souviens du premier soir où elle fit son apparition dans la salle commune, elle tremblait comme la feuille, soutenant à peine le plateau qu’elle portait.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Duresse

France, 1907 : Dureté, insensibilité.

Duret (du)

M.D., 1844 : Du cuivre.

Durillon

Delvau, 1866 : s. m. Gibbosité humaine, — dans l’argot des faubouriens, que les bossus feront toujours rire. Ils disent aussi Loupe.

Rossignol, 1901 : Avare. — « Il est tellement durillon qu’il se sert des règles de sa femme pour ne pas en acheter, » On dit aussi dur à la détente.

France, 1907 : Bosse.

France, 1907 : Avare, difficile à ouvrir les cordons de sa bourse, dur à la détente.

Aussitôt que le vieux satyre c’est livré à quelques attouchements, l’enfant se met à crier, à pleurer et… il faut payer, sous peine de voir accourir les agents des mœurs… Mais s’il n’y a pas d’agent en vue, cela ne dérange pas pour si peu les chanteurs à l’innocence. C’est la mère qui est aux écoutes et se présente, la colère au visage et… la main tendue. Si le sujet est durillon ! l’amant de la matrone entre en scène, se donne pour inspecteur de police et, dame ! il faut bien s’exécuter !

(Hogier-Grison, Les Hommes de proie)

Durin

France, 1907 : Fer.

Duriner

Delvau, 1866 : v. a. Ferrer, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Ferrer. Allusion à la dureté des chaînes avec lesquelles autrefois on ferrait les forçats (Argot des voleurs).

France, 1907 : Ferrer.

Durs (Durs)

Clémens, 1840 : Fers.

Duss

France, 1907 : Compère.

Sans ser ni duss, il faut savoir
Cheunement faire le miroir.

(Hogier-Grison)

Duval

Fustier, 1889 : Argot des filles. On désigne ainsi les petites mendiantes, bouquetières ou autres qui, arrêtées par les agents, sont depuis le préfectorat de M. Ferdinand Duval placées à Saint-Lazare, dans un local spécial bien entendu, et cela jusqu’à leur majorité à moins que leurs parents ne les viennent réclamer.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique