AccueilA B C D E F G H I J K L M N O ΠP Q R S T U V W X Y ZLiens

courriel

un mot au hasard

Dictionnaire d’argot classique
Argot classique
le livre


Facebook

Share

Russe-français
Russisch-Deutsch
Rusianeg-Brezhoneg
Russian-English
Ρώσικα-Ελληνικά
Russo-italiano
Ruso-español
Rus-român
Orosz-Magyar
Ruso-aragonés
Rusice-Latine
Французско-русский
Немецко-русский
Бретонско-русский
Französisch-Deutsch
Allemand-français
Блатной жаргон
Soldatensprachführer
Военные разговорники

C

C (être un)

France, 1907 : Être un imbécile. Terme populaire, employé par euphémisme pour désigner un mot de trois lettres qui est appelé pantoufle dans le Moyen de Parvenir. Être C… Comme la lune, être stupide.

C… es au cul (avoir des)

Rigaud, 1881 : Être brave, ne pas se laisser intimider, — dans le jargon du peuple.

C’est à cause des mouches

Boutmy, 1883 : Réplique goguenarde que l’on fait à une question à laquelle on ne veut pas répondre. Un lundi après midi, un frère gouailleur interpelle ainsi son camarade : Eh ! dis donc, compagnon, pourquoi n’es-tu pas venu à la boîte ce matin ? L’autre répond par ce coq-à-l’âne : C’est à cause des mouches.

C’est le chat !

Delvau, 1866 : Expression de l’argot du peuple, qui souligne ironiquement un doute, une dénégation. Ainsi, quelqu’un disant : Ce n’est pas moi qui ai fait cela. — Non ! c’est le chat ! lui répondra-t-on.

C’est plus fort que de jouer au bouchon avec des pains à cacheter dans six pieds de neige

Virmaître, 1894 : Expression employée pour marquer le comble de l’étonnement. On dit aussi c’est fort de café (Argot du peuple). N.

C’est que j’tousse

Rossignol, 1901 : Si, au contraire.

Tu ne connais pas la rue du Paon-Blanc ? — Non, c’est que j’tousse, j’y demeure.

C’est tout pavé

Larchey, 1865 : Ironiquement pour dire : C’est très loin d’ici, mais la route est si bonne !

C’est un pompier

Larchey, 1865 : C’est un fort buveur.

Ça (avoir de)

Rigaud, 1881 : Avoir de l’argent. — Avoir du courage, en accompagnant l’expression d’un coup de poing à l’endroit du cœur. — Regorger de trésors cachés sous le corsage, en parlant d’une femme.

Ça (c’est), c’est un peu ça

Larchey, 1865 : C’est superlatif.

Ils sont laids que c’est ça.

Pecquet.

C’était ça, presque aussi bath qu’au café.

Monselet.

On me cognait, mais c’était ça.

Zompach, 1852.

Ça (cela)

Delvau, 1864 : Ça, c’est le vit ; ça, c’est le con ; — ça, c’est tous les agréments de la fouterie qu’on n’osa nommer, parce qu’ils s’appellent comme ça. — Faire ça, ou cela, c’est faire l’amour. Faire ci et ça, c’est faire ça… et autre chose.

Quand je suis sur ça,
Mon plaisir ne se peut comprendre,
Et, ma foi, sans ça.
Que pourrais-je faire de ça ?
J’aime assez m’y reprendre,
Pour arriver encore à ça.
Afin de mieux m’étendre
Sur ce beau sujet-là
Ah ! que j’aime ça !
Ce mot me plaît à la folie ;
Il semble déjà
Que je suis à même de ça.

(Gaudriole de 1884.)

Ça (être)

Delvau, 1866 : Être parfait, comme il faut que ce soit — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Être ce qu’il faut qu’on soit ou que ce soit. Avoir de ça, avoir de l’argent, ou bien, encore, avoir de l’originalité, du talent, de l’esprit, etc. Ça signifie aussi les appas d’une femme. Elle a de ça, elle a une belle poitrine. Faire ça, accomplir l’acte qui, suivant l’Église, n’est permis qu’en mariage.

Ça (il a de)

Virmaître, 1894 : Se dit de quelqu’un qui possède beaucoup d’argent. Les filles, pour vanter les agréments d’un homme, disent : Il a de çà ; mais ce n’est pas d’argent qu’il s’agit (Argot du peuple).

Ça (pas)

Rigaud, 1881 : Rien, pas le sou. — La locution se souligne en faisant claquer l’ongle du pouce sur une des dents de devant. — C’est un peu ça ! c’est très bien. — Comme c’est ça ! comme c’est vrai, comme c’est naturel ! — Pas de ça ! pas de plaisanteries, ne nous émancipons pas ! — dans le jargon des Lucrèces de boutique.

Ça colle

Rossignol, 1901 : Ça va.

Ça ne va que d’une fesse

Virmaître, 1894 : Chose qui va mal. Besogne accomplie avec répugnance. Être très malade (Argot du peuple). N.

Ça roule

Larchey, 1865 : Je me porte bien, je fais de bonnes affaires. — Ça roule se dit aussi d’une manœuvre effectuée sans ensemble.

Ça te la coupe

Larchey, 1865 : Cela te contrarie, te déroute (d’Hautel, 1808).

Cab

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Cabotin, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Cabot.

France, 1907 : Abréviation de cabriolet ; anglicisme. Nous appelons improprement cab une sorte de cabriolet, fort en usage en Angleterre, où le cocher est assis derrière la voiture, tandis que le véritable nom est hansom. Le cab anglais est ce qui répond exactement à notre fiacre.

Le cab est un véhicule dans lequel le supérieur qui est à l’intérieur ne voit que la partie antérieure du postérieur de l’inférieur qui lui est supérieur.

(Gil Blas)

Cab ou Cabot

Rossignol, 1901 : Chien.

Cab, cabe, cabot

France, 1907 : Chien. D’après Lorédan Larchey, ces mots seraient une contraction abrégée des deux mots : qui aboie. Les voleurs ont donné le nom de l’acte à l’acteur. Au lieu de dire le chien, ils ont dit : le qui aboie, et, en abrégeant : le qu’abe, le qu’abo. Le cab jaspine, le chien aboie. Cabot, en argot militaire, signifie caporal. C’est aussi l’apocope de cabotin.

Cab, cabot

Rigaud, 1881 : Chien, vilain chien qui n’appartient à aucune race. — Cabot vient de clabaud, crieur, braillard, d’où clabauder, dans la langue régulière. En hébreu clab veut dire chien ; clabauder est formé de clab.

Cabache

France, 1907 : Maître vigneron. (auvergnat).

Dès que les raisins sont jaunes comme des grappes d’or, ou noirs ainsi que les larmes d’encre, on sort des caves cuves et bachottes, qu’on lave avec soin. Puis, à la pointe du jour solennel, le maître vigneron, le cabache, s’en va à la loue quérir des vendangeurs et des vendangeuses.

(Jacques d’Aurélle)

Cabale

d’Hautel, 1808 : Ligue, coalition, clique que forment entre eux les ouvriers pour faire augmenter le prix de leurs journées.
À bas la cabale. Cri d’improbation ; se dit lorsqu’il s’élève quelque rumeur dans un lieu public, soit pour opinion, soit par l’effet d’une menée quelconque.

Clémens, 1840 : Réunions de claqueur.

Cabaler

Clémens, 1840 : Conspirer.

Cabaleur

d’Hautel, 1808 : Brouillon, trouble-fête ; personnage dangereux qui excite au trouble, qui met le désordre partout.

Cabande

France, 1907 : Chandelle ; argot des ouvriers.

Cabande, Cabombe

Rigaud, 1881 : Chandelle, — dans le jargon des ouvriers. — Estourbir la cabande, souffler la chandelle. — Tape-à-la mèche, honneur à la cabande, souffle la chandelle, — dans le jargon des chiffonniers. On disait autrefois : camoufle et camouflet, chandelier.

Cabanon

d’Hautel, 1808 : Petite cabanne.
Les cabanons. On nomme ainsi un rassemblement de petites cabannes, dans lesquelles on renferme les fous à Bicêtre ; le peuple dit par corruption les galbanons

Rigaud, 1881 : Salle de police infligée aux convalescents, — argot des soldats d’infanterie de marine.

Cabaret

d’Hautel, 1808 : Cabaret borgne. Un méchant petit cabaret, un trou.
Cette maison est un cabaret. Se dit par mépris d’une maison mal tenue, où le premier venu est admis à boire et à manger.
Il y a au cabaret du vin à tout prix. Signifie que toutes les choses n’ont pas la même valeur ; que l’on est servi selon le prix que l’on met à ses acquisitions

Cabaret borgne

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais lieu, cabaret de mauvaise mine.

France, 1907 : Cabaret de bas étage et de mauvaise réputation.

Cabaret des six-fesses

Virmaître, 1894 : Auberge tenue par trois femmes (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « Auberge tenue par trois femmes ; argot du peuple. » (Ch. Virmaître)

Cabarmont

M.D., 1844 : Cabaret.

Cabas

d’Hautel, 1808 : Un vieux cabas. Terme de mépris ; voiture antique ; mauvais fiacre, traîné ordinairement par des haridelles qui valent moins encore.

Delvau, 1866 : s. m. Vieux chapeau d’homme ou de femme, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Femme ou chapeau avachis ; du catalan cabaz. En arabe, cabah signifie prostituée.

Cabasser

Delvau, 1866 : v. n. Bavarder, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi Tromper, et même Voler.

Virmaître, 1894 : Bavarder sans cesse à tort et à travers (Argot du peuple).

France, 1907 : Tromper, voler, bavarder ; vieux mot français.

Cabasseur

Delvau, 1866 : s. m. Faiseur de cancans. Signifie aussi Voleur.

Rigaud, 1881 : Bavard. — Cabasser, bavarder, tromper.

Virmaître, 1894 : Cancanier ou cancanière (Argot du peuple).

Cabasson

Rigaud, 1881 : Vieux chapeau de femme, chapeau démodé.

Cabe

Fustier, 1889 : Élève de troisième année à l’École normale.

France, 1907 : Étudiant de troisième année à l’École Normale.

Cabe, cabot

Larchey, 1865 : Chien (Vidocq). — Contraction des deux mots : qui aboie. Les voleurs ont, comme toujours, donné le nom de l’acte à l’acteur. Au lieu de dire le chien, ils ont dit : le qui aboie, et en abrégeant : le qu’abe, le qu’abo. V. Calvin, Combre.

Cabeau

Clémens, 1840 : Chien.

Cabèche, caboche

Hayard, 1907 : Tête.

Cabelot

France, 1907 : Tabouret ; argot des canuts.

Cabermon

Delvau, 1866 : s. f. Cabaret, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Cabaret.

Cabermont

Larchey, 1865 : Cabaret (Vidocq). — Corruption de mot.

La Rue, 1894 : Cabaret.

Cabermont, cabermuche

Rigaud, 1881 : Cabaret, — dans le jargon des voleurs.

Cabestan

Larchey, 1865 : Agent de police. — Comparaison de la corde qu’enroule le cabestan à celle avec laquelle l’agent garrotte les criminels (?). V. Macaron.

Delvau, 1866 : s. m. Officier de paix, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Officier de paix.

La Rue, 1894 : Agent de police. Officier de paix.

Virmaître, 1894 : Officier de paix. Il fait virer ses sous-ordres (Argot des voleurs). V. Bricule.

France, 1907 : Officier de paix.

Cabillot

Larchey, 1865 : « L’ennemi naturel du matelot, c’est le soldat passager, plus souvent nommé cabillot, à cause de l’analogie qu’on peut trouver entre une demi-douzaine de cabillots (chevilles) alignés au râtelier et des soldats au port d’armes. » — Physiologie du Matelot, 1843. — La langue romane avait déjà cabi : serré, rangé. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Soldat, — dans l’argot des marins.

Rigaud, 1881 : Soldat de passage sur un navire, — dans le jargon des marins.

France, 1907 : Soldat ; argot des marins.

L’ennemi naturel du matelot, c’est le soldat passager, plus souvent nommé cabillot, à cause de l’analogie qu’on peut trouver entre une demi-douzaine de cabillots — chevilles — alignés au râtelier et des soldats au port d’armes.

(Physiologie du Matelot)

Le cabillot est la cheville en fer ou en cuivre qui sert à tourner les cordages.

Cabinet

Delvau, 1864 : La nature de la femme, où l’homme fait ses nécessités amoureuses, — ce qui donne à ce cabinet une odeur sui generis fort agréable, quoique un peu violente.

Le jardinier voyant et trouvant le cabinet aussi avantageusement ouvert, y logea petit à petit son ferrement.

Noël Du Fail.

Rigaud, 1881 : Atelier des dessinateurs et graveurs pour étoffes.

Cabinet de lumière

Rigaud, 1881 : « Le sanctuaire du magasin (de nouveautés.) C’est une petite pièce carrée, sans aucune fenêtre : comme meubles, un divan de velours vert ou grenat, souvent une psyché au lieu de glace ; au milieu, un guéridon où l’on fait chatoyer sous la lumière du lustre les nuances tendres ou vives qui feront fureur demain. » (Commis et demoiselles de magasin, 1868.) C’est dans ce cabinet que les élégantes jugent de l’effet que produiront aux lumières les robes d’apparat.

Cabinet des grimaces

Rigaud, 1881 : Lieux d’aisances.

Câble

Rigaud, 1881 : Mari, — dans le jargon des voyous ; par allusion au câble du ballon captif de la cour des Tuileries, une des curiosités de l’Exposition de 1878. Aujourd’hui une gloire crevée comme tant d’autres.

Cabo

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chien.

Delvau, 1866 : s. m. Chien, — dans l’argot du peuple, qui a contracté le vieux mot Clabaud. On dit aussi Cabe.

Rigaud, 1881 : Caporal, — dans l’argot du régiment.

Merlin, 1888 : Caporal. — N’est-ce qu’une apocope du mot, ou bien le désigne-t-on ainsi en raison de son métier de chien ?

Cabochard

Rigaud, 1881 : Chapeau, — dans le jargon du peuple.

Caboche

d’Hautel, 1808 : Pour la tête, le chef de l’homme.
Rien ne peut entrer dans sa maudite caboche. Se dit de quelqu’un qui a la tête dure et l’intelligence très-bornée.
Il se fera donner sur la caboche. Pour il se fera corriger.
Quand il a mis quelque chose dans sa caboche, le diable ne lui ôteroit pas. Se dit d’un opiniâtre, d’un sot, d’un homme extrêmement entêté.
Une grosse caboche. Une grosse tête.
Une bonne caboche. Une tête bien organisée, pleine de sens et de jugement.

Halbert, 1849 : Tête.

Delvau, 1866 : s. f. Tête, — dans l’argot du peuple, qui s’éloigne bien du χεφαλέ, grec et du caput latin, mais ne s’éloigne pas du tout de la tradition : « D’autant plus qu’il n’avoit pas beaucoup de cervelle en sa caboche, » — disent les Nuits de Straparole.

Biau sire, laissiés me caboche,
Par la char Dieu, c’est villenie !

disent les poésies d’Eustache Deschamps. On dit aussi Cabosse.

Virmaître, 1894 : Tête (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Tête.

Caboche, cabèce

Rigaud, 1881 : Forte tête. C’est la tête de l’homme intelligent. Une caboche à X, une tête à mathématiques.

D’un petit tonnerre de poche, Lui frêle toute la caboche.

(Scarron, Gigantomachie, chap. 5.)

Caboche, cabèche

La Rue, 1894 : Tête.

Caboches

un détenu, 1846 : Sabots.

Cabochon

Delvau, 1866 : s. m. Coup reçu sur la tête, ou sur toute autre partie du corps.

Rigaud, 1881 : Taloche, choc, contusion. — Se cabochonner, se battre.

Rigaud, 1881 : Caractère d’imprimerie très usé ; vignette effacée, détériorée.

Rossignol, 1901 : Coup ou blessure.

J’ai reçu un cabochon qui m’a fendu la tête.

France, 1907 : Tête.

— Notre Aline, que nous pensions caser si avantageusement, après la superbe instruction qu’elle a reçue, tous les brevets qu’elle a obtenus, elle ne se marie pas ! aucun épouseur n’apparaît !… C’est bizarre tout de même ! Sa sœur Gabrielle, qui ne pouvait rien apprendre, qui avait le cabochon dur comme une pierre, disait-on, la voilà pourvue, elle !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Se dit aussi pour coup à la tête : « J’ai reçu un fameux cabochon »

Cabombe

Virmaître, 1894 : La chandelle. Quelques-uns écrivent calombe ou calbombe ; le vrai mot est cabombe (Argot du peuple).

Cabonte

Merlin, 1888 : On dit plus souvent camoufle, chandelle.

Cabot

M.D., 1844 : Chien.

un détenu, 1846 : Chien.

Boutmy, 1883 : s. m. Chien, et surtout Chien de petite taille. Ce mot n’est pas particulier à l’argot typographique.

Fustier, 1889 : Argot militaire. Élève-cabot, élève caporal. Cabot pris absolument dans le sens de caporal est inusité. (Ginisty : Manuel du réserviste.)

La Rue, 1894 : Chien. Caporal. Cabot du quart, secrétaire (chien) du commissaire. Cabot ferré, gendarme.

Virmaître, 1894 : Chien du commissaire de police. Par abréviation on dit simplement le cabot du quart (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Chien (Argot du peuple). V. Alarmiste.

Rossignol, 1901 : Caporal.

Hayard, 1907 : Chien.

France, 1907 : Poisson, chien de mer, chien.

Avec des ciseaux, je l’confesse,
J’arriv’ derrièr’ chaque beau toutou
Qu’un brave bourgeois retient en laisse,
Et j’surin’ la cord’ d’un seul coup,
Avec le cabot j’carapatte,
Et pour me r’piger pas moyen,
Ah ! c’métier-là est vraiment batte !
Pour la fourrièr’ j’ramasse les chiens.

(S. Martel)

France, 1907 : Acteur : apocope de cabotin.

Je n’ai jamais couché avec un cabot, jamais je ne coucherai avec un cabot.

(Henri Bauer, Une Comédienne)

Cabot ferré

Bras-de-Fer, 1829 : Gendarme à cheval.

Virmaître, 1894 : Gendarme. Allusion aux clous qui garnissent les semelles de bottes des gendarmes (Argot des voleurs). V. Hirondelle de potence.

France, 1907 : Gendarme à cheval.

Cabot ou Cabotin

Rossignol, 1901 : Mauvais artiste lyrique ou dramatique.

Cabot, cabotin

Rigaud, 1881 : Acteur sans talent et sans dignité. D’après M. Ed. Fournier, Cabotin était le nom d’un célèbre opérateur nomade, qui, en même temps que tous les gens de son métier, était, tout ensemble, imprésario et charlatan, vendait des drogues et jouait des farces. (Chanson de Gauthier-Garguille, préface.)

Cabot, cleps

anon., 1907 : Chien.

Cabotin

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux, qui signifie histrion, batteleur ; comédien ambulant, indigne des faveurs de Thalie.

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais acteur, — le Rapin du Théâtre, comme le Rapin est le Cabotin de la Peinture.

France, 1907 : Acteur ; argot populaire.
Edmond Garnier a esquissé en quelques vers les traits du pauvre cabotin :

Au café, riche… en espérance !
Il raconte avec assurance
Ses succès à Chose, à Machin,
Au beau temps ainsi qu’à l’orage
Opposant un même visage,
Joyeux il nargue le destin,
Juif errant de l’art, très utile,
Il va partout, de ville en ville,
Sans nul souci du lendemain,
Au bourgeois bête, qui le blâme,
Il sait montrer qu’il a de l’âme…
Quoique bouffon du genre humain.

Ce cabot, que Paris évince,
Un beau jour s’éteint en province
Sans ai qui pleure sa fin.
Mais tous les ans, dame Nature
Revient parer, de sa verdure,
L’humble tombe du cabotin.

Cabotinage

Delvau, 1866 : s. m. Le stage de comédien, qui doit commencer par être sifflé sur les théâtres de toutes les villes de France, avant d’être applaudi à Paris.

Rigaud, 1881 : Le cabotinage consiste à savoir se passer de talent, à se montrer plus souvent au café que sur les planches, à préférer les petits verres sur le comptoir aux alexandrins des classiques et même à la prose de M. Anicet-Bourgeois.

Le cabotinage est aussi la basse diplomatie des coulisses ; cabotiner c’est faire des affaires théâtrales comme certains courtiers font des affaires de bourse, écouter aux portes d’un comité pendant qu’un confrère lit son drame, et porter au théâtre voisin l’idée de, l’ouvrage qu’on vient de surprendre, mendier ou acheter des tours de faveur, monter une cabale contre un ouvrage, tout cela est du cabotinage.

(Petit dict. des coulisses, 1835.)

France, 1907 : Vie de déceptions, de travail, de hauts et de bas de l’acteur avant qu’il prenne la place dont parlait Edmond Deschaumes, et décroche le ruban de la Légion d’honneur.

France, 1907 : Art perfectionné de la réclame qui devient de plus en plus commun chez les artistes, les plumitifs, et, ô horreur ! les hommes dits d’État.
Cet art s’étend partout, à tel point qu’on accuse même les anarchistes « militants » d’être des cabotins.

Faire du cabotinage quand la tête est en jeu, c’est raide.

Cabotine

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse qui fait les planches au lieu de faire le trottoir.

Rigaud, 1881 : Actrice qui, sans plus de talent que le cabotin, possède une corde de plus à son arc. Elle se sert du théâtre comme d’un bureau de placement pour ses charmes. — Terme de mépris pour désigner une actrice quelconque dont on a à se plaindre ou qu’on veut blesser.

Il (le marquis de Caux) l’insultait (la marquise de Caux, la Patti)… Ainsi il a dit plusieurs fois : Maudit soit le jour où j’ai épousé une cabotine comme toi !

(Liberté du 6 août 1877, Compte rendu du procès Caux-Patti.)

France, 1907 : Mauvaise actrice, ou actrice appartenant à une troupe ambulante.

Quelques petites cabotines se font des confidences et se racontent leur premier faux pas.
— Moi, ç’a été avec mon cousin…
— Moi avec un acteur…
— Oh ! moi, dit la plus ingénue, ça a été avec deux militaires !

(Écho de Paris)

Cabotiner

Delvau, 1866 : v. n. Aller de théâtre en théâtre et n’être engagé nulle part.

Rigaud, 1881 : Jouer comme un mauvais acteur ; jouer partout, mal et sans succès.

France, 1907 : Faire le métier de cabotin ou fréquenter les cabotins. Mener une vie de cabotins. Cabotiner, acte de courir de ville en ville.

Caboulot

Larchey, 1865 : « Le caboulot est un petit café où l’on vend plus spécialement des prunes, des chinois et de l’absinthe. » — Daunay, 1861. — Une monographie des Caboulots de Paris a paru en 1862. — C’est aussi un cabaret de dernier ordre. V. Camphrier.

Delvau, 1866 : s. m. Boutique de liquoriste tenue par de belles filles bien habillées, qui n’ont pour unique profit que les deux sous du garçon.
Ce mot a une vingtaine d’années. Au début, il a servi d’enseigne à un petit cabaret modeste du boulevard Montparnasse, puis il a été jeté un jour par fantaisie, dans la circulation, appliqué à toutes sortes de petits endroits à jeunes filles et à jeunes gens, et il a fait son chemin.

Rigaud, 1881 : Débit de liqueurs servies par des femmes aimables, trop aimables. Les fruits à l’eau-de-vie et l’absinthe y tiennent le premier rang.

Mot pittoresque du patois franc-comtois, qui a obtenu droit de cité dans l’argot parisien. Il désigne un trou, un lieu de sordide et mesquine apparence, par extension petit bazar, petit café. Le caboulot de la rue des Cordiers, qui est le plus ancien de tous, s’ouvrit en 1852.

(Ces dames, 1860.)

Le caboulot, c’est-à-dire le débit de la prune et du chinois, du citron confit à l’état de fœtus dans l’esprit-de-vin, le tout couronné par une femme à peu près vêtue, belle comme la beauté diabolique d’Astarté… et elle rit et elle chante et elle trinque, et elle passe ensuite derrière le rideau… et le caboulot a multiplié comme la race d’Abraham.

(Eug. Pelletan, La Nouvelle Babylone.)

La Rue, 1894 : Petit débit de liqueurs.

Virmaître, 1894 : Cabaret de bas étage. Brasserie où les consommateurs sont servis par des femmes. Caboulot n’est pas juste, on devrait dire maison tolérée. Cette expression a pour berceau le quartier latin (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Débit de bas étage.

Hayard, 1907 : Cabaret.

France, 1907 : Petit café où l’on vend plus spécialement des liqueurs et où l’on est généralement servi par des femmes.

Le mot, écrivait Delvau en 1880, au début, servait d’enseigne à un petit cabaret du boulevard Montparnasse, puis il a été jeté un jour, par fantaisie, dans la circulation, appliqué à toutes sortes de petits endroits à jeunes filles et à jeunes gens, et il a fait son chemin.
Les artistes ne sont pas payés par l’établissement. Après chaque chanson, ils font le tour des tables, un plateau à la main, et ce sont les clients qui rémunèrent eux-mêmes leurs distractions. Absolument comme dans les caboulots de province, avec cette différence pourtant que la chanteuse légère — oh ! oui, légère ! — ne met pas la clé de sa chambre en tombola.

Caboulote

Rigaud, 1881 : Hébé de caboulot. La caboulote tient à la fois du garçon de café et de la fille de maison. Elle est chargée de verser à boire, de pousser à la consommation et le client à la porte, par les épaules, s’il fait trop de tapage.

Voici des actrices, des modèles, des caboulotes, des marchandes de bouquets et de plaisir.

(Ed. Robert, Petits mystères du quartier latin, 1860.)

Caboulottière

Rigaud, 1881 : Même signification que ci-dessus.

L’an dernier, ayant écrit un entrefilet des plus virulents contre les caboulottières, nous avons reçu les cartes de 876 de ces demoiselles.

(Tam-Tam du 6 juin 1880.)

Cabousse

France, 1907 : Grand fourneau carré ; argot des baleiniers. La cabousse est chauffée à l’aide des scraps ou cretons encore imprégnés d’huile.

Cabrer

Halbert, 1849 : Se fâcher.

Cabrer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se fâcher, — dans l’argot des bourgeois.

Merlin, 1888 : Se fâcher, se raidir, s’emporter. Cette expression — est-il besoin de le dire ? — n’est employée que dans la cavalerie.

Cabrio

Rigaud, 1881 : Chapeau de femme, à l’époque où les femmes portaient de larges chapeaux ; c’est l’apocope de cabriolet.

Je n’ai pas moins changé mon cabrio contre une paire de bottines à talons de cuirassier.

(H. de Lynol, Encore une industrie inconnue.)

Le cabrio semble vouloir revenir à la mode ; juste retour des choses d’ici-bas.

Cabriole

d’Hautel, 1808 : Saut de joie ; danse folâtre.
Faire des cabrioles. Danser de joie ; manifester un grand contentement

Rigaud, 1881 : Chambre, chambrée, — dans le jargon des voleurs ; c’est une déformation de cambriolle. Choper une cabriole au rendêve des espagnols, louer une chambre dans un hôtel garni de dernier ordre ; c’est mot à mot : louer une chambre au rendez-vous de la vermine.

France, 1907 : Chambre ; corruption de cambriole.

Cabrioler

d’Hautel, 1808 : Sauter, faire des gambades, des cabrioles ; danser en fou

Cabriolet

Larchey, 1865 : Chapeau de femme. — Une capote de femme ressemble assez à celle d’un cabriolet.

Delvau, 1866 : s. m. Petit instrument fort ingénieux que les agents de police emploient pour mettre les malfaiteurs qu’ils arrêtent hors d’état de se servir de leurs mains.

Rigaud, 1881 : Hotte de chiffonnier, — dans le jargon du peuple.

Rigaud, 1881 : Corde à nœuds, longue de vingt-cinq centimètres et munie, aux deux extrémités, de deux morceaux de bois. C’est à l’aide de cette corde que les agents de police lient les mains des détenus.

Ainsi nommée parce qu’en la serrant on fait cabrioler le patient.

(F. du Boisgobey.)

Fustier, 1889 : Petite boîte servant à classer des fiches.

La Rue, 1894 : Poucettes, lien dont les agents se servent pour tenir les malfaiteurs.

Virmaître, 1894 : Corde de boyau de chat, ou forte ficelle de fouet, terminée par deux chevilles. Les gardes et les agents passent le cabriolet au poignet des prisonniers pour prévenir les évasions et empêcher les récalcitrants de se révolter. (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Outil de répression à l’usage des gardes républicains et agents de police. Cet objet se compose d’une chaîne d’environ 20 centimètres terminée à chaque bout par une poignée en bois en forme d’olive assez longue, que l’on met aux détenus quand on les extrait de prison pour les conduire au tribunal ou à l’instruction. Le cabriolet se passe au poignet gauche du détenu pour prévenir l’évasion, et les deux poignées sont tenues par la main droite du garde.

Hayard, 1907 : Entraves au poignet des prisonniers.

France, 1907 : Sorte de menottes que les agents de police passent aux poignets de ceux qu’ils arrêtent, pour paralyser leurs mouvements. « Cabriolet et ligote, dit Guy Tomel, sont l’alpha et l’oméga des engins d’arrestation. Ils ont remplacé les antiques poucettes avec lesquelles plusieurs générations de gendarmes conduisirent de brigade en brigade les malfaiteurs confiés à leur vigilance. »

« Les affaires sont les affaires », l’homme de police en fonctions ne connait plus personne et se dit : « Le devoir est le devoir… Et ce devoir, quoi qu’il m’en coûte, je le remplirai. » Et paisiblement, comme s’il cherchait son mouchoir, il fouilla dans les basques de sa redingote et en tira trois de ces instruments qu’on appelle, en argot, des cabriolets.
— Des menottes ! s’écrièrent-ils indignés. Vous voulez nous mettre les menottes ?
— J’avoue que c’est mon intention.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

Cabriolet se dit aussi ironiquement pour la hotte d’un chiffonnier. Les chapeaux de femmes comme on en voit dans les dessins de Gavarni portaient également ce nom, à cause de leur forme, qui les faisait ressembler à celle d’un cabriolet.

France, 1907 : Boîte servant à classer des fiches.

Cabriolet, cachemire d’osier

Larchey, 1865 : Hotte de chiffonnier (Vidocq). — Comparaison ironique. Comme le cachemire, la hotte se met sur le dos. Même ironie pour le premier mot. Le chiffonnier roule avec son cabriolet comme le fantassin part à cheval sur Azor.

Cabrioleur

d’Hautel, 1808 : Charlatan, farceur, danseur de corde ; homme vif et pétulant qui sautille continuellement à la manière des chevreaux.

Cabrioleuse

France, 1907 : Marchande d’amour.

Et les hommes, dont la bêtise est d’ailleurs insondable, ne passeraient pas leur temps à prendre pour des veuves de généraux espagnols des cabrioleuses fraîchement débarquées de l’hôpital de Loureine.

(Henri Rochefort)

Cabrion

Delvau, 1866 : s. m. Rapin, loustic, mauvais farceur, — dans l’argot des gens de lettres, qui se souviennent du roman d’Eugène Sue (Les Mystères de Paris).

France, 1907 : Rapin, loustic d’atelier, personnage des Mystères de Paris d’Eugène Sue, qui passe sa vie à faire le désespoir de Pipelet.

Caca

d’Hautel, 1808 : Terme dont on se sert ordinairement pour nommer les ordures et les excrémens des enfans, et que ceux-ci appliquent eux-mêmes à tout ce qui est sale et malpropre.
C’est du caca. Se dit aux petits enfans pour les dégoûter de quelque chose qu’ils veulent avoir, ou quelquefois seulement pour les empêcher d’y toucher

Delvau, 1866 : s. m. Évacuation alvine, — dans l’argot des enfants ; Vilenie, — dans l’argot des grandes personnes qui connaissent le verbe Cacare. Faire caca. Ire ad latrinas.

Rigaud, 1881 : Double quatre d’un jeu de dominos. Les joueurs de dominos, pour varier et animer le jeu, disent encore « Bazaine », qu’ils alternent avec Caca.

Cacade

d’Hautel, 1808 : Faire une cacade. C’est ce que l’on appelle communément, Saigner du nez, ou être obligé de renoncer à une entreprise téméraire, dont on s’étoit vanté de venir à bout.

Delvau, 1866 : s. f. Reculade, fuite honteuse, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce mot à Voltaire.

France, 1907 : Reculade, fuite accompagnée de coliques ; c’est en provençal, en substituant le g au c, la décharge du ventre.

Cacade, cagade

Rigaud, 1881 : Bêtise. — Faire une cagade, se tromper grossièrement.

Cachalot

Virmaître, 1894 : Femme qui a des aptitudes spéciales. Elle rend par le nez ce qu’elle a avalé par la bouche (Argot des filles). N.

France, 1907 : Vieux marin.

Pour atteindre le bateau américain qui a bien voulu me prendre et me tirer de cet enfer, j’ai dû nager pendant près de deux heures, entre deux eaux, afin d’éviter d’être aperçu des sentinelles et des barques de l’administration ; il m’a fallu aussi plonger tout à coup pour échapper aux requins, qui venaient flairer en moi un déjeuner… Tu comprends que pour un vieux cachalot comme moi, me jeter dans ce canal, un simple ruisseau, c’était une plaisanterie.

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

France, 1907 : « Femme qui a des aptitudes spéciales. Elle rend par le nez ce qu’elle a avalé par la bouche. Argot des filles. »

(Ch. Virmaître, Dictionnaire fin de siècle)

Cachan (aller à)

Rigaud, 1881 : Se cacher. Jeu de mots sur le village de Cachan, près d’Arcueil. (L’expression date du XVIIIe siècle.)

Cache

d’Hautel, 1808 : Pour cachette ; lieu secret ; nœud d’une affaire

Delvau, 1866 : s. f. Endroit où l’on se cache. Argot des enfants. Jouer à cache-cache. Jouer à se cacher.

Cache-folie

Rigaud, 1881 : Postiche en cheveux. En terme de coiffeur, le cache-folie comprend tout ce qui se rattache à l’art du postiche en cheveux.

France, 1907 : Caleçon ; argot du peuple qui considère ce que cache le pantalon comme menant beaucoup de gens à Charenton.

Cache-fringues

Virmaître, 1894 : Armoire (Argot des voleurs). N.

Cache-frusques

France, 1907 : Armoire.

Cache-misère

Delvau, 1866 : s. m. Vêtement ample, boutonné jusqu’au menton et dissimulant tant bien que mal l’absence de la chemise. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Vêtement ample et surtout très long, qui a la prétention de couvrir la détresse des guenilles et l’absence de linge. Le mac-farlane, pour les hommes, le waterproof, pour les femmes, sont des cache-misère pair excellence. — Un bohème avait adopté pour cache-misère une vieille robe de chambre, dans laquelle il est mort sur un banc du Pont-Neuf.

France, 1907 : Vêtement boutonné jusqu’au menton et dont le pauvre diable relève le collet pour cacher son linge sale ou l’absence de linge.

Cachemar

France, 1907 : Cachot ; argot des voleurs, qui disent aussi cachemince et cachemuche.

Cachemire

Delvau, 1866 : s. m. Torchon, — dans l’argot ironique des faubouriens. Donner un coup de cachemire sur une table. L’essuyer.

Cachemire (coup de)

Rigaud, 1881 : Coup de serviette, — dans le jargon des habitués de café. On réclame ordinairement un coup de cachemire pour approprier le marbre de la table, avant de se livrer aux émotions du domino.

Cachemire d’osier

anon., 1827 : Hotte de chiffonnier.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Hotte de chiffonier.

Bras-de-Fer, 1829 : Hotte de chiffonnier.

Halbert, 1849 : Hotte de chiffonnier.

Delvau, 1866 : s. m. Hotte, — dans l’argot des chiffonniers. Ils disent aussi Cabriolet, et Carquois d’osier.

Rigaud, 1881 : Hotte de, madame la chiffonnière, — dans le jargon du peuple.

Rossignol, 1901 : Hotte de chiffonnier.

France, 1907 : Hotte de chiffonière.

Cachemire d’osier, cabriolet

La Rue, 1894 : La boîte des chiffonnières.

Cachemite

Delvau, 1866 : s. f. Cachot, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Cachot ; avec changement de la dernière syllabe. Les lettrés de Mazas disent également cachemar, cachemuche, cachemince, selon qu’ils parlent en uche, mince ou mar.

Cachemite, mitard

La Rue, 1894 : Cachot.

Cachemitte

anon., 1827 : Cachot.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Cachot.

Bras-de-Fer, 1829 : Cachot.

Halbert, 1849 : Cachot.

France, 1907 : Cachot, prison. Réceptacle des mittes et des mitteux.

Cacher

d’Hautel, 1808 : Il est fin comme Gribouille qui se cache dans l’eau peur de la pluie. Se dit par raillerie d’un homme dénué de finesse et de subtilité, dont les ruses et les tours sont si maladroitement, si grossièrement conçus, qu’il est presqu’impossible de ne pas les apercevoir.

d’Hautel, 1808 : Cacher son jeu. Agir avec finesse ; ne divulguer ni sa conduite ni ses desseins.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Manger, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Manger ; argot des faubouriens.

Cachet (avoir du)

France, 1907 : Avoir de la distinction, de belles manières. Se dit aussi pour mode.

Et ce n’est pas lui qui porterait des gants vert-pomme si le cachet était de les porter sang-de-bœuf.

(P. Mahalin, Mesdames de Cœur-Volant)

Cachet de la mairie

Rigaud, 1881 : Témoignage laissé à une chemise par une personne qui a, peut-être, manqué de papier. On dit aussi le cachet de M. le maire, la marque de fabrique.

Cachet de la république

Delvau, 1866 : s. m. Coup de talon de botte sur la figure. Argot des voyous.

Virmaître, 1894 : C’est un coup de pied canaille. Quand deux hommes se battent, le plus fort, d’un coup de talon, écrase la figure de son adversaire. Il lui pose le cachet (Argot du peuple).

France, 1907 : Marque d’un coup de talon de botte sur la figure ; argot des rôdeurs de barrière. Il laisse une emprunte rouge.

Cachet de M. le Maire

Delvau, 1866 : s. m. Tache breneuse à la chemise. Argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Tache à la chemise, derrière, ce qui indique l’oubli du papier traditionnel (Argot du peuple).

Cachet de Monsieur le Maire

France, 1907 : Marque à la chemise de gens qui ont oublié le précepte :

Ayez toujours du papier dans vos poches,
On ne sait pas ce qui peut arriver.

Cachotter

d’Hautel, 1808 : Faire des cachoteries ; parler à voix basse et mystérieusement, à dessein de cacher des choses d’une médiocre importance.

Cachotterie

d’Hautel, 1808 : Entretien mystérieux.

Delvau, 1866 : s. f. Mystère fait à propos de choses qui n’en valent pas la peine. Même argot [du peuple].

Cachottier

Delvau, 1866 : s. m. Homme sournois, mystérieux, qui ne confie rien à personne.

Cachottier, cachottière

France, 1907 : Homme sournois qui fait ses affaires en cachette sans en rien dire à personne ; argot populaire.

— Sacré cachottier, s’il nous avait seulement dit : Je suis cocu… Nous aurions été satisfaits. Pas vrai, vous autres ?
Au lieu de cela, il décampait, il se dérobait à leurs partie de billard, il leur volait une amitié de six ans, sur laquelle ils avaient des droits.

(Camille Lemonnier)

— On a donc déjà eu des amants ? Et l’on ne s’en vantait pas ? Fi, la cachottière !

(Paul Hervieu)

Cacique

France, 1907 : Premier d’une section à l’École normale.

Caco

France, 1907 : Expression d’encouragement qu’on adresse aux enfants lorsqu’ils s’essayent à marcher.

Cacophonie

d’Hautel, 1808 : Quiproquo, malentendu, dissonance, irrégularité.
Les personnes qui parlent mal, prononcent cacaphonie.

Cadancher ou Callancher

Rossignol, 1901 : Mourir.

Il est bien malade : il va callancher.

Cadavre

Delvau, 1866 : s. m. Synonyme de corps. Même argot [du peuple]. Se mettre quelque chose dans le cadavre. Manger.

Delvau, 1866 : s. m. Secret qu’on a intérêt à cacher, — faute ou crime, faiblesse ou malhonnêteté. Argot des gens de lettres. Savoir où est le cadavre de quelqu’un. Connaître son secret, savoir quel est son vice dominant, son faible.

Rigaud, 1881 : Corps humain vivant. Promener son cadavre, se promener. — Aller se refaire le cadavre, aller manger. — Travailler le cadavre de quelqu’un, rouer quelqu’un de coups.

France, 1907 : Corps vivant. Se lester le cadavre, manger ; argot populaire. Ce mot s’emploie aussi pour la preuve d’une action répréhensible, faiblesse ou malhonnêteté, et quelquefois pis, commise dans un passé plus ou moins lointain. Chercher le cadavre de quelqu’un, c’est éplucher sa vie pour découvrir quelques délits secrets.

Tous ces gens ont, comme moi, leur petit cadavre. Le mien, je l’exhibe et le revendique : c’est la Commune. Eux cachent le leur et ils ont raison. Je ne les blâme pas et les laisse en paix — à chacun le droit de vivre — mais je les trouve parfois trop vertueux, trop importants et trop enclins aux coups de grosse caisse.

(Hector France, La Nation)

Cadavre (connaître le, savoir où est le)

Rigaud, 1881 : Connaître une particularité de la vie de quelqu’un qu’il a intérêt à tenir secrète. C’est grâce à la connaissance de certains cadavres, qu’il est donné à tant de chanteurs d’exploiter tant de monde. — Il y a un cadavre : il y a complicité. Le cadavre est une intimité inexpliquée entre deux ou plusieurs personnes de position et de rang différents et qu’on soupçonne d’avoir trempé dans quelque mauvaise action.

Cadavre (jouer le)

Rigaud, 1881 : S’acharner après un banquier en déveine, en argot de joueurs.

Ils jouaient le veinard, absolument comme d’autres jouaient le cadavre, s’acharnant contre le banquier, qui était dans une période malheureuse.

(Vast-Ricouard, Le Tripot.)

Cadavre (piétiner sur le)

Rigaud, 1881 : Médire d’une personne récemment décédée, diffamer un mort de la veille, — dans le jargon des gens de lettres. — « Attendez au moins qu’il soit froid », dit-on, quand la médisance est par trop hâtive.

Cadédis

d’Hautel, 1808 : Juron badin en usage parmi les Gascons, et qui équivaut à morbleu ! tubleu ! tudieu !
Un petit cadédis,
pour dire un petit cheval vif et fringant.

Cadelle en cé

Clémens, 1840 : Chaîne en argent.

Cadelle en dure

Clémens, 1840 : Chaîne en fer.

Cadelle en fagots

Clémens, 1840 : Chaîne de forçats.

Cadelle en jonc

Clémens, 1840 : Chaîne en or.

Cadelle en rouget

Clémens, 1840 : Chaîne de cuivre.

Cadelles

Clémens, 1840 : Chaînes.

Cadence

d’Hautel, 1808 : Mettre hors de cadence. Pour déconcerter ; démonter quelqu’un ; le contrarier dans ses vues, dans ses projets.

Cadène

Delvau, 1866 : s. f. Chaîne de cou, — dans l’argot des voleurs, dont les pères ont jadis fait partie de la Grande Cadène qui allait de Paris à Toulon ou à Brest.

Rigaud, 1881 : Chaîne, — dans l’ancien argot ; du latin catena.

La Rue, 1894 : Chaîne.

Hayard, 1907 : Chaîne.

Cadenne

Larchey, 1865 : Chaîne de cou (Vidocq). La racine latine (catena) est demeurée presque intacte.

Virmaître, 1894 : Chaîne de montre. Quelques-uns écrivent cadelle, mais c’est bien cadenne, car on appelait ainsi la grande chaîne de forçats qui autrefois partaient de Bicêtre pour les bagnes de Brest ou de Toulon. Cette expression est restée (Argot des voleurs).

Cadet

d’Hautel, 1808 : Un cadet hupé. Le coq du village ; campagnard qui a du foin dans ses bottes ; garçon jeune, robuste et vigoureux.
Le cadet. Pour dire le derrière.
C’est un torche cadet ; ce n’est bon qu’à torcher cadet. Se dit d’un papier inutile, ou pour marquer le mépris que l’on fait d’un mauvais ouvrage.
Cadet de haut appétit. Voy. Appétit.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pince en fer (Voyez Monseigneur).

M.D., 1844 : Instrument avec lequel on casse une porte.

un détenu, 1846 : Principal outil pour casser les portes.

Halbert, 1849 : Outil pour forcer les portes.

Larchey, 1865 : Pince de voleur (Vidocq). — Cadet a ici le sens d’aide, de servant. On sait que le nom de cadet est donné aux apprentis maçons. V. Caroubleur.

Larchey, 1865 : Individu. — Pris souvent en mauvaise part.

Le cadet près de ma particulière s’asseoit sur l’ banc.

Le Casse-Gueule, chanson, 1841.

Larchey, 1865 : Derrière.

Sur un banc elle se met. C’est trop haut pour son cadet.

Vadé.

Delvau, 1866 : s. m. Synonyme de Quidam ou de Particulier. Tu es un beau cadet ! Phrase ironique qu’on adresse à celui qui vient de faire preuve de maladresse ou de bêtise.

Delvau, 1866 : s. m. Outil pour forcer les portes. Même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : s. m. Les parties basses de l’homme, « la cible aux coups de pied ». Argot du peuple. Baiser Cadet. Faire des actions viles, mesquines, plates. Faubouriens et commères disent fréquemment, pour témoigner leur mépris à quelqu’un ou pour clore une discussion qui leur déplaît : « Tiens, baise Cadet ! »

Rigaud, 1881 : Pince à l’usage des voleurs, petite pince.

Rigaud, 1881 : Derrière. — Baiser cadet, se conduire ignoblement. — Baise cadet, apostrophe injurieuse à l’adresse d’un importun, d’un ennuyeux personnage ; locution autrefois très répandue dans le grand monde des halles où, pour un rien, Cadet était sur le tapis et quelquefois à l’air.

Rigaud, 1881 : Apprenti maçon.

La Rue, 1894 : Petite pince de voleur. Le postérieur. Paquet d’objets votés ; fargué au cadet, chargé du vol.

Virmaître, 1894 : Le postérieur.
— Viens ici, bibi, que je torche ton petit cadet.
— Tu as une figure qui ressemble à mon cadet (Argot du peuple).

France, 1907 : Pince de voleurs ; paquet d’objets volés.

France, 1907 : Le derrière.

— Monsieur Coquelin cadet ?
Et, debout devant son armoire à glace, en manches de chemise, un bonnet de coton rouge sur la tête, la figure navrée, j’aperçus Cadet !
J’éclatai de rire.
— Pourquoi ce bonnet ? vous êtes malade ?
— J’ai un clou.
— Sur le crâne ?
— Non, plus bas… Ici. Mais ne le dites pas.
— Pourquoi cela ?
— Parce qu’il ne serait pas content… mon homonyme, sur lequel je ne puis plus m’asseoir.

(Lucien Puech, Gil Blas)

Bon pour Cadet, chose de nulle valeur. Baiser Cadet, faire des actions basses, se mettre à plat ventre devant un chef, ce que les faubouriens appellent lécher le cul.

France, 1907 : Individu quelconque ; apostrophe adressée à quelqu’un qui vient de faire une bêtise : Vous êtes un fameux cadet. Se dit aussi pour un paquet d’objets volés. Cadet de mes soucis, chose qui n’importe pas et dont je ne m’inquiète nullement.

Les femmes veulent qu’on obéisse, non à ce qu’elles disent, mais à ce qu’elles pensent. Avec elles, il faut sentir et non pas raisonner. Aussi bien la logique est-elle le cadet de leurs soucis. Un jour, une de mes bonnes amies m’a donné là-dessus une leçon dont j’ai fait mon profit. Je veux que vous en ayez votre part.

(Hugues Le Roux)

Cadet de haut appétit

Delvau, 1866 : s. m. Grand mangeur, ou dépensier.

Cadet de mes soucis (c’est le)

Delvau, 1866 : Phrase de l’argot du peuple, qui signifie : Je ne m’inquiète pas de cela, je m’en moque.

Cadet, monseigneur

Clémens, 1840 : Pince en fer à l’usage des voleurs.

Cadets

Virmaître, 1894 : Outils de voleurs (Argot des voleurs). V. Agobilles.

Hayard, 1907 : Outils de cambrioleur.

Cadette

France, 1907 : Dalle, trottoir ; argot des canuts.

Cadichon

Larchey, 1865 : Montre (Vidocq). — Diminutif de Cadran. Le cadran des montres est fort petit.

Delvau, 1866 : s. m. Montre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Montre, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Montre.

Cador

Rigaud, 1881 : Chien, — dans le jargon des voleurs.

Cador du quart

Rigaud, 1881 : Secrétaire du commissaire de police. Mot à mot : chien du commissaire.

Cadouille

France, 1907 : Bâton, rôtin ; argot des marins.

Effarés de ne pas recevoir de coups de cadouille, ils s’éloignent à reculons et leurs prosternations ne s’arrêtent plus.

(Paul Bonnetain, Au Tonkin)

Cadran

d’Hautel, 1808 : Faire le tour du cadran. C’est-à-dire dormir la grasse matinée ; se coucher à minuit et se lever à midi.
Il a montré son cadran solaire. Se dit par plaisanterie des enfans qui, en jouant, laissent voir leur derrière.
Il est comme un cadran solaire. Se dit d’un homme fixe dans ses habitudes, et qui met beaucoup de régularité et d’ordre dans ses affaires.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, à laquelle le membre viril sert d’aiguille pour marquer les heures minuscules du bonheur.

Conduis vite l’aiguille au milieu du cadran.

(Théâtre italien.)

Larchey, 1865 : Montre. — Cadran solaire, lunaire : derrière. — Allusion à la forme ronde du cadran.

Est-ce l’apothicaire Qui vient placer l’aiguille à mon cadran lunaire ?

Parodie de Zaïre, dix-huitième siècle.

Delvau, 1866 : s. m. Le derrière de l’homme, — dans l’argot des voyous. Ils disent aussi Cadran humain ou Cadran solaire.

France, 1907 : Le derrière. Étaler son cadran. On dit aussi cadran solaire et cadran lunaire.

Est-ce l’apothicaire
Qui vient placer l’aiguille à mon cadran lunaire ?

Dans une école de sœurs, la bonne religieuse a pris, à l’instar des pensionnats anglais de jadis, l’habitude de fouetter les élèves ; une fillette de douze ans, qui venait d’être soumise à l’épreuve du martinet, est retournée à sa place en disant :
— Ça m’est joliment désagréable de montrer à tout le monde mon cadran solaire.

(Gil Blas)

Cadran solaire

Rigaud, 1881 : Derrière. — Endommager le cadran solaire, donner du pied dans le derrière.

Virmaître, 1894 : Le derrière. Allusion à sa forme ronde. Cette expression vient du Pont cassé, pièce représentée au théâtre Séraphin, au Palais-Royal. Nicolas, le comique de la troupe de marionnettes, répondait à l’officier, le jeune premier, qui lui demandait l’heure, en lui montrant son derrière. En même temps il lui chantait : Voilà le cadran solaire. Tire lire, lire… (Argot du peuple).

Cadran, cadichon

La Rue, 1894 : Montre.

Cadratin

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans le jargon des typographes. Au propre, le cadratin est un petit morceau de fonte qui sert à maintenir les caractères d’imprimerie. Les ouvriers, pour se distraire, ont combiné un jeu avec les cadratins.

France, 1907 : Chapeau à haute forme ; lettre apocryphe. Se dit aussi, dans l’argot des typographes, pour les petits carrés placés au commencement des alinéas.

Cadratins

Boutmy, 1883 : s. m. pl. Petits parallélépipèdes de même métal et de même force que les caractères d’imprimerie, mais moins hauts que les lettres de diverses sortes. Ils servent à renfoncer les lignes pour marquer les alinéas et portent sur une de leurs faces un, deux ou trois crans. Jeu des cadratins. On joue avec ces petits prismes rectangulaires à peu près comme avec les dés à jouer. Les compositeurs qui calent, et même ceux qui ne calent pas, s’amusent quelquefois à ce jeu sur le coin d’un marbre. Quand le joueur n’amène aucun point, on dit qu’il fait blèche. Il va sans dire que l’enjeu est toujours une chopine, un litre ou toute autre consommation. Les typographes appellent aussi cadratin le chapeau de haute forme, désigné dans l’argot parisien sous le nom si juste et si pittoresque de tuyau de poêle.

Cadre

Rigaud, 1881 : « Le personnel du ballet et des comparses se classe par rang de taille. C’est ce qu’on appelle le cadre. » (A. Bouchard, La langue théâtrale.) Les vieux habitués de l’Opéra se plaisent assez à rompre la glace de ce cadre.

Fustier, 1889 : Le personnel du service de la police de sûreté. — Lettre supposée, écrit apocryphe.

J’estime qu’aucun de vous, quand vous en aurez pris connaissance, ne s’imaginera que c’est une lettre supposée, un cadre, comme nous disons dans notre argot de journalisme.

(XIXe Siècle, 1881.)

France, 1907 : Écrit apocryphe.

Cafard

Rigaud, 1881 : Écolier rapporteur, petit espion de collège, — dans le jargon des collégiens.

Fustier, 1889 : Argot militaire. Insecte qui travaille la tête d’un officier et le rend intolérable pour ses hommes. Par extension, l’officier lui-même, atteint de cette infirmité. (Ginisty : Manuel du réserviste.)

Virmaître, 1894 : Ouvrier qui, dans les ateliers, capte la confiance de ses camarades pour rapporter aux patrons ce qu’ils pensent et ce qu’ils disent (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Individu qui affecte des dehors religieux. Hypocrite qui n’en croit pas un traître mot et exploite la crédulité publique. Cafard est employé comme terme de mépris (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Rapporteur. Celui qui rapporte au patron ce que font ou disent ses camarades.

Hayard, 1907 : Mouchard.

France, 1907 : Mouchard, terme d’atelier ; de l’arabe caphara, renégat.
Cafard s’écrivait autrefois caphards, ainsi qu’on le trouve dans Rabelais.

Ci n’entrez pas hypocrites, bigots,
Vieulx matagots, marmiteux, boursouflés…

Haires, cagots, caphards, empantouphlés…

Cafard (avoir un)

France, 1907 : Avoir des idées décousues ; même sens que : avoir une araignée dans le plafond.

Cafarde

Larchey, 1865 : Lune (Vidocq). — C’est la lune voilée qui se dissimule derrière un nuage avant d’être la Moucharde, de briller de tout son éclat.

Delvau, 1866 : s. f. La lune, — dans l’argot des voleurs, qui redoutent les indiscrétions de cette planète assistant à leurs méfaits derrière un voile de nuages.

Rigaud, 1881 : Lune, — dans le jargon des voleurs. — Cafarde ouatée, lune à demi cachée par les nuages.

La Rue, 1894 : La lune.

Virmaître, 1894 : La lune (Argot des voleurs). V. Moucharde.

France, 1907 : La lune, qui semble en effet guetter les méfaits nocturnes.

Es-tu l’œil du ciel borgne ?
Quel chérubin cafard
Nous lorgne
Sous ton masque blafard ?

(Alfred de Musset, Ballade à la lune)

Cafarder

Rigaud, 1881 : Rapporter aux maîtres les fautes de ses condisciples, espionner ses camarades.

Rigaud, 1881 : Protéger, patronner, — en terme d’École militaire. Un ancien qui cafarde un melon, le prend sous sa protection.

Vous savez que je cafarde M. de Sartène ; je le recommande à vos bons soins.

(Saint-Patrice, Mémoires d’un gommeux.)

Virmaître, 1894 : Moucharder, dénoncer (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Rapporter, moucharder.

France, 1907 : Faire l’hypocrite, moucharder.

Café

d’Hautel, 1808 : Prendre son café aux dépens de quelqu’un. Rire, se jouer, se moquer de quelqu’un ; le railler avec finesse, lui faire des louanges excessives, outrées, et qu’il ne mérite pas.

Café (fort de)

France, 1907 : On dit d’une chose qui passe les bornes, peu croyable ou extravagante : C’est un peu fort de café ; argot des bourgeois. Prendre son café, rire, s’amuser aux dépens d’autrui.

Café (fort de), fort de chicorée, fort de moka

Larchey, 1865 : Excessif, peu supportable.

On dit : C’est un peu fort de café, pour exprimer que quelque chose passe les bornes.

d’Hautel, 1808.

Oh ! Oh ! dirent Schaunard et Marcel, ceci est trop fort de moka.

Murger.

S’unir à un autre ! C’est un peu fort de chicorée.

Cormon.

On sait quelle irritation le café trop fort cause dans le système nerveux. La chicorée jouit des honneurs peu mérités du synonyme. Il semble qu’ici, comme dans le café du pauvre, elle tienne à entrer en fraude. En revanche, on sait que le moka tient le haut de l’échelle.

Café (prendre son)

Rigaud, 1881 : S’amuser aux dépens de quelqu’un. — Fort de café, très fort, peu supportable. Misérable jeu de mots comme on en commettait tant, il y a quelques années ; de la même famille que : « Elle est bonne d’enfants », pour dire qu’une chose est amusante. Fort de café est pour fort eu café, trop chargé en café, expression empruntée aux amateurs de café au lait.

Café d’abbé

Rigaud, 1881 : Café très clair. C’est-à-dire du café comme devraient en prendre les abbés pour ne pas être agités.

Café des deux colonnes

Delvau, 1864 : Prendre son café aux deux colonnes, c’est-à-dire gamahucher une femme. Le con sert le café au lait ; les deux jambes sont là, pour la forme, et ne servent que d’enseigne : aux Deux Colonnes.

Cafemon

M.D., 1844 : Café.

Cafetière

Rigaud, 1881 : Tête, figure, — dans le jargon des charbonniers.

Bing ! en plein sur la cafetière !

(Tam-tam, du 23 mai 1880.)

Rossignol, 1901 : Tête.

France, 1907 : Tête ; argot des voleurs. « Pige le pante, je vais lui crever sa cafetière. »

Cafetière, caisson

La Rue, 1894 : Tête.

Cafignon

France, 1907 : Sécrétion des pieds, autrement dite essence de gendarme ou de facteur rural, particulière aux gens malpropre ; mais certaines gens, quoique d’une propreté méticuleuse, en sont affligées. Le mot est vieux comme le mal ; dérivé d’escafignon, escarpin, chausson, pantoufle. En Normandie, le cafignon est le sabot des vaches, chèvres, cochons, etc., qui n’est pas parfumé. Charles Nisard le fait venir du latin scaphium, pot de chambre, venu lui-même du grec.

On n’est pas sans avoir senti plus d’une fois dans le monde, et là même où se réunissent les gens biens élevés, certaine odeur chaude et nauséabonde qui vient de bas en haut, s’exhale par bouffées et domine de temps en temps toutes celles dont se charge l’atmosphère, partout où il y a agglomération d’individus ; cette odeur est l’effet d’une émanation dont le siège est aussi bien dans la botte du gendarme que dans le soulier de satin de la petite maîtresse. On appelait cela autrefois sentir l’escafignon ; puzzar di scapino, comme disent les Italiens. Il n’y a rien de plus insupportable que cette odeur, si ce n’est l’ignorance où paraissent être de ses propriétés ceux qui la rendent et la promènent partout. Il n’est parfums ni eaux qui puissent la combattre : l’unique moyen de s’en garantir est de s’en aller.

(Charles Nisard, Curiosités de l’étymologie française)

Cafiot

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; mauvais café ; ripopée.

Virmaître, 1894 : Mauvais café fait avec de la chicorée ou avec des résidus de vieux marc de café déjà épuisés (Argot du peuple). V. Jus de chapeau.

France, 1907 : Café faible.

Cafmar

France, 1907 : Café, débit de boisson.

Tu rappliques tranquillement au cafmar, tu raccroches le pardessus du pante, et tu prends le mien, en disant au garçon avec indignation : « On ne peut donc plus se tromper, apprenez à mieux connaître votre monde ! »

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Cafment

anon., 1907 : Café.

Cafouiller

France, 1907 : Fureter, chercher partout.

Cage

d’Hautel, 1808 : Mettre en cage. Signifie mettre en prison ; priver quelqu’un de sa liberté. On dit d’une petite maison, d’une bicoque, que c’est une Cage.

Delvau, 1866 : s. f. Prison, — dans l’argot du peuple, qui a voulu constater ainsi que l’on tenait à empêcher l’homme qui vole de s’envoler. Cage à chapons. Couvent d’hommes. Cage à jacasses. Couvent de femmes. Cage à poulets. Chambre sale, étroite, impossible à habiter.

Delvau, 1866 : s. f. Atelier de composition, — dans l’argot des typographes. Ils disent aussi Galerie.

Rigaud, 1881 : Prison. — Oiseau en cage, prisonnier. — Mettre en cage, mettre en prison.

Ce fut peut-être le maréchal de Matignon qui mit Philippe de Commes en cage.

(Du Puy, Thuana, 1669.)

Rigaud, 1881 : Atelier de composition des ouvriers typographes.

Fustier, 1889 : Tête. Ne plus avoir de mouron sur la cage, être chauve.

France, 1907 : Tête.

France, 1907 : Prison ; atelier recouvert de vitres.

Il déteste l’argot d’atelier, gourmande l’apprenti sur son manque de décorum, sans espérer le corriger, et saisit le premier prétexte venu pour débaucher l’ouvrier qui nomme sa casse une boîte, l’imprimerie une cage.

(Décembre-Alonnier, Typographes et Gens de lettres)

Cage (ne plus avoir de mouron sur la)

Rigaud, 1881 : Être chauve, — dans le jargon du peuple, qui dit aussi : Ne plus avoir de cresson sur la fontaine.

Cage à chapon

France, 1907 : Couvent d’hommes.

Cage à fourches

France, 1907 : Omnibus ; fourches est ici pour fourchettes, voleurs à la tire, qui prennent les omnibus comme champ de manœuvre.

Cage à jacasses

France, 1907 : Couvent de femmes.

Cage à lapins

Rigaud, 1881 : Chambre petite, mais sale.

Cage à poulets

France, 1907 : Petite chambre sale.

Cageton

Halbert, 1849 : Hanneton.

Delvau, 1866 : s. m. Hanneton, — dans l’argot des voleurs, qui savent qu’il est impossible de mettre ce scarabée en cage, et qui voudraient bien jouir du même privilège.

Cagnard

d’Hautel, 1808 : Poltron, capon, pestard ; homme avare et paresseux ; très-attaché à ses foyers.

France, 1907 : Fainéant, flâneur.
Le cagnard est, dans le Midi, la promenade publique.

Cagnarder

d’Hautel, 1808 : Vivre dans l’oisiveté, dans une honteuse paresse ; faire de sordides économies.

Cagne

d’Hautel, 1808 : Un cagne. Synonyme de Cagnard, dont il semble être une apocope.

Bras-de-Fer, 1829 : Gendarme.

Larchey, 1865 : Cheval (Vidocq). — Pris en mauvaise part. Abrév. du vieux mot cagnard : mou, paresseux. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. f. et m. Personne paresseuse comme une chienne, — dans l’argot du peuple. C’est aussi le nom qu’il donne au cheval, — pour les mêmes raisons.

Rigaud, 1881 : Le comble de la paresse. Plus forte que la flemme, qui présente un état passager, la cagne est constitutionnelle ; c’est carogne, par suppression de deus lettres.

Vénus, la bonne cagne, aux paillards appétits.

(Saint-Amant, Le Melon)

Avoir la cagne, faire la cagne.

Rigaud, 1881 : Cheval, — dans le jargon des voleurs.

Avec ça qu’il est chouette ton cagne ! Il a une guibolle cassée.

(Cailler.)

Rigaud, 1881 : Agent de police. C’est une variante de cogne.

Fustier, 1889 : Mauvais chien.

Dans la bonté des chiens, il y a des bizarreries inouïes ; les disgraciés sont quelquefois les intelligents et, dans la même portée, il y a trois cagnes pour un bon chien.

(Carteron : Premières chasses.)

France, 1907 : Mauvais cheval ; de cagnard, fainéant. Se dit aussi d’un mauvais chien et d’un agent de police.

Cagner

Fustier, 1889 : Faire la cagne ; reculer devant une besogne difficile ou dangereuse. (Littré).

France, 1907 : Reculer.

Cagnotte

Larchey, 1865 : « Espèce de tirelire d’osier recevant les rétributions des joueurs. »

Montépin.

Delvau, 1866 : s. f. Rétribution tacitement convenue qu’on place sous le chandelier de la demoiselle de la maison. Argot des joueurs du demi-monde.

France, 1907 : Argent prélevé sur les joueurs pour couvrir les frais du jeu.

Et on lui explique complaisamment de quelle façon on entendait faire marcher le cercle ; comment on y attirerait les joueurs, comment on les pousserait à se ruiner, et comment la cagnotte s’engraisserait à leurs dépens.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

— La cagnotte !… Voilà le plus clair du baccara… Oh ! la belle et bonne nourrice qu’une cagnotte !… Elle produit ici, petit cercle, partie moyenne, de dix-huit cents à quatre mille francs par soirée… Chez les frères Benoit, c’est le double, le triple… et encore, comme les directeurs trouvent que ce rendement n’est pas suffisant, les croupiers ont la consigne de l’augmenter le plus qu’ils peuvent.

(E. Lepelletier)

Faire une cagnotte, mettre en réserve les gains ou une partie des gains pour une dépense commune.

Cagnotte en détresse

Rigaud, 1881 : Prostituée qui exploite les abords des cercles, guettant la sortie des joueurs heureux, généreux et amoureux… de la première venue. Elle sait qu’il y a des joueurs qui ont le gain tendre.

Çago

M.D., 1844 : Cela.

Cagon

anon., 1827 : Voleur solitaire.

Cagou

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voleur solitaire.

Bras-de-Fer, 1829 : Voleur solitaire.

Halbert, 1849 : Voleur solitaire.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur solitaire, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Chef de voleurs. Voleur se portant caution pour un nouveau venu.

France, 1907 : Professeur de vol, initiateur de jeunes filous. Le mot est vieux et exprimait un grade dans la hiérarchie des argotiers.

Les cagous sont interrogés, s’ils ont été soigneux de faire observer l’honneur dû au Grand-Coësre ; s’ils ont montré charitablement à leur sujets les tours du métier ; s’ils ont dévalisé les argotiers qui ne voulaient reconnaître le Grand-Coësre, et combien ils leur ont été…

(Le Jargon de l’argot)

Cagou engonseur

France, 1907 : Voleur, travaillant seul.

Cagou, cagoux

Rigaud, 1881 : Dignitaire à la cour du grand Coësre ; dignité disparue, dignitaire éclipsé aujourd’hui. Dans le royaume argotique, les cagoux étaient des professeurs d’argot au double point de vue de la théorie et de la pratique. Ils portaient le titre d’archi-suppôts. D’après Graudval, le cagou était un voleur qui opérait seul : misanthropie et escamotage.

Cahin caha

d’Hautel, 1808 : Il va cahin caha. Pour dire tout doucement, tant bien que mal.

Cahin-caha

Delvau, 1866 : adv. Avec peine, de mauvaise grâce, — dans l’argot du peuple, fidèle à l’étymologie : qua hinc, qua hac.

France, 1907 : Aller difficilement, avec peine. Marcher cahin-caha. Se dit aussi des choses qu’on fait malgré soi à plusieurs reprises et de mauvaise grâce. Du latin qua hinc, qua hac, qui a même signification.

Caillasse

Delvau, 1866 : s. f. Cailloux, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Cailloux.

Caillasses

un détenu, 1846 : Pavés, cailloux des rues.

Caille

d’Hautel, 1808 : Chaud comme une caille. Se dit de quelqu’un qui est brûlant et très agité.
Caille coiffée. Sobriquet qu’on donne aux femmes sans pudeur, et qui prennent des airs libres et dégagés

Caillé

Larchey, 1865 : Poisson. — Vidocq. — Mot à mot : couvert d’écailles. — Du vieux mot caille : écaille. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Poisson, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Poisson, — dans l’ancien argot. Il est couvert d’écailles, d’où le nom.

Virmaître, 1894 : Poisson quelle que soit sa nature. Il est caillé, il a des écailles (Argot des voleurs).

France, 1907 : Poisson, c’est-à-dire couvert de cailles, vieux mot pour écailles.

Caille coiffée

Delvau, 1866 : s. f. Femme éveillée, un peu plus amoureuse que son mari ne le voudrait, — dans l’argot du peuple, qui connaît les mœurs du Coturnix.

Caille, poigne

Clémens, 1840 : Gant.

Caillette

d’Hautel, 1808 : Nom injurieux que l’on donne à une commère, à une méchante langue.

France, 1907 : Petite femme, aimable et de mœurs légères.

Je vis une de ces caillettes tout récemment aux fêtes de Rome.
Elle a la savoureuse maturité, l’éclat d’un fruit automnal, de petites dents nacrées dans une bouche qui ressemble à l’arc symbolique d’Éros, qui est comme une cible à baisers, des bouclettes soyeuses qui lui dorent toute la nuque et des yeux où l’on croirait qu’un ciel pâle de neige s’est reflété. Elle fut élevée avant d’être levée, comme disent les gamins du club, figura en bonne place je ne sais plus dans quelle cour du Nord ; sait tout l’alphabet du vice sur le bout du doigt et aurait, rien qu’avec ses souvenirs, fourni à ce libertin de Casanova la matière de sept ou huit volumes ad usum senectutis.

(Champaubert)

Caillou

Delvau, 1866 : s. m. Figure grotesque, — dans l’argot des voyous. Signifie aussi Nez.

Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voyous. (A. Delvau)Avoir son caillou, être légèrement pris de vin.

Rigaud, 1881 : Figure. — Se sucer le caillou, s’embrasser. — Avez-vous fini de vous sucer le caillou ?

La Rue, 1894 : Bonne tête, Naïf. Crâne. Nez.

Virmaître, 1894 : Tête. Il a rien un sale caillou (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Tête.

Hayard, 1907 : Tête chauve.

France, 1907 : Figure, crâne. Caillou déplumé, tête chauve. On dit aussi dans le même sens : n’avoir plus de mousse sur le caillou.

Un affreux rôdeur de barrière comparaît en cour d’assises ; il a assassiné un malheureux vieillard sans défense.
— Votre profession ?
— Casseur de cailloux.
Et il jette un regard menaçant et féroce sur le crâne chauve du président !

Se dit aussi simplement pour tête.

Si l’bigornot barr’ ton trimin,
Sur le caillou mets-lui un pain.

(Hogier-Grison)

Le mot caillou désigne également un naïf qui, dans les salles de vente, se laisse entraîner et se voit adjuger l’objet beaucoup plus cher qu’il ne vaut.

Caïman

Fustier, 1889 : Maître, surveillant. Argot des élèves de l’École normale.

Je rentrai si en retard, que le père Estiévant, le portier, qui me vendait du chocolat, fut obligé de me marquer tout comme un autre sur sa liste. Je pensais avoir une excuse et je l’exposai au caïman…

(Gaulois, 1880.)

France, 1907 : Maître d’étude à l’École normale.

Caisse

d’Hautel, 1808 : Bourrer sa caisse. Signifie se remplir le ventre, manger à regorger.
Bander la caisse. C’est-à-dire, s’en aller.
Battre la caisse. Courir après l’argent, faire des démarches pour s’en procurer.

Caisse (battre la grosse)

Rigaud, 1881 : Faire beaucoup de réclame pour quelque chose ou pour quelqu’un. — Allusion aux coups de grosse caisse de MM. les saltimbanques.

France, 1907 : Louer bruyamment, faire du puffisme autour d’un nom ou d’un ouvrage. « Nombre d’auteurs et des mieux cotés battent eux-mêmes la grosse caisse autour de leurs livres, en rédigeant des entrefilets élogieux qu’ils envoient aux journaux. »

Caisse (donner de la grosse)

Larchey, 1865 : Louer très-bruyamment — Allusion aux bateleurs qui attirent leur public à coups de grosse caisse.

Il faut qu’Artémise réussisse… C’est le cas de donner de la grosse caisse à se démancher le bras.

L. Reybaud.

Caisse (sauver la)

Rigaud, 1881 : Se sauver avec la caisse, fuir en emportant un dépôt d’argent. Entre caissiers : — Encore un de nos confrères qui vient de se sauver. — Le pauvre homme !… et il a gagné la frontière ? — Non, on l’a pincé. — Pincé ! le troisième depuis cette semaine…. c’est à vous dégoûter du métier !

France, 1907 : S’enfuir avec les fonds dont on est dépositaire ou comptable. Expression à la mode depuis la pièce des Saltimbanques, où l’un des personnages, Bilboquet, s’écrie, au moment de fuir avec l’argent : Sauvons la caisse !

Caisse (se taper sur la)

Rigaud, 1881 : Ne rien avoir à manger. Les ouvriers disent dans le même sens : Se taper sur la baraque.

Caisse d’épargne

Delvau, 1866 : s. f. La bouche, dans l’argot du peuple, qui a l’ironie amère, parce qu’il sait que les trois quarts du salaire sont absorbés par ce gouffre toujours ouvert. Il l’appelle aussi, en employant une image contraire, Madame la Ruine.

Rigaud, 1881 : Bouche. — Mettre à la caisse d’épargne, manger.

Virmaître, 1894 : Le marchand de vin. C’est là, en effet, que les ouvriers placent non seulement leurs économies, mais souvent l’argent de la paie (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Bouche ; marchand de vin. Argot populaire. Dans la bouche, en effet, le « populo » fait de nombreux versements de liquide, et chez le marchand de vin il place une partie de sa paye.

Caisse des reptiles

France, 1907 : Fonds secrets à la disposition des hommes au pouvoir, pour soudoyer la presse vendue.

Caisse noire

Fustier, 1889 : Fonds secrets mis à la disposition du Ministre de l’Intérieur et du Préfet de police.

Croyez-vous que l’argent de la caisse noire ne pourrait pas être plus utilement employé ?

(Figaro, 1882.)

France, 1907 : Fonds secrets dont disposent le ministre de l’intérieur et le préfet de police.

Caisson

Delvau, 1866 : s. m. Tête, — dans l’argot des soldats. Se faire sauter le caisson. Se brûler la cervelle.

Rigaud, 1881 : Tête. — Se faire sauter le caisson, se faire sauter la cervelle avec une arme à feu.

France, 1907 : Tête. Se faire sauter le caisson, se brûler la cervelle.

Ce gendre exceptionnel proposa carrément à la matrone de remplacer sa fille dans le lit conjugal où une place demeurait vide et froide. La belle-maman refusa. Alors, le gendre prit un revolver, lui logea trois balles dans la tête et se fit ensuite sauter le caisson.

(E. Lepelletier)

Caisson (faire sauter le)

Larchey, 1865 : Faire sauter la cervelle.

Quelle mort préférez-vous ? — Faites-moi sauter le caisson.

P. Borel, 1833.

Caisson (se faire sauter le)

Merlin, 1888 : Se brûler la cervelle.

Calabre

Halbert, 1849 : Teigne.

Delvau, 1866 : s. f. Teigne, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Teigne, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Teigne.

Calabre, calot

La Rue, 1894 : Teigne.

Calain

Halbert, 1849 : Vigneron.

Delvau, 1866 : s. m. Vigneron, — dans le même argot [des voleurs].

Calamistrer

d’Hautel, 1808 : Retaper, friser avec un fer à toupet.

Calance

d’Hautel, 1808 : Terme d’imprimerie. Interruption que l’on met, sans nécessité, dans son travail, pour satisfaire à une humeur oisive et vagabonde. La Calance provient quelquefois aussi d’une intermission involontaire dans l’ouvrage ; ce qui force alors l’ouvrier à se reposer malgré lui.
Faire sa calance. Muser, vagabonder ; abandonner son ouvrage pour vaquer à des frivolités.

Boutmy, 1883 : s. f. Action de caler, état de celui qui cale.

Calancher

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des vagabonds.

Rigaud, 1881 : Mourir.

La Rue, 1894 : Mourir.

Virmaître, 1894 : Mourir. Pour indiquer qu’un objet n’est pas d’aplomb, on dit : il calanche (penche) à droite ou à gauche (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Mourir.

France, 1907 : Mourir, argot populaire, et aussi n’être pas d’aplomb, pencher, du languedocien calanque, faiblesse, langueur.

Calande

Rigaud, 1881 : Promenade, — dans le jargon des voleurs. — Se pousser la calande, se promener.

La Rue, 1894 : Promenade. Calandriner le sable, traîner sa misère.

France, 1907 : Promenade ; argot des voleurs.

Calandriner le sable

Delvau, 1866 : v. a. Traîner sa misère, — dans l’argot des voyous.

Calandriner, caler le sable

Rigaud, 1881 : Traîner la misère, — dans le jargon des souteneurs.

Calbombe

La Rue, 1894 : Bougie, flambeau.

Rossignol, 1901 : Chandelle, bougie.

Hayard, 1907 : Chandelle.

Calcul

Delvau, 1864 : Plaisir vénérien.

Les deux amants étoient au plus fort de leur calcul.

P. De Larivet.

Je sais quelqu’un
Qui rend encor le calcul
Nul.

Collé.

Cale

France, 1907 : Servante, vieux mot que l’on trouve dans Tallemant des Réaux :

Il entreprit de prouver que Gombault qui se piquait de n’aimer qu’en haut lieu, enjolait une petit cale crasseuse.

Calé

Larchey, 1865 : Riche (d’Hautel). — Terme de marine. Être calé, c’est avoir assez de biens pour en remplir sa cale. Usité en 1808.

Les plus calés sont quelquefois gênés.

E. Sue.

Rigaud, 1881 : Riche, cossu. Rien de tel que l’argent pour vous caler ; c’est-à-dire pour vous mettre d’aplomb et vous donner de l’aplomb.

La Rue, 1894 : Riche, bien posé.

Rossignol, 1901 : Riche, instruit, connaissant son métier. Une personne riche est calée. Si elle est instruite, elle est calée. Celui qui connaît bien son métier est calé.

Hayard, 1907 : Riche.

France, 1907 : Riche ; être calé, être très à son aise ; expression qui vient de la marine. Un vaisseau qui est calé est un vaisseau dont la cale est bien remplie.

— Eh ben ! et toi, quéque tu fais déjà ?
Toupinel avait sa redingote neuve, il souffrit de cet attouchement. Fleurot, lui, n’avait pas du tout l’air de s’apercevoir de l’embarras du commis. Alors celui-ci essaya de l’épater ; avec un faux air humble, il déclina :
— Je suis commis principal au ministère…
— Ah ! oui, t’es dans un ministère, interrompit Fleurot, t’es un type calé, toi !

(Auguste Audy, Gil Blas)

Calé (être)

Fustier, 1889 : Dans l’argot des écoles, cette expression est synonyme de savoir ses leçons, ses cours, connaître à fond les matières d’un examen.

anon., 1907 : Avoir de l’argent.

Cale (se lester la)

France, 1907 : Boire et manger ; argot des marins.

Cale en dos

Rossignol, 1901 : Bossu.

Il a une cale dans l’dos.

Calé, ée

Delvau, 1866 : adj. Riche, heureux, — dans l’argot du peuple, à qui il semble qu’un homme calé ne peut plus tomber ni mourir.

Calebasse

d’Hautel, 1808 : Frauder la calebasse. Pour dire tromper quelqu’un, le frustrer de la part qui lui revient.

Bras-de-Fer, 1829 : Tête.

Larchey, 1865 : Tête. — Allusion de forme.

Faudrait pas gros de sens commun pour remplir une calebasse comm’ ça.

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. f. Tête, — dans l’argot des faubouriens, qui ont trouvé une analogie quelconque entre l’os sublime et le fruit du baobab, presque aussi vides l’un que l’autre. Grande calebasse. Femme longue, maigre et mal habillée.

Fustier, 1889 : Secret. Vendre la calebasse, révéler le secret. (Littré.)

La Rue, 1894 : Tête.

Virmaître, 1894 : Seins. Se dit quand les malheureux sont sans consistance, qu’ils pendent et se répandent (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Objets, marchandises, produit d’un vol.

France, 1907 : Tête ; argot des faubouriens. Grande Calebasse, femme maigre et mal tournée.
Calebasse signifie aussi secret. Vendre la calebasse, dénoncer.

— Toujours est-il, reprit le recéleur, que c’est lui qui a vendu la calebasse, et que sans lui…

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Calebasses

Delvau, 1866 : s. f. pl. Gorge molle, qui promet plus qu’elle ne tient.

Rossignol, 1901 : Seins pendants. Il y a une quantité de noms selon l’âge : titis, tétés, tétons, tétasses, tripasses, calebasses, blagues à tabac, cuirs à rasoirs.

France, 1907 : Gorges de femme, longue et molle.

Calèche

France, 1907 : Femme entretenue, prostituée élégante ; argot des voleurs.
Les synonymes sont très nombreux et plus injurieux les uns que les autres. Léo Taxil, dans la Prostitution contemporaine, en donne une liste à peu près complète :

Les messieurs qui ont des prétentions à la distinction disent : fille de joie, courtisane, belle de nuit. Comme désignation insultante on dit : putain, catin. Les autres termes employés, avec le plus de grossièreté, sons les suivants : garce, gothon, doffière, chameau, grenouille, tortue, volaille, salope, gueuse, toupie, cache, bagasse, calèche, rouscailleuse, couillère, omnibus, giberne, vessie, vezou. Les souteneurs dans leur argot disent : gaupe, marmite, dabe, largue, ouvrière, guénippe, ponante, ponisse, panturne, panuche, bourre de soie. On se sert aussi des mots poupée, gourgandine, vieille citadelle.

(Léo Taxil, La prostitution contemporaine)

Calèche du Préfet

Virmaître, 1894 : Le panier à salade qui transporte les voleurs des postes de police au Dépôt de la préfecture (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voiture cellulaire.

Caleçon

d’Hautel, 1808 : Le peuple de Paris prononce Caneçon ; par une contradiction assez bizarre, il dit Calonier, au lieu de Canonnier.
Les mots falbala, lentille éprouvent une altération semblable ; et on entend presque continuellement dire un Falbana, des Nentilles.

Calége

Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue, — dans l’argot des voleurs qui prononcent calèche à la vieille mode.

Calège

Larchey, 1865 : Prostituée élégante, et associée à des hommes dangereux.

Elle vend très-cher ce que la ponante et la dossière livrent à des prix modérés. Sa toilette est plus fraîche ; ses manières plus polies. Elle a pour amant un faiseur ou un escroc, tandis que les autres sont associées à un cambriolleur ou à un roulotier.

Vidocq.

Vient de cale, qui signifiait grisette au dix-septième siècle.

Gombault, qui se piquait de n’aimer qu’en bon lieu, cajolait une petite cale crasseuse.

Tallemant des Réaux.

Rigaud, 1881 : Fille richement entretenue, — dans le jargon des voleurs. C’est-à-dire fille calée, par altération.

La Rue, 1894 : Fille entretenue richement.

Calembredaines

d’Hautel, 1808 : Bourdes, contes en l’air, discours frivoles et saugrenus.

Calence

Rigaud, 1881 : Manque d’ouvrage, — dans le jargon des ouvriers.

France, 1907 : Chômage, manque d’ouvrage.

Calendes

d’Hautel, 1808 : Renvoyer quelqu’un aux calendes grecques. C’est-à-dire, l’envoyer promener, le remettre à une époque qui ne doit jamais arriver ; parce que les Grecs n’ont jamais eu de calendes, mais bien les Romains qui donnoient ce nom au premier jour de chaque mois.

Calendes grecques (renvoyer aux)

France, 1907 : On se servait du mot calendes pour désigner le premier jour du mois, dans la chronologie romaine, et on les comptait dans un ordre rétrograde. Par exemple, la veille des calendes d’octobre, c’est-à-dire le 30 septembre s’appelait le second jour des calendes ; le 29, le troisième et ainsi de suite jusqu’au 13 ou au 15, suivant le mois, et qu’on appelait ides. Cette bizarre coutume est encore employée dans la chancellerie romaine. Les Grecs, qui ne se servaient pas de cette façon de compter, n’avaient par conséquent pas de calendes, et renvoyer quelqu’un aux calendes grecques, c’était l’ajourner à un temps qui ne devait jamais arriver, comme l’on renvoie encore à la semaine des quatre jeudis, ou, disent les gens du peuple : à mardi s’il fait chaud, ou quand il fera chaud, ou encore quand les poules auront des dents.

Calendriner le sable

France, 1907 : Être dans la misère ; argot des voleurs.

Calendriner sur le sable

Virmaître, 1894 : Être dans une misère noire (Argot des voleurs).

Caler

d’Hautel, 1808 : Être bien ou mal calé. Signifier être bien ou mal dans ses affaires.
On dit aussi d’un homme misérablement vêtu, qu’il est bien mal calé.
Se caler. Se mettre dans ses meubles, sortir de l’état d’indigence où l’on se trouvoit.
Le voilà bien calé. Pour, le voilà bien restauré, il doit être bien satisfait. Se dit ironiquement d’une personne à qui l’on accorde un foible secours pour le dédommager d’une perte considérable.

Delvau, 1866 : v. n. N’avoir pas de besogne, attendre de la copie, — dans l’argot des typographes.

Delvau, 1866 : v. n. Céder, rabattre de ses prétentions, — ce qui est une façon de baisser les voiles. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : v. n. Appuyer sa main droite sur sa main gauche en jouant aux billes, — dans l’argot des enfants.

Rigaud, 1881 : N’avoir rien à faire, se croiser les bras en attendant de l’ouvrage.

Rigaud, 1881 : Maltraiter, corriger à coups de poing, — dans le jargon des voyous.

Boutmy, 1883 : v. intr. Rester sans ouvrage. Le typographe cale pour deux raisons : soit parce qu’il manque de copie, soit parce que les sortes font défaut ; quand il n’a pas de disposition au travail, il flème.

La Rue, 1894 : Avoir peur. Chômer. Se caler, manger.

Virmaître, 1894 : On cale un meuble avec un coin de bois. Un homme riche est calé. Les typographes emploient cette expression pour dire qu’ils attendent de la copie, ils calent (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Ne pas travailler.

France, 1907 : Rester sans ouvrage, du provençal calar, cesser de travailler, discontinuer. Caler de l’école, faire l’école buissonnière, paresser.

Si le compositeur n’est pas en train de jaser, il rêve. Sa plus grande jouissance est de caler, c’est-à-dire de ne rien faire : nunc libris, nunc somno.

(Jules Ladimir)

Câler

d’Hautel, 1808 : Câler. Terme typographique. Faire le paresseux ; mener une vie oisive ; rester les bras croisés quand on a de l’ouvrage.

Larchey, 1865 : Ne rien faire.

La plus grande jouissance du compositeur d’imprimerie est de câler.

Ladimir.

Caler (se les)

anon., 1907 : Manger.

Caler des boudins aux lourdes

France, 1907 : Faire des trous dans une porte.

Caler des boulins

Rigaud, 1881 : Faire des trous.

Caler l’avaloir (se)

France, 1907 : Manger, s’emplir la bouche.

Disciple de la bande noire,
Pour bien te caler l’avaloire,
Dans la complouse de Poissy
J’en tressais, t’en tressais aussi.

(Chanson d’un voleur, recueillie par Hogier-Grison)

On dit aussi dans le même sens : se caler les joues.

— Dis donc, hé ! Larfouillat, écoute un peu voir que je te raconte quelque chose.
Larfouillat, qui était en train de se caler les joues avec une briffe de pain, — pour n’en pas perdre l’habitude — s’interrompit pour répondre à Couchobloc :
— Tu vas encore me faire une cochonne farce ! Merci, j’en ai assez !

(La Baïonnette)

Caler l’école

Delvau, 1866 : v. a. N’y pas aller, la lâcher, — dans l’argot des écoliers qui ont appris assez de latin et de grec pour supposer que ce verbe vient de chalare et de χαλάω.
Mais les grandes personnes, même celles qui ont fait leurs classes, veulent qu’on dise caner et non caler, s’appuyant sur la signification bien connue du premier verbe, qui n’est autre en effet que Faire la cane, s’enfuir. Mais je persisterai dans mon orthographe, dans mon étymologie et dans ma prononciation, parce quelles sont plus rationnelles et qu’en outre elles ont l’avantage de me rappeler les meilleures heures de mon enfance. En outre aussi, à propos de cette expression comme à propos de toutes celles où les avis sont partagés, je pense exactement comme le chevalier de Cailly à propos de chante-pleure :

Depuis deux jours on m’entretient
Pour savoir d’où vient chante-pleure :
Du chagrin que j’en ai, je meure !
Si je savais d’où ce mot vient,
Je l’y renverrais tout à l’heure…

Caler les amygdales (se)

Rigaud, 1881 : Manger. Et les variantes : se caler les soupapes, se caler les joues, se les caler.

Caler les joues

Virmaître, 1894 : Bien boire et bien manger. Allusion aux joues qui gonflent lorsqu’elles sont pleines (Argot du peuple).

Caler les joues (se)

Hayard, 1907 : Bien manger.

Caler sa bitture

France, 1907 : Se décharger du trop-plein de la digestion.

Après s’être calé les amygdales, on va caler sa bitture.

Caler sa biture

Rigaud, 1881 : Sacrifier à la compagnie Lesage.

Caleter

Rigaud, 1881 : Décamper, — dans le jargon des truqueurs. Lorsque le bonneteur ou l’un de ses compères a aperçu de loin le képi d’un sergent de ville, tout ce monde de filous qui entoure les jeux de hasard se sauve à la débandade au mot d’ordre de : Tronche à la manque, Plaine et Norvège, caletez fort, caletez bien ! La police ! Sauvez-vous vite, sauvez-vous bien de tous les côtés !

La Rue, 1894 : Se sauver. Tronche à la manque, plaine et Norvège, caletez fort ! crie le guetteur au bonneteur (la police ! sauvez-vous vite !)

Caleter ou calter

France, 1907 : Décamper.

Si tu dis : Un millet qui tombe !
Si ça perd, calte comme bombe.

(Hogier-Grison, Maximes des tricheurs)

Caleur

d’Hautel, 1808 : Lâche, mou, paresseux, ouvrier enclin à la dissipation et à la fénéantise.

Rigaud, 1881 : Ouvrier typographe qui attend de la copie, que le manque de copie force à se croiser les bras. Dans les ateliers de composition, ce mot n’a plus le sens, qu’il avait autrefois, de mauvais ouvrier, fainéant et ivrogne.

Rigaud, 1881 : Garçon, de l’allemand Kellner, — dans l’ancien argot.

Boutmy, 1883 : s. m. Ouvrier qui n’a pas de travail. C’est à tort que B. Vinçard, qui s’intitule « typographiste », et avant lui Momoro, « le premier imprimeur de la Liberté », définissent le caleur : celui qui est nonchalant ou ivrogne. En tout cas, le mot n’a plus aujourd’hui cette signification blessante.

Hayard, 1907 : Qui ne travaille pas.

France, 1907 : Ouvrier fainéant.

Calfater le bec (se)

France, 1907 : Manger ; argot de marine. Le calfat est chargé du soin de boucher les trous faits par les boulets, ainsi que les voies d’eau.

Calfeutrer une femme

Delvau, 1864 : Boucher son trou avec une pine.

Le garçon de boutique calfeutra aussi bien mon bas, que maître juré qui soit du métier de culetis.

(Variétés historiques et littéraires.)

Caliborgne

Rigaud, 1881 : Borgne.

France, 1907 : Borgne ; argot populaire.

Caliborgne ou caliborgnon

Virmaître, 1894 : Borgne (Argot des voleurs). V. Guigne à gauche.

Calibre

d’Hautel, 1808 : N’être pas du même calibre. Signifie, au figuré, n’avoir pas les mêmes mœurs, les mêmes inclinations ; différer entièrement de sentimens et d’opinions.

Larchey, 1865 : Qualité. — On sait que les armes et bouches à feu sont graduées par calibre.

Un particulier de ce calibre-là.

Randon.

Calic

Fustier, 1889 : Commis de magasin de nouveautés. Abr. de Calicot.

France, 1907 : Commis de nouveauté.

Calice

d’Hautel, 1808 : On dit des gens qui sont vêtus avec luxé et recherche, qui ont des habits galonnés sur toutes les coutures, qu’ils sont dores comme des calices.

Calicot

Larchey, 1865 : Commis marchand. Mot à mot : vendeur de calicot.

Triple escadron ! le calicot s’insurrectionne.

P. Borel, 1833.

Delvau, 1866 : s. m. Commis d’un magasin de nouveautés, — dans l’argot du peuple. Le mot date de la Restauration, de l’époque où les messieurs de l’aune et du rayon portaient des éperons partout, aux talons, au menton et dans les yeux, et où ils étaient si ridicules enfin avec leurs allures militaires, qu’on éprouva le besoin de les mettre au théâtre pour les corriger.

France, 1907 : Commis de nouveauté. Cette qualification fut donnée, vers 1816, aux commis marchands de Paris, qui se faisaient remarquer par leur tenue militaire et leurs prétentions. Il parait, en effet, qu’ils portaient des éperons, des bottes à l’écuyère et qu’ils se rendaient de cette façon si ridicules que, dans un vaudeville, Le Combat des montagnes, ils furent mis en scène sous un personnage grotesque, appelé Calicot. Les commis eux-mêmes ont adopté gaiment ce surnom.

Une troupe de calicots
Va pêcher sous le pont d’Asnière ;
Les femmes — robes printanières —
Se parent de coquelicots.
Avec des boîtes d’asticots
Qu’ils portent à leur boutonnières,
Une troupe de calicot
Va pêcher sous le pont d’Asnière.

Eux, poussent des coquericos —
Qu’elles imitent — garçonnières,
Et que répètent, moutonnières,
Des voix répondant en échos…
Une troupe de calicots
Va pêcher sous le pont d’Asnières.

(Jean Ajalbert)

Calicote

Larchey, 1865 : Femme fréquentant un ou plusieurs calicots.

Clara Fontaine est une étudiante, Pomaré est une calicote.

Paris dansant.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse de commis de nouveautés.

France, 1907 : Employée d’un magasin de nouveautés ou la maîtresse d’un calicot.

Californien

Larchey, 1865 : Riche. — Grâce à des découvertes aurifères bien connues, ce mot a remplacé le Pérou dans nos locutions proverbiales.

La jeune fille regrettait de ne pouvoir garder pour elle-même cette bonne fortune californienne.

Montépin.

France, 1907 : Homme riche. C’est en Californie qu’on allait autrefois faire fortune.

Califourchon

d’Hautel, 1808 : Être à califourchon. Être assis sur quelque chose jambe çà et là, comme lorsqu’on monte un cheval en croupe.

Caliguler

Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont gardé rancune au Caligula d’Alexandre Dumas.

Calijatte

La Rue, 1894 : Empoisonnement.

Calin

France, 1907 : Fontaine d’étain dont se servent les marchands de coco.

Câlin

d’Hautel, 1808 : Un câlin. Sobriquet qu’on donne à un paysan qui, sous un air niais, sot et indolent, cache beaucoup de finesse et d’industrie.

Fustier, 1889 : Tonnelet d’étain dont se servent les marchands de coco. Le tonnelet lui caresse, lui câline le dos. (Richepin.)

Câliner

d’Hautel, 1808 : Faire le câlin, flatter, carresser quelqu’un.
Se câliner, avoir grand soin de sa personne, se délicater, se dorloter ; vivre dans l’indolence et l’oisiveté.

Calinier

France, 1907 : Amoureux.

Quant aux jeunes filles, bien attifées et proprettes, elles vont, après vêpres, se promener par groupes, sur la route, jacassant bruyamment et cherchant à attirer l’attention des garçons par des poussées et des rires. Quelques-unes attendent leurs amoureux, qu’on appelle le calinier. On se dit bonjour en passant, on échange des plaisanteries au gros sel, mais les groupes n’osent s’arrêter et chacun, à regret, continue son chemin… Une seule fois par an, le calinier est autorisé à offrir le bras à sa calinière ; c’est au jour de la fête appelée ici le festin.

(Hector France, Impressions de voyage)

Calino

Larchey, 1865 : Homme ridiculement naïf. — C’est une pièce du vaudeville qui a vulgarisé ce nom et ce type.

L’artiste était fort ennuyé par une espèce de calino.

Figaro.

Delvau, 1866 : s. m. Nom d’une sorte de Jocrisse introduit par Antoine Fauchery dans un vaudeville, et qui a été appliqué depuis à tous les gens assez simples d’esprit, par exemple, pour s’imaginer avoir vu bâtir la maison où ils sont nés.

France, 1907 : Nom d’une sorte de Jocrisse introduit par Antoine Fanchery dans un vaudeville, vers 1858, et dont la presse s’est emparée pour en faire un nouveau type auquel on attribue toutes les niaiseries et toutes les naïvetés. Le nom vient, du reste, du vieux mot calin (niais) et on le trouve dans Tallemant des Réaux : « L’artiste était fort ennuyé par une espèce de Calino. »
Cependant, s’il faut s’en rapporter à certains étymologistes, ce type de la naïveté burlesque aurait réellement existé.

C’était un garçon fort connu des artistes qui fréquentaient vers 1846 l’ancien café de la Porte Saint-Martin, où il s’était créé une véritable célébrité.

Calinot

Rigaud, 1881 : Type du naïf, petit fils de La Palisse et frère de Jocrisse. Découvert par MM. Ed. et J. de Goncourt dans : Une Voiture de Masques, Calino a été mis en pièce par MM. Barrière et Fauchery. L’orthographe primitive de MM. de Goncourt donne Calinot par un t aujourd’hui l’on écrit Calino sans t, probablement par économie, puisque Calinot a fait calinotades.

Calinotade

Delvau, 1866 : s. f. Naïveté qui frise de près la niaiserie.

Rigaud, 1881 : Naïveté digne de Càlino.

Calinte

Rigaud, 1881 : Culotte, — dans le jargon des voyous. — Ta calinte bâille, ta culotte est déchirée.

Calique

Rigaud, 1881 : Commis de magasin de nouveautés. C’est une variante de calicot.

Callancher

un détenu, 1846 : Mourir.

Callibistri

Delvau, 1864 : Le membre viril, ou la nature de la femme.

Montrant mon callibistri à tout le monde, qui n’était pas petit sans doute.

Rabelais.

Je crois que les callibistris des femmes de ce pays sont à meilleur marché que les pierres.

Rabelais.

Callipédie

France, 1907 : Les Grecs appelaient ainsi l’art de procréer de beaux enfants, des deux mots καλός, beau, παιδός, enfant. Cet art empirique chez les Grecs et les Latins se réduit à l’application de certains préceptes de la physiologie de l’hygiène et à la connaissance des lois de l’hérédité.

Callot

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Teigneux.

Delvau, 1866 : s. m. Teigneux, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Teigneux. Vient de calabre, teigne (Argot des voleurs).

Callots

anon., 1827 : Teigneux.

Bras-de-Fer, 1829 : Teigneux.

Halbert, 1849 : Taigneux.

France, 1907 : Variété de vagabonds.

Les callots sont teigneux, véritables contrefaits.

(Le Jargon de l’argot)

Callots (les)

Hayard, 1907 : Les yeux.

Calme et inodore (être)

Larchey, 1865 : Affecter une certaine sévérité de manières. — Ces deux mots ne vont jamais l’un sans l’autre, et parodient sans doute quelque manuel de civilité puérile et honnête.

Delvau, 1866 : Se conduire convenablement, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Se tenir tranquille. Les personnes qui ont une teinture de chimie ne manquent pas d’ajouter : inattaquable par les acides.

Caloquet

d’Hautel, 1808 : Chapeau, bonnet, colifichets dont les femmes ornent leurs têtes.

anon., 1827 : Chapeau.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chapeau.

Bras-de-Fer, 1829 : Chapeau.

Halbert, 1849 : Chapeau.

Larchey, 1865 : Coiffure de femme (d’Hautel). — Caloquet : Chapeau.

Achetez un caloquet plus méchant, le vôtre n’est pas trop rup.

L. de Neuville.

Caloquet : Couronne. V. Dab.

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau.

Virmaître, 1894 : Chapeau (Argot du peuple). V. Bloum.

Calorgne

d’Hautel, 1808 : Mot burlesque et satirique pour dire, un bigle, un myope, un loucheur, celui qui a quelqu’infirmité sur la vue, qui l’empêche de voir clairement les objets.

Delvau, 1866 : s. m. Borgne, ou seulement Bigle. On dit aussi Caliborgne.

Calot

Larchey, 1865 : Dé à coudre, coquille de noix (Vidocq). — Comparaison de ces objets à la calotte qui est de même forme. — Calot : Teigneux. Mot à mot : ayant une calotte de teigne.

Delvau, 1866 : s. m. Grosse bille avec laquelle on cale en jouant, — dans l’argot des enfants.

Delvau, 1866 : s. m. Dé à coudre, — dans l’argot des voleurs. Signifie aussi coquille de noix.

Rigaud, 1881 : Vieillard, vieille femme ridicule, — dans l’ancien jargon des clercs de notaire.

Quant aux farces d’étude, c’est ordinairement sur de vieilles ganaches, sur ce que les clercs appellent des calots, qu’ils les exercent.

(Le Peintre des coulisses, 1822.)

Dans le jargon moderne des commis de la nouveauté, un calot désigne un acheteur qui borne ses achats à un objet de peu d’importance, à une paire de gants à 29 sous par exemple.

Rigaud, 1881 : Képi, — dans le jargon de Saint-Cyr.

Récompense honnête à qui rapportera le calot 3118.

(La Vie moderne, 30 août 1879.)

Rigaud, 1881 : Dé à coudre, parce qu’il a la forme d’une calotte microscopique.

Fustier, 1889 : Argot des commis de nouveautés : acheteur difficile, ennuyeux à servir.

Dans notre argot, nous appelons la femme qui nous énerve, un calot.

(P. Giffard.)

V. Delvau. Suppl. Madame Canivet.

La Rue, 1894 : Dé à coudre. Coquille de noix. Œil saillant. Officier supérieur.

Virmaître, 1894 : Grosse bille avec laquelle les enfants jouent à la poucette (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Synonyme de jeu de biribi.

France, 1907 : Sorte de jeu où le joueur est toujours volé. En voici l’explication par Hogier-Grison :

Le bonneteau n’est pas le seul jeu tenu par les croupiers de barrières. Ils en ont une série d’autres dont le fonctionnement ostensible est aussi simple et dont le truc caché est aussi dangereux.
Voici, par exemple, le calot, plus terrible encore que le bonneteau. Il se compose de trois quilles creuses, sous l’une desquelles le teneur place une petite boule appelée le mouton.
Il exige un personnel de quatre comtes ou compères, parmi lesquels un comte en blanc qui ne joue jamais, mais qui est chargé du rapport.
C’est un peu le jeu des gobelets et de la muscade ; le teneur s’installe ; il met le mouton sur une petite table, et le recouvre d’une quille :
— La boulette ! dit-il, elle passe, la boulette’… la boulette’… la boulette… Et, en même temps, il change les quilles de place, les faisant passer tour à tour à droite, à gauche, au milieu, en les glissant sur la table de telle sorte que la boulette ne puisse sortir. Il s’arrête :
— Un louis à qui désigne la quille où se trouve la boulette ! crie-t-il.
Un des « comtes » montre un des calots :
— Elle est là, répond-il.
Le teneur soulève la quille, la boulette n’y est pas.
— Farceur, dit un autre « comte », la voici.
Et il soulève le calot sous lequel est le mouton.
— C’est bien simple, ajoute-t-il ; vous n’avez donc pas suivi le mouvement du joueur ? la boulette est toujours sous la même quille ; il y a qu’à ne pas perdre la quille de vue…
Bientôt le public s’en mêle ; le jeu change. Le teneur pose la boulette sur la table, la recouvre d’une quille, fait passer les deux autres, et tout en faisant ce double mouvement, il roule la boulette jusque dans ses doigts, où elle reste cachée, de façon qu’il n’y a plus de boulette du tout. Le pigeon peut ponter sur n’importe quelle quille, il a toujours perdu.

(Le Monde où l’on triche)

France, 1907 : Œil. Boiter des calots, loucher. Reluquer des calots, regarder.

France, 1907 : Dé à coudre, coquille de noix ; diminutif de calotte. Se dit aussi pour la calotte d’écurie que portent les militaires.

Calot, callot

Rigaud, 1881 : Sujet de la Cour des Miracles. Les calots étaient des mendiants chargés du rôle de teigneux.

Calotin

Delvau, 1866 : s. m. Prêtre, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Prêtre ; celui qui porte la calotte.

On a été prodigue avec eux : ils ont chacun un calotin.

(H. Monnier, Sciences populaires.)

France, 1907 : Prêtre, tonsuré, homme d’Église, enfant de chœur, tout ce qui porte la petite calotte cléricale noire ou rouge. Ce terme moqueur par lequel on désigne les prêtres, à cause de cette petite calotte, n’était pas pris autrefois en mauvaise part. On l’employait, mais assez rarement, dès le XVe et le XVIe siècle, et ce n’est qu’à partir de 1789 qu’il a pris une signification désobligeante et même injurieuse.

— Fin finalement, faut pas moins que j’me préoccupe de la faire baptiser, c’t’enfant. Ça m’serait core assez indifférent… on en meurt pas ; mais tous ces calotins à qui j’vas m’adresser vont tous me d’mander si c’est que nous sommes mariés, si c’est qu’nous l’sommes pas ; ça, vois-tu, ça m’écœure ; quoi leur y répondre, quoi, dis-le ?
— J’en sais rien.

(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)

— Puisque vous le voulez absolument, la mère, voilà la chose en deux mots : c’est un curé qui a arrangé votre fille comme cela. J’ai dit.
— Un curé ?
— Oui, bonne femme, ou un vicaire, je ne sais pas. Bref, un calotin pour sûr.

(Michel Morphy, Les Mystères du crime)

Calotine

France, 1907 : Dévote, hanteuse de prêtres et de confessionnaux.

— Ça, c’est Émilia, une calotine. Elle dit des prières tout le temps. Alors je sais pas ce qu’elle est venue faire ici. Elle aurait mieux fait de rester au couvent, bien sûr.

(Paul Adam, Chaire molle)

Calots

un détenu, 1846 : Yeux.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux ronds comme des billes, — dans l’argot des faubouriens. Boiter des calots. Loucher.

Rigaud, 1881 : Coquilles de noix. — Gros yeux à fleur de tête, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Les yeux mauvais. Calots à la manque (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Yeux. De grands yeux sont de grands calots.

anon., 1907 : Yeux.

Calots (ribouler des)

Rigaud, 1881 : Regarder avidement, ouvrir de grands yeux étonnés, écarquiller les yeux, — dans le jargon des voyous.

Riboulant des calots à chaque devanture de boulanger.

(Le sans-culotte, 1878.)

Calotte

d’Hautel, 1808 : Donner une calotte ou des calottes à quelqu’un. Signifie, en terme populaire, le frapper durement à la tête ; se porter sur lui à des voies de fait.
Il se passe bien des choses sous la calotte des cieux, pour dire sur la terre.
Il n’a pas encore la calotte de plomb. Pour dire il n’a pas encore atteint l’âge de l’expérience. C’est un écervelé, un étourdi, un fou.
Il auroit besoin de la calotte de plomb. Pour il auroit besoin des conseils de l’expérience.

Halbert, 1849 : Teigneuse.

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Assiette à soupe, — dans le jargon des voleurs.

Et il déposa sur la table un saladier de faïence écorné, balafré, rapiécé, une douzaine de morceaux de sucre dans une calotte.

(P. Mahalin, Les Monstres de Paris.)

Fustier, 1889 : Assiette creuse. Sorte de pâtisserie où il entre des confitures.

Vous vous imaginez peut-être qu’il est question de quelques petites friandises dont on nous donnait de nombreuses indigestions durant notre jeunesse et qui portaient ce nom si joli, si gracieux, si adorable de petites calottes ; il y avait là-dedans des confitures.

(Gazette des Tribunaux.)

Pot de confiture ayant la forme d’une grande calotte sans anse ni oreilles. (Littré.)

Les calottes dont nous nous entretenons sont des pots de confitures.

(Gazette des Tribunaux, avril 1874.)

France, 1907 : Le clergé. On dit aussi le régiment de la calotte.

Calotte (la)

Delvau, 1866 : Le Clergé, — dans l’argot des bourgeois. Le régiment de la calotte. La Société de Jésus, — sous la Restauration. Aux XVIIe et XVIIIe siècles on avait donné ce nom à une société bien différente, composée de beaux esprits satiriques.

Calottée

Rigaud, 1881 : Boîte en fer-blanc où les pêcheurs à la ligne renferment les asticots, leur espérance.

France, 1907 : Distribution de soufflets.

Calotter

d’Hautel, 1808 : Signifie frapper avec la main ; corriger, châtier un enfant en lui donnant des coups sur la tête.
Tu te feras calotter. Pour tu te feras battre corriger, souffleter.

Larchey, 1865 : C’est frapper de la main sur la tête, faire une calotte de coups.

Calottez-moi, gifflez-moi.

J. Arago, 1838.

Delvau, 1866 : v. a. Souffleter.

Calottin

d’Hautel, 1808 : Sobriquet outrageant que l’on donne aux jeunes ecclésiastiques.

Larchey, 1865 : Ecclésiastique. — Allusion à la calotte cléricale. — Dans le Déjeuner de la Râpée, pièce poissarde de L’Écluse (1750), une poissarde repousse un abbé en disant :

Adieu, monsieur le calottin !

Calouquet

Rigaud, 1881 : Étudiant en médecine. À cause de l’ancien béret, nommé calouquet, qui servait de coiffure aux étudiants.

Les grisettes du pays latin ne disent pas Carabin, c’est Calouquet.

(Les Voleurs et les volés, 1840.)

Calte

Rossignol, 1901 : Va-t’en.

Je suis pressé, je calte.

Calter

M.D., 1844 : Finir.

Virmaître, 1894 : S’en aller. Calter est synonyme de débiner ; on dit à quelqu’un en danger : calte au plus vite ou bien débine-toi (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : S’en aller.

Hayard, 1907 : Se sauver, se taire.

Calvados

France, 1907 : Eau-de-vie de cidre fabriquée en Normandie.

Ah ! les héritiers n’avaient fait qu’une enjambée jusqu’à Gonneville, et, maintenant, ils entouraient la vieille de soins ; ils lui faisaient boire des remèdes. Rien n’était assez bon : le pot-au-feu, le calvados à rasades !

(Hugues Le Roux)

Calvigne

anon., 1827 : Vigne.

Bras-de-Fer, 1829 : Vigne.

Halbert, 1849 : Vigne.

Larchey, 1865 : Vigne (Vidocq). — Mot à mot : lieu qu’a l’vigne, qui est planté de vigne.

Delvau, 1866 : s. f. La vigne, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Clavigne.

Calvin

anon., 1827 : Raisin.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Raisin.

Bras-de-Fer, 1829 : Raisin.

Halbert, 1849 : Raisin.

Larchey, 1865 : Raisin (Vidocq). — Donnant le nom du jus au fruit, les voleurs ont dit le qu’a le vin pour le raisin. V. Cabe.

Delvau, 1866 : s. m. Raisin. On dit aussi Clavin.

Rigaud, 1881 : Raisin. — Calvigne, vigne, — dans l’ancien argot.

Calvine

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vigne.

Calypso (faire sa)

Fustier, 1889 : Faire des manières, des embarras. C’est la variante savante de faire sa tète.

Tu peux r’tourner à ton potage !
Ah ! monsieur fait sa Calypso !
En v’la z’un muf !…

(L’entr’acte à Montparnasse.)

France, 1907 : Faire des manières. Allusion à la nymphe de ce nom qui flirtait outrageusement avec Télémaque, fils d’Ulysse.

Cam, camelotte

anon., 1907 : Marchandise.

Camarade

d’Hautel, 1808 : Camarade à la salade, compagnon à coups de bâton. Dicton populaire et badin, dont on se sert pour marquer la mauvaise intelligence qui existe entre plusieurs personnes qui vivent ensemble.

Camarade (la mort)

Clémens, 1840 : La mort.

Camaraderie

Delvau, 1866 : s. f. Aide mutuelle mais intéressée que se prêtent les gens de lettres, journalistes ou dramaturges, pour arriver à la fortune et à la réputation. C’est la courte échelle appliquée à l’art et à la littérature, c’est-à dire aux deux plus respectables choses qui soient au monde, — les plus respectables et les moins respectées, « Passe-moi la casse et je te passerai le séné. Dis que j’ai du génie et je crierai partout que tu as du talent. »
Le mot est nouveau, dans ce sens du moins, car les membres de la société de la casse et du séné, souvent, ne sont que des associés et pas du tout des amis ; ils s’aident, mais ils se méprisent. C’est Henri Delatouche, l’ennemi, et, par conséquent, la victime de la camaraderie, qui est le parrain de ce mot, dont la place était naturellement marquée dans ce Dictionnaire, sorte de Muséum des infirmités et des difformités de la littérature française.

Camarde

un détenu, 1846 : La garde, la police, les municipaux.

Delvau, 1866 : s. f. La Mort, — dans l’argot des voleurs, qui trouvent sans doute qu’elle manque de nez.

Virmaître, 1894 : La mort (Argot des voleurs).

Mais si la grive,
Parfois arrive,
Pour nous servir,
Nous suivre ou nous courir,
Cont’ la camarde,
Toujours en garde,
On a bien soin,
De jouer du surin.

(Romance du Pègre).

France, 1907 : La mort.

Charavet, l’homme masqué, est médecin à Nice, et c’est en face, sans masque, qu’il lutte maintenant contre la camarde ; il la tombe souvent, car il a une grande clientèle.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

anon., 1907 : La mort.

Camarde (la)

M.D., 1844 : La mort.

Rigaud, 1881 : La mort. Épouser la camarde, trépasser.

Une vieille vous dit : — Holà !
Il faut épouser la camarde…
N’parlons pas d’ça.

(Dîners de l’anc. cercle dramatique)

La Rue, 1894 : La mort.

Camarde ou Camargue

Rossignol, 1901 : La mort.

Camarluche

Virmaître, 1894 : Camarade (Argot du peuple).

France, 1907 : Camarade.

Pegriots, mes bons camarluches,
Vous tous qui n’êtes pas des bûches,
Dans vot’ loche entrez les conseils
D’un vieux roumard, un d’vos pareils.

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Camaro

Delvau, 1866 : s. m. Camarade, ami, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Camarade.

Devant l’larbin qui s’esclaff’ d’aise,
Aux camaros grinchis la braise.

Camaro, camarluche

Rigaud, 1881 : Camarade.

Eh ! Bourdeau, eh ! las-d’aller ! lève-toi, c’est ton camarluche qui t’appelle !

(Huysmans, Marthe, 1879.)

Les deux cents camaros se connaissaient, se tutoyaient.

(R. Maizeroy, La Vie moderne, 6 sept. 1879.)

Camaros

Virmaître, 1894 : Même signification. Même argot.

Rossignol, 1901 : Les camarades.

Cambola

Virmaître, 1894 : Faux épileptique (Argot des voleurs). V. Battre un dig-dig.

France, 1907 : Faux épileptique ; argot des voleurs.

Camboler

Larchey, 1865 : Tomber. — Contraction de Caramboler.

V’là qu’elle cambole sur son prussien et feint de tomber de son digue-digue.

Decourcelle, 1840.

Delvau, 1866 : v. n. Se laisser choir. Même argot [des faubouriens].

Cambouis

Merlin, 1888 : Train des équipages. Celui de l’ancienne garde s’appelait le Royal Cambouis.

Cambraisier

Clémens, 1840 : Voleur de campagne.

Cambre

M.D., 1844 : Chapeau.

Cambreline

France, 1907 : Servante, chambrière ; du vieux mot français cambre.

Cambriau, cambriot

France, 1907 : Chapeau.

Tirants, passe à la rousse,
Attachés de gratousse,
Cambriot galuché.

(Chanson de l’argot)

Cambrieux

Halbert, 1849 : Chapeau.

Cambriole

d’Hautel, 1808 : Pour dire petite chambre.
La cambriole du milord. Signifie, en terme d’argot, la chambre d’une personne riche et fortunée.

Bras-de-Fer, 1829 : Chambre.

M.D., 1844 : Une chambre.

Halbert, 1849 : Chambre.

Delvau, 1866 : s. f. Chambre, — dans l’argot des voleurs. Cambriole de Milord. Appartement somptueux. Rincer une cambriole. Dévaliser une chambre.

Fustier, 1889 : Boutique. (Richepin.)

La Rue, 1894 : Chambre.

Rossignol, 1901 : Logement.

Hayard, 1907 : Domicile.

France, 1907 : Chambre, boutique ; argot des voleurs. Être maître d’une cambriole, c’est la connaître et savoir comment s’y prendre pour la dévaliser. Rincer une cambriole, enlever les meubles et tout ce qui s’y trouve.

— On voit que pour le quart d’heure tu n’es pas heureux.
— Oh ! oui ; j’ai fièrement besoin de me recaler.
— En ce cas, viens avec moi, je suis maître d’une cambriole que je rincerai ce soir.

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Cambrioleur

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui dévalise les chambres, principalement les chambres de domestiques, en l’absence de leurs locataires. Cambrioleur à la flan. Voleur de chambre au hasard.

La Rue, 1894 : Dévaliseur de chambres.

Virmaître, 1894 : Vol à la cambriotte. Ce vol fut célébré par B. Maurice :

Travaillant d’ordinaire,
La sorgue dans Pantin,
Pour mainte et mainte affaire,
Faisant très bon chopin.
Ma gente cambriotte,
Rendoublée de camelotte,
De la dalle au flaquet.
Je vivais sans disgrâce,
Sans regout ni morace,
Sans taf et sans regret.
Le quart-d’œil lui jabotte :
Mange sur tes nonneurs ;
Lui tire une carotte.
Lui montrant la couleur.
L’on vient, l’on me ligotte,
Adieu, ma cainbriotte,
Mon beau pieu. mes dardants.
Je monte à la Cigogne.
On me gerbe à la grotte,
Au tap et pour douze ans.

France, 1907 : Voleur dont la spécialité est de faire main basse dans les appartements ou les villas en l’absence des propriétaires. Cambrioleur à la flan, voleur de chambres au hasard.

On estime, à la Sûreté, que sur vingt-cinq mille individus n’ayant à Paris d’autre moyen d’existence que le vol, dix mille au moins sont des cambrioleurs, soit professionnels, soit occasionnels.

(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)

Cambriolle

Clémens, 1840 : Chambre.

Larchey, 1865 : Chambre (Vidocq). — Diminutif du vieux mot cambre : chambre. V. Roquefort. — V. Pieu, Esquintement, Rincer.

Rigaud, 1881 : Chambre. La variante est : Cambrouse.

Cambriolleur

Rigaud, 1881 : Voleur qui opère dans les chambres, dans les appartements.

Cambriolleurs

Larchey, 1865 : Voleurs s’introduisant dans les chambres (cambriolles) par effraction ou par escalade. — M. Canler les divise en six classes. — Vidocq, sans apporter autant de méthode que Canler dans la classification des cambriolleurs, ajoute des particularités assez curieuses sur leurs costumes où dominent les bijoux et les cravates de couleurs tranchées, telles que le rouge, le bleu ou le jaune ; sur la manie singulière de faire faire leurs chaussures et leurs habits chez les mêmes confectionneurs, ce qui n’était souvent pas un petit indice pour la justice ; sur leur habitude de se faire accompagner d’une fausse blanchisseuse dont le panier cache leur butin. — Les plus dangereux cambriolleurs sont appelés nourrisseurs, parce qu’ils nourrissent une affaire assez longtemps pour en assurer l’exécution, et, autant que possible, l’impunité.

Cambriotte

France, 1907 : Chambre.

Ma gente cambriote
Redoublée de la camelote
De la dalle au flaquet.

Cambron

Bras-de-Fer, 1829 : Cabane.

Cambronne

France, 1907 : On connaît le mot que Victor Hugo, dans les Misérables, attribue au colonel Cambronne, à la bataille de Waterloo. Beaucoup de gens l’admirent, mais nous lui préférons la riposte que lui prête l’histoire : « La garde meurt et ne se rend pas ! »

Le général Mellinet avait eu pour tuteur le colonel Cambronne : à sa demande s’il avait dit le mot en question, Cambronne aurait répondu : Je n’ai jamais crié le mot que l’on m’attribue : Merde ! mais bien : « Grenadiers, en avant ! »
Antoine Deleau, adjoint au maire de Vicq, ancien grenadier, témoin oculaire et auriculaire, a donné une autre version :
… Entre deux décharges, le général anglais nous cria : « Grenadiers, rendez-vous ! » Cambronne répondit (je l’ai parfaitement entendu, ainsi que tous mes camarades) : « La garde meurt et ne se rend pas ! — Feu ! » dit immédiatement le général anglais.
Nous serrâmes le carré et nous ripostâmes avec nos fusils. — « Grenadiers, rendez-vous, vous serez traités comme les premiers soldats du monde ! » reprit d’une voix affectée le général anglais. — « La garde meurt et ne se rend pas ! » répondit encore Cambronne, et, sur toute la ligne, les officiers et soldats répétèrent avec lui : « La garde meurt et ne se rend pas ! » Je me souviens parfaitement de l’avoir dit comme les autres… Je déclare donc avoir entendu à deux reprises : « La garde meurt et ne se rend pas ! » et ne lui avoir pas entendu dire autre chose.

(Intermédiaire des chercheurs et curieux)

Cambronne (le mot de)

Larchey, 1865 : Merde ! — Cette allusion à un mot historique discutable, sert aujourd’hui d’équivalent à une injure populaire fort répandue. Que Cambronne l’ait dit ou non, on ne lui en fera pas moins honneur. Nous rappelons aux curieux qui voudraient s’édifier à ce sujet, un chapitre des Misérables de M. Victor Hugo ; un article de M. Cuvillier Fleury, aux Débats, qui sera sans doute reproduit dans ses études littéraires, et enfin une lettre publiée par le journal L’Intermédiaire, du 15 février 1864.

Cambrose

anon., 1827 : Serrante.

Cambrosse

Bras-de-Fer, 1829 : Servante.

Cambrou

Delvau, 1866 : s. m. Domestique mâle. Même argot [des voleurs].

Virmaître, 1894 : Domestique mâle. Il garde la cambrouse (Argot des voleurs).

Cambrou, cambrouse

Larchey, 1865 : Serviteur, servante (Vidocq). — Corruption de l’ancien mot : cambrier ; valet de chambre. Chambrière est resté.

Cambrou, cambroux, cambrouse

France, 1907 : Serviteur, servante ; argot des voleurs. Cambrouse signifie prostituée, dans l’argot des faubouriens.

Cambrouse

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Servante, cuisinière.

Clémens, 1840 : Campagne.

Larchey, 1865 : Campagne (Vidocq). — Du latin campus : campagne. — Cambrousier : Voleur de campagne (id.). — V. Garçon.

La rousse pousse comme des champignons, et même dans la cambrouse, ils viennent vous dénicher.

Patrie du 2 mars 1852.

Delvau, 1866 : s. f. Gourgandine, — dans l’argot des faubouriens, qui se rencontrent sans le savoir avec les auteurs du Théâtre-Italien.

Rigaud, 1881 : Pensionnaire d’une maison de tolérance, — dans l’ancien argot.

Rigaud, 1881 : Campagne. Cambrousier, paysan, — dans le jargon des marchands forains.

Rossignol, 1901 : Campagne. Celui qui est né ou qui habite la campagne est un cambrousier.

Cambrouse ou cambrousse

France, 1907 : Campagne, banlieue.

— Nous ne travaillons plus dans le bois de Boulogne depuis longtemps… il y a trop de surveillance… On a trop parlé de nous dans les journaux… Si nous avons fait aujourd’hui cette ballade à la cambrouse (partie de campagne), c’est qu’il fallait veiller au grain…

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Cambrouser

Fustier, 1889 : Servir comme domestique. (Richepin.)

La Rue, 1894 : Servir comme domestique.

Cambrousier

Halbert, 1849 : Homme de province.

Delvau, 1866 : s. m. Brocanteur, — dans l’argot des revendeurs du Temple.

Rigaud, 1881 : Voleur de campagne, — dans l’ancien argot.

Rigaud, 1881 : Revendeur qui tenait un peu de tout, — dans l’ancien argot du Temple. Le cambrousier a été le précurseur du brocanteur.

Rigaud, 1881 : Ouvrier peintre-vitrier attaché à un petit établissement de peinture-vitrerie, dans le jargon des peintres en bâtiment.

Virmaître, 1894 : Escarpe qui vole tout ce qui lui tombe sous la main en parcourant la France. Ce nom lui vient de ce qu’il opère dans les cambrousses (maison) (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Paysan, provincial.

Hayard, 1907 : Charlatan.

France, 1907 : Voleur de campagne ou brocanteur.

Cambrousière

Halbert, 1849 : Femme de province.

Cambrousiers

Larchey, 1865 : « C’est ainsi que les marchands forains nomment les paysans. »

Privat d’Anglemont.

Cambrousse

Delvau, 1866 : s. f. Banlieue, campagne, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Camplouse.

Cambrousse, camplouse

La Rue, 1894 : La campagne.

Cambroux

Halbert, 1849 : Domestique mâle.

Rigaud, 1881 : Valet de chambre, garçon d’hôtel. — Cambrouse, femme de chambre. — Mastroc de cambrouse, aubergiste.

Cambrure

Rigaud, 1881 : Savate, — dans le jargon des chiffonniers.

Cambuse

Halbert, 1849 : Maison.

Delvau, 1866 : s. f. Cabaret, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi logis quelconque, taudis.

Rigaud, 1881 : Petite chambre mal meublée.

Virmaître, 1894 : Maison qui ne tient pas debout, bâtie avec de la boue et du crachat. Cambuse : cabaret où l’on sert mal et de mauvaise marchandise (Argot du peuple).

France, 1907 : Cabaret, maison mal famée ; argot populaire.

L’assassin regarda froidement le cadavre :
— C’est joliment turbiné… Ça n’est pas si coriace qu’on croit, un usurier ! Dit-il cyniquement… Voyons ! à présent, il s’agit de s’orienter et de ne pas moisir dans cette cambuse.

(Vidocq)

Cantine, terme de marine.

Cambuse à merde

Rigaud, 1881 : Derrière, dans le jargon des marins.

Cambuse aux potins

Rigaud, 1881 : Chambre des députés. — Cambuse des genoux, Sénat.

Cambusier

Virmaître, 1894 : Le maître de la cambuse. Cambusier : qui tient la cantine au bagne ou à bord (Argot du peuple).

France, 1907 : Préposé à la cantine à bord des navires.

Mais ce qu’il flétrit le plus énergiquement, c’est, sans contredit, le cambusier ou distributeur des rations à bord. Il n’y a pas de bonne plaisanterie sans un coup de patte à l’agent des vivres.

(G. de la Landelle)

Cambuter

Hayard, 1907 : Changer.

Camélia, dame aux camélias

Larchey, 1865 : « Quand la lorette arrive à la postérité, elle change de nom et s’appelle dame aux camélias. Chacun sait que ce nom est celui d’une pièce de Dumas fils, dont le succès ne semble pas près de finir au moment où nous écrivons. »

E. Texier, 1852.

Camellia

Delvau, 1866 : s. m. Femme entretenue, — par allusion à Marie Duplessis, qui a servi de type à Alexandre Dumas fils, pour sa Dame aux Camélias. C’est par conséquent un mot qui date de 1852. Les journalistes qui l’ont employé l’ont écrit tous avec un seul l, — comme Alexandre Dumas fils lui-même, du reste, — sans prendre garde qu’ainsi écrit ce mot devenait une injure de bas étage au lieu d’être une impertinence distinguée : un camellia est une fleur, mais le camélia est un χάμηλος.

Camelot

d’Hautel, 1808 : Il est comme le camelot, il a pris son pli. Signifie qu’une personne a contracté des vices ou de mauvaises inclinations dont il ne peut se corriger.

M.D., 1844 : Marchands des rues.

un détenu, 1846 : Marchand ambulant ou marchand de contre-marques.

Larchey, 1865 : « C’est-à-dire marchand de bimbeloteries dans les foires et fêtes publiques. »

Privat d’Anglemont.

Delvau, 1866 : s. m. Marchand ambulant, — dans l’argot des faubouriens, qui s’aperçoivent qu’on ne vend plus aujourd’hui que de la camelotte.

Rigaud, 1881 : Marchand ambulant, porte-balle, étalagiste sur la voie publique. Le soir, le camelot ouvre les portières, ramasse les bouts de cigares, mendie des contre-marques, donne du feu, fait le mouchoir et même la montre s’il a de la chance.

La Rue, 1894 : Petit marchand dans les rues. Crieur de journaux. Signifie aussi voleur.

France, 1907 : Marchand d’objets de peu de valeur qui vend dans les villages ou expose sur la voie publique. Le terme vient du grec camelos, chameau, par allusion au sac qu’il porte sur le dos et qui contient sa camelotte.

Depuis quelque temps, une véritable révolution s’accomplit dans les mœurs publiques. Dans les luttes politiques, un facteur nouveau s’est introduit et les procédés de polémique, les moyens de propagande et de conviction sont transformés du tout au tout.
Le camelot a pris dans l’ordre social qui lui est sinon due, au moins payée. L’ère du camelot est venue et les temps sont proches où le revolver sera l’agent le plus actif d’une propagande bien menée.
Le camelot n’a qu’un inconvénient ; il coûte cher. Dans les premiers temps de son accession à la vie publique, c’était à six francs par soirée qu’il débordait d’enthousiasme et fabriquait de la manifestation. Depuis les prix ont un peu baissé, vu l’abondance des sujets. Lors du dernier banquet, c’était à quatre francs la soirée mais on fournissait le revolver.

(La Lanterne, 1888)

Au-dessus de tout le bruit, du roulement des voitures, des grincements des essieux, des galopades des beaux chevaux rués dans le travail comme des ouvriers courageux, — au-dessus de tout, retentissaient les cris des camelots du crépuscule, l’annonce vociférée des crimes de la basse pègre, des vols de la haute, l’essor des derniers scandales.

(Gustave Geffroy)

Le camelot, c’est le Parisien pur sang… c’est lui qui vend les questions, les jouets nouveaux, les drapeaux aux jours de fête, les immortelles aux jours de deuil, les verres noircis aux jours d’éclipse… des cartes obscènes transparentes sur le boulevard et des images pieuses sur la place du Panthéon.

(Jean Richepin, Le Pavé)

Il faisait un peu de tout… c’était un camelot, bricolant aujourd’hui des journaux illustrés, demain des plans de Paris, un autre jour offrant aux amateurs des cartes qualifiées de transparentes, débitant ensuite, coiffé d’un fez, des confiseries dites arabes ou des olives dans les cafés…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Camelotage

France, 1907 : Art du camelot.

Il parait que ce procédé de popularité donne des résultats extrêmement variables. Il y a des jours où le camelotage ne va pas. Au Château-d’Eau, par exemple, quoiqu’on eût pris la précaution de louer pour eux de bonnes places, les camelots n’ont pas fait florès. C’était pourtant la fleur du camelotage, le dessus du panier, les têtes de colonne à qui l’on ne payait pas leur journée et qui travaillaient « pour le plaisir ».

(La Lanterne)

Camelote

anon., 1827 : Chose.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vol que font les forçats en allant à la fatigue.

La Rue, 1894 : Butin du chiffonnier. Marchandise du camelot ou marchandise de mauvaise qualité. Signifie aussi prostituée.

Rossignol, 1901 : La marchandise de mauvaise qualité est de la camelote ; si elle est mal faite, elle est camelotée. Un camelot nomme sa marchandise sa camelote.

Cameloteuse

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : La recéleuse qui achète la camelote.

Camelotte

d’Hautel, 1808 : C’est de la camelotte ; ce n’est que de la camelotte. Se dit par mépris et pour rabaisser la valeur d’une marchandise quelconque, et pour faire entendre que la qualité en est au-dessous du médiocre.

M.D., 1844 : Marchandise.

un détenu, 1846 : Mauvaise marchandise.

Delvau, 1866 : s. f. Mauvaise marchandise ; besogne mal faite, — dans l’argot des ouvriers ; Livre mal écrit, dans l’argot des gens de lettres. Les frères Cogniard, en collaboration avec M. Boudois, ont adjectivé ce substantif ; ils ont dit : Un mariage camelotte.

Delvau, 1866 : s. f. « Femme galante de dix-septième ordre, » — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Toute espèce de marchandise, — dans le jargon des voleurs. — Camelotte savonnée, marchandise volée. — Balancer la camelotte en se débinant, jeter un objet volé quand on est poursuivi. — Les revendeurs, les truqueurs, les petits étalagistes, désignent également leur marchandise sous le nom de camelotte. — J’ai de la bonne camelotte, j’ai de la bonne marchandise.

Rigaud, 1881 : Prostituée de bas étage.

Rigaud, 1881 : Mauvaise marchandise, objet sans valeur. Le camelot est une étoffe très mince et d’un mauvais usage, faite de poils de chèvre, de laine, de soie et de coton de rebut, d’où camelotte. — Tout l’article-Paris qui se fabrique vite, mal, à très bas prix, est de la camelotte.

Ah ! ce n’est pas de la camelotte, du colifichet, du papillotage, de la soie qui se déchire quand on la regarde.

(Balzac, L’Illustre Gaudissart)

Rigaud, 1881 : Le contenu en bloc de la hotte, — dans le jargon des chiffonniers. Au moment du triquage, du triage, chaque objet est classé sous sa dénomination. Ainsi, les os gras sont des chocottes ; les os destinés à la fabrication, des os de travail ; le cuivre, du rouget, le plomb, du mastar ; le gros papier jaune, du papier goudron ; le papier imprimé, du bouquin ; la laine, du mérinos ; les rognures de drap, les rognures de velours, des économies ; les croûtes de pain, des roumies ; les têtes de volaille, des têtes de titi ; les cheveux, des douilles ou des plumes ; les tissus laine et coton, des gros ; les toiles à bâche et les toiles à torchon, des gros-durs ; les rebuts de chiffons de laine, des gros de laine ou engrais.

Virmaître, 1894 : Marchandise. Pour qualifier quelque chose d’inférieur on dit : c’est de la camelotte (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Marchandise.

France, 1907 : Objet de nulle valeur ou marchandise volée.

— Si elle ne veut pas de la camelotte, une autre en voudra.
— Si j’en étais sûr !…
— Viens avec moi chez ma fourgate.

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Camelotte en pogne, être pris en flagrant délit de vol. On dit aussi camelotte dans le pied. Prostituée de bas étage.

Camelotte dans le pied

Larchey, 1865 : En flagrant délit de vol.

J’ai été pris, la camelotte dans le pied.

La Correctionnelle, journal.

Camelotte en pogne

Halbert, 1849 : Le vol dans la main.

Delvau, 1866 : s. f. Vol dans la main. Argot des prisons.

Rigaud, 1881 : Flagrant délit de vol. Mot à mot : marchandise dans la main, la pogne.

Virmaître, 1894 : Voler un objet quelconque dans la main de quelqu’un (Argot des voleurs).

Camelotte, grinchie

Clémens, 1840 : Objets provenants de vols.

Camelotter

Halbert, 1849 : Marchander, ou vendre.

Delvau, 1866 : v. n. Marchander ou vendre. Signifie aussi mendier, vagabonder.

France, 1907 : Vendre, marchander, voler sur la vente, soit dans l’offre, soit dans la demande.

Camelottes, le monde camelotte

Delvau, 1864 : Celui des femmes galantes d’une catégorie très infime. Les fleuves ne peuvent pas remonter à leur source ; les mots y remontent volontiers, au-contraire ; par exemple celui-ci. Il est de création moderne, quant au sens nouveau qu’on lui a donné sans songer à l’étymologie : or, camelotte vient de camelus, qui veut dire chameau.

Camembert

Fustier, 1889 : Montre. Argot du peuple.

Quelle heure avez-vous à votre camembert ? — Mon ca… ? — Ah ! c’est vrai ! vous parlez correctement, vous. J’ai voulu dire votre montre.

(Vie parisienne, novembre 1883.)

Camerluche

Fustier, 1889 : Camarade. (Richepin.)

Hayard, 1907 : Camarade.

France, 1907 : Forme de camarluche, camarade.

Camionner

Rigaud, 1881 : Accompagner, promener. — Camionner une grue, promener une femme, — dans le jargon des voyous.

Camisard

France, 1907 : Soldat des compagnies de discipline. On donne quelquefois aussi ce nom à ceux des bataillons d’Afrique composés, comme on le sait, de soldats ayant subi une condamnation.
Les mot vient des Cévenols calvinistes qui se révoltèrent après la révocation de l’édit de Nantes et firent, pendant deux ans, la guerre à Louis XIV. On les appelait camisards à cause de la chemise qu’ils portaient par-dessus leurs vêtements pour se reconnaître, et aussi pour échapper aux représailles. Des bandes irrégulières de catholiques les imitèrent. Il y eut les camisards blancs et les camisards noirs qui commirent tous les excès. Les blancs furent exterminés par le maréchal de Montrevel ; quant aux noirs, déserteurs, vagabonds, repris de justice, galériens fugitifs, ils se barbouillaient le visage de suie pour voler et tuer avec impunité. Jean Cavalier dut en faire pendre ou fusiller un grand nombre.

Camisard en bordée

Rigaud, 1881 : Soldat des compagnies de discipline.

Camisards

Merlin, 1888 : Soldats des compagnies de discipline.

Camisole

La Rue, 1894 : Gilet.

France, 1907 : Gilet. Tocante faite à la camisole, montre volée dans un gilet.

Camouffe

un détenu, 1846 : Chandelle.

Camouffle

anon., 1827 : Chandelle.

Bras-de-Fer, 1829 : Chandelle.

Camouffler

Halbert, 1849 : Déguisement.

Camouffler (se)

un détenu, 1846 : Changer, se mettre à l’abri, se garer.

Camouflage

France, 1907 : L’art de se grimer.

En réalité, les agents se montrent assez réservez au sujet du camouflage, d’abord parce que chacun d’eux a ses procédés particuliers qu’il ne tient pas à ébruiter, ensuite parce qu’ils font leurs transformations d’instinct et qu’ils auraient toutes les peines du monde à joindre la théorie à la pratique.

(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)

Camoufle

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chandelle. Esquinter la camoufle, souffler la chandelle.

Clémens, 1840 : Déguisement, chandelle.

Halbert, 1849 : Chandelle.

Larchey, 1865 : Chandelle (Vidocq).Camouflet : Chandelier. — Du vieux mot camouflet : fumée.

Delvau, 1866 : s. f. Chandelle, — dans l’argot des voleurs. La camoufle s’estourbe. La chandelle s’éteint.

La Rue, 1894 : Chandelle. Signalement.

Virmaître, 1894 : Chandelle (Argot du peuple). V. Cabombe.

Rossignol, 1901 : Chandelle, bougie.

Ma camoufle est jtourbe, Je n’ai plus de rifle, Déboucle-moi la lourde, Pour l’amour du meg.

Hayard, 1907 : Chandelle.

France, 1907 : Signalement.

France, 1907 : Chandelle ; du vieux mot camouflet, fumée.

Camouflé

France, 1907 : Homme qui porte une fausse barbe ou qui est déguisé. Être camouflé, avoir reçu l’extrême-onction, c’est-à-dire la dernière camoufle sacrée.

Camouflé (être)

Fustier, 1889 : Avoir reçu les derniers sacrements.

Dès qu’il fut, suivant la pittoresque expression, camouflé, c’est-à-dire dès qu’il eut reçu le sacrement de l’Extrême-Onction…

(Humbert : Mon bagne.)

anon., 1907 : Être pris.

Camoufle, calbombe

anon., 1907 : Bougie.

Camoufle, stourbe

Clémens, 1840 : Chandelle éteinte.

Camouflement

Delvau, 1866 : s. m. Déguisement, — parce que c’est à tromper que sert la camoufle de l’instruction et de l’éducation.

Rigaud, 1881 : Déguisement. — Se camoufler, se déguiser, — dans le jargon des voleurs. Vient de l’italien camuffare, se cacher la tête.

Camoufler

M.D., 1844 : Se rendre méconnaissable.

Larchey, 1865 : Déguiser. — Mot à mot : cacher le muffle. — Camouflement : Déguisement (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. pr. S’instruire, — se servir de la camoufle, de la lumière intellectuelle et morale.

Rigaud, 1881 : Falsifier. — Camoufler la bibine et le pive, falsifier la bière et le vin.

La Rue, 1894 : Falsifier. Arranger.

Virmaître, 1894 : Réparer. On camoufle un décor (Argot des artistes).

Rossignol, 1901 : Arrêter. Celui qui se fait arrêter se fait camoufler.

anon., 1907 : Voler.

Camoufler (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se déguiser.

La Rue, 1894 : Se déguiser.

Virmaître, 1894 : Changer de costumes et de physionomie afin de n’être pas reconnu (Argot des souteneurs et Sûreté).

Rossignol, 1901 : S’habiller de façon à se rendre méconnaissable.

Hayard, 1907 : Machiner, se grimer, changer d’aspect.

France, 1907 : Se déguiser.

Je me camoufle en pélican,
J’ai du pellard à la tignasse.

(J. Richepin)

Camoufler la bibine

France, 1907 : Vendre des boissons frelatées. Tous les mastroquets camouflent la bibine. On dit dans le même sens : camoufler le pive, falsifier le vin.

Camouflet

d’Hautel, 1808 : Mortification, affront sanglant.
On donne aussi le nom de camouflet à une fumée épaisse qu’on souffle malicieusement au nez de quelqu’un avec un cornet de papier.

Delvau, 1866 : s. m. Chandelier.

Rigaud, 1881 : Chandelier.

France, 1907 : Chandelier.

Camoufleur

France, 1907 : Agent déguisé.

— Et il ne t’a pas reconnu ?
— Il n’y a pas mêche. Quand je suis en camoufleur, tout le monde s’y trompe.

(Louis Barron, Paris Étrange)

Camp

d’Hautel, 1808 : Camp volant.
Il est comme un camp volant.
Pour dire, turbulent, toujours en mouvement ; il ne peut rester un moment dans le même lieu.
Ficher le camp. S’en aller, s’esquiver, prendre la fuite.

Camp (ficher, foutre le)

France, 1907 : S’en aller. Piquer un romance au camp, dormir.

Camp des six bornes

Delvau, 1866 : s. m. Endroit du cimetière où les marbriers font leur sieste aux jours de grande chaleur. Piquer une romaine au camp. Dormir.

Rigaud, 1881 : Endroit d’un cimetière où les marbriers font la sieste aux jours de grande chaleur. (A. Delvau) Piquer une romance au camp, dormir. — Lever le camp, se réveiller et retourner au travail.

Campage, campe

Rigaud, 1881 : Évasion, départ précipité, poudre d’escampette, — dans le jargon des voleurs. Déformation d’escampette. Camper, se sauver en toute hâte ; pour décamper. C’est le mot français camper, quitter, à peine détourné de son acception.

Campagnard

d’Hautel, 1808 : Un franc campagnard. Manière ironique de dire qu’un homme est brusque et grossier ; qu’il n’a pas les manières civiles et urbaines.

Campagne

d’Hautel, 1808 : Les pauvres gens en allant à Bicêtre, disent, qu’ils vont à leur maison de campagne.

Campagne (aller à la)

Larchey, 1865 : Être enfermée à la maison de Saint-Lazare. — Usité parmi les filles.

Campagne (être à la)

France, 1907 : Être en prison ; argot des voleurs. Dans l’argot des filles, c’est passer quelques mois dans une maison de prostitution de province. Barbotteur de campagne, voleur de nuit. Garçon de campagne, voleur de grand chemin.

— Pauvre sinve ! par suite de circonstances qu’il est inutile de te dégoiser, ton a patron a non seulement de l’argent, mais des papiers à nous… S’il est poursuivi pour sa banque, la police va venir ici fourrer son museau… elle chauffera les babillards et poissera l’aubert… Nous serons donc refaits… sans compter qu’on pourrait trouver là peut-être de quoi envoyer quelques-uns de vous à la campagne…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Campagne (neuf de)

Rigaud, 1881 : « Le grec escamote des neuf sur le tapis ou en apporte dans ses poches (pour le triomphe du baccarat). Ces neuf dits de campagne lui serviront à abattre contre le banquier. » (A. Cavaillé.)

Campagnes

Delvau, 1864 : Les aventures amoureuses d’une femme : autant d’amants, autant de campagnes — sous de simples soldats comme sous tel ou tel général, militaires ou bourgeois. — Le mot est pris quelquefois dans le sens de : Années consacrées au service de l’homme, à propos duquel il y a tant d’enrôlements volontaires.

Madame Durut : « J’ai pourtant, comme tu sais, mes petits trente-six ans bien comptés, dont, grâce à Dieu, vingt campagnes. »

Andréa De Nerciat.

Campe

Clémens, 1840 : Maison.

France, 1907 : Fuite ; du vieux mot camp, champ. Fuir, c’est prendre la clé des champs.

Campêche

Fustier, 1889 : Vin.

Pourvu qu’on ait du campêche à douze sous le litre…

(Figaro, 1882.)

France, 1907 : Vin fabriqué le plus souvent avec la décoction du bois de Campêche.

Camper

d’Hautel, 1808 : Camper un soufflet à quelqu’un. Pour lui appliquer, lui donner un soufflet.
Campe-toi où tu pourras ; campe-toi là. Pour mets-toi où tu pourras ; mets-toi à cette place.
On dit d’un homme qui change continuellement de logis, qu’il ne reste pas long-temps campé dans le même endroit.

France, 1907 : Abréviation de décamper, s’en aller. Se faire camper, se faire prendre.

Camperousse

France, 1907 : Prostituée. Il faut remarquer que camperou est, dans le Midi, le nom d’un champignon vénéneux.

Camphre

Larchey, 1865 : Eau-de-vie. — Allusion a l’alcool camphré. — V. Casse-poitrine.

Aux buveurs émérites et à ceux qui ont depuis bien des années laissé leur raison au fond d’un poisson de camphre.

Privat d’Anglemont.

Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie de qualité inférieure, âpre au gosier et funeste à l’estomac, comme on en boit dans les cabarets populaciers ou assommoirs.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie extracommune.

France, 1907 : Eau-de-vie.

Camphré

Larchey, 1865 : Alcoolisé.

Dis donc, avec ton gosier camphré, tu fais bien tes embarras.

1844, Catéch. poissard.

Camphrier

Larchey, 1865 : Buveur d’eau-de-vie.

Entends-tu, vieux camphrier, avec ta voix enrhumée.

1844, Catéch. poissard.

Larchey, 1865 : « Le camphrier est un sale débit de liqueurs atroces à un sou le verre et à dix-sept sous le litre. Le caboulot ne diffère du camphrier que par sa moindre importance comme établissement. C’est, du reste, le même breuvage qu’on y débite aux mêmes habitués. »

Castillon.

Delvau, 1866 : s. m. Marchand de vin et d’eau-de-vie, — dans l’argot des faubouriens. Se dit aussi pour buveur d’eau-de-vie.

Rigaud, 1881 : Débit de vins et liqueurs d’un ordre tout à fait inférieur. La variante est : Alambic au camphre.

France, 1907 : Buveur d’eau-de-vie ou petit débitant de liqueur à un sou le verre.

— Ta mère est à la broche, le diable la retourne : entends-tu, vieux camphrier, avec sa voix enrhumée.

(Nouveau Catéchisme poissard)

Camphrière

France, 1907 : Ivrognesse.

Camplousard ou campluchard

France, 1907 : Campagnard, paysan.

Ceux qui ne geindront pas, si ça dégouline comme vache qui pisse, ce sont les campluchards. Pour eux, pluie de février, c’est jus de fumier.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Camplouse

Halbert, 1849 : Campagne.

Camplouse ou campluche

France, 1907 : Campagne, corruption de campos.

Floréal pomponne la campluche ; tout y est à la joie : les fleurs font risette au soleil, qui maintenant à l’haleine tiède. Les oiseaux cherchent femmes, faisant des mamours aux femelles et se fichant en ménage, sans bénédiction du maire ou du curé.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Campo

Delvau, 1866 : s. m. Congé, — dans l’argot des écoliers et des employés, qui ne sont pas fâchés d’aller ad campos et de n’aller ni à leur école ni à leur bureau. Avoir campo. Être libre.

France, 1907 : Congé, argot des employés, de ad campos, aller aux champs.

Les jours où j’avais campo, j’allais, en bon père, promener mes deux mioches aux Champs-Élysées… Je ne dépensais pas un sou…

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Partant de Saint-Malo,
Je file à Chicago ;
L’Europe est rococo
Et dure au populo !
Tandis qu’on a campo,
Détalons subito
Vers cet Eldorado
Où fleurit le coco !

(Paul Ferrier)

Campos

d’Hautel, 1808 : Avoir campos ; donner campos ; prendre campos. Signifie avoir, donner ou prendre un congé.

Camus

d’Hautel, 1808 : Qui a le nez court et plat.
Le voilà bien camus. Se dit, par raillerie, d’un homme confus, penaud et tout honteux de n’avoir pas réussi dans une affaire dont il disoit être certain.
Rendre camus. Réprimer la hardiesse, le langage audacieux de quelqu’un.

Delvau, 1866 : adj. Étonné, confus, comme quelqu’un qui viendrait de « se casser le nez », — dans l’argot du peuple.

Camuse

anon., 1827 : Carpe.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Carpe.

Bras-de-Fer, 1829 : Carpe.

Halbert, 1849 : Carpe.

Delvau, 1866 : s. f. Carpe, — dans l’argot des voleurs, qui alors n’ont pas vu les carpes des bassins de Fontainebleau.

Rigaud, 1881 : Carpe, — dans l’ancien argot. À cause de son museau aplati.

France, 1907 : La mort. Se dit aussi d’une carpe ; argot des voleurs.

Camuse (la)

Delvau, 1866 : La Mort, — dans le même argot [des voleurs].

Camuset

France, 1907 : Relevé, comme un nez camus.

Aussi bien avait-elle une tournure plus mignonne que les autres jeunesses de l’endroit, les seins camusets, les dents éclatantes, les yeux bien noirs, les cheveux lisses sous son bonnet de Morvandiote, ruché des ailes, plat par devant. Le rose montait pour des riens dans sa figure un peu niaise.

(Hugues Le Roux)

Can sur le comp

France, 1907 : Double apocope de canon sur le comptoir.

Canage

Delvau, 1866 : s. m. Agonie, — dans l’argot des voyous, qui ont vu caner souvent devant la mort.

Rigaud, 1881 : Agonie. — Peur.

La Rue, 1894 : Agonie. Peur. Caner la pégrenne, mourir de faim.

France, 1907 : Agonie ; argot populaire. On cane assez généralement devant la mort.

Canage, cane

Larchey, 1865 : Mort. — V. Caner.

Canaillade

France, 1907 : Offense contre la loi, ce qui souvent n’est même pas un péché véniel ; argot populaire.

J’ai fait beaucoup de folies dans ma jeunesse ; mais, au cours d’une existence accidentée et décousue, je n’ai pas à me reprocher une seule canaillade.

(G. Macé)

Canaille

d’Hautel, 1808 : Nom injurieux que l’on donne à la lie du peuple.
Ce ne sont que des canailles. Se dit de toutes personnes pour lesquelles on a un grand mépris.

Canaillon

France, 1907 : Vieux ladre, argot populaire ; taquin.

Canal

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas mal, pour mettre dans le canal. Quolibet trivial et populaire qui se dit d’un homme laid, difforme et d’une grande prétention ; d’un fat dénué des connoisąnces nécessaires à son emploi, ou qui veut prendre des airs au-dessus de sa condition.
Le canal d’Angoulême. Pour dire le gosier, la gorge.
Pour faire entendre qu’un homme s’est ruiné par intempérance et sensualité, on dit que : Toute sa fortune est passée par le canal d’Angoulême.

Delvau, 1864 : Le membre viril, qui est en effet le canal du bonheur — pour les femmes. Quel dommage qu’on soit forcé de le faire draguer si souvent par les chirurgiens !

Par le canal de son amant
Le bien qui arrive en dormant.

Collé.

Canan (un)

Merlin, 1888 : Apocope de canonnier.

Canant

France, 1907 : Amusant ; argot des canuts.

— Dites donc, Georgette, savez-vous que ce n’est guère canant de travailler comme ça sans pouvoir se renacler un moment !

(Joanny Augier, Le Canut)

Canapé

Larchey, 1865 : Lieu public fréquenté par les pédérastes (Vidocq). — Ironique, car les parapets des quais et les bancs de certains boulevards sont de tristes canapés.

Delvau, 1866 : s. m. Lieu où Bathylle aurait reçu Anacréon, — dans l’argot des voleurs, qui ont toutes les corruptions.

Rigaud, 1881 : Lieu de promenade ordinaire, sorte de petite Bourse des émigrés de Gomorrhe et des Éphestions de trottoir. — Sous la Restauration et sous le gouvernement de Juillet, les quais, depuis le Louvre jusqu’au Pont-Royal, la rue Saint-Fiacre, le boulevard entre les rues Neuve-du-Luxembourg et Duphot étaient, d’après Vidocq, des canapés très dangereux. Aujourd’hui le passage Jouffroy et les Champs-Élysées sont devenus les lieux de prédilection de ces misérables dévoyés.

La Rue, 1894 : Lieu où se réunissent les individus de mœurs innommables.

Virmaître, 1894 : Femme copieusement douée du côté des fesses. Le mot est en usage chez les pédérastes qui ne recherchent pas cet avantage du côté féminin (Argot des voleurs).

France, 1907 : Femme copieusement doué du côté des fesses.

Canard

d’Hautel, 1808 : Boire de l’eau comme un canard ou comme une Cane. Pour dire boire beaucoup d’eau et coup sur coup, ce qui arrive assez ordinairement à ceux qui ont fait une grande débauche de vin.
Bête comme un canard.
Donner des canards à quelqu’un.
Pour lui en faire accroire ; le tromper.

M.D., 1844 : Fausse nouvelle.

Halbert, 1849 : Nouvelle mensongère.

Larchey, 1865 : Sobriquet amical donné aux maris fidèles. Le canard aime à marcher de compagnie.

Or, le canard de madame Pochard, s’était son mari !

Ricard.

Larchey, 1865 : Récit mensonger inséré dans un journal.

Nous appelons un canard, répondit Hector, un fait qui a l’air d’être vrai, mais qu’on invente pour relever les Faits-Paris quand ils sont pâles.

Balzac.

Larchey, 1865 : Imprimé banal crié dans la rue comme nouvelle importante. V. Canardier. autrefois, on disait vendre ou donner un canard par moitié pour mentir, en faire accroire. — dès 1612, dans le ballet du courtisan et des matrones, M. Fr. Michel a trouvé « Parguieu vous serez mis en cage, vous estes un bailleur de canars. » — On trouve « donner des canards : tromper » dans le Dict. de d’Hautel, 1808.

Larchey, 1865 : Fausse nouvelle.

Ces sortes de machines de guerre sont d’un emploi journalier à la Bourse, et on les a, par euphémisme, nommés canards.

Mornand.

Delvau, 1866 : s. m. Morceau de sucre trempé dans le café, que le bourgeois donne à sa femme ou à son enfant, — s’ils ont été bien sages.

Delvau, 1866 : s. m. Mari fidèle et soumis, — dans l’argot des bourgeoises.

Delvau, 1866 : s. m. Journal sérieux ou bouffon, politique ou littéraire, — dans l’argot des typographes, qui savent mieux que les abonnés la valeur des blagues qu’ils composent.

Delvau, 1866 : s. m. Imprimé crié dans les rues, — et par extension, Fausse nouvelle. Argot des journalistes.

Delvau, 1866 : s. m. Fausse note, — dans l’argot des musiciens. On dit aussi Couac.

Delvau, 1866 : s. m. Chien barbet, — dans l’argot du peuple, qui sait que ces chiens-là vont à l’eau comme de simples palmipèdes, water-dogs.

Rigaud, 1881 : Morceau de sucre trempé dans du café. Comme le canard, il plonge pour reparaître aussitôt. Rien qu’un canard, un petit canard. On donne aussi ce nom à un morceau de sucre trempé dans du cognac.

Rigaud, 1881 : Mensonge, fausse nouvelle. — Au dix-septième siècle, donner des canards à quelqu’un avait le sens de lui enfaire accroire, lui en imposer. (Ch. Nisard, Parisianismes.)

Rigaud, 1881 : Méchant petit journal, imprimé sans valeur.

Ne s’avisa-t-il pas de rimer toutes ses opinions en vers libres, et de les faire imprimer en façon de canard ?

(Ed. et J. de Goncourt.)

Rigaud, 1881 : Mauvaise gravure sur bois, — dans le jargon des graveurs sur bois.

Rigaud, 1881 : Cheval, — dans le jargon des cochers. J’ai un bon canard, bourgeois, nous marcherons vite. Ainsi nommé parce que la plupart du temps, à Paris, à l’exemple du canard, le cheval patauge dans la boue.

Boutmy, 1883 : s. m. Nom familier par lequel on désigne les journaux quotidiens, et quelquefois les autres publications périodiques. Le Journal officiel est un canard, le Moniteur universel est un canard, tout aussi bien que le Journal des tailleurs et que le Moniteur de la cordonnerie ou le Bulletin des halles et marchés.

La Rue, 1894 : Journal. Fausse nouvelle inventée pour relever les Faits-Paris. Imprimé banal crié dans la rue.

Virmaître, 1894 : Terme de mépris employé dans les ateliers vis-à-vis d’un mauvais camarade.
— Bec salé, c’est un sale canard (Argot du peuple). N.

Virmaître, 1894 : Nouvelle fausse ou exagérée. Ce système est employé par certains journaux aux abois. On pourrait en citer cinquante exemples depuis les écrevisses mises par un mauvais plaisant dans un bénitier de l’église Notre-Dame-de-Lorette et qui retournèrent à la Seine en descendant par les ruisseaux de la rue Drouot ; jusqu’au fameux canard belge. Un huissier à l’aide d’une ficelle pécha vingt canards qui s’enfilèrent successivement, comme Trufaldin dans les Folies Espagnoles de Pignault Lebrun, il fut enlevé dans les airs, mais la ficelle se cassa et il tomba dans un étang ou il se noya. Ce canard fit le tour du monde arrangé ou plutôt dérangé par chacun, il y a à peine quelques années qu’il était reproduit par un journal, mais la fin était moins tragique, l’huissier était sauvé par un membre de la Société des Sauveteurs à qui on décernait une médaille de 1re classe. Pour sauver un huissier on aurait dû lui fourrer dix ans de prison (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Mauvais journal. Quand un journal est mal rédigé, mal imprimé, pas même bon pour certain usage, car le papier se déchire, c’est un canard (Argot du peuple et des journalistes).

Hayard, 1907 : Journal, fausse nouvelle.

France, 1907 : Gravure sur bois.

Terme de mépris employé dans les ateliers vis-à-vis d’un mauvais camarade. Argot populaire.

(Ch. Virmaître)

Chien barbet, argot populaire, à cause du plaisir qu’ont ces chiens de se jeter à l’eau. Bouillon de canard, eau.
Fausse note ; argot des musiciens.
Petit morceau de sucre trempé dans le café ou l’eau-de-vie que l’on donne aux enfants.

Pendant la communion.
Bébé, regardant avec attention le prêtre en aube distribuant les hosties, se décide à tirer maman par la robe.
Maman — Quoi donc ?
Bébé — Je voudrais aller comme tout le monde près du monsieur en chemise.
Maman — Pourquoi faire ?
Bébé — Pour qu’il me donne aussi un canard.

(Gil Blas)

France, 1907 : Fausse nouvelle insérée dans un journal pour relever les Faits Divers lorsqu’ils sont pâles. Les filous et les tripoteurs de la Bourse se servent de canards pour faire la hausse ou la baisse. Cette expression est assez ancienne, car, dans le Dictionnaire Comique de Philibert Joseph Le Roux (1735), on trouve à côté du mot l’explication suivante : « En faire accroire à quelqu’un, en imposer, donner des menteries, des colles, des cassades, ne pas tenir ce qu’on avait promis, tromper son attente. »
De là à appeler canard le journal qui ment et, par suite, tous les journaux, il n’y avait qu’un pas ; il a été franchi.
Nous allons lancer un canard, c’est-à-dire, nous allons faire un journal.

Canard (deuxième)

Merlin, 1888 : Deuxième servant d’artillerie.

Canard (un)

anon., 1907 : Journal et fausse nouvelle.

Canard sans plumes

Delvau, 1866 : s. m. Nerf de bœuf, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Gourdin, trique ; argot des forçats.

Canard, couac

Larchey, 1865 : « Ces explosions criardes des instruments à vent si connues sous le nom de canards. » — V. Luchet. — Le second mot est une onomatopée, et la comparaison d’une fausse note au cri du canard (couac) a fait former le premier.

Rigaud, 1881 : Fausse note, — note qui ne sort pas du gosier du chanteur. Quand l’émission du son commande plus d’une note, le canard prend le nom d’oie. L’autruche est un canard considérable, tout ce qu’il y a de plus fort en couacs, — dans le jargon des chanteurs.

Canarder

Larchey, 1865 : Faire feu d’une embuscade comme si on était à l’affût des canards sauvages. — Canarder : tromper.

On a trop canardé les paroissiens… avec la philanthropie.

Gavarni.

Delvau, 1866 : v. a. Tromper.

Delvau, 1866 : v. a. Fusiller, — dans l’argot des troupiers, pour qui les hommes ne comptent pas plus que des palmipèdes.

Rigaud, 1881 : Tromper. — Plaisanter. (L. Larchey)

France, 1907 : Tromper, plaisanter. Se dit aussi pour fusiller.

Presque aussitôt une tête se montra et un spahi fit feu. Les détonations se succédèrent, et une demi-douzaine d’indigènes demis-nus bondirent dans les buissons, courant comme des gens affolés.
— Mais, cirais-je à Préval, ils ne sont pas armés…
— Bah !
— Aucun ne riposte…
— C’est une tactique. Ils vont riposter tout à l’heure. Tire donc !
On en canarda ainsi une demi-douzaine.
— C’est égal, dis-je, voilà ce qui s’appelle assassiner les gens.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Canarder sans faffs

Virmaître, 1894 : Braconner sans port d’armes (Argot des voleurs).

Canarder sans fafs ou fafiots

France, 1907 : Tirer sans permis, braconner.

Canardier

M.D., 1844 : Crieur public.

Larchey, 1865 : Crieur, confectionneur de fausses nouvelles.

Place au célèbre Édouard, le canardier par excellence, le roi des crieurs publics !

Privat d’Anglemont.

Delvau, 1866 : s. m. Crieur de journaux. Signifie aussi journaliste.

Rigaud, 1881 : Ouvrier typographe attaché à la composition d’un journal ou canard. Pour les typographes, tous les journaux, depuis le Journal officiel jusqu’au Journal… des chiffonniers, sont des canards.

Boutmy, 1883 : s. m. Compositeur d’un journal.

France, 1907 : Crieur de journaux, fabricant de fausses nouvelles et, par conséquent, journaliste.

Ne croyez point que le journal, qui vous parait si expert en matière d’escroqueries, soit à l’abri d’une fraude ! Non, quelque méfiant qu’il puisse être, quelque mis en garde qu’il soit contre l’adresse des filous, le « chef d’échos » ou de « faits divers », ou d’une rubrique quelconque, est sans cesse visé par le canardier.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

C’est aussi un typographe attaché à un journal.

Canari

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, serin, — dans le même argot [du peuple].

Canasson

Delvau, 1866 : s. m. Cheval, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que cet animal se nourrit de son aussi bien que d’avoine : cane-à-son.

Rigaud, 1881 : Mauvais cheval. Chapeau de femme, coiffure démodée. On prononce can’son, canasson est une forme de canard. — Vieux canasson : Mot d’amitié. (L. Larchey)

Merlin, 1888 : Cheval.

La Rue, 1894 : Vieux cheval. Rosse.

Virmaître, 1894 : Vieux cheval hors de service. On appelle aussi les vieillards : canasson (Argot du peuple). V. Gaye.

Rossignol, 1901 : Vieux, mauvais. Un mauvais cheval est un canasson. Une vieille prostituée est également un canasson.

Hayard, 1907 : Mauvais cheval.

France, 1907 : Vieillard ; argot populaire. Ce mot est souvent précédé de vieux et signifie alors vieil imbécile.
Cheval ; argot des cochers et des troupiers.

Un cocher hélé par l’un de nos confrères qui, d’une voix forte, lui criait : « Hop ! » à travers le boulevard des Capucines, s’arrêta aussitôt… mais pour lui dire :
— De quoi ? « hop » C’est pas mon nom… Vous pourriez au moins m’appeler « Mossieu » !
Puis, sans même écouter les humbles excuses du coupable, il cingla le canasson en ajoutant :
— Ces bourgeois… tous des mufles !

(Maxime Boucheron)

Nous, les bourgeois à la mince bourse,
Tombons aux fers d’un canasson ;
Et, s’il fait beau, pour une course,
Qu’il fixe l’prix… de la rançon !

(Henri Buquet)

Cancan

Larchey, 1865 : Danse. — Du vieux mot caquehan : tumulte (Littré).

Messieurs les étudiants,
Montez à la Chaumière,
Pour y danser le cancan
Et la Robert Macaire.

Letellier, 1836.

Nous ne nous sentons pas la force de blâmer le pays latin, car, après tout, le cancan est une danse fort amusante.

L. Huart, 1840.

M. Littré n’est pas aussi indulgent.

Cancan : Sorte de danse inconvenante des bals publics avec des sauts exagérés et des gestes impudents, moqueurs et de mauvais ton. Mot très-familier et même de mauvais ton.

Littré, 1864.

Delvau, 1866 : s. m. Médisance à l’usage des portières et des femmes de chambre. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. m. Fandango parisien, qui a été fort en honneur il y a trente ans, et qui a été remplacé par d’autres danses aussi décolletées.

Rigaud, 1881 : La charge de la danse, une charge à fond de train… de derrière.

La Rue, 1894 : Danse excentrique, un degré de moins que le chahut et la tulipe orageuse.

France, 1907 : Danse de fantaisie des bals publics, particulière à la jeunesse parisienne, et qui n’a d’équivalent dans aucun pays, composée de sauts exagérés, de gestes impudents, grotesques et manquant de décence. Ce fut le fameux Chicard, auquel Jules Janin fit l’honneur d’une biographie, l’inventeur de cette contredanse échevelée, qu’il dans pour la première fois dans le jardin de Mabille, sous Louis-Philippe. Il eut pour rival Balochard, et ces deux noms sont restés célèbres dans la chorégraphie extravagante. Nombre de jolies filles s’illustrèrent dans le cancan ; Nadaud les a chantées dans ces vers :

Pomaré, Maria,
Mogador et Clara,
À mes yeux enchantés
Apparaissez, chastes divinités.

Le samedi, dans le jardin de Mabille,
Vous vous livrez à de joyeux ébats ;
C’est là qu’on trouve une gaité tranquille,
Et des vertus qui ne se donnent pas.

Il faut ajouter à ces reines de Mabille, Pritchard, Mercier, Rose Pompon et l’étonnante Rigolboche, qui, toutes, eurent leur heure de célébrité. Parmi les plus fameuses, on cite Céleste Venard, surnommée Mogador, qui devint comtesse de Chabrillan, et Pomaré, surnommée la reine Pomaré, dont Théophile Gautier a tracé ce portrait :

C’est ainsi qu’on nomme, à cause de ses opulents cheveux noirs, de son teint bistré de créole et de ses sourcils qui se joignent la polkiste la plus transcendante qui ait jamais frappé du talon le sol battu d’un bal public, au feu des lanternes et des étoiles.
La reine Pomaré est habituellement vêtue de bleu et de noir. Les poignets chargés de hochets bizarres, le col entouré de bijoux fantastiques, elle porte dans sa toilette un goût sauvage qui justifie le nom qu’on lui a donné. Quand elle danse, les polkistes les plus effrénés s’arrêtent et admirent en silence, car la reine Pomaré ne fait jamais vis-à-vis, comme nous le lui avons entendu dire d’un ton d’ineffable majesté à un audacieux qui lui proposait de figurer en face d’elle.
Pomaré a eu les honneurs de plusieurs biographies. La plus curieuse est celle qui a pour titre :
   VOVAGE AUTOUR DE POMARÉ
   Reine de Mabille, princesse de Ranelagh,
   grande-duchesse de la Chaumière,
   par la grâce du cancan et autres cachuchas.
Le volume est illustré du portrait de Pomaré, d’une approbation autographe de sa main, de son cachet… et de sa jarretière — une jarretière à devise.

Le mot cancan est beaucoup plus ancien que la danse, car on le trouve ainsi expliqué dans le Dictionnaire du vieux langage de Lacombe (1766) : « Grand tumulte ou bruit dans une compagnie d’hommes et de femmes. »
La génération qui précède celle-ci, connaît, au moins pour l’avoir entendu, ce vieux refrain de 1836 :

Messieurs les étudiants
S’en vont à la Chaumière
Pour y danser l’cancan
Et la Robert-Macaire.

Nestor Roqueplan, dans des Nouvelles à la main (1841), a fait la description du cancan :

L’étudiant se met en place, les quadrilles sont formés. Dès la première figure se manifestent chez tous une frénésie de plaisir, une sorte de bonheur gymnastique. Le danseur se balance la tête sur l’épaule ; ses pieds frétillent sur le terrain salpêtré : à l’avant-deux, il déploie tous ses moyens : ce sont de petits pas serrés et marqués par le choc des talons de bottes, puis deux écarts terminés par une lançade de côté. Pendant ce temps, la tête penchée en avant se reporte d’une épaule à l’autre, à mesure que les bras s’élèvent en sens contraire de la jambe. Le [beau] sexe ne reste pas en arrière de toutes ces gentillesses ; les épaules arrondies et dessinées par un châle très serré par le haut et trainant fort bas, les mains rapprochées et tenant le devant de sa robe, il tricote gracieusement sous les petits coups de pied réitérés ; tourne fréquemment sur lui-même, et exécute des reculades saccadées qui détachent sa cambrure. Toutes les figures sont modifiées par les professeurs du lieu, de manière à multiplier le nombre des « En avant quatre ». À tous ces signes, il n’est pas possible de méconnaître qu’on danse à la Chaumière le… cancan.

Cancan ou quanquan

d’Hautel, 1808 : Faire un grand cancan de quelque chose. C’est-à-dire, faire beaucoup de bruit pour rien. Ce mot vient de la dis pute sur la prononciation de quamquam.

Cancaner

Delvau, 1866 : v. n. Danser le cancan ; — Faire des cancans.

Rigaud, 1881 : Danser le cancan.

France, 1907 : Danser le cancan ou faire des cancans.

C’était là le perpétuel inconvénient, le pire danger de toute la bureaucratie féminine. Elles ne faisaient, ces dames et demoiselles, toutes ou presque toutes, que rôder dans les couloirs, se faufiler auprès des chefs, essayer de flirter avec eux, et, en tout cas, cancaner de leur mieux, médire, avec la plus féline perfidie, de leurs collègues et leurs supérieures, les noircir à plaisir et les déchirer à belles dents.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Cancanier

Delvau, 1866 : adj. et s. Bavard, indiscret. Qui colporte de faux bruits, des médisances. On dit aussi Cancaneur.

Cancanier, ière

France, 1907 : Bavard, médisant. Le mot s’emploie surtout au féminin.

Vieille cancanière, tu ne fais que jaser.

Cancanner, pincer le cancan

Larchey, 1865 : Danser le cancan — Pincer un léger cancan n’est pas tout à fait cancaner ; c’est une chorégraphie mixte où se fait deviner seulement le fruit défendu. — Chahuter, c’est épuiser au contraire toutes les ressources pittoresques de ce fandango national.

On va pincer son petit cancan, mais bien en douceur.

Gavarni.

J’ai cancané que j’en ai pus de jambes.

Id.

Cancans (boîte à)

France, 1907 : Bavarde, médisante, potinière.

Je possède une belle-mère,
Dont je ne suis pas le bijou ;
Du matin au soir en colère,
Elle me frappe n’importe où.
La femme qui m’a mis au monde
Était toujours si bonne pour moi !
Papa préfère sa seconde,
Je voudrais bien savoir pourquoi ;
Car on la voit à tout moment,
Sans s’arrêter un seul instant,
Critiquer sur chaque passant ;
Du quartier tous les habitants
L’appellent la boîte à cancans.

Cancans (faire des)

France, 1907 : Bavarder sur le compte d’autrui, faire des commérages, débiter des médisances. Quelques étymologistes, Littré entre autres, font remonter l’origine de ce mot à une dispute de professeurs de la Sorbonne, qui, au temps du célèbre Ramus, n’étaient pas d’accord sur la manière de prononcer les mots latins quisquis, quanquam. Les uns voulaient que l’on prononçât kiskis, kankan, les autres kouiskouis et kouankouam, ce qui reste conforme à la tradition. Ramus, s’étant moqué de la première façon, affecta dans le cours de la discussion, de dire plusieurs fois kankan en appuyant sur le ton nasillard. Les partisans de kankan protestèrent avec énergie ; il y eut, comme dans toutes les contestations littéraires, beaucoup d’aigreur et d’amertume, de paroles oiseuses et inutiles, si bien qu’un des assistants impatienté s’écria : « Voilà bien des cancans pour rien. »
L’avis de Ramus l’emporta ; ses élèves dirent quanquam malgré l’anathème dont la Sorbonne menaça quiconque oserait prononcer ainsi, et l’on ne conserva la prononciation de kankan que pour se moquer des sorbonnistes.
Tout cela est fort naturel et très croyable, mais on trouve dans le vieux français, bien antérieurement à la dispute de Ramus, le mot caquehan, assemblée tumultueuse, querelle bruyante, qui n’est lui-même qu’une onomatopée de bruit incessant que font entre eux les canards et les oies. L’imagination populaire, dit avec raison Maurice Lachâtre, aura saisi quelque ressemblance entre ces cris fatigants et la voix chevrotante de vieilles femmes occupées à médire, et il n’en a pas fallu davantage pour faire passer cette métaphore dans la langue usuelle.

Tout autour de l’espace réservé aux ébats choréographiques, sur les banquettes de velours rouge fané les mères potinent, rapprochant dans de traitresses confidences leurs bonnets enrubannés. Ce qu’il se dit de scélératesses, sur ces banquettes rouges, de cancans perfides ! ce qu’il s’y détruit de réputations !

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

Cancouette

France, 1907 : « Femme sans tenue, ni retenue, qui s’agit, se cogne à tous les angles, parle à l’étourdie, est importune à tout le monde. Les Auvergnats disent canquet. C’est une altération de cancoite, qui signifiait autrefois hanneton, et que les Champennois ont gardé sous la forme de canconelle. Une telle femme est en effet un hanneton. »

(Charles Nisard, Curiosités de l’étymologie)

Cancre

d’Hautel, 1808 : Un pauvre cancre. Terme injurieux et de mépris. Ignorant crasse ; homme d’une avarice sordide ; égoïste.

Delvau, 1866 : s. m. Collégien qui ne mord volontiers ni au latin ni aux mathématiques, et qui préfère le Jardin des plantes de Buffon au Jardin des racines grecques de Lancelot.

Delvau, 1866 : s. et adj. Avare, homme qui n’aime point à prêter. Argot du peuple. Signifie aussi Pauvre Diable, homme qui ne peut arriver à rien, soit par incapacité, soit par inconduite.

France, 1907 : Écolier fainéant. Avare, pauvre diable.

Cancre, hère et pauvre diable,
Dont la condition est de mourir de faim.

(La Fontaine)

S’il est arrivé que des enfants obtus, des cancres de collège, devinssent plus tard des écrivains de mérite, l’élève prodige se reconnaît toujours à certains signes dans la littérature.

(É. Zola)

Cancrelat dans la boule (avoir un)

France, 1907 : Être un peu fou ; argot des marins.

Cane

d’Hautel, 1808 : Être peureux comme une cane ; ou faire la cane. Manquer de cœur, de courage dans une affaire d’honneur.
Quand les canes vont aux champs, les premières vont devant. Se dit à ceux qui font des demandes importunes : quand viendra-t-il ? quand sera-ce ? quand ? etc.
Mouillé comme une cane. Se dit de quel qu’un qui a été surpris par une grande pluie.

France, 1907 : Mort ; de caner, mourir.

Cané

Hayard, 1907 : Paysan riche.

Cané, cramsé

anon., 1907 : Mort.

Canelle

Rigaud, 1881 : Chaîne de gilet, — dans le jargon des voleurs.

Tu d’vrais bien m’ donner ton petit dada qu’ t’as au bout de la canelle de ton bogue.

(Canler.)

La Rue, 1894 : Caen.

Virmaître, 1894 : La ville de Caen.
— Il y a un bath chopin à faire à Canelle, en es-tu ? (Argot des voleurs).

France, 1907 : Caen ; argot des voleurs.

Caner

Larchey, 1865 : Mourir (Vidocq). — Les approches de la mort vous font peur, vous font caner. — V. Rengracier.

Larchey, 1865 : Avoir peur, reculer au lieu d’agir, faire le plongeon comme le canard ou la cane.

Par Dieu ! Qui fera la canne de vous aultres, je me donne au diable si je ne le fais moyne.

Rabelais.

Oui, vous êtes vraiment français, vous n’avez cané ni l’un ni l’autre.

Marco Saint-Hilaire.

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des voyous.

Delvau, 1866 : v. n. Avoir peur, s’enfuir, faire la cane ou le chien.

Delvau, 1866 : v. a. Ne pas faire, par impuissance ou par paresse. Argot des gens de lettres. Caner son article. Ne pas envoyer l’article qu’on s’était engagé à écrire.

Rigaud, 1881 : Agoniser, mourir, tomber. — Sacrifier à Richer. — Reculer, avoir peur, par altération, du vieux mot caler qui avait la même signification. Dans le supplément à son dictionnaire, M. Littré donne caler pour reculer, comme ayant cours dans le langage populaire. Pour ma part, je ne l’ai jamais entendu prononcer dans aucun atelier.

C’est un art que les canes possèdent d’instinct… Cette expression se rencontre souvent dans les écrivains des seizième et dix-septième siècles, principalement dans les poètes comiques et burlesques.

(Ch. Nisard, Curiosités de l’Étymologie française.)

Déjà dans Rabelais, nous relevons l’expression de : faire la cane, expression équivalente à notre caner :

Parbleu qui fera la cane de vous autres, je le fais moine en mon lieu.

(L. L.)

Virmaître, 1894 : Avoir peur, reculer. Caner : synonyme de lâcheté (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Avoir peur ou ne pas oser faire une chose. Un gamin cane l’école, lorsqu’il ne s’y rend pas.

Hayard, 1907 : Avoir peur.

France, 1907 : Avoir peur, reculer, vieux mot qu’on trouve dans Rabelais et Montaigne ; argot populaire. Du latin canis, chien, qui recule et fuit quand on lui montre le bâton.

À la sortie de ses bals, des rixes terribles avaient lieu fréquemment ; les habitués se disputaient la possession d’une fille publique, à coups de poings et souvent à coups de couteau. Ils se battaient dans les rues… le suprême du genre, le comble de la force, consistait à manger le nez de l’adversaire ; les camarades faisaient cercle autour des combattants… C’était une grosse affaire que de posséder une fille en vogue qui ne renâclait pas sur le turbin, et qui régnait en souveraine au bon coin du trottoir ; l’existence du souteneur en dépendait : luxueuse si la fille rendait, médiocre ou décharde si elle canait.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Mourir. Caner la pégrenne, mourir de faim.

— Que veux-tu, mon bonhomme, quand on cane la pégrenne, on ne rigole pas.
— Caner la pégrenne ! C’est un peu fort, toi qui passe pour un ami (voleur).
— C’est pourtant comme ça.

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Mettre bas culotte.

Caner la pégrenne

Delvau, 1866 : v. a. Mourir de faim, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Mourir de faim.

Virmaître, 1894 : Mourir de faim (Argot des voleurs).

Caneson

France, 1907 : Terme d’amitié. Mon vieux caneson, mon vieil ami.

Caneter

France, 1907 : Marcher d’une façon lasse, en appuyant sur l’une et l’autre hanche, à la façon des canes.

Magdelon, je suis bien malade,
J’ai les yeux caves et battus,
La face terreuse et maussade,
Les genoux maigres et pointus ;
Ceux qui me voient par la rue
Jaune comme une vieille morue,
Caneter en avant fourbu,
Estiment que c’est la vérole
Qui me fait aller en bricole
Et m’enivre sans avoir bu.

(Cyrano de Bergerac, Le Pauvre malade)

Caneton

Boutmy, 1883 : s. m. Petit canard, journal de peu d’importance. V. Feuille de chou.

France, 1907 : Journal insignifiant, autrement dit : feuille de chou. Se dit aussi pour journal de petit format.

Ah ! Mais, foutre, le numéro n’était pas grandelet ! à peine s’il était large comme la main. Depuis, le caneton s’est emplumé, il a ouvert ses ailes, bec et ongles lui ont poussé.

(Le Père Peinard)

Caneur

Rigaud, 1881 : Poltron.

France, 1907 : Poltron.

Canfouine

La Rue, 1894 : Domicile.

Virmaître, 1894 : Domicile (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Logement, maison.

Hayard, 1907 : Domicile.

France, 1907 : Chambre.

C’est une forme de canfouine, tabatière

Caniche

d’Hautel, 1808 : Un caniche. Nom injurieux que l’on donne à un homme de vilaine figure, mal propre dans son habillement, et qui a les cheveux coupés.

Larchey, 1865 : Ballot carré (Vidocq) aux coins duquel la toile d’emballage forme des oreilles semblables à celles d’un petit chien.

Delvau, 1866 : s. m. Chien en général, — dans l’argot du peuple, pour lequel le caniche est le seul chien qui existe, comme le dada est pour les enfants le seul cheval de la création.

Delvau, 1866 : s. m. Ballot à oreilles, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Ballot carré dont la toile d’emballage figure, aux quatre coins, des oreilles de chien.

Virmaître, 1894 : Ballot à oreilles. Allusion aux longues oreilles de chien-mouton (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Nom que les gamins des boulevards extérieurs donnent au monocle que quelques myopes ont la manie de se coller dans l’arcade sourcilière. Ça sert en effet à les guider comme un chien d’aveugle.

Canichon

Delvau, 1864 : Con poilu et frisé comme un caniche.

Est-il bien méchant, ma tante,
Vot’ p’tiot canichon ?
Non, que m’répond ma parente,
C’est un vrai bichon.
N’sens-tu pas sa bouche qu’est close ?
Entre ton doigt d’dans…
— Tiens, que j’dis, la drôle de chose,
Vot’ quien n’a point d’dents.

Léon Charly.

Canif

d’Hautel, 1808 : Donner des coups de canif dans le contrat. Se rendre coupable d’adultère ; violer la foi conjugale.

Canif dans le contrat (coup de)

France, 1907 : Commettre une infidélité conjugale et, par extension, une infidélité extra-conjugale.

— Écoutez, disait un vieux grigou à Mlle X., je vous donnerais 4.000 francs par mois, mais chaque fois que vous donnerez un coup de canif dans le contrat, vous me remettrez cinq louis.
— Merci ! fit la charmante danseuse, vous gagneriez plus que moi.

(Gil Blas)

Canne

un détenu, 1846 : Surveillance Imposée par un jugement ; casser la canne : rompre la surveillance ou son ban.

Delvau, 1866 : s. f. Surveillance de la haute police, — dans le même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : s. f. Congé, renvoi plus ou moins poli, — dans l’argot des gens de lettres, dont quelques-uns ont une assez jolie collection de ces rotins. Offrir une canne. Prier un collaborateur de ne plus collaborer ; l’appeler à d’autres fonctions, toutes celles qu’il voudra — mais ailleurs.

Rigaud, 1881 : Surveillance de la haute police.

Il y a la canne majeure et la canne mineure.

(L. Larchey)

Être en canne, résider dans une localité désignée ; se dit d’un libéré.

Rigaud, 1881 : Démission donnée à un rédacteur de journal. Mot à mot : lui offrir sa canne pour le voir partir.

France, 1907 : Surveillance de la haute police et, par la suite, individu sous ladite surveillance ; récidiviste.

— Mais à propos, quels gens appelez vous vieilles cannes ?
— Les repris de justice.
— Et bâtons rompus ?
— Les surveillés de la haute police, en rupture de ban.

(Louis Barron)

Être en canne, c’est, pour un libéré, habiter une localité que l’autorité lui désigne. S’il quitte cette localité sans autorisation, s’il rompt son ban, il casse sa canne.
Congé : flanquer sa canne à quelqu’un, c’est le renvoyer. On dit aussi : offrir une canne.

Canne (être en)

Rossignol, 1901 : Dans le temps, lorsqu’un individu soumis à la surveillance par suite d’une condamnation quittait sa résidence obligée, il était en canne et pouvait être arrêté pour rupture de ban ; il en est de même aujourd’hui pour les interdits.

Canne (la)

Halbert, 1849 : Surveillance de la haute police.

Canne (vieille)

Fustier, 1889 : « Quels gens appelez-vous vieilles cannes ? — Les repris de justice. »

(Barron : Paris-Étrange.)

Canne à pêche

Rigaud, 1881 : Individu très maigre.

Canne d’aveugle

Virmaître, 1894 : Bougie. Allusion à la forme droite comme la canne sur laquelle s’appuie l’aveugle (Argot des voleurs).

France, 1907 : Bougie ; argot des voleurs.

Canne, trique

La Rue, 1894 : Surveillance de la haute police.

Cannelle

d’Hautel, 1808 : Être cannelle. Pour dire être d’une grande simplicité, d’une rare bêtise.
Mettre quelqu’un en cannelle. Le mettre en pièce ; tenir des discours outrageans sur son compte.
Mettre quelque chose en cannelle. Le briser, le mettre en morceaux.

Canner

un détenu, 1846 : Tomber, mourir.

Cannotes

Clémens, 1840 : Dents, voir Dominos.

Canon

d’Hautel, 1808 : Il est bourré comme un canon. Se dit d’un goinfre, d’un gouliafre, qui a mangé avec excès

Larchey, 1865 : Mesure de liquide en usage chez les marchands de vins de Paris. — N’oublions pas que canon signifie verre dans le vocabulaire des francs-maçons. — Prendre un can sur le comp : Prendre un canon sur le comptoir.

Les canons que l’on traîne à la guerre Ne valent pas ceux du marchand de Vin.

Brandin, Chansons, 1826.

Delvau, 1866 : s. m. Verre, — dans l’argot des francs-maçons ; petite mesure de liquide, — dans l’argot des marchands de vin. Petit canon. La moitié d’un cinquième. Grand canon. Cinquième.

Rigaud, 1881 : Verre, de vin. Il y a le canon du broc et le canon de la bouteille. Selon nous, c’est un mot du jargon des francs-maçons entré dans le domaine de l’argot du peuple. — D’après M. Génin, canon qu’il faut écrire cannon, est le diminutif de la canne, mesure pour les liquides. C’est un mot saxon conservé dans l’anglais et dans l’allemand. « Tant va la canne à l’eau qu’il li convient briser. » Vieux proverbe que nous avons rajeuni par le : « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. » — Siffler un canon sur le zinc, boire un verre de vin sur le comptoir.

Virmaître, 1894 : Verre de vin. Allusion à la forme sphérique du verre (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Petit verre contenant du vin rouge, qui se vendait il y a vingt ans dix centimes sur le comptoir des marchands de vins. Ce modèle de verre sans pied a disparu, mais le nom est reste et le prix augmente ; la contenance était d’environ six centilitres. Il y avait alors une chanson en vogue dans laquelle on disait :

N’ayez pas peur du canon, C’n’est pas la mer à boire.

France, 1907 : Verre de vin. Petit canon, la moitié d’un cinquième. Grand canon, cinquième. Se bourrer le canon, manger avec excès.

Canonner

Delvau, 1866 : v. n. Fréquenter les cabarets.

Delvau, 1866 : v. n. Crepitare, — dans l’argot facétieux des faubouriens, amis du bruit, d’où qu’il sorte.

Rigaud, 1881 : Tirer le canon. Sacrifier à crepitus ventris. Canonnade, série d’offrandes à crépitas ventris.

Rigaud, 1881 : Boire des canons de vin.

À l’heure où Paris canonne, alors que la France ouvrière s’imbibe en lisant la feuille de la rue du Croissant.

(Vaudin, Gazetiers et Gazettes.)

Virmaître, 1894 : Boire des canons sur le zinc du mastroquet (Argot du peuple).

France, 1907 : Boire avec excès, fréquenter les cabarets, vider des canons sur le comptoir.

Canonneur

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, homme qui boit beaucoup de canons.

France, 1907 : Ivrogne.

Canonnier

Virmaître, 1894 : Les cambrioleurs. V. ce mot.

Canonnier de la pièce humide

Larchey, 1865 : Voir artilleur.

Delvau, 1866 : s. m. Infirmier, — dans l’argot des soldats.

Virmaître, 1894 : Soldat infirmier qui opère sur les derrières de l’armée (Argot du peuple).

France, 1907 : Infirmier ; argot militaire.

Canonnière

d’Hautel, 1808 : Pour dire le postérieur, le derrière.
Décharger sa canonnière, pour dire lâcher un mauvais vent ; faire ses nécessités.

Delvau, 1866 : s. f. Le podex de Juvénal, dans l’argot des faubouriens. Charger la canonnière. Manger. Gargousses de la canonnière. Navets, choux, haricots, etc.

Rigaud, 1881 : Derrière. — Charger la canonnière, manger. — Gargousse de la canonnière, navets, choux, haricots. (A. Delvau)

France, 1907 : Maître Luc, autrement dit : le derrière, qu’on appelle aussi pétard et prussien.

Cant

Delvau, 1866 : s. m. Argot des voleurs anglais, devenu celui des voleurs parisiens.

Delvau, 1866 : s. m. Afféterie de manières et de langage ; hypocrisie à la mode. Expression désormais française. Le cant et le bashfulness, deux jolis vices !

Rigaud, 1881 : Argot des voleurs anglais.

France, 1907 : Hypocrisie de manières et de langage, particulière d’abord à nos voisins de Grande-Bretagne, mais qui, grâce à l’anglomanie, a passé le détroit pour s’implanter chez nous. Bérenger, Jules Simon, Frédéric Passy et autres diables devenus vieux, se font les propagateurs du cant.

La jeune Anglaise est de bonne heure experte en la matière. Plus libre que la Française, plus franche d’allures, moins attachée aux jupes maternelles, mêlée à la société des garçons dans les jeux en plein air, elle se familiarise vite, en dépit du cant qui, du reste, s’attaque plus aux mots qu’aux choses, autorise et se permet des privautés sans grandes conséquences.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

La banalité nous envahit. Nos mœurs se patinent d’une couche uniforme de prudhommerie et de snobisme. Le cant règne en maître. Si nous ne mourons plus guère de mort tragique, nous dépérissons lentement de spleen et d’ennui ; et, en fin de compte, cela revient à peu près au même.

(La Nation)

Cantaloup

Larchey, 1865 : Niais. — V. Melon.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, melon, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Niais, facile à duper ; synonyme de melon.

Canter

France, 1907 : Petit galop ; anglicisme. Expression du turf qui désigne le petit galop d’essai auquel s’amusent les jockeys avant de ranger leurs chevaux dans le starter. Par extension, d’un cheval qui a gagné aisément la course, on dit qu’il a gagné « dans un canter », c’est-à-dire comme en un petit galop d’essai.

Cantharide

Delvau, 1864 : Insecte qui, réduit en poudre, est un aphrodisiaque énergique et dangereux qu’emploient les gens épuisés par les excès vénériens pour en recommencer d’autres.

La cantharide est, à Cythère,
En usage comme à Paris ;
Son effet est très salutaire,
Surtout pour nous autres maris.
Ce bonbon me change en Alcide !
J’étais si faible auparavant…
En avant de la cantharide !
Oui, la cantharide en avant. !

J. Du Boys.

Cantique

Delvau, 1866 : s. m. Chanson à boire, — dans l’argot des francs-maçons, qui savent que chanter vient de cantare.

France, 1907 : Chanson à boire ; argot des francs-maçons.

Cantoche

France, 1907 : Cantine.

Canton

anon., 1827 : Prison.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Prison.

Bras-de-Fer, 1829 : Prison.

Halbert, 1849 : Prison.

Larchey, 1865 : Prison (Vidocq). — Du vieux mot canton : coin. C’est dans les coins qu’on est à l’ombre. — Cantonnier : Prisonnier. V. Carruche.

Delvau, 1866 : s. m. Prison, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Prison, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Prison. Capitaine. Capitaliste, agioteur.

Virmaître, 1894 : Prison. Le prisonnier y est en effet cantonné (Argot des voleurs).

France, 1907 : Prison ; du vieux mot canton, coin. Comte de canton, geôlier.

Cantonade

Delvau, 1866 : s. f. Partie du théâtre en dehors du décor, — dans l’argot des coulisses. Parler à la cantonade. Avoir l’air de parler à quelqu’un qui est censé vous écouter, — au propre et au figuré. Écrire à la cantonade. Écrire pour n’être pas lu, — dans l’argot des gens de lettres.

Cantonade (écrire à la)

France, 1907 : Écrire des articles ou livre que le public ne lit jamais. Du mot cantonade, partie du théâtre derrière le décor. Parler à la cantonade, parler à une personne invisible. Argot des coulisses et des gens de lettres.

Cantonnier

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Prisonnier.

Halbert, 1849 : Prisonnier.

Delvau, 1866 : s. m. Prisonnier.

Rigaud, 1881 : Prisonnier.

France, 1907 : Prisonnier.

Cantonniers

anon., 1827 : Prisonniers.

Bras-de-Fer, 1829 : Prisonniers.

Canulant

Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, importun, insupportable, — dans l’argot du peuple, qui a une sainte horreur des matassins, armés comme l’on sait, qui poursuivent M. de Pourceaugnac.

Rigaud, 1881 : Tannant.

France, 1907 : Ennuyeux, insupportable comme le bouillon que l’on reçoit à l’aide d’une canule.

Minuit. Un grand brun et une petite blonde roucoulent sur le boulevard.
— Où allons-nous ? demande tout à coup le grand brun.
Alors, de sa voix la plus innocente :
— Si ça t’était égal, fait la petite blonde, mon mignon, nous irions chez toi… Quand j’emmène un m’sieur chez moi, c’est canulant… Mon mari vient toujours voir combien ce m’sieur me donne !

(Écho de Paris)

Canularium

Fustier, 1889 : Argot des élèves de l’École normale. Sorte d’investiture ; épreuves que subissent à l’École les nouveaux venus. Dans le numéro du 13 novembre 1887 du journal La Paix, M. Joseph Montet a fait une curieuse description de cette cérémonie.

France, 1907 : Sorte de brimade à l’École Normale, où les anciens font subir aux nouveaux un examen grotesque qui les canule fortement.

Canule

Larchey, 1865 : Homme canulant. — Canuler : importuner.

C’est canulant.

H. Monnier.

Mot inventé par les ennemis du clystère.

Delvau, 1866 : s. f. Homme ennuyeux, obsédant.

Rigaud, 1881 : Personnage ennuyeux, celui qui obsède son semblable et cherche à s’insinuer.

Virmaître, 1894 : Petit instrument placé au bout d’une seringue, d’un irrigateur. Canule : Être ennuyeux.
— Ah ! lâche-nous, voilà une heure que tu nous canules (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Personne ennuyeuse.

France, 1907 : Homme ennuyeux comme un clystère.

Canuler

Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer, obséder.

Rigaud, 1881 : Obséder, ennuyer, tanner.

Boutmy, 1883 : v. a. Ennuyer, fatiguer.

France, 1907 : Ennuyer, importuner.

Le truffard, même intelligent, se plie sans trop de rouspétances aux exercices, gardes, travaux de propreté… Ça le canule dur, bondieu ! Mais enfin ça lui parait la conséquence inévitable du métier…

(Almanach du Père Peinard)

Canuleur

Boutmy, 1883 : adj. Ennuyeux, fatigant.

Fustier, 1889 : V. Delvau, Canule.

France, 1907 : Même sens que canule.

Canut

France, 1907 : Ouvrier en soie de Lyon.

Je serais fort embarrassé de donner ici l’étymologie du mot canut, par lequel on désigne l’ouvrier de la fabrique lyonnaise, qu’il travaille sur la soie, le velours ou les châles. Ce mot est-il dérivé de canette, bobine sur laquelle se roule la soie ?
Au physique, le canut a le visage pâle, maigre, le coup long et tendu, le dos voûté, le corps grêle, les bras osseux, les mains grosses, les jambes cagneuses, les genoux saillants, les pieds plats. Certes, le portrait n’est ni flatté ni flatteur. Disons cependant qu’il y a quelques heureuses exceptions, et que si le canut est ainsi fait, ce n’est pas sa nature mais son travail qui est coupable et qui le rend difforme.
Au moral, le canut est susceptible, sournois, entêté, vindicatif, peu confiant ; mais il est laborieux, économe, ne souffre aucune marque de mépris, ne manque pas de courage, aide l’ami dans le malheur, souscrit à toutes les actions généreuses, combat toute forme de despotisme et de mesures illégales. Quoique peu instruit, il supplée à ce défaut d’éducation par une certaine dose d’esprit, et si la nature de ses occupations, de son travail, ne venait pas nuire à ses moyens, étouffer ses désirs d’émancipation, refouler son intelligence, on verrait plus souvent sortir de l’obscurité quelques hommes remarquables auxquels l’illustre Jacquard a si glorieusement ouvert la carrière.
L’organe du canut est lent, trainard, d’un son monotone ; son langage et les expressions qu’il emploie forment comme un vocabulaire à part.

(Joanny Augier)

Caoua

Rossignol, 1901 : Mot arabe beaucoup usité, qui veut dire café.

France, 1907 : Café ; mot rapporté par les soldats d’Algérie.

Caoudgi

Rigaud, 1881 : Café, — dans l’argot de l’armée. Mot importé par nos soldats retour d’Afrique.

Caoutchouc

Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété, — dans le jargon des voyous. Jeu de mots sur les qualités du caoutchouc et du Mont-de-Piété qui prêtent également l’un et l’autre, chacun à sa manière. L’immortel auteur des Pensées d’un emballeur avait déjà émis cette réflexion, empreinte d’une certaine mélancolie : « Le Mont-de-Piété prêterait davantage s’il était en caoutchouc. »

Rigaud, 1881 : Clown qui semble en caoutchouc, tant il est souple. (Littré.)

Travail extraordinaire de M. Schlan, ! homme serpent, premier caoutchouc et gymnaste du monde.

(Indépendance belge, 11 sept. 1868.)

France, 1907 : Clown, paillasse ; argot populaire.

Cap

France, 1907 : Surveillant du bagne.

Le commissaire du bagne a sous ses ordres, pour la surveillance des forçats, un grand nombre d’agents. Ces divers agents sont divisés en agents de police et de surveillance intérieure et en gardes. Les premiers sont les comes ou comités, au nombre de trois ou quatre, les argousins, trois, les sous-comes, dix-huit, sous-argousins, dix-huit, et les caps, espèce de piqueurs, pour diriger les travaux.

(Moreau Christophe)

Cap (doubler le)

Fustier, 1889 : Faire un détour pour éviter un créancier. (V. Delvau : Rue barrée.)

France, 1907 : Faire un détour pour éviter de passer devant un créancier. Doubler le cap du terme, ou le cap des tempêtes, passer sans encombre le jour où l’on doit payer une dette ou son loyer.

Cap (mettre le)

France, 1907 : Expression prise à la langue des gens de mer. Aller, se diriger vers un endroit.

Mettons le cap sur Granville,
C’est là que fume mon toit.
Ohé ! de la barre file !
Gabier, file, file droit !

(Émile Dufour)

Capable

d’Hautel, 1808 : Avoir l’air capable ; prendre un air capable. Signifie avoir ou prendre un ton suffisant et tranchant ; faire le pédant, le fanfaron, l’habile homme.
C’est un homme capable. Se dit aussi en bonne part d’un homme qui a de la capacité, d’un bon ouvrier.

Capahut (voler à la)

France, 1907 : Assassiner un complice pour s’emparer de sa part de butin. On dit aussi capahuter. Capahut était un assassin qui usait de ce procédé.

Capahuter

Larchey, 1865 : Assassiner son complice pour s’approprier sa part (Vidocq). — Du nom de Capahut, un malfaiteur coutumier du fait.

Delvau, 1866 : v. a. Assassiner un complice pour s’approprier sa part du vol.

Rigaud, 1881 : Assassiner son complice et l’alléger de sa part de butin. C’est, paraît-il, un nommé Capahut qui a mis, autrefois, ce procédé violent à la mode. À part quelques escarpes érudits, qui connaît aujourd’hui Capahut ? La gloire n’est qu’un mot !

Caparaçonner

d’Hautel, 1808 : Il est bien caparaçonné. Se dit en plaisantant d’un homme paré, endimanché, dont le maintien est roide et embarrassé.

Capatrat

France, 1907 : Tête ; argot des voleurs.

La bataille allait prendre une tournure plus sérieuse, car Nib avait dit à voix basse à ses acolytes, parodiant, sans le connaître, le mot de César recommandant à ses soldats de frapper au visage :
— Escarpez à la capatrat, vieux fiasses !… (Tapez à la tête vieux frères).
Ses compagnons, suivant ce conseil, s’efforçaient d’atteindre le comte à la tête avec leurs bouteilles et leurs verres lancés à toute volée.

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Cape

Halbert, 1849 : Écriture.

Delvau, 1866 : s. f. Écriture, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Écriture, — dans l’ancien argot. — Capine, écritoire. — Capir, écrire.

France, 1907 : Écriture ; argot des voleurs.

Cape-de-biou

d’Hautel, 1808 : Jurement gascon, et qui signifie tête-de-bœuf.

Capet

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des ouvriers.

France, 1907 : Chapeau, du vieux mot capel ; argot des ouvriers.

Capilotade

d’Hautel, 1808 : Mettre quelqu’un en capilotade. Le maltraîter en paroles, ne plus garder de mesure dans les médisances que l’on débite sur son compte ; le mettre en pièces.

Capine

Halbert, 1849 : Écritoire.

Delvau, 1866 : s. f. Écritoire.

France, 1907 : Écritoire.

Capir

Halbert, 1849 : Écrire.

Delvau, 1866 : v. a. Écrire.

France, 1907 : Écrire.

Capiston

Rigaud, 1881 : Capitaine, — dans le jargon des troupiers, — Capiston bêcheur, capitaine adjudant-major.

Merlin, 1888 : Capitaine. — On dit encore piston.

Virmaître, 1894 : Capitaine (Argot des troupiers).

Rossignol, 1901 : Capitaine.

Hayard, 1907 : Capitaine.

France, 1907 : Capitaine. Capiston bêcheur, capitaine rapporteur ; argot militaire. Capiston de la soupe, officier qui n’a jamais essuyé que le feu des marmites.

Capitaine

Larchey, 1865 : Agioteur (Vidocq). Corruption de Capitaliste.

Delvau, 1866 : s. m. Capitaliste, — dans le même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : s. m. Agioteur, dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Capitaliste : agioteur, tripoteur ; filou considéré, comme ils le sont tous, quand ils ont réussi à faire fortune sans se laisser prendre la main dans le sac. Argot des voleurs.

Capitaine bécheur

Delvau, 1866 : s. m. Capitaine rapporteur, — dans l’argot des soldats.

Capitaine de la soupe

Rigaud, 1881 : Se dit ironiquement pour désigner un capitaine qui n’a jamais vu le feu, et qui n’a gagné son grade qu’au tour d’ancienneté.

Capitainer

Delvau, 1866 : v. a. Agioter.

Capital

Fustier, 1889 : Vertu, virginité de la femme. Le mot a été créé par M. Alexandre Dumas.

Généralement, c’est une femme dont le capital s’est perdu depuis de longues années.

(Théo-Critt : Nos farces à Saumur.)

La Rue, 1894 : Virginité de la femme.

Capital d’une fille

France, 1907 : « Mot qu’Alexandre Dumas fils a employé pour désigner la virginité de la jeune fille, avec la manière de s’en servir et de s’en faire cent mille livres de rentes. Hélas ! qu’il y a de malheureuses qui se le laissent déflorer. »

(Dr Michel Villemont)

Tu possèdes, mignonne, un gentil capital ;
Ne prends pas un caissier pour gérer ta fortune :
Il palperait tes fonds, et, commis déloyal,
Pourrait bien, comme on dit, faire un trou dans la lune.

Capitation

d’Hautel, 1808 : Il est bon comme la capitation. Se dit d’un enfant importun, hargneux, indocile et méchant, et par une allusion maligne avec un impôt ainsi nommé qui pesoit autrefois sur le peuple.

Capitol

France, 1907 : Prison ; argot des écoliers, des pensions de Paris.

Capitole

Rigaud, 1881 : Nom donné par les écoliers au cachot, représenté le plus souvent par un grenier, dans les écoles. On dit : « monter au Capitole », par allusion classique. (L. Larchey)

Capitonnée

Virmaître, 1894 : Femme bien en chair, qui a une gorge bien développée, qui se tient ferme sans le secours du corset. On dit aussi qu’elle est meublée.
— Ah ! Gugusse, mince de viande, ça ferait rien un bath traversin (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Personne aux contours rebondis : « Une jouvencelle bien capitonnée. »

Capitonner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Garnir le corsage de sa robe « d’avantages » en coton, — dans l’argot des petites dames qui, pour séduire les hommes, ont recours à l’Art quand la Nature est insuffisante.

France, 1907 : Se garnir le corsage et le derrière, pour remplacer les tétons absents et les fesses trop plates ; argot des filles.

Capitulard

Rigaud, 1881 : Pendant la guerre de 1870-71, le peuple, qui veut le succès à n’importe quel prix, avait décerné ce sobriquet à tout général qui capitulait. Au plus fort de nos revers, il vit des capitulards partout, et quand Bazaine livra Metz aux Prussiens, il fut salué : Roi des capitulards.

Capon

d’Hautel, 1808 : Câlin, flatteur, hypocrite ; homme lâche et poltron. Les écoliers appellent capon, pestard, celui de leurs camarades qui va se plaindre ou rapporter au maître. Le mot capon signifie aussi parmi le peuple un joueur rusé et de mauvaise foi, qui est très-habile au jeu.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Écrivain des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Lâche, — dans l’argot du peuple, trop coq gaulois pour aimer les chapons.

France, 1907 : Poltron, lâche. Se dit aussi pour filou.

Caponner

d’Hautel, 1808 : Agir de ruse en jouant : en terme d’écolier, faire le pestard, aller rapporter, se plaindre au maître.

Delvau, 1866 : v. n. Reculer, avoir peur.

Fustier, 1889 : Argot des écoles. Rapporter au maître les fautes de ses condisciples.

France, 1907 : Rapporter au maître, autrement dit : moucharder ; argot des écoles.

Capons

anon., 1827 : Les écrivains des autres.

Caporal

Larchey, 1865 : Tabac à fumer. — Allusion à un tabac haché plus gros, dit de soldat, qui est vendu a un prix moindre.

Un fumeur très-ordinaire brûle à lui seul son kilogramme de caporal par mois, cent francs par an au bas mot, dont soixante-dix pour le Trésor.

A. Luchet.

Delvau, 1866 : s. m. Tabac de la régie.

Rigaud, 1881 : Tabac à fumer. Ainsi désigné primitivement par les soldats pour le distinguer du tabac de cantine. Le caporal est, pour le soldat, du tabac supérieur, du tabac gradé, d’où le surnom.

France, 1907 : Tabac à fumer.

Mon brûle-gueule à la couleur d’ébène,
De caporal, moi, j’aime ton tabac ;
De ces mignons, sous ta brûlante haleine,
Défailleraient le débile estomac.

(Le vieux Quartier Latin)

France, 1907 : Coq ; argot des voleurs.

Caporal (le petit)

Rigaud, 1881 : Surnom que les soldats de la garde avaient donné à Napoléon Ier. Les invalides, qui ont fait les guerres du premier Empire, le désignent encore sous ce nom et aussi sous celui du Petit Tondu.

Caporalisme

France, 1907 : Sévérité exagérée dans les minuties du service.

Capot

d’Hautel, 1808 : Être capot. Ne point faire de levées dans une partie ; et par extension, être mal dans ses affaires, être ruiné. Il signifie aussi être honteux, surpris et confus.

Rigaud, 1881 : Trou du souffleur, pour capote ; par allusion à la forme de cette boîte dont le couvercle rappelle la capote de cabriolet.

Capote

Delvau, 1864 : Autrement dit, redingote anglaise. Préservatif en baudruche ou en caoutchouc historié, dont on habille le membre viril, toutes les fois qu’on le conduit au bonheur, — ce qui ne le préserve pas du tout de la chaude-pisse ou de la vérole, d’après l’opinion du docteur Ricord, autorité compétente en cette matière, qui a dit : « La capote est une cuirasse contre le plaisir et une toile d’araignée contre la vérole. » Les frères Millan, gros et petits, sont seuls intéressés à soutenir le contraire.

Il fuyait me laissant une capote au cul.

Louis Protat.

Les capotes mélancoliques
Qui pendent chez le gros Millan,
S’enflent d’elles-mêmes, lubriques,
Et déchargent en se gonflant.

(Parnasse satyrique.)

Capote anglaise

Rigaud, 1881 : Pour les voyageuses via Cythère, c’est un préservatif contre le mal de mer ; pour les voyageurs, c’est une sorte de ceinture de sauvetage. — Les Italiens ont donné à ce petit appareil le nom d’un de leurs meilleurs auteurs comiques ; ils l’ont nommé goldoni. Peut-être l’auteur du Bourru bienfaisant passait-il pour un homme de précaution ?

France, 1907 : Petit appareil en baudruche, destiné à préserver de certaines maladies ou d’une trop nombreuse nichée. Les Anglais appellent la chose Lettre française.

Un général retraité a conservé toute une série d’équipements militaires.
Un jour, il montrait à d’aimables visiteuses ses vêtements de grande et petite tenue qu’il porte encore avec orgueil, en non-activité, après les avoir promenés sur tous les champs de bataille de son temps.
Les jolies curieuses s’extasiaient :
— Oh ! s’écria l’une, que d’uniformes ! que de shakos ! que de capotes !
— Vous en avez pour votre vie, ajouta la belle curieuse.
Le général la regarda un peu surpris :
— Ma foi, madame, je n’osais pas vous le dire.

Capou

Delvau, 1866 : s. m. Écrivain public, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Écrivain public (Argot des voleurs).

France, 1907 : Écrivain public ; argot des voleurs.

Capoules

France, 1907 : Bandeaux ou boucles séparés par une raie du front à l’occiput, mis à la mode par le ténor Capoul et adoptés par le monde des gommeux.

Capouls

Rigaud, 1881 : Coiffure d’homme, à bandeaux en cœur, inaugurée en 1874 par le ténor Capoul, placée sous son patronage et adoptée par les jeunes élégants, les garçons coiffeurs et les commis de magasin qui visent à l’élégance.

Capous

Halbert, 1849 : Les écrivains des autres.

Câpre

Rigaud, 1881 : Chèvre. — Câpres, crottes de chèvre.

Caprice

d’Hautel, 1808 : Il a autant de caprices qu’un chien a de puces. Locution burlesque, pour exprimer les nombreuses fantaisies qu’ont les enfans mal élevés.

Delvau, 1864 : Amant ou maîtresse.

Mon dernier caprice m’a cassé trois dents.

Gavarni.

Larchey, 1865 : Objet d’une vive et subite affection.

Tu es mon caprice, et puisqu’il faut sauter le pas, que du moins j’y trouve du plaisir.

Rétif, 1776.

Delvau, 1866 : s. m. Amant de cœur, — dans l’argot de Breda-Street, où l’on a l’imagination très capricante. Caprice sérieux. Entreteneur.

Caprice (avoir un)

France, 1907 : Ressentir une affection vive et passagère qui est le feu de paille de l’amour. Faire des caprices, séduire au premier abord le cœur des femmes sensibles.

Capsule

Delvau, 1866 : s. f. Chapeau à petits bords, à la mode depuis quelques années. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans le jargon du peuple. — Schako d’infanterie. (L. Larchey)

Merlin, 1888 : Chapeau à haute forme.

La Rue, 1894 : Chapeau. Schako.

Virmaître, 1894 : Chapeau (Argot du peuple). V. Bloum.

France, 1907 : Chapeau d’homme à petits bords, ou shako d’infanterie.

Capsule (chapeau)

Larchey, 1865 : Chapeau affectant les petits bords et la forme cylindrique d’une capsule de fusil ; à la mode depuis 1860. V. Carreau.

Captif (enlever le)

Rigaud, 1881 : Donner du pied au derrière ; variante de : enlever le ballon ; mot à mot : enlever le ballon captif, par allusion à feu l’aérostat de l’ingénieur Giffard.

Capucin

d’Hautel, 1808 : Être capucin ou capucine. Pour dire n’avoir pas le sou, être dépourvu d’argent.

Rigaud, 1881 : Lièvre, en terme de chasseurs.

Il y avait même quelques vieux capucins dont il voulait faire son profit à la barbe de ses compagnons de chasse.

(Musée Philipon.)

Capucine

Larchey, 1865 : « Veuillez excuser notre ami, il est gris jusqu’à la troisième capucine. » — Murger. — C’est comme si l’on disait : Il en a par dessus le menton. La troisième capucine est très-près de la bouche du fusil.

Capucine (être ivre jusqu’à la troisième)

France, 1907 : Avoir son trop-plein de boisson, prêt à déborder. Argot militaire, la troisième capucine n’étant pas loin de la bouche du fusil.

Capucine (jusqu’à la troisième)

Rigaud, 1881 : Énormément, à fond. — S’ennuyer jusqu’à la troisième capucine.

Caque

d’Hautel, 1808 : La caque sent toujours le hareng. Pour dire que quelle que soit la fortune que l’on ait acquise, on se sent toujours de la bassesse de son extraction, et qu’il est bien difficile de se défaire des mauvaises habitudes que l’on a contractées dans sa jeunesse. Fortuna non mutat genus.
Être serré comme des harengs dans une caque.
Pour être serré, gêné dans un lieu ; y être fort à l’étroit.

Caque (la) sent toujours le hareng

France, 1907 : La mauvaise éducation perce toujours, quel que soit le rang ou la fortune. En dépit de ses efforts, un parvenu fait sentir à un moment donné qu’il est un parvenu, le bout de l’oreille passe et décèle la crasse originelle.
On disait aussi dans le même sens : Le mortier sent toujours les aulx.

Proverbe propre, dit Jean Masset, à celui qui estant une fois entaché de quelque vice, en retient toujours les marques et ne peut dissimuler ni cacher son inclination à iceluy ; tout ainsi qu’un mortier dans lequel on a pilé les aulx, ne le peut tant laver qu’il n’en retienne toujours l’odeur.

Caquer

Delvau, 1866 : v. n. Alvum deponere, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Faire caca.

Caquet

d’Hautel, 1808 : Rabattre le caquet à quelqu’un. Le faire taire, soit par des menaces, des rebuffades ou des mortifications.

d’Hautel, 1808 : Il mêle tout le monde dans ses caquets. Pour il médit sur Pierre et Paul, il n’épargne personne dans ses propos.

Caquet bon bec

d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à une babillarde, à une commère.

Caquet de l’accouchée

France, 1907 : Bavardage, niaiserie, entretien de médisances et de bagatelles, suivant la coutume des femmes réunies, comme il s’en rencontre au lit d’une accouchée.

Caquet-bon-bec

France, 1907 : Harpie, bavarde et médisante.

Caquetage

d’Hautel, 1808 : Causerie, commérage, bavardage, propos nuisibles et indiscrets. Se prend toujours en mauvaise part.

Caqueter

d’Hautel, 1808 : Bavarder, babiller ; dire des choses frivoles et inutiles ; montrer de l’indiscrétion dans ses discours.

Caqueterie

d’Hautel, 1808 : Paroles superflues.

Caqueteur, caqueteuse

d’Hautel, 1808 : Qui babille qui bavarde beaucoup ; diseur de rien ; commère.

Caquetoire

France, 1907 : Siège où les femmes caquettent à leur aise. Vieux mot.

Je fais souliers de toute formes,
Arpenter bois et planter bornes,
Et si fay rubans et lassets ;
Je fay caquetoires, placets.

(Anciennes poésies françaises)

Carabas

Delvau, 1866 : s. m. Vieille berline de comte ou de marquis, carrosse d’un modèle suranné.

Delvau, 1866 : s. m. Riche propriétaire de terres ou de maisons. On dit aussi Marquis de Carabas.

Carabin

d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un étudiant en chirurgie.

Delvau, 1866 : s. m. Étudiant en médecine, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Étudiant en médecine. Le nom de carabin était autrefois appliqué aux garçons barbiers, à l’époque où les barbiers étaient, en même temps, chirurgiens et apothicaires, ayant pour arme une seringue. On les appelait aussi carabin de Saint-Côme.

Et, dans une indignation qu’il n’analysa point, Fouesnel fut sur le point de s’écrier : « Barbares ! » quand il vit les carabins enfoncer leurs scalpels dans cette blancheur de marbre, avec l’impatience d’une meute à l’hallali, une joie sourde de dépecer, de scier, d’ouvrir, de débiter ce corps de supplicié comme une pièce de boucherie.

Hugues Le Roux, Les Larrons)

— Il y a précisément un carabin qui habite sur mon carré. Vous savez, le grand blond qui était au café, un jour, comme nous passions… qui nous a arrêtées pour nous forcer à trinquer avec lui et ses amis… Il est interne à la Pitié et on le dit très fort, plus fort que biens des grands médecins…

(Albert Cim)

Carabinade

d’Hautel, 1808 : Farce, tour de carabin.

Carabine

Halbert, 1849 : Grisette d’étudiant.

Delvau, 1864 : Femme qui fréquente les élèves en médecine et se fait carabiner par eux.

… Son petit air mutin
Plaît fort au quartier Latin.
C’est Flora, la carabine,
Dont la mine si lutine,
Promet à chacun son tour
Un beau jour d’amour.

J. Choux.

Larchey, 1865 : Fouet de conducteur du train. — Allusion ironique à son claquement.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse d’étudiant.

Delvau, 1866 : s. f. Fouet, — dans l’argot des soldats du train.

Rigaud, 1881 : Demoiselle du quartier latin vouée aux étudiants en médecine, vulgo « carabins ».

France, 1907 : Maîtresse d’un carabin. C’est aussi le fouet d’un conducteur du train des équipages.

Carabiné

Larchey, 1865 : De première force. — Terme de marine. On sait qu’un vent carabiné est très-fort.

Rigaud, 1881 : Violent, très fort ; mot emprunté au vocabulaire des marins. Une déveine carabinée, une forte déveine.

Rossignol, 1901 : Un liquide fort en degrés d’alcool est carabiné. Une absinthe forte est carabinée. Celui qui est atteint sérieusement d’une maladie qui, dit-on, a été rapportée par Christophe Colomb, est carabiné.

France, 1907 : Excessif, violent, de première force. Terme de marine ; on dit : vent carabiné, comme mal de tête carabiné.

Je commençais à me repentir de ma visite : mais il se radoucit, alla lui-même chercher une bouteille et deux verres, et me versa ce que nous appelions une absinthe carabinée.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Carabine (la)

Merlin, 1888 : Fouet du soldat du train.

Carabiné, ée

Delvau, 1866 : adj. De première force ou de qualité supérieure. Argot du peuple. Plaisanterie carabinée. Difficile à accepter, parce qu’excessive.

Carabiner

Delvau, 1866 : v. n. Jouer timidement, aventurer en hésitant son argent sur quelques cartes. Argot des joueurs de lansquenet.

Rigaud, 1881 : Jouer de peur, jouer la carotte aux jeux de hasard.

France, 1907 : Jouer timidement, n’avancer qu’avec hésitation et extrême prudence son enjeu.

Carabiner une femme

Delvau, 1864 : La baiser à la gendarme, la flûte entre les jambes.

Et tandis que vous jouerez gros jeu avec la princesse, ne pourrai-je point carabiner avec la soubrette ?

(Théâtre italien.)

Carabinier de la faculté

Fustier, 1889 : Pharmacien.

France, 1907 : Pharmacien.

Caraca

France, 1907 : « S’emploie en mauvaise part pour désigner un Espagnol. Du mot obscène carajo — braquemart — les Espagnols ont fait une sorte de juron d’un emploi très fréquent dans leur langage familier. De là notre dénomination lous caracos, les Espagnols. »

Caracoler

Delvau, 1864 : Baiser, ce qui est proprement faire des caracoles sur le ventre d’une femme.

Caracot

France, 1907 : Bigorneau, dans l’argot brabançon.

Voici l’heure ou Bruxelles s’allume, où les galeries Saint-Hubert flamboient, où les coquettes marchandes de cigares sont sous les armes derrière leurs comptoirs éblouissants, où, dans les estaminets de la rue des Bouchers, les Bruxellois, fidèles aux vieilles coutumes, boivent le lambick, le faro, et s’éperonnent la soif en gobant des caracots bouillis au sel.

(Paul Arène)

Carafe

Rigaud, 1881 : Gosier, — dans le jargon des voyous. Fouetter de la carafe, sentir mauvais de la bouche.

France, 1907 : Gosier ; argot populaire. Fouetter de la carafe, avoir mauvaise haleine.

Carafe, coco, cornet

Hayard, 1907 : Gorge, gosier.

Carafes (faire rire les)

Rigaud, 1881 : Dérider les personnes les plus graves, à force de dire des bêtises.

Carambolage

Delvau, 1866 : s. m. Lutte générale, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Choc de deux voitures dans la rue. Les voyous que cela amuse disent :
— Ah zut, mince de de carambolage (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Accouplement.

France, 1907 : Collision, heurt ; expression tirée du jeu de billard.

Caramboler

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien, parce que l’homme se sert de sa queue pour jouer au billard amoureux, pour y faire des effets de queue, pour mettre ses billes dans la blouse de la dame.

Larchey, 1865 : Tomber, faire tomber en ricochant. — Carambolage : Chute, choc général.

Larchey, 1865 : Faire d’une pierre deux coups.

Leur père qui carambole, en ruinant son fils et sa fille.

Balzac.

Delvau, 1866 : v. a. Battre quelqu’un, et surtout plusieurs quelqu’uns à la fois ; faire coup double, au propre et au figuré.

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Vénus, — dans le jargon des voyous.

Virmaître, 1894 : V. Rouscailler.

Virmaître, 1894 : Au billard, faire toucher les trois billes (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Se heurter ; argot populaire. S’emploie aussi dans le sens que Villon appelait checaulcher, et Rabelais faire la bête à deux dos.

— Voilà une môme que j’aimerais bien caramboler.

Caramboler ?

Rossignol, 1901 : Rien du billard. Voir Rouscailler.

Carant

Halbert, 1849 : Planche.

Delvau, 1866 : s. m. Planche, morceau de bois carré, — dans l’argot des voleurs.

Carante

Halbert, 1849 : Table.

Larchey, 1865 : Table (Vidocq). — Diminutif de carrée (?). — Allusion de forme.

Delvau, 1866 : s. f. Table.

Rigaud, 1881 : Table, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Table.

Carapata

La Rue, 1894 : Marinier de la Seine.

Rossignol, 1901 : Soldat d’infanterie.

France, 1907 : Nom que les cavaliers donnent aux fantassins. C’est aussi le sobriquet des mariniers d’eau douce. Corruption de court à pattes.

Carapater

Rossignol, 1901 : Marcher, se dépêcher.

Hayard, 1907 : Fuir, se sauver.

France, 1907 : Marcher, courir.

J’ai dix ans, quoi ! Ça vous épate ?
Ben ! c’est comm’ ça, na ! J’suis voyou,
Et dans mon Paris j’carapate
Comme un asticot dans un mou…

(Jean Richepin)

Se carapater, se sauver.

J’empoigne un gardien par sa tunique et je le prie de me dire le nom des fuyards…
— C’est Colo et Mathurin, me répondit-il.
Je n’avais pas besoin d’en entendre davantage, Mathurin, je ne le connais pas ; Colo, je le connaissais, puisque j’étais venue à Toulon pour l’aider à se carapater. Le vieux marquis me regardait ; il ne savait pas si c’était du lard ou du cochon.

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Carapater (se)

Rigaud, 1881 : Se cacher. — Se sauver pour ne pas être vu ou reconnu.

Surveillés de près, comme nous le serions certainement, nous n’aurions plus la chance de nous carapater.

(X. de Montépin, Le Fiacre no 13.)

Carapatin

France, 1907 : Autre forme de carapata.

Carapatter (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se sauver, jouer des pattes. Argot des faubouriens.

Carat

d’Hautel, 1808 : Il est bête à trente-six carats. Manière exagérée et grossière d’exprimer qu’un homme est d’une stupidité, d’une ineptie au-dessus de tout ce qu’on peut imaginer.

Rossignol, 1901 : Années. Ce mot est employé par les placiers ou correspondants de maisons de tolérance de province pour désigner l’âge d’une femme : il dira que le colis qu’il va expédier a dans les dix-huit carats pour âge.

Caravane

d’Hautel, 1808 : Faire ses caravanes. C’est-à dire des tours de jeunesse ; mener une vie libertine et débauchée, donner dans les plus grands excès.

France, 1907 : Voiture ambulante de saltimbanque.

Caravanes

La Rue, 1894 : Aventures galantes : raconter ses caravanes.

France, 1907 : Aventures d’une femme galante ; argot populaire.

Carbeluche galicé

Halbert, 1849 : Chapeau de soie.

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau de soie, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Chapeau haut de forme.

France, 1907 : Chapeau de soie.

Carcagne

Rigaud, 1881 : Usurier, — dans l’ancien argot des bagnes.

Carcagne ou carcagno

France, 1907 : Usurier.

Carcagno

un détenu, 1846 : Usurier, arpagon, avare.

Delvau, 1866 : s. m. Usurier, — dans l’argot des faubouriens.

Carcagnos

La Rue, 1894 : Usurier.

Carcagnot

M.D., 1844 : Prisonnier, qui prête de l’argent à ses collègues à intérêt. Avant le système pénitentiaire, cela existait dans les prisons et existe encore dans les bagnes. Le carcagnot prête 2 sous pour 3, et en dix ans de temps, amasse des sommes immenses.

Virmaître, 1894 : Brocanteur, usurier, juif qui achète tout à vil prix sans s’occuper de la provenance (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Brocanteur, usurier.

France, 1907 : Usurier, brocanteur, recéleur au besoin.

Carcagnotter

France, 1907 : Faire l’usure, prêter à la petite semaine.

Carcan

Larchey, 1865 : Cheval étriqué, femme maigre et revêche.

C’est pas un de ces carcans à crinoline.

Monselet.

Delvau, 1866 : s. m. Vieux cheval bon pour l’équarrisseur. Argot des maquignons.

Rigaud, 1881 : Cheval, — dans le jargon des soldats de cavalerie, qui se vengent par cette épithète des soins assidus qu’il leur faut donner à la plus noble conquête que l’homme ait faite. — Mauvais cheval, — dans le jargon du peuple. — Femme maigre. C’est un vieux carcan.

France, 1907 : Vieux ou mauvais cheval. Carcan à crinoline se disait, du temps de cette mode ridicule, des rouleuses de trottoirs. Carcan à strapontin, vieille fille publique.

Carcan à crinoline

Delvau, 1864 : Nom que les voyous donnent aux drôlesses du quartier Breda, qui font de l’embarras avec leurs crinolines à vaste envergure sous lesquelles il y a souvent des maigreurs désastreuses.

C’est pas un de ces carcans à crinoline.

Charles Monselet.

Carcan à strapontin

Virmaître, 1894 : Vieille fille publique. De carcan : vieux cheval (Argot des filles).

Carcasse

d’Hautel, 1808 : Une vieille carcasse. Terme injurieux et méprisant ; duègne revêche et grondeuse, qui n’a que la peau et les os.

Delvau, 1866 : s. f. Le corps humain, — dans l’argot du peuple. Avoir une mauvaise carcasse. Avoir une mauvaise santé.

Rigaud, 1881 : Corps humain. Ne savoir que faire de sa carcasse, être désœuvré.

France, 1907 : Le corps humain. États de carcasse, les reins ; argot des voleurs.

— J’descends dans la rue : a y était qui f’sait l’trottoir. C’était pas mon tour ; ça n’fait rien, j’descends tout de même ; j’te vas au-devant d’elle, j’débute par y cracher à la figure en l’y disant : « Ah ! t’as dit ça et ça de ma sœur ! faut que j’te corrige. » Pan, pan ! j’tombe sur sa carcasse sans y donner seulement l’temps d’se reconnaître ; j’y enfonce toutes les dents d’son peigne dans sa tête ; j’y déchire sa figure, je t’l’étale tout d’son long dans le ruisseau. On me l’enlève des mains, j’l’aurais finie…

(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)

Carcasse (etats de)

Rigaud, 1881 : Reins, — dans le jargon des voleurs. Prends garde que je te fasse une descente à coups de salaire dans les environs des États.

Carcasser

Virmaître, 1894 : Tousser.
— Carcasse-donc ton dernier poumon tu ne nous emmerderas plus la nuit (Argot du peuple).

France, 1907 : Tousser ; allusion aux accès de toux qui secouent toute la carcasse.

Carcassier

Delvau, 1866 : s. m. Habile dramaturge, — dans l’argot des coulisses. On dit aussi Charpentier.

France, 1907 : Industriel dramaturge, dont la spécialité est d’établir la carcasse, c’est-à-dire le scénario d’une pièce.

Carder

d’Hautel, 1808 : Pour dire peigner, friser, coiffer.
Il est bien cardé. Se dit par plaisanterie d’un homme frisé avec recherche et prétention.

Delvau, 1866 : v. a. Égratigner le visage de quelqu’un à coups d’ongles. Argot du peuple.

La Rue, 1894 : Égratigner.

Rossignol, 1901 : Battre quelqu’un ou se faire battre.

Il m’embêtait, je lui ai cardé la peau. — Je me suis fait carder.

France, 1907 : Égratigner ; allusion aux pointes des peignes dont se servent les cardeurs de matelas. Carder le poil, prendre quelqu’un aux cheveux, autrement dit : crêper le chignon.

Cardeuil (quart d’œil)

Clémens, 1840 : Commissaire.

Cardinal

France, 1907 : Sorte de jeu de billard, appelé ainsi à cause d’une quille noire ou rouge placée au milieu de trente-deux autres d’une couleur différente. Le joueur doit abattre le cardinal sans toucher les autres quilles.

Cardinal de la mer

Delvau, 1866 : s. m. Le homard, — dans l’argot ironique des gens de lettres, par allusion à la bévue de Jules Janin.

Cardinale

Delvau, 1866 : s. f. Lune, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Lune, — dans l’ancien argot. Allusion à l’influence périodique qu’on lui attribuait sur certaine indisposition féminine, indisposition en faveur de laquelle Michelet a écrit un roman.

France, 1907 : La lune, ou bien une lanterne.

Cardinales

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les menses des femmes, — dans l’argot des bourgeois.

La Rue, 1894 : Époques de la femme.

France, 1907 : Les menstrues ; argot populaire. On sait que les cardinaux sont habillés de rouge.

Que de femmes sont restées vertueuses parce qu’au moment de la chute elles se sont souvenues qu’elles avaient leurs cardinales !

Cardinales (les)

Delvau, 1864 : Les menstrues, qui teignent en rouge la chemise des femmes. — On disait même autrefois : « Le cardinal est logé à la motte », pour signifier : « Cette femme a ses menstrues. »

La jeune fille un peu pâle et tout éplorée,
À son amant chéri dit cet aveu fatal
Qu’elle avait pour neuf mois perdu son cardinal.

(Tour du Bordel.)

Cardinaliser (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Rougir, soit d’émotion, soit en buvant. L’expression appartient à Balzac. Déjà Rabelais avait parlé des « escrevisses qu’on cardinalise à la cuite ».

France, 1907 : Rougir.

Cardon

d’Hautel, 1808 : Frais comme un cardon. Pour dire vermeille, plein de santé.

Care

Delvau, 1866 : s. f. Cachette, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi Planque.

Rigaud, 1881 : Échange. — Vol à la care, vol à l’échange : vol au change de monnaie.

La Rue, 1894 : Échange. Vol au change de monnaie fait par le carreur.

Care (mettre à la)

France, 1907 : Faire des économies ; anglicisme, du mot care, soin.

Care (vol à la care)

Virmaître, 1894 : Les careuses entrent dans un magasin, principalement dans les bureaux de tabacs et demandent à changer des pièces d’un certain millésime contre d’autres. Profitant de l’inattention des commerçants, elles escamotent une partie des pièces (Argot des voleurs).

Care (vol à la)

Rossignol, 1901 : La femme qui vole un objet dans un magasin commet un vol à la care parce qu’elle le cache. Il y a des careuses de profession qui, pour commettre ce vol, ont dessous leur jupe un grand sac où elles enfouissent le produit de leurs vols. Ce sac est nommé par elles un kanguroo (sarigue), probablement pour faire allusion à la poche que cet animal a sur le ventre pour y mettre ses petits.

Care (voler à la)

France, 1907 : Voler un marchand en lui proposant des monnaies anciennes de nulle valeur contre des nouvelles. C’est Vidocq qui donne cette définition, mais il faut que le voleur soit bien habile pour voler un marchand de vieilles pièces. Dans ce sens, care ne vient pas de l’anglais, mais c’est une altération du vieux mot français charrier, voler quelqu’un en le mystifiant.

Care (voler à la), carer, caribener

Larchey, 1865 : Voler. Un marchand en proposant un échange avantageux de monnaies anciennes contre des nouvelles (Vidocq). — Carer n’est qu’une forme ancienne (V. Roquefort) et par conséquent un synonyme de charrier. V. ce mot. — Caribener est un diminutif.

Carême

d’Hautel, 1808 : Si le carême dure sept ans, vous aurez fini cet ouvrage à Pâques. Se dit ironiquement et par reproche à une personne nonchalante et paresseuse qui ne termine rien ; à un ouvrier d’une lenteur extrême et dont on ne voit pas finir la besogne.
Carême-prenant. Les jours gras, saturnales, temps de folies et de divertissement.
Il a l’air de carême-prenant. Se dit par raillerie d’un homme habillé d’une manière grotesque et ridicule.
Cela vient comme mars en carême. Pour dire à point nommé, fort à-propos.
Hirondelles de carême. On donnoit autrefois ce nom à un ordre de frères mendians qui alloient quêter pendant tout le carême.
Pour trouver le carême court, il faut faire une dette payable à Pâques.
Face de carême.
Visage blême, maigre et décharné.
Amoureux de carême. Damoiseau ; homme qui affecte de l’indifférence, de la froideur. Voyez Amoureux transi.
Il faut faire carême prenant avec sa femme, et Pâques avec son curé. Maxime grivoise du bon vieux temps.
Tout est de carême. Se dit pour excuser les libertés que l’on prend, les folies que l’ont fait pendant le carnaval.

Carême (amoureux de)

France, 1907 : Amoureux timide ou platonique ; il fait faire maigre à l’objet de sa passion.

Carer

Delvau, 1866 : v. a. Cacher, se mettre à l’abri.

Rossignol, 1901 : Cacher, dissimuler, mettre de côté.

France, 1907 : Conserver, avoir soin.

Carer (se)

France, 1907 : S’abriter, prendre soin de soi ; du verbe anglais to care.

Caresser

d’Hautel, 1808 : Caresser quelque chose ; en faire souvent usage.
Caresser la bouteille. Pour aimer à boire ; boire souvent ; s’adonner à l’ivrognerie.

Caresser un homme

Delvau, 1864 : Le peloter, lui passer une main adroite dans la pantalon pour réveiller le membre qui y dort sur ses deux coussins, et le faire ainsi gaudilier. — Caresser une femme, la baiser, — ce qui est, pour elle, la caresse par excellence.

Chloé, d’où vient cette rigueur ?
Hier tu reçus mes caresses,
J’accours aujourdhui plein d’ardeur
Et tu repousses mes tendresses.

E. T. Simon.

Afin, se disoit-il, que nous puissions, nous autres,
Leurs femmes caresser, ainsi qu’ils font les nôtres.

Regnier.

J’avais un mari si habile,
Qu’il me caressait tous les jours.

(Parnasse satyrique.)

La jeune demoiselle qui avait été si bien caressée, s’imaginait que cela devait durer toutes les nuits de la même façon.

D’Ouville.

Il les repoussa de la porte, la referma, et retourna caresser la belle.

Tallemant des Réaux.

Si vous voulez madame caresser,
Un peu plus loin vous pouviez aller rire,

La Fontaine.

Que de caresses
Que de tendresses.
Pour réchauffer vos cœurs, vieux députés !

Gustave Nadaud.

Careur

Delvau, 1866 : s. m. Voleur dont la spécialité consiste à s’établir à portée du tiroir de caisse d’un marchand, sous prétexte de pièces anciennes à échanger, et à profiter de la moindre distraction pour s’emparer du plus de pièces possible — anciennes ou nouvelles. On dit aussi Voleur à la care. C’est le pincher anglais.

Rigaud, 1881 : Voleur à la care.

France, 1907 : Voleur à la care, ou recéleur.

Carfouiller

Fustier, 1889 : Fouiller jusqu’au fond, dans tous les sens.

Il délibéra longtemps avec lui-même pour savoir… s’il lui carfouillerait le cœur avec son épée ou s’il se bornerait à lui crever les yeux.

(Figaro, 1882.)

France, 1907 : Percer profondément. Carfouiller un pante d’un coup de surin.

Carge

Halbert, 1849 : Balle.

Delvau, 1866 : s. f. Balle, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Balle, ballot.

La Rue, 1894 : Balle, fardeau.

France, 1907 : Paquet ; du provençal cargue, charge.

Cargot

Larchey, 1865 : Cantinier. — Corruption de gargotier. — V. Aide.

Virmaître, 1894 : Cantinier. Ce n’est pas une corruption de gargotier, car d’après les règlements des prisons le cargot ne fait pas de cuisine et ne vend que des aliments froids, du fromage et de la charcuterie. Comme les cantiniers sont arabes, qu’ils étranglent le plus qu’ils peuvent, on les a baptisés du nom de cargot, synonyme d’usurier, abréviation de carcagnot (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Cantinier ; argot des prisons. Il est chargé de la cargue ou cargaison de boissons et de vivres.

Carguer ses voiles

Delvau, 1866 : v. a. Agir prudemment, prendre ses invalides, — dans l’argot des marins.

France, 1907 : Devenir prudent, ou bien se retirer du service.

Caribener

Delvau, 1866 : v. a. Voler à la care. On dit aussi Carer.

Virmaître, 1894 : Vol à la care. Le voleur qui a cette spécialité se nomme un caribeneur (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voler.

Caribeneur

France, 1907 : Voleur qui pratique le vole à la care.

Caricature (faire la)

Rigaud, 1881 : À l’école (des Beaux-Arts), une fois par semaine, les élèves s’assemblent, un d’eux sert de modèle, son camarade le pose et l’enveloppe ensuite d’une pièce d’étoffe blanche, le drapant le mieux qu’il peut ; et c’est ce qu’on appelle « faire la caricature ». (Didier, 1821, Œuvres complètes, cité par Littré.)

Carie, blé

Clémens, 1840 : Argent monnayé.

Carillon

d’Hautel, 1808 : Bruit, tapage, criaillerie, tumulte.
Faire carillon. Pour dire faire vacarme, quereller, crier, gronder, s’emporter en reproches contre quelqu’un.
Sonner à double carillon. C’est-à-dire à coups redoublés à la porte de quelqu’un qui ne veut pas ouvrir, ou qui est absent.

Carillonner

d’Hautel, 1808 : Carillonner quelqu’un. Le gourmander ; le blâmer hautement ; le traiter avec une grande dureté.

Delvau, 1864 : Baiser une femme, en frappant les parois de sa cloche avec le battant priapesque.

Et il carillonne à double carillon de couillons.

Rabelais.

N’est-ce pas un sujet de rire, lorsqu’on est sur le point de carillonner à ma paroisse.

D’Ouville.

Caristade

Boutmy, 1883 : s. f. Secours que l’on donne aux passants. V. Passade et rouleur.

France, 1907 : Secours en argent : du provençal caritat.

Carle

Bras-de-Fer, 1829 : Argent.

Larchey, 1865 : Argent (Vidocq). — De Carolus, ancienne monnaie de Charles VIII. V. Bayafe.

Le cidre ne vaut plus qu’un carolus.

Ol. Basselin.

Carline

Bras-de-Fer, 1829 : Mort.

Larchey, 1865 : La mort (Vidocq). — Allusion au masque noir de Carlin et à son nez camus. Jadis on appelait la mort camarde, parce qu’une tête de mort n’a pour nez qu’un os de très-faible saillie.

Delvau, 1866 : s. f. La Mort, — dans l’argot des bagnes. La carline (carlina vulgaris) est une plante qui, au dire d’Olivier de Serres, prend son nom du roi Charlemagne, qui en fut guéri de la peste. La vie étant aussi une maladie contagieuse, ne serait-ce pas parce que la mort nous en guérit, grands et petits, rois et manants, qu’on lui a donné ce nom ? Ou bien est-ce parce qu’elle nous apparaît hideuse, comme Carlin avec son masque noir ?

Rigaud, 1881 : La mort, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : La mort.

Rossignol, 1901 : La mort. Ancien mot dont on ne se sert guère.

France, 1907 : La mort.

Sa femme, restée libre, allait chaque jour lui porter les provisions et le consoler.
— Écoute, lui dit-elle, un matin qu’il paraissait plus sombre qu’à l’ordinaire, écoute, Joseph, on dirait que la carline te fait peur… Ne va pas faire la sinve au moins quand tu seras sur la placarde… Les garçons de campagne se moqueraient joliment de toi.

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Carline (la)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : La mort.

Virmaître, 1894 : La mort. Ce mot est usité dans les bagnes pour désigner cette vilaine personne. Allusion au personnage de Carlin dont le visage est couvert d’un masque noir (Argot des voleurs).

Carmagnol

d’Hautel, 1808 : « Nom donné d’abord à une espèce d’air et de danse, ensuite à une forme particulière de vêtement ; puis aux soldats qui le portoient ou qui chantoient des carmagnoles, » etc. Dict. de l’Académie, supplément.
Faire danser la carmagnole à quelqu’un. Au figuré, signifioit, dans les troubles de la révolution, le guillotiner, le mettre à mort par tous les supplices de ce temps.

Carmagnole

Delvau, 1866 : s. m. Soldat de la République, — dans l’argot des ci-devant émigrés à Colentz.

Carmaluche

Clémens, 1840 : Camarade.

Carme

un détenu, 1846 : Argent monnayé.

Halbert, 1849 : Miche.

Delvau, 1866 : s. m. Miche de pain, — dans le même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : s. m. Argent, — dans l’argot des voleurs. Quelques étymologistes veulent qu’on écrive et prononce carle, — probablement par contraction de carolus.

Rigaud, 1881 : Argent. — Carmer, donner de l’argent. — Carme à l’estoque, ou carme à l’estorgue, fausse monnaie.

Virmaître, 1894 : Argent (Argot des souteneurs). V. Aubert.

Rossignol, 1901 : Argent.

Hayard, 1907 : Argent.

France, 1907 : Argent, miche de pain.

— Minute, la commère, faut pas s’emballer. Vous avez un béguin pour moi, c’est parfait. Nous f’sons des cornes au papa, c’est encore mieux ; mais là, entre nous, vous avez deux fois l’âge de bibi, et dame, faut combler la différence en belle et bonne galette. Quand on n’a plus ses dix-huit printemps, faut abouler du carme. Pas d’argent, pas d’amour.

(Michel Morphy, Les Mystères du crime)

Carme à l’estoque

Hayard, 1907 : Fausse monnaie.

Carme à l’estorgue

Virmaître, 1894 : Fausse monnaie (Argot des voleurs).

France, 1907 : Fausse monnaie.

Carme, carle

La Rue, 1894 : Argent. Carmer, payer.

Carmer

Delvau, 1866 : v. n. Payer, faire des effets de poche.

Virmaître, 1894 : Payer (Argot des voleurs). V. Billancher.

Rossignol, 1901 : Payer.

Hayard, 1907 : Payer.

France, 1907 : Payer.

Carnaval

Delvau, 1866 : s. m. Personne vêtue d’une façon extravagante, qui attire les regards et les rires des passants. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Femme ridiculeusement accoutrée.

Carne

Halbert, 1849 : Charogne, mauvaise viande.

Larchey, 1865 : Mauvaise viande (Vidocq). — Du vieux mot caroigne : charogne.

Un morceau d’carne dur comme un cuir

Wado.

Larchey, 1865 : Mauvaise femme. — C’est la carogne de Molière.

Je la renfoncerais dedans à coups de souliers… la carne.

E. Sue.

Delvau, 1866 : s. f. Viande gâtée, ou seulement de qualité inférieure, — dans l’argot du peuple, qui a l’air de savoir que le génitif de caro est carnis. Par analogie, Femme de mauvaise vie et Cheval de mauvaise allure.

Rigaud, 1881 : Basse viande. — Italianisme. — Sale et méchante femme ; pour carogne.

Ah ! la carne ! voilà pour ta crasse. Débarbouille-toi une fois en ta vie.

(É. Zola.)

Virmaître, 1894 : Viande dure. On dit d’un homme impitoyable :
— Il est dur connue une vieille carne.
L’ouvrier qui ne veut rien faire est également une carne (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Viande de mauvaise qualité. Un mauvais cheval est une carne ; une méchante femme est aussi une carne.

France, 1907 : Mauvaise viande ; de l’italien carne, viande.

Il a vagabondé par les rues : à reluquer les pains dorés des boulangers, la belle carne des bouchers, toutes les machines qui se bouffent aux étales des restaurants, il lui venait des envies de foutre le grappin dessus…

(Père Peinard)

France, 1907 : Femme de mauvaises mœurs. Allusion à carne, mauvaise viande.

Elle l’accusait de faire la fière, ne la désignait jamais que par d’ironiques et insultantes épithètes : « cette fille », « cette chipie »… aussi tressaillit-elle de joie à l’aspect cette petite carne qui s’avançait vers elle et avait l’aplomb de venir lui parler.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

anon., 1907 : Cheval.

Carner, caner

La Rue, 1894 : Mourir.

Carner, roidir, roide

Clémens, 1840 : Mourir, mort, morte.

Carogne

d’Hautel, 1808 : Une carogne ; une vieille carogne. Mot injurieux qui s’applique aux femmes de mauvaise vie. Molière a fait un fréquent usage de ce mot.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie.

France, 1907 : Fille ou femme de mauvaise vie.

— Eh bien, je la regretterai, celle-là ! Toujours si douce, si polie ! En vlà une qui ne nous rasait pas. Ce n’est pas comme cette carogne… V’là quatre fois d’affilée que cette sacré bique-là me fait descendre nos cinq étages.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Carogner

France, 1907 : Maugréer, jurer.

Le commandant a bientôt jugé ses officiers, et celui qu’il aime le mieux n’est pas le moins sévère, mais bien le plus loyal, pourvu qu’il soit bon manœuvrier. Les louanges de ce lieutenant fini retentissent de l’avant à l’arrière ; il n’est pas permis de carogner quand il commande le quart.

(G. de la Landelle, Les Gens de la mer)

Caron

Rigaud, 1881 : Vieux papiers destinés aux fabricants de carton, — dans l’argot des chiffonniers.

Carotier

Rigaud, 1881 : Individu qui vit d’expédients, qui tire des carottes. Dans le Jura ceux qui font la contrebande du tabac sont connus sous le nom de tabatiers ou carotiers.

L’ivrognerie et la débauche sont leurs moindres vices ; le vol leur est aussi familier que la fraude, et les incendiaires ne sont pas rares parmi eux.

(Ch. Toubin, Les Contrebandiers de Noirmont.)

Au régiment, ou donne le nom de carotier à celui qui se fait porter malade, et qui n’est que malade imaginaire, à celui qui cherche un prétexte pour éviter une corvée. — Il y a une légère nuance entre le carotier et le carotteur : le premier s’inspire plus particulièrement des circonstances pour arriver à ses fins ; chez l’autre c’est une habitude invétérée, un sacerdoce.

Carottage

Rigaud, 1881 : Art de tirer des carottes, de soutirer de l’argent sous un faux prétexte.

Fustier, 1889 : V. Delvau : Carotte.

France, 1907 : Tromperie.

Carotte

Delvau, 1864 : Le membre viril, — par allusion à sa forme et à sa couleur.

Pourquoi la retires-tu, ta petite carotte ? Je ne voulais pas te la manger.

E. Jullien.

Delvau, 1866 : s. f. Prudence habile, — dans l’argot des joueurs. Jouer la carotte. Hasarder le moins possible, ne risquer que de petits coups et de petites sommes.

Delvau, 1866 : s. f. Escroquerie légère commise au moyen d’un mensonge intéressant, — dans l’argot des étudiants, des soldats et des ouvriers. Tirer une carotte. Conter une histoire mensongère destinée à vous attendrir et à délier les cordons de votre bourse. Carotte de longueur. Histoire habilement forgée.

Rigaud, 1881 : Roux ardent. Couleur de cheveux qui rappelle les tons de la carotte, couleur fort à la mode pendant les années 1868, 69 et 70. Les femmes se firent teindre les cheveux « blond ardent », avant de s’appliquer la teinture « beurre rance. »

Rigaud, 1881 : Mensonge fabriqué dans le but de soutirer de l’argent. — Cultiver la carotte. — Tirer une carotte de longueur. — Les premiers, les militaires se sont servis de cette expression. C’est là, sans doute, une allusion aux carottes de tabac. Lorsque les militaires demandent de l’argent, c’est presque toujours pour acheter, soi-disant, au tabac, du tabac à chiquer, vulgo carotte.

La Rue, 1894 : Demande d’argent sous un faux prétexte. Duperie. Mensonge.

Virmaître, 1894 : Mensonge pour tromper ou duper quelqu’un. Tirer une carotte : emprunter de l’argent. Tirer une carotte de longueur : la préparer de longue main. Le troupier tire une carotte à sa famille quand il lui écrit qu’il a perdu la clé du champ de manœuvre, ou qu’il a cassé une pièce de canon (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mensonge. Le militaire a la réputation d’en tirer à ses parents pour obtenir de l’argent. Il y en a de légendaires et de carabinées : lorsqu’il raconte qu’il a perdu son chef de file, ou casse le front de bandière, perdu la clé du champ du manœuvres, qu’il passera au conseil s’il n’a pas d’argent pour les remplacer.

France, 1907 : Demande d’argent à l’aide d’un mensonge.

Doyen maudit… dont la main sacrilège
Sur la carotte osa porter la main,
Songeas-tu donc à quelque affreux collège
Pour étouffer le vieux quartier latin ?

Tirer un carotte, raconter une histoire mensongère pour obtenir de l’argent ; lorsque l’histoire est habilement ou longuement forgée, on l’appelle carotte de longueur, ou d’épaisseur ; dans le cas contraire, quand l’histoire est mal combinée, c’est une carotte filandreuse. Vivre de carottes, vivre d’eprunts, pour ne pas dire d’escroqueries. Avoir une carotte dans le plomb, chanter faux ou avoir mauvaise haleine. Jouer la carotte, jouer prudemment, ne risquer que de petits coups par de petites sommes.

Carotte (indigestion de)

France, 1907 : Se dit d’une fille enceinte. Henri Loridan, l’auteur du Recueil de chansons en patois de Roubais, a consacré, dans sa chanson intitulée les Carottes, sur ce genre d’indigestion, un plaisant couplet :

Y a inn’ fillette dins min canton,
Tous les soirs au clair de la lune,
Elle s’inva avec in garchon
Manger in plat de c’bon légume.
Mais in jour tell’ment d’in mingé
Par gourmandise eu l’petite sotte,
Elle est dev’nu tout in inflé
D’in grand indijestion d’carotte.

Carotte (la)

Merlin, 1888 : La visite du docteur au régiment. C’est le moment où plus d’un carottier « en tire une de longueur », en prétextant une maladie imaginaire pour se faire exempter du service.

Carotte (tirer une)

Larchey, 1865 : Demander de l’argent sous un faux prétexte.

Nul teneur de livres ne pourrait supputer le chiffre des sommes qui sont restées improductives, verrouillés au fond des cœurs généreux et des caisses par cette ignoble phrase : « Tirer une carotte. »

Balzac.

Carotte de longueur. Grosse demande, demande subtile. — Vivre de carottes : Vivre en faisant des dupes.

Carotte dans le plomb

Rossignol, 1901 : Celui qui est enroue ou a la voix cassée à une carotte dans le plomb.

Carotte dans le plomb (avoir une)

Delvau, 1866 : v. a. Se dit d’un chanteur qui fait un couac ou chante faux, — dans l’argot des coulisses ; avoir l’haleine infecte, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Chanter faux.

Carotte filandreuse

Virmaître, 1894 : Carotte tirée de longueur, mais peu claire comme explications. Allusion à une vieille carotte pleine de filaments, qui ne se digère pas facilement.
— Ça ne prend pas, la carotte est filandreuse (Argot du peuple). N.

Carotter

d’Hautel, 1808 : Jouer petit jeu ; n’être point hardi au jeu.

Larchey, 1865 : Obtenir de l’argent en tirant une carotte :

Allons, va au marché, maman, et ne me carotte pas.

Larchey, 1865 : Ne vivre que de légumes. Vivre mesquinement.

Il se dépouillait de tout… Il sera très heureux de vivre avec Dumay en carottant au Havre.

Balzac.

Delvau, 1866 : v. n. Jouer mesquinement, ne pas oser risquer de grands coups ni de grosses sommes.

Delvau, 1866 : v. a. Se servir de carottes pour obtenir de l’argent de son père, de son patron, ou de toute personne charitable. Carotter l’existence. Vivre misérablement. Carotter le service. Se dispenser du service militaire, ou autre, en demandant des congés indéfinis, sous des prétextes plus ou moins ingénieux.

Rigaud, 1881 : Se contenter d’un léger bénéfice en exposant peu. — Carotter à la Bourse, dans les affaires. — Jouer très serré, jouer petit jeu, — dans le jargon des joueurs.

France, 1907 : Faire des dupes.

La plus hardie de ces ribaudes parait avoir été la dame des Armoises ; elle arriva à s’établir convenablement, carotta de droite et de gauche, non sans habileté, et fit souche de nombreux marmots.
Telle est la Jeanne d’Arc dont M. Lesigne prétend faire présent à la France : — reste à savoir si elle en voudra !

(Jacqueline, Gil Blas)

Carotter l’existence, mener une vie misérable. Carotter à la Bourse, spéculer sur une petite échelle.

Carotter le service

Larchey, 1865 : Éluder sous de faux prétextes les obligations du service militaire.

Carottes

d’Hautel, 1808 : Tirer des carottes à quelqu’un. Locution basse et tout-à-fait populaire, qui signifie sonder quelqu’un avec adresse ; le faire jaser, le tourner en tout sens, afin de savoir ce qu’il n’a pas dessein de révéler ; ce que l’on appelle d’une manière moins triviale, Tirer les vers du nez.
Il ne mange que des carottes. Pour dire qu’un homme vit misérablement ; qu’il fait maigre chère.

Carottes cuites (avoir ses)

Rigaud, 1881 : Être près de mourir, — dans le jargon du peuple.

Carotteur

Delvau, 1866 : s. et adj. Celui qui carotte au jeu.

France, 1907 : Joueur de petites sommes ; les joueurs de grosses sommes s’appellent brûleurs.

Carotteur, carottier

Larchey, 1865 : Tireur de carottes.

Allons, adieu, carotteur !

Balzac.

Joyeux vivant, mais point grugeur et carottier.

Vidal, 1833.

Carottier

d’Hautel, 1808 : Celui qui joue mesquinement, qui craint de perdre.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui vit d’expédients, qui ment volontiers pour obtenir de l’argent. Carottier fini. Carottier rusé, expert, dont les carottes réussissent toujours.

Merlin, 1888 : Hâbleur, malin, filou.

Virmaître, 1894 : Homme qui fait le métier d’en tirer pour vivre (Argot du peuple).

France, 1907 : Faiseur de dupes, homme qui exploite la crédulité et la bonne foi, ou qui vit d’expédients.

Et je suis absolument de l’avis d’Hector France qui dit que « les criminels repentants » sont généralement des hypocrites qui jouent au repentir comme les carottiers d’hôpitaux font des patenôtres et des signes de croix pour obtenir des bonnes sœurs un supplément de ration de vin.

(E. Montenaux, Rouge et Noir)

Caroubier à la flan

France, 1907 : Voleur à l’aide de fausses clés. Caroubier à la fric frac, voleur avec effraction.

Caroubier ou caroubleur

France, 1907 : Voleur à l’aide de fausses clés.

Caroublage

Fustier, 1889 : Sorte de vol. (V. Delvau : Caroubleur.)

Carouble

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Fausse clef. La carouble s’est esquintée dans la serrante, la clef s’est cassée dans la serrure.

Bras-de-Fer, 1829 : Fausse clé.

M.D., 1844 : Fausse clé.

Halbert, 1849 : Fausse clef.

Larchey, 1865 : fausse clé (Vidocq). V. Esquintement.

Delvau, 1866 : s. f. Fausse clé, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Soir, nuit, — dans le jargon des voleurs. — Être vu à la carouble, être arrêté le soir.

Rigaud, 1881 : Fausse clé, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Fausse clé. Soir, nuit. Vu à la carouble, arrêté le soir.

Virmaître, 1894 : Clé employée par les carroubleurs (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Fausse clé.

Carouble ou caroufle

France, 1907 : Fausse clé.

Caroubler

Rossignol, 1901 : Ouvrir une porte avec de fausses clés.

Caroubles

Rossignol, 1901 : Fausses clés.

Caroubleur

Clémens, 1840 : Voleur avec fausses clefs.

Larchey, 1865 : « Voleur employant des caroubles fabriquées par lui-même sur des empreintes livrées par des domestiques, des frotteurs, des peintres, ou des amants de servantes. — Le Caroubleur à la flan ou à l’esbrouffe vole aussi avec de fausses clés, mais au hasard, dans la première maison venue. Le Caroubleur au fric-frac emploie, au lieu de clés, un pied de biche en fer appelé cadet, monseigneur, ou plume. »

Vidocq.

Delvau, 1866 : s. m. Individu qui vole à l’aide de fausses clés. On dit aussi caroubleur refilé. Caroubleur à la flan. Voleur à l’aventure.

Rigaud, 1881 : Voleur qui opère à l’aide de fausses clés. — Caroubleur au fric-frac, voleur avec effraction au moyen d’un ciseau à froid, d’un clou, d’une pince.

Virmaître, 1894 : Vol à l’empreinte à l’aide de fausses clés (Argot des voleurs). V. Boîte de Pandore.

Rossignol, 1901 : Celui qui carouble. Le voleur à l’aide de fausses clés est un caroubleur.

Carpe

d’Hautel, 1808 : Faire la carpe pâmée. Feindre de se trouver mal ; être indolent, nonchalant et paresseux ; faire le damoiseau, le délicat, le sensible.

Carpe (faire la)

Fustier, 1889 : S’évanouir, se pâmer.

France, 1907 : Tomber en syncope ; se pâmer comme une carpe qu’on tire de l’eau. Faire des yeux de carpe, ouvrir des yeux mourant et sans expression.

— Dis donc, Mélie ? Lui qu’aimait tant à ét’ dehors, combien qui doit ét’ privé, pauvr’ chéri… Eh ben ! quoi que t’as à présent… v’là qu’tu fais la carpe, tu restes en route… voyons, arrive !
— J’sais pas, mais j’sens mon cœur qui s’en va : j’ai pas tant seulement la force d’mett’ au pied d’vant l’aut’.

(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)

Carpe (paire la)

La Rue, 1894 : S’évanouir. Se pâmer.

Carquois

France, 1907 : Hotte de chiffonnier.

Carre

d’Hautel, 1808 : Cet homme a une carre solide. Pour dire qu’il a les épaules larges et bien fournies.

Rigaud, 1881 : Dans l’argot des tailleurs, la carre est la mesure entre les épaules, par abréviation pour carrure.

Rigaud, 1881 : Cachette. — Carre du paquelin, Banque de France. Mot à mot : cachette du pays. Les voleurs prononcent carre du patelin, par corruption.

Carré

d’Hautel, 1808 : Un mâtin carré. Expression triviale ; pour dire un homme râblu, fort, vigoureux et robuste.
C’est carré comme une flûte. Manière plaisante et contradictoire de dire que quelque chose fait l’affaire ; que c’est tout juste ce qu’il faut. On dit aussi par raillerie d’un homme qui raisonne en dépit du sens commun, qu’il raisonne juste et carré comme une flûte.
Un marchand de bois carré. Se dit ironie d’un marchand d’allumettes.

Fustier, 1889 : Élève de seconde année à l’École normale.

France, 1907 : Élève de seconde à l’École Normale.

Carre (à la)

La Rue, 1894 : Économiser, mettre de côté.

anon., 1907 : Caché, mis de côté.

Carré (être)

Delvau, 1866 : Avoir une grande énergie, aller droit au but. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Aller droit au but.

Carré (faire un)

France, 1907 : Voler dans les divers logement qui ouvrent leurs portes sur le même carré.

Carré (jouer le)

France, 1907 : Jouer sur quatre numéros à la fois ; argot des joueurs de roulette.

Carré de rebectage

Virmaître, 1894 : La Cour de cassation. Quelquefois elle diminue la peine du condamné ou l’acquitte complètement. Il est rebecqueté. Rebecqueté se dit pour raccommoder, se rapprocher (Argot des voleurs).

Carre des petites gerbes

Virmaître, 1894 : La police correctionnelle (Argot des voleurs).

Carré des petites gerbes

Rigaud, 1881 : Police correctionnelle, — dans le jargon des voleurs. Mot à mot : chambre des petits jugements. Les clients du tribunal correctionnel qui ne sont pas forcés de savoir que « gerbe » est un substantif féminin disent volontiers : carrés des petits gerbes.

France, 1907 : Police correctionnelle.

Carré du rebectage

Rigaud, 1881 : Cour de cassation, Mot à mot : chambre de la médecine.

France, 1907 : Cour de cassation.

Carre, carrer

Hayard, 1907 : Cachette, cacher.

Carreau

d’Hautel, 1808 : Traiter quelqu’un comme un valet de carreau. Pour dire n’en faire aucun cas ; le malmener ; lui marquer un grand mépris.
Mettre le cœur sur le carreau. Rébus bas et vulgaire, pour dire rejeter les alimens que l’on a pris ; vomir.

Larchey, 1865 : Lorgnon monocle.

M. Toupard, cinquante-deux ans, petite veste anglaise, chapeau capsule, un carreau dans l’œil.

Mém. d’une Dame du Monde, 1861.

Rigaud, 1881 : Œil, — dans le jargon des voleurs. — Carreau brouillé, œil louche. — Carreau à la manque, borgne. — Affranchir le carreau, surveiller, ouvrir l’œil ; et par abréviation : franchir le carreau.

La Rue, 1894 : Œil. Affranchir le carreau, surveiller, regarder attentivement. Pince d’effraction.

France, 1907 : Fausse clé.

Carreau (aller au)

Rigaud, 1881 : Aller pour se faire engager. C’est la place de Grève des musiciens de barrière.

Chaque dimanche (ils) ont l’habitude de se réunir sur le trottoir de la rue du Petit-Carreau, où les chefs d’orchestre savent les rencontrer.

(A. Delvau)

Carreau de vitre

Delvau, 1866 : s. m. Monocle, — dans l’argot des faubouriens.

Carreau ou carreau de vitre

France, 1907 : Monocle.

Carreaux

Virmaître, 1894 : Outils spéciaux des malfaiteurs (Argot des voleurs). V. Tateuse.

Virmaître, 1894 : Les yeux (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Fer à repasser dont se servent les tailleurs pour aplatir les coutures (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Yeux.

Rossignol, 1901 : Outils de voleurs.

Carreaux brouillés

Delvau, 1866 : s. m. pl. Maison mal famée, tapis franc, — abbaye des s’offre-à-tous.

Rigaud, 1881 : Maison de tolérance.

De par le règlement, les volets doivent être fermés, les carreaux dépolis dans ces dépotoirs à gros numéros.

(Le Sublime.)

France, 1907 : Cabaret borgne, maison mal famée, dont les carreaux sont, en effet, ordinairement blanchis à l’intérieur, pour empêcher de voir ce qui se passe au dedans.

Carrée

Rigaud, 1881 : Chambre, — dans le jargon des ouvriers.

La Rue, 1894 : Chambre. Maison centrale.

Rossignol, 1901 : Maison, logement.

Hayard, 1907 : Chambre.

France, 1907 : Chambre.

Les lèvres carminées, les joues plaquées de blanc gras et de poudre de riz, comme des cabotines de province inexpertes au maquillage, empuanties d’amaryllis, les cheveux et les sourcils peints, ces Laïs du boulevard viennent chercher là, pour leurs Diogènes de Mazas, les pépites d’or qui apporteront pendant quelque Jours le bonheur à la carrée.

(La Nation)

— Et nous v’là partis, bras dessus, bras dessous, Elle me mène au fond de Javel, an diable, dans l’Île-des-Singes. Une carrée, mes enfants, avec tout juste un matelas de varech, sur un bois de lit mangé aux punaises !

(Oscar Méténier)

anon., 1907 : Chambre.

Carrée des petites gerbes

La Rue, 1894 : Police correctionnelle.

Carrefour des écrasés

Rigaud, 1881 : Carrefour formé par le boulevard Montmartre, la rue Montmartre et la rue du Faubourg-Montmartre. C’est un des endroits de Paris les plus dangereux pour les piétons, à cause de la quantité de voitures qui s’y croisent et de la pente du boulevard Montmartre qui ne permet pas aux cochers d’arrêter leurs chevaux à temps. Le nombre des personne écrasées, chaque année, en cet endroit, lui a valu la lugubre dénomination de « Carrefour des écrasés. »

Carreleur de souliers

Virmaître, 1894 : Ouvrier lorrain qui vient tous les étés parcourir nos campagnes avec sa hotte sur le dos. Il raccommode les souliers. Ce nom lui vient de ce qu’il crie : carreleur de souliers. Ce à quoi les gamins répondent :
— Gare l’aut’ soulier ! (Argot du peuple).

Carrelure

d’Hautel, 1808 : Il s’est fait une bonne carrelure de ventre. Se dit figurément d’un homme qui a fait un bon repas, et qui en avoit grand besoin.

Carrelure de ventre

Delvau, 1866 : s. f. Réfection plantureuse, — dans l’argot du peuple, qui éprouve souvent le besoin de raccommoder son ventre déchiré par la faim.

France, 1907 : Repas plantureux.

Carrelure du ventre

Rigaud, 1881 : Repas copieux.

Je croyais refaire mon ventre d’une bonne carrelure.

(Molière, Le médecin volant, scène ni.)

Carrément

Delvau, 1866 : adv. D’une manière énergique, carrée.

Virmaître, 1894 : N’aie pas peur, vas-y carrément (Argot du peuple).

Maintenant que tu n’as plus q’ta chemise,
Tu peux y aller carrément.

France, 1907 : Franchement, droit au but.

Carrer

d’Hautel, 1808 : Se carrer. Se pavaner en marchant ; prendre un air arrogant et fier ; faire l’homme d’importance.

un détenu, 1846 : Cacher.

Carrer (se)

Clémens, 1840 : Se garer, se garantir, se cacher.

Halbert, 1849 : Se cacher.

Delvau, 1866 : v. réfl. Se donner des airs, faire l’entendu, — dans le même argot [du peuple]. On dit aussi Se recarrer.

Delvau, 1866 : v. réfl. Se cacher, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Se garer de, se sauver. — Se carrer de la débine, sortir de la misère.

France, 1907 : Faire l’important.

Carrer de la débine (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se tirer de la misère.

Carrer le pognon

France, 1907 : Détourner l’argent, voler.

— Mais, paraît qu’il a trouvé plus malin que lui… à propos de sa banque… sa caisse d’Algérie, je me sais plus au juste… c’est des trucs de la haute que je ne connais pas… Enfin, on l’a mangé… on a dit qu’il avait carré le pognon des pantes.

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Carreur

Clémens, 1840 : Voleur dans les boutiques en marchandant.

un détenu, 1846 : Compagnon, camarade, compère d’un voleur.

Carrosse

d’Hautel, 1808 : C’est un vrai cheval de carrosse. Se dit d’un homme stupide et brutal ; d’un butor auquel on ne peut faire entendre raison.

Carrouble

Clémens, 1840 : Clef.

Carroubles

un détenu, 1846 : Clefs.

Carroubleur

un détenu, 1846 : Casseur de portes.

Carroubleur à la flanc

Halbert, 1849 : Voleur à l’aventure.

Carroubleur refilé

Halbert, 1849 : Voleur à fausse clef.

Carrousse

d’Hautel, 1808 : Faire carrousse. Ribotter ; faire ripaille.

Carruche

Larchey, 1865 : Prison (Vidocq). Diminutif du vieux mot car : coin. V. Roquefort. — V. Canton. — Comte de la Carruche : Geôlier.

Virmaître, 1894 : Prison (Argot des voleurs). V. Gerbe.

Cart-d’œil

un détenu, 1846 : Commissaire de police.

Cartaud

Halbert, 1849 : Imprimerie.

Cartaude

Delvau, 1866 : s. m. Imprimé.

Delvau, 1866 : s. f. Imprimerie, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Imprimerie. — Cartaudé, imprimé. — Cartaudier, imprimeur. — Cartauder, imprimer, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Imprimerie. Cartaudier, imprimeur.

France, 1907 : Imprimerie.

Cartaudé

Halbert, 1849 : Imprimé.

Cartauder

Halbert, 1849 : Imprimer.

Delvau, 1866 : v. a. Imprimer.

Cartaudeur

France, 1907 : Imprimeur.

Cartaudier

Halbert, 1849 : Imprimeur.

Delvau, 1866 : s. m. Imprimeur.

Carte

d’Hautel, 1808 : Il ne sait pas tenir ses cartes. Pour, c’est une mazette au jeu de cartes ; se dit par raillerie d’une personne qui se vantoit d’être fort habile à manier les cartes, et que l’on a battue complètement.
On dit aussi, et dans le même sens, au jeu de dominos, Il ne sait pas tenir ses dez.
Perdre la carte.
Pour se déconcerter, se troubler, perdre la tête dans un moment ou le sang-froid étoit indispensable.
Il ne perd pas la carte. Se dit par ironie d’un homme fin et adroit ; qui tient beaucoup à ses intérêts ; à qui on n’en fait pas accroire sur ce sujet.
On appelle Carte, chez les restaurateurs de Paris, la feuille qui contient la liste des mets que l’on peut se faire servir à volonté ; et Carte payante, celle sur laquelle est inscrit le montant de l’écot, que l’on présente à chaque assistant lorsqu’il a fini de dîner.
Savoir la carte d’un repas. C’est en connoître d’avance tout le menu.
Brouiller les cartes. Mettre le trouble et la division entre plusieurs personnes.
Donner carte blanche. C’est donner une entière liberté à quelqu’un dans une affaire.
Un château de carte. Au figuré, maison agréable, mais peu solidement bâtie.

Delvau, 1866 : s. f. Papiers d’identité qu’on délivre à la Préfecture de police, aux femmes qui veulent exercer le métier de filles. Être en carte. Être fille publique.

France, 1907 : Certificat d’identité que la police donne aux prostituées, qui, de ce fait, deviennent filles soumises, étant obligées de se soumettre périodiquement à une inspection médicale.

Ce matin, après avoir mis la petite en carte, après l’avoir ainsi placée dans l’impossibilité de réclamer protection et d’être écoutée si elle se plaignait, — les malheureuses filles ainsi inscrites ne sont-elles pas hors la loi, hors le monde et à a discrétion absolue de la police ? — il la ferait filer sur quelque maison de province dont la tenancière Iui répondrait du secret…

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Carte (avoir sa, ou être en)

Delvau, 1864 : Être inscrite comme fille exerçant le métier de putain, sur le registre ad hoc ouvert a la préfecture de police.

Dès demain
Je ferai demander ta carte à la police,
Et tu pourras alors commencer ton service.

Louis Protat.

Carte (être en)

Rigaud, 1881 : Être inscrite à la préfecture de police sur le livre des filles soumises. L’administration remet à toute fille soumise une carte où est inscrit son nom. À chaque visite, cette carte est frappée d’un timbre et la fille est tenue de la montrer à la première réquisition des agents ; d’où le mot : « Être en carte ».

France, 1907 : Avoir reçu de la police une carte de fille soumise.

À seize ans, c’était en carte,
Et ça faisait son métier,
Comme toi le tien, rentier,
Avec cette différence
Que ton sort, à toi, t’est cher,
Tandis qu’elle, pauvre chair,
Le sien, c’est désespérance ;
Mais pas plus, en verité,
L’un que l’autre ne mérite.

(Jean Richepin)

Carte (piquer la)

Rigaud, 1881 : Marquer d’un léger coup d’ongle, d’un signe microscopique les cartes dont on a besoin de se souvenir, et principalement les rois, à l’écarté… lorsqu’on veut corriger le sort et mériter le nom de grec. Ce système est bien démodé aujourd’hui, parce qu’il a été trop pratiqué jadis et qu’il est trop connu. Aux jeux de commerce, les grecs s’en tiennent au télégraphe, et, aux jeux de hasard, ils opèrent à l’aide de la portée.

France, 1907 : Marquer une carte pour la reconnaître. On dit aussi maquiller la carte.

Carte (revoir la)

Larchey, 1865 : On comprend l’ironie du mot en se rappelant qu’on entend par carte la liste des mets choisis pour son repas.

France, 1907 : Vomir après le repas.

Carte de géographie

Rigaud, 1881 : Impressions… sur toile d’un voyage au pays des rêves.

Carteler

France, 1907 : Aller entre dents ornières pour les éviter ; corruption de cartayer.

Cartes transparentes

Delvau, 1864 : Cartes à jouer qui, au premier abord, ressemblent à d’innocentes cartes, mais qui, lorsqu’on les regarde avec attention, entre le soleil et les yeux, sont autant de conpulsamenti à fouterie.

Elle fait défiler devant ses yeux une foule de cartes transparentes, qui sont autant des outrages au bon goût qu’aux bonnes mœurs.

Lemercier de Neuville.

Carton

Larchey, 1865 : Carte à jouer.

Je n’ai pas parlé des tables d’hôte où on donne le carton, c’est-à-dire où l’on fait jouer.

Lespès.

Lorsqu’on a dîné entre amis, il faut bien remuer des cartons peints pour se dégriser.

About.

Delvau, 1866 : s. m. Carte à jouer, — dans l’argot de Breda-Street, où fleurit le lansquenet. Manier le carton. Jouer aux cartes. — On dit aussi Graisser le carton et Tripoter le carton. Maquiller le carton. Faire sauter la coupe.

Rigaud, 1881 : Carte à jouer. Manier, patiner, tripoter le carton, jouer aux cartes.

Hayard, 1907 : Sans argent ; (être) être refait.

France, 1907 : Carte à jouer. Manier, tripoter, graisser, patiner le carton se disent pour jouer aux cartes. Maquiller le carton, c’est tricher an jeu.

Carton (de)

Rigaud, 1881 : Qui n’est pas sérieux, qui ne connaît pas son métier. Se place toujours, dans ce sens, immédiatement après un substantif. — Un michet de carton, un entreteneur pour rire. — Un avocat de carton, un mauvais avocat. — Un cuisinier de carton, un cuisinier sans aucune espèce de connaissances culinaires.

Boutmy, 1883 : De peu de valeur. Correcteur, compositeur de carton. Correcteur, compositeur inhabile. Cette expression est à peu près synonyme de mie de pain.

Carton (homme de)

France, 1907 : Homme sans valeur ou sans argent, sur lequel on ne peut compter.

Alice — Crois-tu qu’il ait des monacos ?
Maria — Oui, il a l’air cossu.
Alice — Il n’est pas de carton, enfin.

(Ces dames du Casino)

Soldat de carton, mauvais soldat.

Carton savonné

France, 1907 : Pain blanc. Carton est, dans ce sens, une altération de arton, pain.

Cartonné en caruche

Bras-de-Fer, 1829 : Arrêté et mis en prison.

Cartonnements

France, 1907 : Manuscrit enfermé dans les cartons d’un directeur de journal ou de théâtre.

Cartonner

Rigaud, 1881 : Jouer aux cartes. Passer sa vie à cartonner.

France, 1907 : Jouer aux cartes.

Après avoir fait ses adieux à la belle enfant, qui s’était montrée vraiment très… expansive, il était allé au cercle où il avait passé la nuit à cartonner.

(Gil Blas)

Tout en cartonnant dans ton claque,
Rabats un douillard à ta marque.

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Moi, je connais tous les jeux ! Répondit Mon Oncle… j’enseigne même à ceux qui aiment à cartonner tous les moyens de défense possible coutre les trucs, suiffages et biscuits des philosophes les plus émérites… à votre disposition, monsieur !…

(Ed. Lepelletier)

Cartonneur ou cartonnier

France, 1907 : Joueur de cartes passionné.

…De tous les jeux, c’est le baccara qui se prête le mieux aux tricheries : elles se comptent par milliers et les Russes, — ces maîtres dans l’art de corriger la déveine, — en inventent tous les jours. Les Marseillais et les Toulousains, ces redoutables cartonneurs, en apportent chaque saison à Paris et les expérimentent dans les casinos des stations balnéaires et thermales.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Cartonnier

Delvau, 1866 : adj. Mal habile dans son métier. Argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui n’est pas bien au fait du métier qu’il exerce : pour ouvrier de carton.

Rigaud, 1881 : Celui qui aime à jouer aux cartes, qui joue habituellement aux cartes.

Cartouche

d’Hautel, 1808 : Nom d’un insigne voleur.
C’est un cartouche. Se dit d’un homme rusé, adroit et fripon, qui ne vit que de ce qu’il escroque.

France, 1907 : Voleur de grand chemin ; nom venu du célèbre Cartouche qui était la terreur des Parisiens et fut roué et rompu vif en place de Grève, en 1721, à l’âge de vingt-huit ans.

Cartouche (avaler sa)

Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon militaire. (A. Camus.)

France, 1907 : Mourir. Déchirer la cartouche, manger.

Cartouche jaune

France, 1907 : Feuille que l’on délivre au forçant à sa libération. Elle est jaune et roulée dans un étui de fer-blanc.

Cartouchière à portée

Fustier, 1889 : Réservoir de cartes que les grecs placent sous leur gilet et où ils trouvent classées et numérotées toutes les portées possibles.

Cartouchière à portées

France, 1907 : Paquet de cartes préparées que les grecs cachent dans leurs manches ou leur paletot.

Caruche

anon., 1827 : Prison.

Bras-de-Fer, 1829 : Prison.

Halbert, 1849 : Prison.

Delvau, 1866 : s. f. Prison, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Cachot, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Cachot. Comte de la caruche, guichetier.

France, 1907 : Prison ; du provençal carruche, courroie tendue.

Carvel

France, 1907 : Bateau : de l’italien caravella.

Cas

d’Hautel, 1808 : Mettre des si et des cas dans une affaire. Signifie, hésiter, tâtonner, barguigner ; être dans l’incertitude ; ne savoir à quoi se décider.
Tous vilains cas sont reniables. Parce qu’il est de la foiblesse humaine de nier les fautes que l’on a commises.
On dit faire son cas. Pour se décharger le ventre ; faire ses nécessités.

Delvau, 1864 : Le membre viril aussi bien que la nature de la femme.

Un capucin, malade de luxure,
Montroit son cas, de virus infecté…

Piron.

Je croyois que Marthe dût être
Bien parfaite en tout ce qu’elle a ;
Mais, à ce que je puis connoître,
Je me trompe bien à cela,
Car, bien parfaite, elle n’est pas
Toujours en besogne à son cas.

Berthelot.

Qui a froid aux pieds, la roupie au nez, et le cas mol, s’il demande à le faire, est un fol.

(Moyen de parvenir.)

Mon cas, fier de mainte conquête.
En Espagnol portoit la tete.

Regnier.

Il avoit sa femme couchée près de lui, et qui lui tenoit son cas à pleine main.

Brantôme.

Les tétons mignons de la belle,
Et son petit cas, qui tant vaut.

Marot.

Le cas d’une fille est fait de chair de ciron, il démange toujours ; et celui des femmes est de terre de marais, on y enfonce jusqu’au ventre.

Brantôme

La servante avait la réputation d’avoir le plus grand cas qui fût dans le pays.

D’Ouville.

Delvau, 1866 : s. m. La lie du corps humain, les fèces humaines, dont la chute (casus) est plus ou moins bruyante. Faire son cas, Alvum deponere. Montrer son cas. Se découvrir de manière à blesser la décence.

France, 1907 : Le derrière, où ce qui en sort. Montrer son cas, faire son cas.

Et parce qu’un ivrogne a posé là son cas,
Pourquoi, mèr’ Badoureau, faire autant de fracas !
Cela pourra servir d’enseigne à votre porte
Il a l’odeur du cuir ; il est vrai qu’elle est forte.

(Vieux quatrain)

Les écrivains du XVIe siècle appellent cas ce que Diderot a plus tard appelé bijou. Au chapitre LXIV du Moyen de parvenir, l’auteur s’adresse aux femmes qui se font un revenu de leur cas. « Je vous dis que vous mesnagiez bien vos métairies naturelles. »

Casaquin

d’Hautel, 1808 : Diminutif de casaque, pour dire le derrière de la poitrine, le dos.
On lui a donné sur le casaquin. C’est-à-dire, il a reçu une volée de coups de bâton.
Traîner son casaquin. Mener une vie disetteuse et pénible.

Larchey, 1865 : Corps (d’Hautel 1808).

Je te tombe sur la bosse, je te tanne le casaquin.

Paillet.

Delvau, 1866 : s. m. Le corps humain, — dans l’argot du peuple. Sauter ou tomber sur le casaquin à quelqu’un. Battre quelqu’un, le rouer de coups. Avoir quelque chose dans le casaquin. Être inquiet, tourmenté par un projet ou par la maladie.

France, 1907 : Le corps humain. Avoir quelque chose dans le casaquin, être mal à son aise. Tomber sur le casaquin de quelqu’un, le battre.

Un de ces quatre matins, le populo tombera sur le casaquin de toute cette vermine, et la foutra en capilotade.

(Père Peinard)

Se faite crever le casaquin, se faire tuer.

Si s’rait parti pour el’ Tonkin,
L’s’rait fait crever l’casaquin
Comm’ Rivière…

(Aristide Bruant)

Se faire crever le casaquin se dit aussi pour se fatiguer.

Casaquin (travailler le)

Rigaud, 1881 : Mot à mot : travailler sur la casaque de quelqu’un à coups de poing. — Le vêtement est pris pour la personne elle-même. — Variante : Prendre mesure d’un casaquin.

Tiens, v’là Madeleine et Marie-Jeanne qui vont s’ prendre mesure d’un casaquin.

(E. Bourget, La Reine des Halles, chans.)

Cascade

Delvau, 1866 : s. f. Plaisanterie ; manque de parole, — chute de promesse.

Rigaud, 1881 : Bouffonnerie. — Fredaine.

France, 1907 : Légèreté, manque de parole, défauts particuliers aux Parisiens.

Cascader

Rigaud, 1881 : Faire des folies, se livrer à des bouffonneries. Dire de grosses plaisanteries. — En style de théâtre, charger un rôle, ajouter au rôle des facéties d’un goût souvent douteux ; improviser des bouffonneries.

La Rue, 1894 : Mener une vie déréglée. Cascadeur, cascadeuse, homme, femme menant une vie déréglée.

France, 1907 : Mener joyeuse vie. Se dit aussi d’un acteur qui fait des interpolations dans son rôle.

Dis-moi, Vénus, quel plaisir trouves-tu
À faire ainsi cascades la vertu ?

(La Belle Hélène)

Cascades

d’Hautel, 1808 : Faire ses cascades. Faire des fredaines ; mener une vie irrégulière et libertine, faire des siennes.

Larchey, 1865 : Vicissitudes, folies.

Sur la terre j’ai fait mes cascades.

Robert Macaire, chanson, 1836.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Fantaisies bouffonnes, inégalités grotesques, improvisations fantasques, — dans l’argot des coulisses.

France, 1907 : Farces, folies de femmes légères, et aussi les fantaisies que se permettent certains acteurs en scène.

Ce galant monarque dont les cascades amoureuses auraient rendu jaloux Lovelace lui-même, tout en cultivant le terrain d’autrui, m’avait pas trop négligé celui de sa femme, car, à son lit de mort, il était entouré d’une demi-douzaine de grands-ducs, tous plus solides les uns que les autres.

(Serge Nossoff, La Russie galante)

M. Prudhomme marie son fils.
Naturellement, toute la noce va faire le traditionnel tour du lac.
Arrivé à la cascade, le beau-père rassemble solennellement tous les invités autour de lui, et, s’adressant à sa bru, lui dit en lui montrant le rocher :
— Vous voyez lien cette cascade, madame… Tâchez de n’en jamais connaître, ni commettre d’autres.

Cascades (faire des)

Larchey, 1865 : « Ce mot dépeint les fantaisies bouffonnes, les inégalités grotesques, les lazzi hors de propos, les improvisations les plus fantasques. »

J. Duflot.

Cascadeur

Rigaud, 1881 : Farceur qui professe la cascade.

France, 1907 : Faiseur de cascades.

Il y a une dizaine d’années, mon oncle de Châlons-sur-Marne… voulait me céder son magasin de corsets plastiques. Que n’ai-je accepté ? Au lieu de lasser mes lecteurs, j’aurais lacé bien des petites dames qui m’auraient remercié le sourire aux lèvres, tandis que mes lecteurs, mes idiots de lecteurs, épluchant mes phrases, scrutant ma pensée ne s’écrient que ceci chaque dimanche : Quel cascadeur que ce Rossignol !

(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais jeune homme à sa Nini)

Cascadeuse

Delvau, 1864 : Drôlesse du quartier Breda, qui se joue de l’amour et des amoureux.

Ne t’y fie pas : c’est uns cascadeuse.

Charles Monselet.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui, — dans l’argot des faubouriens, — laisse continuellement la clé sur la porte de son cœur, où peuvent entrer indifféremment le coiffeur et l’artiste, le caprice et le protecteur.

Rigaud, 1881 : Femme qui court les lieux où l’on s’amuse. — Farceuse qui de la cascade n’a que la chute.

France, 1907 : Jeune personne qui a jeté son bonnet par-dessus les moulins.
Le mot est aussi employé adjectivement. On dit une toilette cascadeuse.

On voit passer la femme honnête
Qui marche en portant haut la tête,
Sur l’Boul’vard ;
On voit des p’tits jeun’s gens godiches,
Des gens pauvres et des gens riches,
On voit des gomineux, des gomineuses
Avec leurs toilettes cascadeuses,
Et l’on voit plus d’une vieille cocotte
Qui bientôt portera la hotte
Sur l’boul’vard.

(Aristide Bruant)

Cascaret

d’Hautel, 1808 : Nom baroque et injurieux que l’on donne à un homme de basse extraction. Ce mot ne s’applique qu’aux animaux ; particulièrement aux chiens et aux cochons.

Delvau, 1866 : s. m. Homme sans importance, de mine malheureuse ou d’apparence chétive. Argot du peuple.

France, 1907 : Homme malingre, de mine chétive. Pièce de deux francs.

Case

Delvau, 1864 : La nature de la femme, — dans laquelle se trémousse si agréablement le petit oiseau à longue queue que les savants appellent penis et les ignorants, pine.

Des autres perroquets il diffère pourtant,
Car eux fuient la cage, et lui, il l’aime tant,
Qu’il n’y est jamais mis qu’il n’en pleure de joie.

(Cabinet satyrique.)

Elle le prit de sa main blanche,
Et puis dans sa cage le mit.

Regnard.

Lisette avait dans un endroit
Une cage secrète :
Lucas l’entrouvrit, et tout droit
D’abord l’oiseau s’y jette.

Collé.

Delvau, 1866 : s. f. Maison, logement quelconque, — dans l’argot du peuple, qui parle latin sans le savoir. Le patron de la case. Le maître de la maison, d’un établissement quelconque ; le locataire d’une boutique, d’un logement.

France, 1907 : Habitation, lieu où l’on demeure : du latin casa. Le patron de la case, le chef de l’établissement.
C’est aussi, au masculin, l’abréviation de casino.

Travaille dans les rups bastringues,
Au case avec tes belles fringues,
Monte vite un chaud reversy…
Pour si peu t’auras pas Poissy…

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Case (la)

Rossignol, 1901 : Domicile.

Caser

Fustier, 1889 : Abrév. de casernement. Argot des élèves de l’École Polytechnique.

France, 1907 : Placer, mettre en case, but du bourgeois qui n’est jamais plus heureux que lorsqu’il met les siens hors des luttes de la vie, c’est-à-dire quand il a fait de ses fils et de ses filles des moules et des oies.

« J’ai casé mon fils, ma fille, » se dit notamment quand la demoiselle est bossue et quand le jeune homme est un sacripant.

(Docteur Grégoire, Dictionnaire humoristique)

France, 1907 : Chambre, argot de l’École Polytechnique ; abréviation de casernement.

Le confortable règne maintenant dans l’École. On y mange mieux que jadis : on y fuit l’exercice du canon et, les jours de pluie, les élèves se promènent à l’aise sous une vaste véranda. Ce sont là des détails insignifiants : les murs de l’École sont neufs, les casers sont meublés de lits éblouissants ; l’esprit de l’École n’a point varié.

(Charles Leser)

Caserne

d’Hautel, 1808 : Au propre, quartier, logement de soldats. Au figuré, terme de mépris qui se dit d’une mauvaise maison, ou les domestiques sont mal payés et mal nourris ; d’un atelier ou les ouvriers ne peuvent retirer leurs journées.

Casimir

Delvau, 1866 : s. m. Gilet, — dans le même argot [du peuple].

Rigaud, 1881 : Gilet.

Virmaître, 1894 : Gilet. Allusion à l’étoffe (Argot des voleurs). V. Boîte à Sigue.

Casin

Rigaud, 1881 : Jeu de la poule au billard. — Jouer le casin.

France, 1907 : Poule, au jeu de billard.

Casineux

France, 1907 : Habitué de casino.

Casoar

Rigaud, 1881 : Plumet du shako des élèves de Saint-Cyr ; par extension, toute volaille servie sur la table de l’École est saluée du nom de casoar.

France, 1907 : Plume du shako des élèves de l’École de Saint-Cyr.

Casque

Larchey, 1865 : Chapeau rond. — Casque à mèche : Bonnet de coton à mèche.

Il dévoilera les mensonges cotonneux de madame et apportera dans le salon le casque a mèche de monsieur.

Th. Gautier.

Delvau, 1866 : s. m. Effronterie, aplomb, blague du charlatan. Avoir du casque, c’est-à-dire parler avec la faconde de Mangin.

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des faubouriens, pour qui c’est le mâle de casquette. Casque-à-mèche. Bonnet de coton.

Rigaud, 1881 : Talent oratoire du saltimbanque. — Avoir du casque, rappeler feu Mangin par les belles manières et la facilité d’élocution. — Il y a des hommes politiques qui ont du casque, presque autant que ce fameux marchand de crayons.

France, 1907 : Chapeau. Casque à mèche, bonnet de coton.

France, 1907 : Aplomb, effronterie, blague, Comme en ont les charlatans habituellement coiffés du casque, d’où l’expression : avoir du casque, posséder l’effronterie et la faconde d’un marchand d’orviétan. Avoir son casque, être ivre.

Casque (avoir le)

Rigaud, 1881 : Éprouver une douleur névralgique à la calotte de la tête, le lendemain d’un excès bachique. — Avoir son casque de pompier, avoir la tête très lourde par suite d’ivresse, comme si l’on portait un casque.

Rigaud, 1881 : C’est ce que les filles traduisent par avoir un caprice pour un homme. Mot à mot : être solidement coiffé de quelqu’un, avoir quelque chose comme un béguin d’acier.

La Rue, 1894 : Avoir la tête lourde par suite d’ivresse. Signifie aussi avoir un caprice.

Virmaître, 1894 : Être malin, savoir profiter des occasions, les saisir aux cheveux, même lorsqu’elles sont chauves. Avoir son casque : avoir bu a en être saturé.
— Il a son casque, il en a plein la peau (Argot du peuple).

Casque (avoir son)

Delvau, 1866 : v. a. Être complètement gris, — ce qui amène naturellement une violente migraine, celle que les médecins appellent galea, parce qu’elle vous coiffe comme avec un casque.

Casque (coup de)

anon., 1907 : Le moment de payer.

Casque à auvent

France, 1907 : Casquette.

Casque-à-mèche

Rigaud, 1881 : Apprenti commis dans un magasin de bonneterie.

Merlin, 1888 : Bonnet de nuit. Expression usitée dans le langage familier ordinaire, mais qui a évidemment pour lieu d’origine la caserne.

Casquer

Halbert, 1849 : Croire un mensonge.

Delvau, 1864 : Donner de l’argent à use femme galante quand on est miche, à un maquereau quand on est femme galante. Casquer, c’est tendre son casque ; tendre son casque, c’est tendre la main : la fille d’amour tend la main, et l’homme qui bande y met le salaire exigé pour avoir le droit d’y mettre sa queue.

En ai-je t’y reçu de l’argent des menesses !… Oui, elles ont casqué, et dru !…

Lemercier de Neuville.

Larchey, 1865 : Donner dans un piège. — Mot à mot : tomber tête baissée dans un casque, c’est à dire dans une enveloppe assez épaisse pour ne rien apercevoir. — De là aussi casquer dans le sens de : donner de l’argent sans voir qu’il est escroqué. V. Cavé.

Delvau, 1866 : v. n. Payer, — dans l’argot des filles et des voleurs, qui, comme Bélisaire, vous tendent leur casque, avec prière — armée — de déposer votre offrande dedans.
Signifie aussi : donner aveuglément dans un piège, — de l’italien cascare, tomber, dit M. Francisque Michel.
Ce verbe a enfin une troisième signification, qui participe plus de la seconde que de la première, — celle qui est contenue dans cette phrase fréquemment employée par le peuple : J’ai casqué pour le roublard (je l’ai pris pour un malin).

Rigaud, 1881 : Donner de l’argent de mauvaise grâce. — Allusion au casque de Bélisaire dans lequel les âmes sensibles de l’époque déposaient leurs aumônes. — Celui à qui l’on tire une carotte « casque ».

C’est pas tout ça ! Casques-tu, oui ou non ?

(Vast-Ricouard, Le Tripot.)

Boutmy, 1883 : v. intr. Payer plus souvent qu’à son tour : faire casquer un plâtre. Par extension, taquiner.

Merlin, 1888 : Abouler, payer pour les autres.

La Rue, 1894 : Payer. Donner dans un piège. Ne pas casquer, refuser.

Virmaître, 1894 : Payer (Argot des filles). V. Billancher.

Rossignol, 1901 : Payer, croire.

C’est une banne pâte, nous allons le faire casquer d’une tournée. — Il casque ; il croit ce que je lui ai dit.

Hayard, 1907 : Payer.

France, 1907 : Payer ; argot populaire.

Un député, occupant, par suite de circonstances spéciales, une très haute position et disposant, de par sa parenté, d’influences considérables, aurait dit ou fait dire à un aspirant au ruban rouge :
— Si vous voulez la décoration, intéressez-vous dans mes affaires pour une somme de…
L’homme aurait casqué, et… aurait été décoré.

(Le Mot d’Ordre)

— Les femmes, vous le savez, je les estime à leur juste valeur et faut vraiment être un vrai pante pour casquer avec elles… Vous savez aussi si je les aime, les pantes… Pourtant il y a des cas où un homme d’honneur est obligé de faire comme eux…

(Oscar Méténier)

Tranquilles, jouissons,
Mangeons, buvons, pissons,
Vivons sans masque,
Jusqu’à satiété,
Car qui, qui Casque ?
C’est la société !

(Jules Jouy)

Mort aux vaches ! Mort aux fripons !
Ceux qui chassent la bête humaine,
Faut-il donc que l’on se démène
Pour aller coucher sous les ponts !
L’œil au guet et l’oreille ouverte,
On se fout un peu des roussins,
On peut se faire des coussins
Avec des paquets d’herbe verte.
On dort mieux sous le bleu du ciel
Quand les megs ont l’âme romaine :
Pas casquer c’est l’essentiel,
La rue apparait large ouverte,
On rigole loin des roussins
Et les mômes ont des coussins
Pour leur tête sur l’herbe verte.

(Edmond Bourgeois)

anon., 1907 : Payer.

Casquette

Larchey, 1865 : Chapeau de femme. V. Chouette.

Delvau, 1866 : s. f. Chapeau de femme, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Ivre. Être casquette.

Un peu casquette,
Plus d’un buveur
Dehors rejette
La divine liqueur.

(L. Festeau, Un jour de fête à la barrière.)

France, 1907 : Argent dépensé au café : du verbe casquer.

Casquette (être)

Delvau, 1866 : v. n. Être sur la pente d’une forte ivresse, avoir son casque.

France, 1907 : Être ivre.

T’en souviens-tu, j’avais uns jaquette
Qui nous servait, en hiver, d’édredon ?
Dans ce temps-là, j’étais souvent casquette,
Et tu m’app’lais ton chéri, ton trognon.
Dans ce temps-là, t’avais, simple grisette,
Moins de velours sur un corps plus dodu…

(Léon Rossignol)

Se dit aussi de quelqu’un qui a les manières communes et brutales.

Casquette à pont, ou à trois ponts

France, 1907 : Souteneur de barrière, à cause de la haute casquette de soie noire dont se coiffaient ces messieurs et que beaucoup portent encore.

Casquette du Père Bugeaud

France, 1907 : Chanson militaire en Algérie, dont on a fait une marche au pas accéléré.

As-tu vu
La casquette,
La casquette !
As-tu vu
La casquette du père Bugeaud !

Casqueur

Fustier, 1889 : Argot des coulisses. Le public payant, par opposition aux billets de faveur et au service de presse.

France, 1907 : Payeur ; le public payant.

Cassant

Halbert, 1849 : Noyer.

Delvau, 1866 : s. m. Noyer, arbre, — dans l’argot des voleurs ; biscuit de mer, — dans l’argot des matelots.

France, 1907 : Noyer ; argot des voleurs qui appellent aussi cassant le biscuit de mer.

Cassante

Larchey, 1865 : Noix, dent. (Vidocq). — Effet pris pour la cause. La noix se casse et la dent casse.

France, 1907 : Noix, noisette : dent.

Cassantes

anon., 1827 : Des noix.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Noix

Bras-de-Fer, 1829 : Noix.

Halbert, 1849 : Noix, noisettes.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les dents, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Dents.

Virmaître, 1894 : Les dents (Argot du peuple). V. Dominos.

Casse

d’Hautel, 1808 : Donner de la casse. Supplanter quelqu’un ; le déposséder de son emploi ; signifie aussi parmi les soldats l’action de licencier un régiment ou un corps.

Delvau, 1866 : s. f. Ce que l’on casse. Argot des garçons de café.

Boutmy, 1883 : s. f. Ensemble des deux compartiments qui contiennent les diverses sortes de lettres. La casse se divise en deux parties : le bas de casse et le haut de casse ; la première renferme les lettres minuscules, les cadrats, les cadratins, les signes de ponctuation, etc. ; la seconde, les majuscules, les petites capitales, les lettres accentuées et diverses autres sortes moins usitées que celles du bas de casse. Au figuré, Fond de casse, reste d’une barbe de la veille.

France, 1907 : Ce que les garçons ou servantes de cafés, d’hôtels ou de restaurants sont supposés casser et pour laquelle le patron s’empare d’une partie des pourboires. « Dans beaucoup de villes, dit A. Luchet, le maître d’hôtel marié prend des pourboires, une part pour sa femme, une part pour ses enfants, une part pour la casse. » On appelle aussi casse les rognures et débris de pâtisserie vendus à bas prix aux pauvres gens.
C’est aussi, en bas langage rémois, un poêlon de cuivre pour boire.

Casse (la)

Rigaud, 1881 : Porcelaines ou cristaux cassés par maladresse dans un café ou dans un restaurant. Dans la plupart de ces établissements, les garçons sont responsables de la casse. Dans d’autres, elle est l’objet d’un forfait. On retient tant par mois à chacun des garçons pour la couvrir.

Cassé la patte a coco (n’avoir pas)

France, 1907 : Se dit d’un homme épais et inintelligent, dans le même sens que : n’avoir pas inventé la poudre.

Cassé la patte à Coco (ne pas avoir)

Rigaud, 1881 : Ne pas être malin, — dans le jargon des soldats de cavalerie. — Coco est pris dans le sens de cheval. Pour exprimer la même idée, on dit dans le civil : N’avoir pas inventé le fil à couper le beurre.

Casse-cœur

France, 1907 : Homme à bonnes fortunes : ce que les Anglais appellent lady killer, tueur de dames.

Qu’est au juste Max de Simiers ? Un cœur tendre ou un casse-cœur ? Un vieux polisson sentimental où un brave homme ?

(Léon-Bernard Derosne)

Casse-cou

d’Hautel, 1808 : On appelle ainsi un escalier roide et étroit, un lieu obscur, où l’on risque de tomber à chaque pas que l’on fait.
On donne aussi ce nom dans les manèges aux gens employés à monter les chevaux jeunes et vicieux.
Casse-cou ! Cri d’avertissement au jeu de colin-maillard, lorsque la personne qui a les yeux bandés est sur le point de se heurter contre un corps quelconque.

Delvau, 1866 : s. m. Homme hardi jusqu’à l’audace, audacieux jusqu’à l’imprudence, jusqu’à la folie. Argot du peuple.

France, 1907 : Homme téméraire qui se jette sans réfléchir dans les aventures les plus périlleuses.

Casse-cul

d’Hautel, 1808 : Il s’est donné un casse-cul sur la glace. Se dit de quelqu’un qui a fait une chute sur le derrière.

Delvau, 1866 : s. m. Chute qu’on fait en glissant. Argot du peuple. Les enfants jouent souvent au casse-cul.

France, 1907 : Chute sur le derrière.

Casse-gueule

d’Hautel, 1808 : Pour dispute, batterie ; lieu obscur et dangereux.

Larchey, 1865 : Bal public de dernier ordre, où on se bat souvent.

Veux-tu v’nir aux Porcherons, Ou j’irons au cass’gueule à la basse Courtille.

Duverny, Chanson, 1813.

Delvau, 1866 : s. m. Bal de barrière, — dans l’argot des faubouriens qui s’y battent fréquemment.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie tout à fait inférieure.

Elle regarda ce que buvaient les hommes, du casse-gueule, qui luisait pareil à de l’or dans les verres.

(É. Zola.)

On dit aussi casse-poitrine.

Rigaud, 1881 : Bal public fréquenté par des gentilshommes du ruisseau qui, à la moindre contestation, ponctuent le visage de leurs contradicteurs.

La Rue, 1894 : Mauvaise eau-de-vie. Bal public du dernier ordre.

France, 1907 : Eau-de-vie. Bal de bas étage où le temps se partage entre les coups de poing et les entrechats.

Casse-museau

Delvau, 1866 : s. m. Coup de poing, — dans le même argot [des faubouriens]. C’est le nom d’une sorte de pâtisserie dans l’ouest de la France. Rabelais dit casse-musel.

France, 1907 : Coup de poing.

Casse-noisette

Delvau, 1864 : Habile contraction du sphincter du vagin qui retient prisonnier le membre viril qui s’est engagé, la tête la première, dans ces mystérieuses Thermopyles, et le force ainsi à combattre vaillamment — et à jouir.

L’art du casse-noisette remonte à la plus haute antiquité ; quelques femmes modernes le pratiquent encore avec succès, avec moins de succès cependant que les Chinoises, qui sont conformées de façon à faire gaudiller le Chinois le plus écourté du Céleste Empire.

A. François.

Je possède l’art du casse-noisette,
Qui ferait jouir un nœud de granit.

Anonyme.

Delvau, 1866 : s. m. Figure grotesque, où le nez et le menton sont sur le point d’accomplir le mariage projeté depuis leur naissance.

France, 1907 : Tête de vieux on de vieille dont le nez et le menton semblent vouloir se toucher.

Casse-poitrine

Larchey, 1865 : « Cette boutique est meublée de deux comptoirs en étain où se débitent du vin, de l’eau-de-vie et toute cette innombrable famille d’abrutissants que le peuple a nommés, dans son énergique langage, du Casse-Poitrine. »

Privat d’Anglemont.

Ces demoiselles n’ont plus la faculté de se faire régaler du petit coup d’étrier, consistant en casse-poitrine, vespetro, camphre et autres ingrédients.

Pétition des filles publiques de Paris, Paris, 1830, in-8.

Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie poivrée, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Individus voués aux vices abjects, qui manustupro dediti sunt, dit, le docteur Tardieu.

Virmaître, 1894 : Mauvaise eau-de-vie. En effet, elle casse rudement la poitrine de ceux qui en boivent (Argot du peuple). V. Eau d’aff.

France, 1907 : Eau-de-vie. On appelle aussi de ce nom ceux voués à l’amour grec, ou socratique.
« Qui manustupro dediti sunt, casse-poitrine appellantur, » dit le docteur A. Tardieu.

J’ai pu juger par moi-même, dans trop de circonstances, de l’aspect misérable, de la constitution appauvrie et de la pâleur maladive des prostitués pédérastes : j’ai trop bien reconnu la justesse sinistre de cette expression de casse-poitrine réservée à quelques-uns d’entre eux, pour méconnaître que cet abus de jouissances honteuses mine et détruit la santé…

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Casse-poitrine, camphre

La Rue, 1894 : Mauvaise eau-de-vie.

Casse-tête

d’Hautel, 1808 : Enfant vif et turbulent ; bruit incommode ; vin qui porte à la tête ; et générale ment tout ce qui demande une grande contension d’esprit.

Rigaud, 1881 : Vin très capiteux. Mot à mot : vin qui casse la tête.

Casse-vitre

France, 1907 : Diamant.

Casseau

Boutmy, 1883 : s. m. Espèce de casse dans laquelle on met des lettres de deux points, des fractions et autres signes. Les casseaux sont aussi des tiroirs munis de cassetins ; enfin, on donne encore le nom de casseau à chacune des deux parties de la casse.

Cassement

France, 1907 : Genre de punition en usage dans certains établissements religieux et qui consiste en une diète qui se dose suivant la gravité de la faute commise. L’enfant puni reste cinq, six, huit jours sans recevoir autre chose à manger que du pain sec et de l’eau.
Ça lui casse, en effet, bras et jambes, sans compter l’estomac.

France, 1907 : Acte d’entrer dans une maison par effraction.

…Il était arrangé entre nous qu’on barbotterait chez le baron ce qui pourrait s’emporter… mais non pas qu’on tuerait… du pégrage, j’en suis tant qu’on voudra, du cassement ça va encore, mais du buttage (assassinat), jamais de la vie !

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Casser

d’Hautel, 1808 : Se casser le ventre. Terme badin et militaire ; se passer de dîner, ou de manger aux heures accoutumées.
Casser les vitres. Signifie ne plus garder de mesures dans une affaire ; en venir aux gros mots, aux termes injurieux.
Je t’en casse, Minette. Manière badine et plaisante de parler, qui signifie, ce n’est pas pour toi ; tu n’auras rien de ce que tu demandes.
Il est cassé aux gages. Pour, il est tombé en défaveur en disgrace. Se dit aussi d’un domestique que l’on a congédié.
Se casser le cou ou le nez. Se blouser dans des spéculations, dans une affaire ; faire un faux calcul.
Qui casse les verres les paye. Vieille maxime, fort peu mise à exécution ; car la plupart du temps ceux qui cassent les verres ne sont pas ceux qui les payent.
Elle a cassé ses œufs. Manière basse et triviale de dire qu’une femme a fait une fausse couche.

un détenu, 1846 : Rompre. Casser sa canne : rompre son ban. Casser sur quelqu’un : révéler.

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : v. a. Couper, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Manger. Le mot date du XVIIIe siècle. On dit, dans le langage courant : « Casser une croûte », pour manger un morceau. — Casser le cou à un lapin, manger un lapin.

Rigaud, 1881 : Frapper, battre. — Je te vas casser. — Casser la gueule, casser la margoulette, casser la figure.

Rigaud, 1881 : Dire du mal, par abréviation de casser du sucre.

Rigaud, 1881 : Chiffonner un sac de bonbons en le préparant, — dans le jargon des confiseurs.

La Rue, 1894 : Mourir. Dénoncer. Manger. Se la casser, se sauver.

Rossignol, 1901 : Dire, avouer. Un détenu qui a fait des aveux a cassé. Dire une chose est casser.

Il me l’a dit, il me l’a cassé.

France, 1907 : Le verbe a de nombreuses significations : manger, dénoncer, avouer, couper, mourir.

— Voyons, Nib, pas tant de magnes !… On vous dit qu’on n’est pas des assassins… si vous faites du mal à la petite môme…. tant pis pour vous, nous casserons…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Casser (à tout)

Fustier, 1889 : Considérable, fantastique, inouï.

Le public voit la quatrième page de son journal occupée par la réclame à tout casser du grand bazar.

(Giffard : Les grands bazars.)

France, 1907 : Superlatif exprimant une exagération dans les plaisirs, les dépenses, le scandale. Noce à tout casser ; potin à tout casser ; branle-bas à tout casser.

Rasetamouche, ayant surpris sa volage moitié en flagrant délit, lui fait une scène à tout casser.
Madame se jette aux pieds de son mari et, fondant en larmes :
— Pardonne-moi, mon ami, je t’en supp’ie… Pour une fois que ça m’arrive !

Casser (se la)

Larchey, 1865 : S’enfuir.

Vous vous esbignez. Ils se la cassent.

A. Second.

Delvau, 1866 : v. réfl. S’en aller de quelque part ; s’enfuir.

Rigaud, 1881 : Quitter un endroit où l’on s’ennuie. — À tout casser, énorme, prodigieux, auquel rien ne résiste. — Un succès à tout casser. Ne s’emploie guère qu’en parlant d’un succès, par allusion à ceux de théâtre, où le public manifeste son enthousiasme en frappant à coups de talons de bottes, à coups de petits bancs, au risque de tout casser.

Casser des cailloux

Rossignol, 1901 : Le militaire envoyé à la discipline est envoyé casser des cailloux.

Casser des emblèmes

La Rue, 1894 : Conter des mensonges.

Casser du bec

Larchey, 1865 : Sentir mauvais. — Casser a ici le sens de couper, ce qui donne mot à mot : couper de son bec… celui des autres. V. Couper la gueule.

Delvau, 1866 : v. n. Avoir une haleine infecte, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Avoir une mauvaise haleine,

Casser du grain

Delvau, 1866 : v. a. Ne rien faire de ce qui vous est demandé. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Désobéir, — dans le jargon des voleurs.

Casser du sucre

Delvau, 1866 : v. a. Faire des cancans, — dans l’argot des cabotins.

Rigaud, 1881 : Dire du mal. — Casser du sucre à la rousse, dénoncer un complice.

La Rue, 1894 : Médire de quelqu’un. Dénoncer.

Virmaître, 1894 : Dénoncer. Casser du sucre sur quelqu’un : en dire du mal (Argot des voleurs). V. Mouton.

Rossignol, 1901 : Dire du mal de quelqu’un.

Il a cassé du sucre sur mon orgue au patron.

Hayard, 1907 : Dénoncer.

France, 1907 : Avouer un crime. Casser du sucre à la rousse, dénoncer un complice. Casser du sucre sur la tête de quelqu’un, médire de lui en son absence.

Dans l’une de ces brasseries, j’ai entendu chuchoter l’histoire suivante, par un bon petit camarade, sur un autre membre de la société d’admiration mutuelle qui se pique d’être un fort latiniste ; du reste, le conteur est surnommé la machine à casser du sucre.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Casser la croustille

France, 1907 : Manger. Casser le cou à un chat, manger une gibelotte.

Casser la ficelle

Rigaud, 1881 : S’évader. (L. Larchey) Se sauver des mains des agents.

Casser la gueule à son porteur d’eau

Delvau, 1866 : v. a. Avoir ses menses, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Avoir ses menstrues, dans le jargon des voyous. (A. Delvau)

La Rue, 1894 : Menses. Époques de la femme.

France, 1907 : Avoir ses menstrues.

Casser la hane

anon., 1827 : Couper la bourse.

Bras-de-Fer, 1829 : Couper la bourse.

Halbert, 1849 : Couper la bourse.

Delvau, 1866 : v. a. Couper la bourse, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Couper la bourse (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voler une bourse.

Casser la marmite

Delvau, 1866 : v. a. Se ruiner ; s’enlever, par une folie, tout moyen d’existence. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Être ruiné, avoir fait de mauvaises affaires, — dans le jargon des souteneurs pour qui les femmes sont des marmites.

France, 1907 : S’enlever, par une folie ou un coup de tête, ses moyens d’existence.

Casser la pièce

Rigaud, 1881 : Entamer, changer une pièce d’argent ou d’or. Casser la roue de derrière, entamer la pièce de cent sous, dans le jargon des ouvriers.

Casser le cou

La Rue, 1894 : Manger. Frapper. Se casser le cou, la gueule, faire une chute dangereuse.

Casser le cou à un chat

Delvau, 1866 : v. a. Manger une gibelotte, — dans l’argot du peuple.

Casser le cou à une négresse

Delvau, 1866 : v. a. Vider une bouteille.

Casser le cou ou la gueule à une négresse

France, 1907 : Loire une bouteille de vin. On dit aussi dans le même sens : casser la gueule à un enfant de chœur, à cause de la calotte rouge.

Casser le goulot à une bouteille

Rigaud, 1881 : Vider une bouteille en un clin d’œil. — Lorsqu’ils sont pressés… de boire, et faute de tire-bouchon, les ivrognes cassent le goulot de la bouteille, c’est ce qu’ils appellent : « Guillotiner la négresse. »

Casser le lit

Delvau, 1864 : Baiser avec énergie, à tout casser, le sommier élastique et le cul de la femme — plus élastique encore.

Sur le lit que j’ai payé
Je ne sais ce qui se passe :
À peine l’ai-je essayé,
Que le bougre me le casse.

Gustave Nadaud.

Casser le nez (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Avoir une déception plus ou moins amère, depuis celle qu’on éprouve à trouver fermée une porte qu’on s’attendait à trouver ouverte, jusqu’à celle qu’on ressent à voir un amant chez une femme qu’on avait le droit de croire seule.

Rigaud, 1881 : Ne trouver personne, trouver porte close.

France, 1907 : Éprouver une déception.

Casser le sucre à la rousse

Delvau, 1866 : Dénoncer un camarade ou plutôt un complice. Argot des voleurs.

Casser les assiettes

France, 1907 : Prendre le pucelage d’une fille.

Casser les gueules

France, 1907 : Tuer.

Un capitaine, qui était parvenu à l’âge où l’on va prendre sa retraite, et qui regardait avec mélancolie son dolman vierge du ruban rouge, me disait, au début du conflit franco-dahoméen : « Ah ! gouverneur, vous ne faites pas casser assez de gueules. » Je tiens à citer la phrase dans son intégrité.

(Jean Bayol)

Casser les os de la tête

Rigaud, 1881 : Embrasser avec effusion, — dans le jargon du peuple.

Casser les reins au roi

France, 1907 : Terme de tripot signifiant : faire changer les cartes lorsqu’on s’aperçoit que les rois sont légèrement ployés en long de façon à être reconnus par le grec qui donne.

Casser les vitres

France, 1907 : Faire une esclandre, ne rien ménager.

— Il y a une justice que je puis me rendre, que tout le monde doit me rendre : je n’ai jamais cassé les vitres, jamais affiché l’administration… jamais tombé dans la cocotterie…

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Casser sa bouteille

Fustier, 1889 : Expression populaire datant de l’année 1885 ; c’est vouloir se donner de l’importance, se gonfler, se faire aussi gros que le bœuf… et n’y point réussir.

Casser sa cane

Rigaud, 1881 : Dormir. Quand elle dort, le cou reployé sous l’aile, la cane paraît être cassée en deux.

Casser sa canne

Delvau, 1866 : v. a. Dormir, et, par extension, mourir.

Virmaître, 1894 : Rompre sa surveillance. Casser sa canne : mourir. Casser une canne : dormir (Argot du peuple). V. Sorguer.

France, 1907 : Dormir : être bien malade : rompre son ban. — Voyez Canne.

Casser sa canne, sa trique

La Rue, 1894 : Rompre son ban. Dormir.

Casser sa chaîne

Rigaud, 1881 : Devancer l’heure de sortie de l’atelier.

Casser sa cruche

Delvau, 1866 : v. a. Perdre le droit de porter le bouquet de fleurs d’oranger, — dans l’argot du peuple, qui interprète à sa manière le tableau de Greuze.

Casser sa ficelle

Delvau, 1866 : v. a. S’évader du bagne ou d’une maison centrale, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : S’évader de la prison. Allusion au hanneton qui s’évade quand le fil qu’il a à la patte se brise (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : S’échapper de prison. Se la casser, s’en aller.

Casser sa pipe

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, dans l’argot des faubouriens et des rapins.

Boutmy, 1883 : v. Mourir. Cette expression est passée dans le langage du peuple parisien.

La Rue, 1894 : Mourir.

Virmaître, 1894 : Mourir. On donne pour origine à cette expression qu’un fumeur, attablé dans un cabaret, mourut subitement. Sa pipe lui tomba des lèvres et se cassa. Quand on le releva, un des assistants s’écria :
— Tiens il a cassé sa pipe (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

Mais voilà que le vieux a cassé sa pipe, lui aussi. Ce matin on l’a cloué entre six planches et on l’a placé sur le char funèbre pour le voiturer au lieu du repos. Les petits ont beaucoup pleuré en voyant leur grand-père ne plus leur sourire, et en le sentant froid comme la glace. Ils ont crié, Ia frimousse rougie et ruisselante de larmes : « Grand-père, réveille-toi donc ! Grand-père, réveille-toi donc ! »

(Jacques d’Aurélle)

Quand Mirecourt sentit venir sa fin prochaine,
Tournant ses yeux mourants, pleins d’une sombre haine,
Vers le clan des écrivassiers,
Il s’écria : « Je vais casser ma pipe ! Était-ce
La peine d’amasser tant d’amers tristesse,
Et de dechaîner tant d’huissiers ! »

(A. Glatigny)

L’argot populaire est riche en expressions de ce genre, tant il parait plaisant de mêler le grotesque au lugubre : on dit : casser son câble, sa canne, son crachoir, son fouet.

Bob, sur les genoux de grand-père, joue avec la montre du vieillard. Il en écoute le mouvement, s’extasie sur la richesse de la boîte.
— Quand je serai mort, elle sera pour toi, dit le grand-père.
Quelques jours après, Bob s’amuse de nouveau avec le chronomètre. Puis, soudain :
— Dis donc, grand-papa, est-ce que tu ne vas pas bientôt casser ton crachoir ?

Casser son câble

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont emprunté l’expression à Commerson. C’est une allusion à la rupture du câble transatlantique.

Casser son lacet

Fustier, 1889 : Abandonner sa maîtresse, rompre toutes relations avec elle.

Alors, c’est dit, nous cassons notre lacet ?

(Huysmans, Les Sœurs Vatard.)

France, 1907 : Rompre avec sa maîtresse.

Casser son œuf

La Rue, 1894 : Faire une fausse couche.

France, 1907 : Faire une fausse couche.

Casser son pif

France, 1907 : Dormir.

Casser son sabot

Delvau, 1866 : v. a. Perdre le droit de porter un bouquet de fleur d’oranger, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Perdre sa virginité.

Casser son sabot, sa cruche

France, 1907 : Perdre sa virginité.

Conservez bien votre chaussure,
Fille sans finesse et sans art ;
Pour vous ôter cette parure,
Souvent on vous guette à l’écart.
Le coin d’un bois, l’herbe nouvelle,
Un mouvement, le moindre mot,
Un rien fait broncher une belle,
Un rien lui casse son sabot.

(Pigault-Lebrun, Les Sabotiers)

Casser son verre de montre

Virmaître, 1894 : Tomber sur le derrière (Argot du peuple). V. Tomber pile.

France, 1907 : Tomber sur son derrière.

Casser sur

Rigaud, 1881 : Dénoncer.

Casser un œuf

Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour faire l’acte vénérien.

Je ne vous ferai point de mal, je veux casser un œuf, qui est près de durcir dans votre ventre.

(Moyen de parvenir)

Casser une canne

Rigaud, 1881 : Se sauver, dans le jargon des voleurs.

Casser une croûte

Delvau, 1866 : v. a. Manger légèrement en attendant un repas plus substantiel. Argot des bourgeois.

Casser une forte ou une lourde

France, 1907 : Voler avec effraction.

Casser une loirde

Virmaître, 1894 : Briser une porte (Argot des voleurs).

Casser une porte

La Rue, 1894 : Voler avec effraction.

Casser une roue de derrière

France, 1907 : Entamer une pièce de cinq francs.

Casserolage

Rigaud, 1881 : Accusation nouvelle, — dans l’ancien argot des voleurs. — Dénonciation, — dans l’argot moderne.

France, 1907 : Dénonciation.

Casserole

d’Hautel, 1808 : Récurer la casserole. Pour dire se purger après une maladie.

Larchey, 1865 : Personne dénonçant à la police. Il est à noter que le dénonciateur s’appelle aussi cuisinier.

Delvau, 1866 : s. f. Mouchard, — dans le même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : s. f. L’hôpital du Midi, — dans l’argot des faubouriens. Passer à la casserolle. Se faire soigner par le docteur Ricord : être soumis à un traitement dépuratif énergique.

Rigaud, 1881 : Tout dénonciateur auprès de la police, homme ou femme, est une « casserole », — dans le jargon des voleurs qui prononcent de préférence caste-rôle. — C’est également le nom donné aux agents de police. Passer à casserole, se voir dénoncer.

Rigaud, 1881 : Étudiant de dixième année, qui n’a jamais étudié que l’absinthe et la pipe, qui a pris ses inscriptions dans tous les caboulots, qui a soutenu des thèses d’amour avec toutes les filles du quartier latin, — dans le jargon des étudiantes de 1860.

Fustier, 1889 : Prostituée.

La casserole en argent est celle qui constitue à son amant de cœur un revenu quotidien de vingt à cinquante francs.

(Réveil, juin 1882.)

La Rue, 1894 : Dénonciateur. Agent de police. L’hôpital du Midi. Prostituée.

Rossignol, 1901 : Indicateur de la police. Tout individu qui donne des indications à la police pour faire arrêter un voleur est une casserole. Dans le public, il y a une fausse légende qui dit que les marchands de vin ou de quatre saisons sont de la police et touchent deux francs par jour. Cela n’est pas ; aucune casserole n’est attachée officiellement à la police, elle est payée par l’agent (sur le visa de son chef) à qui elle a donne une indication ayant amené l’arrestation d’un voleur ; la somme varie selon l’importance de l’affaire indiquée, généralement de cinq à dix francs (plutôt cinq francs par tête). La préfecture de police n’a absolument aucun rapport avec les casseroles qui sont en général des repris de justice. La casserole des brigades politiques est certainement plus canaille que les précédentes, parce que cette casserole est souvent un ami que vous recevez à votre table et qui vous trahit ; aussi est-il appointé suivant l’importance des services qu’il peut rendre et mieux que les agents officiels ; il n’est connu que du chef de brigade avec qui il correspond et son nom est un numéro. Il touche au mois ou à la semaine sur les fonds secrets alloués ; il y en a partout, dans les salons, les ateliers et même la presse ; leurs services ne valent certes pas la dépense.

Hayard, 1907 : Mouchard.

France, 1907 : Poids creux dont se servent certains hercules forains ou ambulants.

Pauvres avaleurs de sabre, combien est ingrate leur profession ! Elle est une de celles qu’on prend le moins au sérieux et cependant elle est peut-être la seule qui ne permette pas le truquage. Le lutteur s’entend avec son adversaire qui lui prête ses épaules, le faiseur de poids travaille avec des poids creux que, dans sa langue spéciale, il appelle des poids moches, des casseroles. À l’avaleur de sabre, contrairement à l’opinion commune, toute supercherie est interdite. Le sabre à lame articulée n’existe que dans l’imagination des spectateurs, Tous ceux qu’il emploie sont d’une authenticité absolue, et il en est sûrement plus d’un parmi eux qui, avant de pénétrer dans un gosier d’une façon si inoffensive, a traversé la poitrine d’un soldat ennemi.

(Thomas Grimm, Le Petit Journal)

France, 1907 : Mouchard. Se dit aussi pour prostituée. Coup de casserole, dénonciation. Oscar Méténier est l’auteur d’un drame joué en 1889, sur le Théâtre-Libre, intitulé : La Casserole. C’est aussi le nom que les escarpes donnent à une femme qui dénonce ses amants à la police.

Soudain, du tas des dormeurs, sort une brunette adorable, dix-sept ans à peine. — Voilà le type de la Casserole ! s’écrie Méténier. Approche, petite. La fille approche et se laisse retourner de tous les côtés…

(Lucien Puech)

France, 1907 : L’hôpital du Midi, à Paris : spécialement destiné aux vénériens, que l’on passe à la casserole. Passer à la casserole, c’est subir un traitement sudorifique très énergique, qu’on appelait autrefois : passer sur les réchauds de Saint-Côme.

Casserole (la remuer)

Virmaître, 1894 : Dénoncer. Mot à mot : cuisiner (faire parler). Allusion au cuisinier qui remue la casserole (Argot des voleurs).

Casserole (passer à la)

Rigaud, 1881 : Traiter par des sudorifiques les blessures de l’amour.

Casseroles

Halbert, 1849 : Mouchard.

France, 1907 : Étalage de croix ou de médailles.

Casserolles

La Rue, 1894 : Étalage de décorations. On dit aussi ferblanterie et batterie de cuisine.

Cassés (des)

Rigaud, 1881 : Débris de marrons glacés, débris de pâtisserie. Les gamins font une grande consommation de cassés.

Cassetin

Boutmy, 1883 : s. m. Subdivision de la casse, petit compartiment dans lequel on met chaque sorte de lettres ou signes typographiques.

Casseur

d’Hautel, 1808 : Un casseur. Terme injurieux et de mépris qui équivaut à tapageur, crâne, mauvais sujet, hâbleur, fanfaron.

Larchey, 1865 : Tapageur, prêt à tout casser.

La manière oblique dont ils se coiffent leur donne un air casseur.

R. de la Barre.

Delvau, 1866 : s. m. Fanfaron, qui a l’air de vouloir tout casser, — dans l’argot du peuple. Mettre son chapeau en casseur. Sur le coin de l’oreille, d’un air de défi.

La Rue, 1894 : Tapageur. Dénonciateur.

France, 1907 : Tapageur. Se coiffer en casseur, mettre son chapeau sur l’oreille à la façon des anciens fiers-à-bras. Le type est un peu passé, on s’est aperçu que tous ces casseurs n’étaient au fond que des casseurs d’assiettes et des enfonceurs de portes ouvertes. On disait autrefois casseur d’acier.

France, 1907 : Dénonciateur.

Casseur de portes

Halbert, 1849 : Voleur avec effraction.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur avec effraction, — dans l’argot des voyous.

France, 1907 : Voleur avec effraction. Ils marchent ordinairement par bandes de trois, se glissent dans les maisons, s’assurent qu’il n’y a personne dans on logis, et, tandis que l’un d’eux fait le guet, les deux autres forcent la porte.

Casseur de sucre à quatre sous

France, 1907 : Pionnier des compagnies de discipline qu’on employait autrefois et qu’on emploie encore aujourd’hui à l’empierrement des routes en Algérie. Les pierres qu’ils cassent leur sont payées quatre sous le mètre cube.

Cassico

France, 1907 : Mêlé-cassis, c’est-à-dire cassis et cognac.

Cassin

La Rue, 1894 : Petite maison, petite boutique.

Cassin, cassine

Rigaud, 1881 : Boutique, magasin de dernier ordre. — Terme de mépris pour désigner un établissement quelconque. — Dérivés du vieux mot français case.

Finablement les mena banqueter dans une cassine hors la porte.

(Rabelais, l. IV.)

France, 1907 : Maison ou boutique de chétive apparence, logement triste et misérable : de casa, case.

Il était grand comme une grande cour de ferme, une réunion de dix ou douze maisons basses, d’écuries où meuglaient des vaches, d’étables où grognaient des porcs. Toutes les cassines se ressemblaient, celles où entraient les porcs, où entraient les vaches, où entraient les gens. Même hauteur de murs, mêmes portes basses, mêmes toits tombants.

(Gustave Geffroy)

Cassine

d’Hautel, 1808 : Ce mot signifioit autrefois une petite maison de campagne ; maintenant il n’est plus d’usage que parmi le peuple qui l’emploie par dérision pour dire un logement triste et misérable, un trou, une maison où l’on n’a pas toutes ses aises.

Delvau, 1866 : s. f. Maison où le service est sévère, — dans l’argot des domestiques paresseux ; atelier où le travail est rude, — dans l’argot des ouvriers gouapeurs.

Rigaud, 1881 : Salle d’étude, quartier, — dans le jargon du collège. (Albanès.)

France, 1907 : Nom que donne la cuisinière où la bonne d’enfant à l’appartement de ses bourgeois.

— C’est vrai que j’suis à la cuisine
Et c’est chez des bourgeois cossus ;
Ils sont absents de la cassine
Pour un jour et peut-être plus !
— Ah ! vous seriez fièr’ment aimable
De fêter le p’tit Cupidon !
Que je dis d’un air très aimable
Pour amorcer ma gross’ Dondon !

(Le Petit Pioupiou)

Cassine (une)

Larchey, 1865 : « Ce mot signifiait autrefois une petite maison de campagne ; maintenant, il n’est plus d’usage que pour dire un logement triste et misérable. » — d’Hautel, 1808. — Diminutif de Case.

Cassolette

d’Hautel, 1808 : On donne figurément, et par plaisanterie, ce nom aux boîtes des gadouards, lorsqu’ils viennent de vider quelques fosses.

Delvau, 1866 : s. f. La matula de Plaute, et le « Pot qu’en chambre on demande » de Lancelot, — dans l’argot du peuple, qui va chercher ses phrases dans un autre Jardin que celui des Racines grecques. Se dit aussi du Tombereau des boueux, quand il est plein d’immondices et qu’il s’en va vers les champs voisins de Paris fumer les violettes et les fraises.

Delvau, 1866 : s. f. Bouche, — dans l’argot des faubouriens. Plomber de la cassolette. Fetidum halitum emittere.

France, 1907 : Bouche. Plomber de la cassolette, avoir mauvaise haleine. Se dit aussi pour pot le chambre et tombereau d’ordures.

Cassolette (ouvrir la)

Rigaud, 1881 : Parler avec la contre-partie de la bouche.

Cassure (jouer une)

France, 1907 : Remplir un rôle de vieillard ; argot des théâtres. Se dit aussi dans le même argot pour un débit de rôle accentué.

Castagnettes (cours de)

France, 1907 : Coups de poings.

Castapiane

France, 1907 : Blennorrhée. Ce que nos pères appelaient le mal Saint-Antoine, sans doute à cause du cochon, fidèle compagnon de ce saint.

— Paye-moi, où je gueule !
— Si tu gueules, j’envoie chercher un agent, et Saint-Lazare est au bout de ta promenade.
— Je suis contente tout de même.
— De quoi ?
— De t’avoir f… la castapiane, mufle !

(Dubut de Laforêt, La Femme d’affaires)

Castapianne

Fustier, 1889 : Blennorrhée. Argot militaire.

Caste de charrue

Halbert, 1849 : Un quart d’écu.

Delvau, 1866 : s. m. Quart d’un écu, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Le quart d’une pièce de cinq francs.

Castelet

France, 1907 : Baraque de Polichinelle ou de Guignol ; du vieux français castel, château, dont il est le diminutif.

Castelier

France, 1907 : Impresario des baraques de Polichinelle.

Castille

Delvau, 1866 : s. f. Petite querelle, — dans l’argot des bourgeois, qui cependant n’ont pas lu l’Histoire de Francion. Chercher castille. Faire des reproches injustes ou exagérés.

Castion

Halbert, 1849 : Chapon.

Castor

Larchey, 1865 : Officier de marine qui évite les embarquements. — Le castor bâtit volontiers sur le rivage.

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau d’homme ou de femme, en feutre ou en soie, en tulle ou en paille, — dans l’argot du peuple, qui n’emploie pas cette expression précisément en bonne part.

France, 1907 : Officier de terre ou de mer qui s’embusque dans un poste pour en bouger le moins possible.

Il faut une longue série de mauvaises fortunes et de vexations intérieures pour que l’officier de marine prenne tout à fait la navigation en horreur et mette son habileté à se ranger dans la classe des castors. L’on qualifie ainsi plaisamment celui qui, une fois parvenu à saisir un poste sédentaire, s’y cramponne de toutes ses forces et renonce pour jamais à l’Océan…

(G. de la Landelle, Les Gens de mer)

France, 1907 : Nom donné vers 1820 aux filles qui fréquentaient les galeries du Palais-Royal. Il y avait, suivant le prix que se cotaient ces dames, les demi-castors et les castors fins.

Vous savez que Paris, comme toutes les grandes villes, renferme un nombre considérable de malheureuses demandant au vice leurs moyens d’existence… je laisse de côté les hautes notoriétés du turf de la galanterie et leurs émules qu’on nomme, dans le langage imagé du boulevard, les « demi-castors »… Nous avons pour ces personnalités attrayantes, j’en contiens, du Paris élégant, des indulgences spéciales…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Castorin

France, 1907 : Chapelier

Castoriser

France, 1907 : Se marier, s’endormir dans les délices d’une bonne garnison ou dans une sinécure d’un port maritime.

Quelle est l’origine de cette expression ? serait-ce un goût prononcé pour la truelle assez commun à l’officier de cette classe, où doit-on plutôt la considérer comme une antiphrase, puisque le marin qui castorise cesse d’appartenir au genre amphibie ? Quelques penseurs assurent y trouver une allusion au mariage, qui, d’après eux, a des rapports essentiels avec les établissements des industrieux architectes du lac Ontario… Les liens conjugaux trainent mollement l’officier sur une pente douce au bas de laquelle il embrasse la profession de navigateur in partibus.

(G. de la Landelle, Les Gens de mer)

Castoriser (se)

Fustier, 1889 : Argot des officiers de marine. Ne pas embarquer ; rester sur le plancher des vaches, pourvu d’un poste soit au ministère, soit autre part.

Castrat

Delvau, 1864 : Se dit, non pas seulement des hommes qui ont perdu leurs testicules naturellement, mais encore de ceux qui ne bandent plus à force d’avoir bandé dans le cours de leur vie.

Dans tan théâtre, où règnent les castrats.

Joachim Duflot.

Es-tu pédéraste ou castrat, voyons ?
Un pareil état m’excite et m’offense :
Descends de mon lit, ou bien rouscaillons.

Anonyme.

Castroz

anon., 1827 : Chapon.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chapon.

Bras-de-Fer, 1829 : Chapon.

Halbert, 1849 : Chapon du Mans.

Delvau, 1866 : s. m. Chapon, — dans l’argot des voyous. Ils disent aussi Castion.

France, 1907 : Chapon, pour castrat.

Castu

anon., 1827 : Hôpital.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Hôpital.

Bras-de-Fer, 1829 : Hôpital.

Halbert, 1849 : Hôpital.

Delvau, 1866 : s. m. Hôpital, — dans l’argot des voleurs, qui savent mieux que personne que les premiers établissements hospitaliers en France, notamment l’hôpital général à Paris, ont été de véritables forteresses, castelli.

Rigaud, 1881 : Hôpital, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Hôpital. Cachot.

Virmaître, 1894 : Infirmerie, hôpital (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Hôpital.

France, 1907 : Hôpital : forme abrégée de castuc, prison. Barbaudier de castu, directeur d’hôpital. Conce ou cousse de castu, infirmier.

Le barbaudier du castu est-il francillon ? Se dit-il de la fourcandière ?

(Le Jargon de l’argot)

Castuc

Larchey, 1865 : Prison (Vidocq). — Corruption du vieux mot castel, château. — V. Ravignolé.

Delvau, 1866 : s. f. Prison, un autre hôpital, celui des vices, qui sont la maladie de l’âme.

France, 1907 : Prison ; du vieux mot castel, château fort. Comte de castuc, geôlier.

Castus

Larchey, 1865 : Hôpital. — Vient du même mot [Castel], à moins que ce ne soit un jeu de mots sur la grande phrase de l’hôpital : Qu’as-tu (que ressentez-vous ?). C’est ainsi qu’on appelle les douaniers qu’as-tu là.

Rigaud, 1881 : Cachot, — dans l’ancien argot.

Casuel

d’Hautel, 1808 : Cet adjectif, dans sa véritable acception, signifie fortuit, accidentel ; mais le peuple l’emploie continuellement dans le sens de fragile, et dit en parlant à quelqu’un qui porte des objets qui se cassent aisément : Prends-garde, ceci est casuel.

Virmaître, 1894 : Vente de hasard sur laquelle on ne comptait pas. Casuel : ce que les mariages, les baptêmes et les enterrements rapportent aux curés. Casuel : le miché que fait la fille en dehors de son entreteneur (Argot du peuple). N.

Cat

Delvau, 1866 : s. m. Chat, — dans l’argot des enfants, qui parlent mieux le vieux français que les grandes personnes :

Lou cat a fain
Quant manjo pain,

dit un fabliau ancien.

Cataplasme

d’Hautel, 1808 : Un cataplasme de Venise. Pour dire, soufflet ; coup appliqué avec la main sur le visage.

Rigaud, 1881 : Soupe très épaisse. — Homme lourd, épais au moral. — Cataplasme de Venise, soufflet.

Rigaud, 1881 : Capitaine de place, — dans le jargon du régiment. Le mot se renverse ; c’est ainsi qu’on dit : Le cataplasme m’a donné deux jours de planche. Et : Le major m’a fait coller deux capitaines de place au ventre.

France, 1907 : Paquet de cartes préparé.

Cataplasme au gras

Delvau, 1866 : s. m. Épinards, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Épinards. Cataplasme de Venise, coup.

Cataplasme de Venise

Delvau, 1866 : s. m. Soufflet, coup sur le visage, — dans l’argot du peuple.

Cataplasmier

France, 1907 : Infirmier.

Catapultueux

France, 1907 : Beau, merveilleux. Une femme catapultueuse, une femme superbe. Un chapeau catapultueux, un chapeau à effet.

Catau, catin

La Rue, 1894 : Prostituée.

Catau, ou cathos, ou catin

Delvau, 1864 : Fille ou femme légère — comme chausson. Nom de femme qui est devenu celui de toutes les femmes — galantes.

Je vous chanterai, dans mes hexamètres,
Superbe catin dont je suis l’amant.

(Parnasse satyrique)

Une catin, sans frapper à la porte,
Des cordeliers jusqu’à la cour entra.

Marot.

Parmi les cataux du bon ton,
Plus d’une, de haute lignée,
À force d’être patinée
Est flasque comme du coton.

Émile Debraux.

Retiens cette leçon, Philippine : quelque catin que soit une femme, il faut qu’elle sache se faire respecter, jusqu’à ce qu’il lui plaise de lever sa jupe. — Je pense de même…

Andréa de Nerciat.

… En tout, tant que vous êtes
Non, vous ne valez pas, ô mes femmes honnêtes,
Un amour de catin.

Alfred de Musset.

Des catins du grand monde
J’ai tâté la vertu.

Émile Debraux.

Cateau

d’Hautel, 1808 : Terme outrageant, qui équivaut à prostituée, fille de joie, gourgandine, femme qui mène une conduite libertine et crapuleuse.

Cathau

Delvau, 1866 : s. f. Fille qui n’a pas voulu coiffer sainte Catherine et s’est mariée avec le général Macadam.

France, 1907 : Fille de mauvaise vie : synonyme de catin, diminutif de Catherine.

Catherine (être)

France, 1907 : Être pubère, voir arriver ses menstrues.

— Pleure pas, Maria. On t’en achètera, un drapeau, comme à nous autres. Seulement, faut attendre encore un an ou deux, vois-tu… Tu seras Catherine à ton tour, va !…
On se calma : on se remit à chanter, Marin ne dit rien : mais, de ce jour, son esprit fut en travail, occupé de ces choses mystérieuses qui sont les secrets de l’amour, et auxquelles, jusqu’alors, elle m’avait point pris garde.

(Marcel Prévost)

De loin elle cria :
— Pierre !
Il leva la tête. Elle courut à lui, s’abattit sur sa poitrine, tout essoufflée. Et, comme il l’embrassait, elle lui jeta dans l’oreille le mot qui lui pesait :
— J’suis Catherine !

(Marcel Prévost)

Catholique

d’Hautel, 1808 : Elle n’est pas trop catholique. Se dit en plaisantant d’une chose dont la bonté, la valeur paroissent équivoques ; d’une pièce de monnoie quelconque peu marquée, et que l’on croit fausse.
Catholique à gros grains. Homme peu fidèle aux devoirs de la religion Chrétienne.

Catholique (n’être pas)

France, 1907 : Se dit de ce qui est supposé manquer de franchise, de ce qui est contraire à la loyauté, à la légalité même. User de moyens pas catholiques, se servir de supercheries, de fraudes.

Après avoir visité la maison où Napoléon est né, après s’être procuré par des moyens plus ou moins catholiques un peu du papier de la tenture, miss Lydia, deux jours après être débarquée en Corse, se sentit saisir d’une tristesse profonde…

(Prosper Mérimée, Colomba)

Catholique à gros grains

Delvau, 1866 : s. m. Catholique peu pratiquant, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Mauvais catholique dit penche vers l’hérésie, homme peu scrupuleuse au point de vue de l’Église, qui en prend à son aise à l’endroit des jeûnes, sacrements, mortifications et autres balançoires.

Catiche

Virmaître, 1894 : Diminutif de catin (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Fille publique.

Hayard, 1907 : Prostituée.

France, 1907 : Diminutif de catin. Ce mot n’était pas pris autrefois en mauvaise part, et encore actuellement, dans l’Est, beaucoup d’honnêtes filles s’appellent catiche et catinette.

anon., 1907 : Femme de mauvaise vie.

Catimiser (se)

Delvau, 1866 : De fille honnête devenir fille.

Catin

d’Hautel, 1808 : Une franche Catin. Femme impudique et dévergondée.

Delvau, 1866 : s. m. Un nom charmant devenu une injure, dans l’argot du peuple, qui a bien le droit de s’en servir après Voltaire, Diderot, et Mme de Sévigné elle-même.

Virmaître, 1894 : Fille publique. Catin : petite poupée. Catin : nom d’amitié donné à une maîtresse. (Argot du peuple).

C’est aujourd’hui la St-Crépin
Les savetiers se frisent
Mon cousin ira voir catin.

France, 1907 : Fille de mœurs légères. Ce nom n’a été que récemment employé en mauvaise part. C’est le diminutif de Catherine, du grec kataros, sans tache.

— Pourquoi nommer Cali votre charmante fille ?

(Almanach des Muses)

Vivandière du régiment,
C’est Catin qu’on me nomme :
Je vends, je donne et bois gaiment
Mon vin et mon rogomme.
J’ai le pied leste et l’œil mutin,
Tintin, tintin, tintin, r’lin tintin ;
J’ai le pied leste et l’œil mutin :
Soldats, voilà Catin !

(Béganger)

Ce n’était pourtant que de vulgaires filles, des catins du monde chic, du monde qui ne marchande pas ; il est vrai que l’argent leur coûte si peu ; pourtant la viande était la même que dans les plus borgnes des bals de barrières ; c’est l’histoire des poupées de carton : au bazar de la rue Mouffetard, elles valent cinq sous ; chez Giroux, elles valent cent francs ; c’est une question d’enveloppe.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Cassagnac, on ne sait comment
Arrive juste à ce moment
Toujours sévère,
Et Gambetta, plus libertin,
Fixe ardemment sur la catin
Son œil de verre.

(Chanson du Père Lunette)

Il existe certainement des couples qui se plaisent et se chérissent, mais combien rares sont-ils ? Dans la haute société, l’homme va de son côté et la femme du sien : lui a des maîtresses, elle des amants, et sans les toilettes dont elles sont parées, elles seraient pareilles à de vulgaires catins, quoique celles-ci n’aient pas l’excuse du bien-être qu’ont les autres. Et cela sous le plus parfait cachet aristocratique, sous la plus pure étiquette mondaine.

(Pierre Kropotkine)

Dans certaines campagnes, les petites filles appellent catin leur poupée.

Catir (se)

France, 1907 : Se vêtir ; s’envelopper.

En sa mignonne poitrine de vierge, son cœur dormait comme une rose de Noël sous la neige. Sa seule joie était de savourer au printemps le réveil de la forêt, de se plonger dans la fraicheur des cépées reverdies, de se griser de l’odeur des muguets et de s’épanouir au grand soleil. Durant l’hiver, ou les jours pluvieux, elle se catissait dans vue limousine, tête basse, et se recroquevillait frileusement près des fourneaux à charbon. La lumière la dégourdissait et elle allait joyeusement vers le soleil levant, comme on va à la fête.

(André Theuriet)

Cato

Fustier, 1889 : Maîtresse.

Alors comme il (le souteneur) n’a plus d’argent, il en demande à sa cato qui devient rapidement sa marmite.

(Voltaire, 1881.)

Cato, catiche

Rigaud, 1881 : Catin. — Gerbe des catiches, bureau des mœurs.

Catogan

France, 1907 : Gros chignon que les femmes portaient sur la nuque, vers la fin du second Empire, noué par un long ruban.

Quand j’aperçois le catogan
De cette charmante personne,
Accompagné de son ruban
Dont le long bout dépasse une aune…

(E. Villars)

Catze

Delvau, 1864 : Mot à la fois flamand et italien (cazzo), signifiant le membre viril.

À ton catze prends la carrière,
Pour t’enfoncer en la barrière
De mon chose.

Théophile.

Caubet

France, 1907 : Bœuf ; la vache est appelée caubine. Caubet est le bœuf attelé à gauche.

Cauchemar

d’Hautel, 1808 : Cet homme donne le cauchemar. Se dit d’un bavard, d’un ennuyeux dont on évite la rencontre et la société.

France, 1907 : Homme ennuyeux, assommant, bavard.

Cauchemar, cauchemardant

Rigaud, 1881 : Personne ennuyeuse, importune.

Cauchemardant

Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, importun, — dans l’argot des faubouriens.

Cauchemarder

Larchey, 1865 : Ennuyer comme un cauchemar.

C’est cauchemardant ; depuis deux ans, elle en raconte.

Jaime.

Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer, obséder.

Rigaud, 1881 : Ennuyer, tanner.

Où vas-tu ? D’où viens-tu ? Où as-tu été ? Pour être sans cesse cauchemardée comme ça, ah ! nom d’un chien, autant prendre un vrai mari tout de suite !

(Grévin.)

Se cauchemarder, s’inquiéter.

Caudaf

M.D., 1844 : Eau-de-vie.

Cause à rebours

France, 1907 : Faire l’amour contre nature.

Cause grasse

Delvau, 1866 : Cause amusante à plaider et à entendre plaider, — dans l’argot des avocats, héritiers des clercs de la Basoche. Le chef-d’œuvre du genre est l’affaire du sieur Gaudon contre Ramponneau, Me Arouet de Voltaire plaidant — la plume à la main.

France, 1907 : Cause remplie d’incidents égrillards, comme la plupart des cas de divorce ou de séduction ; terme de basoche.

Cause juteuse

France, 1907 : Procès qui rapporte gros aux avocats et aux avoués, l’axiome de ces parasites étant de rendre la cause aussi juteuse que possible.

Causer

d’Hautel, 1808 : Assez causé. Pour, n’en dites pas davantage, silence, chut, motus.

Delvau, 1864 : Faire l’amour. C’est par antiphrase, sans doute, puisqu’on ne parle guère lorsqu’on baise : on a trop à faire pour cela.

Asseyons-nous sur ce canapé, mon ami, et… causons.

Lemercier de Neuville.

Il dit à Baron que, quoiqu’il fatiguât beaucoup à la comédie, il aimerait mieux être obligé d’y danser tous les jours, que d’être seulement une heure à causer avec la maréchale.

(La France galante)

France, 1907 : Faire l’amour, dans l’argot des bourgeoises, qui n’osent salir leurs lèvres du gros mot baiser. « Mon mari m’a causé ce matin. »

Une femme qui aime, et qui veut être aimée toujours, doit tenir l’homme par le cerveau, par le cœur, par les sens — et par le bec !
Les ménages n’en iraient que mieux ; la patrie n’en irait pas plus mal.
Ou est toujours à nous parler de la dépopulation de la France : eh bien ! les provinces où on peuple le plus sont celles où on mange le mieux…
Quiconque mange bien au logis, y reste ; quiconque y reste, y… cause.
Méditez cela, mes belles, et soignez le menu des maris !

(Jacqueline, Gil Blas)

Causette

Delvau, 1866 : s. f. Causerie familière, à deux, dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce mot à George Sand. Faire la causette. Causer tout bas.

France, 1907 : Causerie lumière, généralement en tête à tête. Faire la causette à un tendron.

Causeuse

Delvau, 1864 : Femme chaude du cul.

Il n’en fut pas de même du Basque, qui trouvait que la maréchale était une causeuse inexorable.

(La France galante)

Causotter

Delvau, 1866 : v. n. Se livrer à une causerie intime entre trois ou quatre personnes.

France, 1907 : Bavarder familièrement en un petit cercle. « De petits groupes de vieilles causottaient sur le pas des portes. »

Cautère

d’Hautel, 1808 : Ce remède lui a fait comme un cautère sur une jambe de bois. Manière goguenarde de dire qu’un remède n’a pas produit l’effet qu’on en attendoit, qu’il n’a servi à rien, ou qu’il a été administré trop tard.

Caution

d’Hautel, 1808 : Il est sujet à caution. Locution insultante pour la personne qui en est l’objet, et qui signifie qu’elle est d’une foi suspecte ; qu’il ne faut pas s’y fier ; que l’on se garde bien de la croire sur parole.

Cavalcade

Delvau, 1866 : s. f. Aventure galante. Avoir vu des cavalcades. Avoir eu de nombreux amants.

France, 1907 : Équipée amoureuse.

Cavalcades

Larchey, 1865 : Vicissitudes amoureuses.

Ça fait des manières, une porte-maillot comme ca. — Et qui en avait vu des cavalcades.

Gavarni.

Cavale

d’Hautel, 1808 : On dit par raillerie et par mépris d’une femme fort grande et qui a un air dégingandé, que C’est une grande cavale.

Clémens, 1840 : Évasion.

Delvau, 1866 : s. f. Grande femme maigre, mal faite, déhanchée.

Delvau, 1866 : s. f. Course précipitée, fuite, — dans l’argot des voyous. Se payer une cavale. Courir.

Rigaud, 1881 : Départ précipité, fuite, évasion, — dans le jargon des voleurs. Jouer la cavale, s’enfuir.

La Rue, 1894 : Fuite, évasion. Se cavaler.

France, 1907 : Grande femme maigre, dégingaudée et de mauvaises mœurs. On disait autrefois haquenée.

France, 1907 : Fuite, course rapide. Tortiller une cavale, méditer une fuite.

Cavaler

Clémens, 1840 : Sauver.

M.D., 1844 : Courir.

Virmaître, 1894 : Se sauver.
— Cavale-toi v’là la rousse (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : S’en aller, se sauver.

Je suis en retard, je me cavale.

Hayard, 1907 : Se sauver.

France, 1907 : Courir : de cavale, jument.

— J’ai rentiché avec des mecs qui t’auraient fat dinguer le timpant rien qu’en cavalant derrière ta gonde (j’ai fréquenté des souteneurs qui t’auraient fait tourner le cœur rien qu’en courant derrière ta porte !

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Cavaler (s’évader)

Clémens, 1840 : S’évader (en terme de galère), on le dit aussi pour se sauver.

Cavaler (se)

Bras-de-Fer, 1829 : S’évader.

un détenu, 1846 : Se sauver, prendre la fuite.

Halbert, 1849 : S’enfuir.

Larchey, 1865 : S’enfuir avec la vitesse d’un caval : cheval. V. Roquefort.

Il faut se cavaler et vivement.

Chenu.

Delvau, 1866 : v. réfl. S’enfuir comme un cheval, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Se sauver avec une vitesse qui rappelle celle du cheval.

Merlin, 1888 : Partir, fuir, naturellement… au galop.

France, 1907 : Se sauver, s’enfuir.

— Et la Cognette donc ! Vous savez qu’elle était malade, depuis la mort du maître. Alors, ou l’avait oubliée dans son lit… Elle grillait déjà, elle n’a eu que le temps de se sauver en chemise. Ah ! ce qu’elle était drôle, à se cavaler en pleins champs, les quilles nues ! Elle gigotait, elle montrait son derrière et son devant, des gens criaient : hou ! hou ! pour lui faire la conduite, à cause qu’on ne l’aime guère… Il y a un vieux qui a dit : La v’là qui sort comme elle est entrée, avec une chemise sur le cul !

(Émile Zola, La Terre)

— Dans ce cas, répondit Baltid, nous n’aurions qu’à prendre le train, et à nous cavaler le plus loin possible.

(Édouard Ducret, Paris canaille)

Cavaler au rebectage

Rigaud, 1881 : Se pourvoir en cassation. Mot à mot : courir à la médecine. — Cavaler cher au rebectage, se pourvoir en grâce. Mot à mot : courir très vite à la médecine.

La Rue, 1894 : Se pourvoir en cassation. Cavaler cher au rebectage, se pourvoir en grâce.

Cavaler au rebectage (se)

France, 1907 : Se pourvoir en cassation. Cavaler cher au rebectage, se pourvoir en grâce.

Cavaler de l’avant

Clémens, 1840 : Se sauver, vite.

Cavaler dessus

La Rue, 1894 : Assaillir, attaquer.

Cavaler dessus (se)

France, 1907 : Assaillir.

Cavalerie (grosse)

Fustier, 1889 : Cureurs d’égout. Allusion à leurs bottes.

France, 1907 : Le corps des égoutiers. Allusion à leurs grandes bottes.

Cavaleur

Rossignol, 1901 : Si tous les hommes étaient comme (d’après l’histoire) a été Salomon, qui avait sept cents femmes et trois cents concubines, ils ne seraient pas des cavaleurs : ils auraient suffisamment de travail chez eux.

Cavalier seul

Fustier, 1889 : Danse plus ou moins échevelée qu’on exécute seul, dans un quadrille, en face des trois autres personnes qui complètent la figure.

Peu à peu, elle se laissa aller à exécuter un étourdissant cavalier seul.

(Vie Parisienne, 1881.)

France, 1907 : Figure de quadrille qu’un danseur exécute seul en face de son vis-à-vis escorté de deux dames.

Cavalot

Delvau, 1866 : s. m. Pièce de menue monnaie, — dans le même argot [des faubouriens].

France, 1907 : Pièce de menue monnaie.

Cave

d’Hautel, 1808 : Eau bénite de cave. Pour dire le jus de la treille ; le vin.

Rigaud, 1881 : Église, — dans l’ancien argot.

Virmaître, 1894 : Homme. Allusion à l’estomac de l’homme qui emmagasine une foule de choses (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Imbécile ; celui qui joue à un jeu de hasard où il ne gagnera pas est pour le teneur un cave.

France, 1907 : Homme ou femme ; argot des voleurs qui font allusion aux liquides de toutes sortes que la génération d’Adam emmagasine.

France, 1907 : Dupe ; mot à mot : enfermé dans une cave.

Cavé

Larchey, 1865 : Dupe (Vidocq). — Mot à mot : tombé dans un trou, une cave. — Même image que dans enfoncé, casqué.

Delvau, 1866 : s. m. Dupe, — dans le même argot [des faubouriens].

Rigaud, 1881 : Dupé, mystifié, — dans le jargon des voleurs.

Cavé, enfoncé, casqué

La Rue, 1894 : Homme, dupe.

Cavée

Halbert, 1849 : Église.

Delvau, 1866 : s. f. Église, — dans l’argot des voleurs, qui redoutent les rhumatismes.

France, 1907 : Église, à cause de sa voûte en forme de cave.

Caviar

Fustier, 1889 : Ce mot, sans doute trouvé dans un restaurant à la mode, avait la prétention de détrôner V’lan, Pschutt et Bécarre, tous vocables aussi idiots d’ailleurs et synonymes d’élégance, de chic. Comme ses aînés, Caviar n’a point eu de succès ; il est mort en bas-âge.

On dit d’une demoiselle ultra-chic qu’elle est on ne peut plus Caviar.

(Charivari, 1886.)

Cayenne

Delvau, 1866 : s. m. Cimetière extra muros, — dans l’argot du peuple, pour qui il semble que ce soit là une façon de lieu de déportation. Il dit aussi Champ de Navets. — parce qu’il sait qu’avant d’être utilisés pour les morts, ces endroits funèbres ont été utilisés pour les vivants.

Delvau, 1866 : s. m. Atelier éloigné de Paris ; fabrique située dans la banlieue. Argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Atelier, usine, — dans le jargon des ouvriers, pour qui le travail est un supplice.

Rigaud, 1881 : Ancien cimetière de Saint-Ouen, au-delà du boulevard Ornano. — Surnom du village qui avoisine ce cimetière ; ainsi nommés parce que l’un et l’autre sont très éloignés.

France, 1907 : Atelier de la banlieue, cimetière.

Allusion au Cayenne de la Guyane qui passait pour un vrai cimetière. Pour le premier sens, c’est une assimilation de l’ouvrier au condamné aux travaux forcés.

(Lorédan Larchey)

Cayenne (gibier de)

France, 1907 : Vagabond, oiseau de geôle.

Cayenne-les-eaux

France, 1907 : Dépôt où les condamnés attendent leur transportation.

Cayon

France, 1907 : Caution.

Cayot

France, 1907 : Noix.

Cazin

Virmaître, 1894 : Partie de billard qui se joue avec une quille au milieu du tapis (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Sorte de jeu de billard où l’on place une quille au milieu du tapis ; d’où caziner, jouer au cazin.

Caziner

Virmaître, 1894 : Jouer au cazin, faire toucher par la bande les billes, en jouant avec la rouge (Argot du peuple).

Clémens, 1840 : Argent.

Larchey, 1865 : Argent. V. Chêne.

La Rue, 1894 : Argent (métal). Tout de cé, très bien.

France, 1907 : Argent. Attache de cé, boucle d’argent. Bogue de cé, montre d’argent. Tout de cé, très bien. De cé, sérieusement.

Le prince en ruolz se présenta dans une famille et épousa de cé une riche héritière : puis, le lendemain même de son mariage, il prit du fuite avec la dot se montant à plusieurs millions.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

Ce matois

M.D., 1844 : Ce matin.

Ce n’est pas à faire !

Delvau, 1866 : Je m’en garderais bien ! Cette expression, familière aux filles et aux voyous, est mise par eux à toutes les sauces : c’est leur réponse à tout. Il faudrait pouvoir la noter.

Ce qui se pousse

Larchey, 1865 : Monnaie. Allusion à l’acte de compter des écus.

Ceci, ou cela

Delvau, 1864 : Le membre viril — avec quoi on fait cela aux dames, — ou bien la nature de la femme.

Parbleu, dit-il, prenez ceci,
Il est d’assez bonne mesure.

Grécourt.

Si vous mettez la main au devant d’une fillette, elle la repoussera bien vite et dira : Laissez cela.

(Moyen de parvenir.)

…Il est nommé Pine par la lorette ;
Un Chose, ou bien Cela, par une femme honnête.

Louis Protat.

Céder à un homme

Delvau, 1864 : Se laisser baiser par lui, c’est-à-dire par son membre, qui sait mieux accoler que sa bouche.

Victime d’une ruse indigne,
La trop confiante Léda
Croyait ne caresser qu’un cygne,
Quand à Jupin, elle céda.

Jules Ruel.

Ceinture

d’Hautel, 1808 : Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée. Pour dire qu’une bonne réputation l’emporte sur la richesse ; que rien au monde n’est plus précieux qu’une bonne renommée ; ce qui malheureusement n’est pas toujours le partage de la probité. Ce proverbe vient de ce qu’autrefois les femmes honnêtes portoient comme marque distinctive une ceinture dorée.
Être pendu à la ceinture de quelqu’un. C’est lui faire une cour assidue pour en obtenir quel que faveur ; le suivre continuellement et partout.

Ceinturé

Rossignol, 1901 : Arreté.

J’ai été ceinturé par un flicard.

Ceinture dorée

France, 1907 : Fille publique. Autrefois les filles de joie se distinguaient des honnêtes femmes par une ceinture dorée, d’où le proverbe : Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée.

Céladon

Delvau, 1866 : s. m. Vieillard galant, — dans l’argot des bourgeois, dont les grand’mères ont lu l’Astrée. On dit aussi Vieux céladon.

France, 1907 : Vieillard galant. Amant qui a passé l’âge d’aimer ou ridicule et langoureux, Celadon est un berger de célèbre pastorale allégorique d’Honoré d’Urfé qui eut un grand succès pendant le XVIIe siècle. Ce personnage, qui joue un rôle important dans cette œuvre volumineuse et illisible de nos jours, passe sa vie aux pieds de sa bergère, attentif à exécuter ses ordres, débitant des phrases langoureuses, et exprimant de grands sentiments. Honoré d’Urfé a tiré ce nom des Métamorphoses d’Ovide.

Célérifères

France, 1907 : Sorte d’omnibus qui circulèrent sons le règne du roi Louis-Philippe.

Cellote

France, 1907 : Cellule.

Cellotte

Virmaître, 1894 : Cellule (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Cellule.

Hayard, 1907 : Cellule de prison.

Celui de (avoir)

France, 1907 : Avoir l’honneur, Allusion aux ridicules des bourgeois et des bourgeoises qui se confondent en politesses exagérées ; ainsi, à la formule banale : J’ai eu l’honneur de rencontrer mademoiselle votre fille, on répondait : J’ai eu celui d’apercevoir madame votre femme. Les Anglais de la même classe, en gens à pratiques, vont plus brièvement et, coupant court aux formules de politesse, ils terminent ainsi leurs lettres : Je reste votre, etc. (I remain yours, etc.).

Cémaisse

La Rue, 1894 : La police (ces mess.).

France, 1907 : La brigade des sergents de ville.

Cendrier

France, 1907 : Grosse toile sur laquelle on place des cendres pour faire la lessive.

Cendrillon

d’Hautel, 1808 : Nom méprisant que l’on donne à une petite fille de basse extraction peu soigneuse de sa personne et qui se traine continuellement dans les ordures et les cendres ; et à une petite servante employée aux plus bas détails du ménage.

Delvau, 1866 : s. f. Jeune fille à laquelle ses parents préfèrent ses sœurs et même des étrangères ; personne à laquelle on ne fait pas attention, — dans l’argot du peuple, qui a voulu consacrer le souvenir d’un des plus jolis contes de Perrault.

France, 1907 : Jeune fille négligée et mal vêtue qui fait tous les gros ouvrages dans une famille, tandis que ses sœurs ne s’occupent que de leurs toilettes. Le conte de Charles Perrault a rendu ce nom populaire.

Censure (passer la)

Rigaud, 1881 : C’est la visite faite chaque jour au dépôt par les agents du service de sûreté pour s’assurer s’ils ne reconnaîtront pas quelques récidivistes. En style de police, cela s’appelle faire le dépôt. (V. Mémoires de Canler.)

France, 1907 : Commettre un nouveau crime.

Censurer

d’Hautel, 1808 : Pour dire mettre des condition usuraires à un marché ; abuser de la bourse, de la fortune d’un ami ; faire supporter toutes les charges d’une affaire à quelqu’un ; faire le métier d’usurier.

Cent

d’Hautel, 1808 : Le numéro 100. Facétie pour dire les privés, les lieux d’aisance, parce qu’on a coutume de numéroter ainsi ces sortes de cabinets dans les auberges.
Faire les cent coups. Faire des fredaines impardonnables ; se porter à toutes sortes d’extravagances et d’excès ; mener une vie crapuleuse et débauchée ; blesser en un mot toutes les lois de la pudeur, de la bienséance et de l’honnêteté.

Cent coups (être aux)

Delvau, 1866 : Être bouleversé ; ne savoir plus où donner de la tête. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Ne savoir où donner de la tête, être tourmenté, ennuyé. Faire les cent coups, commettre toutes espèces d’actes, d’excentricités où de folies : on dit également : faire les quatre corde coups, les cent dix-neuf coups.

— Ce qu’nous avons d’bon ici, c’est d’êt’ ben nourries. Si on a du mal, on n’meurt pas d’faim, comme dans des maisons qu’j’ai été. D’abord, de tout ce que mange madame, a nous en donne ; ça, pas d’préférence. Des fois, a crie, a jure, a tempête, a fait les cent dix-neuf coups… c’est d’la laisser faire, rien y dire : la main tournée, alle y pense pus…

(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)

Cent coups (faire les)

Delvau, 1866 : Se démener pour réussir dans une affaire ; mener une vie déréglée. — Argot des bourgeois.

Cent pieds de merde (je voudrais te voir dans)

Virmaître, 1894 : Souhait d’un gendre à sa belle-mere féroce ou à une femme crampon (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « C’est, dit Ch. Virmaître, le souhait d’un gendre à sa belle-mère ou d’un mari à une femme crampon. »

Cent Suisse

d’Hautel, 1808 : Nom que l’on donnoit aux soldats qui formoient autrefois une des gardes d’honneur du roi, laquelle étoit composée de cent hommes suisses.
On dit figurément et en mauvaise part d’une femme qui a l’air sodaltesque, hardi et effronté, que C’est un vrai Cent Suisse.

Centiballe

France, 1907 : Centime, c’est à-dire la centième partie d’un franc.

Centoche

France, 1907 : Centime.

Central

Rigaud, 1881 : Détenu faisant son temps-dans une maison centrale de force et de correction.

Fustier, 1889 : Bureau télégraphique de la place de la Bourse, à Paris. Argot des employés du ministère des Postes. Être nommé au Central. — Élève de l’École centrale ; un central, des centraux.

Les élèves de l’École centrale se sont livrés hier à une fantaisie que la police a eu le bon goût de ne pas gêner… Les centraux se sont réunis sur la place de la Bastille, et, se formant en monôme…

(Rappel, 1881.)

France, 1907 : Élève de l’École Centrale ; autrement dit, cube.

France, 1907 : Détenu de maison centrale.

Centrale

Rigaud, 1881 : École Centrale, — dans le jargon des collégiens. — Je pense entrer à Centrale si je suis retoqué à l’X, je pense entrer à l’École Centrale, si je suis refusé à l’École Polytechnique.

France, 1907 : Abréviation de prison centrale.

Centrale (la)

M.D., 1844 : Maison centrale de détention.

Centre

M.D., 1844 : Nom.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, qui est en effet l’ombilic du monde ; tout part de là, et tout y est ramené, — On dit aussi, mais c’est une superfétation : Centre de délices.

D’un seul coup, Rose rejeta la couverture ; il ne s’attendait pas à nous voir totalement nues, et nos mains placées au centre de la volupté.

(Rideau levé.)

Celle des deux qui triomphait par ses gestes et sa débauche, voyait tout à coup sa rivale éperdue fondre sur elle, la culbuter, la couvrir de baisers, la manger de caresses, la dévorer — jusqu’au centre la plus secret des plaisirs, se plaçant toujours de manière à recevoir les mêmes attaques.

(Gamiani.)

Larchey, 1865 : Nom. — Centre à l’estorgue : faux nom. V. Estorgue. — Coquer son centre : Donner son nom. (Vidocq). — V. Ravignolé.

Delvau, 1866 : s. m. Nom, — dans l’argot des voleurs, qui savent que le nom est en effet le point où convergent les investigations de la police, et qui, à cause de cela, changent volontiers de centre. Centre à l’estorgue. Faux nom, sobriquet. Centre d’altèque. Nom véritable.

Rigaud, 1881 : Nom. — Centre à l’estorgue, faux centre, faux nom, sobriquet, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Nom. Taroquer son centre. Signer son nom. Centre à blanc. Faux nom.

Virmaître, 1894 : Nom. Quant une personne donne un faux nom, c’est un centre à l’estorgue (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Nom. Celui qui est arrêté et qui donne un faux nom a donné un faux centre.

Hayard, 1907 : Nom.

France, 1907 : Nom ; argot des voleurs. Centre à blanc ouà l’estorgue ou sous la neige, faux nom. Centre d’altèque, véritable nom. Coquer son centre, donner son propre nom. C’est aussi l’état civil.

Centre (être)

France, 1907 : Être dans de mauvaises affaires.

Centré (être)

Rigaud, 1881 : Avoir fait de mauvaises affaires, — dans le jargon des ouvriers du fer.

Centre à l’estorgue

M.D., 1844 : Faux nom.

Centre de gravité

Larchey, 1865 : Derrière.

Porter une main furtivement timide à son centre de gravité.

Ed. Lemoine.

Delvau, 1866 : s. m. Nates, — dans l’argot des bourgeois, qui ont emprunté cette expression-là aux Précieuses.

France, 1907 : Le derrière. Les Anglais l’appellent de siège de l’honneur. C’est en effet sur le centre de gravité de leur lemme que les maris placent l’honneur de la famille ! Perdre son centre, être ivre.

Centrier

Larchey, 1865 : Député du centre conservateur sous Louis-Philippe.

Moreau ! mais il est député de l’Oise. — Ah ! c’est le fameux centrier.

Balzac.

Centrier, centripète

Larchey, 1865 : Soldat du centre.

Centriot

Fustier, 1889 : Surnom, sobriquet.

Il a surtout le génie des centriots (surnoms). C’est lui qui a donné à un pâle gringalet, mauvaise langue et joueur de méchants tours… le joli surnom de Fleur de teigne.

(Humbert : Mon bagne.)

France, 1907 : Sobriquet.

Centripète

France, 1907 : Fantassin.

Centrouses

Rossignol, 1901 : Prisons centrales où sont envoyés tous les condamnés à plus d’une année de prison.

Centrousse

Virmaître, 1894 : Maison centrale (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Prison centrale.

France, 1907 : Prison centrale.

Cep

France, 1907 : Nez. Avoir un cep de vigne, avoir un nez culotté.

Cependant

d’Hautel, 1808 : Cependant… En se pendant on s’étrangle. Quolibet. Réponse goguenarde que l’on fait à une personne qui met des cependant partout ; qui trouve des obstacles dans les moindres choses, qui commente les ordres qu’on lui donne au lieu de les exécuter.

Cerbère

Larchey, 1865 : Portier malhonnête. — Comparaison mythologique.

Misérable, disait-elle au cerbère, si mon mari le savait. — Bah ! répondait-il… un terme de payé, ça aide.

Ricard.

Delvau, 1866 : s. m. Concierge, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Sergent de ville, — dans le jargon des gamins. — Portier, en souvenir du portier des enfers, ou parce que la plupart des maisons de Paris sont des enfers.

France, 1907 : Portier désagréable, comme le chien à trois têtes qui, suivant la Fable, gardait la porte des Enfers et du palais de Platon.

Cercher

Delvau, 1866 : v. a. Chercher, — dans l’argot du peuple, fidèle à l’étymologie (circare) et à la tradition : « Mes sommiers estoient assez loin, et estoit trop tard pour les cercher, » dit Philippe de Commines.

Li marinier qui par mer nage,
Cerchant mainte terre sauvage,
Tout regarde il à une estoile,

disent les auteurs du Roman de la Rose.

Cercle

d’Hautel, 1808 : Repêcher quelqu’un au demi-cercle. Signifie rattraper quelqu’un, ou quelque chose que l’on avoit d’abord laissé échapper, mais qui ne pouvoit manquer d’une manière ou d’autre de retomber entre les mains ; se venger d’une injure que l’on feignoit d’avoir oublié.
Il s’est sauvé, mais on le repêchera au demi-cercle. Se dit d’un criminel évadé, mais qui ne peut échapper aux poursuites de la justice.

Larchey, 1865 : Pièce d’argent. — Allusion à la forme circulaire de la monnaie.

Delvau, 1866 : s. m. Argent monnayé, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Pièce d’argent.

Cerclé

Larchey, 1865 : Tonneau (Vidocq). — Allusion aux cercles qui retiennent les douves.

Delvau, 1866 : s. m. Tonneau, — dans le même argot [des voleurs].

Hayard, 1907 : Être pris.

Cercle (pincer au demi)

Rigaud, 1881 : Surprendre quelqu’un dans un moment psychologique. Un mari qui rentre de la chasse et qui trouve sa femme dans le feu d’une conversation avec son cousin ou tout autre, la pince au demi-cercle. Repincer au demi-cercle, se revancher, rendre la réciproque.

Cercle (pincer en demi)

France, 1907 : Surprendre quelqu’un en faute.

Cercleux

France, 1907 : Habitué de cercle : vulgairement, propre à rien.

Le plus comique, c’est que vous entendrez tous les gens de la bonne société — de la haute — car ce n’est ni vous ni moi, simples truands, qui abusons de cet exercice aussi fatigant qu’ennuyeux — tous les cercleux, tous les ra sinon, tous les raouteux vous disant, avec un petit air dédaigneux :
— Rien ne va sous votre République !

(Mot d’Ordre)

Elle suivit un jour le cercleux au monocle impertinent qui, tous les soirs, quand elle sortait de son magasin, lui proposait des dîners et des escapades joyeuses.

(Aug. Marin)

Cercueil

France, 1907 : Un bock, argot des étudiants ; jeu de mot sur bière.

France, 1907 : Boîte à violon.

Cérémonie

d’Hautel, 1808 : Faire de la cérémonie. Affecter des manières polies ; faire des grimaces, des minauderies.

Delvau, 1864 : L’acte le plus important de la vie, celui qui se fait avec le plus de pompe — quand on a affaire à une bonne suceuse.

J’en connais qui sont adonnées à la cérémonie — Qu’entends-tu par la cérémonie ? interrompit-elle — C’est, Madame, repris-je, de donner le fouet ou de le recevoir.

(Mœurs du temps, I, 159.)

Que bonne part de la cérémonie
Ne fût déjà par le prêtre accomplie.

La Fontaine.

Cerf

d’Hautel, 1808 : Une jambe de cerf. Pour dire une jambe fluette, maigre et sans mollet.
Au cerf la bière et au sanglier le mière (médecin.) Vieux proverbe qui signifie que les plaies que font le cerf sont beaucoup plus dangereuses que celles du sanglier.

France, 1907 : Mari trompé.

Cerf (se déguiser en)

Rigaud, 1881 : Se sauver avec la vitesse d’un cerf.

France, 1907 : Courir, se sauver.

Cerf (se déguiser en) courir

Larchey, 1865 : Allusion à la vitesse du cerf.

Cerf-volant

Delvau, 1866 : s. m. Femme qui attire sous une allée ou dans un lieu désert les enfants entrain de jouer pour leur arracher leurs boucles d’oreilles et quelquefois l’oreille avec la boucle — Argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Jouet d’enfant composé de baguettes d’osier, recouvertes de feuilles de papier, que les gamins enlèvent en l’air avec une ficelle. Les voleuses qui dans les jardins publics s’emparent des boucles d’oreilles des jeunes enfants se nomment des cerf-volants parce que le vol accompli elle se sauvent en courant comme un cerf (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voleuse dont la spécialité est de dépouiller les enfants dans les promenades et les jardins publics. C’est généralement sur Les broches et les boucles d’oreilles des petites filles qu’elle opère, et, le larcin accompli, disparait comme un cerf.

Cerf-Volant (le)

Rigaud, 1881 : Vol pratiqué sur les petites filles, un genre de vol bien ancien et toujours nouveau.

Boulevard Picpus, une femme restée inconnue a abordé une petite fille de quatre ans, qui jouait devant la maison de ses parents, lui a donné dix centimes et lui a décroché ses boucles d’oreilles d’une valeur de quinze francs.

(Petit Journal du 14 août 1877.)

La virtuose de ce genre de vol se nomme la cerf-volant, parce qu’après le vol, elle file avec la vitesse du cerf.

Cériot

France, 1907 : Cerneau.

Cerise

d’Hautel, 1808 : Ça va à la douce, comme les marchands de cerises. Réponse usitée parmi le peuple lorsqu’une personne demande à une autre des nouvelles de sa santé, de ses affaires ; pour dire que l’on se porte cahin caha, et que l’on conduit tout doucement sa barque ; par allusion avec les paysans qui viennent vendre leurs cerises à la ville et qui crient par les rues, À la douce, cerise à la douce.
On dit d’un mauvais cheval que c’est une rosse, un marchand de cerises.

Larchey, 1865 : Cheval aussi mauvais que les bidets qui portent des cerises au marché. — Un mauvais cavalier monte aussi en marchand de cerises (d’Hautel).

Fustier, 1889 : Ouvrier maçon des environs de Paris (Littré).

Messieurs, ce n’est pas là une appellation insultante ; nous appelons marchands de cerises, les ouvriers de la banlieue de Paris, ceux qui nous environnent.

(Nadaud : Journal officiel.)

Cerises (marchand de)

Rigaud, 1881 : Ouvrier en bâtiment qui travaille extra muros, — dans le jargon des ouvriers en bâtiment de Paris.

Cerisier

Fustier, 1889 : Petits chevaux de louage, ainsi nommés parce qu’ils portent ordinairement les cerises de Montmorency aux marchés de Paris.

Sterny sur un cerisier, Sterny en compagnie d’une grosse dame à âne.

(Soulié : Le Lion amoureux.)

Les Cerisiers de Montmorency sont les petits chevaux pacifiques qu’on loue pour se promener dans les environs ; autrefois, ils transportaient des cerises ; de là leur nom.

(Rappel, 1874. V. Littré.)

Cerneau

Delvau, 1866 : s. m. Jeune fille, — dans l’argot des gens de lettres.

La Rue, 1894 : Jeune fille.

France, 1907 : Fillette, autrement dit : noix fraîche pour les vieux polissons de la haute.

Cerner les yeux (se)

Delvau, 1864 : Se masturber, ce qui culotte furieusement les yeux, en effet.

Voilà que j’bande… Ah ! n’craignez rien… j’n’ai jamais eu c’défaut-là… Et puis… ça cerne les yeux.

Tisserand.

Certain bobo

Delvau, 1864 : La vérole, qui est un mal certain. Piron l’appelait un petit mal gaillard.

Un jeune élève d’Esculape
Me guérit de certain bobo…
Un beau jour, il me dit : Ma chère,
En moi, vos yeux ont excité
Certain feu. Je le laissai faire,
Pour m’assurer de ma santé.

(Gaudriole de 1834.)

Certificats de bêtise

Merlin, 1888 : Chevrons. Pour donner raison à la fameuse chanson :

Un soldat, c’est comme son pompon,
Plus ça devient vieux, plus ça devient bête, etc.

Céruse

d’Hautel, 1808 : Fin comme céruse. Pour dire, d’une subtilité extrême, dont toutes les actions sont fardées, et tendent à faire des dupes.

Cervelas

Delvau, 1864 : Nom que donnent au vit la plupart des cuisinières ; aussi bien que : boudin, saucisson, andouille, bout de viande, etc., selon la forme, la longueur ou la grosseur de l’objet, qui est un produit de la cochonnerie.

Oui, mon cher, à vot’ cervelas
On a fait un’ rude’ brèche…
Vous n’me l’mettrez pas, Nicolas :
Je n’aim’ que la viand’ fraîche.

J. E. Aubry.

Cervelle

d’Hautel, 1808 : Un sans-cervelle. Étourdi, évaporé ; homme inconséquent et léger dans tout ce qu’il fait ou ce qu’il dit.
Il a une cervelle de lièvre, il la perd en courant. Se dit d’un homme très-distrait et qui a une fort mauvaise mémoire.
Perdre la cervelle. Pour, perdre la tête, déraisonner.
Mettre ou tenir quelqu’un en cervelle. Phrase proverbiale qui signifie le tourmenter ; lui faire espérer long-temps quelque chose dont il attend le résultat ; le tenir en suspens.

Ces Mess

France, 1907 : Abréviation de : ces messieurs les agents de police.

Ces messieurs

Virmaître, 1894 : Agents de police.
— Ne vous hasardez pas ce soir sur le trottoir, ces messieurs y seront (Argot des filles).

César

d’Hautel, 1808 : Il faut rendre à César ce qui est à César. Paroles évangéliques, que le peuple travestit ainsi : Il faut rendre à Paul ce qui est à César, etc., parce que l’on rend souvent justice et honneur à qui ils ne sont pas dus.
On dit en plaisantant d’un homme petit et foible qui fait le vaillant et le fanfaron, que C’est un petit César.

Cesser de l’être

Delvau, 1864 : Ne plus être pucelle.

Je le suis encore, m’a-t-elle dit en riant, je voudrais cesser de l’être par un joli homme comme toi.

Rétif De La Bretonne.

Cesses

France, 1907 : Cerises.

Cession de pari

France, 1907 : Genre d’escroquerie par laquelle le filou prétend avoir fait un pari sur le favori dans des conditions avantageuses et cède à un naïf son cheval au comptant.

Les lads et les bookmakers ne sont point les seuls escrocs dangereux sur les champs de courses : il est bon de redouter aussi les gentlemen pratiquant la cession de pari et ils sont nombreux ! Nous connaissons maint Anglais véreux dont cette escroquerie est le seul moyen d’existence.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

Cet

d’Hautel, 1808 : Ce pronom est presque toujours mal prononcé, du moins par les personnes qui parlent mal. En effet, on entend continuellement dire, soit au masculin, soit au féminin, ç’t’homme, ç’te femme, pour cet homme, cette femme.

Cha-Fust

Fustier, 1889 : Cours de machine professé à l’École navale. Argot de l’École. « Chacun de ces cours, outre son titre officiel, porte un nom spécial pour les élèves du Borda. Le cours de machine est le cha-fust, mot formé par onomatopée… Naturellement les professeurs empruntent leur titre au nom du cours. » On dit : le chafustard… (Illustration, septembre 1885.)

Chabanais

Rossignol, 1901 : Tapage, cris.

Si ce soir, en rentrant, ma femme me dit quelque chose qui me déplaise, je vais lui faire du chabanais. — Quel bruit vous faites, en voila un chabanais !

Chabannais

Delvau, 1866 : s. m. Reproches violents, quelquefois mêlés de coups de poing, — dans le même argot [du peuple]. Ficher un chabanais. Donner une correction.

Rigaud, 1881 : Bruit, tapage, dispute. Faire un joli chabannais.

Tout le monde, y compris N. savait qu’il y aurait le soir du chabannais.

(Figaro, du 14 juillet 1880.)

Virmaître, 1894 : Faire du tapage, du bruit.
— Allons, viens boire le dernier verre,
— Y a pas de pet, la bourgeoise ferait un rude chabannais.
Faire du chabannais dans une assemblée : troubler l’ordre (Argot du peuple).

France, 1907 : Bruit, tapage. Faire du chabannais ; ficher un chabannais, donner une correction.

Chabeau

France, 1907 : Docteur ; argot des filles de joie pensionnaires de Saint-Lazare.

Chabier

La Rue, 1894 : S’évader.

France, 1907 : S’évader.

Chabler

Virmaître, 1894 : Lancer des pierres dans un arbre pour en abattre les fruits. Chabler est le synonyme de gauler (Argot du peuple) N.

France, 1907 : « Lancer des pierres dans un arbre pour en abattre les fruits. Chabler est le synonyme de gauler. » (Ch. Virmaître)

Chabrol

Fustier, 1889 : Mélange de bouillon et de vin.

France, 1907 : Mélange de bouillon et de vin.

Chacal

Delvau, 1866 : s. m. Zouave, — dans l’argot des soldats d’Afrique, par allusion au cri que poussent es zouzous en allant au feu.

Rigaud, 1881 : « Est un petit nom d’amitié que le maréchal Bugeaud donnait aux zouaves dans ses moments de bonne humeur, et que nous avons gardé, entre nous, comme, signe de ralliement. » (A. Arnault, Les Zouaves, acte 1.)

France, 1907 : Zouave. Les régiments de zouaves étaient, dès le début, composés en grande partie d’Arabes, dont l’habitude est de pousser des clameurs sauvages en chargeant l’ennemi. Leurs cris imitaient celui du chacal, d’où leur nom.

Pan, pan, l’arbi,
Les chacals sont par ici.

(Marche des zouaves)

Chacun

d’Hautel, 1808 : Chacun sa chacune. Pour chacun la sienne. Se dit en parlant d’une société ou chaque homme donne le bras à une femme.
À Chacun le sien n’est pas trop. Signifie que la justice veut que chacun ait strictement ce qui lui appartient.

Chaffourer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’égratigner.

France, 1907 : S’égratigner, se crêper le chignon.

Chafouin

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux que l’on donne à un homme maigre et chétif ; qui a la mine sournoise, laide et renfrognée.

Delvau, 1866 : adj. et s. Sournois, rusé, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter cette expression à Saint-Simon, qui l’a employée à propos de Dubois.

France, 1907 : Sournois, rusé.

Chafrioler

Larchey, 1865 : Se complaire.

L’atmosphère de plaisirs où il se chafriolait.

Balzac.

M. Paul Lacroix affirme que ce verbe a été inventé par Balzac en ses Contes drolatiques.

Chafrioler (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se caresser, se complaire, — à la façon des chats. L’expression appartient à Balzac.

France, 1907 : Se complaire, se faire plaisir.

Chagrin

d’Hautel, 1808 : N’aie pas de chagrin. Pour, ne t’inquiète pas ; laisse-moi faire ; ne te mêle pas de cela.

Chagrin (noyer le)

Rigaud, 1881 : Boire.

C’est à la cantine, en noyant le chagrin, que l’on attrape les buveurs d’encre.

(Fréd. de Reiffenberg, La Vie de garnison.)

Chahut

Larchey, 1865 : Dispute.

Je n’ai jamais de chahut avec Joséphine comme toi avec Millie.

Monselet.

Larchey, 1865 : Danse populaire.

Un caractère d’immoralité et d’indécence comparable au chahut que dansent les faubouriens français dans les salons de Dénoyers.

1833, Mansion.

La chahut comme on la dansait alors était quelque chose de hideux, de monstrueux ; mais c’était la mode avant d’arriver au cancan parisien, c’est-à-dire à cette danse élégante décemment lascive lorsqu’elle est bien dansée.

Privat d’Anglemont.

Delvau, 1866 : s. m. Cordace lascive fort en honneur dans les bals publics à la fin de la Restauration, et remplacée depuis par le cancan, — qui a été lui-même remplacé par d’autres cordaces de la même lascivité. Quelques écrivains font ce mot du féminin.

Delvau, 1866 : s. m. Bruit, vacarme mêlé de coups, — dans l’argot des faubouriens. Faire du chahut. Bousculer les tables et les buveurs, au cabaret ; tomber sur les sergents de ville, dans la rue.

Rigaud, 1881 : Cancan poussé à ses dernières limites, l’hystérie de la danse. On dit également le ou la chahut.

Un d’eux, tout à fait en goguette, se laissera peut-être aller jusqu’à la chahut.

(Physiologie du Carnaval)

Rigaud, 1881 : Bruit, tapage. Faire du chahut.

La Rue, 1894 : Dispute, tapage, mêlée. Danse de bastringue.

France, 1907 : Bruit, tapage.

Peu à peu, le cabaret du Hanap d’Or s’était rempli de monde. Adèle, Marie étaient venues entourées d’une bande de petits gommeux qui, ce soir-là, avaient trouvé amusant d’aller faire du chahut à l’Élysée-Montmartre.

(Édouard Ducret, Paris canaille)

France, 1907 : « Le chahut est la danse par excellence, dit l’auteur des Physionomies parisiennes, danse fantaisiste, sensuelle, passionnée, plus d’action et de mouvement que d’artifice, qui se prête aux improvisations les plus hardies et les plus excentriques… Le cancan est l’art de lever la jupe : Le chahut, l’art de lever la jambe. »
S’il faut en croire le même auteur, ce qui caractérise le chahut, c’est la décence ; car, dit-il, tout ce qui est simple et naturel est décent, et le chahut est la plus simple et la plus naturelle de toutes les danses.
Le chahut remonte à la plus haute antiquité. Cette danse à été et est encore celle de tons les peuples primitifs. Les austères Lacédémoniennes dansent le chahut en costume des plus légers : c’est le chahut que le saint roi David dansait devant l’arche, et le Parisien badaud a pu jouir d’un vrai chahut sauvage avec les Peaux-Rouges du colonel Cody.

— Hein ! quelle noce à la sortie du bloc ! Que de saladiers rincés joyeusement et de chahuts échevelés pour célébrer le sacrifice ! Franchement, ça vaut ça !

(Montfermeil)

Chahuter

Larchey, 1865 : Renverser, culbuter.

Sur les bords du noir Cocyte, Chahutant le vieux Caron, Nous l’fich’rons dans sa marmite, etc.

Chanson de canotiers.

Larchey, 1865 : Faire tapage, danser le chahut.

Ce verbe, qui, à proprement parler, signifie crier comme un chat-huant, vient du nom de cet oiseau autrefois appelé chahu ou cahu…

Fr. Michel.

Ça mettra le vieux Charlot en gaîté… il chahutera sur sa boutique.

E. Sue.

Delvau, 1866 : v. n. Danser indécemment.

Delvau, 1866 : v. a. Secouer avec violence ; renverser ; se disputer.

Rigaud, 1881 : Danser la chahut.

Chahuter, pincer le cancan,
Sur l’abdomen coller sa dame ;
Voilà le danseur à présent,

(P. J. Charrin, Les Actualités.)

Rigaud, 1881 : Bousculer, faire du vacarme. — Chahuteur, chahuteuse, danseur, danseuse de chahut, tapageur, tapageuse.

Rossignol, 1901 : Jouer, s’amuser, danser.

Finis de chahuter, je ne veux pas rire.

Au bal celui qui se démène en dansant le quadrille chahute.

France, 1907 : Danser le chahuts ; faire du tapage ou être secoué.

Et cette fille destinée à chahuter de lit en lit.

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

Chahuteur

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais sujet.

France, 1907 : Mauvais sujet. Tapageur, danseur de chahut.

Chahuteur de macchabées

France, 1907 : Employé des pompes funèbres, vulgairement appelée croque-mort.

Sur l’invitation d’un habitué qui désigna la société de messieurs les croque-morts, en ajoutant : « Ils ne connaissent pas la case, ces chahuteurs de macchabés : apprends-leur de quoi il retourne », le poète salua et commença à déclamer avec un fort accent méridional…

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Chahuteuse

Delvau, 1864 : Coureuse de bals publics, qui danse volontiers la chahut au lit.

Delvau, 1866 : s. f. Habituée des bals publics ; dévergondée.

France, 1907 : Danseuse de chahut : habituée des bastringues.

Les chroniqueurs du Tout-Paris enregistraient avec soin les faits et gestes de toutes les illustres chahuteuses. Elles faisaient pièce à la politique du jour. Gustave Nadaud les célébra dans une chanson restée dans les souvenirs de tous :
  Pomaré, Maria, Mogador et Clara,
  Apparaissez, folles divinités.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Chahutoir

France, 1907 : Bastringue, lieu public où l’on danse le chahut.

Le chahut et les chahutoirs, ces immenses rendez-vous d’ennuyés et de filles, la Goulue en est l’étoile : l’étoile de Montmartre levée au chair de lune du Pierrot de Willette au-dessus des buttes du Sacré-Cœur, et des ailes fantômes des défunts moulins, gloire cynique faite à la lois de caprice et de boue, fleur de cuvette prise dans un jet de lumière électrique et tout à coup adoptée par la mode ; et la vogue, la vogue, cette aveugle quelquefois guérie, qui pendant dix ans a passé, sans rien voir, devant les affiches de Chéret et ne découvre une femme qu’une fois roulée dans les vagues de la prostitution.

(Écho de Paris)

Chaillot (à)

Larchey, 1865 : Terme injurieux fort en usage à Paris. C’est comme si on criait : À l’eau ! à l’eau ! — Et par le fait, Chaillot est au bord de la Seine. Le mot pourrait être fort ancien, si on en juge par cet extrait d’une mazarinade de 1649 (La Nape renversée).

Les gens de l’assemblée s’en allèrent je ne sçay où, à Chaillot ou à Saint-Cloud.

(La Nape renversée).

À Chaillot les géneurs.

Les Cocottes, 1864.

Rigaud, 1881 : Mot à mot : allez vous promener à Chaillot. On envoie à Chaillot, pour s’en débarrasser, les imbéciles, les niais, les gêneurs, ceux qu’un rien étonne, les décrépits de l’intelligence.

Est-ce à cause des hôtes de Sainte-Perrine — ruines humaines pour la plupart — qu’il est de bon goût, depuis quelques années, de crier : À Chaillot ! toutes les fois que dans la conversation quelqu’un dit une sottise ou émet une proposition extravagante ?

(A. Delvau, Hist. anecdotique des barrières de Paris.)

Chaillot (à) !

France, 1907 : Exclamation qu’ou lance aux gêneurs. Aller à Chaillot signifie : aller au diable. Chaillot a été, on ne sait pourquoi, le point de mire des sarcasmes des Parisiens. À dire vrai, les badauds de Paris n’ont rien à revendre en âneries aux ahuris de Chaillot.

Chaillot (ahuri, abruti de)

Rigaud, 1881 : Celui qu’un rien étonne, sorte d’idiot. — Une des nombreuses parodies de Taconnet, acteur et fournisseur ordinaire de Nicolet, porte pour titre : Les Ahuris de Chaillot ou Gros-Jean Bel-esprit.

Chaîne (doubler la)

Rigaud, 1881 : Dans le jargon des régiments de cavalerie a la signification de tenir serré, de couper les vivres ; allusion aux chevaux auxquels on double la chaîne lorsqu’ils sont sujets à se détacher. — Le vieux me double la chaîne, mon père me tient serré. — Autrefois l’officier me donnait la permission de dix heures, mais depuis que je me suis si bien cuité, il a doublé la chaîne.

Chaîne (faire la)

France, 1907 : Passer des seaux de main en main pour éteindre un incendie.

Chair

d’Hautel, 1808 : Il est de chair et d’os comme vous. Se dit par reproche à celui qui maltraite son semblable ; et signifie : il est votre égal, il est de même nature que vous.
Se hacher comme chair à pâté. Pour, se battre à toute outrance.
Rire entre cuir et chair. Se moquer intérieurement d’une personne ; rire sous cape.
La chair nourrit la chair. Pour dire que les alimens les plus en usage sont les viandes.
Jeune chair et vieux poisson. Signifie qu’il faut manger les animaux quand ils sont jeunes, et les poissons quand ils sont vieux.
Il n’y a point de belle chair près des os. Pour dire qu’une personne maigre et décharnée ne peut être belle.
On ne sait s’il est chair ou poisson. Se dit d’un homme caché, d’un sournois que l’on ne peut définir.
Vendeurs de chair humaine. Raccoleurs, embaucheurs ; ceux qui faisoient autrefois métier de vendre des jeunes gens aux capitaines de recrutement.
L’esprit est prompt, la chair est foible. Paroles évangéliques dont on se sert communément par plaisanterie, pour dire que l’homme se laisse facilement entrainer à ses passions.

Delvau, 1864 : Le membre viril, que les femmes ne craignent pas de consommer même en Carême parce que ce jeûne là serait de tous le plus pénible et le plus impossible. — D’où l’expression biblique d’œuvre de chair.

Bon, bon ! sur ce ton-là, la petite friande,
Il lui faut la chair vive après toute autre viande.

J. De Schélandre.

Chair à canon

France, 1907 : La vile multitude, comme disait M. Thiers, dont on fait des soldats qui se font tuer pour défendre des liens qu’ils ne possèdent pas et des propriétés qui appartiennent à d’autres.

Chair humaine (vendeur de)

Larchey, 1865 : Agent de remplacement militaire. — Au dix-huitième siècle, on donnait déjà ce nom aux sergents recruteurs.

Chairez

France, 1907 : Hardi ! De l’aplomb !… Argot des forçats.

Chairez !

Fustier, 1889 : Hardi ! Courage ! Cette interjection se trouve dans l’ouvrage d’Alph. Humbert intitulé : Mon bagne.

Chaise (bâton de)

France, 1907 : Ne s’emploie que dans cette expression : Mener ou faire une vie de bâton de chaise, faire la fête, dissiper son argent, sacrifier à la fois à Bacchus et à Vénus.

Chaises

France, 1907 : Dents. Ne s’emploie guère que dans cette expression : Manquer de chaises dans sa salle à manger, manquer de dents.

Chaleur

d’Hautel, 1808 : Ses grandes chaleurs sont passées. Se dit d’un homme impétueux et ardent qui a jeté tout son feu ; d’une personne dont l’âge a ralenti les passions et l’activité.
Couvrez-vous, la chaleur vous est bonne. Se dit par ironie d’un homme incivil et grossier, qui ne se découvre pas, même devant les personnes qui commandent le respect.

Chaleur !

Fustier, 1889 : Exclamation qui sert à marquer la surprise, le mépris, l’intention de ne pas faire telle ou telle chose. S’emploie toujours ironiquement ; elle est synonyme de Maladie ! ou de ça ne serait pas à faire !

Dans le Casino susdit, on jouerait le baccarat et les dames seraient admises ! Oh ! chaleur !

(Le Joueur, 1881.)

France, 1907 : Exclamation populaire qui marque la surprise, le doute ou une admiration moqueuse.

Chaleur (être en)

Delvau, 1864 : Avoir envie d’homme lorsqu’on est femme, de femme lorsqu’on est homme, — et de chienne lorsqu’on est chien.

De sa fécondité la cause
S’explique en y réfléchissant !…
Il est clair pour l’observateur
Qu’il doit toujours être en chaleur.

Louis Protat.

Châlier

Rigaud, 1881 : Commis de magasin préposé à la vente des châles, — dans le jargon de la nouveauté.

Chaloupe

Larchey, 1865 : Femme dont le jupon se gonfle comme une voile de chaloupe. — « C’te chaloupe ! » crie Un gamin de Gavarni derrière une élégante.

Delvau, 1866 : s. f. Femme à toilette tapageuse, — dans l’argot des voyous. Chaloupe orageuse. Variété de chahut et femme qui le danse.

Chaloupe (faire la)

Rigaud, 1881 : Exécuter un pas de cancan à l’aide d’un tangage furieux du train de derrière.

Vous faites la chaloupe, et c’est une variété du cancan.

(Physiologie du Carnaval, 1842.)

Chaloupe orageuse

Larchey, 1865 : Variété pittoresque du cancan. V. Tulipe.

Ils chaloupaient à la Chaumière.

Les Étudiants, 1864.

Comparaison de la danse au roulis d’une chaloupe.

France, 1907 : Sortie de cancan ou de chahut très accentué.

Chaloupée

France, 1907 : Femme habillée d’une façon excentrique et tapageuse. Faire la chaloupe, avoir une tenue débraillée.

Chalouper

Delvau, 1866 : v. n. Danser le chahut.

Rigaud, 1881 : Marcher en balançant les épaules.

Quant à Henri de Car… tête de dogue aussi sur des épaules trapues et un corps chaloupant !…

(M. Rude, Tout Paris au café.)

France, 1907 : Danser la chaloupe.

Chaloupier

France, 1907 : Forçat chargé de déferrer Les condamnés à leur arrivée au bagne, à l’époque où existait la « chaîne ».

On s’empresse de les débarrasser du collier de voyage, opération dangereuse et difficile qui exige beaucoup de sang-froid et d’habitude, et que le moindre faux mouvement de celui qui la pratique ou qui la subit pourrait rendre mortelle. Pour cette opération qu’il redoute, le condamné s’assied à terre, la tête près d’un billot sur lequel est fixée une enclume, et deux anciens forçats, dits chaloupiers, chassent à grands coups de masse et de repoussoir le boulons qui tient le collier fermé.

(A. Dauvin, Les Forçats)

Chalumeau

Delvau, 1864 : Le roseau percé d’un trou avec lequel l’homme joue les airs variés de la polissonnerie dans le vagin de la femme.

Mais son doux chalumeau
M’ayant d’amour éprise,
Ce n’est rien de nouveau
Si je fis la sottise.

(La Comédie de chansons.)

Chamailler

d’Hautel, 1808 : Chicaner, disputer sur des riens, comme le font ordinairement ceux qui ont l’humeur querelleuse et inégale ; se battre.

Chamailler (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se disputer, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Se disputer.

Chamailler des dents

Delvau, 1866 : v. n. Manger.

France, 1907 : Manger.

Chamaillis

d’Hautel, 1808 : Démêlé, petit différend ; légère dissension ; chicane.

Chamareuse

France, 1907 : Petite ouvrière.

Chamarre

France, 1907 : Blouse de paysan ; venu du provençal.

Chamarreuse

La Rue, 1894 : Brodeuse.

Chambard

Fustier, 1889 : Bruit, tapage. « Il est de tradition à l’École (Polytechnique) que, à la rentrée, les anciens démolissent les meubles des nouveaux, jettent leurs oreillers et leurs matelas par les fenêtres et dispersent leurs affaires. C’est ce qu’on appelle faire le chambard. »

(Temps, 1881.)

Rossignol, 1901 : Bruit.

Mes voisins ont fait tellement de chambard la nuit passée, que je n’ai pas fermé l’œil.

Hayard, 1907 : Bruit, tapage.

France, 1907 : Acte de briser, de bousculer, de mettre en désordre les effets ou les objets d’un nouveau venu à l’École Polytechnique ; argot des écoles miliaires. Il signifie dans l’argot populaire : tumulte, bruit.

En réalité, le chambard que les socialos rêvent se borne à changer les étiquettes, à recrépir la façade et autres fumisteries du même blot. Avec eux, au lieu d’être exploités par le patron, on le serait par l’État… au lieu de toucher notre paye en pièces de cent sous, on nous la cracherait en billets de banque baptisés : « bons de travail. »

(Almanach du Père Peinard, 1895)

Chambard (en faire)

Virmaître, 1894 : Faire un potin infernal (Argot du peuple). V. Chambarder.

Chambard, chambarder, chambardement

La Rue, 1894 : Bruit, tapage, renversement, bris.

Chambardement

Fustier, 1889 : Renversement, bris.

Gambetta, vil objet de mon ressentiment,
Ministres ennemis de tout chambardement,
Sénateurs que je bais…

(Événement, 1881)

Rossignol, 1901 : Faire du chambard.

France, 1907 : Bouleversement, destruction.

Les sociétés se succèdent et disparaissent, englouties tour à cour dans de formidables débâcles. Que reste-t-il des antiques civilisations de l’Asie, des Amériques et de celles dont ou découvre, çà et là, des traces au-delà des déserts africains ?
Comme elles, la nôtre ne sera plus qu’un souvenir.
Sur nos débris, d’autres races surgiront, qui ne comprendront ni notre histoire, ni nos mœurs, ni nos sottises, ni nos crimes.
Table rase ! Le jour du grand charmbardement est proche, Les bruits précurseurs des tempêtes s’élèvent de toutes parts.

(Hector France, Lettres Rouges)

Chambarder

Delvau, 1866 : v. a. Secouer sans précaution ; renverser ; briser, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine.

Fustier, 1889 : Faire du bruit, du chambard.

Vous aurez la complaisance cette année de ne pas tout chambarder dans l’École (Polytechnique), comme vous en avez l’habitude…

(XIXe siècle, 1881.)

On dit familièrement en Bretagne chambarder pour : remuer, bousculer quelqu’un ou quelque chose. (V. Delvau : Chambarder.).

Virmaître, 1894 : Tout casser, tout démolir, bouleverser une maison de fond en comble, renouveler son personnel. Mot à mot : faire balai neuf (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Jeter.

Dans un moment de colère, j’ai chambardé par la fenêtre tout ce qu’il y avait dans les meubles.

France, 1907 : Tout casser. Se défaire à vil prix de son mobilier où de ses hardes.

Louise Michel était bouclée dans la prison de Vienne, quand les gaffes viennent lui annoncer, la gueule en cul de poule, que Constans ayant pitié d’elle on allait la foutre en liberté.
Bien plus, nom de dieu ! on disait tout bas que c’était elle qui avait réclamé sa grâce.
Sous un coup pareil, Louise a bondi ! Sortir seule de prison et y laisser moisir une cinquantaine de bons copains ? — Non, non, elle ne sortirait pas !
Foutue en rage, elle s’est mise à tout chambarder !

(Le Père Peinard)

Chambardeur

France, 1907 : Casseur d’assiettes, homme bruyant, tapageur.

Chamberlan, chambrelan

Rigaud, 1881 : Ouvrier en chambre.

France, 1907 : Ouvrier en chambre. Le mot chambellan s’écrivait autrefois ainsi.

Chambert

France, 1907 : Bavard, corruption de chambard, bruit.

Chambert, chambertin

Rigaud, 1881 : Indiscret, — dans l’argot des voleurs. — Chambertage, indiscrétion. — Chamberter, commettre une indiscrétion. Allusion au bon vin, au vin de Chambertin, qui délie la langue et fait parler.

Chamberter

Virmaître, 1894 : S’amuser. Quant les troupiers mettent les lits en bascules, qu’ils chahutent toute la chambrée, ils chambertent les camarades (Argot du troupier).

France, 1907 : Trop parler, commettre des indiscrétions. C’est aussi s’amuser, dans l’argot militaire. Corruption de chambarder.

Chambre

d’Hautel, 1808 : Avoir des chambres vides dans la tête. Pour dire, avoir l’esprit aliéné, le cerveau creux ; être attaqué de folie.
On dit aussi par raillerie d’un spectacle peu fréquenté, et moitié vide pendant les représentations, qu’il y a beaucoup de chambres à louer.

Chambre (être en)

Rigaud, 1881 : Ne pas être dans ses meubles ; mot à mot : être en chambre meublée, — dans le jargon des apprenties femmes galantes.

Chambre (la)

Rigaud, 1881 : C’est, dans le jargon des revendeurs, la salle qui leur est affectée à l’hôtel Drouot, la salle no 16 où se font les ventes des objets apportés par les brocanteurs. Pour eux, c’est la Chambre par excellence, comme Urbs était la ville, Rome pour les Romains. — Faire vendre à la chambre. — Acheter à la chambre.

Chambre à louer (avoir une)

Rigaud, 1881 : Avoir un grain de folie. Allusion à la tête dont les idées saines sont parties.

France, 1907 : Être fou, c’est-à-dire avoir une case vide dans le cerveau.

Chambre de sûreté

France, 1907 : La conciergerie.

Chambre des comptes

Rigaud, 1881 : Chambre conjugale, — dans le jargon des bourgeois.

Chambre des pairs

Delvau, 1866 : s. f. Bagne à vie, — dans l’argot des prisonniers.

Rigaud, 1881 : On appelait ainsi au bagne le côté des galériens condamnés à perpétuité. Les condamnés à temps formaient le côté désigné sous le nom de Chambre des députés. (L. Larchey)

France, 1907 : Partie du Dépôt réservée aux condamnés aux travaux forcés à perpétuité.

Chambrelan

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Ouvrier qui travaille en chambre ; ou locataire qui n’occupe qu’une chambre.

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier en chambre ; locataire qui n’occupe qu’une seule chambre, — dans l’argot du peuple.
On dit aussi Chamberlan, et ce mot, comme l’autre, est la première forme de Chambellan. Les gens du bel air ont donc tort de rire des petites gens, — qui parlent mieux qu’eux, puisqu’ils parlent comme Villehardouin, comme Joinville, comme Froissard, qui parlaient comme les Allemands (Kämmerling ou Chamarlinc).

Chambrer

Delvau, 1864 : Sécurité que l’en prend en renfermant dans sa chambre l’homme ou la femme qu’on destine à ses plaisirs amoureux, dans la crainte qu’ils ne portent à d’autres une partie du tribut que l’on se réserve.

Ailleurs, la comtesse, avec moins d’égards pour son estomac, chambre le joli Fessange.

(Les Aphrodites.)

Sachez, dit-il, que je chambre
Certaine femme de chambre.

Grécourt.

Fustier, 1889 : Perdre, voler. Argot des grecs.

France, 1907 : Voler ; argot des voleurs et des grecs.

C’est un grec de profession. Il a travaillé successivement sous le nom de marquis de… de vicomte de… de comte de… de baron… Il a des commanditaires…. C’est lui qui chambra M. Gordon Bennett pour le compte d’un grand d’Espagne de je ne sais quelle classe.

(Hogier-Grison, Les Hommes de proie)

Chambrer le pante

France, 1907 : Voler le bourgeois.

Voici mon truc, a-t-il dit à Mermeix : je loge toujours avec l’étoile dans le premier hôtel de la ville où nous passons. Je prends un appartement composé de deux chambres séparées pur un salon. L’étoile ne voit que moi. Elle soupe avec moi. Quand elle est couchée, j’entre dans sa chambre pour m’informer s’il ne lui manque rien. Vous comprenez qu’il n’y a pas de moyen pour elle d’y échapper.
M. Schürmann manque de modestie en qualifiant de sien un truc qui est depuis longtemps dans le domaine public : c’est ce qu’en argot des bonneteurs on appelle chambrer le pante.

(Grosclaude)

Chambrillon

d’Hautel, 1808 : Petite servante employée aux plus basses occupations du ménage.

Delvau, 1866 : s. f. Petite servante, — dans le même argot [du peuple].

Chambrion

France, 1907 : Petite servante.

— Elle est gentille vot’ chambrion. J’aimerais mieux la trouver dans mon lit qu’une punaise.

Chameau

Delvau, 1864 : Fille de mauvaises mœurs, nommée ainsi par antiphrase sans doute, le chameau étant l’emblème de la sobriété et de la docilité, et la gourgandine, l’emblème de l’indiscipline et de la gourmandise.

L’autre dit que sa gorge a l’air d’un mou de veau,
Et toutes sont d’accord que ce n’est qu’un chameau.

Louis Protat.

Suivre la folie
Au sein des plaisirs et des ris,
Oui, voilà la vie
Des chameaux chéris
À Paris.

Justin Cabassoc.

Larchey, 1865 : Femme de mauvaise vie. — On dit aussi : Chameau d’Égypte, chameau à deux bosses, ce qui paraît une allusion a la mise en évidence de certains appas.

Qu’est-ce que tu dis là, concubinage ? coquine, c’est bon pour toi. A-t-on vu ce chameau d’Égypte !

Vidal, 1833.

Cette vie n’est qu’un désert, avec un chameau pour faire le voyage et du vin de Champagne pour se désaltérer.

F. Deriège, 1842.

Delvau, 1866 : s. m. Fille ou femme qui a renoncé depuis longtemps au respect des hommes. Le mot a une cinquantaine d’années de bouteille.

Delvau, 1866 : s. m. Compagnon rusé, qui tire toujours à lui la couverture, et s’arrange toujours de façon à ne jamais payer son écot dans un repas ni de sa personne dans une bagarre.

Rigaud, 1881 : Homme sans délicatesse. — Terme de mépris à l’adresse d’une femme. — Femme de mauvaise vie qui roule sa bosse comme le chameau la sienne. « La femme est un chameau qui nous aide à traverser le désert de la vie » a dit un insolent dont le nom m’échappe.

France, 1907 : Substantif masculin employé au féminin pour désigner une vieille ou jeune personne de morale relâchée. D’où peut venir cette expression ? Ce n’est certainement pas des protubérances naturelles au beau sexe. Faut-il voir dans cette singulière appellation une comparaison avec la docilité qu’a le chameau de se coucher pour recevoir sa charge, et celle de la fille qui subit le client ?

Mais ce déballage de honte, cette exhibition de crève-la-faim, cela soulève le cœur des catins de la haute, des salopes bourgeoises, les rivales, ces chameaux vêtues de soie et de fourrures, qui ont des amants dans tous leurs tiroirs, sans avoir, comme toi, l’excuse, la suprême excuse de la faim.

(La Révolte)

Un certain soir, des biches de la haute
Festoyaient dans un restaurant ;
De nous griser ne faisons pas La faute,
Dit l’une, et tenons notre rang !
Alors que nous sommes en noces,
Ne luttons que de gais propos,
Car, si nous nous faisions des bosses…
On nous prendrait pour des chameaux.

France, 1907 : Sale individu, homme sur lequel on ne peut compter, plus disposé à exploiter qu’à aider ses camarades. Encore une bizarrerie de langage à laisser étudier aux étymologistes, car le chameau est un animal utile et fort exploité et sur la sobriété duquel repose le salut des caravanes.

M’est avis que d’entrer en relations avec les pestailles, lez jugeurs et les piliers de prison, ça vous donne le dégoût de ces chameaux, et ça augmente votre haine contre les horreurs sociales.

(Le Père Peinard)

Chameliers (les)

Merlin, 1888 : Les anciens guides.

Chamelle

France, 1907 : Emplové dans le même sens que chameau.

Sur l’une et l’autre mamelle
De cette jeune chamelle,
Comme le tambour Legrand,
J’ai souvent battu la charge…

(A. Glatigny)

Champ

d’Hautel, 1808 : Il y a long-temps que son honneur court les champs. Se dit malignement d’une fille sans pudeur et sans mœurs ; pour faire entendre qu’elle a commencé de bonne heure à s’adonner au libertinage et au vice. On dit aussi d’un écervelé, d’un fou, d’un homme sans jugement, que son esprit court les champs.
Prendre la clef des champs.
Pour s’échapper, prendre l’essor.
Il a un œil au champ et l’autre à la ville. Se dit d’un homme vigilant, qui voit ce qui se passe de près et de loin.
Il y a assez de champ pour faire glane. Signifie que quel que soit l’état où le sort nous a placés, avec une bonne conduite et de l’activité, on peut toujours trouver de l’emploi.
À tout bout de champ. Pour dire à tout propos ; à tout moment.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, que Dieu a condamné l’homme à labourer et à ensemencer, ce à quoi il ne manque pas.

Si pour cueillir tu veux donques semer,
Trouve autre champt et du mien te retire.

Marot.

De manière que son champ ne demeurât point en friche.

Ch. Sorel.

Larchey, 1865 : Champagne.

Maria. Oh !… du champ !… — Eole… agne. — Maria. Qu’est-ce que vous avez donc ? — Eole. On dit du champagne. — Maria. Ah bah ! où avez-vous vu ça ?

Th. Barrière.

Rigaud, 1881 : Vin de Champagne ; par abréviation. — Voulez-vous un verre de champ ? — Je m’en sens Montebello à la bouche…

Fustier, 1889 : Argot de sport. L’ensemble des chevaux qui se présentent pour figurer dans la même épreuve. Parier pour un cheval contre le champ, c’est parier pour un cheval contre tous ses concurrents. (Littré.)

Champ d’oignons

Delvau, 1866 : s. m. Cimetière, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que les morts empruntent aux vivants un terrain utilisé pour l’alimentation de ceux-ci.

Champ de bataille

Delvau, 1864 : Le lit, sur lequel se tirent tant de coups et, tout au contraire de l’autre, se fabriquent tant de créatures humaines. — On employait autrefois ce mot pour : la nature de la femme. L’expression moderne est plus exacte.

Il fallut abandonner le champ de bataille et céder Haria.

Diderot.

Quoiqu’il me parût fort dur de quitter le champ de bataille avant d’avoir remporté la victoire, il fallut m’y décider pourtant.

Louvet.

Champ de navet

Virmaître, 1894 : Cimetière d’Ivry. Il est ainsi nommé parce qu’il est sur l’emplacement de champs dans lesquels jadis les paysans cultivaient des navets. Au Château d’Eau sur l’emplacement de la caserne du prince Eugène (ci-devant) il existait un bal qui se nommait aussi pour les mêmes raisons, vers 1833, le Champ de Navet (Argot du peuple).

Champ de navets

Rigaud, 1881 : Cimetière des suppliciés, cimetière d’Ivry.

France, 1907 : Cimetière.

Quand la mère du jeune assassin Vodable vint après l’exécution réclamer les hardes de son fils, on lui remit avec diverses guenilles une vieille paire de souliers usés et avachis.
— Qu’est-ce que ces saletés ? s’écria-t-elle. Quand il a passé en jugement, je lui ai apporté une belle paire de bottines presque neuves, où sont-elles ?
— À ses pieds, répondit le geôlier.
— Ah ! la rosse, le salaud, le sans-cœur ! Des bottines de quinze francs, monsieur, si ça ne fait pas frémir ! Des bottines de quinze francs pour aller au Champ de navets.

Champ de tabac

Merlin, 1888 : Cimetière.

Champ’

France, 1907 : Apocope de champagne ; argot des petits crevés qui n’ont pas la force de prononcer toutes les syllabes d’un mot.

Champagne

d’Hautel, 1808 : Attrape, Champagne, c’est du lard. Phrase goguenarde dont on se sert pour railler quelqu’un à qui l’on a joué quelque tour, et que l’on est parvenu à attraper, à prendre dans quelque piège.

Champagne (fine)

Larchey, 1865 : Eau-de-vie fine. — Du nom d’un village de la Charente-Inférieure.

Nous lui ferons prendre un bain de fine champagne.

Cochinat.

Champagnes (les)

Rigaud, 1881 : Société de touristes parisiens, excursionnistes. (Imbert, À travers Paris inconnu.)

Champe

Hayard, 1907 : Champagne.

Champêtre

France, 1907 : Comique, un campagnard étant toujours comique aux yeux des citadins.

Champfleurisme

Delvau, 1866 : s. m. École littéraire dont Champfleury est le chef. C’est le réalisme.

Champfleuriste

Delvau, 1866 : s. et adj. Disciple de Champfleury.

Champi

France, 1907 : Enfant trouvé, bâtard, Dans l’avant-propos d’un de ses romans, George Sand donne ainsi la définition de ce mot :

— Un instant, dit mon auditeur sévère, je t’arrête au titre. Champi n’est pas français.
— Je te demande bien pardon, répondis-je. Le dictionnaire le déclare vieux, mais Montaigne l’emploie, je ne prétends pas être plus français que les grands écrivains qui font la langue. Je n’intitulerai donc pas mon conte François l’enfant trouvé, François le Bâtard, mais François Le Champi, c’est-à-dire l’enfant abandonné dans les champs, comme on disait autrefois dans le monde, et comme on dit encore aujourd’hui chez nous.

Champigneul

Hayard, 1907 : Garde-champêtre.

Champignon

d’Hautel, 1808 : Il vient comme un champignon. Se dit figurément d’un enfant plein de vigueur et de santé qui se développe sans secousse et d’une manière heureuse.
On dit aussi par ironie d’un homme qui, de pauvre qu’il étoit, s’élève subitement, qu’il est venu en une nuit comme un champignon.

Delvau, 1864 : Végétation charnue et maligne qui vient sur le membre viril par suite d’un contact suspect.

Elle n’eut jamais chaude-pisse,
Ni vérole, ni champignon.

H. Raisson.

Champignon (le)

Delvau, 1864 : Le membre viril, à cause de sa forme qui rappelle celle des cryptogames dont les femmes sont si friandes, surtout quand ce sont des champignons de couche.

Si son champignon
Ressemble à son piton.
Quel champignon,
Gnon, gnon,
Qu’il a, Gandon,
Don, don !

Alexandre Pothey.

Champion

d’Hautel, 1808 : C’est un fameux champion. Se dit par raillerie d’un homme inhabile, sans force sans courage et sans énergie.
On dit aussi d’une femme dont la vertu et les mœurs sont suspectes, que C’est une championne.

Champisse

France, 1907 : Féminin de champi.

Champoreau

Delvau, 1866 : s. m. Café à la mode arabe, concassé et fait à froid, — dans l’argot des faubouriens qui ont été troupiers en Afrique. Pour beaucoup aussi, c’est du café chaud avec du rhum ou de l’absinthe.

Merlin, 1888 : En Afrique, le champoreau est une sorte de café composé d’orge grillé ou de gland doux, additionné de sirop à la gélatine ; en France, dans les casernes, c’est le café froid ou chaud, quand ce n’est pas, comme dans certaines cantines de notre connaissance, un mélange indéfinissable, quelque chose comme du noir de fumée délayé dans l’acide nitrique.

France, 1907 : Boisson en usage en Algérie, d’où elle est passée en France, qui est simplement du café versé sur de l’eau-de-vie ou toute autre liqueur, et non, comme le dit Lorédan Larchey, « sur du café au lait très étendu d’eau ». Le champoreau se distingue du gloria en ce sens qu’il est servi dans un verre au lieu d’une tasse et que le café y est versé sur la liqueur au lieu de la liqueur sur le café, ce qui, d’après les amateurs, n’a pas du tout le même goût.
Il faut ajouter que le champoreau, tel que le prennent actuellement les soldats et les colons d’Afrique, n’est pas le même que celui de l’officier qui lui donna son nom et où l’eau-de-vie était remplacée par l’absinthe.

Le douro, je le gardais précieusement, ayant grand soin de ne pas l’entamer. J’eusse préféré jeûner un long mois de champoreau et d’absinthe.

(Hector France, Sous le Burnous)

Champs

Fustier, 1889 : Champs-Élysées. Argot des filles, des souteneurs et de toute la population interlope qui, la nuit venue, fait élection de domicile aux Champs-Élysées.

Chançard

Larchey, 1865 : Favorisé habituellement par la chance.

Delvau, 1866 : s. m. Homme heureux en affaires ou en amour, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Homme heureux dans les entreprises, soit en affaires, soit en amour.

Chançard, chançarde

Rigaud, 1881 : Celui, celle qui a de la chance.

On n’est pas chançard tous les jours.

(Hennique, La Dévouée.)

Chance au bâtonnet (avoir de la)

Rigaud, 1881 : Réussir.

La chance l’y tourne, comme si elle avait joué au bâtonnet avec moi.

(Amusements à la grecque, 1764.)

Chanceler

Delvau, 1866 : v. n. Être gris à ne plus pouvoir se tenir sur ses jambes, — dans le même argot [du peuple].

Chanceux

d’Hautel, 1808 : C’est un homme bien chanceux. Pour dire auquel on ne peut se fier ; sujet à caution ; sans réputation, sans crédit.

Chancre

d’Hautel, 1808 : Espèce d’ulcère qui ronge la partie du corps où il s’est formé.
Manger comme un chancre. Locution grossière, pour dire manger avec excès, comme un glouton ; être difficile à rassasier.

Delvau, 1864 : Petit ulcère cancéreux qui se déclare ordinairement sur le membre viril à la suite d’un contact malsain et qui, s’il n’est pas soigné, finit par infecter l’économie.

Jamais du moins on ne m’a vu
Foutre des chaudes-pisses ;
Pleins de chancres et de morpions.

(Parnasse satyrique.)

Delvau, 1866 : s. m. Grand mangeur, homme qui dévore tout, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Personne d’un large appétit. Pour les paysans, « les vieux », c’est-à-dire le père et la mère, qui ne produisent plus, sont toujours des chancres.

Chand

France, 1907 : Apothèse de marchand, plus fréquemment employé dans l’expression chand d’habits, fripier.

— Je suis prête à sortir, mais quel est mon profit ?
Payez-moi mes leçons, ma chère,
D’histoire ancienne et de grammaire,
Autrement qu’en effets sales et défraîchis
Dont ne veut pas le chand d’habits.

(Marc Legrand, La Fontaine de poche)

Chand, chande

Fustier, 1889 : Marchand, marchande.

Chandeleur

d’Hautel, 1808 : À la chandeleur les grandes douleurs. Parce qu’ordinairement à cette époque le froid se fait sentir avec beaucoup de rigueur.

Chandelier

Delvau, 1864 : La nature de la femme, dans laquelle brûle la chandelle de l’homme.

Delvau, 1866 : s. m. Le nez, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voyous ; un nez qui laisse couler beaucoup de chandelles.

Fustier, 1889 : Souteneur de filles.

Dans l’argot des voleurs, un chandelier signifie un souteneur de filles.

(Figaro, janvier 1886. V. Infra : Relever le chandelier.)

La Rue, 1894 : Souteneur. Nez.

France, 1907 : Le nez.

Chandelière

Rigaud, 1881 : Femme qui tient une table d’hôte et des tables de jeu à l’adresse des grecs, à la plus grande gloire du dessous du chandelier et au détriment des pigeons.

Chandelle

d’Hautel, 1808 : Trente-six, chandelles et le nez dessus, il n’y verroit pas plus clair. Se dit par exagération d’un homme sans intelligence, sans perspicacité, pour lequel les choses les plus claires et les plus simples deviennent obscures et embrouillées.
Il a passé comme une chandelle. Pour exprimer qu’une personne est morte sans crises, qu’elle a terminé doucement sa carrière ; ou qu’un malade a expiré au moment où l’on s’y attendoit le moins.
Ses cheveux frisent comme des chandelles. Se dit figurément d’une personne dont les cheveux sont plats, roides, et ne bouclent pas naturellement.
C’est un bon enfant qui ne mange pas de chandelle. Locution basse et triviale, pour faire entendre qu’un homme n’a pas l’humeur facile ; qu’il n’est pas aisé à mener ; qu’il ne se laisse pas marcher sur le pied.
Ses yeux brillent comme des chandelles. C’est-à-dire sont vifs, sémillans, pleins de feu.
Donner une chandelle à Dieu et une autre au diable. Ménager les deux partis, profiter de la mésintelligence qui règne entre plusieurs personnes.
À chaque Saint sa chandelle. Signifie qu’il faut faire des présens à chacun de ceux dont on peut avoir besoin dans une affaire.
Le jeu ne vaut pas la chandelle. Pour dire qu’une chose ne vaut pas la dépense, les frais qu’elle occasionne.
Il doit une belle chandelle au bon Dieu. Se dit de celui qui a échappé à un péril imminent, qui est revenu d’une dangereuse maladie.
On lui a fait voir mille chandelles. Se dit de quelqu’un à qui l’on a causé un grand éblouissement en le frappant rudement proche les yeux.
Cacher la chandelle sous le boisseau. Dissimuler ses opinions ; cacher son savoir faire.
Il a toujours deux chandelles qui lui pendent au nez. Se dit d’un enfant morveux ; d’un homme malpropre qui n’ayant pas soin de se moucher a continuellement des roupies au nez.
La chandelle se brûle. Se dit pour avertir quel qu’un qui perd inutilement un temps précieux.
La chandelle s’éteint. Manière figurée de dire qu’un homme approche du terme de sa carrière, qu’il s’en va mourant.
La chandelle qui va devant éclaire mieux que celle qui va derrière. Se dit de ces égoïstes : qui ne font aucun bien pendant leur vie, et se contentent seulement de faire espérer quelque chose après leur mort.
Il est bariolé comme la chandelle des rois. Voyez Barioler.

Delvau, 1864 : Le membre viril, qui fond et coule trop souvent — au feu du vagin de la femme.

Voici maître curé qui vient pour allumer sa chandelle, ou pour mieux dire l’éteindre.

(Les Cent Nouvelles nouvelles.)

De femmes qui montrent leurs seins,
Leurs tétins, leurs poitrines froides,
On doit présumer que tels saincts
Ne demandent que chandelles roides.

G Coquillart.

Delvau, 1866 : s. f. Soldat en faction. Même argot [des faubouriens]. Être entre quatre chandelles. Être conduit au poste entre quatre fusiliers.

Delvau, 1866 : s. f. Mucosité qui forme stalactite au-dessous u nez, — dans le même argot [des faubouriens].

Rigaud, 1881 : Mucosité nasale trop indépendante embrouillée avec le mouchoir. Souffler sa chandelle, se moucher avec les doigts, après reniflement.

Rigaud, 1881 : Litre de vin, bouteille. Elle est chargée d’allumer l’ivrogne.

Rigaud, 1881 : Baïonnette. — Se ballader entre quatre chandelles, marcher entre quatre soldats qui vous mènent au poste.

La Rue, 1894 : Agent de police. Bouteille.

France, 1907 : Mucosité que les enfants laissent sortir de leur nez.

France, 1907 : Le membre viril.

Allez donc, on vous appelle,
Votre ami tient la chandelle
Dont il veut vous éclairer.

(Gavette)

On dit éteindre sa chandelle, image parlante.

France, 1907 : Factionnaire. Soldat qui conduit quelqu’un au poste. « Être mené entre deux ou quatre chandelles. »

Le poste était à deux pas. Les soldats accoururent.
Pour la deuxième lois de la journée, voici Jean-Louis et Lapierre placés entre deux rangées de ces chandelles de Maubeuge, dont la mèche sent la poudre à canon.

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Se dit aussi de l’agent de police.

France, 1907 : Bouteille de vin. Faire fondre une chandelle, boire une bouteille de vin.

Chandelle (faire fondre une)

Fustier, 1889 : Boire une bouteille de vin.

La chiffonnière faisait alors un bout de toilette avant d’aller faire fondre une chandelle dans le sous-sol du père Grandesomme.

(Réveil, 1882.)

Chandelle (faire une)

Fustier, 1889 : Lancer une balle en hauteur de telle sorte qu’elle puisse facilement retomber dans les mains des joueurs. Argot des enfants. Allusion à la chandelle romaine, sorte de fusée.

Chandelle (moucher la)

Virmaître, 1894 : On dit cela au moutard qui laisse pendre sous son nez un filet de morve. On appelait autrefois chandelle les troupiers qui faisaient le service des postes de Paris pour conduire les voleurs aux bureaux des commissaires de police.
— J’ai été conduit entre quatre chandelles.
Allusion à la raideur du fusil (Argot du peuple).

Chandelle (tenir la)

Larchey, 1865 : Être placé dans une fausse position, favoriser le bonheur d’autrui sans y prendre part.

Embrassez-vous, caressez-vous, trémoussez vous, moi je tiendrai la chandelle.

J. Lacroix.

Une chanson imprimée chez Daniel, à Paris, en 1793, — Cadet Roussel républicain, — fournit cet exemple plus ancien :

Cadet Roussel a trois d’moiselles
Qui n’sont ni bell’s ni pucelles,
Et la maman tient la chandelle.

France, 1907 : Se prêter à de honteuses complaisances, favoriser d’illicites amours. Se retirer pour laisser en tête à tête sa femme ou sa fille avec son amant. Les gens qui tiennent la chandelle sont plus communs qu’on ne le pense.

À son destin j’abandonne la belle
Et me voilà. Des esprits comme nous
Ne sont pas faits pour tenir la chandelle.

(Parny)

Chandelle brûle (la)

Delvau, 1866 : Se dit, — dans l’argot des bourgeois, — pour presser quelqu’un, l’avertir qu’il est temps de rentrer au logis.

Chandelle par les deux bouts (brûler la)

France, 1907 : Hâter sa ruine par de folles dépenses. Dissiper à la fois ses ressources pécuniaires et intellectuelles. Brûler une chandelle pour chercher une épingle, faire des dépenses pour un résultat nul.

Change

Rigaud, 1881 : Trousseau fourni par les maîtresses de maison de tolérance à leurs pensionnaires, — dans le jargon des filles. Rendre son change, laisser ses nippes quand on passe d’une maison dans une autre.

France, 1907 : Vêtement de ville que les maîtresses de lupanar prêtent à une fille qui passe d’une maison dans une autre.

La plupart entrent au bordel ne possédant ni bas, ni souliers, ni chemises. Lorsque c’est à la prison où à l’hôpital qu’elles ont été recrutées, la dame de maison qui les a retenues est obligée de leur envoyer de quoi se couvrir ; et quand elles passent d’un lupanar à un autre, elles ne peuvent le faire qu’avec les vêtements appartenant à la maîtresse qu’elles quittent. Les filles ont une expression pour désigner ce trousseau lorsqu’elles le renvoient à sa propriétaire ; elles disent alors « quelles rendent leur change. »

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

France, 1907 : Substitution d’un jeu de caries prépare à celui qui est sur la table.

Méfiez-vous d’un banquier qui, après avoir pris une poignée de cartes pour servir les tableaux, se démène, fouille dans ses poches, prend son porte-billets, son mouchoir, son étui à cigares, assujettit sa chaise, se penche vers ses voisins, parle au croupier en se penchant sur la table, fait une réclamation bruyante, se querelle avec un ponte, froisse les cartes, se plaignant de leur mauvaise qualité, demande du feu en se tournant un peu de côté, etc., etc. Tout ce manège est pour dérouter l’attention et opérer le change de la poignée de cartes qu’il tient dans la main, afin de les remplacer par d’autres cartes qu’il a sur lui et qui sont « séquéncées. »

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Changement

d’Hautel, 1808 : Changement de corbillon fait trouver le vin bon. Signifie qu’il suffit souvent de changer une chose de lieu ou de forme, pour la faire trouver meilleure.
On dit aussi, Changement de corbillon, appétit de pain bénit. Pour dire que la nouveauté et la variété plaisent en toute chose.

Changer

d’Hautel, 1808 : C’est pour changer la même chose. Locution badine et ironique qui se dit lors qu’on remplace une chose par une autre qui a les mêmes inconvéniens, et qui est de même nature, ou qu’on substitue à un remède sans effet remède qui n’est pas plus efficace.
Il a été changé en nourrice. Se dit en mauvaise part d’un enfant qui, soit au physique, soit au moral, ne ressemble nullement aux auteurs de ses jours.
Il a changé son cheval borgne contre un aveugle. Voyez Aveugle.
Changer de batterie. Donner une autre direction à ses projets, à ses desseins.

Changer de composteur

Delvau, 1866 : Passer à un autre exercice, manger après avoir causé, rire après avoir pleuré, etc. Argot des typographes et des ouvriers.

Changer ses olives d’eau

Delvau, 1866 : v. n. Meiere, — dans l’argot des faubouriens.

Changer son fusil d’épaule

Virmaître, 1894 : Changer d’avis ou d’opinion. On dit pour exprimer la même chose : mettre son drapeau dans sa poche. Ou bien encore : retourner sa veste (Argot du peuple).

France, 1907 : Changer d’opinion, Les plus farouches sectaires, dès que leur intérêt est en jeu, s’empressent de changer leur fusil d’épaule.

Changer son poisson d’eau

Rigaud, 1881 : Uriner.

Virmaître, 1894 : Aller pisser. L’allusion est claire (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Uriner.

Changer son poisson ou ses olives d’eau

France, 1907 : Uriner.

Changeur

Delvau, 1866 : s. m. Le Babin chez lequel les voleurs vont, moyennant trente sous par jour, se métamorphoser en curés, en militaires, en médecins, en banquiers, selon leurs besoins du moment.

Rigaud, 1881 : Loueur de costumes pour messieurs les voleurs. Le changeur tenait une garderobe variée, grâce à laquelle sa clientèle pouvait se travestir selon les besoins du crime. Encore une industrie disparue, encore un industriel sur le pavé.

Rigaud, 1881 : Filou partisan du libre échange qui, dans les restaurants, les cafés, troque son affreux pardessus contre un pardessus tout flambant neuf. En été cet honnête industriel en est réduit à l’échange du chapeau.

La Rue, 1894 : Marchand d’habits fournissant aux voleurs des vêtements pour se déguiser.

Virmaître, 1894 : Le fripier chez lequel les voleurs vont se camoufler moyennant un abonnement : tout comme les avocats chez le costumier du barreau. Ils trouvent là tous les costumes nécessaires pour leurs transformations (Argot des voleurs).

France, 1907 : Marchand d’habits qui fournit de déguisements les voleurs.

Chanin

France, 1907 : Froid ; argot des canuts.

— Fermez le châssis qui m’apporte un air trop chanin.

(Joanny Augier, Le Canut)

Chanoine

d’Hautel, 1808 : Vivre comme un chanoine. Mener une vie nonchalante et oisive ; vivre dans l’abondance et la retraite.

Delvau, 1866 : s. m. Rentier, — dans l’argot des voleurs. Au féminin, Chanoinesse.

Fustier, 1889 : Récidiviste des maisons centrales.

France, 1907 : Récidiviste. Chanoine de Monte-à-regret, condamné à mort.

Chanoine de Monte-a-regret

Delvau, 1866 : Condamné à mort.

Chanoine, chanoinesse

France, 1907 : Rentier, rentière.

Chanrante

France, 1907 : La gale.

Chanson

d’Hautel, 1808 : Pour sornettes, fadaises, contes en l’air.
Il ne se paie pas de chansons. Signifie, il veut des effets et non de vaines paroles.
C’est la chanson de rịcochet, on n’en voit pas la fin. Pour dire, c’est une conversation aussi sotte qu’ennuyeuse ; c’est toujours les mêmes paroles, la même répétition.
C’est bien une autre chanson. Pour c’est bien une autre affaire ; c’est une affaire à part.

Chant du cygne

France, 1907 : On appelle ainsi, sur la foi de l’antiquité, le dernier poème ou la dernière composition d’un écrivain, d’un artiste. Pourquoi ? S’il faut s’en rapporter à l’Intermédiaire des chercheurs of des curieux, « ce sont les anciens qui ont fait du cygne, au moment de son agonie, on chantre merveilleux. Buffon lui trouve une voix sourde, comme une sorte de strideor, semblable à ce que l’on appelle le jurement du chat, et il rapporte le jugement de l’abbé Arnaud, qui compare cette voix au son d’une clarinette embouchée par quelqu’un à qui cet instrument ne serait pas familier. »
D’un autre côté, Erman, dans ses Voyages en Sibérie, affirme que le cygne blessé exhale ses derniers souffles dans des notes musicales extraordinairement nettes, claires et élevées.
Selon Nicol, la voix du cygnus musicus ressemble aux sons d’un violon, quoique plus aiguë. Dans l’Islande, ses cris présagent le dégel du printemps, et ce fait peut bien ajouter quelque chose à leur charme dans les oreilles des indigènes. De là peut-être aussi la réputation sacrée et prophétique du cygne (svan) dans les traditions norraines (Gylfa Ginning de Snorri Sturleson).
Tout cela est bien vague.

Chantage

un détenu, 1846 : Vol par pédérastie.

Larchey, 1865 : Extorsion d’argent sous menace de révélations scandaleuses.

Le chantage, c’est la bourse ou l’honneur…

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Industrie qui consiste à soutirer de l’argent à des personnes riches et vicieuses, en les menaçant de divulguer leurs turpitudes ; ou seulement à des artistes dramatiques qui jouent plus ou moins bien, en les menaçant de les éreinter dans le journal dont on dispose.

Rigaud, 1881 : Mise en demeure d’avoir à donner de l’argent sous peine de révélation.

Le chantage est un vol pratiqué non plus à l’aide du poignard ou du pistolet, mais d’une terreur morale, que l’on met sur la gorge de la victime qui se laisse ainsi dépouiller sans résistance.

(A. Karr, les Guêpes, 1845.)

L’inventeur du chantage est Farétin, un très grand homme d’Italie, qui imposait les rois, comme de nos jours tel journal impose tels acteurs.

(Balzac, Un grand homme de province à Paris.)

France, 1907 : Extorsion d’argent sous menaces de révélations qui peuvent perdre la réputation où l’honneur. Au lieu d’être la bourse ou la vie, c’est, comme disait Balzac, la bourse où l’honneur. Le chantage a existé de tout temps et partout, mais c’est surtout en Angleterre, en raison de l’hypocrisie des mœurs, qu’il a été et est encore le plus florissant. Reculant devant un scandale qui, même l’innocence prouvée, les eût perdus dans l’estime publique, où leur eût occasionné au moins de nombreux désagréments, des gens des plus honorables se sont laissé exploiter par d’affreux gredins.

De sorte qu’avec le système de chantage, qui est ici des plus prospères, outre qu’il n’est pas de Police Court (tribunal correctionnel) où l’on ne puisse se procurer autant de faux témoins qu’on en désire à raison de deux à cinq shillings par tête, la réputation, la fortune, la liberté, l’avenir du citoyen le plus honorable se trouvent à la merci des deux premières petites drôlesses venues.

(Hector France, Préface de Au Pays des brouillards)

Cette lâche industrie du chantage s’adresse surtout aux faibles, aux timides. aux innocents. Elle a ceci de terrible qu’elle bénéficie neuf fois sur dix de l’impunité, les victimes ayant un intérêt plus grand à payer en silence qu’à porter plainte, le châtiment des coupables ayant pour répercussion l’écrasement, la honte, la disqualification, la déchéance et la ruine des victimes.

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Chantage (banque de)

Halbert, 1849 : Où l’on escompte la diffamation.

Chantage au saute-dessus

France, 1907 : Industrie particulière à certains gredins faisant profession de pédérastie. On saute sur la victime, d’ailleurs peu intéressante, on l’effraye et on la dépouille.

Il est démontré, il est constaté d’une façon irréfutable que tout prostitué du sexe masculin est en même temps un bandit de la pire espèce ; pour lui, la pédérastie est un moyen de chantage, de vol, souvent même d’assassinat.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Chanté

Halbert, 1849 : Dénoncé.

Chanté (être)

Delvau, 1866 : Être dénoncé, — dans l’argot des voleurs.

Chanteau

Delvau, 1866 : s. m. Morceau de pain ou d’autre chose, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Morceau de pain : c’est le morceau qui est ajouté par le boulanger pour parfaire le poids ; du vieux verbe achanter, prose sur champ. Les petits morceaux de pain distribués autrefois aux communiants — les hosties ne furent introduites qu’au XIIe siècle — étaient appelés pains en chanteau. D’où, par corruption, pain enchantée, comme dans certaines campagnes on appelle encore le pain bénit.

Chanter

d’Hautel, 1808 : Faire chanter quelqu’un. Locution burlesque qui signifie soutirer, censurer, rançonner quelqu’un ; lui faire payer par ruse ou par force une chose qu’il ne devoit pas.
Faire chanter quelqu’un. Signifie aussi le faire crier, en lui infligeant quelque châtiment.
Chanter pouille. Gourmander, repousser gronder quelqu’un.
Chanter magnificat à matines. Pour faire quelque chose à contre-temps, à rebours.
Chanter une gamme à quelqu’un. Le reprendre, lui faire des sévères, remontrances.
Il faut chanter plus haut. Pour dire, il faut enchérir, offrir davantage.
Il nous chante toujours la même chose. Pour dire il répète toujours la même chose ; il gronde continuellement.
Qu’est-ce que vous nous chantez là ? Locution ironique et familière que l’on adresse à quel qu’un qui tient des discours ridicules ou des propos que l’on ne goûte nullement ; ce qui équivaut à : Que voulez vous dire ? Qu’est-ce que cela signifie ?

Larchey, 1865 : Être victime d’un chantage.

Tout homme est susceptible de chanter, ceci est dit en thèse générale. Tout homme a quelques défauts de cuirasse qu’il n’est pas soucieux de révéler.

Lespès.

Faire chanter signifie obtenir de l’argent de quelqu’un en lui faisant peur, en le menaçant de publier des choses qui pourraient nuire à sa considération, ou qu’il a pour d’autres raisons un grand intérêt a tenir ignorées.

Roqueplan.

Faire chanter : Faire payer par ruse une chose qu’on ne doit pas.

d’Hautel, 1808.

Étymologie incertaine. Faire chanter devrait, selon nous, s’appliquer a la bourse. C’est celle-ci qui ouvre sa bouche pour faire entendre le chant de ses pièces d’or.

Delvau, 1866 : v. a. Parler, — dans l’argot du peuple, qui n’emploie ce verbe qu’en mauvaise part. Faire chanter. Faire pleurer.

Rigaud, 1881 : Payer pour obtenir le silence de quelqu’un.

La Rue, 1894 : Dire. Faire chanter, mettre à contribution. Chantage, extorsion d’argent sous menace de révéler un secret.

Chanter (faire)

Delvau, 1866 : Faire donner de l’argent à un homme riche qui possède un vice secret que l’on connaît, ou à un artiste dramatique qui tient à être loué dans un feuilleton. L’expression est vieille comme le vice qu’elle représente.

Rigaud, 1881 : Battre monnaie à l’aide d’un secret. — Aux XVIIe et XVIIIe siècles l’expression avait le sens de soumettre, faire entrer en composition.

Porteront le fer et le feu au cœur de la France et la feront chanter.

(Lucien, trad. Per. d’Ablancourt.)

Les voleurs modernes emploient le verbe « charrier » dans le sens de faire chanter.

France, 1907 : Extorquer de l’argent à quelqu’un sous la menace de révélations scandaleuses, en lui faisant peur, en le menaçant de publier certains faits qui pourraient nuire à sa considération, et qu’il a par conséquent intérêt à tenir ignorés. Faire chanter signifiait, autrefois, faire payer une chose qu’on me doit pas.

Le chantage existe partout, et celui que l’en punit n’est pas toujours le plus dangereux. Il y a le chantage en gants paille qui s’exerce dans un salon, qui prend des airs de vertu, qui, du haut de son équipage, éclabousse le passant ; celui-là on ne l’atteint pas ! Mais le tribunal est la terreur de ces exploiteurs de bas étage qui proposent aux gens craintifs et aux pusillanimes une terrible alternative : la bourse ou le déshonneur !

(Figaro)

— Jouons cartes sur table. Qu’est-ce que tu veux ?… de l’argent ?… je t’en donnerai aujourd’hui… tu reviendras demain… après-demain… dans une semaine… dans un mois… tu reparaitras toujours. Tu me feras chanter, enfin… Regarde-moi bien en face. Ai-je l’air de ces timorés que les menaces effrayent ?…

(Hector France, La Vierge russe)

Chanter au charpentier

France, 1907 : Crier au voleur.

— Mais si le daim au pelot s’aperçoit que je lui achète sa ligue (que je lui vole son vêtement) et qu’il chante au charpentier ? dit avec une certaine appréhension le timide Bec-de-Lampe.
— Et mon orgue ! (et moi…) est-ce que je ne suis pas là pour sauver la mise ?…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Chanter comme un rossignol d’arcadie

France, 1907 : Braire comme un âne.

Chanter l’introït

Delvau, 1864 : Introduire son membre dans le vagin d’une femme, ce qui est le commencement (introitus) de la jouissance.

Une catin s’offrant à l’accolade,
À quarante ans, il dit en introït.

Piron.

Chanter l’office de la vierge

France, 1907 : Commettre avec une jeune fille l’acte vénérien. Les impies disent aussi chanter la messe.

Chanter le chant du départ

Delvau, 1866 : v. a. Quitter une réunion une compagnie d’amis, — dans l’argot des bohèmes.

France, 1907 : Quitter une réunion.

Chanter pouille

Delvau, 1866 : v. n. Chercher querelle, dire des injures. Argot du peuple.

France, 1907 : Chercher querelle à quelqu’un, l’injurier. Dire des choses offensantes. La véritable origine de ce dicton populaire, dit Ch. Nisard, Poggio, dans ses Facéties, nous l’indique en ces termes : « Une femme appela un jour sou mari pouilleux. L’autre répondit à cette injure pur une décharge de coups de poing. Quand il eut fini, La femme de recommencer à crier pouilleux. Le mari furieux lie sa femme avec une corde, et la descend dans un puits, avec menace de la noyer, si elle ne se tait. La femme ayant de l’eau jusqu’au menton, répétait encore pouilleux. Le mari lâche la corde, la femme fait le plongeon. Mais elle a les bras libres : elle les élève au-dessus de l’eau, et rapprochant ces pouces ongle sur ongle, elle fait entendre par ce signe à son mari ce que sa bouche ne peut plus lui dire. »

Chanterelle

d’Hautel, 1808 : Appuyer sur la chanterelle. Manière de parler figurée, qui signifie prêter aide et secours à quelqu’un dans une affaire ; ou hâter le succès d’une entreprise par son approbation et son crédit.

Chanterelle (appuyer sur la)

Larchey, 1865 : Faire crier. — Assimilation de la voix à la corde aiguë d’un instrument.

Chanteur

Clémens, 1840 : Celui qui fait contribuer les rivettes.

un détenu, 1846 : Voleur pédéraste.

Halbert, 1849 : Voleur spéculant sur la bienfaisance.

Delvau, 1866 : s. m. Homme sans moralité qui prend en main la cause de la morale quand elle est outragée par des gens riches.

Rigaud, 1881 : Misérable gredin qui exerce l’art du chantage. Le prototype du chanteur est celui qui exploite les passions honteuses des émigrés de Gomorrhe, qu’il sait faire financer sous menace de révéler leurs turpitudes. Quelquefois des compères interviennent sous les espèces de faux agents des mœurs. — Le nombre des chanteurs est infini, et le chantage s’exerce sur toutes les classes de la société.

France, 1907 : Individu qui prend en main la cause de la morale quand il croit, qu’il peut en résulter un avantage pour lui. On dit aussi maître chanteur.

Michelet souhaitait un art qui sût toucher et anoblir les simples. Nos ministres m’ont de goût que pour la musique du baron de Reinach. C’est qu’ils confondent le chant et le chantage. Ils tiennent pour le meilleur des musiciens le plus fameux des maîtres chanteurs.

(Maurice Barrés, Le Journal)

Chanteur de la chapelle Sixtine

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui, par vice de conformation ou par suite d’accident, pourrait être engagé en Orient en qualité de capi-agassi.

France, 1907 : Homme qui, à la suite de quelque accident, a perdu ses testicules. Allusion aux castrats qui formaient autrefois le chœur de ladite chapelle.

Chanteur-recette

Rigaud, 1881 : Artiste lyrique dont le nom sur l’affiche attire le public dans un théâtre.

Et cependant Duprez était toujours le chanteur-recette de l’Opéra.

(Ch. de Boigne.)

Chanteurs

Larchey, 1865 : « Hommes exploitant la crainte qu’ont certains individus de voir divulguer des passions contre nature. Ils dressent à cette fin des jeunes gens dits Jésus qui leur fournissent l’occasion de constater des flagrants délits sous les faux insignes de sergents de ville et de commissaires de police. La dupe transige toujours pour des sommes considérables. » — Canler. Vidocq range dans la catégorie des chanteurs — 1. Les journalistes qui exploitent les artistes dramatiques ; — 2. Les faiseurs de notices biographiques qui viennent vous les offrir à tant la ligne ; — 3. Ceux qui vous proposent à des prix énormes des autographes ayant trait à des secrets de famille. — « Sans compter, ajoute-t-il, mille autres fripons dont les ruses défraieraient un recueil plus volumineux que la biographie Michaud »

Chantez à l’âne, il vous fera des pets

France, 1907 : Faites des amabilités à un rustre, il répondra par des injures.

Oignez vilain, il vous poindra.

Chantier

d’Hautel, 1808 : Il est sur le chantier. Se dit d’un ouvrage commencé et auquel on travaille avec ardeur et persévérance.

Rigaud, 1881 : Embarras, complication ; par allusion à l’encombrement des chantiers. (L. Larchey)

La Rue, 1894 : Embarras, complication.

Chanveux

France, 1907 : Ligneux, filandreux.

Chapardage

Rigaud, 1881 : Maraudage. En Afrique les soldats des compagnies de discipline pratiquent un chapardage bien entendu.

Chaparder

Larchey, 1865 : Marauder. — De chat-pard : chat-tigre ou serval. — Les zouaves passent pour les plus habiles chapardeurs de l’armée française.

Delvau, 1866 : v. a. Marauder, — dans l’argot des troupiers.

Merlin, 1888 : Marauder, voler.

Virmaître, 1894 : Aller à la maraude (Argot des troupiers).

Rossignol, 1901 : Prendre.

En nous promenant à la campagne, nous avons chapardé des cerises.

Hayard, 1907 : Marauder.

France, 1907 : Marauder, de chat-pard, chat-tigre ; argot des soldats d’Afrique.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’on fricote ? Eh ! eh ! on se nourrit bien ici, tonnerre de Dieu ! ça sent bon ! Ah ! Ah ! C’est Jacobot ! D’où avez-vous tiré ce freschsteack ? Où diable a-t-il trouvé à chaparder de la viande, ce rossard ?
C’était Le gros commandant Rambaut qui, réveillé, lui aussi, s’avançait par l’odeur alléché.

(Hector France, Sous Le Burnous)

Puis voici cette étrange fille, Thérèse Figneur, dite Sans-Gêne, dont la vie est toute une épopée coupée d’éclats de rire. Engagée à dix-neuf ans dans la légion allobroge, elle est dragon au siège de Toulon. Elle vit familièrement avec l’état-major, partageant avec le sergent Masséna et le soldat Junot un gigot de mouton chapardé durant une reconnaissance en fourrageurs.

(Marzac)

Se dit aussi pour voler :

En quoi la sûreté de l’État et la défense nationale sont-elles compromises parce que j’ai prouvé, preuves en mains, qu’on avait chapardé du blé et que le Magenta ne répondait pas comme bâtiment à ce qu’on était en droit d’en attendre ?…
La publication que j’ai faite intéresse, en effet, la défense nationale, compromise par des serviteurs infidèles. Elle ne peut être désagréable qu’aux voleurs.

(Clemenceau, La Justice)

Chapardeur

Delvau, 1866 : s. m. Maraudeur.

Rigaud, 1881 : Maraudeur. — Soldat en maraude. — Mari qui trompe sa femme.

Virmaître, 1894 : Qui chaparde (Même argot).

Rossignol, 1901 : Celui qui chaparde.

France, 1907 : Maraudeur, chipeur ; voleur de menus objets.

Cinq ou six députés ont une réputation bien établie ; on sait qu’ils se nourrissent à la buvette. On a dû réduire le service de la buvette. On ne donne plus que des bouillons, du chocolat, des sandwichs. Depuis ce temps, ces messieurs sont obligés de faire une fois par semaine un repas au dehors. Ils en sont navrés, les malheureux !
On finira par renoncer aux séances de nuit. Quand arrive une circonstance de ce genre, bon nombre de députés, ayant trop stationné à la buvette, sont disposés à égayer trop vivement la situation.
Quant aux fournitures de bureau, elles disparaissent avec une rapidité vertigineuse. Le député est chapardeur. Autrefois, la questure mettait à la disposition des représentants de la nation de fort beau papier à lettre. On en emportait tant, que la questure dut leur donner du papier de qualité inférieure.

(Petit Marseillais)

Chapaut

France, 1907 : Bavard, celui dont la parole va comme le « clapotage de l’eau. » (V. Lespy et P. Raymond)

Chapauter ou chapoter

France, 1907 : Bavarder.

Chape

d’Hautel, 1808 : Trouver chape-chutte. Trouver une occasion favorable, une bonne fortune, une affaire galante.
Se débattre de la chape à l’évêque. Contester sur une chose qui n’est ni ne peut être d’aucun intérêt pour les personnes qui se la disputent.

Chapeau

d’Hautel, 1808 : On dit du chapeau ou du bonnet d’un homme stupide, ignorant et grossier, que c’est un couvre sot.
Mettre un beau chapeau sur la tête de quelqu’un.
Débiter sur son compte des propos outrageans.
Il y avoit beaucoup de femmes, mais pas un chapeau. Se dit d’une assemblée ou il n’y avoit pas d’hommes.
On dit d’un homme qui a une jolie demoiselle que cela lui vaudra des coups de chapeau. Pour exprimer qu’on lui fera politesse, qu’on recherchera son alliance.
Elle s’est donnée-là un mauvais chapeau. Se dit d’une fille qui a fait quelqu’action contre la pudeur et la chasteté, qui a terni sa réputation.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, dont se coiffe si volontiers la tête un membre viril.

Que tes main s’est piqué les doigts
Au chapeau de la mariée.

Béranger.

Fustier, 1889 : Homme de paille, remplaçant sans titre sérieux.

Ce ne sont pas des chapeaux que j’ai laissés à mon siège d’administrateur (de compagnie financière), mais bien des titulaires réels.

(Journal officiel belge, mars 1874, cité par Littré.)

Cet emploi vient de l’habitude, dans les bals, de marquer sa place en y laissant son chapeau.

France, 1907 : On appelle ainsi, dans l’argot des journalistes, les quelques lignes explicatives dont on fait quelquefois précéder un article ou un extrait de livre.

France, 1907 : Homme qui en remplace un autre pour la forme. Cette expression vient de ce que certains employés s’esquivent de leur bureau en laissant à leur place un chapeau pour faire croire, en cas de visite d’un supérieur, qu’ils ne sont absents que pour quelques instants.

France, 1907 : Barre transversale qui surmonte la guillotine et à laquelle est fixé le couteau.

— La guillotine, dit le bourreau, est à présent une espèce d’étal. Elle est placée au niveau du sol, l’escalier ayant été supprimé.
— Quelles sont ses dimensions exactes ?
— Les voici : 4 mètres de longueur sur 3 mètres 80 de largeur, environ 4 mètres carrés d’estrade. Aux deux tiers de la hauteur, vous voyez les montants couronnés par le chapeau, ils ont 4 mètres d’élévation sur 47 centimètres d’écartement.

(Michel Morphy, Les Mystères du crime)

Chapeau en bataille

Delvau, 1866 : s. m. Dont les cornes tombent sur chaque oreille. Argot des officiers d’état-major. Chapeau en colonne. Placé dans le sens contraire, c’est-à-dire dans la ligne du nez.

Chapeau en goudron (avoir un)

Delvau, 1864 : Enculer un homme ou une femme, ce qui couvre le membre viril d’un brai de vilaine couleur et de plus vilaine odeur.

Dans le trou d’ ton cul faut que j’ m’affalle ;
Tach’de ravaler ton étron,
Pour que je n’ sorte pas d’ici
Avec un chapeau de goudron.

Alphonse Karr.

Chapelain

Boutmy, 1883 : s. m. Celui des ouvriers qui tient les copies de chapelle. (B. Vinçard.) Inusité depuis que la chapelle n’existe plus.

Chapelet

d’Hautel, 1808 : Défiler son chapelet. Dire à quelqu’un ce que l’on a sur le cœur ; ne rien lui déguiser.
Il n’a pas gagné cela en disant son chapelet. Se dit malignement d’un homme qui a été puni de quelque faute ; ou de quelqu’un qui s’est promptement enrichi.

Chapelet de Saint-François

Virmaître, 1894 : Chaîne qui sert à attacher les condamnés. C’est un chapelet que volontiers ils n’égrèneraient bien pas (Argot des voleurs).

France, 1907 : Chaîne d’un forçat.

Chapelet de St-François

Rossignol, 1901 : Menottes à l’usage des gendarmes pour attacher les poignets des détenus. C’est une chaîne d’environ un mètre, faite en fil de fer, à laquelle est un cadenas à chaque bout. Celui qui a cet outil aux poignets a toujours l’air d’égrainer un chapelet.

Chapelle

d’Hautel, 1808 : Jouer à la chapelle. S’occuper de choses frivoles, de futilités, comme le font ordinairement les enfans.

Delvau, 1864 : Le con — que l’homme ne voit pas sans ployer les genoux.

Il tâcha de faire entrer son idole dans ma chapelle ; à quoi je l’aidai en écartant les cuisses et en avançant le croupion autant qu’il me fut possible.

(Mémoires de miss Fanny.)

Tous les passants dedans cette chapelle
Voulaient dévots apporter leur chandelle.

(La Chapelle d’amour.)

Le compagnon lui plut si fort,
Qu’elle voulut en orner sa chapelle.

Piron.

Delvau, 1866 : s. f. Cabaret, buvette quelconque, — dans l’argot des ouvriers, dévots à Bacchus. Faire ou Fêter des chapelles. Faire des stations chez tous les marchands de vin.

Rigaud, 1881 : Comptoir de marchand de vin. Une chapelle où les ivrognes vont faire leurs dévotions.

Boutmy, 1883 : s. f. Réunion des typographes employés dans la même imprimerie, et qui constituait une sorte de confrérie. Les chapelles n’existent plus.

Fustier, 1889 : Coterie.

France, 1907 : Cabaret. C’est, en effet, la chapelle de Bacchus. Fêter des chapelles, faire une tournée chez les marchands de vins.

Chapelle (faire petite)

France, 1907 : Mouvement particulier aux femmes qui se trouvent près du feu. Elles troussent leurs jupons, présentant à la flamme leurs jambes, colonnes du tabernacle qui est au fond.

Chapelle (faire)

Rigaud, 1881 : Se chauffer à un feu de cheminée ou devant un poêle, en relevant ses jupes de manière à montrer un peu plus que la couleur des jarretières. — Faire chapelle ardente, se chauffer comme il est dit ci-dessus, mais sans jupes.

Chapelle (préparer sa petite)

Rigaud, 1881 : Ranger dans le sac tous les objets d’équipement, — dans le jargon des troupiers.

Chapelle (rester en)

Rigaud, 1881 : Se dit en terme d’équarrisseur, des chevaux qui attendent, attachés, le moment fatal.

Leurs crinières et leurs queues sont coupées ras. Autrefois un cheval restait ainsi quelquefois plusieurs jours en chapelle, et pen-dant ce temps-là on ne lui donnait pas à manger.

(Paris en omnibus, 1854.)

Chapelle blanche

Virmaître, 1894 : Le lit. Allusion à la blancheur des draps (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Le lit.

Chapelure

Rossignol, 1901 : Cheveux. Celui qui a peu de cheveux n’a plus de chapelure sur le jambonneau.

Chapelure sur le jambonneau (n’avoir plus de)

France, 1907 : Être chauve.

Chapelure sur le jambonneau (pas de)

Virmaître, 1894 : Absence complète de cheveux. Genou hors ligne. On dit aussi : pas de cresson sur le caillou (Argot du peuple).

Chaperon

d’Hautel, 1808 : (Bonnet). Ils sont comme deux têtes dans un chaperon. Se dit de deux personnes qui ont les mêmes sentimens, les mêmes opinions et qui vivent dans une très-grande familiarité.
Qui n’a point de tête, n’a que faire de chaperon.

Chaperonner

Virmaître, 1894 : Protéger quelqu’un. Mot à mot : lui servir de chaperon pour le couvrir (Argot du peuple).

Chapi

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des faubouriens, dont les ancêtres ont dit chapel et chapin.

France, 1907 : Chapeau ; du vieux mot chapin.

Chapiteau

Delvau, 1866 : s. m. La tête, — sommet de la colonne-homme, Même argot [des faubouriens].

France, 1907 : La tête.

Chapitre

d’Hautel, 1808 : Sujet, matière. On s’est entretenu sur son chapitre. Pour dire on a parlé de lui.
Il n’a pas voix au chapitre. Pour dire il n’a ni crédit, ni prépondérance dans cette affaire.

Chapitrer

d’Hautel, 1808 : Gronder, faire des réprimandes à quelqu’un, lui laver la tête.

Chapon

d’Hautel, 1808 : Gros comme un chapon.
Il a les mains en chapon rôti.
Se dit figurément d’un homme qui est sujet à prendre, qui s’empare de tout ce qui lui tombe sous la main ; et au propre de quelqu’un qui a les doigts crochus et retirés.
Qui chapon mange, chapon lui vient. Signifie que le bien vient souvent à ceux qui n’en ont pas besoin.
Deux chapons de rente. Se dit de deux personnes ou de deux choses inégales, parce que il y a toujours un de ces chapons gras et l’autre maigre.
Ce n’est pas celui à qui le bien appartient qui en mange les chapons. Se dit d’un bien, d’une terre dont le véritable propriétaire est frustré ; ou d’un homme qui porte le nom d’une terre, et n’en touche pas les revenus.
On appelle chapon de Limousin, des chataignes ou marrons, parce que ces fruits sont très-abondans en Limoge.
Se coucher en chapon. Se coucher après avoir bien bu, bien mangé ; ou se coucher les jambes recroquevillées.

Delvau, 1864 : (au figuré) ; Homme châtré ou impuissant.

En termes de cuisine, l’on appelle chapon le croûton de pain frotté d’ail qui aromatise la salade.
Un de nos confrères, célèbre par sa continence… forcée, dînait dimanche à la campagne.
— Aimez-vous le chapon ? lui demande la maîtresse de la maison.
— Oh ! non, je ne peux pas le sentir.
— Parbleu ! fit un convive, ça lui rappelle Boileau.

Émile Blondet.

Pour ma part, moi j’en réponds,
Bien heureux sont les chapons.

Béranger.

Delvau, 1866 : s. m. Morceau de pain frotté d’ail, — dans l’argot du peuple, qui en assaisonne toutes les salades. On dit aussi Chapon de Gascogne.

France, 1907 : Un croûton de pain frotté d’ail que l’on met dans la salade. On dit aussi dans le mème sens chapon de Gascogne.

France, 1907 : Moine, dans l’argot populaire. Cage à chapons, monastère ; les moines s’engraissant généralement dans une douce oisiveté, comme le chapon en cage.

Chapon de Limousin

Delvau, 1866 : s. m. Châtaigne.

France, 1907 : Châtaigne.

Chaponner un homme

Delvau, 1864 : Le châtrer, lui couper les testicules, — comme le bon chanoine Fulbert fit au libertin Abeilard.

Je te chaponnerai, puis je t’arracherai les couilles rasibus.

Louis Protat.

Chapska

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau. Argot des faubouriens. C’est un souvenir donné à la coiffure des lanciers polonais, — de la garde nationale de Paris.

France, 1907 : Chapeau. C’est le nom polonais donné à la coiffure des lanciers dont le modèle fut pris des lanciers polonais.

Chapuiser

Delvau, 1866 : v. n. Tailler, couper, — dans l’argot du peuple, qui emploie là un des vieux mots de notre langue.

France, 1907 : Tailler, couper.

Char numéroté

France, 1907 : Fiacre.

Charabia

Larchey, 1865 : Auvergnat. On dit aussi Auverpin.

Que penseriez-vous d’un homme qui n’est ni Auverpin ni Charabia ?

Privat d’Anglemont.

Larchey, 1865 : « toutes ces affaires se traitent en patois d’auvergne dit charabia. »

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Patois de l’Auvergne. Se dit aussi pour Auvergnat.

Rigaud, 1881 : Auvergnat, charbonnier, porteur d’eau. C’est le langage de l’Auvergnat pris pour l’Auvergnat lui-même. D’autres fois on appelle l’Auvergnat un fouchtra, par allusion à son juron favori.

France, 1907 : Auvergnat, sert à désigner tout langage baroque inintelligible ou peu grammatical. « L’école des décadents écrit en charabia »
D’après quelques étymologistes, ce ne serait que la transformation de arabia. Parler charabia serait donc parler arabe, c’est-à-dire une langue qu’on ne comprend pas, L’origine de l’expression remonterait à l’occupation de nos provinces méridionales par les Sarrasins.

Charades

Delvau, 1864 : Jeu de société qui, comme tous les jeux innocents, ne contribue pas peu à l’instruction des jeunes filles.

On jouait aux charades chez la princesse M… — Une jeune dame proposa celle-ci :
« Mon premier est un instrument de plaisir.
Mon second sert dans les jeux de hasard,
Et mon tout est le nom d’un grand homme. »
— Je le tiens ! s’écria madame A… Et elle articula, presque timidement, ces deux syllabes : Con-dé.
— C’est assez compris, dit l’auteur ; mais il y a quelque chose de trop grand et quelque chose de trop petit.
Une dernière dame hasarda : Lamotte-Piquet.
— Il y a du bon, mais ce s’est pas encore cela. Personne ne dit plus mot)… Eh bien ! le nom de mon homme, c’est… Vagin-jeton.
La princesse en rit encore !
Voici une anecdote qui concerne cette aimable femme :
On lui avait recommandé un jeune auteur d’avenir. Celui-ci se présente un jour qu’elle avait fixé pour le recevoir.
— Ah ! c’est vous, dit-elle, Monsieur… Monsieur Lévy, je crois ?
— Madame, je me nomme Lèpine.
— Oh ! mon Dieu, reprend la princesse, c’est la même chose. Il me semblait bien aussi qu’il y avait un vit ou une pine au bout de votre Lé. — Asseyez-vous donc, je vous prie, et quand je connaîtrai votre affaire, je verrai ce que je puis pour vous.

(Historique.)

Charante

France, 1907 : Table.

Charbon

d’Hautel, 1808 : On ne peut rien tirer d’un sac à charbon. Pour dire qu’il n’y a rien d’honnête à prétendre d’un ignorant ou d’un sot parvenu.
Il a l’ame noire comme du charbon. Manière exagérée de dire qu’un homme est faux, perfide, hypocrite et méchant.
Il y a bien du charbon de rabais. Pour dire qu’une marchandise est bien diminuée de prix.
Gracieux comme un sac à charbon. C’est-à dire brusque, revêche, qui a l’humeur acariâtre et farouche.

Charbonnier

d’Hautel, 1808 : Noir comme un charbonnier.
Charbonnier est maître chez lui.
Pour dire que chacun est maître en son logis.

Charbonnier (faire comme le, faire)

Rigaud, 1881 : Observer les préceptes matrimoniaux de Malthus.

Charbonnier est maitre chez lui

France, 1907 : « François, chassant dans la forêt de Fontainebleau, se sépara de sa suite et s’égara. Surpris par la nuit, il alla frapper à la porte de la cabane d’un charbonnier qui le reçut poliment et lui offrit de partager son souper. Mais quand on se mit à table, le rustique amphitryon, ignorant la qualité de son hôte, se fit donner la chaise sur laquelle le roi s’était assis, disant que, comme elle était la meilleure, il ne la cédait à personne, parce qu’un charbonnier, quoique pauvre, n’en était pas moins le maître chez lui. Apart cela, il traite son convive de son mieux, lui faisant manger un morceau de sanglier tué par lui en dépit des ordonnances royales, ajoutant que si le Grand nez le savait, il le ferait pendre. Le Grand nez soupa gaiement, se coucha dans la cabane et, réveillé au point du jour, sonna du cor. Sa suite, qui l’avait cherché toute la nuit, accourut aussitôt. Le charbonnier, qui n’avait vu de si près pareils seigneurs, fut émerveillé de les trouver à sa porte et le fut plus encore quand il les vit parler à son hôte, tête nue et avec les marques du plus profond respect. Il reconnut bien vite que c’était le roi, le roi à qui il avait fait manger du gibier braconné sur les terres royales, le roi qu’il avait appelé sans façon Grand nez, et à qui il n’avait même pas donné la première place à table, sous prétexte que charbonnier était maître chez lui.
François, riant de la frayeur du bonhomme, le rassura et lui octroya, dit-on, les requêtes qu’il lui adressa. Le mot, souvent répété à la cour, devint proverbe pour exprimer que chacun est maître dans sa maison.  »
An Englishman’s house is his castle (La maison d’un Anglais est son château) est la fière devise des sujets de l’empire britannique.

— Homme, comme vous êtes petit ! dit un jour Ferdinand VI an duc de Medina-Cœli, le premier des grands d’Espagne, qui essayait de l’aider à mettre son manteau. — Je suis grand chez moi, répliqua le duc. Et répétant le proverbe espagnol : Dans ma maison, je suis roi.
  Mientras en mi casa estoy,
  Rey me soy.

Charcreux

France, 1907 : Enfant maigre et mal nourri.

Charcuter

Delvau, 1866 : v. a. Couper un membre ; opérer.

Rigaud, 1881 : Faire une opération chirurgicale, — dans le jargon du peuple.

France, 1907 : Tailler ; amputer un membre, faire œuvre chirurgicale.

Charcutier

d’Hautel, 1808 : et non chartutier, comme le disent beaucoup de personnes.

Delvau, 1866 : s. m. Chirurgien.

France, 1907 : Chirurgien. Signifie aussi Mauvais ouvrier gâchant le travail

Charcutier (le)

Merlin, 1888 : Le chirurgien militaire.

Charcutier, charcuitier

Rigaud, 1881 : Chirurgien, qui estropie le patient. — Ouvrier qui estropie l’ouvrage.

Chardon du Parnasse

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais écrivain, — dans l’argot des Académiciens, dont quelques-uns pourraient entrer dans la tribu des Cinarées.

France, 1907 : Mauvais écrivain.

Chardonneret

Delvau, 1866 : s. m. Gendarme, — dans l’argot des faubouriens, qui font allusion au liseré jaune du costume de la maréchaussée.

France, 1907 : Gendarme, Allusion aux couleurs saillantes de l’ancien uniforme des gendarmes.

Charenton

d’Hautel, 1808 : Village près Paris, où il y a une école vétérinaire, et un lieu de retraite pour les fous de distinction. Le peuple prononce Chalenton.

Rigaud, 1881 : Absinthe. — Un Charenton, un train direct pour Charenton, un verre d’absinthe, — dans le jargon du peuple qui sait que l’absinthe conduit à la folie, et qui en boit quand même.

France, 1907 : Absinthe, parce qu’elle conduit à la célèbre maison d’aliénés.

Charge

d’Hautel, 1808 : Goguette, farce, bouffonnerie.
Il est chargé. Pour il est plaisant et jovial. Se dit d’un homme qui fait de grands efforts pour divertir les autres. Terme de peinture.

d’Hautel, 1808 : Une charge est le chausse-pied du mariage. Pour dire qu’un homme revêtu d’un emploi trouve facilement à se pourvoir en mariage.

France, 1907 : Grosse plaisanterie en action.

Tirer brusquement sa chaise à un rapin qui travaille, de façon à le faire tomber à terre, ou bien lui couvrir la figure de couleur et d’huile, ou bien lui barbouiller si bien un dessin quasi achevé qu’il soit obligé de recommencer son ouvrage, telles sont, entre mille autres, les charges qui se pratiquent dans les ateliers.

(J. Chaudesaigues, Le Rapin)

France, 1907 : Caricature.

Chargé

Virmaître, 1894 : Quand une fille fait un miché elle dit :
— J’ai chargé.
Dans la nuit elle fait le contraire elle le décharge de son morlingue (Argot des filles). N.

Chargé (avoir)

Rigaud, 1881 : Être enceinte, — dans le jargon du peuple. La femme qui a chargé porte un voyageur de neuf mois. — Encore une qui a chargé. Hé ! la p’tite mère, vous en avez chargé un de taille !

Chargé (être)

Delvau, 1866 : Être en état d’ivresse, dans l’argot des ouvriers.

France, 1907 : Être ivre, avoir une charge de boisson.

Chargé à cul

Rossignol, 1901 : Être ivre à ne pouvoir marcher.

Chargé par la culasse

Virmaître, 1894 : Prendre un lavement. Les passifs se chargent également par le même côté. Allusion aux canons (Argot du peuple). V. Passifs.

Chargée (être)

Delvau, 1866 : Avoir levé un homme au bal, ou sur le trottoir, — dans l’argot des petites dames.

France, 1907 : Avoir trouvé un client. Argot des filles qui ont pris cette expression aux cochers de fiacre, qui se disent chargés quand ils ont un voyageur.

Charger

d’Hautel, 1808 : Il est chargé comme un mulet. Pour dire très-chargé, surchargé de travaux et de peines.
Chargé de ganaches. Se dit d’un homme qui a de grosses mâchoires.
Charger. Pour exagérer, folâtrer, faire des bouffonneries, des farces.
Charger un récit, un portrait. En exagérer les détails, les circonstances et les traits.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Enlever un décor. Argot des coulisses. C’est la manœuvre contraire à Appuyer.

Rigaud, 1881 : Prendre un voyageur, — dans le jargon des cochers de fiacre. — Avoir trouvé acquéreur, — dans celui des filles.

Rigaud, 1881 : Enlever un décor, — dans le jargon du théâtre.

Chargez là-haut… les bandes d’air… Chargez encore… là… bien.

(Ed. Brisebarre et Eug. Nus, la Route de Brest, 1857.)

Merlin, 1888 : Pour les cavaliers, sortir en ville, faire une sortie.

Fustier, 1889 : Verser du vin, remplir un verre de liquide.

Charge-moi vite une gobette de champoreau.

Traduction : Sers-moi un verre de café additionné d’eau-de-vie. (Réveil, 1882.)

France, 1907 : Verser à boire.

France, 1907 : Enlever un décor. Placer le décor se dit appuyer.

Charger des petits produits

Rigaud, 1881 : Travailler, — dans le jargon des chiffonniers.

Charger en ville

Rigaud, 1881 : Une très pittoresque expression des régiments de dragons qui veut dire sortir en ville.

Charger la brème

Rigaud, 1881 : Filouter au jeu, marquer une carte, substituer une carte à une autre, — en terme de grec. — C’est un fameux travailleur qui charge rudement la brème et qui a toujours l’air de flancher à la bonne.

Charger par la culasse (se)

France, 1907 : Prendre un lavement.

Chargez !

Rigaud, 1881 : Versez et faites bonne mesure ! Commandement des ivrognes sous le feu des canons.

Charibotage

La Rue, 1894 : Écriture.

France, 1907 : Écriture.

Charibotée

Virmaître, 1894 : En avoir sa charge. Cela veut aussi dire beaucoup.
— Elle a une charibotée d’enfants (Argot du peuple). V. Tiolée.

France, 1907 : Charge complète, quantité.

Charier

France, 1907 : Chercher à savoir quelque chose : essayer de tirer les vers du nez à quelqu’un.

Charieur

France, 1907 : Celui qui va aux informations, qui cherche à savoir.

Chariot

Rigaud, 1881 : Nom anciennement donné au bourreau par le peuple de Paris.

Charité

d’Hautel, 1808 : On diroit qu’il vous fait la charité en donnant ce qu’il vous doit. Se dit de quelqu’un qui paie ses dettes de mauvaise grace et à contre-cœur.
Charité bien ordonnée commence par soi-même. Signifie qu’il faut travailler pour soi, avant que de travailler pour les autres.
C’est une charité qu’on lui prête. Pour dire on lui impute à tort cette faute.

Charitiau

France, 1907 : Enfant élevé à l’hôpital.

Charivari

d’Hautel, 1808 : Bruit de chaudrons, et autres instrumens.
Faire charivari. Faire du bruit, mettre le trouble et la confusion en un lieu ; criailler, gonder, quereller.

Charlataner

d’Hautel, 1808 : Éblouir par de belles paroles ; tâcher d’entraîner par des discours flatteurs et artificieux, comme le font les hâbleurs et les charlatans.

Charlemagne

Larchey, 1865 : Poignard d’infanterie. — Allusion ironique à l’épée du grand monarque.

Delvau, 1866 : s. m. Sabre-poignard, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Sabre-baïonnette.

Merlin, 1888 : Sabre-baïonnette.

France, 1907 : Sabre-poignard.

Charlemagne (faire)

Larchey, 1865 : Se retirer du jeu sans plus de façon qu’un roi, et sans laisser au perdant la faculté de prendre sa revanche.

Si je gagne par impossible, je ferai Charlemagne sans pudeur.

About.

Rigaud, 1881 : Quitter une partie de cartes au moment où l’on vient de réaliser un bénéfice.

La comtesse fait Charlemagne à la bouillotte.

(Victor Ducange, Léonide ou la vieille de Suresnes, 1830.)

Si je gagne par impossible, je ferai Charlemagne-sans pudeur, et je ne me reprocherai point d’emporter dans ma poche le pain d’une famille.

(Ed. About, Trente et quarante.)

Les étymologistes ont voulu faire remonter l’origine du mot jusqu’à l’empereur Charlemagne, parce que cet empereur a quitté la vie en laissant de grands biens. Comme tous les noms propres familiers aux joueurs, le nom de Charlemagne a été, sans doute, celui d’un joueur appelé Charles. On a dit : faire comme Charles, faire Charles et ensuite faire Charlemagne. On appelle bien, dans les cercles de Paris, la dame de pique : « la veuve Chapelle », du nom d’un joueur. On a bien donné au second coup de la main au baccarat en banque, le nom de « coup Giraud », nom d’un officier ministériel, d’un notaire. Les joueurs ne connaissent rien que le jeu, rien que les joueurs et leurs procédés. La vie pour eux est toute autour du tapis vert. S’ils ont appris quelque chose, ils l’ont bientôt oublié, et ils professent le plus grand mépris pour tout ce qui ne se rattache pas directement au jeu. Ils se moquent bien de l’empereur Charlemagne et de tous les autres empereurs ! En fait de-monarque, ils ne connaissent que les monarques de carton.

Virmaître, 1894 : Se mettre au jeu avec peu d’argent, gagner une certaine somme et se retirer de la partie sans donner de revanche (Argot des joueurs).

France, 1907 : Se retirer du jeu, lorsqu’on est en gain, suivant un ancien privilège des rois. « Ce terme, dit Lorédan Larchey, contient en même temps un jeu de mots sur le roi de carreau, le seul dont le nom soit français. »

Mais rien ne doit étonner en cette terre des fééries. Tout y arrive, les gains les plus fantastiques, comme les désastres les plus complets.
Les prudents, entre les favorisés, partent pour ne plus revenir. Sans nulle vergogne, on peut faire charlemagne. Mais, ces sages, combien sont-ils ?

(Hector France, Monaco et la Côte d’azur)

Charlot

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Le bourreau.

Bras-de-Fer, 1829 : Bourreau.

M.D., 1844 : Le bourreau.

Halbert, 1849 : Le bourreau.

Larchey, 1865 : « Le peuple et le monde des prisons appellent ainsi l’exécuteur des hautes œuvres de Paris. » — Balzac.

Allez, monsieur le beau, Que Charlot vous endorme ! Tirez d’ici, meuble du Châtelet.

Vadé, 1788.

V. Garçon.

Delvau, 1866 : L’exécuteur des hautes œuvres, — dans l’argot du peuple. Le mot est antérieur à 1789. Soubrettes de Charlot. Les valets du bourreau, chargés de faire la toilette du condamné à mort. Les Anglais disent de même Ketch ou Jack Ketch, — quoique Monsieur de Londres s’appelle Calcraft.

La Rue, 1894 : Le bourreau. Voleur.

Virmaître, 1894 : Le bourreau (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Roué, malin, méfiant.

Il n’est pas facile de le tromper, il est Charlot.

Rossignol, 1901 : Le bourreau.

Hayard, 1907 : Le bourreau.

France, 1907 : Voleur. Charlot bon drille, un voleur bon garçon.

France, 1907 : Malin. Depuis le livre célèbre de Paul Bonnetain : Charlot s’amuse, on donne ce nom aux individus possédés de la honteuse passion attribuée au duc d’Angoulême.

France, 1907 : Celui qui coupe les têtes, le bourreau, que M. de Maistre appelait « la pierre angulaire de la société ».

— Charlot d’un côté, le sanglier de l’autre, et des marchands de lacets derrière, ce n’est pas déjà si réjouissant d’aller faire des abreuvoirs à mouches.

(Marc Mario, Vidocq)

Autrefois on disait : Charlot casse-bras, allusion à l’exécuteur du « bon vieux temps » qui cassait sur une roue les bras du condamné.
Soubrettes de Charlot, aides du bourreau qui font la toilette du condamné.

Charlotte

Virmaître, 1894 : Pince (Argot des voleurs). V. Monseigneur.

France, 1907 : Pince ; argot des voleurs.

Charmant

Halbert, 1849 : Galeux.

France, 1907 : Galeux.

Charmante

Halbert, 1849 : Galeuse.

Halbert, 1849 : Gale.

Larchey, 1865 : Gale.

La charmante y fait gratter bien des mains, aussi la visite était-elle rigoureuse.

Vidal, 1833.

Delvau, 1866 : s. f. La gale, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : La gale, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : La gale.

Virmaître, 1894 : La gâle. Par allusion aux vives démangeaisons que cause cette maladie, on la nomme aussi la frotte (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : La gale.

Charmante (la)

Hayard, 1907 : La gale.

anon., 1907 : La gale.

Charme

d’Hautel, 1808 : Il se porte comme un charme. Pour il est frais et vermeil ; il se porte parfaitement bien.

Charmer

d’Hautel, 1808 : Charmer les puces. Manière de parler burlesque et bachique, qui signifie chasser l’ennui, la mélancolie en s’enivrant du doux jus de la treille.

Charmer la volaille

France, 1907 : Empêcher, par un moyen quelconque, les poules de crier quand on les vole.

Charmer le cabot

France, 1907 : Fermer la gueule à un chien en lui jetant une boulette empoisonnée ou quelque morceau de viande.

Charmer les puces

Delvau, 1866 : v. a. Se mettre en état d’ivresse, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : S’enivrer. L’ivrogne, ne sentant plus la piqure des puces, ou n’ayant pas la force de se gratter, les laisse s’ébattre à leur aise.

Charmes

Delvau, 1864 : Les tétons, les fesses etc…de la femme, qui charment en effet nos yeux et notre imagination.

Avec beaucoup de charmes, c’est-à-dire de beauté, on peut manquer de charme : on peut de même avoir beaucoup de charme avec très peu de beauté. Réunir le et les, c’est la perfection à son comble.

A. de Nerciat.

Et laisse voir ses charmes, dont la vue
Est pour l’amant la dernière faveur.

Parny.

… Y vendre au poids de l’or toutes les voluptés,
Et des charnues, souvent, qu’on n’a pas achetés.

Louis Protat.

Charnière

Delvau, 1864 : Le périnée, c’est-à-dire l’endroit qui sépare le con du trou du cul.

Elle s’en est tant foutu,
Qu’elle s’est rompu la charnière…
Si bien que du con au cul,
Ça ne fait plus qu’une gouttière :
Bon, bon, de la Bretennière.

(Vieille chanson.)

Charogne

d’Hautel, 1808 : Il pue comme une charogne. Se dit grossièrement d’un homme qui exhale une odeur désagréable, ou qui est sujet à lâcher de mauvais vents.

Delvau, 1866 : s. f. Homme difficile à vivre, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Homme roué, corrompu.

Virmaître, 1894 : Individu rugueux, difficile à vivre, être insociable. On dit aussi de quelqu’un qui sent mauvais :
— Tu pues comme une charogne.
De charogne on a fait charognard.
Généralement les patrons ou les contremaîtres qui commandent durement sont qualifiés tels par les ouvriers (Argot du peuple). X.

France, 1907 : Personne désagréable, acariâtre, dont on s’éloigne comme d’un chat crevé. Se dit aussi pour un homme vicieux, corrompu.

Charogneux

France, 1907 : Sale, donnant la nausée. Un roman charogneux, œuvre de bas naturalisme.

Charogneux (article)

Rigaud, 1881 : Article sur la vente duquel un commis en nouveautés n’a pas de bénéfice à attendre, article d’affiche. Une sale boîte où il n’y a que des articles charogneux.

Charon

Larchey, 1865 : Voleur (Vidocq). — Diminutif de Charrieur. V. ce mot.

Dessus le pont au Change, certain agent de change se criblait au charon.

Vidocq.

Charon, charron

France, 1907 : Voleur.

Dessus le pont au Change,
Certain agent de change
Se criblait : Au charon !

(Mémoires de Vidocq)

Charpenter

d’Hautel, 1808 : Pour couper, tailler à tort et à travers et maladroitement ; il signifie aussi frapper, battre, tomber à bras raccourci sur le dos de quelqu’un.
Un ouvrage charpenté. Pour dire fait à la grosse, sans soin, sans aucun goût.

France, 1907 : Écrire le scenario d’un roman ou d’une pièce.

Charpenter le bourrichon

France, 1907 : Se monter la tête, prendre feu, s’exciter, s’emballer.

Charpenter le bourrichon (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’enflammer à propos de n’importe qui ou de n’importe quoi, — dans l’argot des ouvriers.

Charpentier

Larchey, 1865 : Auteur dramatique dont le talent consiste à bien tracer la charpente c’est-à-dire le plan d’une pièce.

As-tu vu la pièce d’hier ? — Oui, c’est assez gentil. — Est-ce bien charpenté ? — Peuh ! couci-couci.

De la Fizelière.

Il n’est pas si facile de se montrer un habile charpentier.

Second.

Delvau, 1866 : s. m. Celui qui agence une pièce, qui en fait la carcasse, — dans l’argot des dramaturges, qui se considèrent, avec quelque raison, comme des ouvriers de bâtiment.

France, 1907 : Homme qui écrit le scenario d’une pièce, qui fait le canevas d’un roman.

Charpentier (gueuler au)

France, 1907 : Appeler Ia police.

— Là-dessus, Touzart, qui n’est pas nière, n’a pas attendu qu’on gueule trop fort au charpentier… Il a pris ses cliques et ses claques et s’est poussé de l’air…
— Ah ! monsieur est sauvé ? Taut mieux pour lui ! dit le domestique avec un soupir : je me disais bien aussi que ça finirait un jour très mal, toutes ces histoires-là…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Charretée (avoir une)

France, 1907 : Être complètement ivre.

Charretée (en avoir une)

Fustier, 1889 : Être complètement ivre.

Charretier

d’Hautel, 1808 : Il n’est si bon charretier qui ne verse. Pour dire qu’il n’y a point d’homme si habile qu’il soit, qui ne fasse des fautes.
Il jure comme un charretier embourbé. Se dit d’un homme qui n’a que des juremens dans la bouche, qui tempête et sacre à tout propos.

Charrette

d’Hautel, 1808 : Avaleur de charrettes ferrées. Matamor, gascon, hâbleur, fier-à-bras.

Charriade à l’américaine

Larchey, 1865 : « Il exige deux compères ; celui qui fait l’américain et celui qui lui sert de leveur ou de jardinier. Le leveur lie conversation avec tous les naïfs qui paraissent porter quelque argent. Puis on rencontre l’américain qui leur propose d’échanger une forte somme en or contre une moindre somme d’argent. La dupe accepte et voit bientôt les charrieurs s’éloigner, en lui laissant contre la somme qu’il débourse des rouleaux qui contiennent du plomb au lieu d’or. » — Canler.

Charriage

un détenu, 1846 : Vol en accostant quelqu’un.

Larchey, 1865 : Action de charrier. — Charrier : terme générique qui signifie voler quelqu’un en le mystifiant (Vidocq).Charrieur, careur, charon : Voleurs pratiquant le charriage. Charrier vient des anciens verbes charier, chariner aller, procéder, mystifier. V. Roquefort. — Ce dernier sens répond tout à fait à celui de Vidocq.

Delvau, 1866 : s. m. Vol pour lequel il faut deux compères, le jardinier et l’Américain, et qui consiste à dépouiller un imbécile de son argent en l’excitant à voler un tas de fausses pièces d’or entassées au pied d’un arbre, dans une plaine de Grenelle quelconque. S’appelle aussi Vol à l’Américaine.

Rigaud, 1881 : Le mot charriage, dans la langue des voleurs est un terme générique qui signifie voler un individu en le mystifiant. (Vidocq.)

La Rue, 1894 : Vol à la mystification. Charriage à l’américaine. Le charriage à la mécanique c’est le coup du père François (le vol par strangulation).

France, 1907 : Escroquerie. Il y a plusieurs sortes de charriage : le charriage à l’américaine, à la mécanique, au pot et au coffret.

Charriage à l’américaine

France, 1907 : Canler, dans ses mémoires, explique ainsi ce genre de vol, appelé aussi vol au change : « Il exige deux compères : celui qui fait l’Américain, un faux étranger qui se dit Américain, Brésilien et, depuis quelque temps, Mexicain ; et celui qui lui sert de leveur où de jardinier. Le leveur lie conversation avec tous les naïfs qui paraissent porter quelque argent. Puis on rencontre l’Américain, qui leur propose d’échanger une forte somme en or contre une moindre somme d’argent. La dupe accepte et voit bientôt les charrieurs s’éloigner, en lui laissant, contre la somme qu’il débourse, des rouleaux qui contiennent du plomb au lieu d’or. »

Charriage à la mécanique

Larchey, 1865 : Un voleur jette son mouchoir au cou d’un passant et le porte à demi-étranglé sur ses épaules pendant qu’un complice le dévalise.

Virmaître, 1894 : Ce genre de vol est l’enfance de l’art ; un mouchoir suffît. Le voleur le jette au cou d’un passant, il l’étrangle à moitié, le charge sur son épaule pendant qu’un complice le dévalise. C’est exactement le coup du père François, toutefois pour exécuter celui-ci les voleurs se servent d’une courroie flexible ou d’un foulard de soie (Argot des voleurs).

France, 1907 : Ce genre de vol exige deux complices. Le premier jette son mouchoir au cou d’un passant, et, tenant les deux bouts, se retourne vivement de façon à appuyer la victime sur son dos : tandis qu’il la tient soulevée et à moitié étranglée, le second la fouille et la dévalise. On l’appelle aussi le coup du Père François. Il était, il y a quelques années, fort commun à Londres, et les bandits qui le pratiquaient étaient désignés sous le nom d’étrangleurs. Mais, à la suite de nombreux forfaits de ce genre, les magistrats, indépendamment des travaux forcés, condamnèrent les étrangleurs à recevoir un certain nombre de coups d’un fouet appelé « chat à neufs queues », peine si terrible et si redoutée que l’industrie des étrangleurs cessa presque aussitôt les premières applications.

Pour se rendre compte de la cruauté du châtiment, il est bon de savoir que le fouet, instrument du supplice, se compose de neuf lanières de cuir fixées à un manche, une sorte de martinet, enfin. L’exécuteur doit manœuvrer de façon que chaque lanière laisse une trace, c’est-à-dire que chaque coup de fouet fasse neuf coupures sur la peau. Ces coups impriment des stigmates indélébiles, comme le fer avec lequel on marquait autrefois les forçats, et le condamné eu porte toute sa vie les cicatrices.

(Hector France, L’Armée de John Bull)

Charriage au coffret

Virmaître, 1894 : Ce vol là est plus drôle. Un individu, ayant l’aspect d’un anglais s’adresse à la dame de comptoir d’un grand café, et lui confie un coffret, mais avant de le fermer à clé il lui fait voir qu’il contient une quantité de rouleaux d’or. Il le ferme, la dame serre précieusement. Dans la soirée, il revient dire qu’il a perdu sa clé, et lui emprunte quelques centaines de francs. Sans crainte (elle est garantie), elle les lui donne, et ne le revoit plus. Finalement, on fait ouvrir le coffret, il n’y a que des jetons de cercles (Argot des voleurs).

France, 1907 : Encore une variété de l’américaine. C’est généralement dans un hôtel un restaurant, un café, que le noble étranger opère. Il confie à la dame de comptoir un coffret dans lequel il a fait voir au préalable des rouleaux d’or et des paquets de billets de banque. Quelques heures après, il revient. Il a besoin de dix louis. Mais il se fouille, pâlit, il a perdu la clef du coffret. « Qu’à cela ne tienne ! » dit la dame de comptoir, souriant au rastaquouère. Et elle avance les louis. Bien entendu, on ne revoit plus l’Américain : et le coffret, ouvert, ne contient, comme le pot cité plus haut, que de fausses bank-notes, des jetons ou des centimes neufs.

Charriage au pot

Larchey, 1865 : Il débute de la même façon que le précédent. Seulement l’américain offre à ses deux compagnons d’entrer à ses frais dans une maison de débauche. Par crainte d’un vol, il cache devant eux dans un pot une somme considérable. Plus loin, il se ravise et envoie la dupe reprendre le trésor après lui avoir fait déposer une caution avec laquelle il disparaît, tandis que le malheureux va déterrer un trésor imaginaire.

Virmaître, 1894 : Ne demande pas non plus un grand effort d’imagination : un pot et un imbécile aussi bête que lui suffisent. Deux voleurs abordent un individu à l’air naïf. Après quelques stations dans les cabarets, ils lui offrent de le conduire dans un bocard éloigné. En chemin, ils avisent un terrain vague, l’un des deux voleurs exprime à ses compagnons la crainte d’être volé car il porte sur lui une grosse somme. Devant eux il la cache dans le pot qu’il enterre. Plus loin il se ravise et dit au naïf d’aller déterrer l’argent caché, mais auparavant il lui fait donner ce qu’il a sur lui. Le naïf part, ne trouve que des rouleaux de plomb dans le pot et quand il revient les voleurs sont loin (Argot des voleurs).

France, 1907 : Même procédé que celui « à l’américaine », avec cette différence que l’Américain propose à ses compagnons une partie de lupanar. Craignant d’être volé, il met son or et un paquet de bank-notes, en présence de sa dupe, dans un vase ou une boîte qu’on enfouit en quelque coin ou qu’on cache dans une armoire. Mais, à la porte du lupanar ou dans le lieu même, le charrieur se ravise. Il feint l’ivresse ainsi que son complice et offre de régaler les filles et a besoin de son argent. Il demande à la dupe d’aller le chercher. Mais attention ! hé ! hé ! Il y a là une grosse somme ! En outre, il faut payer le champagne comptant. La dupe laisse sa bourse en gage, court au trésor, le rapporte essoufflé ! Les charrieurs ont levé le siège, et le pot ne contient que des billets de la banque de Sainte-Farce et des jetons.

Charrier

d’Hautel, 1808 : On le fera bien charrier droit. Se dit par menace, pour on le forcera de se bien comporter, à s’acquitter de son devoir.

Rigaud, 1881 : Servir de compère ; tricher au préjudice de ses associés pour faire gagner un compère, — dans le jargon des grecs, qui disent également mener en double.

Fustier, 1889 : Chercher à savoir.

La Rue, 1894 : Voler au charriage. Servir de compère. Chercher à savoir. Se moquer. Calomnier.

Virmaître, 1894 : Signifie se moquer de quelqu’un. Synonyme de mener en bateau (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Se moquer, faire aller.

Hayard, 1907 : Se moquer de quelqu’un.

France, 1907 : Voler quelqu’un à l’aide de grossières mystifications. On ne peut guère charrier que des naïfs. Vieux mot, synonyme de rouler.

France, 1907 : Calomnier.

Charrier (se)

Rigaud, 1881 : Aller, venir d’un côté, de l’autre, sans but précis, — dans le jargon du régiment. — Qu’est-ce que t’as à te charrier comme ça depuis une heure ?

Charrier à la mécanique

Rigaud, 1881 : Avoir la précaution d’étrangler un peu et même tout à fait le patient, tandis qu’un camarade le dépouille.

Charrier droit

Rigaud, 1881 : Obéir, marcher droit.

Il (Louis XI) estoit maistre avec lequel il falloit charrier droit.

(Mémoires de Ph. de Commynes.)

Et qu’il fera bien s’il me croit
Désormais de charrier droit.

(Scarron, Gigantomachie, ch. I.)

La locution date de loin, mais elle n’en est pas moins très usitée de nos jours, et particulièrement parmi la classe ouvrière.

Charrieur

un détenu, 1846 : Voleur en accostant.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur qui a la spécialité du charriage. Charrieur, cambrousier. Voleur qui exploite les foires et les fêtes publiques. Charrieur de ville. Celui qui vole à l’aide de procédés chimiques. Charrieur à la mécanique. Autre variété de voleur.

Rigaud, 1881 : Curieux, — dans l’argot des voleurs. — Charriage, curiosité. — J’aime pas le charriage, moi.

Rigaud, 1881 : Compère, — dans le jargon des grecs.

Fustier, 1889 : adj. Curieux. — Subst. Individu qui se tient aux abords de certains cercles pour le compte desquels il racole les joueurs.

Ces nobles personnes ont toujours deux ou trois grecs à leur solde. Elles ont aussi des charrieurs et des charrieuses qui sont chargés de rabattre les pigeons.

(Henri IV, 1881.)

La Rue, 1894 : Voleur au charriage. Curieux. Racoleur pour les tripots.

France, 1907 : Voleur au charriage.

Le filou qui se livre à cet art se promène dans les endroits publics, fréquentés de préférence par les personnes paraissant des propriétaires ou des ouvriers aisés. Il suit sa victime choisie avec soin, et, s’approchant d’elle, il la pousse légèrement, se baisse et feint de ramasser à terre un objet…
Le promeneur, surpris, s’arrête et regarde.
Le voleur s’extasie sur sa chance. Il vient de trouver une bague ou une épingle de prix. Il attend que le badaud donne son avis. Si celui-ci dit : « Il faut porter cet objet trouvé au prochain bureau de police », l’homme s’esquive sans rien ajouter. Si le bon bourgeois ne dit rien ou admire le bijou, le charrieur (voleur à tour d’adresse) le tourne, le retourne entre ses doigts, comme embarrassé, et dit : « Je ne saurai que ne faire de cela… elle vaut au moins quarante francs, cette bague : si j’en trouvais vingt francs, je la céderais bien ! » Neuf fois sur dix, le badaud tombe dans le piège : il pense que l’homme ne sait pas la vraie valeur du bijou, puisqu’il évalue quarante francs ce qui vaut, à vue d’œil, et par de poids, soixante ou quatre-vingts francs. Il lâche son louis et le tour est joué. La bague, quand elle est estimée, vaut à peine deux ou trois francs.

(La Nation)

Charrieur cambrousier

Halbert, 1849 : Voleur à l’aide du charlatanisme.

France, 1907 : Voleur maladroit, qui opère lourdement, à la façon des campagnards (cambrousiers). On désigne aussi de ce nom Les charlatans nomades.

Charrieur de ville

Halbert, 1849 : Voleur par les procédés chimiques.

France, 1907 : Voleur qui, à l’aide de drogues, met sa victime dans l’impossibilité de se défendre.
On donne aussi le nom de charrieur, charrieuse à des escrocs des deux sexes chargés de rabattre les pigeons destinés à être plumés dans les tripots clandestins, tripots ordinairement tenus par des femmes. C’est le pendant des rameneurs des cercles.

Dans beaucoup de tripots, dans presque tous même, il y a un mot de passe qu’il faut donner pour entrer. Le mot de passe est communiqué aux joueurs par les charrieurs et les charrieuses qui les racolent.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Charrieur ou Charrida

Rossignol, 1901 : Les voleurs à l’américaine sont aussi des voleurs au charriage ; ils se moquent de l’individu qu’ils cherchent à voler : ils le charrient pour arriver à lui escroquer ce qu’il possède d’argent sur lui.

Charrieur, charron

Rigaud, 1881 : Voleur qui est adonné au charriage. — Les charrieurs exploitent, presque toujours, la bêtise d’un fripon.

Charron

d’Hautel, 1808 : Ma montre est chez le charron. Réponse facétieuse qu’une personne qui n’a pas de montre fait à celle qui lui demande quelle heure il est.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur.

La Rue, 1894 : Voleur.

France, 1907 : Voleur.

Chambre, gerbier, jaunier ou flique
Et si l’un d’eux jappe en musique,
Aie bon estomac, charront,
Et ne leur refil’ pas leur poignon.

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Charron (crier au)

Hayard, 1907 : Crier avec violence, se plaindre.

Charrue

d’Hautel, 1808 : C’est une vraie charrue. Se dit injurieusement d’une personne indolente et inhabile, qui se plaint continuellement ; d’un véritable emplâtre.
Mettre la charrue devant les bœufs. Faire quelque chose à contre-sens, en dépit du sens commun.
Être à la charrue, tirer la charrue. Pour dire avoir beaucoup de mal, faire un travail fort pénible.
Une charrue mal attelée. Gens liés par intérêt ou par société et qui s’accordent mal ensemble.

Charrue complète

Rigaud, 1881 : Quinte, quatorze et le point au jeu de piquet.

Chartreuse de vidangeur

Fustier, 1889 : Demi-setier de vin rouge.

France, 1907 : Nom pittoresque donné an verre d’eau-de-vie servi chez Le mastroquet. Se dit aussi d’un verre de vin.

Chartron

Delvau, 1866 : s. m. Position des acteurs vers la fin d’une pièce. Faire ou Former le chartron. Ranger les acteurs en ligne courbe devant la rampe, au moment du couplet final.

Rigaud, 1881 : Position des acteurs vers la fin de la pièce. Former le chartron, ranger les acteurs en ligne courbe devant la rampe, au moment du couplet final. (A. Delvau)

France, 1907 : Position des acteurs sur la scène. Faire ou former le chartron se dit, en terme de coulisses, quand les acteurs se rangent tous en ligne devant la rampe.

Chas d’occas

Halbert, 1849 : Loucher.

Chas ou Chasse

Delvau, 1866 : s. m. Œil, — dans l’argot des voleurs, soit parce que les yeux sont les trous du visage, ou parce qu’ils en sont les châssis, ou enfin parce qu’ils ont parfois, et même souvent, la chassie.
Ce mot qui ne se trouve pourtant dans aucun dictionnaire respectable, est plus étymologique qu’on ne serait tenté de le supposer au premier abord. Je m’appuie, pour le dire, de l’autorité de Ménage, qui fait venir chassie de l’espagnol cegajoso, transformé par le patois français en chaceuol, qui voit mal, qui a la vue faible. Et, dans le même sens nos vieux auteurs n’ont-ils pas employé le mot chacius ?
Châsses d’occase. Yeux bigles, ou louches.

Chason

France, 1907 : Bague.

Chass d’Af

France, 1907 : Abréviation de chasseur d’Afrique.

Il avait deux mètres, une poignée d’épis sous de nez, l’air terrible, et il avait gardé du métier au calotte de chass d’Af : une tuile, un fez piqué tout droit sur ses cheveux comme une grande rose.

(Georges d’Esparbès)

Chass. d’Af.

Merlin, 1888 : Apocope de chasseur d’Afrique.

Chasse

d’Hautel, 1808 : Donner une chasse à quelqu’un. Pour le réprimander, lui donner une mercuriale ; le gourmander vivement.

d’Hautel, 1808 : C’est la chasse de St. Romain, portée par deux vilains. Brocard qui se dit pour plaisanter deux personnes qui portent ensemble quelque chose de précieux.

Larchey, 1865 : Mercuriale (d’Hautel, 1808).

C’est pas l’embarras, faut croire qu’il aura reçu une fameuse chasse pour être remonté si en colère.

H. Monnier.

Donner une chasse, c’est mot à mot pourchasser à coups de langue.

Delvau, 1866 : s. f. Réprimande, objurgation, reproches, — dans l’argot des ouvriers. Foutre une chasse. Faire de violents reproches.

Rigaud, 1881 : Semonce. — Flanquer une chasse.

France, 1907 : Admonestation, réprimande sévère. Foutre une chasse, faire des réprimandes. « J’ai reçu du singe une fameuse chasse. »

Châsse

France, 1907 : Œil. Balancer ou boiter des châsses, être louche. Se foutre l’apôtre dans la châsse, se tromper.

C’est nous les joyeux, les petits joyeux,
Les petits joyeux qui n’ont pas froid aux châsses ;
C’est nous les joyeux, les petits joyeux,
Qui n’ont pas froid aux yeux !

(Chanson des Bataillons d’Afrique)

Chasse (marquer de)

Rigaud, 1881 : Marquer d’une raie transversale les côtes d’un animal qu’on envoie à l’abattoir, — dans le jargon des bouchers.

Chasse à courre

Rigaud, 1881 : Verte réprimande qui se termine par un congé en bonne forme.

Châsse d’occase

Rigaud, 1881 : Œil louche. — Châsse à l’estorgue, œil de verre.

Chasse ou châssis (boiteux d’un)

France, 1907 : Borgne.

Chasse-au-plat

France, 1907 : Pique-assiette, parasite ; argot populaire.

Chasse-brouillard

France, 1907 : Verre d’eau-de-vie ; argot populaire.

Chasse-coquin

Delvau, 1866 : s. m. Bedeau, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Bedeau, suisse ; vieux mot français ; c’était celui qui chassait les gueux de l’église.

France, 1907 : Bedeau, gendarme, dans l’argot populaire. Les voleurs disent : chasse-noble.

Chasse-cousin

d’Hautel, 1808 : Ripopée, vin qui n’est pas potable ; qui, comme on dit, fait sauter les chèvres

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais vin, — dans l’argot des bourgeois, qui emploient volontiers ce remède héroïque, quand ils « traitent » des parents importuns, pour se débarrassera jamais d’eux.

France, 1907 : Mauvais vin. C’est, en effet, un moyen employé par le bourgeois de Paris, généralement lésinard, pour se débarrasser de parents ou d’amis non moins pingres qui ont coutume d’arriver à l’heure du potage, enfin des chasse-au-plat.

Chasse-marais

Rigaud, 1881 : Pour chasse-mar, c’est-à-dire chasseur avec la terminaison argotique mar ; surnom du chasseur d’Afrique.

Chasse-marée

Merlin, 1888 : Chasseurs d’Afrique. — Est-ce par allusion à la vitesse de leur course, comparée à celle des navires du même nom ?

France, 1907 : Chasseur d’Afrique. On surnomme ainsi les cavaliers de ce corps d’élite, célèbre dans les guerres d’Algérie : on dit, en effet : aller d’un train de chasse-marée, pour aller fort vite. Les chasse-marée sont de petits navires pontés à deux mâts employés au cabotage et d’une forme très avantageuse pour filer sous le vent.

Chasse-noble

Halbert, 1849 : Chasse-coquin, gendarme, chasses-yeux.

Delvau, 1866 : s. m. Gendarme, — dans l’argot des voleurs, qui se rappellent sans doute que leurs ancêtres étaient des grands seigneurs, des gens de haute volée.

France, 1907 : Gendarme.

Chasse, chassis

Larchey, 1865 : Œil. — L’œil est pour la vue une sorte de châssis.

Je m’arcboute et lui crève un chassis.

Vidocq.

V. Coquer, Balancer, Estorgue.

Châsse, châssis

Rigaud, 1881 : Œil. Y aller d’un coup de châsse, jeter un coup d’œil, — dans le jargon du peuple. — Se foutre l’apôtre dans la châsse, se tromper, s’illusionner ; mot à mot se mettre le doigt dans l’œil. — Fermer les châssis, dormir.

La Rue, 1894 : Œil. Paupière.

Chasselas

Fustier, 1889 : Vin.

Je prendrais bien quelque chose de chaud. Est-ce qu’il y a du chasselas sur le feu, madame Antoine ?

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

Chasser

d’Hautel, 1808 : On dit populairement de quelqu’un qui a bon appétit, qui aime à manger le gibier que les autres tirent : Il chasse bien au plat.
Un clou chasse l’autre.
Signifie qu’ici bas les événemens se succèdent rapidement, que le plus fort chasse continuellement le plus foible.
Bon chien chasse de race. Proverbe qui n’est pas toujours d’une grande vérité, et qui signifie que les enfans ont ordinairement les vertus ou les vices de leurs pères, qu’ils en suivent les exemples.
La faim chasse le loup du bois. Signifie que la nécessité oblige à faire des choses pour lesquelles on avoit une grande aversion.
Leurs chiens ne chassent pas ensemble. Se dit de deux personnes qui vivent en mésintelligence, qui n’ont ni les mêmes principes, ni les mêmes inclinations.

Clémens, 1840 : Détourner quelque chose.

Delvau, 1866 : v. n. Fuir, — dans l’argot des faubouriens.

Chasser au plat

Delvau, 1866 : v. n. Faire le parasite, — dans l’argot du peuple.

Chasser avec in fusil de toile

Virmaître, 1894 : Mendier dans les campagnes. Allusion à la besace de toile que portent les mendiants pour y mettre ce qu’on leur donne (Argot des voleurs).

Chasser avec un fusil de toile

France, 1907 : Mendier avec une besace, comme le font les mendiants de campagne.

Chasser des reluits

Larchey, 1865 : Pleurer (Vidocq). — Mot à mot : chasser les larmes des yeux.

Delvau, 1866 : v. n. Pleurer. Argot des voleurs.

France, 1907 : Pleurer.

Chasser le brouillard

Delvau, 1866 : v. a. Boire le vin blanc ou le petit verre du matin, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Chasser l’humidité.

France, 1907 : Boire le petit verre matinal. On dit aussi : chasser l’humidité, tuer le ver.

Chasser les mouches

France, 1907 : Être à l’agonie : allusion aux mouvements que font avec leurs bras Les moribonds.

Chasses

Clémens, 1840 : Yeux.

un détenu, 1846 : Yeux.

Virmaître, 1894 : Les yeux. On dit d’une femme qui pleure :
— Elle chie des yeux (Argot du peuple).

Châsses

Rossignol, 1901 : Les yeux.

Châsses (entre quatre)

France, 1907 : Un tête-à-tête.

Chasses (les)

M.D., 1844 : Les yeux.

Châsses (les)

Hayard, 1907 : Les yeux.

Châsses d’occase

France, 1907 : Yeux louches.

Châsses, châssis

Rigaud, 1881 : Lunettes.

Chasseur

d’Hautel, 1808 : Un bon chasseur ne chasse jamais sur ses terres. Signifie qu’un homme adroit ne se livre à aucun écart dans les contrées, qu’il habite.

Clémens, 1840 : Celui qui vole son camarade.

Fustier, 1889 : Domestique, petit groom qui, dans les cafés et restaurants bien tenus, est à la disposition des consommateurs, pour faire leurs commissions.

France, 1907 : Sorte de jeu de billard joué généralement dans les sous-sols des cafés. Le nombre des joueurs est illimité et le droit de cagnotte se monte à dix pour cent. C’est un plateau de métal percé de trous où il faut faire arrêter la bille. Chaque trou est désigné par un nom de gibier et celui où l’on gagne est le trou du chien.

Châssis

d’Hautel, 1808 : Pour conserves, besicles, lunettes.
Il n’a pas mis ses châssis. Se dit en plaisantant d’un homme qui a commis quelque erreur ; qui a mal lu quelque chose.
Ce mot se prend aussi pour la vue, les yeux.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les yeux. Argot des faubouriens.

France, 1907 : Lunettes ; paupières.

France, 1907 : Fenêtre et, déduction naturelle, yeux, les yeux, affirme-t-on, étant les fenêtres de l’âme.

Châssis, sabords

Clémens, 1840 : Verre à boire.

Chassue

Halbert, 1849 : Aiguille.

Delvau, 1866 : s. f. Aiguille, — dans l’argot des voleurs, qui savent que toute aiguille a un chas.

France, 1907 : Aiguille ; du français correct chas, trou de l’aiguille.

Chassure

Halbert, 1849 : Urine.

Delvau, 1866 : s. f. Lotium, — dans le même argot [des voleurs].

France, 1907 : Urine : vin blanc.

Chasublard

Rigaud, 1881 : Prêtre, celui qui porte la chasuble.

Vit-on un seul royaliste, un seul cagot, un seul chasublard, prendre les armes pour la défense du trône et de l’autel ?

(G. Guillemot, le Mot d’Ordre, du 6 septembre 1877.)

France, 1907 : Prêtre. Allusion à l’espère de manteau composé de deux pièces que le prêtre porte sur l’aube quand il célèbre la messe et appelé chasuble, du latin casula, petite cabane : elle était autrefois de forme ronde et couvrait tout le corps, sans manches, avec une ouverture pour passer la tête. Les gens du peuple portaient ce vêtement en temps de pluie.

Chat

d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas lui qui a fait cela ; non, c’est le chat. Locution bouffonne et adversative qui a été long-temps en vogue parmi le peuple de Paris, et dont on se sert encore maintenant pour exprimer qu’une personne est réellement l’auteur d’un ouvrage qu’on ne veut pas lui attribuer ; ou pour affirmer que quelqu’un a commis une faute que l’on s’obstine à mettre sur le compte d’un autre.
Il a autant de caprices qu’un chat a de puces. Se dit d’un enfant fantasque, inconstant et capricieux, comme le sont tous les enfans gâtés et mal élevés.
J’ai bien d’autres chats à fouetter. Pour, j’ai bien d’autres choses à faire que de m’occuper de ce que vous dites.
Il a de la patience comme un chat qui s’étrangle. Se dit par plaisanterie d’une personne vive, impatiente, d’une pétulance extrême, et qui se laisse aller facilement à la colère et à l’emportement.
Il trotte comme un chat maigre. Se dit d’une personne qui marche rapidement et avec légèreté ; qui fait beaucoup de chemin en peu de temps.
Mon chat. Nom d’amitié et de bienveillance que les gens de qualités donnent à leurs protégés, et notamment aux petits enfans.
Il a un chat dans le gosier. Se dit d’un homme de temps qui avale sans cesse sa salive, et qui fait des efforts pour cracher.
Il le guette comme le chat fait la souris. Pour, il épie, il observe soigneusement jusqu’à ses moindres actions.
Acheter chat en poche. Faire une acquisition, sans avoir préalablement examiné l’objet que l’on achette.
Il a emporté le chat. Se dit d’un homme incivil et grossier qui sort d’un lieu sans dire adieu à la société.
Chat échaudé craint l’eau froide. Signifie que quand on a été une fois trompé sur quelque chose, on devient méfiant pour tout ce qui peut y avoir la moindre ressemblance.
Traître comme un chat. Faussaire, hypocrite au dernier degré.
Elles s’aiment comme chiens et chats. Se dit de deux personnes qui ne peuvent s’accorder en semble ; qui se portent réciproquement une haine implacable.
À bon chat bon rat. Pour, à trompeur, trompeur et demi ; bien attaqué, bien éludé.
À mauvais rat faut mauvais chat. Pour, il faut être méchant avec les méchans.
À vieux chat jeune souris. Signifie qu’il faut aux vieillards de jeunes femmes pour les ranimer.
Jeter le chat aux jambes. Accuser, reprocher, rejeter tout le blâme et le mauvais succès d’une affaire sur quelqu’un.
À lanuit, tous chats sont gris. Pour dire que la nuit voile tous les défauts.
Il a joué avec les chats. Se dit de quelqu’un qui a le visage écorché, égratigné.
Il est propre comme une écuelle à chat. Se dit par dérision d’un homme peu soigneux de sa personne, et fort malpropre.
Bailler le chat par les pattes. Exposer une affaire par les points les plus difficiles.
Il entend bien chat, sans qu’on dise minon. Se dit d’un homme rusé et subtil, qui entend le demi-mot.
Il a payé en chats et en rats. Se dit d’un mauvais payeur ; d’un homme qui s’acquitte ric à ric, et en mauvais effets.
Une voix de chats. Voix sans étendue, grêle et délicate.
Une musique de chat. Concert exécuté par des voix aigres et discordantes.
Elle a laissé aller le chat au fromage. Se dit d’une fille qui s’est laissé séduire, et qui porte les marques de son déshonneur.

Bras-de-Fer, 1829 : Geôlier.

Larchey, 1865 : Nom d’amitié.

Les petits noms les plus fréquemment employés par les femmes sont mon chien ou mon chat.

Ces Dames, 1860.

Larchey, 1865 : Guichetier (Vidocq). — Allusion au guichet, véritable chatière derrière laquelle les prisonniers voient briller ses yeux.

Delvau, 1866 : s. m. Lapin, — dans l’argot du peuple qui s’obstine à croire que les chats coûtent moins cher que les lapins et que ceux-ci n’entrent que par exception dans la confection des gibelottes.

Delvau, 1866 : s. m. Geôlier, — dans le même argot [des voleurs]. Chat fourré. Juge ; greffier.

Delvau, 1866 : s. m. Enrouement subit qui empêche les chanteurs de bien chanter, et même leur fait faire des couacs.

Rigaud, 1881 : Guichetier, — dans l’ancien argot.

Rigaud, 1881 : Greffier, employé aux écritures, — dans le jargon du régiment. Et admirez les chassez-croisez du langage argotique : les truands appelaient un chat un greffier et les troupiers appellent un greffier un chat. Tout est dans tout, comme disait Jacotot.

Rigaud, 1881 : Enrouement subit éprouvé par un chanteur.

Rigaud, 1881 : Couvreur. Comme le chat, il passe la moitié de sa vie sur les toits.

Rigaud, 1881 : Pudenda mulierum.

La Rue, 1894 : Guichetier. Couvreur. Enrouement subit. Pudenda mulierum.

France, 1907 : Nature de la femme. Au moment où le fameux Jack l’Éventreur terrifiait à Londres le quartier de Whitechapel, le Diable Amoureux du Gil Blas racontait cette lourde plaisanterie :
« — Tond les chiens ! coupe les chats !
Un Anglais se précipite sur le malheureux tondeur en criant :
— Enfin, je te tiens, Jack ! »
Ce quatrain du Diable Boiteux est plus spirituel :

 Prix de beauté de Spa, brune, bon caractère !
 Au harem aurait fait le bonheur d’un pacha ;
 Aime les animaux félins, tigre ou panthère,
 Et possède, dit-on, un fort beau petit chat !

Chez lui, revenant après fête,
Un pochard rond comme un portier,
Faible de jambe et lourd de tête,
Cherchait le lit de sa moitié.

Mais il se glissa près de Laure,
La jeunes femme du couvreur…
Et ce n’est qu’en voyant l’aurore
Qu’il s’aperçut de son erreur.

— Que va me dire mon épouse ?
Pensa-t-il. Zut ! Pas vu, pas pris !
Elle ne peut être jalouse,
Car la nuit tous les chats sont gris !

(Gil Blas)

Chat, emplové pour le sexe de la femme, n’a aucun sens. Le mot primitif est chas, ouverture, fente, dont on a fait châssis. Les Anglais ont le substantif puss, pussy, pour désigner la même chose, mais ils n’ont fait que traduire notre mot chat.

France, 1907 : Guichetier d’une geôle.

France, 1907 : Enrouement. Avoir un chat dans le gosier ou dans la gouttière, être enroué.

France, 1907 : Couvreur. Comme les chats, il se tient sur les toits.

Chat (appeler un chat un)

France, 1907 : Appeler les choses par leur nom suivant le conseil de Victor Hugo :

Ô fils set frères ! ô poètes !
Quand la chose est, dites le mot.

Expression tirée de la IXe Satire de Boileau :

J’appelle un chat un chat et Rollet un fripon.

Les Anglais disent : Appeler une biche biche.

Chat (c’est le)

France, 1907 : Expression populaire qui exprime une dénégation ou un doute. « Ce n’est pas moi qui ai laissé brûler le rôti. — Non, c’est le chat ! »

Chat (être)

Delvau, 1866 : Avoir des allures caressantes, félines, — dans l’argot du peuple, qui dit cela en bonne comme en mauvaise part.

France, 1907 : Être caressant, félin, hypocrite.

Chat (mon petit)

Virmaître, 1894 : Terme d’amitié employé souvent vis-à-vis d’une jeune fille. Chat… (Argot du peuple). V. Tâte-minette. N.

Chat à neuf queues

Merlin, 1888 : Martinet.

Chat dans la gouttière

Rigaud, 1881 : Enrouement persistant éprouvé par un chanteur.

Chat-fourré

France, 1907 : Juge, greffier.

Ah ! comme je la vois venir, toute la séquelle des chats-fourrés, s’avançant à pas de velours vers les plus nobles, les plus hardis d’entre nous — jusqu’à ce que la griffe de fer s’abatte sur la liberté pantelante, sur la pensée meurtrie !

(Séverine)

Chat, chatte

Delvau, 1864 : Nom que les femmes donnent à la divine cicatrice qu’elles ont au bas du ventre, — à cause de son épaisse fourrure, et aussi parfois à cause des griffes avec les quelles elle déchire la pine des honnêtes gens qui s’y frottent.

Elle aime tous les rats
Et voudrait, la Lesbienne,
Qu’à sa langue de chienne
Elles livrent leurs chats.

Joachim Duflot.

Châtaigne

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet appliqué sur la joue, — dans l’argot des ouvriers, qui ont emprunté cette expression à des Lyonnais.

Virmaître, 1894 : Soufflet.
— Je vais te coller une chataigne, ou je vais te plaquer un marron (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Gifle.

Si tu continues à m’embêter, je vais t’envoyer une châtaigne.

On dit aussi un marron.

Hayard, 1907 : Coup.

France, 1907 : Soufflet.

Chataud, chataude

Delvau, 1866 : adj. et s. Gourmand, gourmande, — dans l’argot du peuple. « J’étais chataude et fainéante, » dit la jolie Manon de Rétif de la Bretonne.

France, 1907 : Gourmand, gourmande,

Château

Fustier, 1889 : Abrév. de Chateaubriand. (V. Delvau.)

France, 1907 : Prison.

Château branlant

France, 1907 : Personne ou chose toujours en mouvement.

Château de l’ombre

France, 1907 : Bagne.

Château-branlant

Delvau, 1866 : s. m. Chose ou personne qui remue toujours, et qu’à cause de cela on a peur de voir tomber. Argot du peuple.

Château-Campèche

Rigaud, 1881 : Mauvais vin coloré avec du bois de Campèche ; par opposition ironique à Château-Laffite.

Château-campêche

France, 1907 : Nom donné par dérision du petit bleu que sert le mastroquet, dans lequel le bois de campêche joue le rôle essentiel.

Chateaubriand

Rigaud, 1881 : Bifteck très épais, bifteck à triple étage, — dans le jargon des restaurants. — Un Chateaubriand aux pommes.

France, 1907 : Transformation du beef-steack sur la note du restaurateur. Une maison qui se respecte ne sert aux clients que des chateaubriands. Le publie bénévole paye le baptême. Pourquoi ce nom célèbre à un morceau de bœuf ? Théodore de Banville raconte qu’il voulut en avoir le cœur net :

Enfin, je n’y tins plus, je voulus absolument le savoir, et j’interrogeai Magny. À ce qu’il m’apprit, le chateaubriand fut baptisé ainsi, parce qu’il avait été inventé sous les auspices de… M. de Chabrillan ! N’est-ce pas là l’origine commune des histoires et des légendes qui, sauf de rares exceptions, sont toutes nées d’une faute de langue ou d’une faute d’orthographe ?

Il est vrai qu’il reste à ce grand écrivain, à ce philosophe morose, la popularité, énorme, permanente, la gloire en billon circulant du bouillon Duval au cabaret du Lyon d’Or, d’avoir servi de patron à un beefsteack renommé — lui qui n’en mangeait jamais et ne se nourrissait que de laitage, d’encens et de souvenirs. Ô ironie ! ô reconnaissance des peuples ! Un beefsteack aux pommes, voilà peut-être tout ce qui restera un jour d’un Atlas de la pensée, d’un Archimède de la philosophie. Il portait un monde dans son vaste cerveau, il rêvait d’en soulever un autre avec sa plume, et le résultat de tout cela : un nom qu’on crayonne sur un menu de restaurant. C’est ça la gloire !

(E. Lepelletier)

On vient d’installer à la Bibliothèque nationale un petit buffet, très commode pour les travailleurs. L’un de ceux-ci y pénètre dernièrement :
Que désire monsieur ?
— Qu’est-ce qu’on peut bien manger dans celte cité des lires ? Donnez-moi un Chateaubriand.
— Voilà, monsieur.
— Grand format, surtout.

Chatellerault

Virmaître, 1894 : Couteau. Allusion à la ville renommée pour sa fabrication. On pourrait aussi bien dire Thiers ou Noutron (Argot des voleurs). V. Lingre.

Châtier

d’Hautel, 1808 : Qui aime bien châtie bien. Signifie que l’amour d’un bon père pour ses enfans ne doit point le rendre aveugle sur leurs défauts ; que le devoir lui ordonne, au contraire, de réprimer avec sévérité le vice, dès qu’il se montre en eux.

Chaton

d’Hautel, 1808 : Diminutif ; petit chat. Nom d’amitié, que l’on donne aux plus petits enfans.

Fustier, 1889 : Petit chat. Individu charmant. (Richepin.)

Chatouillage au roupillon

Fustier, 1889 : Vol au poivrier.

Chatouille

France, 1907 : Légère sensation provenant d’un frôlement sur l’épiderme.

Et un de ces corps délicats, souples, graciles comme il en apparait dans les gouaches galantes des petits maîtres de l’autre siècle, résistant avec de feintes pudeurs aux assauts d’amour, tressaillant, palpitant, riant, perdant la tête à la plus imperceptible chatouille qui les frôle, et si étourdies qu’elles tendent leurs lèvres quand on n’implorait qu’un timide baiser sur les doigts.

(Riquet, Gil Blas)

France, 1907 : Chansonnette comique appelée ainsi parce qu’elle excite au rire.

Chatouille (une)

Virmaître, 1894 : Une chansonnette. Vieux terme de goguette :
— Allons, dégoise-nous ta petite chatouille (Argot du peuple). N.

Chatouiller

d’Hautel, 1808 : Se chatouiller pour se faire rire. C’est se représenter intérieurement en soi-même des sujets agréables et burlesques qui excitent à rire, ou chercher à se mettre en joie, quoiqu’on n’en ait pas sujet. On dit aussi, et dans le même sens, Se pincer pour se faire rire.

Chatouiller le public

Rigaud, 1881 : Charger un rôle, ajouter à la prose de l’auteur des facéties dans l’espoir de faire rire le public. (Jargon des coulisses.)

France, 1907 : Faire ou dire des plaisanteries sur la scène.

Chatouiller les côtes

France, 1907 : Battre, donner une volée à quelqu’un.

Chatouiller les menesses

France, 1907 : Faire rire les femmes.

Le patron n’aime pas beaucoup les « comtois » qui tirent la bourre en représentations pour chatouiller les menesses.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Chatouiller un roupilleur

France, 1907 : Fouiller doucement les poches d’un dormeur.

Chatouilleur

France, 1907 : Fripon de bourse ou de banque qui cherche à vendre de mauvaises valeurs.

Chatouilleur marron

Rigaud, 1881 : C’est le romain, le claqueur de fonds publics. Son rôle consiste à chauffer une émission, à stimuler le zèle des souscripteurs, comme le rôle des chevaliers du lustre consiste à chauffer la pièce, à entretenir le feu sacré des acteurs. (Jargon de la Bourse.)

Châtrer

d’Hautel, 1808 : Châtrer une bourse. En diminuer la valeur, en ôter une partie.
Voix de châtré. Voix aigre, foible et grêle.

Delvau, 1864 : Rendre un homme inhabile à la génération, en lui coupant les testicules.

Beau con dont la beauté tient mon âme ravie,
Qui les plus vieux châtrés pourrait faire dresser.

Théophile.

Chatte

Delvau, 1866 : s. f. Autrefois écu de six livres, aujourd’hui pièce de cinq francs, — dans l’argot des filles.

Fustier, 1889 : Pédéraste. Argot des voleurs. Terme injurieux que s’adressent les enfants des rues.

Virmaître, 1894 : Homme aimé des pédérastes pour ses manières câlines. La femme aussi est chatte si elle est câline à ses heures, à d’autres elle sait griffer (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Lop ou lob, gueuse, coquine, tante, fiote, copaille, tapette. Singulier masculin qui se fait mettre au féminin.

France, 1907 : Pièce de cinq francs ; argot des filles.

Chattement

Delvau, 1866 : adv. Doucement, calmement. L’expression est de Balzac.

Chattemiteux

France, 1907 : Personne collet monté, obtuse, emmitouflée dans les préjugés et l’hypocrisie. « Une vieille dévote chattemiteuse. »

Une fois, cependant, une seule fois par an, je me promets d’écrire une histoire pour les gens pudibonds. Les cafards et les chattemiteux se peuvent donc abonner comme les autres. Je leur mets en réserve un conte si honnête, si monstrueusement décent, si scandaleusement innocent qu’ils en jetteront leur Berquin au feu comme corrupteur de la jeunesse et pour ne plus lire que moi.

(Armand Silvestre)

Chaud

d’Hautel, 1808 : Plâtre-chaud. Sobriquet injurieux que l’on donne à un maçon qui ne sait pas son métier ; à un architecte ignorant.
Jouer à la main chaude. Au propre, mettre une main derrière son dos, comme au jeu de la main chaude. Le peuple, dans les temps orageux de la révolution, disoit, en parlant des nombreuses victimes que l’on conduisoit à la guillotine, les mains liées derrière le dos, ils vont jouer à la main chaude, etc.
C’est tout chaud tout bouillant. Pour dire que quelque chose qui doit être mangé chaud est bon à prendre. On dit aussi d’un homme qui est venu d’un air empressé et triomphant annoncer quelque mauvaise nouvelle, qu’Il est venu tout chaud tout bouillant annoncer cet évènement.
Chaud comme braise.
Ardent, bouillant, fougueux et passionné.
Tomber de fièvre en chaud mal. C’est-à-dire, d’un évènement malheureux dans un plus malheureux encore.
Avoir la tête chaude. Être impétueux, et sujet à se laisser emporter à la colère.
On dit, par exagération, d’une chambre ou la chaleur est excessive, qu’Il y fait chaud comme dans un four.
Il fait bon et chaud.
Pour dire que la chaleur est très-forte. Voy. Bon.
Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. C’est-à-dire, pousser vivement une affaire quand l’occasion est favorable.
À la chaude. Dans le premier transport.
Cela ne fait ni chaud ni froid. C’est-à-dire, n’influe en rien, n’importe nullement.
La donner bien chaude. Exagérer un malheur, donner l’alarme pour une un événement de peu d’importance, faire une fausse peur.
Si vous n’avez rien de plus chaud, vous n’avez que faire de souffler. Se dit à quelqu’un qui se flatte de vaines espérances, qui se nourrit d’idées chimériques.
Il n’a rien eu de plus chaud que de venir m’apprendre cet accident. Pour, il est venu avec empressement, d’un air moqueur et joyeux m’annoncer cet accident.

Larchey, 1865 : Coureur de belles, homme ardent et résolu. — Autrefois on disait chaud lancier :

Le chaud lancier a repris Son Altesse royale.

Courrier burlesque, 2e p., 1650.

Delvau, 1866 : adj. Cher, d’un prix élevé.

Delvau, 1866 : adj. et s.. Rusé, habile, — dans l’argot du peuple, assez cautus. Être chaud. Se défier. Il l’a chaud. C’est un malin qui entend bien ses intérêts.

La Rue, 1894 : Dangereux. Passionné. Se tenir chaud, être sur ses gardes.

France, 1907 : Rusé, malin. Se dit aussi pour un homme porté à l’amour ; on ajoute alors souvent : de la pince. Henri IV était très chaud de la pince. Ce n’est jamais un mal, si c’est parfois un danger. Dans le même sens, chaud lancier.

Chaud ! chaud !

Delvau, 1866 : Exclamation du même argot [du peuple], signifiant : Vite ! dépêchez-vous !

Rigaud, 1881 : Vite ! vite !

France, 1907 : Exclamation populaire qui signifie : Dépêchez-vous !

Chaud (avoir)

Rigaud, 1881 : Avoir peur, — dans le jargon des voyous. Le saisissement causé par la peur détermine souvent la transpiration.

France, 1907 : Se trouver dans une affaire où pleuvent balles ou horions, où, selon l’expression consacrée : Il faisait chaud !

Chaud (être)

Rigaud, 1881 : Se tenir sur ses gardes.

Rossignol, 1901 : Malin. Ce mot me rappelle un beau nègre, nomme Barca, qui était soldat aux zouaves de la garde. Étant en faction dans l’intérieur des Tuileries, l’Empereur passa près de lui et lui causa. Barca ne répondit pas, et Napoléon III demanda à l’officier de Service si ce nègre ne comprenait pas le français. Lorsque Barca fut relevé de faction, on lui demanda pourquoi il n’avait pas répondu à l’empereur.

Lui chaud, dit Barca, mais moi je brûle ; le Kibir voulait me faire parler étant de faction pour me f… iche dedans.

Il est vrai que la consigne interdit aux sentinelles de causer. J’ai rencontré en Kabylie, en 1871, lors de l’insurrection, Barca qui regrettait les madames la France et la barrière Zobi : barrière de l’École, ainsi nommée par les Arabes ayant tenu garnison à Paris, en raison d’un grand nombre de maisons à grand numéro qui y existaient avant 1870.

France, 1907 : Avoir l’œil au guet, se tenir sur ses gardes.

Chaud (il est)

Virmaître, 1894 : Malin, rusé, méfiant. Se dit de quelqu’un difficile à tromper (Argot du peuple).

Chaud (il fera)

France, 1907 : Expression qui signifie jamais. « Quand tu m’y reprendras, il fera chaud. »

Chaud (mettre le petit au)

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Vénus, — dans le jargon des troupiers.

Chaud comme braise (être)

Delvau, 1864 : Se dit d’un homme qui bande toujours, pour qui toutes les femmes sont égales devant sa pine.

Dans les gardes-françaises
J’avais un amoureux,
Fringant, chaud comme braise,
Jeune, beau, vigoureux.

J.-J. Vadé.

Je suis étroit, chaud comme braise,
Mon pucelage vaut le tien.

(Parnasse satyrique.)

Chaud de la pince

Delvau, 1864 : Homme ardent aux plaisirs vénériens ; bon fouteur.

C’était un chaud de la pince
Qui peuplait dans chaque province
L’hospice des enfants trouvés.

Louis Festeau.

Delvau, 1866 : s. m. Homme de complexion amoureuse.

Rigaud, 1881 : Luxurieux. On disait jadis : chaud de reins.

Où les centaures saouz, au bourg Atracien
Voulurent, chauds de reins, faire nopces de chien.

(Régnier, satire X.)

Virmaître, 1894 : Hommes pour qui toutes les femmes sont bonnes. On dit d’un homme chaud :
— Chien enragé mord partout (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Individu pour qui n’importe quelle femme est bonne.

Chaud de lance ?

Rossignol, 1901 : J’ai entendu chanter dans les caveaux, une chanson sur l’hôpital du Midi, aujourd’hui hôpital Ricord, dont voici un couplet :

On vous donne des tisanes et des graines, Du copahu ainsi que de l’Opiat, Et de l’iodure pendant la. quarantaine, Matin et soir après chaque repas. Le potassium sur tous les hommes Fait son effet, dit le docteur Simonet ; Essayez-en, mes bonnes gens, De tous ces remèdes, vous en serez contents.

Chaud et froid

Rossignol, 1901 : Si une dame vous loue son local pour un instant, qu’avant de l’habiter vous ne visitiez pas les papiers pour vous rendre compte que tout est bien en règle, vous êtes en danger d’y trouver un courant d’air et d’y attraper un chaud et froid.

Chaude comme braise

Virmaître, 1894 : Femme hystérique qui aime tous les hommes (Argot du peuple).

France, 1907 : Femme qui se livre à tous les hommes. (Ch. Virmaître)

Chaude lance

La Rue, 1894 : Gonorrhée.

Virmaître, 1894 : Maladie qui se soigne à l’hôpital Ricord, ou chez les charlatans qui vantent leurs spécifiques dans les pissotières.
— Traitement facile à suivre, en secret, même en voyage, guérison radicale sans rechute (Argot du peuple).

Chaude-lance

Delvau, 1864 : Le faux-nez de la chaude-pisse.

Le soldat de Lobau,
Dit-on, n’eut pas de chance,
Car une chaude-lance
Lui corda le bayou.

Joachim Duflot.

Larchey, 1865 : Gonorrhée (Vidocq) — Allusion à la chaleur et aux élancements du canal de l’urètre.

France, 1907 : Gonorrhée, autrement dit : chaude-pisse.

Chaude-pisse

Delvau, 1864 : Écoulement vénérien au canal de l’urètre, — une des épines de cette rose qu’on appelle la femme.

… Suis-tu d’abord quel nom
Donner à l’instrument par où te mâle pisse
Et par lequel aussi lui vient la chaude-pisse ?

Louis Protat.

Chaudière à boudins blancs

Rigaud, 1881 : Partner des émigrés de Gomorrhe.

Chaudière à peau d’âne

Merlin, 1888 : Grosse caisse.

Chaudron

d’Hautel, 1808 : Récurer le chaudron. Se purger, prendre des médicamens après une maladie.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, — vase que la pine de l’homme se charge de fourbir et de laver.

Son mari n’était d’aventure assez roide fourbisseur d’un chaudron tel que le sien.

(Le Synode nocturne des tribades)

Delvau, 1866 : s. f. Mauvais piano qui rend des sons discordants, — dans l’argot des bourgeois. Taper sur le chaudron. Jouer du piano, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Vieux et mauvais piano.

France, 1907 : Piano. Taper sur le chaudron, jouer du piano, Se dit aussi pour cuirasse.

Chaudronner

Delvau, 1866 : v. a. Aimer à acheter et à revendre toutes sortes de choses, comme si on y était forcé.

Chaudronnier

Delvau, 1866 : s. m. Acheteur et revendeur de marchandises d’occasion, — de la tribu des Rémonencq parisiens.

France, 1907 : Cuirassier.

Chaudronniers

Merlin, 1888 : Cuirassiers. — C’est ainsi que les appellent railleusement, et peut-être avec une légère pointe de jalousie, les militaires des autres armes, qui comparent ainsi à un vulgaire chaudron leur cuirasse étincelante.

Chaudrons

Merlin, 1888 : Les gros instruments de musique de cuivre.

Chauffe grippard

Virmaître, 1894 : Chaufferette (Argot du peuple).

Chauffe la couche

Larchey, 1865 : Homme qui ne connaît au lit que les douceurs du sommeil.

Les maris qui obtiennent le nom déshonorant de chauffe la couche.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui aime ses aises et reste volontiers au lit, — dans l’argot du peuple. J’ai entendu employer aussi cette expression dans un sens contraire à celui que je viens d’indiquer, — dans le sens d’Homme qui s’occupe des soins incombant à la femme de ménage. C’est le mari de la femme qui porte les culottes.

Virmaître, 1894 : Homme qui fait dans son ménage l’ouvrage de la femme. Il soigne les enfants, il chauffe la couche (Argot du peuple).

Chauffe-grippard

France, 1907 : Chaufferette.

Chauffe-la-couche

d’Hautel, 1808 : Nom que l’on donne par raillerie à un tatillon, à un homme qui se mêle des moindres détails du ménage ; ce sobriquet s’applique aussi à un avare, à un parcimonieux.

France, 1907 : Homme qui s’occupe des soins du ménage. Mari débonnaire et complaisant qui chauffe le lit de madame pendant que celle-ci s’amuse. Se dit aussi d’un fainéant qui aime à rester tard au lit, ce que Rabelais appelait : « être flegmatique des fesses. »

Chauffer

d’Hautel, 1808 : Je ne me chauffe pas de ce feu-là. Pour, ce n’est pas ma manière de vivre ; je suis bien opposé à ce système.
Ce n’est pas pour vous que le four chauffe. Se dit à ceux que l’on veut exclure d’une chose à laquelle ils prétendent avoir part ; à un homme qui fait le galant auprès d’une femme qu’il ne doit point posséder.
Il verra de quel bois je me chauffe. Espèce de menace, pour dire quel homme je suis.
Allez lui dire cela, et vous chauffer ensuite à son four. Manière de défier quelqu’un d’aller redire à un homme le mal qu’on se permet de dire de lui en arrière.

Larchey, 1865 : Applaudir chaleureusement. V. Chaud.

Elle recueillait les plaintes de son petit troupeau d’artistes… on ne les chauffait pas suffisamment.

L. Reybaud.

Delvau, 1866 : v. n. Aller bien, rondement, avec énergie.

Rigaud, 1881 : Faire l’empressé auprès d’une femme. — Stimuler, pousser, jeter feu et flamme. Chauffer des enchères, chauffer une affaire. — Chauffer une entrée, saluer d’une salve d’applaudissements un acteur à son entrée en scène. La mission de la claque est de chauffer le entrées et les sorties des acteurs en vedette.

Rigaud, 1881 : Battre ; arrêter, dans le jargon des voyous. Se faire chauffer, se faire arrêter. — Se faire chauffer par un cerbère, se faire arrêter par un sergent de ville.

La Rue, 1894 : Battre. Arrêter. Courtiser avec ardeur. Aller bien, vite. Fouiller pour voler.

Virmaître, 1894 : On chauffe une pièce pour la faire réussir et obtenir un succès. Chauffer une réunion publique. Chauffer une femme : la serrer de près, lui faire une cour assidue. On disait autrefois : coucher une femme en joue. On ajoute de nos jours, par ironie :
— tu ne la tireras pas, ou bien encore : Ce n’est pas pour toi que le four chauffe.
Chauffer
une affaire pour attirer les actionnaires (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Prendre, battre.

Joseph a chauffé sa femme en partie fine avec un amoureux ; il a aussi chauffé l’amoureux de quelques coups de poing.

France, 1907 : Fouiller les poches, voler, Se dit aussi pour châtier.

Si tu fais un faux entiflage,
Choisis une largue en veuvage,
Qu’elle ait du fast, du monaco,
Et puis au jorn’ du conjungo ;
Chauffe l’magot avec madrice,
Cavale en plaquant ton caprice…

(Chanson d’un vieux voleur, recueillie par Hogier-Grison)

Chauffer (se)

France, 1907 : S’animer, mettre de l’ardeur à une affaire, s’y plaire.

— … Eh ben ! vieux, voyons, franchement, ça t’chauffe-t-y ?
— Si ça me chauffe ? mais mieux que ça, ça me botte !

(Henry Monnier)

Chauffer à la cheminée du roi René (se)

France, 1907 : Se chauffer au soleil, prendre un bain de lézard, ainsi que le faisait René d’Anjou, roi de Sicile et comte de Provence, que les habitants de Marseille, où il passait ordinairement l’hiver, voyaient venir s’asseoir sur le port, comme un simple bourgeois, et se chauffer au soleil. Cette locution populaire date du XVe siècle.

Chauffer la scène

Rigaud, 1881 : « Se remuer, s’agiter, s’évertuer pour faire rendre à un rôle plus qu’il ne contient. De chauffer à brûler les planches, il n’y a qu’un pas. »

(A. Bouchard, La Langue théâtrale.)

Chauffer le four

Delvau, 1866 : v. a. Se griser. Avoir chauffé le four. Être en état d’ivresse.

Rigaud, 1881 : Boire beaucoup. — Ce n’est pas pour lui que le four chauffe, le profit, l’agrément ne sera pas pour lui.

France, 1907 : Se griser.

La fille — Ah ! t’as soif, cher trésor, et tu me l’disais pas !… Si soif que ça !
Le passant — J’en crève !
La fille — T’as chauffé le four, pas vrai, brigand ! t’es n’en ribotte !… J’connais ça, vu qu’ça m’arrive encore pus souvent qu’à mon tour…

(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)

Chauffer un artiste, une pièce

France, 1907 : Préparer un succès, applaudir à outrance.

Chauffer un élève

Fustier, 1889 : Lui appliquer des moyens d’instruction oui hâtent ses connaissances aux dépens du développement total. (Littré.)

Il ne réussit qu’après avoir été chauffé dans une maison spéciale, par un professeur qui lui mâchait ses devoirs.

(Pellerin : Le roman d’un blasé.)

France, 1907 : Se dit des fabriques de bacheliers où l’on bourre un candidat des matières strictement essentielles pour son examen, au détriment des autres connaissances et qui ne lui serviront jamais dans la vie.

Chauffer une femme

Delvau, 1866 : v. a. Lui faire une cour sur le sens de laquelle elle n’a pas à se méprendre. Nos pères disaient : Coucher en joue une femme.

France, 1907 : La courtiser, la serrer de près. On disait autrefois : « la coucher en joue. »

Dans un fiacre, agrémenté de la pancarte : CHAUFFÉE, montent un monsieur et une jeune ferme qui baissent aussitôt les stores.
Gavroche, surprenant le fait :
— Pour sûr, alors !… qu’elle va l’être chauffée… à blanc, la p’tite dame !

Chauffer une femme, chauffeur

Delvau, 1864 : Homme qui bande pour une femme et qui la serre de près, comme l’épervier la colombe, pour épier le moment favorable où il pourra fondre dessus, la pine en avant.

Loquemans, c’est l’officier, le chauffeur de la petite.

Henry Monnier.

Chauffer une pièce

Delvau, 1866 : v. a. Lui faire un succès, la prôner d’avance dans les journaux ou l’applaudir à outrance le jour de la représentation.

Chauffer une place

Delvau, 1866 : v. a. La convoiter, la solliciter ardemment. Nos pères disaient : Coucher en joue un emploi.

France, 1907 : La solliciter, faire des intrigues pour l’obtenir, comme le font tous les budgétivores.

Chauffeur

Larchey, 1865 : Homme d’entrain.

C’était un bon enfant… un vrai chauffeur !

H. Monnier.

Larchey, 1865 : Courtisan.

C’est l’officier, le chauffeur de la petite.

Id.

Delvau, 1866 : s. m. Homme de complexion amoureuse. Se dit aussi de tout homme qui amène la gaieté avec lui.

Delvau, 1866 : s. et adj. Hâbleur, blagueur.

France, 1907 : Coureur de femmes. Hâbleur ou encore gai compagnon.

Chauffeurs (les)

France, 1907 : Nom donné à des bandes de brigands qui se formèrent pendant la Révolution, dans certaines provinces de l’ouest et du midi de la France, spécialement le Perche, le Maine, l’Île-de-France, le Languedoc. Bien armés, bien disciplinés, à cheval la plupart du temps, ils attaquaient les fermes et les maisons de maître isolées et chauffaient, c’est-à-dire brûlaient les pieds des victimes qui refusaient d’indiquer l’endroit où étaient cachés l’argent ou les bijoux. Ils se couvrirent, par la suite, d’une couleur politique et se confondirent avec les derniers chouans dans l’Ouest, et dans le Midi avec les Verdets, les Trestaillons, les Compagnons de Jéhu. Ils avaient un argot spécial dont Lorédan Larchey a reproduit le glossaire publié en l’an VIII, par P. Leclair, à la suite de son Histoire des Chauffeurs d’Orgères.
C’est à Fouché, ministre de la police, que l’on doit la disparition des chauffeurs.

Chaufournier

Rigaud, 1881 : Garçon chargé de verser le café.

Chaumir

Larchey, 1865 : Perdre (Vidocq). — Corruption de chomer (?). Le chômage entraîne une perte d’argent.

Delvau, 1866 : v. a. Perdre, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Perdre.

France, 1907 : Perdre.

Chausser

d’Hautel, 1808 : Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés. Signifie que les ouvriers négligent ordinairement pour eux-mêmes les avantages que leur donne leur profession.
Elles chaussent le même point. Se dit de deux personnes qui ont mêmes inclinations, mêmes sentimens.

Larchey, 1865 : Convenir (d’Hautel, 1808).

Les diamants ! ça me chausse, ça me botte.

Mélesville.

Delvau, 1866 : v. a. Convenir, — dans l’argot des bourgeois, qui n’osent pas dire botter.

Rigaud, 1881 : Convenir. Vieux mot ; autrefois on disait se chausser au point, en parlant de deux amoureux.

Toutes en fait d’amour se chaussent en un point.

(Régnier.)

France, 1907 : Convenir : même sens que botter.

— Alors, mon garçon, qui dit, j’pourrai pas m’occuper d’vot’ affaire avant mardi. — Ça me chausse et ça me botte, que j’y dis.

(Henry Monnier)

Chausser le cothurne

Delvau, 1866 : v. a. Écrire ou jouer des tragédies, — dans l’argot des académiciens, qui parlent presque aussi mal que les faubouriens la noble langue dont ils sont les gardiens, comme les capi-agassi sont ceux d’un sérail.

France, 1907 : Faire ou jouer des tragédies.

Chausser le pied droit le premier

France, 1907 : Vieille coutume qui consiste à tout commenter et à tout faire du côté droit. La droite portait bonheur, la gauche malheur, d’où sinistre, de sinistra, gauche. Les parents, au lieu de nous habituer à nous servir également de nos membres, stérilisent le gauche en faveur du droit, et l’instinct de la routine est tel qu’a l’égard de nos enfants nous agissons comme eux. Chausser le pied droit le premier est encore, dans maintes campagnes, un présage de réussite, de bonheur pour la journée.

Quand aucune femme porte des chappons à la bonne ville, pour les vendre, où autres choses, s’elle, d’aventure, chausse au matin son pied droit le premier, elle aura bonheur de bien vendre.

(Les Évangiles des quenouilles)

Chausser une femme

Delvau, 1864 : Être le mâle qui lui convient, avoir le membre qui s’adapte le mieux à son con.

Je veux dire que tu es un crâne fouteur, que ta me cgausses comme jamais, en effet, je n’ai été chaussée.

Lemercier de Neuville.

Chausses

d’Hautel, 1808 : Les fripons, (ou toute autre injure) sont dans vos chausses, entendez-vous ? Réponse que fait ordinairement la personne offensée à l’offenseur, et qui signifie, cette injure yous est personnelle ; vous donnez votre nom aux autres. Cette locution est très-usitée parmi le peuple de Paris.
Cette femme porte les hauts-de-chausses. C’est-à-dire, s’arroge les droits qui n’appartiennent qu’à son mari.
Prendre son cul pour ses chausses. Locution burlesque et triviale qui signifie se méprendre, se tromper grossièrement.
Faire dans ses chausses. Pour avoir peur, être dans un grand trouble, une grande agitation.
Tirer ses chausses. S’esquiver, s’enfuir, se sauver furtivement.
Il a la clef de ses chausses. Se dit d’un jeune homme qui est hors de la férule, de l’âge où l’on donne le fouet.
C’est un gentilhomme de Beauce, il se tient au lit quand on racoûtre ses chausses. Dicton facétieux et railleur, qui se dit d’un noble sans fortune qui affecte des airs qui ne conviennent point sa position.
Vous avez des chausses de deux paroisses. Se dit à celui qui a des bas ou des souliers dépareillés.

Chaussette

France, 1907 : Anneau de fer attaché à la jambe d’un forçat.

Chaussettes

Merlin, 1888 : Gants. Pour le civil, pour le pékin, le gant est un vêtement de luxe ; pour les soldats, c’est la chaussette ; rien donc d’étonnant à ce qu’ils affublent l’un de la dénomination de l’autre.

France, 1907 : Gants, dans l’argot des troupiers, dont cet accessoire ressemble en effet par la coupe et l’élégance à une paire de chaussettes.

Le tourlourou Ratichon, qui descendait de garde, fit une toilette flambante, s’astiqua du haut en bas et, reluisant comme la visière immense des képis du petit lieutenant Troumadames, sortit du quartier, ayant fourré ses mains dans des chaussettes d’une immaculée blancheur.

(La Baïonnette)

Chaussettes (essence de)

Rigaud, 1881 : Puanteur des pieds. Le peuple qui aime à plaisanter ne manque pas de dire que la meilleure essence de chaussettes doit sortir des bottes d’un gendarme ou des souliers d’un facteur rural. — La plaisanterie de l’essence de chaussettes, de l’excellent fromage recueilli dans les bottes d’un bon gendarme, et autres du même parfum, date de loin. On trouve dans les adages français du XVIe siècle : « Talons de gendarmes, talon de fromage. » — Au XVIIIe siècle, on disait couramment : Sentir le pied de messager. (Hurtaud, Dict. des homonymes.)

France, 1907 : Mauvaise odeur provenant des pieds des gens qui ne se les lavent pas. Se dit aussi du mauvais café.

Chaussettes de deux paroisses

Delvau, 1866 : s. f. pl. Chaussettes dépareillées.

Rigaud, 1881 : Chaussettes dépareillées.

Chaussettes polonaises

Delvau, 1866 : s. f. pl. Morceaux de papier dont les soldats s’enveloppent les pieds.

Chaussettes polonaises ou russes

France, 1907 : Bandes de linge dont les pauvres diables et les soldats, faute de chaussettes, s’enveloppent les pieds.

Ils dormaient, les sans logis, à plat sur le sol, la tête, en guise d’oreiller, un peu haussée par leurs souliers. Leurs pieds blessés, leurs pieds d’errants, s’enveloppaient comme dans un bandage avec les croisés de la chaussette polonaise.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Il colla, d’une goutte de suif, une chandelle au bout de sa patience dont il introduisit l’autre extrémité sous la pile des vêtements que contenait sa charge, et ayant enlevé ses bottes à la lueur de ce chandelier improvisé, il commença, assis de côté sur son lit, a déligoter ses chaussettes russes.

(Georges Courteline, Le 51e chasseurs)

Chaussettes russes

Merlin, 1888 : À défaut de chaussettes dont le gouvernement n’a jamais songé à les munir, les troubades s’enveloppent tant bien que mal les pieds de morceaux d’étoffes qu’ils découpent principalement dans leurs vieilles culottes. Ces chiffons prennent le nom pompeux de chaussettes russes ou polonaises : serait-ce une invention des Cosaques, ou simplement un nom donné en raison du…. suif dont elles sont imprégnées et qui, affirmait-on jadis, était un régal pour les soldats moscovites ?

Virmaître, 1894 : Être nu-pieds dans ses souliers (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Chiffons dont on s’entortille les pieds en guise de chaussettes. Ce n’est qu’à la rentrée de Crimée en 1851, que j’ai entendu pour la première fois dénommer ces chiffons, dont on faisait à cette époque grand usage dans l’armée, des. chaussettes russes.

Chausson

d’Hautel, 1808 : Tout son équipage tiendroit dans un chausson. Se dit par raillerie de quelqu’un dont le trousseau, le bagage est fort mince, et la bourse bien plus modique encore.

Delvau, 1864 : Fille de la dernière catégorie, qui chausse tout le monde et se fait chausser par tout le monde.

Joséphine ! elle a chausse le cothurne à la salle de la Tour d’Auvergne, chez Ricourt… — C’est pour cela que je l’appelle chausson… qu’elle est.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : s. m. Pâtisserie grossière garnie de marmelade de pommes et de raisiné. Les enfants en raffolent parce qu’il y a beaucoup à manger et que cela ne coûte qu’un sou.

Delvau, 1866 : s. m. Femme ou fille qu’une vie déréglée a avachie, éculée. Putain comme chausson. Extrêmement débauchée. Aurélien Scholl a spirituellement remplacé cette expression populaire, impossible à citer, par cette autre, qui n’écorche pas la bouche et qui rend la même pensée : Légère comme chausson.

Delvau, 1866 : s. m. Boxe populaire où le pied joue le rôle principal, chaussé ou non.

Virmaître, 1894 : Putain. Femme pour qui tout homme est bon. On dit putain comme chausson, parce que le chausson prête beaucoup et va à tous les pieds (Argot du peuple).

France, 1907 : Prostituée. On dit généralement : putain comme chausson.

France, 1907 : Art de la lutte à coups de pieds également appelé savate.

Chaussonner

Delvau, 1866 : v. a. Donner des coups de pied.

Chaussure

d’Hautel, 1808 : Un réparateur de la chaussure humaine. Manière précieuse et affectée de désigner un enfant de Saint-Crépin, cordonnier ou savetier.
Trouver chaussure à son pied. Rencontrer ce qui convient ; trouver son maître, trouver à qui parler.

Chaussure à son pied

Virmaître, 1894 : Femme laide et défectueuse qui trouve quand même un amant on à se marier. Elle a trouvé chaussure à son pied (Argot du peuple). N.

Chauve

d’Hautel, 1808 : L’occasion est chauve. C’est-à-dire, qu’il faut se hâter d’en profiter lorsqu’elle se présente, qu’une fois perdue, elle se rencontre rarement.

Chauvin

Rigaud, 1881 : Ultra-patriote. — Type de soldat en 1830.

France, 1907 : Patriote exagéré et ridicule ; la charge de l’amour de la patrie. Le peintre Charlet, qui, dans une série de caricatures populaires parues en 1823, représentait un conscrit nommé Chauvin, possédé d’un patriotisme étroit et inintelligent, est le créateur de cette expression.

Chauvin, chauviniste

Larchey, 1865 : Patriote ardent jusqu’à l’exagération.

Je suis Français ! Je suis Chauvin !

Cogniard, 1831.

Allusion au nom d’un type de caricatures populaires. le chauvinisme est la doctrine de chauvin

Le chauvinisme a fait faire de plus grandes choses que l’amour de la patrie dont il est la charge.

Noriac.

Chauvinisme

Rigaud, 1881 : Amour exagéré de la patrie.

Le chauvinisme a fait faire plus de grandes choses que l’amour de la patrie dont il est la charge.

(J. Noriac, Le 101e régiment.)

Tout sentiment excessif peut tourner au chauvinisme.

France, 1907 : Patriotisme exagéré, voisin du ridicule.

Le Français fait bon marché de son chauvinisme et est le premier prêt à en rire. Avec l’Anglais, rien de pareil, le chauvinisme s’est élevé à la hauteur d’une institution nationale : y toucher c’est commettre un sacrilège. Être Anglais, c’est son plus beau titre. De cet orgueil on ne peut le blâmer, mais où il a tort, c’est de tenir en profond mépris tout ce qui est étranger.
— Si je n’étais pas Français, disait Voltaire, je voudrais être Anglais.
— Moi, lui riposta John Bull, si je n’étais pas Anglais, je voudrais l’être.

(Hector France, L’Armée de John Bull)

Chè

un détenu, 1846 : Ivrogne. Être de chè, être ivre.

Chef

d’Hautel, 1808 : Pour tête, ce qui conduit le corps.
Découvrir le chef Saint-Blin. Ôter son chapeau ou son bonnet ; se découvrir la tête.

Merlin, 1888 : Sergent-major.

France, 1907 : Abréviation de maréchal des logis chef, et aussi de chef de cuisine.

Chef d’attaque

Rigaud, 1881 : Chef d’une bande de voleurs. — Abadie était un chef d’attaque.

Chef de calotte

Fustier, 1889 : « Dans les pensions militaires, on appelle chef de calotte le plus ancien et le plus élevé en grade des officiers qui mangent ensemble… »

(H. Malot : Le lieutenant Bonnet.)

Chef de cuisine

Rigaud, 1881 : Contre-maître dans une brasserie.

Chef-d’œuvre

d’Hautel, 1808 : Au propre, ce mot exprime quelque chose de parfait. Au figuré, il se prend souvent en mauvaise part, et l’on dit par dérision à un homme qui a commis quelque légèreté : Vous avez fait là un beau chef-d’œuvre.

Chelingoter de la gueule

Virmaître, 1894 : Puer de la bouche (Argot du peuple). V. Trouilloter de la hurlette.

Chelingoter ou chelinguer

France, 1907 : Sentir mauvais. Chelinguer des arpions, puer des pieds ; chelinquer du bec ou de la gueule, avoir mauvaise haleine. On dit aussi, dans le même sens : casser, danser, fouetter, plomber, repousser, trouilloter, veziner et vezouiller.

Chelinguer

Delvau, 1866 : v. n. Puer, — dans l’argot des faubouriens. Chelinguer des arpions. Puer des pieds. On dit plus élégamment : Chelinguer des arps. Chelinguer du bec. Fetidum emittere halitum. L’expression ne viendrait-elle pas de l’allemand schlingen, avaler, ouvrir trop la bouche ?

La Rue, 1894 : Puer.

Chelinguer, schelinguer

Rigaud, 1881 : Puer. — Schelinguer du goulot, schelinguer du couloir, sentir mauvais de la bouche — Schelinguer des arpions, puer des pieds.

Chelu

France, 1907 : Lampe dont se servent les canuts.

Le soir, éclairé seulement par la petite lampe qu’il nomme chelu, il trouve moyen de concilier son travail et son plaisir en lisant une pièce de théâtre, un roman, en chantant une romance amoureuse et sentimentale, une chanson patriotique, selon son humeur.

(Joanny Augier, Le Canut)

Chemin

d’Hautel, 1808 : Il va son petit bonhomme de chemin. Se dit d’un homme prudent et réservé, qui sans faire des affaires brillantes, ne laisse cependant pas que de se soutenir honorablement.
Il ne va pas par trente-six chemins. Se dit d’une personne qui s’explique ouvertement, sans détour, qui brusque les façons et les cérémonies.
Le chemin de Saint-Jacques. Pour dire la voie lactée.
Prendre le chemin des écoliers. Prendre le plus long, faire de grands détours pour arriver au but.
Faire son chemin. Pour dire se produire, par venir, faire ses affaires.
Il ne faut pas aller par quatre chemins. Pour il ne faut pas tergiverser ; il faut se décider, dire franchement et sans ménagement ce que l’on pense.
Il trouvera plus d’une pierre dans son chemin. Pour, il rencontrera bien des obstacles.
À chemin battu il ne croit point d’herbe. Signifie qu’il n’y a aucun bénéfice à faire dans un état dont tout le monde se mêle en même temps.
Je te mènerai par un petit chemin où il n’y aura pas de pierres. Se dit par menace à un enfant mutin, pour je te ferai marcher droit ; et en riant, d’un chemin étroit et difficultueux, dans lequel on ne peut passer que les uns après les autres : c’est le chemin du paradis.
Il n’en prend pas le chemin.
Pour, il ne se met pas en mesure de faire telle ou telle chose ; de réussir dans une affaire quelconque.
Il prend le chemin de l’Hôpital. Se dit d’un prodigue, d’un dépensier, qui se ruine en de folles dépenses.
Aller droit son chemin. Se conduire avec probité, d’une manière franche et loyale.
Suivre le grand chemin des vaches. On dit plus communément la poste aux ânes ; ce qui signifie la routine ordinaire.

Chemin de Damas

France, 1907 : Chemin du repentir, de la conversion : allusion à celle de saint Paul, l’apôtre des Gentils, qui, élevé à Jérusalem dans les principes du pharisaïsme, fut d’abord un des plus ardents persécuteurs des chrétiens. Mais, un jour qu’il se rendait à Damas, pour y prendre, d’après l’ordre du prince des prêtres, tous les chrétiens qui s’y trouvaient et les amener liés à Jérusalem, il fut, dit la légende, environné d’une lumière éclatante qui le renversa par terre — la dynamite de ce temps-là — et il entendit une voix qui, l’appelant par son nom de Juif, lui disait : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? — Qui êtes-vous, Seigneur ? répondit-il. — Je suis Jésus, » répondit la voix. Et Saül, tout tremblant, s’écria : « Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? — Croire en moi, » dit Jésus. Ce que fit aussitôt Saül, D’où il suit que se repentir, c’est faire le chemin de Damas.

Chemin de fer

Delvau, 1866 : s. m. Variété du jeu de baccarat, — où l’on perd plus vite son argent.

Rigaud, 1881 : Baccarat où chaque joueur tient à son tour les cartes, et fait office de banquier. Ainsi nommé parce qu’il va plus vite que le baccarat en banque.

Le démon du baccarat du lansquenet et du chemin de fer exerçait partout ses ravages.

(Les Joueuses, 1868.)

On nomme encore chemin de fer un jeu où chaque intéressé, peut à sa volonté, lorsqu’il a les cartes en main, jouer soit le baccarat, soit le lansquenet, soit le vingt-un.

France, 1907 : Variété du baccara où l’on perd plus vite son argent.

Chemin du paradis

Delvau, 1864 : La nature de la femme, — où l’on ne peut aller qu’un à un, le bâton de chair à la main.

Chemineau

France, 1907 : Vagabond, pauvre hère, homme qui va par les chemins à la recherche de ce qu’il trouve rarement, bon souper et bon gîte.

Le jeune. — Comment se nourrit-on, si on n’a pas d’argent ?
Le vieux. — Rien de plus facile. On est chemineau, ça suffit. Ça vous donne une espèce de droit moral à la mendicité. On sonne à toutes les portes de fermes, de maisons et de châteaux. On a sur le dos un sac de toile, on l’ouvre, tout le monde y jette quelque chose, des sous, des légumes, du pain… et puis du bon, du vrai pain frais de campagne, pas de ce sale pain d’ici, des restaurants, qui a trainé la nuit sur la table des rues et qui sent le cabinet de toilette… Oh ! on ne manque de rien, on en a plutôt trop.

(Henri Lavedan)

On écrit aussi cheminot.

Cheminée

d’Hautel, 1808 : Un mariage fait sous le manteau de la cheminée. Union projetée et arrêtée entre les parens des deux futurs, à l’insu et sans le consentement de ces derniers. Mariage dont l’intérêt des deux familles fait souvent l’unique base.
Faire quelque chose sous la cheminée. C’est-à-dire à la dérobée, furtivement.
Il faut faire une croix à la cheminée. Se dit par plaisanterie d’un paresseux qui a fait plus de diligence qu’à l’ordinaire, et pour marquer la surprise de le revoir si vite ; d’un homme que l’on n’a vu depuis fort long-temps ; et en général de toutes les choses que l’on fait par hasard comme elles devroient toujours être faites.
Il a pris cela sous le manteau de la cheminée. Se dit de celui qui fait quelque récit dénué de fondement, ou qui se permet de faire quelque chose sans qu’on le lui ordonne.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, que l’homme se charge de ramoner souvent avec la pine, de peur d’incendie, car elle flambe toujours.

Ramonnez-moy ma cheminée,
Ramonnez-la-moy hault et bas.
Une dame, la matinée,
Ramonnez-moy ma cheminée,
Disoit, de chaleur forcenée
Mon amy, prenons nos esbas,
Ramonnez-moy ma cheminée,
Ramonnez-la moy hault et bas.

(Fleur de poésie.)

France, 1907 : Chapeau à haute forme, plus généralement connu sous le nom de chapeau à tuyau de poêle.

Cheminée (billard à)

France, 1907 : Jeu de hasard.

Vous allez voir ce que peut faire un mathématicien quand la société l’a embêté et qu’il se venge. Ils entrèrent dans une fosse mystérieuse qui avait pour enseigne un monstre à cinq pattes conservé dans l’esprit-de-vin. La baraque était divisée par un rideau de toile. Dans l’arrière-pièce, Panpan avait installé son billard à cheminée. Il déballa l’objet d’une petite caisse qui ressemblait à un banc, afin de donner le change à la police si elle descendait dans la baraque. La forme de l’appareil était d’un billard en plan incliné, à la base duquel on voyait des cases numérotées. Panpan enferma huit billes dans un gobelet, et, par une petite cheminée, les répandit sur le billard. Puis il additionna rapidement le total des chiffres inscrits sur ces cases.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Cheminer autrement que de pieds

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien, dans lequel, en effet, on fait beaucoup marcher la pine, — cette troisième jambe qui se fatigue si vite.

Lycaste pourrait bien l’avoir fait cheminer
Autrement que des pieds ; ce sexe est si fragile
Que, prenant bien son temps, vertement on l’enfile.

Trotterel.

Cheminot

France, 1907 : Ouvrier terrassier employé spécialement au percement des tunnels et des voies ferrées.

J’allais à la ville voisine,
Car, par un cheminot, j’appris
Que ma fille unique, en gésine,
S’y meurt et m’appelle à grands cris.

(François Coppée)

Ils sont environ vingt mille en France de vrais cheminots ; une véritable armée où pelles, pioches et pics remplacent fusils et canons. Ils forment, inconscients de leur utilité sublime, l’avant-garde dévouée — nous allions écrire sacrifiée — du progrès. Malgré qu’on ait décrété l’instruction obligatoire et gratuite, la plupart ne savent pas lire.

(Jean Allemane, Le Parti ouvrier)

Chemise

d’Hautel, 1808 : Ils ne font plus qu’un cul, qu’une chemise. Locution ironique et triviale qui se dit des personnes qui sont toujours ensemble ; et qui après avoir été brouillées, vivent dans une grande familiarité.
La chemise est plus près que le pourpoint. C’est-à-dire qu’en toute affaire les intérêts personnels doivent passer avant ceux des autres.
Être en chemise. Gallicisme ; n’avoir d’autre vêtement sur soi qu’une chemise.
Il mangera jusqu’à sa dernière chemise. Se dit d’un bélître, d’un prodigue, d’un homme adonné au jeu, à la débauche, au libertinage

Rigaud, 1881 : « Dans les tripots, la chemise est la carte que le banquier est tenu de mettre en sens inverse sous le paquet de cartes qu’il a en main, afin d’en cacher la dernière. Dans les cercles, on se sert à cet ellet d’une carte noire et épaisse. » (A. Cavaillé, Les Filouteries du jeu.) Cette carte a reçu le nom de « négresse » par allusion à sa couleur. C’est avec la négresse que l’on fait couper.

France, 1907 : Carte placée sons le jeu.

Méfiez-vous d’un banquier qui ne prend que très peu de cartes en main et qui oublie de placer sous la dernière une chemise ou « carte muette ». Celui-ci veut faire son point en voyant la « bergére », c’est-à-dire la dernière carte.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Chemise (être dans la)

France, 1907 : Être constamment avec une personne, ne pas la quitter. Se dit aussi pour être du dernier bien avec une jolie femme.

Chemise de conseiller

Delvau, 1866 : s. f. Linge volé, — dans l’argot des voleurs, qui ont voulu, dit M. Francisque Michel, donner à entendre que le linge saisi servait à faire des chemises à leurs juges.

France, 1907 : Linge volé. Est-ce, ainsi que le prétend Francisque Michel, pour donner à entendre que le linge saisi sur les voleurs servait à faire des chemises à leurs juges ?

Chemise ronde

Fustier, 1889 : Argot des troupiers qui désignent ainsi le civil, l’individu qui n’est pas soldat. Engager dans les chemises rondes, ne pas s’engager ou se réengager, rester dans la vie civile.

Chemises (compter ses)

Larchey, 1865 : Vomir. — Allusion à la posture penchée de l’homme qui vomit.

Rigaud, 1881 : Vomir.

La Rue, 1894 : Vomir.

France, 1907 : Vomir : allusion à la position que l’on a dans cette opération désagréable, où l’on est penché comme si l’on cherchait quelque chose à terre.

Chemises de conseiller

Rigaud, 1881 : Linge volé.

La Rue, 1894 : Linge volé.

Chenailler

Virmaître, 1894 : Faire des reproches à quelqu’un. C’est une façon polie pour ne pas dire engueuler.
— Je ne t’ai pourtant rien fait pour que tu soies toujours à me chenailler (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Gronder, quereller.

Chenapan

d’Hautel, 1808 : Mot injurieux et tiré de l’allemand qui signifie un vaurien, un garnement, un homme dépravé, un bandit.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie. C’est une déformation de schnap. — C’est ce geux de chenapan qui m’a tapé sur la coloquinte.

Chenapement

France, 1907 : Très bien.

Chenatre

France, 1907 : Même sens [très bien]. Dérivé de chenu.

Chenatre, chenu

Halbert, 1849 : Bon, beau.

Larchey, 1865 : Bon (Vidocq).Chenu sorgue : Bonsoir.

Chenu sorgue, roupille sans taffe.

Vidocq.

Chenu reluit : Bonjour. V. Fourgat.

Chenâtre, chenu

anon., 1827 : Bon, beau.

Bras-de-Fer, 1829 : Bon, beau.

Chêne

d’Hautel, 1808 : Payer en feuilles de chêne. Signifie payer quelqu’un en effets de nulle valeur.

Bras-de-Fer, 1829 : Homme.

Larchey, 1865 : Homme. — Abréviation de chenu. — Le chêne serait un homme chenu à voler, bon à voler.

Qu’as-tu donc morfillé ? — J’ai fait suer un chêne, son auber j’ai enganté et ses attaches de cé.

Vidocq.

Delvau, 1866 : s. m. Homme victime, — dans l’argot du bagne. Faire suer le chêne. Tuer un homme. Chêne affranchi. Homme affranchi, voleur.
Les voleurs anglais ont le même mot : oak, disent-ils d’un homme riche. To rub a man down with an oaken towel, ajoutent-ils en parlant d’un homme qu’ils ont tué en le frottant avec une serviette de chêne, — un bâton.

Rigaud, 1881 : Homme bien mis. Le chêne n’est pas le premier venu pour le voleur. — Faire suer un chêne, tuer un homme.

La Rue, 1894 : Homme de bonne apparence. Faire suer un chêne, tuer un homme.

France, 1907 : Dupe, homme bon à voler : abréviation de chenu. Chêne affranchi, voleur. Faire suer un chêne, tuer un homme.

Chêne (faire suer le)

un détenu, 1846 : Assassiner.

Chènevrière

d’Hautel, 1808 : C’est un épouvantail de chènevrière. Propos choquant qui se dit d’une personne difforme, laide et mal vêtue.

Chenil

d’Hautel, 1808 : Au propre, loge où l’on renferme les chiens. Au figuré, terme de mépris, petit logement incommode, sale et malpropre.
C’est un vrai chenil que cette chambre. Pour dire qu’il y règne une grande malpropreté, un grand désordre.

Chenille

d’Hautel, 1808 : On dit en parlant d’un homme d’une laideur extraordinaire, C’est une chenille.
Elle est laide comme une chenille.
Manière injurieuse et exagérée de dire qu’une personne est d’une laideur extrême.
Être en chenille. Être dans son négligé, dans ses habits de matin.

Virmaître, 1894 : Femme laide (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Fille ou femme laide, avorton.

Chenillon

Delvau, 1866 : s. m. Fille laide ou mal mise, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Même sens que ci-dessus. [Fille ou femme laide, avorton.]

Chenique

Larchey, 1865 : Eau-de-vie. — diminutif de chenu : Bon.

Chenique où chnic

France, 1907 : Eau-de-vie.

Cheniqueur

Larchey, 1865 : Buveur d’eau-de-vie.

Être cheniqueur, railleur, vantard, gourmand, Courir au feu comme à la gloire, Du troupier français v’là l’histoire.

Wado, Chanson.

France, 1907 : Buveur d’eau-de-vie.

Chenoc

La Rue, 1894 : Mauvais, avarié. Vieil infirme.

France, 1907 : Mauvais, avarié, individu bon à rien.

Chenof

France, 1907 : Lit. Corruption de l’allemand schlafen, dormir.

Chenu

d’Hautel, 1808 : Au propre, blanc de vieillesse ; on s’en sert au figuré pour exprimer le haut degré de bonté d’une chose quelconque.
Ce vin est chenu. Pour, est bon, exquis, excellent.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bon, excellent, admirable.

Larchey, 1865 : Bon, exquis. — Le Dictionnaire de Leroux (1718) l’emploie dans ce sens : Voilà du vin chenu. Selon d’Hautel (1808), chenu, signifiant au propre blanc de vieillesse (Roquefort), est appliqué au vin que la vieillesse améliore, et par extension à toute chose de première qualité.

Goujeon, une prise de tabac. — Oui-da, t’nez en v’là qu’est ben chenu.

Vadé, 1755.

As-tu fréquenté les marchandes de modes ? c’est là du chenu !

P. Lacroix, 1832.

Delvau, 1866 : adj. Bon, exquis, parfait, — dans l’argot des ouvriers.

La Rue, 1894 : Bon, beau. Chenu reluit : bonjour. Chenue sorgue, bonsoir. Chenument, très bien.

France, 1907 : Excellent ; une chose vieille blanchie par l’âge. Chenu pivois, un vin excellent ; chenu reluit, bonjour ; chenu sorgue, bonsoir. Argot des voleurs. Antithèse de chenoc.

Je lui jaspine en bigorne :
« Qu’as-tu donc à morfiller ?
— J’ai du chenu pivois sans lance
Et du larton savonné. »

(Vidocq)

anon., 1907 : Bon.

Chenu reluit

Delvau, 1866 : adv. Bonjour, — dans l’argot des voleurs. Chenu sorgue. Bonsoir.

Chenu, chenue

Rigaud, 1881 : Bon, bonne, beau, belle. — Du temps de la bande à Cartouche, le mot chenu était déjà, depuis longtemps, dans le courant argotique. On le trouve dans les Fourberies de Cartouchey pièce de Legrand. — Chenu reluit, bonjour, chenu sorgue, bonsoir, — dans l’ancien argot.

Chenuement

anon., 1827 : Fort bien.

Bras-de-Fer, 1829 : Fort bien.

Chenument

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Fort bien.

Halbert, 1849 : Fort bien.

Larchey, 1865 : Très-bien. V. Artie.

Une ville a beau feindre de se défendre ch’nument.

Vadé, 1755.

Delvau, 1866 : adv. Très bien. Vadé l’a employé.

France, 1907 : Très bien, très bon.

Chéquard

France, 1907 : Nom donné, depuis les scandales financiers de la Société de Panama, à tous ceux qui avaient reçu des chèques pour faire prendre des actions et des obligations dans cette gigantesque volerie, ministres, députés, journalistes, sénateurs et autres voleurs.

À quoi bon toutes ces turlutaines ? Y eut-il jamais des chéquards et des pots de Chambre ? Quel est celui qui ose parler de dix-huit cents millions escroqués à l’épargne française ? L’actionnaire doit courber la tête et se taire, sans murmurer ! Quel est donc cet empêcheur de chambrer en rond ?

(Henri Bauer)

Rendons-nous justice nous-mêmes, puisque aucune justice ne nous est réservée d’un gouvernement qui ne songe qu’à populariser les chéquards par les moyens les plus monstrueux.

(La Corse)

Chéquards

Virmaître, 1894 : Les députés, ou, du moins, les Cent-Quatre à qui on reprocha si vivement d’avoir reçu des chèques du baron de Reinach et du fameux Arton (Argot du peuple). N.

Cher

d’Hautel, 1808 : C’est magnifique et pas cher. Phrase dérisoire et satirique, qui se dit d’une chose ou d’une action dont on veut rabaisser la valeur.
Mon cher, ma chère. Pour dire mon ami, mon amie ; terme d’amitié, et quelquefois de hauteur dont se servent les gens de qualité en parlant à leurs inférieurs.

Rigaud, 1881 : Beaucoup, énormément, — dans le jargon des voleurs ; se place après le verbe qu’il, modifie. Se cavaler cher, courir ventre à terre.

La Rue, 1894 : Beaucoup, énormément, rude, élevé, très bien.

Rossignol, 1901 : Beaucoup.

Pour quatre sous de brie, tu es mal servi : il n’y en a pas cher.

France, 1907 : Beaucoup ou trés. Se cavaler cher, s’enfuir au plus vite.

Cher comme chresme

France, 1907 : Expression qui n’est plus en usage que chez les vieilles dévotes qui disent aussi : précieux comme un saint chresme. Voici comment Leduchat explique ce dicton : « C’est encore l’opinion du petit peuple dans le Périgord, qu’anciennement la substance du chresme se prénoit dans l’oreille d’un dragon, qu’un chevalier de la maison de Bourdeille alloit chercher au delà de Jérusalem, où il apportoit ensuite cette substance, laquelle, sanctifiée par les prélats du lieu, étoit distribué dans les églises de la chrétienté. »

Cher comme poivre

France, 1907 : Ce dicton n’est plus guère usité, et a perdu toute signification. Napoléon Landais en donne une explication singulière : « Il ne peut se comprendre, dit-il, que pour signifier que le poivre est peu de chose en lui-même, et vaut toujours trop cher. » Si l’auteur du Dictionnaire des Dictionnaires eût consulté Voltaire, il eût trouvé une raison plus satisfaisante : « Cet ancien proverbe est trop bien fondé sur ce qu’en effet une livre de poivre valait au moins deux marcs d’argent avant les voyages des Portugais. »
Cette épice était donc autrefois d’une extrême cherté. Les seigneurs, et principalement les seigneurs ecclésiastiques, qui en faisaient une grande consommation, l’avaient compris dans l’un des tributs imposés à leurs vassaux.
Geoffroy, prieur du Vigeois, voulant exulter la magnificence de Guillaume, comte de Limoges, raconte qu’il en avait chez lui des tas énormes amoncelés comme si c’eût été du gland pour les porcs !
Les juifs de Provence étaient obligés d’en payer deux livres par an et par tête à l’archevêque d’Aix ! Quand Clotaire III fonda le monastère de Corbie, il imposa ses domaines de trente livres de poivre aux religieux. C’était déjà une véritable passion pour le clergé, et de là est venu le surnom donné depuis au poivre : avoine de curé, poudre qui excite à l’amour ceux et celles qui en font usage.

Chérance (être en)

France, 1907 : Être ivre. Devenir en chérance, devenir cher.

Puisque tout devient en chérance,
Blasonné, t inot’ la séquence,
Décolle, recolle un sixain ;
Touche l’papier, fais-toi la main…

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Cherche

France, 1907 : Tien. Être dix à cherche, avoir dix points au jeu de billard lorsque son adversaire n’en a pas un.

Cherche !

Delvau, 1866 : Rien, — dans l’argot des gamins et des faubouriens. Avoir dix à cherche. Avoir dix points lorsque son adversaire n’en a pas un seul.

Cherche la gueulée

France, 1907 : Parasite.

Cherche-midi

Merlin, 1888 : Prison de ville.

Chercher

d’Hautel, 1808 : Chercher des poux à la tête de quelqu’un. Pour dire lui faire une mauvaise querelle ; le chicaner sur la moindre chose ; lui chercher noise à propos de rien.
Chercher midi à quatorze heures. Chercher des détours dans une affaire ; trouver des obstacles dans les choses les plus simples.
Chercher la lune en plein jour. Entreprendre une chose impossible à exécuter ; se donner de la peine inutilement.
Chercher quelqu’un par mer et par terre. Mettre tous ses soins pour rencontrer quelqu’un.
Le bien cherche le bien. Pour dire que le bien vient toujours à ceux qui n’en ont pas besoin. Voyez Botte.

La Rue, 1894 : Chicaner, disputer : chercher quelqu’un.

Chercher des poux à la tête de quelqu’un

France, 1907 : Chercher les plus futiles occasions de blâme ou de querelle.

Chercher la petite bête

Delvau, 1866 : v. a. Vouloir connaître le dessous d’une chose, les raisons cachées d’une affaire, — comme les enfants les ressorts d’une montre. Argot du peuple. Avoir trop d’ingéniosité dans l’esprit et dans le style, s’amuser aux bagatelles de la phrase au lieu de s’occuper des voltiges sérieuses de la pensée. Argot des gens de lettres.

Boutmy, 1883 : v. Être trop minutieux dans le travail. C’est surtout aux correcteurs qu’on reproche de chercher la petite bête. Que ne leur reproche-t-on pas encore !

France, 1907 : Vouloir connaître les raisons cachées d’une affaire, le dessous, les minuties d’une chose ; s’attacher à des vétilles. Les gens de lettres emploient cette expression à l’égard d’un auteur qui s’occupe trop du style, de la rondeur et de la cadence de ses phrases et néglige les qualités plus solides du fond, c’est-à-dire de la pensée.

Chercher le Bulgare

France, 1907 : Deviner. Allusion aux questions posées sur certains prospectus que font distribuer les marchands et où se trouve dissimulée une figure quelconque. Chercher le jardinier, chercher la mule, etc.

Chercher midi à quatorze heures

Delvau, 1866 : v. a. Hésiter à faire une chose, ou s’y prendre maladroitement pour la faire, — dans l’argot du peuple, ennemi des lambins. Signifie aussi : Se casser la tête pour trouver une chose simple.

France, 1907 : S’y prendre maladroitement pour faire une chose : chercher des difficultés où il n’y en a pas.
Voltaire, au bas d’un cadran solaire de village, a écrit ce quatrain :

Vous qui vivez en ces demeures,
Êtes-vous bien, tenez-vous y
Et n’allez pas chercher midi
À quatorze heures.

Nodum in scirpo quærere, chercher un nœud dans un jonc, disaient les Latins.

Parmi les rares choses que nous cherchons, il n’y a guère lieu de signaler que : noise, pouille et midi à quatorze heures.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

On va chercher midi à quatorze heures pour expliquer la dégénérescence de la race, son abâtardissement an point de vue physique, son aplatissement au point de vue moral — et cette mortelle tristesse qui fait que les petits de vingt ans ont littéralement l’air de vomir la vie.
Ils ont « mal à l’âme », disent-ils. Ce n’est pas vrai — ils ont mal à l’estomac ! Nous les avons, culinairement, mal élevés et mal nourris. Le chef remplacé la cuisinière… il n’en faut pas plus, sans paradoxe, pour faire dégringoler une nation.

(Jacqueline, Gil Blas)

Chercher une querelle d’Allemand

France, 1907 : Vouloir quereller quelqu’un sans raison et sans motif sérieux. Chercher une querelle d’Allemand ou une querelle d’ivrogne, c’est tout un. Les Allemands sont grands buveurs, ils le furent de tous temps, car Tacite leur en faisait le reproche : « Ce n’est pas une honte parmi eux, dit-il, de passer les jours et les nuits à boire : mais les querelles sout fréquentes chez eux comme parmi tous les ivrognes, et se terminent le plus souvent à coups d’épées. »

Chercheur de renards

France, 1907 : Querelleur.

Chère

d’Hautel, 1808 : Faire chère lie. Se divertir, faire chère fine, faire bonne chère.
Il n’y a chère que de vilain, quand il traite tout y va. C’est-à-dire que quand les avaricieux se mettent en dépense, ils ne ménagent rien.
Il ne sait quelle chère lui faire. Pour il ne sait quel accueil, quelle réception lui faire.
Un cher, ou une chère épice. Marchand ou marchande qui surfait sa marchandise, qui vend à un prix exorbitant.
Chère de commissaire. Repas étendu et recherché, ou l’on sert viande et poisson.

Chèrement

d’Hautel, 1808 : Il leur vendra chèrement sa peau. Se dit d’un homme déterminé avant que de mourir à se bien défendre contre ceux qui l’attaquent.

Chèrer

France, 1907 : Punir.

Chèrez !

France, 1907 : Courage, allons-y ! Corruption de chère lye, faire bonne contenance (vieux français), resté chez les voleurs.

Chérot

France, 1907 : Dispendieux ; augmentatif de cher.

Cherrer

Rossignol, 1901 : Frapper fort.

Tape dessus, et il faut le cherrer, il l’a mérité.

Hayard, 1907 : Serrer, étrangler.

Chérubin

d’Hautel, 1808 : Un petit chérubin. Terme flateur et caressant que l’on donne à un enfant beau, aimable et poli.
Un visage de chérubin. Se dit par plaisanterie d’un visage rubicon et enluminé, comme l’ont ordinairement les buveurs.

Chetar

France, 1907 : Prison. Bouclé au chetar, emprisonné ; du provençal getar, jeter.

Chetar ou Jetar

Delvau, 1866 : s. m. Prison. Argot des voleurs.

Chétif

Rigaud, 1881 : Enfant de Limousin qui accompagne son père à Paris et l’aide dans ses travaux. — (Jargon des maçons.)

France, 1907 : Apprenti maçon.

Cheulard

Rigaud, 1881 : Gourmand, ivrogne ; par altération pour gueullard.

France, 1907 : Gourmand, glouton, ivrogne.

Cheval

d’Hautel, 1808 : Il se tient à cheval comme une pincette sur le dos d’un âne. Se dit par dérision d’un mauvais écuyer ; d’un homme à qui l’art du manège est absolument inconnu.
Monter sur ses grands chevaux. Se fâcher ; prendre un ton menaçant, colère, et quelquefois injurieux.
Faire voir à quelqu’un que son cheval n’est qu’une bête. Convaincre un sot, un présomptueux de son ignorance et de son inhabileté.
C’est un bon cheval de trompette. Se dit d’un homme que les cris et les emportemens ne peuvent émouvoir.
Changer son cheval borgne pour un aveugle. Voy. Aveugle.
Il fait bon tenir son cheval par la bride. C’est à-dire, gouverner son bien par ses propres mains.
Il est aisé d’aller à pied, quand on tient son cheval par la bride. Pour dire qu’on endure bien de petites incommodités, quand on peut s’en délivrer à volonté.
N’avoir ni cheval ni mule. Être dans une condition médiocre ; être contraint d’aller à pied.
C’est un cheval échappé. Se dit d’un jeune homme fougueux qui se laisse aller à de grands déportemens.
L’œil du maître engraisse le cheval. Pour dire que la vigilance du maître ajoute à la valeur de son bien.
À cheval hargneux, étable à part. Signifie qu’il faut écarter les gens querelleurs de la bonne société.
Parler cheval. Pour dire, baragouiner ; s’exprimer d’une manière inintelligible.
Un coup de pied de jument ne fait point de mal au cheval. Pour dire qu’il faut prendre gracieusement tout ce que disent les femmes, quelque piquant que cela soit.
Un cheval de bât. Voy. Bât.
Des hommes et des chevaux, il n’en est point sans défauts. Proverbe que l’expérience n’a point encore démenti.
À jeune cheval vieux cavalier. C’est-à-dire, qu’il faut un cavalier expérimenté pour monter un cheval mutin et indompté.
On dit d’un parasite qui ne sait pas monter à cheval, qu’Il se tient mieux à table qu’à cheval.
Qui a de beaux chevaux, si ce n’est le roi ?
Se dit quand on voit des choses de grand prix dans les mains d’un homme très-opulent.
Une selle à tous chevaux. Chose qui peut servir à plusieurs usages ; remède que les empiriques emploient pour toutes sortes de maladies.
C’est l’ambassade de Viarron, trois chevaux et une mule. Se dit par dérision d’un train en désordre.
Une médecine de cheval. Se dit d’une médecine dont les effets sont très-violens.
Un travail de cheval. C’est-à-dire, très-pénible, très-fatigant, et souvent peu lucratif.
Il est bien temps de fermer l’écurie, quand le cheval est échappé. Se dit à quelqu’un dont la négligence a entraîné quelque malheur, et qui prend des précautions quand il n’y a plus de remède.
Écrire à quelqu’un une lettre à cheval. Lui écrire d’une manière menaçante et injurieuse.
Une fièvre de cheval. Une fièvre dévorante. Voy. Bataille.
Les enfans appellent un cheval un Dada. Voy. Broncher, brider.

Larchey, 1865 : Homme brusque, grossier.

Rigaud, 1881 : Les figures et les dix au jeu de baccarat. — Il n’y a donc que des chevaux au tirage.

France, 1907 : Terme de joueurs de roulette. Un cheval est une mise placée sur deux numéros : l’enjeu est par le fait à cheval c’est-à-dire au milieu de la ligne qui sépare les deux cases Pour un cheval gagnant, la banque paye dix-sept fois la mise.

France, 1907 : Rustre, brutal, grossier.

Cheval (jouer à)

Rigaud, 1881 : « C’est risquer (au baccarat en banque) une somme moitié sur chaque tableau, de sorte que, si un tableau perd et que l’autre gagne, le coup est nul. » (A. Cavaillé.) — Faire le reste de la banque à cheval. — On dit également jouer le cheval.

Cheval de corbillard (faire son)

Fustier, 1889 : Faire le malin, poser.

France, 1907 : Prendre des airs, faire des manières. Allusion aux chevaux attelés aux chars funèbres, et qui sont, suivant l’importance du mort qu’ils charrient, et la vanité des héritiers, grotesquement affublés de plumets.

Cheval de l’adjudant

France, 1907 : Planche servant de lit, qui compose, avec le « goguenot », tout le mobilier des salles de police.

L’adjudant m’a fait monter son cheval durant une huitaine pour avoir oublié pendant vingt-quatre heures le chemin de la caserne : et il a le trot sec ! je vous en réponds… Je ne sais avec quel sapin ils font aujourd’hui les lits de camp des salles de police, mais j’aimerais autant coucher sur un lit de plume rembourré de noyaux de pêches.

(Ch. Dubois de Gennes, Le Troupier tel qu’il est… à cheval)

Cheval de retour

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Forçat évadé et repris.

Bras-de-Fer, 1829 : Forçat évadé.

Larchey, 1865 : Condamné conduit au bagne pour la seconde fois.

C’est un cheval de retour, vois comme il tire la droite.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Vieux forçat, récidiviste.

Rigaud, 1881 : Ancien forçat. — Récidiviste, celui qui a la nostalgie de la prison.

La Rue, 1894 : Récidiviste.

Rossignol, 1901 : Celui qui a déjà été condamne et qui retourne en prison est cheval de retour.

France, 1907 : Récidiviste, prisonnier échappé ou que l’on renvoie une seconde fois au bagne.

La Préfecture de police compte aujourd’hui une collection de plus de quatre-vingt mille têtes de criminels, et, à chaque instant, cette collection sert aussi bien en province qu’à Paris à reconstituer l’identité de dangereux chevaux de retour, qui, sans elle, protesteraient de l’immaculée blancheur de leur casier judiciaire.

(Hogier-Grison, La Police)

Cheval de trompette

Larchey, 1865 : Personne ne s’effrayant pas plus des menaces, que le cheval d’un trompette, du son aigre de son instrument. — Usité en 1808.

Moi d’abord, je suis bon cheval de trompette, le bruit ne m’effraie point.

H. Monnier.

Delvau, 1866 : s. m. Homme aguerri à la vie, comme un cheval de cavalerie à la guerre. Argot du peuple. Être bon cheval de trompette. Ne s’étonner, ne s’effrayer de rien.

France, 1907 : Se dit d’un homme aguerri qui ne s’effraye de rien. Le cheval de trompette, en effet, est habitus au bruit.

— Oh ! je suis bon cheval de trompette ! J’ai réussi à coffrer tout le tas… même un grand bougre qui n’avait pas l’air d’avoir froid aux veux… Il tapait comme un sourd avec sa canne… Ça doit être un ancien prévôt…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Cheval ficelle

Larchey, 1865 : Cheval de course léger et décousu.

Cheval mort

France, 1907 : On appelle ainsi, en terme de courses, un cheval qui, bien que porté sur la liste, ne doit point courir.

Le propriétaire, l’entraîneur, le jockey ou même quelquefois le lad de l’écurie ayant renseigné le maître filou, celui-ci s’empresse de donner le cheval mort à une cote superbe. On le prend naturellement à la préférence d’un autre et le tour est joué…

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

Chevalier

d’Hautel, 1808 : Chevalier de la triste figure. Homme bizarre et ridicule dont la physionomie prête à la risée.

Chevalier de l’aune

Larchey, 1865 : Commis en nouveautés.

Il n’y a que ces chevaliers de l’aune pour aimer la boue au bas d’une robe.

Balzac.

De la rosette : Sodomiste. — Du printemps : Niais portant un œillet rouge à la boutonnière pour singer une décoration.

Chevalier de l’aune ou du mètre

France, 1907 : Commis de nouveautés.

Chevalier de la bande noire

France, 1907 : Escroc qui, à l’aide de fausses références et sous le titre d’un établissement fictif, se fait envoyer des marchandises qu’il ne paye jamais et revend à bas prix. Voir Coup de fusil.

Elle ne douta plus un instant qu’il ne fit partie de la fameuse bande noire qui a son centre spécial dans un café du voisinage de « Leicester Square » et des ramifications chez Tom Dick et une demi-douzaine de tavernes mal famées de la métropole, où l’on met systématiquement à rançon les maisons du continent assez confiantes pour envoyer sur d’illusoires garanties leurs marchandises à ces forbans.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

Chevalier de la courte lance

Rigaud, 1881 : Savetier, par allusion au tranchet ; le mot date de 1649.

France, 1907 : Infirmier, appelé ainsi à cause de sa seringue.

Chevalier de la gripette

Virmaître, 1894 : Homme qui suit les femmes (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « Homme qui suit les femmes. » (Ch. Virmaître)

Chevalier de la grippe

Rigaud, 1881 : Filou (1821) ; pour l’agrippe.

France, 1907 : Voleur. Jeu de mots sur agripper.

Chevalier de la guirlande

France, 1907 : Forçat. Plaisanterie sur sa chaîne.

Chevalier de la manchette

France, 1907 : Sodomite.

Chevalier de la pédale

France, 1907 : Ouvrier ou ouvrière que fait marcher une machine à imprimer les cartes, ou la machine à coudre.

Chevalier de la rosette

Delvau, 1864 : Pédéraste actif ou passif.

Virmaître, 1894 : Homme qui aime son sexe (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Pédéraste.

Chevalier de tapis vert

France, 1907 : Joueur.

Chevalier du bidet

Fustier, 1889 : Souteneur.

France, 1907 : Souteneur. C’est lui qui, d’ordinaire, après le départ du miché, vide le bidet ou nettoie la cuvette.

Chevalier du carreau dans l’œil

France, 1907 : Jeune on vieil imbécile qui, pour se rendre intéressant, s’introduit dans l’arcade sourcilière un petit morceau de verre qui, le plus souvent, l’empêche de voir.

Parmi ces chevaliers du carreau dans l’œil qui font l’ornement des boulevards, j’en ai distingué un, d’une tenue parfaite, paletot, gilet, pantalon, guêtres et chapeau couleur chocolat rosé, ce qui est aujourd’hui du meilleur goût ; du reste, l’air convenablement impertinent.

(Charles Reboux, Les Ficelles de Paris)

Chevalier du crochet

Delvau, 1866 : s. m. Chiffonnier.

France, 1907 : Chiffonnier.

Chevalier du lansquenet

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui fait volontiers le pont, à n’importe quel jeu de cartes, — dans l’argot des bourgeois, qui ne sont pas fâchés de mettre au rancart certaines autres expressions sœurs aînées de celle-ci, comme Chevalier d’industrie, etc.

France, 1907 : Tricheur au jeu.

Chevalier du lustre

Delvau, 1866 : s. m. Applaudisseur gagné. Argot de théâtre. On dit aussi Romain.

France, 1907 : Claqueur, homme payé pour applaudir. On dit aussi : Romain.

Chevalier du mètre

Delvau, 1866 : s. m. Commis de nouveautés.

Chevalier du printemps

France, 1907 : Fat qui orne sa boutonnière d’une fleur.

Chevalier du râteau

France, 1907 : Croupier des tables de roulette.

Chevalier grimpant

Virmaître, 1894 : Les cambrioleurs. Allusion à ce que les voleurs opèrent aux étages supérieurs des maisons et qu’ils gravissent tous les escaliers (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voleur au bonjour.

Chevance

Delvau, 1866 : s. f. Ivresse, — dans l’argot des voleurs, qui savent que, dans cet état, les plus gueux se croient toujours heureux et riches.

La Rue, 1894 : Ivresse.

France, 1907 : Ivresse. Vieux mot dérivé du bas latin cabentia, argent, propriété, fortune, l’ivresse donnant tout cela.

Chevau-léger

France, 1907 : Ultra-royaliste, député de l’extrême droite. Les chevau-légers étaient un corps de cavalerie faisant partie de la maison militaire du roi.

Chevaucher

Delvau, 1864 : Monter sur une femme comme sur une cavale pleine d’ardeur, et la conduire au bonheur à grands coups de cet éperon que nous avons tous au bas du ventre.

Il m’a dit que, lorsqu’il me pouvait tirer à l’écart, il était si animé à me chevaucher sur-le-champ, qu’il ne pouvait plus commander à son vit roide.

Mililot.

Vous me promîtes que quand vous seriez mariée, je vous chevaucherois.

(Les cent Nouvelles nouvelles.)

Carmes chevauchent nos voisines,
Mais cela ne m’est que du moins.

F. Villon.

Un médecin, toi sachant,
Va ta femme chevauchant.

Tabourot, S. Des Accords.

Les dévotes beautés qui vont baissant les yeux,
Sont celles le plus souvent qui chevauchent le mieux.

Piron.

France, 1907 : Besoigner une femme, faire ce que Rabelais appelait la bête à deux dos.

Comme sur un fumier fond un oiseau de proie,
Le soudard, bondissant sur la fille de joie,
La chevauche…

(Jean Richepin)

Telles d’un air bigot qui vont baissant les yeux
Sont celles bien souvent qui chevauchent le mieux.

Chevaucher à l’antique

Delvau, 1864 : Enculer une femme ou un homme, ce qui est, en somme, la plus logique manière de monter le cheval.

Jaquet, ignorant la pratique
D’Hippocrate et de Gallien,
Chevauchait un jour à l’antique
Margot, que chacun connaît bien.

Théophile.

France, 1907 : Prendre des plaisirs contre nature, suivant l’usage des Grecs et des Romains :

Jacquet, ignorant la pratique
D’Hippocrate et de Galien,
Chevauchait, un jour, à l’antique
Margot que chacun connait bien.

On dit aussi : cheviller à l’orientale ou carillonner à l’italienne.

Chevaucheur

Delvau, 1864 : Baiseur, homme monté sur une femme — qui galope vers la jouissance.

Et rien alors n’est plus gai pour le chevaucheur
Que de voir, dans un cadre ondoyant de blancheur,
Le joyeux va et vient de l’énorme derrière.

Emmanuel Des Essarts.

Chevaux à double semelle

Larchey, 1865 : Jambes.

Tiens, apprête tes chevaux à double semelle, prends ce paquet et valse jusqu’aux Invalides.

Balzac.

Rigaud, 1881 : Jambes.

France, 1907 : Jambes.

Chevaux courent les bénéfices et les ânes les attrapent (les)

France, 1907 : Ce ne sont pas ceux qui méritent les emplois qui le plus souvent les obtiennent, mais des intrigants qui n’y ont nul droit. Ce dicton, assez ancien, était dirigé spécialement contre les gros bonnets du clergé. « L’avidité de plusieurs ecclésiastiques ignorants, dit Fleurv de Bellingen, a donné lieu à ce proverbe. La pluspart se donnent des mouvements extraordinaires pour obtenir des bénéfices quand ils sont vacans, et des gens que l’on nomme asnes à cause de leur ignorance, montent à cheval et courent en poste pour les avoir. »

Chevèche

France, 1907 : Bande de voleurs.

Chevelu

Delvau, 1866 : s. m. Romantique, — dans l’argot des bourgeois de 1830.

France, 1907 : Romantique. On dit art chevelu, littérateur chevelu, poète chevelu, allusion à la fois au style touffu, embroussaillé, de l’école romantique en même temps qu’à la longue chevelure de ses adeptes.

Chevelu (art, école)

Larchey, 1865 : Art, école Romantique. — Les longs cheveux y étaient de mode.

Il peuplait mon salon de jeunes célébrités de l’école chevelue.

L. Reybaud.

L’art chevelu a fait une révolution pour abolir les tirades de l’art bien peigné.

Chevet

d’Hautel, 1808 : Être brouillé avec le chevet. Ne pouvoir clore l’œil ; avoir de cruelles insomnies.
Consulter le chevet. Réfléchir sur l’oreiller ; délibérer d’une chose pendant la nuit ; prendre conseil d’une personne expérimentée et en qui on a de la confiance.

Cheveu

d’Hautel, 1808 : C’est arrangé comme des cheveux sur la soupe. Pour dire, mal disposé, arrangé en dépit du sens commun, dans le plus grand désordre ; se dit aussi d’un ouvrage fait à la hâte, sans soin et sans précaution.
Il a de beaux cheveux. Se dit figurément, et par mépris de toutes choses en mauvais état, usées, et dont on ne peut guère tirer parti.
Il ne s’en faut pas de l’épaisseur d’un cheveu. Hyperbole qui signifie, il s’en faut de si peu de chose que cela ne vaut pas la peine d’en parler ; il est impossible d’en approcher de plus près.
Il couperoit un cheveu en quatre. Se dit d’un homme ménage et parcimonieux jusqu’à l’avarice.
Tirer quelque chose par les cheveux. Pour dire, amener quelque chose d’une manière gauche et forcée.
Prendre l’occasion aux cheveux. Saisir promptement le moment favorable, lorsqu’il se présente.
Il ne regarde pas à un cheveu près. Signifie, il est désintéressé, coulant en affaire.

Larchey, 1865 : Inquiétude, souci aussi tourmentant qu’un cheveu avalé l’est pour le gosier.

Veux-tu que je te dise, t’as un cheveu. — Eh bien ! oui, j’ai un cheveu.

Monselet.

Delvau, 1866 : s. m. Embarras subit, obstacle quelconque, plus ou moins grave, — dans l’argot du peuple.
Je regrette de ne pouvoir donner une étymologie un peu noble à ce mot et le faire descendre soit des Croisades, soit du fameux cheveu rouge de Nisus auquel les Destins avaient attaché le salut des Mégariens ; mais la vérité est qu’il sort tout simplement et tout trivialement de la non moins fameuse soupe de l’Auvergnat imaginé par je ne sais quel farceur parisien.
Trouver un cheveu à la vie. La prendre en dégoût et songer au suicide. Voilà le cheveu ! C’est une variante de : Voilà le hic !

Rigaud, 1881 : Entrave, obstacle. — Lorsqu’une affaire ne marche pas bien, l’on dit : « il y a un cheveu, » — Avoir un cheveu dans son existence, avoir un chagrin qu’on ne saurait oublier. — Avoir un cheveu pour quelqu’un, ressentir un caprice pour quelqu’un.

Elle a un cheveu pour lui, voilà tout… comme cela se dit dans notre monde.

(A. Delvau, Le Grand et le petit trottoir.)

Boutmy, 1883 : s. m. Travail qui offre des difficultés ou qui est ennuyeux et peu lucratif.

Fustier, 1889 : Argot des coulisses. Mot dit pour un autre quand la langue vous fourche : « Majesté, votre sire est bien bonne ! » — Travail difficile, ennuyeux. — Voilà le cheveu ; voilà la difficulté.

France, 1907 : Ennui, peine, difficulté. Avoir un cheveu dans son existence, allusion au cheveu trouvé dans le potage, qui, quelque bon que soit celui-ci, suffit pour vous en dégoûter.

Je suis dégoûté de la m…
Depuis que j’y ai trouvé un cheveu.

Avoir au cheveu pour quelqu’un, se sentir un béguin pour un homme. Se faire des cheveux, se tourmenter. Avoir mal aux cheveux, avoir mal à la tête au lendemain de trop fortes libations. Trouver, chercher des cheveux, trouver, chercher à redire à tout.

Cheveux (avoir mal aux)

Rigaud, 1881 : Éprouver une douleur à la racine des cheveux. C’est l’état de bien des ivrognes le lendemain des fêtes bachiques. Les cheveux font mal parce que la tête est très sensible par suite de l’excès de la veille.

Boutmy, 1883 : v. Avoir un mal de tête occasionné par des excès bacchiques faits la veille.

Cheveux (bouder aux)

Rigaud, 1881 : Commencer à être chauve.

Cheveux (passer la main dans les)

Merlin, 1888 : C’est le rôle du perruquier de la compagnie que de passer la main dans les cheveux de ses camarades, c’est-à-dire de les tondre suivant l’ordonnance.

Cheveux (se faire des)

Rigaud, 1881 : S’impatienter, se morfondre, se faire de la bile. — Se faire des cheveux gris, même signification, — dans le jargon du peuple.

Mais pourquoi qu’a m’fait des ch’veux gris ?
Faudrait qu’j’y fout’ l’argent d’mes s’maines.
J’ai beau y coller des châtai’nes,
A r’pique au tas tous les samedis.

(La Muse à Bibi, nocturne, 1879.)

Fustier, 1889 : S’inquiéter, se tourmenter.

Cheveux (trouver des)

Rigaud, 1881 : Faire des observations pour la moindre chose ; trouver à reprendre sur tout.

Vous trouvez des cheveux à tout ce que je dis.

(Grévin.)

Chevillard

Delvau, 1866 : s. m. Boucher sans importance, — dans l’argot des gros bouchers, qui n’achètent pas à la cheville, eux !

Rigaud, 1881 : Revendeur en gros et en demi-gros de viande dépecée, en terme de boucher ; c’est celui qui vend à la cheville.

France, 1907 : Boucher en gros.

Ce sont les chevillards, ou bouchers en gros des abattoirs de la Villette, Villejuif et Grenelle, qui prêtent, moyennant rétribution, à leurs clients, bouchers au détail, des animaux sur pied.

(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)

Se dit aussi du tueur :

Orlando travaillait maintenant comme chevillard chez un boucher de la Villette qui l’avait accepté pour sa force, pour la sûreté de son coup d’œil.
Robuste et dru comme un lutteur, les manches relevées à l’épaule sur la saillie des biceps, les reins sanglés, les hanches prises dans une triple serpillière, un mouchoir pittoresquement noué sur la tête, à la façon des bandits calabrais que l’on voit dans les gravures, sanglant de la tête Aux pieds, le tueur s’approchait avec son couteau bien aiguisé, et, régulièrement, suivant la rangée, il tranchait chaque gorge d’une entaille profonde. Pas un cri. Il y avait là douze vies qui bêlaient. Après le passage du chevillard, douze fontaines de sang jaillissaient en gros bouillons dans la même vasque.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Cheville

d’Hautel, 1808 : Il ne vient pas à sa cheville. Comparaison exagérée et dérisoire, pour dire qu’un homme est infiniment plus petit qu’un autre.

d’Hautel, 1808 : Il n’y manque pas une cheville. Se dit d’un ouvrage fait avec beaucoup de soin, et entièrement terminé.
Autant de trous que de chevilles. Pour autant de demandes, autant de réponses ; autant de personnes que de places.

Cheville ouvrière ou cheville d’adam

Delvau, 1864 : Le membre viril avec lequel on bouche le trou de toutes les Èves que l’on rencontre.

Que je voudrais bien être
Femme d’un menuisier,
Ils ne font rien que cheviller.

Gautier-Garguille.

Cheviller

d’Hautel, 1808 : Il a l’ame chevillée dans le corps. Se dit d’un homme qui, quoique dans un âge avancé, résiste néanmoins à de grandes infirmités, à des maladies dangereuses.

Chevilles

Rigaud, 1881 : Pommes de terre frites, — dans le jargon des voleurs. Elles bouchent le trou qu’a fait la faim.

France, 1907 : Pommes de terre frites.

Chevilles du Père Adam

France, 1907 : Chansons composées par un tonnelier-chansonnier dont les strophes étaient nommées chevilles :

Si je meurs, que l’on m’enterre
Dans la cave où est le vin,
Les pieds contre la muraille
Et la tête sous le robin !

Chevinette

France, 1907 : Chérie.

Chèvre

d’Hautel, 1808 : Le vin fait danser les chèvres. Manière burlesque de dire qu’un vin est dur et détestable à boire, que c’est de la ripopée.
Prendre la chèvre. Ne pas entendre raillerie, bouder, se choquer de peu de chose, se fâcher.
Cette expression autrefois comique, n’est plus maintenant en usage que parmi les imprimeurs où elle a conservé ses acceptions primitives. Ainsi, en terme typographique :
Gober une bonne chèvre. Signifie être très en colère, se fâcher sérieusement.
Ménager la chèvre et les choux. Flatter le fort et l’opprimé ; ménager les intérêts de deux partis opposés.
Où la chèvre est attachée il faut quelle y broute. Voyez Attacher.
La chèvre a pris le loup. Se dit des trompeurs qui tombent eux-mêmes dans leur embûche.
On dit qu’un homme a une barbe de chèvre lorsqu’il n’a de la barbe que sous le menton et par bouquet.
Il aimeroit une chèvre coiffée. Se dit par raillerie d’un homme peu difficile en amour, et à qui toutes les femmes plaisent indistinctement.

Delvau, 1866 : s. f. Mauvaise humeur, — dans l’argot des ouvriers, et spécialement des typographes. Avoir la chèvre. Être en colère. Gober la chèvre. Être victime de la mauvaise humeur de quel qu’un. Signifie aussi se laisser berner.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, on disait, dans le même sens, Prendre la chèvre.

Boutmy, 1883 : s. f. Mécontentement, colère. Gober sa chèvre, c’est s’irriter, se fâcher, poussé à bout par les plaisanteries de l’atelier ou pour toute autre cause. Cette expression est très ancienne. Molière l’emploie en un sens très voisin de celui qu’elle a aujourd’hui, dans Sganarelle ou le Cocu imaginaire (scène XII), pièce représentée en 1660 :

D’un mari sur ce point j’approuve le souci ;
Mais c’est prendre la chèvre un peu bien vite aussi.

France, 1907 : Mécontentement. Gober sa chèvre, se mettre en colère. On dit aussi dans le même sens : avoir la chèvre. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, gober ou prendre la chèvre signifiait : se laisser berner. Ménager la chèvre et le chou, essayer de plaire à deux partis adverses ; jouer le rôle douteux d’ami de tout le monde.

Un vieux diplomate a donné, pour ses étrennes, à un de nos hommes d’État, une charmante chèvre et un superbe chou en sucre, avec ce mot d’envoi : « Ménagez-les bien ! »

(Dr Grégoire, Turlutaines)

Oh ! c’est un rusé compère ; il sait ménager la chèvre et le chou, il est en bons termes avec tout le monde…

(Michel Delines, La Chasse aux juifs)

Chèvre (gober sa)

Larchey, 1865 : Se mettre en colère. — La chèvre est peu endurante de sa nature.

Chèvre (prendre la, gober la)

Rigaud, 1881 : Être en colère. Vieille expression remise dans la circulation par les typographes et que l’on rencontre déjà dans Régnier.

Et n’est Job, de despit, qui n’en eust pris la chèvre.

(Sat. X.)

Chevron

France, 1907 : Récidive.

Chevronné

Larchey, 1865 : Récidiviste (Vidocq). — Allusion aux chevrons qui marquent l’ancienneté du service militaire.

Delvau, 1866 : s. et adj. Récidiviste, — dans l’argot des prisons.

Virmaître, 1894 : Voleur récidiviste qui a fait plusieurs congés en prison. Allusion aux anciens briscards de l’armée qui portaient des chevrons sur le bras (Argot des voleurs).

France, 1907 : Récidiviste. On sait que dans l’ancienne armée, c’est-à-dire au temps où l’on servait sept ans, les soldats et sous-officiers rengagés portaient sur le bras gauche un, deux ou trois chevrons, suivant qu’ils avaient sept, onze et quinze ans de service.

Chevrotin

d’Hautel, 1808 : Homme qui prend facilement la chèvre, qui n’entend pas le badinage, qui prend les plaisanteries au sérieux. Terme typographique.

Rigaud, 1881 : Ouvrier irascible, celui qui prend facilement la chèvre, — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : s. m. Irascible, toujours mécontent et grondeur. V. Chèvre.

France, 1907 : Irritable.

Chevrotin (être)

Delvau, 1866 : Avoir un caractère épineux, difficile â manier, qui amène souvent des chèvres.

Chi-chi

France, 1907 : Bruit, tapage, désordre, corruption de chahut ; à moins que ce ne soit l’interjection méridionale ché ! ché ! pour chasser la volaille, passée dans l’argot des souteneurs. Faire chi-chi est en effet effaroucher et faire fuir les pantes.

Auriez-vous visité Nanterre,
Le Japon, Pékin, Tombouctou ;
Auriez-vous fait l’tour de la terre,
Vous n’connaitriez rien du tout !
L’vrai milieu d’la chouette existence,
Où l’on gueule, où l’on fait l’chi-chi.
Où l’on s’peigne, où l’on s’crèv’ la panse,
C’est au coin du boul’vard Clichy !

(Aristide Bruant)

Chiade

Rigaud, 1881 : Bousculade, — dans le jargon des écoles. (L. Larchey)

France, 1907 : Bousculade.

Chiailler

Rigaud, 1881 : Pleurer ; pour piailler, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Pleurer.

Chialer

M.D., 1844 : Crier.

M.D., 1844 : Crier.

Virmaître, 1894 : Pleurer. On dit aussi : y aller de sa larme (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Pleurer.

Hayard, 1907 : Pleurer.

France, 1907 : Pleurer, crier.

— Ah ! ah ! dit l’Frisé, te v’là morte !
Et l’grand niqu’doul s’mit à pleurer.
Oh ! oh ! qu’il chialait, faut qu’j’emporte
Un bout d’souvenir pour l’adorer.
Et prenant la botte et les bas,
Il est parti là-bas, là-bas.

(Jean Richepin)

Un consommateur têtu réclamait un verre de marc que lui refusait le garçon, ne recevant pas l’argent.
— Vas-tu fermer ! lui cria une femme se dressant à côté de lui, et comme il persistait avec la vaillance opiniâtre des bons poivrots, la dame ajouta :
— Si tu continues à chialer, je vas envoyer une mandale !…
Et comme l’ivrogne chialait toujours, il reçut sa « mandale », un vigourenx coup de poing sur la joue, qui le fit subitement se taire.

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

anon., 1907 : Pleurer.

Chialeur

France, 1907 : Pleureur.

Chiard

Virmaître, 1894 : Petit enfant. Allusion à ce qu’il fait dans ses couches (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Bébé. Allusion, dit Ch. Virmaître, « à ce qu’il fait dans ses couches ».

anon., 1907 : Enfant.

Chiarder

Rigaud, 1881 : Travailler, — dans le jargon des collégiens.

France, 1907 : Travailler. Se dit aussi pour pétitionner.

Chiasse

d’Hautel, 1808 : Au propre, écume des métaux, excrémens de la mouche et du ver. On dit aussi figurément par mépris de quelqu’un ou de quelque chose dont on veut diminuer la valeur, C’est de la chiasse. N’est-ce pas une belle chiasse ? C’est la chiasse du genre humain.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des faubouriens, disrespectueux de la femme en général et en particulier.

Delvau, 1866 : s. f. Diarrhée, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Chose de peu de valeur ; marchandise avariée. Même argot [du peuple]. Chiasse du genre humain. Homme méprisable.

Virmaître, 1894 : Vieille fille publique. C’est le dernier degré de l’abaissement (Argot des souteneurs).

France, 1907 : Diarrhée. Vieille fille publique. Se dit aussi de choses ou de marchandises avariées ou sans valeur.

anon., 1907 : Diarrhée.

Chiasse (avoir la)

Virmaître, 1894 : Avoir peur. Mot à mot : se lâcher dans sa culotte (Argot du peuple). V. Taf.

Rossignol, 1901 : Avoir peur.

France, 1907 : Avoir peur, faire dans ses culottes.

Chiasse du genre humain

France, 1907 : Homme ou femme digne de tous les mépris.

Chiatique

Rossignol, 1901 : Un individu ou une chose embêtante est chiatique.

Chibis !

Fustier, 1889 : Attention !

France, 1907 : Attention !

Chibis (faire)

France, 1907 : S’échapper de prison.

J’ai fait chibis. J’avais la frousse
Des préfectanciers de Pantin.
À Pantin, mince de potin !
On y connait ma gargarousse.

(Jean Richepin)

Est-on puni pour avoir pris ?
Non, pour ne pas faire chibis !

(Hogier-Grison)

Chibre

Delvau, 1864 : Un des mille noms du dieu de Lampsaque. — Le mot nous vient des marins, qui appellent le nez guibre surtout lorsqu’il est un peu fort. D’où le proverbe : gros nez, gros — chibre.

J’y vois le brutal vent du Nord
Qui son énorme chibre agite
Pour enfiler dame Amphitrite.

P. J.

Tu me disais alors que pour pouvoir te plaire,
Une femme devait vous dire et savoir faire
Toutes les saletés et toutes les horreurs ;
Que cela ranimait le chibre fouteurs.

Louis Protat.

France, 1907 : Membre viril ; argot populaire.

Chibres

France, 1907 : Testicules ; argot des chauffeurs. (Lorédan Larchey).

Chic

Larchey, 1865 : Élégance.

Vous serez ficelé dans le chic.

Montépin.

L’officier qui a du chic est celui qui serre son ceinturon de manière à ressembler à une gourde.

Noriac.

À l’École de Saint-Cyr, sous le premier Empire, chic était déjà synonyme d’Élégance militaire. Une esquisse qui a du chic a un bon cachet artistique.

Il lui révéla le sens intime de l’argot en usage cette semaine-là, il lui dit ce que c’était que chic, galbe.

Th. Gautier, 1838.

Une tête faite de chic, tout au contraire, n’a rien de sérieusement étudié. ici, chic est à l’art ce que ponsif est à la littérature.

C’étaient là de fameux peintres. comme ils soignaient la ligne et les contours ! comme ils calculaient les proportions ! ils ne faisaient rien de chic ou d’après le mannequin.

La Bédollière.

Chic, quelquefois, veut dire mauvais genre, genre trop accusé.

C’était ce chic que le tripol colle à l’épiderme des gens et qui résiste à toute lessive comme le masque des ramoneurs.

P. Féval.

Chic est, on le voit, un mot d’acceptions fort diverses et fort répandues dans toutes les classes. — Vient du vieux mot Chic : finesse, subtilité. V. Roquefort. — C’est donc, mot à mot, le fin du fin en tout genre, et les exemples les plus anciens confirment cette étymologie, car ils prennent tous chic en ce sens.

Delvau, 1866 : s. m. Habileté de main, ou plutôt de patte, — dans l’argot des artistes, qui ont emprunté ce mot au XVIIe siècle. Faire de chic. Dessiner ou peindre sans modèle, d’imagination, de souvenir.

Delvau, 1866 : s. m. Goût, façon pittoresque de s’habiller ou d’arranger les choses, — dans l’argot des petites dames et des gandins. Avoir du chic. Être arrangé avec une originalité de bon — ou de mauvais — goût. Avoir le chic. Posséder une habileté particulière pour faire une chose.

La Rue, 1894 : Distinction, élégance, cachet. Facilité banale ou bon goût en art. Signifie aussi mauvais genre en art.

Virmaître, 1894 : Il a du chic, il est bien.
C’est une femme chic, un beau porte-manteau, sa toilette est bien accrochée. L’origine de cette expression n’est pas éloignée. Un ministre de l’Empire, habitué des coulisses de l’Opéra, envoya deux danseuses du corps de ballet souper à ses frais chez le restaurateur Maire. Très modestes, elles ne dépensèrent à elles deux que quinze francs. Quand le ministre demanda la note, il lit la moue. Le soir même il leur en lit le reproche et leur dit : Vous manquez de chic, pas de chic. Quelques jours plus tard il renvoya deux autres danseuses souper au même restaurant. Elles dépensèrent cinq cents francs. Quand il paya il lit une grimace sérieuse : Trop de chic, trop de chic, fit-il. Le mot fit fortune dans les coulisses et est resté (Argot des filles).

Chic (être)

Delvau, 1866 : Être bien, être bon genre, — dans le même argot [des petites dames et des gandins]. Monsieur Chic. Personne distinguée — par sa générosité envers le sexe. Discours chic. Discours éloquent, — c’est-à-dire rigolo.

Chic et contre

France, 1907 : Avertissement que les saltimbanques s’adressent l’un à l’autre.

Chic, chique

Larchey, 1865 : Distingué, qui a du chic. — « C’est chique et bon genre. »

Ça un homme chic ! C’est pas vrai, c’est un calicot.

Les Cocottes, 1864.

Rigaud, 1881 : Le suprême de l’élégance, de la perfection.

Il absorbe à lui seul une foule de sens. Ce qu’on nommait le goût, la distinction, le comme il faut, la fashion, la mode, l’élégance, se fondent dans le chic.

(N. Roqueplan, Parisine.)

Le mot avait au XVIIe siècle à peu près le sens qu’il a aujourd’hui, comme on peut le voir par l’exemple suivant :

J’use des mots de l’art, je mets en marge hic. J’espère avec le temps que j’entendrai le chic.

(Les Satyres de Du Lorens.)

En terme d’atelier le chic, mot affreux et bizarre et de moderne fabrique signifie : absence de modèle et de nature. Le chic est l’abus de la mémoire ; encore le chic ebt-il plutôt une mémoire de la main qu’une mémoire du cerveau.

(Baudelaire, Salon de 1846.)

Faire de chic, c’est travailler sans le secours du modèle. — Être pourri de chic, être très bien mis, avoir beaucoup de distinction. — Femme chiquée, élégante mise à la dernière mode. — Dans le grand chic, dans le grand genre. — C’est du monde chic, c’est du monde très bien. Pour ces dames, une connaissance chic, c’est un homme généreux.

Un vieux monsieur de la Bourse, ou ce qu’on appelle une connaissance chic.

(Bertall, Petite étude sur le chic parisien.)

Chican

Halbert, 1849 : Marteau.

Delvau, 1866 : s. m. Marteau, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Marteau (Argot des voleurs). V. Balançon.

France, 1907 : Marteau.

Chicandard

France, 1907 : Mot dérivé de chicard dont il est le superlatif, ayant lui-même pour superlatif chicocandard, « le nec plus ultra » du beau.

Callot et Hoffmann, Hogarth et Breughel, tous les fous célèbres réunis ensemble, des prunelles dévorantes, une force comique incalculable, Sathaniel en habit de masque, un costume ou une furie qui résume les physionomies dansantes de tous les peuples, le Punch des Anglais, le Pulcinella napolitain, le Gracioso espagnol, l’almée des Orientaux, et nous, Français, nous seuls manquions jusqu’à ce jour d’un mérite de ce genre : mais aujourd’hui cette lacune est comblée, Chicard existe, c’est un primitif, c’est une racine, c’est un règne. Chicard a créé chicandard, chicarder, chicander : l’étymologie est complète.

(Taxile Delort)

Chicane (grinchir à la)

Larchey, 1865 : Prendre la bourse ou la montre d’une personne en lui tournant le dos. Ce genre de vol exige une grande dextérité (Vidocq). — De là le mot de chicane qui a le sens de finesse.

Virmaître, 1894 : Variété du vol à la rencontre. Chicaner un individu pour le battre, pendant qu’un complice le dévalise (Argot des voleurs). V. Aquigeurs.

France, 1907 : Voler la bourse ou la montre de quelqu’un en se tenant le dos appuyé coutre la poitrine de la personne. Vol commun dans les foules.

Chicaner

d’Hautel, 1808 : Cela me chicane. Pour cela me contrarie, me fâche, me tourmente.

Chicanier

d’Hautel, 1808 : Tracassier, vétillard, homme d’une humeur querelleuse et processive.

Chicanou

France, 1907 : Avocat, avoué, homme d’affaires.

Enfin, j’aurais pu ajouter à ceux-ci une foule d’autres chicanous subalternes, parmi lesquels il faut bien nous garder d’oublier l’avocat que sa profession a repoussé ; pauvre diable tué par la concurrence, et qui, après avoir. sans succès, étalé dans le bazar des Pas-Perdus sa loquèle au rabais, tombe, de chute en chute, jusque dans l’humble poussière de quelque greffe, ou bien sous l’échoppe de l’écrivain public, à moins toutefois que le patronage administratif ne s’empare de cette incapacité si bien éprouvée.

(Old Nick, L’Avocat)

C’est les enjuponnés, les marchands d’injustice : chats fourrés, grippe-minauds, chicanous, avocats bêcheurs, et toute la vermine qui vit de leur maudit métier.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Chicard

Halbert, 1849 : Pas mal.

Larchey, 1865 : Le héros du carnaval de 1830 a 1850. Son costume, bizarre assemblage d’objets hétéroclites, se composait le plus souvent d’un casque à plumet colossal, d’une blouse de flanelle et de bottes fortes. Ses bras à moitié nus s’enfonçaient dans des gants à manchette de buffle. Tel était le fond de la tenue ; quant aux accessoires, ils variaient à l’infini. Celui qui le premier mit ce costume à la mode était un marchand de cuirs ; son chic le fit nommer Chicard. Il donna des bals et inventa un pas nouveau.

Et puis après est venu Chicard, espèce de Masaniello qui a détrôné l’aristocratie pailletée des marquis, des sultans et a montré le premier un manteau royal en haillons.

M. Alhoy.

L’homme de génie qui s’est fait appeler Chicard a modifié complètement la chorégraphie française.

T. Delord.

La sage partie du peuple français a su bon gré à maître Chicard d’avoir institué son règne de mardi-gras.

J. Janin.

Mais qu’aperçois-je au bal du Vieux Chêne ? Paméla dansant le pas chicard.

Chauvel.

Delvau, 1866 : s. m. Type de carnaval, qui a été imaginé par un honorable commerçant en cuirs, M. Levesque, et qui est maintenant dans la circulation générale comme synonyme de Farceur, de Roger-Bontemps, de Mauvais sujet.

Delvau, 1866 : adj. et s. Superlatif de Chic. Ce mot a lui-même d’autres superlatifs, qui sont Chicandard et Chicocandard.

Rigaud, 1881 : Costume carnavalesque mis à la mode, pendant la période de 1830 à 1850, par une célébrité chorégraphique qui lui donna son nom ou plutôt son surnom. Les chicards ont révolutionné les bals publics et, pendant vingt ans, ils ont imprimé une grande vogue à la descente de la Courtille. — La danse de Chicard, leur maître, n’a jamais été ni bruyante, ni extravagante. Il procédait à pas serrés, mimant, grimaçant, roulant ses gros yeux en boule de loto. Grande fut sa gloire. On a dit le « pas chicard » pour rappeler sa manière, chicarder, danser comme Chicard. On a créé les vocables chicandar, chicocan-dar, pour désigner quelque chose de très chic comme l’inventeur du fameux pas qui, lui-même, a dû son sobriquet au chic qui le caractérisait. Chicard a passé, son pas n’est plus, seul le mot chic, le radical, a survécu.

France, 1907 : Type de carnaval, inventé vers 1830 par un honnête commerçant de Paris. Le costume se composait d’un casque à plumet, d’une blouse, de bottes de gendarme et de gants de grosse cavalerie. Il est tombé en désuétude, après avoir été fort illustré dans les caricatures de Gavarni. Il y avait le pas chicard, qu’on appelle aussi chicarder.

Chicard était un gringalet passionné, silencieux, et dévoré de la manie de la danse obscène. Sa méthode consistait à se trémousser sur place, avec force gestes indécents et une physionomie immuable. Le pince-sans-rire de la polissonnerie. Il ne parlait à personne : au pied d’un arbre d’un jardin public, se tenait son sérail, composé des plus jolies filles, toutes gloires futures de la Cuisse en l’air et de la Jambe en cerceau. Quand le quadrille préludait, ce Vestris de la braguette désignait une d’elles, et, sans mot dire, se rendait à son ouvrage. C’est alors que froidement, l’œil atone et le visage immobile, le danseur commençait ses petites cochonneries devant un public idolâtre formant galerie et plus tard lui faisant cortège.
Pétit, court de jambes, une tête avec des cheveux blancs coupés ras, il portait un veston, un pantalon flottant, des chaussettes en filoselle et des escarpins. Ce Chicard s’appelait de son vrai nom M. Levêque. Notable commerçant de Paris, marchand en gros de cuir brut, sa signature était cotée premier crédit à la Banque.

(Gil Blas)

France, 1907 : Superlatif de chic.

Vrai, c’en était un’ joli fête :
Y avait du punch et du pomard,
On s’piquait l’nez dans son assiette,
C’était un’ noce un peu chicard !
Vrai, c’était chicard !
Ma bell’ mère était tés aimable,
Parait qu’elle ador’ le bon vin,
C’est p’t’êtr’ ben pour ça qu’à la fin
On l’a retrouvé’ sous la table !

(Aristide Bruant)

On dit aussi chicandard et chicocandard.

Chicard, chicandard, chicocandard, chicancardo

Larchey, 1865 : Très-chic, très remarquable. — V. chocnoso.

On y boit du Vin qu’est chicandard, chicancardo.

Vacherot, Chanson, 1851.

Une dame très-belle, très-coquette, très-élégante, en un mot très-chicandarde.

Ed. Lemoine.

Un auteur plus chicocandard.

Th. Gautier.

Un déjeuner chicocandard.

Labiche.

Chicardeau

Delvau, 1866 : adj. m. Poli, aimable, — dans l’argot des faubouriens.

Chicarder

Larchey, 1865 : Danser le pas chicard.

Quand un bal de grisettes est annoncé, le vaurien va chicarder avec les couturières.

E. Deriège.

Delvau, 1866 : v. n. Danser à la façon de Chicard, « homme de génie qui a modifié complètement la chorégraphie française », affirme M. Taxile Delord.

France, 1907 : Danser le pas chicard. « On a fait un adjectif du mot Chicard, et même un verbe, » écrivait Jules Janin.

Je lui colloque des romances un peu chicardes.

(A. Lorentz)

Chicardot

Halbert, 1849 : Poli.

Rigaud, 1881 : Poli.

France, 1907 : Poli.

Chiche

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas chiche de promettre. Se dit d’un homme inconsidéré, d’un hâbleur qui promet beaucoup plus qu’il n’est en son pouvoir de tenir.
Il n’est pas chiche de paroles. Se dit d’un bavard, d’un homme qui ne peut s’empêcher de parler à tort et à travers, et continuellement.
Autant dépense chiche que large. Pour dire que les gens ladres et parcimonieux, font parfois de folles dépenses qui renversent tout-à-coup leurs longues économies.
Il n’est festin que de gens chiches. Signifie que ceux qui traitent rarement, se distinguent des autres quand ils espèrent que cela peut être utile à leurs intérêts.

Delvau, 1866 : s. m. Économe, et même Avare, — dans l’argot des bourgeois. On dit aussi Chichard. — Notre vieux français avait chice.

Virmaître, 1894 : Avare de son argent, lésineur qui tondrait un œuf. Chiche de ses pas, de sa personne, qui ne rendrait jamais un service à qui que ce soit. Chiche veut aussi dire : défier quelqu’un de faire quelque chose.
— Chiche de faire ça (Argot du peuple).

Chiche !

Delvau, 1866 : Exclamation de défi ou de menace, — dans l’argot des enfants et des ouvriers.

France, 1907 : Exclamation de défiance chez les ouvriers. Se dit aussi pour avare, dans l’argot populaire.

Chicherie

Delvau, 1866 : s. f. Lésinerie. Notre vieux français avait chiceté.

France, 1907 : Lésinerie. C’est surtout chez le bourgeois parisien qu’entre tous les Français se rencontre la basse chicherie.

Chichi

Rossignol, 1901 : Amitiés, manières.

Ne fais pas tant de chichi, puisque tu n’en penses pas un mot. — Tu en fais des chichi ; ne dirait-on pas que tu sors de la culotte d’un prince.

Chichstrac (ou mieux schiestrac)

Merlin, 1888 : du dialecte alsacien. Excrément. — Corvée de chichstrac, corvée de quartier, c’est-à-dire balayage, nettoyage des cuisines, cours et autres lieux.

Chickstrac

France, 1907 : Excrémente, fumier. Corvée de chickstrac, corvée des lieux d’aisances, dans les régiments. Le mot vient d’Afrique.

Chicmann

France, 1907 : Tailleur, littéralement l’homme qui fait le chic. Allusion aux nombreux Allemands qui exploitent à Paris cette profession. Il en est de même à Londres.

Chicorée

Larchey, 1865 : Voir café.

Delvau, 1866 : s. f. Verte réprimande, reproches amers qui souvent se changent même en coups. Tout le monde connaît le goût de la cichoriumendivia ou non endivia.

Delvau, 1866 : s. f. Femme maniérée, chipie. Faire sa chicorée. Se donner des airs de grande dame, et n’être souvent qu’une petite dame.

Rigaud, 1881 : Réprimande.

La Rue, 1894 : Réprimande. Danse.

France, 1907 : Réprimande, la chicorée étant amère. Fort de chicorée, trop fort. Ficher de la chicorée, réprimander. Faire sa chicorée, prendre de grands airs : « Ne fais donc pas ta chicorée. »
On appelle aussi chicorée une danse dérivée du pas chicard.

Chicot

d’Hautel, 1808 : Au propre, morceau qui reste, soit d’un arbre, soit d’une dent. Au figuré le point le plus difficile, le plus embarrassant.
C’est-là le chicot. Pour voilà la grande difficulté.
Payer chicot par chicot. Payer par petite somme ; payer à regret, se faire tirer l’oreille pour acquitter une dette.

Delvau, 1866 : s. m. Petit morceau de dent, de pain, ou d’autre chose, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Racine de dent.

— Mon bon monsieur, dit la vieille harpie,
Vous avez fait sur mon corps œuvre pie,
Mais dans un coin il me reste un chicot.

(Voltaire)

Chicoter

d’Hautel, 1808 : Il ne fait que chicoter. Pour il conteste sur des bagatelles, sur des riens.

Chicoter (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se disputer, se battre pour des riens. Même argot [du peuple]. Ce verbe est vieux : on le trouve dans les Fabliaux de Barbazan.

France, 1907 : Se disputer pour des vétilles.

Chié

Delvau, 1866 : part. passé. Ressemblant. C’est lui tout chié. Il a le même visage et surtout le même caractère.

Chié (tout)

Rigaud, 1881 : Parfait de ressemblance. — C’est son portrait tout chié.

France, 1907 : Ressemblant. C’est lui tout chié. Les gens polis disent craché et suppriment le mot ordurier.

Chié dans le panier de quelqu’un jusqu’à l’anse (avoir)

Rigaud, 1881 : Avoir donné à quelqu’un de graves sujets de mécontentement ; ne plus inspirer aucune espèce de confiance. C’est, mot à mot : avoir rempli le panier de quelqu’un de l’ordure des mauvais procédés.

Chie dessus

Rigaud, 1881 : Chislehurst, — dans l’argot des voyous qui trouvent la prononciation anglaise trop difficile, sans doute.

Chié sa graisse (avoir)

Rigaud, 1881 : Avoir considérablement maigri, — dans le jargon du peuple.

Chie tout debout

Virmaître, 1894 : Se dit d’un ouvrier indolent, nonchalant. Synonyme de dort debout (Argot du peuple). N.

Chie-dans-l’eau

Merlin, 1888 : Pseudonyme pittoresque donné au marin, qui s’en console en songeant que lui, au moins, n’est pas astreint à la corvée de chichstrac, et pour cause.

France, 1907 : Marin.

Chie-tout-debout

Rigaud, 1881 : Veston. C’était autrefois le : Ne te gêne pas dans le parc.

France, 1907 : Personne indolente, paresseuse.

Chiée

France, 1907 : Abondance, foule, dans le sens injurieux. Une chiée de tripoteurs ; une chiée de dévots sortait de l’église.

C’est en nivôse que les crétins et les jean-foutres de la gouvernance font commencer leur année. Turellement, elle débute par une chiée d’hypocrisies et de menteries. Des birbes de tout calibre s’enfarineront la gueule, pour faire des mamours à des types qu’ils ne peuvent voir en peinture.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Chiée (en avoir une)

Virmaître, 1894 : Avoir une chiée d’enfants. Avoir une chiée d’ennuis à ne savoir où donner de la tête (Argot du peuple). N.

Chiée (une)

Rossignol, 1901 : Beaucoup.

Garçon, j’ai faim, donnez-moi un bifteck large comme mes fesses, avec une chiée de haricots autour.

Chien

d’Hautel, 1808 : Il est grand comme un chien assis. Se dit par exagération et en plaisantant, d’un bambin, d’un marmouzet, d’un homme très-petit de taille, qui a la prétention de vouloir paroitre grand.
C’est un chien dont il faut se méfier. Manière incivile de dire qu’un homme est fin, subtil et rusé.
Cela n’est pas si chien. Pour cela n’est pas si mauvais ; se dit de toute chose friande et qui flatte le goût.
Faire le chien couchant. Flatter, carresser bassement quelqu’un, se soumettre à tous ses caprices, à toutes ses volontés.
Qui aime Bertrand, aime son chien. Voyez Aimer.
Chien hargneux a toujours l’oreille arrachée. Signifie qu’un homme querelleur s’attire sans cesse de mauvais traitemens.
Tu n’es pas chien. Expression basse et ignoble qui se dit à un égoïste, à un homme injuste, qui blesse les intérêts d’autrui pour satisfaire les siens propres.
C’est un mauvais chien. Grossièreté qui équivaut à c’est un méchant homme.
C’est un vrai chien de port. Pour c’est un rustre, un grossier personnage, comme le sont ordinairement les gens qui travaillent sur les ports.
Il m’a reçu comme un chien dans un jeu de quilles. Métaphore qui sert à exprimer le mauvais accueil que l’on a reçu de quelqu’un qu’on alloit visiter, consulter ou solliciter. On dit aussi d’un homme indiscret et importun qui vient dans une société sans y avoir été invité, qu’Il vient comme un chien dans un jeu de quilles.
Il mourroit plutôt un bon chien de berger.
Se dit méchamment et injurieusement d’une personne dont on désiroit la mort, et qui est revenue de quelque maladie dangereuse.
Un bon os ne tombe jamais d’un bon chien. Signifie qu’un bon mari a rarement une bonne femme, et une bonne femme un bon mari ; et par extension, que la fortune, le bonheur, ne favori sent jamais ceux qui méritent d’être heureux.
Il fait comme les grands chiens, il veut pisser contre les murs. Locution basse et figurée, qui signifie qu’un homme se couvre de ridicule, en prenant des tons au-dessus de sa fortune et de sa condition, et généralement en entreprenant des choses qui surpassent ses moyens et ses forces.
On dit des gens vicieux, et qui ne peuvent se corriger, qu’Ils sont comme les chiens, qu’ils retournent à leurs vomissemens.
Être comme un chien à l’attache.
Être retenu par un travail obligatoire et continuel.
Les coups de bâton sont pour les chiens. Réponse que l’on fait ordinairement à ceux qui vous menacent du bâton.
Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il est enragé. Signifie que lorsqu’on veut se débarrasser de quelqu’un, on lui cherche toute sorte de querelle.
On dit d’un écervelé, d’un homme qui court d’une manière extravagante, qu’Il court comme un chien fou.
Un bon chien n’aboie point faux.
Signifie qu’un homme habile ne fait jamais de fausses démarches.
Il est fou comme un jeune chien. Comparaison peu honnête, pour dire que quelqu’un est d’une humeur très-folâtre.
Un chien regarde bien un évêque, je peux bien regarder une bête comme toi. Répartie brusque et injurieuse que l’on fait à un homme vain et glorieux qui se fâche de la liberté que l’on prend, de le regarder, de le fixer.
Il ne faut pas se moquer des chiens, qu’on ne soit hors du village. Pour, il ne faut pas choquer quelqu’un dans un lieu où il peut nous nuire.
Jeter un os à la gueule d’un chien, pour le faire taire. Faire un présent à quelqu’un pour l’empêcher de divulguer les secrets d’une affaire.
On dit d’un homme avide qui défend bien ses intérêts dans une affaire, qu’Il n’en jette pas sa part aux chiens.
Chien en vie vaut mieux que lion mort.
Pour, il vaut mieux vivre en lâche que mourir en brave. Voy. Lion.
Abandonner quelqu’un comme un pauvre chien. Le laisser dans la misère, ne point le secourir.
Il est comme le chien du jardinier, il ne mange point de choux, et ne veut pas que les autres en mangent. Se dit d’un égoïste, d’un homme envieux des moindres succès.
Mener une vie de chien. Vivre dans la débauche et le libertinage ; dans une dissipation honteuse.
Chien noyé. Terme bas et injurieux que les femmes de la Halle appliquent à un homme, dans un débordement de colère.
Il n’est chasse que de vieux chiens. Signifie que pour les conseils, il faut avoir recours aux vieillards, qui ont reçu les leçons de l’expérience.
Rompre les chiens. Interrompre une conversation dont les suites pourroient être fâcheuses.
Entre chien et loup. Pour dire, à la brune, entre le jour et la nuit.
Tandis que le chien pisse, le loup s’enfuit. C’est-à-dire que l’occasion échappe, si l’on n’est habile à en profiter.
Droit comme la jambe d’un chien. Se dit par dérision d’une jambe, torse et mal faite.
Las comme un chien. Pour dire, très-fatigué. Comparaison dont l’ellipse est un peu forte ; car on ne sait pourquoi le chien dont on parle doit être fatigué, rien n’annonçant qu’il ait pris de mouvement.
Il vit comme un chien. Se dit par mépris d’un homme qui ne remplit aucun des devoirs de sa religion.
Vous pouvez entrer, nos chiens sont liés. Se dit pour encourager des gens timides.
Il est comme le chien de Jean de Nivelle, il s’enfuit quand on l’appelle. Voy. Appeler.
Si vous n’avez pas d’autre sifflet, votre chien est perdu. Se dit à ceux qui se sont fourrés dans une mauvaise affaire, et qui emploient des moyens inefficaces pour s’en retirer.
Ils s’aiment comme chiens et chats. Se dit d’un ménage où l’homme et la femme sont continuellement en querelle.
C’est St.-Roch et son chien. Se dit par raillerie de deux personnes qui vivent dans une grande familiarité ; qui sont inséparables.
C’est un chien au grand collier. Se dit d’une personne qui a de grandes prérogatives dans une maison ; qui y fait la pluie et le beau temps.
Faire un train de chien. Gronder, crier, s’emporter contre quelqu’un.
Un bruit de chien ; une querelle de chien. Un bruit qui dégénère en vacarme ; une querelle qui prend une mauvaise fin.
C’est un bon chien, s’il vouloit mordre. Se dit d’un homme dont les apparences sont favorables, mais trompeuses.
On appelle vulgairement l’eau-de-vie du sacré chien tout pur.

Halbert, 1849 : Secrétaire.

Larchey, 1865 : Mot d’amitié. V. Chat.

Larchey, 1865 : Compagnon.

Tu passeras renard ou aspirant, après ça tu deviendras chien ou compagnon.

Biéville.

Larchey, 1865 : Avare. — Horace (I. II, sat. 2) emploie le mot canis pour signifier avare.

Chien : Égoïste, homme injuste, qui blesse les intérêts d’autrui.

d’Hautel, 1808.

N’être pas chien en affaires : Aller grandement, sans chicane.

Larchey, 1865 : « Le chef est chien ou bon enfant. Le chien est dur, exigeant, tracassier, méticulier. » — Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Entrain, verve, originalité, — dans l’argot des gens de lettres et des artistes ; bagou, impertinence, désinvolture immorale, — dans l’argot des petites dames.

Delvau, 1866 : s. m. Compagnon, — dans l’argot des ouvriers affiliés au Compagnonnage.

Delvau, 1866 : s. m. Caprice de cœur, — dans l’argot des petites dames. Avoir un chien pour un homme. Être folle de lui.

Delvau, 1866 : s. et adj. Tracassier, méticuleux, avare, exigeant, — dans l’argot du peuple, qui se plaît à calomnier « l’ami de l’homme ». C’est l’expression anglaise : Dog-bolt. Vieux chien. Vieux farceur, — sly dog, disent nos voisins.

Rigaud, 1881 : Lettre tombée sous la forme. — dans le jargon des typographes.

Rigaud, 1881 : Homme dur, exigeant ; s’emploie principalement en parlant d’un supérieur, — dans le jargon des employés. — Sévère, — dans le jargon des collégiens.

Notre pion est diablement chien.

(Albanès, Mystères du collège, 1845.)

Rigaud, 1881 : Compagnon du devoir, en terme de compagnonnage.

Rigaud, 1881 : Avare.

Dis donc, petite sœur ; il est rien chien ton m’sieur : y m’ prend un cigare et du feu et y m’ donne que deux ronds.

(A. Tauzin, Croquis parisiens.)

Boutmy, 1883 : s. m. Lettre tombée d’une forme ou qui se trouve sur le marbre au moment où l’on y dépose un châssis. Le chien fait lever le texte quand on desserre, en sorte qu’il est impossible de taquer sans écraser le caractère.

La Rue, 1894 : Galbe, élégance, mordant, chic. Eau-de-vie.

France, 1907 : Ce mot à nombre de significations. Il signifie avare, et cet argot a des lettres de noblesse, car il remonte à Horace : « Il est un homme qui porte et qui mérite le surnom de chien, dit-il, c’est Avidiénus ; des olives, vieilles de cinq ans, et des cornouilles sauvages composent son repas. Il attend que son vin soit tourné pour le verser eu libations ; l’odeur de l’huile qu’il emploie vous causerait un insurmontable dégoût… »
Chien veut dire aussi tracassier, méticuleux, exigeant. Il s’emploie au féminin :

Pour comble, Mlle la doctoresse était chiche de congés, chienne en diable, n’osait jamais accorder plus de deux jours à la fois, plus chienne que tous les docteurs qui avaient passé par l’administration : un truc de cette chipie pour se faire bien venir en haut lieu sûremment !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Avoir du chien, c’est avoir de l’originalité, du cachet. Avoir un chien, c’est avoir un caprice pour un homme. Faire du chien, faire un ouvrage payé d’avance ; argot des ouvriers. Faire le chien, suivre Madame avec un panier. Piquer un chien, dormir pendant la journée.

Chien (avoir du)

Delvau, 1864 : Se dit en parlant d’une femme qui s’attife d’une façon provocante, qui porte incontinent — à l’incontinence.

Virmaître, 1894 : Posséder un aplomb remarquable. Femme qui n’est pas belle, mais qui a beaucoup d’audace et plaît quand même. Elle a du chien (Argot du peuple).

Chien (de)

Rigaud, 1881 : Enorme, colossal, très fort. Une soif de chien, une faim de chien, une peur de chien.

Chien (du)

Rigaud, 1881 : Verve endiablée, élégance originale.

Eh bien, ma chère, nous leurs ferons tourner la tête… toi avec ton insolente beauté, moi avec mes petites facultés, avec ce je ne sais quoi qui m’estpropre, et qu’on appelle communément — du « chien. »

(Oct. Feuillet, Le journal d’une femme, 1878.)

Rigaud, 1881 : Du soigné. — Du dur, des coups.

Voilà du chien, attends ! apprête ton linge sale !

(É. Zola.)

Rossignol, 1901 : Travail payé d’avance à un ouvrier. Lorsqu’il le fait, c’est du chien, parce qu’il ne lui revient rien.

Chien (faire du)

Rigaud, 1881 : Faire un ouvrage payé d’avance. Parce qu’on ne le fait qu’au dernier moment et qu’on travaille dur quoique à contre cœur, l’argent étant mangé depuis longtemps.

Chien (faire le)

Fustier, 1889 : Dans l’argot des cordons bleus, c’est suivre Madame au marché avec un panier dont, en pareil cas, on ne peut faire danser l’anse.

Une cuisinière à une de ses amies : Du moment qu’on ne fait pas le chien, la maison me va !

(Figaro, 1882.)

Chien (l’autre, cet autre)

Rigaud, 1881 : L’autre individu, cet autre individu, celui dont, par mépris, on ne veut pas prononcer le nom.

Chien (sacré)

France, 1907 : Eau-de-vie.

Chien (se coiffer à la)

France, 1907 : Frisotter les cheveux et les laisser retomber sur le front.

Il y avait dans le petit hôtel une femme de chambre d’emprunt qui vint donner le dernier coup à la coiffure, quelque peu rebelle au peigne. Mais surtout dans un temps où toutes les femmes se coiffent à la chien, les ébouriffades de Maria étaient de saison… Elle jouait encore avec la houppette et le crayon. Sans avoir rien appris, les femmes savent tout, mais surtout l’art de s’habiller et de se faire belles.

(Arsène Houssaye, Le Journal)

… Une petite bobonne toute jeunette, pimpante et proprette, aux yeux pers, hardis et moqueurs, au nez effrontément retroussé, à la chevelure châtain clair, frisés et moutonnante sur le front, coiffée à la chien.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Chien (voilà le)

Rigaud, 1881 : Voilà la difficulté. La variante est : Voilà le chiendent.

Chien coiffé (s’éprendre du premier)

Rigaud, 1881 : S’éprendre de la première femme venue. On disait autrefois pour exprimer la même idée : Cet homme aimerait une chèvre coiffée. (Le Roux, Dict. comique.)

Chien courant

Rigaud, 1881 : Garde-frein, employé chargé de fermer les portières et de crier les stations, — dans le jargon des mécaniciens des chemins de fer.

Chien curieux (le)

Merlin, 1888 : Adjudant de semaine. Voyez le suivant.

Chien dans le ventre (avoir du)

France, 1907 : Avoir de la force de résistance.

Les agents de la sûreté, pour ce service qui n’a ni commencement ni fin, qui peut durer quelquefois vingt-quatre heures, où il faut marcher par les temps les plus horribles, entouré d’ennemis, risquant sa peau à chaque minute, touchent 1.400 francs, moins la retenue pour pension. Ce n’est pas énorme, n’est-ce pas ? Il faut vraiment avoir du chien dans le ventre pour exercer un pareil métier. Et cependant, non seulement ils l’exercent, mais ils l’aiment, les braves gens, ce métier difficile et dangereux.

(Georges Grison, Figaro, 1886)

Chien de collège

Larchey, 1865 : Maître d’études. — Chien de régiment : Caporal ou brigadier. — Leurs missions sont un peu celles du chien de berger. — Chien de commissaire : Secrétaire de commissaire de police.

Chien de cour

France, 1907 : « Le maître d’études… Qui ne s’est accusé d’injustice en se rappelant les épithétes plus ou moins injurieuses dont il avait gratifié cet argus impitoyable, depuis l’antique dénomination de chien de cour, jusqu’à la moderne expression de pion ? »

(Eugène Nyon, Le Maître d’études)

L’écolier ne sait pas user, il ne sait qu’abuser ; aussi il arrive ordinairement que le pion aigri fait succéder une rigueur inusitée à son humeur débonnaire : il devient chien.

(Henri Rolland, L’Écolier)

Chien de faïence (se regarder en)

France, 1907 : Se regarder sans souffler mot comme prêts à se jeter l’un sur l’autre.

Chien de fusil (se coucher en)

France, 1907 : Se coucher replié sur soi-même, les genoux au ventre.

Chien de Jean de Nivelle

France, 1907 :

Comme le chien de Jean de Nivelle,
Il s’enfuit quand on l’appelle,

dit le refrain d’une vieille chanson comique.
Jean de Montmorency, seigneur de Nivelle, s’emporta dans une discussion, jusqu’à souffloter son père. Cité devant la cour des pairs, il se sauva en Flandres. On annonça alors par trois fois, à son de trompe, dans les carrefours de Paris, son crime en même temps qu’on le sommait de venir rendre compte. Il se garda de comparaître, bien entendu, et le peuple ne l’appela plus que félon et chien. Au commencement du XVe siècle, il était l’objet d’une chanson populaire, car une farce des clercs de la basoche, dite : Les deux Savetiers, commence ainsi :

Hay avant Jehan de Nivelle !
Jehan de Nivelle a deux housseaux,
Le roy n’en a pas de si beaux ;
Mais il n’y a point de semelle,
Hay avant Jehan de Nivelle !

La Fontaine, dans une de ses fables, semble tomber dans l’erreur populaire et croire qu’il s’agit d’un véritable chien, en donnant ce sage conseil :

Une traitresse voix bien souvent vous appelle,
Ne vous pressez donc nullement
Ce n’était pas un sot, non, non, et croyez-m’en,
Que le chien de Jean de Nivelle.

Chien de magasin

Rigaud, 1881 : Sergent d’habillement, — dans le jargon du régiment.

Chien de quartier

France, 1907 : Adjudant.

Chien de régiment

Delvau, 1866 : s. m. Caporal ou brigadier, — dans l’argot des soldats.

France, 1907 : Adjudant-major.

Chien du commissaire

Delvau, 1866 : s. m. Agent attaché au service du commissaire ; celui qui, il y a quelques années encore, allait par les rues sonnant sa clochette pour inviter les boutiquiers au balayage.

Rigaud, 1881 : Secrétaire du commissaire de police.

Chaque coup de sonnette lui semblait le coup de sonnette du chien du commissaire.

(E. de Goncourt, La Fille Élisa)

France, 1907 : Secrétaire du commissaire de police.

Dans son langage populaire, le Parisien a donné au secrétaire un singulier surnom. Le voyant dans toutes les expéditions, dans toutes les descentes de justice marcher derrière son patron, il l’a baptisé : le chien du commissaire. C’est tellement passé dans la langue que, même en causant avec les agents, une marchande des quatre-saisons où un camelot se laisseront aller à dire : — Mais puisque j’ai la permission ! C’est le chien du commissaire qui me l’a accordée.

(Hogier-Grison, La Police)

Chien du quartier

Rigaud, 1881 : Adjudant sous-officier, — dans le jargon du régiment. La variante est : Chien du régiment.

Merlin, 1888 : Adjudant de semaine ; l’homme le plus craint, et, par contre, le plus détesté du quartier. Très bien nommé, du reste, car il est le seul gardien responsable de la caserne.

Chien noyé

France, 1907 : Morceau de sucre trempé dans du café. Quand c’est dans l’eau-de-vie, c’est un canard.

Chien perdu

France, 1907 : Fait divers qui sert à boucher un trou dans la mise en pages d’un journal.

Chien pour un homme (avoir un)

Rigaud, 1881 : Être éprise d’un homme, — dans le jargon des filles.

Chien tout pur

Virmaître, 1894 : Eau-de-vie. Allusion au buveur qui a la voix rauque et aboie en parlant (Argot du peuple). V. Eau d’aff.

France, 1907 : Eau-de-vie.

Chien vert

Rigaud, 1881 : Terme d’amitié à l’adresse de filles entretenues, Mon petit chien vert.

Chien, Sacré-Chien

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie aussi mauvaise que forte. — On disait et l’on dit encore dur comme du chien, pour désigner soit un liquide qui racle la gorge au passage, soit une denrée comestible rebelle à la mastication. Il n’est donc pas étonnant que l’eau-de-vie très forte ait été désignée sous le nom de sacré-chien et chien par abréviation.

Chiendent

d’Hautel, 1808 : Voilà le chiendent. Pour, voilà le point le plus difficile ou le plus important de l’affaire.

Delvau, 1866 : s. m. Difficulté, obstacle, anicroche, — dans l’argot du peuple, qui sait avec quelle facilité le hunds-grass pousse dans le champ de la félicité humaine. Voilà le chiendent. Voilà le hic.

La Rue, 1894 : Difficulté.

Chiendent (voilà le)

France, 1907 : Difficulté à résoudre. Cette expression vient de la presque impossibilité d’empêcher le chiendent de repousser. Rien n’est plus difficile que de détruire cette plante, qui fait le désespoir des cultivateurs. Il était donc tout naturel que, dans le langage populaire, pour résoudre une grosse difficulté, l’on dit : Voilà le chiendent ! c’est-à-dire : « C’est aussi difficile que de supprimer le chiendent. »

Quand le chiendent a poussé,
La pauvr’ petite a crié :
Ah ! maman ! ah ! maman !
Ah ! maman ! v’là le chiendent !

(La Belle Limonadière)

Chienlit

Delvau, 1866 : s. m. Homme vêtu ridiculement, grotesquement, — dans l’argot du peuple, qui n’a pas été chercher midi à quatorze heures pour forger ce mot, que M. Charles Nisard suppose, pour les besoins de sa cause (Paradoxes philologiques), venir de si loin.
Remonter jusqu’au XVe siècle pour trouver — dans chéaulz, enfants, et lice, chienne — une étymologie que tous les petits polissons portent imprimée en capitales de onze sur le bas de leur chemise, c’est avoir une furieuse démangeaison de voyager et de faire voyager ses lecteurs, sans se soucier de leur fatigue. Le verbe cacare — en français — date du XIIIe siècle, et le mot qui en est naturellement sorti, celui qui nous occupe, n’a commencé à apparaître dans la littérature que vers le milieu du XVIIIe siècle ; mais il existait tout formé du jour où le verbe lui-même l’avait été, et l’on peut dire qu’il est né tout d’une pièce. Il est regrettable que M. Charles Nisard ait fait une si précieuse et si inutile dépense d’ingéniosité à ce propos ; mais aussi, son point de départ était par trop faux : « La manière de prononcer ce mot, chez les gamins de Paris, est chiaulit. Les gamins ont raison. » M. Nisard a tort, qu’il me permette de le lui dire : les gamins de Paris ont toujours prononcé chit-en-lit. Cette première hypothèse prouvée erronée, le reste s’écroule. Il est vrai que les morceaux en sont bons.

France, 1907 : Personnage ridicule et grotesque.

Être inintelligent, ce n’est qu’une guigne ; mais en faire parade, exhiber sa disgrâce, prétendre s’en faire une arme et un titre à dominer les autres !… Voilà qui est insoutenable et prête a rire ! Voilà qui ameute, contre les chienlits du parlementarisme, tout ce que la France a de graine de bon sens : sa jeunesse, ses artistes, ses plébéiens, et jusqu’aux gamins de ses rues, pépiant et gouaillant, les mains en entonnoir autour du bec, l’œil émerillonné, « réconduisant » les ministres.

(Séverine)

Chienlit (à la) !

Delvau, 1866 : Exclamation injurieuse dont les voyous et les faubouriens poursuivent les masques, dans les jours du carnaval, — que ces masques soient élégants ou grotesques, propres ou malpropres.

France, 1907 : Cri que poussent les enfants derrière les gens grotesquement affublés et les masques.

Les costumes à l’avenant, l’horrible n’excluant pas le grotesque : troubadours d’abattoir, Turcs de la Courtille du dépotoir et autres déguisements du même galbe qui justifiaient ce mot ignoble de chienlit.

(Edmond Lepelletier)

Chienlit (faire de la)

France, 1907 : Faire du bruit.

— Imbécile ! avec ton rigollot tu vas faire de la chienlit et donner l’éveil aux agents qui sont peut-être déjà tout près d’ici… Allons ! bas les pattes !… ou nous te crevons !…

(Edmond Lepelletier)

Chienlit (gueuler à la)

France, 1907 : Appeler au secours.

— Tu t’esbignes avec mon pelot, et un instant après, quand toute la chienlit s’est tue, je m’en vais en père peinard et je te retrouve… c’est pas plus malin que ça !

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Chienner

Delvau, 1864 : Se livrer, avec une femme, à toutes sortes de polissonneries cyniques, caninæ nuptiæ.

Delvau, 1866 : v. n. Se dit — dans l’énergique argot du peuple — des femmes qui courent après les hommes, renversant ainsi les chastes habitudes de leur sexe.

France, 1907 : Courir après les hommes ou après les femmes comme chiens et chiennes en rut.

Chiennerie

Delvau, 1866 : s. f. Vilenie, liarderie ; mauvais tour, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Avarice, liarderie ; luxure.

Chienneur

France, 1907 : Tondeur de chiens.

En dehors des sens qui mènent à Paris une vie de chien, il y a ceux qui exploitent la vie des chiens. Je ne parle, bien entendu, ni des piqueurs de meutes, ni des marchands de muselières et autres industriels à patentes respectables, mais des humbles qui glanent où les autres ont moissonné. D’une appellation collective on les nomme les chienneurs ; tous ne vous sont pas inconnus, mais il est peu probable que les détails de leurs petits commerces vous soient familiers.

(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)

Chiens (ce n’est pas pour les)

Rigaud, 1881 : Ce n’est pas à dédaigner ; c’est fait pour le genre humain — « L’hôpital n’est pas fait pour les chiens, » disent les gens du peuple, qui pourtant ne redoutent rien tant que l’hôpital.

Chiens à fouetter (avoir d’autres)

France, 1907 : Avoir chose plus importante à faire, des préoccupations plus graves.

La Claudia — ayant vécu comme lui de la vie des rues — avait une sympathie instinctive pour le gamin, étant, comme lui, un oiseau de hasard.
Il est vrai qu’elle ne l’avait pas très bien accueilli à son arrivée. Mais elle avait, comme on dit, bien d’autres chiens à fouetter avant d’être aimable.

(Jules Lermina, Le Gamin de Paris)

Chiens crevés, chiens écrasés

Rigaud, 1881 : Faits divers qui sont en réserve sur le marbres d’une imprimerie et qui servent à justifier une page quand il manque de la copie, — dans le jargon des journalistes.

Chiens perdus ou bien Chiens noyés

Boutmy, 1883 : s. m. pl. C’est ainsi que les journalistes désignent les nouvelles diverses. Le metteur en pages a besoin d’un chien perdu pour boucher un trou, quand les rédacteurs n’ont pas fourni assez de copie.

Chier

d’Hautel, 1808 : Il a chié dans ma malle jusqu’au cadenas. Se dit d’une personne dont on a sujet de se plaindre, et à laquelle on garde rancunes.
On dit bassement d’une personne grossière et mal élevée, qui est sujette à lâcher des vents, qu’elle ne fait que chier.
Bientôt, s’il n’y prend garde, on lui chiera sur le nez.
Locution grossière et exagérée qui signifie qu’un homme est d’une foiblesse impardonnable ; qu’il laisse trop abuser de sa patience et de son autorité.
On dit bassement d’une personne pour laquelle on a le plus grand mépris, que l’on chie sur elle.
Chier sur la besogne.
Dédaigner l’ouvrage dont on est chargé ; le laisser là.

Fustier, 1889 : Mot élégant qu’emploient les enfants qui, jouant aux billes, manquent leur coup. J’ai chié, je n’ai pas attrapé la bille.

Chier (envoyer)

Rigaud, 1881 : Envoyer au diable.

France, 1907 : Éconduire. Faire chier, obséder, importuner. Chier de petites crottes, vivre chichement. Ne pas chier de grosses crottes, même signification. Chier des carottes, des cordes, être constipé ; chier des châsses, pleurer ; chier dur, travailler ferme ; chier dans la main, manquer de parole, prendre trop de liberté ; chier du poivre, manquer au rendez-vous, s’esquiver au moment où l’on a besoin de vous ; chier sur la besogne, renoncer au travail : chier sur quelqu’un, sur quelque chose, sur l’œil, se moquer, mépriser, abandonner.

Faites du bien à un vilain, il vous chie dans la main.

(Vieux proverbe)

Chier dans la vanette, être sans façons ; chier dans le cassetin aux apostrophes, renoncer au métier d’imprimeur ; chier dans les bottes ou dans le panier de quelqu’un (on dit aussi dans le même sens : chier dans la malle), lui déplaire, lui jouer de mauvais tours. Gueuleton à chier partout, ripaille. Mine à chier dessus, figure antipathique.
Peut-être n’est-il pas inutile de donner ici l’étymolosie de ce verbe ordurier. Je l’ai trouvée tout au long dans un livre de « haulte graisse » : Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions, belles-lettres, etc., nouvellement élablie à Troyes en Champagne, et portant le millésime de MDCCLVI, et la donne telle quelle :

Robert et Henry Étienne, ainsi que tous les Hellenistes ont dérivé le mot chier du grec χέζω. Le Duchat le fait venir du flamand schyten. Tous ces sçavans sont dans l’erreur.
Chier vient du latin cadere. Dans son acception primitive, il ne signifioit autre chose que tomber, être assis…
Ce fut d’abord pour exprimer l’acte naturel d’une manière honnête et détournée, qu’on se servit du mot chier ; mais cette signification ayant rendu le terme ignoble dans son acception primitive, pour l’y réhabiliter on en changea la terminaison, et de chier l’on fit choir.
Voilà ce qui a trompé tous les sçavans. Car voyant à ces deux mots une terminaison et une signification différentes, ils ne se sont pas doutés qu’ils eussent la même origine ou plutôt que ce ne fut qu’un même mot.
À la fin du XVIe siècle, chier s’employait encore d’une manière honnête : « Pleurés donc et chiés bien des yeux, vous en pisserés moins », est-il dit dans le Moyen de parvenir : « Histoire du jeune homme fessé. »

Chier (faire)

Rigaud, 1881 : Horripiler quelqu’un à force de stupidités. Mot à mot : débiter des drogues parlées qui procure le dévidement.

Chier (tu me fais)

Virmaître, 1894 : Tu m’ennuies (Argot du peuple).

Chier dans la main

Rigaud, 1881 : Se montrer très familier.

Chier dans la malle ou dans le panier de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. n. Lui jouer un tour qu’il ne pardonnera jamais, — dans le même argot [du peuple]. Le peuple dit quelquefois, pour mieux exprimer le dégoût que lui cause la canaillerie de quelqu’un : Il a chié dans mon panier jusqu’à l’anse.
L’expression, qu’on pourrait croire moderne, sort de la satire Ménippée, où on lit : « Cettuy-là a fait caca en nos paniers : il a ses desseins à part. »

Chier dans la vanette

Fustier, 1889 : Argot militaire. Être sans gêne.

Chier dans le cassetin aux apostrophes

Delvau, 1866 : v. n. Devenir riche, — dans l’argot des typographes, qui n’ont pas de fréquentes occasions de commettre cette incongruité rabelaisienne.

Rigaud, 1881 : Je n’en veux plus, j’en ai plein le dos. On dit aussi : il a chié dans ma malle (Argot du peuple). N.

Boutmy, 1883 : v. Cette phrase grossière et malséante peut se traduire en langage honnête par : « Quitter le métier de typographe. »

Chier dans le panier

La Rue, 1894 : Quitter le métier, avoir assez du métier, — dans le jargon des typographes.

Chier dans mon panier jusqu’à l’anse (il a)

Virmaître, 1894 : Jouer à quelqu’un un tour impardonnable.

Chier dans ses bas

Delvau, 1866 : v. n. Donner des preuves d’insanité d’esprit, — dans l’argot du peuple.

Chier de grosses crottes (ne pas)

Delvau, 1866 : v. a. Avoir mal dîné, ou n’avoir pas dîné du tout.

Rigaud, 1881 : En présence d’un triste repas, d’une maigre chère, on dit très vulgairement : Nous ne chierons pas de grosses crottes.

Chier de petites crottes

Delvau, 1866 : v. a. Gagner peu d’argent, vivre dans la misère.

Chier debout

Rossignol, 1901 : Nom donné aux chasseurs de Vincennes qui, lors de la formation de leur corps par le duc d’Orléans, avaient comme les enfants le pantalon fendu sur le derrière, de façon qu’ils pussent satisfaire un besoin pressant sans quitter le havresac et le fourniment ; de là le nom de chier debout. Il arrivait parfois aux chasseurs étant en voyage, de jouer au saut de mouton. Souvent ils faisaient exprès de ne pas boutonner le derrière du pantalon et laisser passer le drapeau blanc.

Chier des carottes

Delvau, 1866 : v. a. Se dit de toute personne qui non potest excernere, ou difficillime excernit, ou excernit sanguinem.

Chier des chasses

Delvau, 1866 : Pleurer. Argot des voyous.

Chier des cordes à puits

Virmaître, 1894 : Individu qui est tellement constipé qu’il reste une heure sur la tinette en poussant des soupirs à fendre l’âme (Argot du peuple).

Chier des yeux

Delvau, 1866 : Avoir les yeux chassieux. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Pleurer.

Mais patience passe science, il ne faut pas tant chier des yeux.

(La Comédie des proverbes.)

Virmaître, 1894 : Pleurer (Argot du peuple). V. Baver des clignots.

Rossignol, 1901 : Pleurer.

Chier dessus

Rigaud, 1881 : Renoncer par découragement. Abandonner après efforts infructueux.

Chier du poivre

Delvau, 1866 : v. n. Manquer à une promesse, à un rendez-vous ; disparaître au moment où il faudrait le plus rester.

Rigaud, 1881 : Rester sourd à la demande d’un service ; quitter un ami lorsqu’il a besoin de vous.

Virmaître, 1894 : Se sauver des mains des agents. S’en aller sans tambour ni trompette. Synonyme de pisser à l’anglaise (Argot du peuple). N.

Chier dur

Rigaud, 1881 : Travailler avec ardeur. — Prendre une prompte et énergique détermination.

Chier sur l’œil

Delvau, 1866 : v. n. Se moquer tout à fait de quelqu’un.

Chier sur la besogne

Delvau, 1866 : Travailler mollement, et même renoncer au travail.

Chier sur le mastic

Rigaud, 1881 : Envoyer le travail au diable, — dans le jargon du peuple. J’en ai assez du turbin, je chie sur le mastic, à la fin des fins. La variante : Chier sur la besogne a en outre le sens de s’endormir sur le travail, travailler avec nonchalance.

Chier sur quelqu’un ou sur quelque chose

Delvau, 1866 : Témoigner un grand mépris pour elle ou pour lui ; l’abandonner, y renoncer. Brantôme a employé cette expression à propos de la renonciation du ministre protestant David.

Chierie

Rigaud, 1881 : Grand ennui, dérangement. Quelle chierie ! quel ennui !

Hayard, 1907 : Ennui.

Chieur d’encre

Delvau, 1866 : Écrivain, journaliste.

Rigaud, 1881 : Employé de bureau. — Homme de lettres.

Virmaître, 1894 : Écrivain (Argot du peuple). V. Cul de plomb.

France, 1907 : Employé de bureau.

Ce que les Lenavet, les Panadard et les Petdeloup fournissent annuellement à la société de bureaucrates, de nullités, de chieurs d’encre, comme on dit au régiment, de déclassés, de gens propres à tout, c’est-à-dire bons à rien, est incalculable.

(Hector France, Les Va-nu-pieds de Londres)

Chiffarde

Halbert, 1849 : Pipe.

Halbert, 1849 : Assignation.

Larchey, 1865 : Pipe (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. f. Pipe, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. f. Assignation à comparoir, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Papier timbré, assignation.

La Rue, 1894 : Pipe. Assignation à comparaître.

Virmaître, 1894 : Pipe (Argot du peuple). V. Bouffarde.

Virmaître, 1894 : La pipe.
— Pas mèche de fumer ma chiffarde, pas de saint-père (Argot du peuple).

France, 1907 : Pipe ; argot populaire.

France, 1907 : Assignation.

Chiffarde, chiffonnière

Rigaud, 1881 : Pipe dont le tuyau est cassé presque à la naissance du fourneau.

Chiffe

d’Hautel, 1808 : C’est de la chiffe. Se dit par mépris d’une étoffe de mauvaise qualité.
Mou comme chiffe. Se dit d’une personne nonchalante, lâche, paresseuse et sans énergie.

Delvau, 1864 : Se dit d’un membre viril trop mou, — qui n’est plus ou qui n’est pas encore assez viril.

Ah ! vous n’êtes pas un homme, vous êtes une chiffe !

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : s. f. Homme sans énergie, chiffon pour le courage, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Mou comme une chiffe, mais c’est un pléonasme.

Rigaud, 1881 : Langue, — dans le jargon des voyous qui disaient autrefois chiffon rouge. — Faire crosser la chiffe, parler. Mot à mot : faire sonner la langue ; c’était autrefois dans le môme sens : Balancer le chiffon rouge. — Avaler sa chiffe, mourir.

France, 1907 : Langue. Chiffe, graille et loque, trois sobriquets par lesquels le roi Louis XV désignait ses filles.

France, 1907 : Homme veule et sans énergie, mou comme un chiffon.

— Oh ! sacrée chiffe, va ! s’il est permis d’être un homme et de s’aplatir comme ça devant un de ces salops qui nous mangent !

(Émile Zola, Germinal)

Chiffe (la)

Rigaud, 1881 : Le métier du chiffonnier ; c’est chiffon par abréviation. — Zig de la chiffe, chifferton, chiffonnier.

Chiffe (vol à la)

France, 1907 : On appelle ainsi un vol que les couturières commettent sur leurs clientes en prélevant une certaine quantité d’étoffe sur celle qu’on leur fournit. D’après Hogier-Grison, ce vol irait jusqu’à quatre mètres sur vingt, ce qui est assez important pour peu que ce soit une étoffe de luxe. « Si la couturière, ajoute-t-il, a des filles en bas âge, ce vol peut devenir des plus importants, car il est de règle dans le commerce parisien que jamais une entrepreneuse n’achète un pouce d’étoffe pour habiller sa progéniture. »

Chifferlinde

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie, — dans le jargon des chiffonniers qui disaient autrefois chifferton.Boire une chifferlinde, boire la goutte.

Chifferlinde (boire une)

France, 1907 : Boire la goutte.

Chifferton

Larchey, 1865 : Chiffonnier (id.).

Chifferton ou chiffreton

Delvau, 1866 : s. m. Chiffonnier, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Chifonnier.

Chiffon

d’Hautel, 1808 : Marie chiffon. Sobriquet injurieux ; femme ou fille à qui la coquetterie fait tourner la tête, d’ailleurs peu soigneuse et peu propre.
On donne aussi ce nom à une femme tatillonne et bavarde.

Larchey, 1865 : Mouchoir. — Chiffonnier : Voleur de mouchoirs.

Delvau, 1866 : s. f. Petite fille — et aussi grande fille — à minois ou à vêtements chiffonnés. Voltaire a employé cette expression à propos de la descendante de Corneille.

France, 1907 : Mouchoir.

France, 1907 : Fille mal attifée.

Chiffon de pain

Delvau, 1866 : s. m. Morceau de pain coupé, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Morceau de pain.

Chiffon rouge

Bras-de-Fer, 1829 : Langue.

Halbert, 1849 : La langue.

Larchey, 1865 : Langue. — Allusion à la couleur et à la souplesse de la langue. V. Balancer.

Delvau, 1866 : s. m. La langue, — dans l’argot des voleurs, qui sont parfois des néologues plus ingénieux que les gens de lettres. Balancer le chiffon rouge. Parler. Les voleurs anglais disent de même Red rag.

Rossignol, 1901 : La langue.

France, 1907 : La langue. Balancer le chiffon rouge, bavarder.

Chiffon, chiffornion

Rigaud, 1881 : Mouchoir.

Chiffonnage

Fustier, 1889 : Le contenu de la hotte du chiffonnier.

On trouva une quantité étonnante de chiffonnage dans les trois hottes.

(Clairon, 1881.)

Chiffonner

d’Hautel, 1808 : Une figure chiffonnée. Un visage dont les traits, sans être beaux ni réguliers, forment cependant un ensemble agréable.
Cela me chiffonne. Pour cela m’embarrasse, m’inquiète, me tourmente.

Delvau, 1866 : v. a. Contrarier, ennuyer, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Taquiner amoureusement une femme, la pincer amoureusement.

Et lorsqu’ils sontpochards, ils chiffonnent les bonnes

(L. Huart. Ulysse ou les porcs vengés.)

La Rue, 1894 : Contrarier.

France, 1907 : Contrarier, ennuyer.

— Si vous ne voulez pas être mon obligée, soyez tranquille, je vous demanderai quelque chose en échange : comme ça, nous serons quittes !
— Quoi donc ? Que me demanderez-vous ?
— De me faire mes heures supplémentaires la semaine prochaine. Je suis de garde et ça me chiffonne.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Agacer, tripoter une femme ou une fille ; littéralement, lui chiffonner les jupes ou essayer de lever sa chemise.

— L’épouser ! L’épouser ! exclama bruyamment le capitaine, en battant du bras ; ce petit torchon… ce laideron, cette grêlée !… Il pensait à chiffonner ça parce que c’est jeune. Un amour d’étape. J’aurais deviné ça du coup… et je l’aurais secoué.

(Alexis Bouvier, La Belle Grêtée)

— Savez-vous comment on peut chiffonner le plus une soubrette au minois chiffonné ?
— En ne la chiffonnant pas.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

Chiffonnier

Delvau, 1866 : s. m. Voleur de mouchoirs, — qui sont des chiffons pour ces gens-là.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui se plaît dans le désordre.

Rigaud, 1881 : Voleur de mouchoir, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Voleur de mouchoirs.

France, 1907 : Homme mal élevé et querelleur. « Se battre, se disputer comme des chiffonniers. »

Chiffonnier de la double colline

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais poète, — dans l’argot des gens de lettres.

Chiffornion

Delvau, 1866 : s. m. Foulard ; loque ; chiffons, — dans l’argot des voyous.

France, 1907 : Foulard, mouchoir.

Chiffre

d’Hautel, 1808 : Cet homme n’est qu’un zéro de chiffre. C’est-à-dire, n’a nulle autorité, nul pouvoir.

Chiffrer

Delvau, 1864 : Le prix, d’un coucher avec une courtisane, ou avec une putain. À Mabille :

La Dame. — Finissez donc, monsieur ! vous chiffonnes mon mouchoir !……
Le Monsieur. — Madame, c’est pour voir votre chiffre.
La Dame. — Mon chiffre, c’est cent francs. (Nain jaune.)

Chifornion

Halbert, 1849 : Foulard.

Chignage

France, 1907 : Action de chigner.

Chignard

France, 1907 : Pleureur, grondeur, grommeleur.

Chigner

Larchey, 1865 : Pleurer.

Ça lui fera du bien de chigner.

Balzac.

Rigaud, 1881 : Bouder ; gronder. — Chignard, boudeur, grognon.

Rossignol, 1901 : Griser.

France, 1907 : Larmoyer, pleurer comme les enfants ; aphérèse de rechigner. « Cet affreux marmot ne fait que chigner. »

— Alors, la v’là qui se met à chigner :
— Je vas te dire la vérité… C’est que j’a pas mangé depuis avant-hier.
Du coup, je l’ai lâchée, et j’ai sorti ma pièces de vingt ronds… Je voyais bien qu’elle ne mentait pas. Elle pissait de l’œil avec trop de conviction…
— Si c’est ça, que je lui dis, v’là de quoi aller bouffer…

(Oscar Méténier)

Chigner des yeux

Delvau, 1866 : v. n. Pleurer, — dans le même argot [des voyous].

Chigner, chigner des yeux

Rigaud, 1881 : Pleurer.

Ah ! ses largues doivent joliment chigner desyeux !

(Balzac.)

Chignole

anon., 1907 : Voiture.

Chignon

d’Hautel, 1808 : Prendre quelqu’un par le chignon du cou. Pour dire, le saisir au cou par derrière.

Chimique

Delvau, 1866 : s. f. Allumette chimique, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Allumette chimique. — Briller une chimique au falzar, allumer une allumette contre le pantalon.

Chinage

Fustier, 1889 : Action de faire la chine. — Plaisanterie.

France, 1907 : Genre de vol qui consiste à tromper le client sur la qualité de l’objet vendu, c’est-à-dire à donner du relief à un objet de nulle valeur.

Chine

Fustier, 1889 : Sorte de vol.

France, 1907 : Abréviation de chinage. Aller à la chine, crier dans les rues : Vieux habits, vieux galons ! (Rigaud)

Le père Salomon était brocanteur et chineur. Un petit établi, dans un coin, lui servait à pratiquer l’art de la chine, qui consiste principalement à truquer sur les bijoux. On vide l’or d’une bague et on y coule du plomb. Le bijou ainsi dénaturé, on le confie à des camelots qui le revendent à bas prix à des femmes naïves, s’imaginant faire une bonne affaire. Il sert aussi à l’industrie, très répandue à Londres, des ring-droppers (ramasseurs de bagues).

Chiné

M.D., 1844 : Aller offrir ses marchandises.

Chiner

Larchey, 1865 : Aller à la recherche de bons marchés.

Remonenq allait chiner dans la banlieue de Paris.

Balzac.

Les roulants ou chineurs sont des marchand d’habits ambulants qui, après leur ronde, viennent dégorger leur marchandise portative dans le grand réservoir du Temple.

Mornand.

Delvau, 1866 : v. n. Brocanter, acheter tout ce qu’il y a d’achetable — et surtout de revendable — à l’hôtel Drouot.

Rigaud, 1881 : Porter un paquet sur le dos ; trimballer de la marchandise, — dans le jargon des marchands ambulants : c’est une abréviation de s’échiner.

Rigaud, 1881 : Critiquer, se moquer de.

Rigaud, 1881 : Crier dans les rues, — dans le jargon des marchands d’habits ambulants. Quand ils parcourent la ville, au cri de : « habits à vendre ! » ils chinent, ils vont à la chine.

Merlin, 1888 : Médire de quelqu’un ; le ridiculiser.

Fustier, 1889 : Travailler. (Richepin.) — Plaisanter.

La Rue, 1894 : Crier et vendre dans les rues ; Brocanter. Plaisanter.

Virmaître, 1894 : Courir les rues ou les campagnes pour vendre sa camelotte. Chiner est synonyme de fouiner. Comme superlatif on dit chignoler (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Blaguer quelqu’un. — Il est tellement chineur que tout le monde passe à la chine (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Le marchand d’habits qui court les rues pour acheter de vieux vêtements, c’est un chineur, il fait la chine. Le marchand ambulant chine sa camelote de porte en porte. Le marchand de chiffons qui court les rues est aussi un chineur. Il y a aussi le chineur à la reconnaissance du mont-de-piété dont le montant du prêt est toujours surchargé et qui cherche à escroquer un passant, Le camelot qui offre sa marchandise aux abords des cafés est chineur. On remarque encore le chineur au balladage qui vend dans une voiture dite balladeuse ; le chineur à la boîterne, avec une boîte.

Rossignol, 1901 : Blaguer, plaisanter quelqu’un est le chiner ; celui qui chine est aussi un chineur.

Hayard, 1907 : Blaguer, courir les rues et la campagne pour vendre ou acheter.

France, 1907 : Travailler avec ardeur ; abréviation de s’échiner.

France, 1907 : Médire, se moquer.

C’est vrai que j’comprends pas grand’chose
À tout c’qu’y dis’nt les orateurs,
Mais j’sais qu’is parl’nt pour la bonn’ cause
Et qu’i’s tap’nt su’ les exploiteurs.
Pourvu qu’on chine l’ministère,
Qu’on engueul’ d’Aumale et Totor
Et qu’on parl’ de fout’ tout par terre !…
J’applaudis d’achar et d’autor.

(Aristide Bruant)

France, 1907 : Faire le chinage.

Chineur

Delvau, 1866 : s. m. Marchand de peaux de lapins, — dans l’argot des chiffonniers. Signifie aussi Auvergnat, homme qui court les ventes et achète aussi bien un Raphaël qu’un lot de fonte.

Rigaud, 1881 : Marchand d’habits ambulant qui va déverser ses achats sur le carreau du Temple. — Marchand qui va offrir à domicile des objets souvent volés. — Filou qui vole en augmentant frauduleusement la valeur apparente des objets.

Le Mont-de-Piété n’a guère à se défendre que contre deux sortes de filous parfaitement catégorisés : les chineurs et les piqueurs d’once. il ne faut pas croire que cette fraude s’arrête aux objets précieux ; on chine tout.

(Maxime du Camp, Revue des Deux-Mondes 1873.)

Un des procédés du chineur consiste à forer les chaînes, les bracelets, pour en extraire l’or qu’il remplace par du cuivre. Les employés du Mont-de-Piété ont été, plus d’une fois, victimes de ce genre de vol. — Dans le jargon des chiffonniers, un chineurest un marchand, un commerçant quelconque.

Merlin, 1888 : Méchante langue ou mauvais plaisant.

La Rue, 1894 : Colporteur. Marchand d’habits.

Virmaître, 1894 : Genre de voleurs dont les procédés se rapprochent de ceux des charrieurs. Ils sont pour la plupart originaires du Midi (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voleur au chinage. Marchand qui fréquente les ventes publiques et achète tout ce qui est à bas prix, d’où le populaire a baptisé de ce nom le marchand de peaux de lapins. On appelle aussi chineurs ou roulants les marchands de vieux habits qui courent les marchés et les foires et ceux qui vont à domicile offrir des étoffes à bas prix.
Dans le Pavé, voici ce qu’écrit sur ce mot Jean Richepin : « En argot, chineur veut dire travailleur, et vient du verbe chiner… Mais ce mot se spécialise pour désigner particulièrement une race de travailleurs sui generis…
Elle campe en deux tribus à Paris. L’une habite le pâté de maisons qui se hérisse entre la place Maubert et le petit bras de la Seine, et notamment rue des Anglais. L’autre niche eu haut de Ménilmontant, et a donné autrefois son nom à la rue de la Chine… Les chineurs sont, d’ailleurs des colons et non des Parisiens de naissance. Chaque génération vient ici chercher fortune, et s’en retourne ensuite au pays. »

Chineur de montres

France, 1907 : Industriel qui, sons prétexte d’un pressant besoin d’argent, vous offre à bas prix sa montre et quelquefois sa chaîne qui se trouvent, une fois achetée, ne pas valoir le quart de ce qu’on en a donné. C’est généralement dans les ports de mer, et habillés en marin, qu’opèrent ces chineurs.

C’est au premier rang parmi les aigrefins qu’il faut placer les chineurs de montres. Partant, dès le matin, la poche pleine de montres à tout prix, ils s’en vont où le vent les pousse, au hasard, par les rues, les boulevards, le faubourg ou la banlieue, certains d’avance de faire des dupes. Domestiques, passants, ouvriers, cochers, tout leur est bon.

(Charles Reboux, Les Ficelles de Paris)

Chinfreniau

Delvau, 1866 : s. m. Ornement de tête ou de cou, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi coup à la tête ou au visage, — au chanfrein.

France, 1907 : « Ornement de tête ou de cou. Signifie aussi : coup à la tête ou au visage, au chanfrein. » (Delvau)

Chinois

d’Hautel, 1808 : Un Chinois de paravent. Nom injurieux que l’on donne à un bambin, à un homme petit, laid, difforme et ridicule, comme on nous représente les Chinois.

Delvau, 1864 : Le vit, toujours chauve — par la tête — et pour qui le con est le céleste empire. On dit : se polir, ou se balancer le Chinois, pour se branler.

Larchey, 1865 : Homme original, fantasque.

Là-dessus, v’là mon Chinois qui se fâche.

Monselet.

Delvau, 1866 : s. m. Petite orange verte, confite dans l’eau-de-vie, qui est, à ce qu’il paraît, le produit d’un oranger particulier, le citrus vulgaris chinensis, le bigaradier chinois.

Delvau, 1866 : s. m. Original ; quidam quelconque, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Chinois de paravent.

France, 1907 : Petite orange confite dans l’eau-de-vie.

France, 1907 : Homme bizarre, singulier, original. On dit aussi : Chinois de paravent. Allusion aux Chinois que l’on représente spécialement sur les paravents.

France, 1907 : Cafetier.

Chinoiser jaspin

Rigaud, 1881 : Parler argot. (P. Mahalin, Les Monstres de Paris, 1880.)

Chinoiserie

Delvau, 1866 : s. f. Farce, plaisanterie de bon ou de mauvais goût.

France, 1907 : Plaisanterie de mauvais goût. Chose vieille, laide et hors d’usage.

Chiottes

Fustier, 1889 : Cabinets d’aisances.

France, 1907 : Latrines.

Après cette racaille viennent les opportunistes et les radigaleux ; ceux-là ne veulent rien changer à la mécanique sociale ; tout au plus sont-ils d’avis que de temps à autre on répare les chiottes et nettoie les cuvettes où les bouffe-galette, les richards et les patrons foirent et dégueulent.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Chipe

France, 1907 : Action de chiper. « Faire la chipe. »

Chipe (la)

Rigaud, 1881 : Vol d’un objet de peu de valeur.

Chiper

d’Hautel, 1808 : Terme d’écolier qui signifie prendre avec adresse, dérober avec subtilité.

Delvau, 1866 : v. a. Dérober, — dans l’argot des enfants ; voler, — dans l’argot des grandes personnes. Peccadille ici, délit là.
Génin donne à ce mot une origine commune au mot chiffon, ou chiffe : le verbe anglais to chip, qui signifie couper par morceaux. Je le veux bien ; mais il serait si simple de ne rien emprunter aux Anglais en se contentant de l’étymologie latine accipere, dont on a fait le vieux verbe français acciper ! Acciper, par syncope, a fait ciper ; ciper à son tour a fait chiper, — comme cercher a fait chercher.

Boutmy, 1883 : v. a. Prendre de la lettre, des sortes ou des espaces à son camarade. On dit aussi fricoter.

Virmaître, 1894 : Prendre (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Voler.

France, 1907 : Dérober. Quand les enfants prennent le bien d’autrui, on appelle cela chiper ; passé un certain âge, c’est voler ; c’est ainsi que les actes changent de nom, comme la morale.

Comme il lui tendait les deux sous, elle avança la main avec un rire soumis. Mais il se ravisa brusquement.
— Hein ? qu’est-ce que tu vas fiche de tout ça ?… Ta mère te le chipera bien sûr, si tu ne sais pas le cacher… Vaut mieux que je te le garde. Quand tu auras besoin d’argent, tu m’en demanderas.

(Émile Zola, Germinal)

— Dis donc, maman, ma petite maman chérie !… Écoute, je t’en prie ! – Puis, plus bas, insinuant, confidentiel : Je t’en prie, ma petite maman, tâche donc de chiper un billet de cent francs à papa, j’en ai si grand besoin !… Mais un besoin, vois-tu !… un besoin !… C’est à ne pas le croire !

(Gaëtan de Meaulne)

À Marseille, on affirme qu’il n’y a pas de plus adroits et de plus dangereux pickpockets que les matelots grecs. Quand l’un d’eux entre dans une boutique, le marchand appelle toute sa famille pour le surveiller : on l’entoure, on l’examine et on ne le quitte pas des veux jusqu’à ce qu’il ait quitté la boutique. Après cela, on cherche et on s’aperçoit qu’il a encore trouvé le moyen de chiper quelque chose.

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Chiper, chaparder

La Rue, 1894 : Prendre, voler.

Chipette

Delvau, 1866 : s. f. Rien ou peu de chose, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Lesbienne, — dans l’argot des voleurs, qui ne connaissent pas le grec, mais dont les ancêtres ont connu le rouchi.

France, 1907 : Lesbienne.

France, 1907 : Bagatelle. Employé surtout dans ce sens : « Ça ne vaut pas chipette. »

Chipeur

Delvau, 1866 : s. m. Enfant qui emprunte les billes ou les tartines de ses camarades ; homme qui vole les porte-monnaie et les mouchoirs de ses concitoyens.

Chipeur, chipeuse

France, 1907 : Voleur ou voleuse de bagatelles.

Chipie

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui fait la dédaigneuse, qui prend de grands airs â propos de petites choses, — dans l’argot du peuple, ennemi né des grimaces.

France, 1907 : Femme ou fille de mauvais caractère, ou qui fait la précieuse, qui prend de grands airs, « Faire sa chipie. »

— Vous lui avez rivé son clou !
— Elle en avait besoin, mes amis ! Il fallait au moins une fois lui dire son fait, à cette chipie !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Chipot

France, 1907 : Bavardage, cancan, médisance, propos le portières. « Faire des chipots. »

Chipoter

d’Hautel, 1808 : Lanterner, barguigner, faire quelque chose contre son gré, manger de mauvais cœur et sans appétit.

Delvau, 1866 : v. n. Faire des façons ; s’arrêter à des riens. Ce mot appartient à la langue romane. Signifie aussi : Manger du bout des dents.

Fustier, 1889 : Être regardant, liarder.

Il doit également ne jamais chipoter sur le prix des consommations.

(Frondeur, 1880.)

Virmaître, 1894 : Marchander. Chipoter dans son assiette avant de manger (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Rogner, rapiner.

La baronne ne parlait que de cinquante louis, de champagne frappé, de faisans truffés, elle n’allait qu’aux premières, dans sa loge ou dans celle de l’Empereur, tandis que Mlle Balandard chipotait un sou à sa bonne sur une botte de navets ; elle ne buvait que du cidre, n’aimait que l’oie aux marrons, parce qu’avec la graisse on pouvait faire la soupe toute une semaine : elle n’allait jamais au spectacle qu’avec les billets de faveur que lui donnait uns ouvreuse de ses amies.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

France, 1907 : Manger du bout des dents.

Cette fille, aux goûts de perruche, croquant des radis et des pralines, chipotant la viande et vidant des pots de confiture, avait des comptes de cinq mille francs par mois rien que pour la table. C’était, à l’office, un gaspillage effréné, un coulage féroce qui éventrait les barriques de vin, qui roulait des notes enflées pur trois ou quatre vols successifs.

(Émile Zola, Nana)

France, 1907 : Bavarder, cancaner.

Chipoteur

d’Hautel, 1808 : Qui mange sans avoir faim, qui gazouille l’ouvrage, qui travaille d’une manière lâche et paresseuse.

France, 1907 : Tracassier, vétilleur.

Chipoteuse

Delvau, 1866 : s. f. Femme capricieuse ; variété de Chipie.

France, 1907 : Capricieuse, faiseuse de chipots.

Chipotier

d’Hautel, 1808 : Tatillon, minutieux à l’excès, chicaneur. Au féminin, Chipotière.
C’est un franc chipotier.

Chipotier, chipotière

France, 1907 : Même sens que ci-dessus. [Capricieuse, faiseuse de chipots.]

Chipotier, ère

Delvau, 1866 : s. m. et f. Celui, celle qui ne fait que chipoter.

Chipper

Rossignol, 1901 : Prendre. Voir Chaparder.

Chiquage

Rigaud, 1881 : Mensonge, bavardage. — Planche au chiquage, confessionnal.

Chiquandart

France, 1907 : Voir Chicard.

Chique

d’Hautel, 1808 : Une chique de tabac. On appelle ainsi une pincée de tabac que les soldats, les marins et la plupart des journaliers mettent dans leur bouche pour en prendre toute la substance. Voyez Chiquer.
Une chique de pain. Pour dire une bribe, un morceau de pain.

Halbert, 1849 : Bon ton.

Larchey, 1865 : Voir chic. — chiquement — Avec chic.

Larchey, 1865 : Église (Vidocq). V. Momir, Rebâtir. Couper la chique : Dérouter. — Du vieux mot chique : finesse (Roquefort).

De la réjouissance comme ça ! Le peuple s’en passera. C’est c’qui coupe la chique aux bouchers.

Gaucher, Chansons.

Couper la chique à quinze pas : Se faire sentir de loin.

Delvau, 1866 : s. f. Morceau de tabac cordelé que les marins et les ouvriers qui ne peuvent pas fumer placent dans un coin de leur bouche pour se procurer un plaisir — dégoûtant. Poser sa chique. Se taire, et, par extension, Mourir. On dit aussi, pour imposer silence à quelqu’un : Pose ta chique et fais le mort.

Delvau, 1866 : s. f. Griserie, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi mauvaise humeur, — l’état de l’esprit étant la conséquence de l’état du corps. Avoir une chique. Être saoul. Avoir sa chique. Être de mauvaise humeur.

Delvau, 1866 : s. f. Église, — dans l’argot des voleurs, qui, s’ils ne savent pas le français, savent sans doute l’anglais (Church), ou le flamand (Kerke), ou l’allemand (Kirch).

Rigaud, 1881 : Église, — dans l’ancien argot des voleurs ; vient de l’italien chièsa.

Rossignol, 1901 : Beau, bien, bon. Une bonne action est chique. Un bel objet est chique. Une femme bien mise est chique.

France, 1907 : Tabac roulé en corde, que les marins et les ouvriers mettent dans un coin de leur bouche, d’où plusieurs expressions. Couper la chique, désappointer, réduire au silence ; couper la chique à quinze pas, avoir mauvaise haleine ; coller sa chique, être honteux, courber la tête : poser sa chique, se taire, mourir. Pose ta chique, fais le mort.

France, 1907 : Mauvaise humeur. « Avoir sa chique. »

France, 1907 : Église ; germanisme, de Kirch.

Chiqué

Rigaud, 1881 : Fait avec chic. — S’emploie en parlant des choses : un tableau chiqué.

Chique (avoir une)

France, 1907 : Être ivre.

Chique (ça ne vaut pas une)

Rigaud, 1881 : Ça ne vaut rien.

Au XIVe siècle, on appelait chique en Dauphiné une pièce de monnaie de cette province qui était la plus petite et avait le moins de valeur.

(Ch. Nisard.)

Il faut plutôt chercher l’étymologie dans la chique de tabac qui n’est pas d’une grande valeur.

Chique (coller sa)

Fustier, 1889 : Argot des enfants qui se servent surtout de cette expression au jeu dit de saute-mouton. Colle ta chique et fais le mort.

Chique (couper la)

Rigaud, 1881 : Couper la parole ; synonyme de couper le sifflet.

Chique (être)

France, 1907 : Être fait avec goût, avec chic.

Chiqué (être)

Delvau, 1866 : Être fait, peint ou dessiné avec goût, avec esprit, avec chic.

Chique (poser sa)

Rigaud, 1881 : Mourir. — Se taire. — Pose ta chique et fais le mort. Tais-toi et ne bouge pas.

Chique de pain

Delvau, 1866 : s. f. Morceau de pain.

Rigaud, 1881 : Croûton de pain.

Chiquement

Delvau, 1866 : adv. Avec chic.

France, 1907 : Avec chic.

Chiquenaude

d’Hautel, 1808 : Il ne vaut pas une chiquenaude. Manière injurieuse et exagérée de dire qu’un homme n’a aucune espèce de mérite.
On ne lui a pas seulement donné une chiquenaude. Pour exprimer que l’on n’a fait aucun mauvais traitement à un enfant qui jette les hauts cris.

Chiquer

d’Hautel, 1808 : Au propre, mâcher du tabac en feuille. Au figuré, prendre ses repas habituels ; et par extension faire endêver ou pester quelqu’un, le railler, se moquer de lui.
On dit d’un homme pauvre qui n’a rien à mettre sous la dent, qu’il n’a pas de quoi chiquer.

Halbert, 1849 : Battre.

Larchey, 1865 : Manger, dépenser. — Mot de la langue romane. V. Roquefort.

Ne pourrions-nous pas chiquer un légume quelconque ? mon estomac abhorre le vide.

Balzac.

Il m’a fallu tout mettre en plan. J’ons chiqué jusqu’aux reconnaissances.

Dialogue entre Zuzon et Eustache, chanson, 1836.

Larchey, 1865 : Faire avec chic, supérieurement.

Je leur en ferai des discours, et des chiqués.

Chenu.

Auprès d’elle, Eugénie Nu Bras, Nous chique avec génie, Son pas.

1846, Privat d’Anglemont.

Larchey, 1865 : Battre. Mot à mot : avaler. Même racine que la précédente.

Delvau, 1866 : v. a. Dessiner ou peindre avec plus d’adresse que de correction, avec plus de chic que de science véritable.

Delvau, 1866 : v. a. Battre, donner des coups, — dans l’argot des faubouriens, qui déchiquettent volontiers leurs adversaires, surtout lorsqu’ils ont une chique. Se chiquer. Échanger des coups de poing et des coups de pied.

Delvau, 1866 : s. m. Manger.

Rigaud, 1881 : Battre. — Se chiquer, s’invectiver, en venir aux mains. — Chiquerie, rixe.

La Rue, 1894 : Manger. Battre. Mentir, simuler. Feindre une scène.

France, 1907 : Simuler, feindre. Chiquer des sortes, voler des lettres d’imprimerie.

France, 1907 : Manger.

France, 1907 : Faire un tableau ou un dessin d’après certains procédés rapides qui étonnent et plaisent aux bourgeois. « Un paysage bien chiqué. » Le chic, en ce sens, est la malhonnêteté de la peinture ou du dessin. « Grévin ne faisait que chiquer. »

Chiquer (pour)

Rossignol, 1901 : Plaisanter, pour rire. — « Ce que vous me dites n’est pas sérieux, c’est sans doute pour chiquer. » Pendant l’exposition de 1889, un agent anglais demandait à un français s’ils étaient bien payés : « Oui, pour chiquer, » lui répondit le Français, l’Anglais prit aussitôt son dictionnaire de poche, mais ne put comprendre la signification des mots : pour chiquer.

Chiquer (se)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Se battre.

France, 1907 : Échanger des horions.

L’orchestre du Moulin-Rouge venait de jouer les dernières mesures d’un quadrille, quand, à l’un des angles du bal, une rumeur s’éleva, et je me sentis entraîné par la poussée des curieux…
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Rien ! Deux femmes qui se chiquent !

(Oscar Méténier)

Se dit aussi pour se griser.

Chiquer contre

Rossignol, 1901 : Dire le contraire de ce que l’on pense. Ne pas avoir l’air de comprendre une chose dont on vous parle lorsqu’on la connaît est chiquer contre.

Tu n’as pas besoin de me chiquer contre en plaidant le faux pour savoir le vrai.

Chiquer des sortes

Boutmy, 1883 : v. Synonyme de fricoter.

Chiquer-contre

Virmaître, 1894 : V. Battre comtois.

Chiquer, chiquer comte

Rigaud, 1881 : Mentir, simuler, — dans le jargon des voleurs. Comte est pour comtois. — Les saltimbanques se servent aussi de cette expression.

Chiquer, chiquer les légumes

Rigaud, 1881 : Manger, — dans le jargon du peuple.

Chiquerie

France, 1907 : Bataille.

Chiquet

d’Hautel, 1808 : La plus petite partie d’une chose.
Il a payé chiquet à chiquet. Pour dire peu à peu, par petites sommes. Ce mot est toujours masculin ; c’est donc un barbarisme que fait le peuple en disant une chiquette de pain, pour un petit morceau de pain.

Chiquette

Delvau, 1866 : s. f. Petit morceau.

France, 1907 : Petit morceau.

Un exemple : vous savez ce qu’on donne de pain chez Duval, une chiquette qui suffirait à peine à un moineau. Là, on vous sert le pain honnêtement, largement, comme chez le boulanger.

(Mot d’Ordre)

Chiquette à chiquette, par petits morceaux.

Chiquette à chiquette

Delvau, 1866 : adv. Par petits morceaux. C’est évidemment le même mot que chicot, qui a lui-même pour racine le vieux mot français chice.

Chiqueur

d’Hautel, 1808 : Qui est sujet à chiquer. On dit aussi figurément d’un homme qui mange beaucoup et qui aime passionnément la table, que c’est un bon chiqueur.

Larchey, 1865 : Glouton. — Chiqueur : Artiste dessinant de chic, sans étudier la nature.

Delvau, 1866 : s. m. Mangeur, glouton.

Delvau, 1866 : s. m. Artiste qui fait de chic au lieu de faire d’après nature.

Rigaud, 1881 : Peintre sculpteur qui fait de chic.

Un tas de chiqueurs et de chiqueuses font de petites ordures.

(Le Triboulet, du 6 juin 1880.)

France, 1907 : Glouton, Amateur de la chique.

France, 1907 : Artiste qui dessine où peint de chic.

Chiqueur de blanc

France, 1907 : Souteneur. Ce dit aussi : mangeur de blanc, individu qui vit aux dépens d’une fille.

Chiqueur de grenu

France, 1907 : Batteur de blé.

Chiqueur, chiqueur de blanc

Rigaud, 1881 : Fainéant ; souteneur de filles.

Chiquier

La Rue, 1894 : Nom de l’associé du camelot qui donne l’exemple et engage l’acheteur en achetant lui-même l’objet au moment où le bonisseur vient d’en dire le prix.

France, 1907 : Compère du camelot. C’est lui qui se précipite pour acheter l’objet après le boniment que vient d’en faire le bonisseur.

Chirurgie (être en)

Rigaud, 1881 : Être en traitement dans un hôpital pour une affection chirurgicale. — Être en médecine, être, en qualité de malade, dans le service de la médecine, — dans le jargon des hôpitaux.

Chirurgien en vieux

Delvau, 1866 : s. m. Savetier qui répare les vieux cuirs, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Savetier. (A. Delvau)

France, 1907 : Savetier.

Chislehurstienner

Rigaud, 1881 : Fêter un anniversaire bonapartiste. Vient de Chislehurst, résidence de l’ancienne famille impériale.

Plusieurs centaines de personnes s’étaient réunies aux abords de l’église Saint-Augustin, les unes pour Chislehurstienner, les autres pour voir Chislehurstienner.

(Rappel du 18 août 1877.)

Chisnouffe

Hayard, 1907 : Coup.

Chiton

France, 1907 : Avare.

Chlasse

Virmaître, 1894 : Saoul à ne pas tenir debout (Argot des souteneurs). N.

Hayard, 1907 : Ivre.

France, 1907 : « Saoûl à ne pas tenir debout. » (Ch. Virmaître)

Chnic

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie.

La Rue, 1894 : Eau-de-vie.

France, 1907 : Eau-de-vie. Germanisme.

Chocailler

d’Hautel, 1808 : Boire à l’excès. Se dit exclusivement des gens du bas peuple qui s’enivrent sur le cul d’un tonneau.

Chocaillon

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; femme ou fille crapuleuse, qui s’adonne au vin et à tous les excès de la débauche.

Delvau, 1866 : s. f. Ivrognesse, chiffonnière, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Chiffonnière ; ivrognesse.

Chochotte

Hayard, 1907 : Efféminé.

Chocnoso, chocnosof, koxnoff

La Rue, 1894 : Brillant, remarquable.

Chocnoso, sof, sophie, sogue, koxnoff

Larchey, 1865 : Brillant. — On ne paraît pas bien fixé sur l’orthographe de ce mot.

Dans cette situation, comment dire ?… — Chocnoso…

Balzac.

Dans Pierre Grassou, le même auteur écrit Chocnosoff.

Je m’en vais chez le restaurateur commander un dîner kox-noff.

Champfleury

C’est koksnoff, chocnosogue, chicardo, snoboye.

Bourget, Chansons

Sa plume était chocnosophe, et ses goûts ceux d’un pacha.

Commerson.

Chocnosoff

Delvau, 1866 : s. et adj. Brillant, élégant, beau, parfait, — dans l’argot des faubouriens et des rapins.

France, 1907 : Beau, brillant.

Chocolat

Fustier, 1889 : Naïf, crédule. Argot des voleurs et principalement des joueurs de bonneteau.

Ils (les bonneteurs) s’associent à trois : celui qui fait le chocolat et qui est chargé de commencer la partie, de l’allumer en jouant ; l’enquilleur ou lourdier qui tient la portière de la voiture, invitant les voyageurs à monter dans le compartiment, et, enfin, le patineur, qui monte lorsqu’il n’y a plus qu’une place et qui doit tenir les trois cartes.

(Temps, 1886.)

La Rue, 1894 : Naïf, crédule. Compère du bonneteur.

Chocolat (être)

Hayard, 1907 : Être dupé.

Chocotte

France, 1907 : Dent ; os à moelle.

Chœur

d’Hautel, 1808 : Tondu comme un enfant de chœur. Se dit plaisamment d’une personne que l’on a rasée, ou qui est naturellement chauve.

Choisir

d’Hautel, 1808 : Qui choisit prend le pire. Ce proverbe ne doit s’entendre que des personnes qui se mêlent de choisir parmi les objets dans lesquels elles n’ont aucune connoissance.

Cholera

Rossignol, 1901 : Une femme méchante est un Cholera ou un panaris.

Choléra

Delvau, 1866 : s. m. Viande malsaine, ou seulement de qualité inférieure, — dans l’argot des bouchers, qui disent cela depuis cinquante ans.

Rigaud, 1881 : Zinc, zingueur, — dans le jargon des couvreurs.

Rigaud, 1881 : Viande malsaine, viande de qualité inférieure, — dans le jargon des bouchers. (A. Delvau)

Fustier, 1889 : Débris de fromages. Argot du peuple.

— Que désire monsieur ?
— Deux sous de choléra, s’il vous plaît !
On peut entendre cette demande et cette réponse s’échanger chez certains marchands de fromage, soit aux alentours des halles, soit dans les grands quartiers populeux. Or, qu’est-ce que le choléra ? Ce sont les rognures, les bribes, les miettes des divers fromages que les marchands recueillent à la fin de chaque journée à l’étalage et sur les tables de service.

(Figaro, oct. 1886.)

Hayard, 1907 : Épouse.

France, 1907 : Viande malsaine ; raclure de comptoirs des marchands de fromages et que l’on revend aux pauvres affamés, à deux sous l’assiette.

Cholet

France, 1907 : Pain blanc.

Cholette

Halbert, 1849 : Chopine.

Larchey, 1865 : Demi-litre (Vidocq)

Delvau, 1866 : s. f. Chopine de liquide, — dans l’argot des voleurs. Double cholette. Litre.

Rigaud, 1881 : Chopine, demi-litre.

Rossignol, 1901 : Chopine, demi-litre de vin.

France, 1907 : Demi-litre.

Il emmena Vidocq chez le marchand de vin, demanda une cholette.

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Cholette (double)

France, 1907 : Litre.

Chomer

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas chomer les fêtes avant qu’elles soient venues. Pour il ne faut pas se réjouir des choses qui ne sont point encore arrivées ; ou s’affliger des maux avant qu’ils soient venus.
Chomer de tout. Pour être dans un besoin absolu.
C’est un saint qu’on ne chome plus. Se dit d’un homme tombé dans la disgrace la plus profonde.

Choper

un détenu, 1846 : Prendre à l’improviste.

Larchey, 1865 : Voler (Vidocq). — Mot à mot : toucher quelque chose pour le faire tomber. — Roquefort donne choper dans ce sens.

Delvau, 1866 : v. a. Prendre, voler, — dans l’argot des voleurs. Se faire choper. Se faire arrêter.

Delvau, 1866 : v. a. Attraper en courant, — dans l’argot des écoliers.

Rigaud, 1881 : Voler, prendre. — Chopin, vol. — Choper une boîte, arrêter un logement, se loger, — dans le jargon des voleurs.

Merlin, 1888 : Comme chiper, voler. Se faire choper, se faire prendre, arrêter.

Rossignol, 1901 : Voir chipper.

France, 1907 : Se heurter, manquer de tomber.

France, 1907 : Prendre, voler ; vieux mot, aphérèse de achopper.

La loi n’est pas faite pour les chiens : à preuve qu’on ne les fourre jamais au violon ; ils peuvent choper de la bidoche à l’étal des bouchers, sans craindre la prison… tout ce qu’ils risquent, c’est un coup de trique ou un coup de soulier…

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Ma fleur d’orange, elle est perdue ;
Ell’ se s’ra fait choper dans la rue.

(Paris qui passe)

Après, ce fut un aut’ tabac ;
Comm’ je faisais recette,
J’devais être chopé par Meilhac…
Je suis la gigolette
À Meilhac,
Je suis sa gigolette…

(Le Journal)

Chopin

anon., 1827 : Objet volés.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vol, objet volé.

Bras-de-Fer, 1829 : Coup.

M.D., 1844 : Sac d’argent.

Halbert, 1849 : Objet volé.

Larchey, 1865 : Vol.

Quand un voleur fait de la dépense, c’est qu’il a fait un chopin.

Canler.

Delvau, 1866 : s. m. Objet volé ; coup ; affaire. Bon chopin. Vol heureux et considérable. Mauvais chopin. Vol de peu d’importance, qui ne vaut pas qu’on risque la prison.

Rigaud, 1881 : Profit, réussite, bonne aubaine, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Profit, bonne aubaine. Petit vol. Coup, affaire.

Rossignol, 1901 : Bonne affaire.

France, 1907 : Objet volé, vol. Faire un chopin, commettre un vol.

Travaillant d’ordinaire
La sorgue de Pantin,
Dans mainte et mainte affaire,
Faisant très bon chopin.

(Winter)

— Rarement le pante met sa bougie dans son pardessus… Non ! il y a autre chose… des fois on trouve des papiers, des babillardes, et c’est là le meilleur chopin.

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

J’pourrais m’frusquiner en rupin,
Mais j’ai l’air baluch’ sans patente,
Et pis, va donc faire un chopin
Quand tu veux êt’ pris pour eun’ pante !

(Blédort)

Chopin (faire un)

Virmaître, 1894 : Bonne affaire. Mettre la main sur une femme qui possède des qualités exceptionnelles. Si la chose faite ne vaut rien, on dit :
— Tu as fait un sale chopin (Argot du peuple).

Chopine

d’Hautel, 1808 : Mettre pinte sur chopine. Gobeloter, s’enivrer, boire de cabaret en cabaret ; des petites mesures passer aux grandes.

Chopine en bois

Rigaud, 1881 : Broc de bois à l’usage des marchands de vin.

Chopiner

d’Hautel, 1808 : Boire chopine à chopine, faire débauche de vin.

Delvau, 1866 : v. n. Hanter les cabarets, — dans l’argot dédaigneux des bourgeois, qui, eux, hantent les cafés. Chopiner théologalement, dit Rabelais.

France, 1907 : Voler.

France, 1907 : Courir les cabarets, avaler des chopines.. La chopine est une ancienne mesure contenant un demi-litre ; du bas latin copina, coupe.

On juge un affreux ivrogne.
— Messieurs les jurés, dit l’avocat en concluant, vous acquitterez cet homme, qui a agi entraîné par la passion…
L’accusé, dans sa barbe : Oui, et en chopinant six litrons.

Chopinette

France, 1907 : Petite chopine.

Quand le marchand de vin, par un habile coup de pouce, renversait une partie de la marchandise contenue dans la mesure sur son comptoir : — C’est pas une chopine, disait l’ivrogne, c’est une chopinette.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Chopotte

Rossignol, 1901 : Chopine, demi-litre de vin.

Choppe (être)

Halbert, 1849 : Être pris.

Chopper

Rigaud, 1881 : Fauter, faire un premier faux-pas hors du sentier de l’honneur, trébucher, — en parlant d’une jeune fille.

Ma sœur ne choppera pas, je suis là.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

La Rue, 1894 : Faire une faute, en parlant d’une jeune fille. Se faire surprendre, arrêter.

Choquer

d’Hautel, 1808 : En terme bachique, heurter, trinquer, faire carillon avec les verres ; porter une santé.

Choquotte

France, 1907 : Chose douce et agréable.

Choquotte (c’est de là)

Rigaud, 1881 : C’est très bien, très agréable, d’un excellent rapport. Dans le jargon des chiffonniers chocotte signifie « os gras. » (V. Camelotte.)

S’ mett’e un p’tit brin en ribote
Et, dans l’coin d’un caboulot,
Gentiment s’rincer le goulot
Sans c’ pendant sortir soulot,
C’est de la choquotte.

(La Muse à Bibi.)

Chose

Larchey, 1865 : Indignité.

C’est ce gueusard d’Italien qui a eu la chose de tenir des propos sur Jacques.

Ricard.

Larchey, 1865 : Embarrassé. — Du vieux mot choser : gronder. V. Roquefort.

Ma sainte te ressemble, n’est-ce-pas, Nini ? — Plus souvent que j’ai un air chose comme ça !

Gavarni.

Ce pauvre Alfred a sa crampe au pylore, ça le rend tout chose.

E. Sue.

Mamselle, v’là qu’vous m’rendez tout chose, je vois bien que vous êtes un esprit fort.

Rétif, 1783.

Larchey, 1865 : Dignité.

Tu me feras peut-être accroire que tu n’as rien eu avec Henriette ? Vois-tu, Fortuné, si tu avais la moindre chose, tu ne ferais pas ce que tu fais…

Gavarni.

Delvau, 1866 : Nom qu’on donne à celui ou celle qu’on ne connaît pas. On dit aussi Machin. Ulysse, au moins, se faisait appeler Personne dans l’antre de Polyphème !

Delvau, 1866 : adj. Singulier, original, bizarre, — dans l’argot du peuple, à qui le mot propre manque quelquefois. Avoir l’air chose. Être embarrassé, confus, humilié. Être tout chose. Être interdit, ému, attendri.

France, 1907 : Singulier, étrange. Je me gens tout chose, je me sens mal à l’aise. Vous avez l’air tout chose, vous paraissez malade, embarrassé.

France, 1907 : Mot banal servant à remplacer un nom qui vous échappe. C’est le synonyme de Machin. « Quand on n’a pas la mémoire des noms propres, dit Charles Nisard, — ce qui est l’infirmité de quelques personnes, — ou quand on ne veut pas l’avoir — ce qui est la manie de beaucoup d’autres, — on se sert communément de ce mot pour désigner l’individu qu’on ne peut ou qu’on ne veut pas nommer. »

Parlons bas, Chose nous écoute.

(Comédie des Proverbes)

Chose (le)

Delvau, 1864 : Pseudonyme pudibond de la pine ou du con.

Après, il me fait empoigner son chose, qu’il a roide, et quelquefois me prend à force de corps et me fait rouler sur lui.

Mililot.

Mais votre chose est tout petit, comme l’on dit, que si vous l’apportez en quelque lieu, à peine si l’on perçoit qu’il y est.

(Les Cent Nouvelles nouvelles.)

Quand je l’eus lavé une pose,
Soudain je vis dresser son chose.

(Farces et Moralités.)

Serait-il vrai, bouche de rose,
Ce que m’a dit un imprudent :
Que vous vous passez moins de chose
Qu’un espagnol de cure-dent ?

Théophile.

O ! ouy, ma foi, elle a un chose
Qui ne bouge de la maison,
Ainsi que fait celuy Lison,
Ainsi fatelu et douillet.

(Ancien Théâtre français.)

Ton chose, me dis-tu,
À si petite ouverture,
Qu’un vit moindre qu’un fêtu
Y serait à la torture.

(Cabinet satyrique.)

Chose de (avoir la)

Rigaud, 1881 : Avoir la délicatesse de, avoir l’avantage de, faire montre d’un bon procédé. Et, en abrégeant : Avoir ce-lui de. — Avoir quelque chose pour quelqu’un, ressentir de l’affection pour quelqu’un. — Tout chose, embarrassé, penaud.

Chose de nuit (faire la)

France, 1907 : Dans l’argot des pudiques bourgeoises, pour exprimer l’acte conjugal.

— C’est un peu tard pour… de pareilles choses.
— Quelles choses ?
— De ces choses, roucoula la dévote, qu’on ne doit pas avouer parce qu’elles font rougir.
— Mais je n’avoue rien, belle dame !
— Il vaut mieux faire, n’est-ce pas ?
— Mais je ne fais rien !
— Non, mais vous avez l’intention…
— L’intention ?… de quoi ? demanda ingénument la victime.
— De faire…
— Quoi ?
— La chose ! soupira la dévote.
— Quelle chose ? repliqua-t-il, feignant de ne pas entendre.
Madame Renaud ne répondit pas, mais elle posa sa main tremblante sur celle de ce sourd obstiné.

(Hector France, Le Pêché de Sœur Cunégonde)

On disait autrefois la chose de par Dieu :
— Doncques, Hélaine est vostre femme ?
— Ouy, Hélaine est ma femme,
— Vous croiray-je ?
— Oy, si tu veux, et te dy que je lui ay faict laquelle chose de par Dieu.

(Larivey, Le Morfondu)

Chose, machin

Larchey, 1865 : On appelle ainsi celui dont on ne se rappelle pas le nom (d’Hautel).

Chose est malade. — Qui ça, Chose ?

H. Monnier.

La coutume est ancienne. Tallemant des Réaux conte que M. le Mage, conseiller à la Cour des aides, dit toujours Chose au lieu du nom.

Chose, machin, machine

d’Hautel, 1808 : Ces mots sont d’un grand secours dans le langage du peuple ; on pourroit presque dire dans la conversation familière. En effet, ils suppléent continuellement à tous noms quelconques d’objets ou de personnes que la mémoire ne présente pas à l’instant.
Dites à Chose, à Machin ou Machine de s’occuper de cela. C’est chose, Machin ou Machine qui a fait cela. Pour c’est un tel ou une telle.
On dit aussi que l’On travaille pour l’intérêt de la chose, pour dire l’intérêt d’une affaire, le bien commun.
Avoir l’esprit à sa chose. C’est-à-dire être très assidu à son ouvrage.
On dit d’un homme maladroit, ou qui a un maintien gauche et emprunté, qu’il a l’air d’un chose, pour dire d’un nigaud, d’un stupide, d’une bête.

Chose, machin, untel

Rigaud, 1881 : Terme de mépris lorsqu’on ne veut pas désigner quelqu’un par son nom. — Celui dont le nom nous échappe s’appelle aussi Chose, Machin.

Comment, Nana, ce sont tes amis, et tu ne sais seulement pas comment ils se nomment ? — Ma foi, non ; moi, je les appelle toujours : Ohé ! Machin !… ou bien : Dis donc, Chose ! et ils entendent très bien.

(Grévin.)

Chou

d’Hautel, 1808 : Chou chou. Nom amical et carressant que l’on donne aux petits enfans. On dit aussi Mon chou.
Chou pour chou.
À la pareille, semblablement.
Aller à travers choux. Agir inconsidérément ; comme un écervelé.
Faire ses choux gras. Faire bien ses affaires ; Se divertir.
Faire ses choux gras de quelque chose. En faire ses délices.
Vous pouvez en faire des choux, des raves. C’est-à-dire, ce que vous voudrez, ce que bon vous semblera.
Ce n’est pas le tout que des choux. Pour dire que l’on n’a fait qu’une partie de ce qui est nécessaire pour venir à bout d’une entreprise.
Il s’y entend comme à planter des choux. Se dit d’un homme qui entreprend un état dont il n’a aucune connoissance.
S’il t’ennuie, envoie-le planter des choux. Équivaut à envoie-le promener.
On dit de quelqu’un qui dispose avec trop de liberté des biens d’autrui, qu’Il en fait comme des choux de son jardin.
Trognon de chou.
Sobriquet que l’on donne aux petites personnes laides et contrefaites.
On dit aux enfans qui font des demandes indiscrètes sur leur naissance, qu’ils sont venus sous un chou.
Elle fait bien valoir ses choux.
Se dit d’une personne trop prévenue de son mérite et de ses qualités personnelles, et qui met un haut prix à ses services.
Ménager la chèvre et les choux. Voyez Chèvre.
Il ne vaut pas un trognon de chou. Pour il est dénué de toute capacité ; il n’est bon à rien.

Larchey, 1865 : Sobriquet amical.

L’une m’appelle mon chou, mon ange.

Francis, 1825.

Rigaud, 1881 : Résultat des fouilles nasales, — dans le jargon des collégiens.

Chou (bête comme)

France, 1907 : Suprême bêtise. Vérité bête à force d’être simple.

C’est bête comme chou, mais c’est ainsi. Une existence humaine peut servir d’enjeu à ces infimes considérations. Et l’on risque de passer pour très subversif, si l’on s’aventure à parler bon sens, si l’on se risque à dire que l’on ne rachète pas une frousse par une cruauté.

(Séverine, Le Journal)

Chou blanc

France, 1907 : Corruption de coup blanc, coup manqué. Revenir bredouille, échouer. Faire chou blanc au jeu de quilles, c’est faire un grand affront à une dame où demoiselle qui accorde les dernières faveurs à son amant.
Connu comme chou blanc, trés connu.

La grisette, c’est connu conne chou blanc.

(A. Lorentz.)

Chou colossal

Larchey, 1865 : Entreprise destinée à tromper le public par des promesses ridiculement alléchantes.

Il y a deux ou trois ans, on vit à la quatrième page des journaux un éloge pompeux d’un nouveau chou… Ce chou était le chou colossal de la Nouvelle-Zélande, servant à la fois à la nourriture des hommes et des bestiaux et donnant un ombrage agréable pendant l’été. C’était un peu moins grand qu’un chêne, mais un peu plus grand qu’un prunier. On vendait chaque graine un franc… On en achetait de tous les coins de la France. — Au bout de quelques mois, les graines du chou colossal avaient produit deux ou trois variétés de chou connues et dédaignées depuis longtemps. La justice s’en mêla.

Alph. Karr, 1841.

L’inventeur du chou colossal était un bonnetier. Il se suicida en voyant la mauvaise tournure que prenait la spéculation.

France, 1907 : Entreprise montée à grands renforts de grosse caisse pour allécher et duper le public. « On peut affirmer que l’affaire du Panama a été un chou colossal. »

Chou pour chou (aller)

Rigaud, 1881 : Suivre exactement la copie imprimée. (Boutmy, Les Typographes parisiens.) C’est une réminiscence du proverbe : Chou pour chou, Aubervilliers vaut bien Paris.

Autrefois le terrain du village d’Aubervilliers était presque entièrement planté de choux qui passaient pour meilleurs que ceux des autres endroits. De là ce proverbe dont on se sert pour égaler sous quelque rapport deux choses dont l’une a été trop rabaissée, ou pour signifier que chaque chose a une qualité qui la rend recommandable.

(Quitard, Dict. des Proverbes.)

Boutmy, 1883 : v. Suivre exactement la copie imprimée. C’est l’équivalent de Kif-kif.

Chou-blanc

Delvau, 1866 : s. m. Insuccès, le chou blanc étant, dans la classe des Brassicées, ce que la rose noire est dans la famille des Rosacées : le désespoir des chercheurs d’inconnu. Faire chou blanc. Échouer dans une entreprise ; manquer au rendez-vous d’amour ; revenir de la chasse le carnier vide, etc.

Chouan

La Rue, 1894 : Cœur.

France, 1907 : Cœur. Débâcler son chouan, ouvrir son cœur.

Chouart

Delvau, 1864 : Ancien mot hors d’usage employé dans un sens obscène pour désigner le membre viril.

Voici maître Jean Chouart qui demande logis.

Rabelais.

Il tira son chouart vif et glorieux.

(Moyen de parvenir.)

Le sculpteur à la main savante,
Par un chef-d’œuvre de son art,
A surtout formé Jean Chouart.

Piron.

Choucarde

Merlin, 1888 : Brouette.

France, 1907 : Brouette.

Chouchou

France, 1907 : Expression caressante.

Chouchouter

Larchey, 1865 : Choyer tendrement. Vient de chou.

Tu seras chouchouté comme un dieu.

Balzac.

Delvau, 1866 : v. a. Choyer, caresser, traiter de petit chou. L’expression est de Balzac.

France, 1907 : Caresser.

Chouchoûter

Rigaud, 1881 : Choyer, dorloter. Le mot est de Balzac et n’a guère été employé que par lui.

Au lieu de vous chouchouter, elle vous a fait aller comme un valet.

(Balzac, Un Ménage de garçon)

Choucroutard

France, 1907 : Allemand.

Choucroute (tête ou mangeur de)

Larchey, 1865 : Allemand.

Choucroutemann

France, 1907 : Allemand.

Choucrouter

Delvau, 1866 : v. n. Manger de la sauer-kraut, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi parler allemand.

France, 1907 : Parler allemand ou manger de la choucroute.

Choucrouteur

Delvau, 1866 : s. m. Allemand, mangeur de sauer-kraut. On dit aussi Choucroutemann.

Choucroutmann

Virmaître, 1894 : Allemand. Allusion au mangeur de choucroute (Argot du peuple). N.

Choucrouttemann

Rossignol, 1901 : Allemand.

Chouet

M.D., 1844 : Spirituel, joli.

Chouette

d’Hautel, 1808 : Malin comme une chouette. Pour dire sans finesse, sans esprit, gauche et dépourvu d’industrie.

Clémens, 1840 : Jolie, belle.

un détenu, 1846 : Quelque chose de bien. Largue chouette, femme qui est bien. Cela est chouette.

Halbert, 1849 : Beau, remarquable.

Delvau, 1866 : adj. Superlatif de Beau, de Bon et de Bien, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Chouettard et Chouettaud, — sans augmentation de prix.

Rigaud, 1881 : Malin. (Le Sublime.) — Faire la chouette, jouer à l’écarté, à l’impériale, seul contre plusieurs adversaires qui prennent les cartes à tour de rôle et qui parient de concert.

Rigaud, 1881 : Beau, excellent. Chouette, alors ! — très bien alors ! Femme chouette, belle femme. Repas chouette, bon repas.

La Rue, 1894 : Beau, joli. Jolie prostituée.

Virmaître, 1894 : Superlatif de tout ce qu’il y a de plus beau, le suprème de l’admiration. Chouette (être fait) : être arrêté par les agents. Ce n’est pas chouette : ce n’est pas bien. Elle n’est pas chouette : elle est laide (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Beau, belle, bien, bon, bonne.

Hayard, 1907 : Beau, bien.

France, 1907 : Joli, agréable.

De cent métiers en mon pouvoir
J’ai choisi le plus chouette :
Adèle faisait le trottoir
Et m’offrait la galette.

(Georges Prud’homme.)

Beaujean, assez épris de l’étroite banlieue, n’aimait pas beaucoup la province ; même la grande ceinture paraissait arriérée à son parisianisme aigu. Et il se plaint d’être ainsi relégué, pour son dernier acte, hors de son cadre et de son milieu habituels : « Ce qui m’embête, c’est d’être fauché à Versailles. J’aurais préféré place de la Roquette : au moins, là, on a une chouette galerie et l’on peut reconnaître des copains… »

(Séverine)

J’crach’ pas sur Paris, c’est rien chouette,
Mais comm’ j’ai une âme d’poête,
Tous les dimanch’s j’sors de ma boîte,
Et j’m’en vais, avec ma compagne,
À la campagne !

(Paul Verlaine)

Ce mot s’emploie ironiquement : Nous sommes chouettes ! Nous voilà bien lotis.

— Ah ! la riche idée qu’il a eue, l’idiot, d’introduire des femmes chez nous, des femmes au rabais ! de leur faire faire concurrence aux hommes et d’avilir ainsi le prix du travail… Toutes les souffrances, les larmes, les hontes, les désespoirs, les vices et les crimes de toutes ces pauvres petites s’élèvent contre lui, l’accablent et le maudissent. Quand il aurait si bien pu, en donnant à son personnel mâle plus d’argent en échange de plus de travail, l’encourager à se marier, à ne pas laisser vieillir, se faner et s’avilir toutes ces filles de petits bourgeois et d’ouvriers ! Ah ! le monstre ! Mais ce n’est même pas un bordel qu’il nous a légué, ce misérable, c’est un égorgeoir et un dépotoir ! Ah ! c’est superbe ! chouette, le résultat !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Être chouette, dans l’argot des voleurs, c’est être pris. Faire une chouette, jouer seul contre deux : terme de billard.

France, 1907 : A aussi la signification de chic.

— Pas étonnant, reprend le pantalon percé, si les gens chouettes deviennent rosses, on fait tout pour les dégoûter de donner.
— Les gens chouettes, répond le titi, t’en connais, toi, des gens chouettes ? Regarde un peu à Saint-Eustache, c’était ouvert dès le matin et on pouvait aller s’y chauffer en sortant d’ici. Ben, maintenant, on nous fout à la porte.

(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)

Dans l’aube qui naissait, chétive silhouette,
La « veuve » lui semblait piteuse et pas chouette,
Et cabotin hideux, peut-être à son insu,
Polyte murmurait : « Non, vrai ! si j’avais su… »

(Paul Nagour)

anon., 1907 : Beau, belle.

Chouette (être)

Halbert, 1849 : Être pris.

Delvau, 1866 : Être pris, — dans l’argot des voleurs, qui opèrent la nuit comme les chats-huants, et, le jour, s’exposent comme eux à avoir sur le dos tous les oiseaux de proie policiers, leurs ennemis naturels.

Chouette (faire une)

Delvau, 1866 : Jouer au billard seul contre deux autres personnes.

France, 1907 : Terme de tripot.

S’il vous prend la fantaisie de faire une chouette, ce qui est passablement téméraire, faites passer la table dans un coin du salon, asseyez-vous dans l’angle et ne souffrez personne derriére vous. C’est un droit qu’on ne peut vous contester lorsque la chouette est acceptée. Si vous prenez un associé dans une chouette, il faut que ce soit un joueur que vous connaissiez bien. Si vous ne le connaissez qu’imparfaitement ou pas du tout, exigez qu’il s’associe de moitié à la somme qu’il y a en chouette. Si ne mettait qu’une somme minime dans l’association, il pourrait « télégraphier » à votre adversaire votre jeu et vous décaver d’un seul coup.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Chouette à trompe

France, 1907 : Autre ineptie boulevaresque. « À trompe », pourquoi ? Le mot prendra, il a pris, tant il est bête. Le Gil Blas du 11 janvier 1889 l’enregistre sous la rubrique : « Le mot de l’année. » « On ne dit plus, écrit le Diable Boîteux : C’est chic, c’est v’lan ; on dit : chouette à trompe. » Et les Français continuent à passer pour un peuple spirituel !

Chouette au panier

France, 1907 : Expression de la même farine, tout aussi bête que la précédente [Chouette (faire une)] et avant la même signification.

— Je l’aime comme ça, moi ! Et après ? Est-ce que vous croyez que c’est les plus rupins qui sont les plus chouettes au panier ?

(Montjoyeux)

Chouette-centre

M.D., 1844 : Vrai nom.

Chouette, chouettard, chouettaud

Larchey, 1865 : Parfait.

Cré chien ! Loïse, t’as là une casquette un peu chouette !…

Gavarni.

Ah ! vous avez là une chouette femme.

Gavarni.

Voici peut-être un des premiers exemples du mot :

Ma femme sera coincte et jolye comme une belle petite chouette.

Rabelais.

Chouettement

Larchey, 1865 : Parfaitement.

Suis-je près d’un objet charmant, Pour l’allumer chouettement, Mon cœur est comme une fournaise.

Festeau.

Delvau, 1866 : adv. Parfaitement.

France, 1907 : Parfaitement.

Chouetto batifolo

France, 1907 : Nec plus ultra du chouette.

— Où allous-nous ? demanda Olga.
— Chez Lunette !… tu verras comme c’est chouetto batifolo rupin aux oignes ! dit gaiement Peau-de-Zébi…

(Edmond Lepelletier)

On dit aussi chouetto suiffard.

Turbiner neuf jours d’affilée, on n’en pince pas : c’est déjà trop de faire six jours. Dans cette division du mois en décades, le bout de l’oreille bourgeoise des conventionnels perce rudement : ils voulaient que le populo trime dur. Bast, foutre ! on peut tirer des plans : au lieu de flânocher le décadi seul, on se reposera aussi le quintidi, — le cinquième et le dixième jour de la décade. La semaine sera donc de cinq jours. Chouetto suiffard !

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Choufflique

France, 1907 : Mauvais ouvrier ; germanisme, de Schuh-flick, savetier.

Chouffliquer

France, 1907 : Mal faire, saboter, tirer à la ligne.

C’est, disent les auteurs des Mémoires de Bilboquet, introduire beaucoup de blanc, de remplissage et de réjouissance dans le corps d’un article, de façon qu’au lieu de quinze lignes de copie que vous avez faites, on vous en paye trente.

Chouffliqueur

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais ouvrier, Savetier, — dans l’argot des typographes, qui, à leur insu, se servent là de l’expression allemande schuhflicker.

Chouffliqueur ou Choufflite

Merlin, 1888 : Cordonnier, savetier. On dit aussi choumaque, de l’allemand schumaker.

Chouflic

Boutmy, 1883 : s. m. Mauvais ouvrier. Expression employée dans d’autres argots.

Chouflik, chouflique, choumak

Rigaud, 1881 : Savetier.

Le chouflik a du sang gaulois dans les veines ; il tient à son indépendance ; il est né savetier, il mourra savetier… jamais cordonnier.

(Petit Journal pour rire.)

Choufliquer

Rigaud, 1881 : Faire mal un ouvrage. Mot à mot : travailler comme un chouflique, un savetier. — En terme de journaliste, c’est introduire beaucoup de blanc, de remplissage, de réjouissance dans le corps d’un article.

Chougner

France, 1907 : Manger ; argot des canuts.

— Pardi ! vous êtes encore les gentils, vous ! Vous aimeriez mieux vous tanti-bardaner toute la sainte journée et vous escaner aux Brotteaux comme vous faites tous les dimanches, pour chougner votre miche et fioler à l’aise.

(Joanny Augier, Le Canut)

Chouia

Merlin, 1888 : Doucement — de l’arabe.

France, 1907 : Doucement. Mot arabe, rapporté par les soldats d’Afrique.

— À votre santé, militaire ! Vous me plaisez beaucoup.
— À la tienne ! Toi aussi tu sais, tu es chouia, chouia, comme disait Corbineau, et si tu veux m’offrir ce soir une hospitalité écossaise…

(Gil Blas)

Chouia-Chouia

Rigaud, 1881 : Comme ci, comme ça ; tout doucement, — Aller son bonhomme de chemin, chouia-chouia, — dans le jargon des soldats retour d’Afrique.

Chouine

France, 1907 : Tabac à priser. Onomatopée. Il fait éternuer ceux qui n’ont pas l’habitude d’en prendre.

Choula

Rigaud, 1881 : Synagogue, temple israélite.

Choumaque

Delvau, 1866 : s. m. Cordonnier, — dans l’argot du peuple, qui ne se doute guère qu’il prononce presque bien le mot allemand Schumacher. On dit aussi Choufflite : mais ce mot n’est qu’une corruption du précédent.

France, 1907 : Cordonnier ; anglicisme, du mot shoemaker.

Choumara

Merlin, 1888 : Marmite.

Chourin

Larchey, 1865 : Couteau. — Chouriner : Donner des coups de couteau. Formes des mots surin et suriner, usités dans le même sens. — Le Chourineur est un type des Mystères de Paris d’E. Sue.

Rigaud, 1881 : Couteau ; pour surin.

Hayard, 1907 : Couteau.

Chouriner

Bras-de-Fer, 1829 : Frapper à coup de couteau.

M.D., 1844 : Donner des coups de couteau.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot des ouvriers qui ont lu les Mystères de Paris d’Eugène Sue, et qui, à cause de cela, n’ont que de fort incomplètes et de fort inexactes notions de l’argot des voleurs. V. Suriner.

Rigaud, 1881 : Frapper à coups de couteau.

La Rue, 1894 : Tuer à coups de couteau ou chourin.

France, 1907 : Donner des coups de couteau. Ce mot a été mis à la mode par Eugène Sue. L’Auvergnat prononce, à l’instar des gens de son pays, l’s comme le ch et appelle un surin, chourin, d’où suriner, chouriner.

Un amant qui supprime sa maîtresse est, peu ou prou, toujours condamné… les mauvaises mœurs étant désavouables. Un mari qui chourine sa femme est, le plus souvent, acquitté… Il faut lui tenir compte des circonstances régulières dans lesquelles le meurtre s’est accompli.

(Séverine)

Nous ne sommes pas du nombre de ceux qui haïssent, en plein jour, l’uniforme du gardien de la paix et qui l’adorent, à trois heures du matin, dans une rue mal fréquentée. À toute heure, il nous inspire une profonde sympathie ; nous nous souvenons que, grâce à lui, nous pouvons rentrer à notre demeure, à l’heure de nuit qui nous convient, sans trop risquer d’être chouriné.

(Hogier-Grison, Les Hommes de proie)

Pour les amateurs de spectacles,
Pour les largu’s qu’aim’ les émotions,
C’est la modern’ cour des miracles :
On n’y pay’ pas d’contributions !
C’est pas là qu’la vertu domine,
Quant aux grands airs, y n’en faut plus ;
Bref, c’est l’vrai pont où l’on chourine,
Bourgeois d’provinc’, passez pas d’ssus !!!

(Aristide Bruant)

Chourineur

Halbert, 1849 : Tueur de chevaux.

Delvau, 1866 : s. m. Assassin, — par allusion au personnage des Mystères de Paris, qui porte ce nom, lequel avait, à ce qu’il paraît, grand plaisir à tuer. L’étymologie voudrait que l’on dit Surineur ; mais l’euphonie veut que l’on prononce Chourineur.

Rigaud, 1881 : Tueur de chevaux — dans l’ancien argot. Celui qui se sert du chourin. Type d’un des principaux personnages des Mystères de Paris.

Ainsi ce boucanier, ainsi ce chourineur
A fait d’un jour d’orgueil un jour de déshonneur.

(V. Hugo, Châtiments.)

France, 1907 : Donneur de coups de couteau ; tiré du type célèbre des Mystères de Paris.

Par le meurtre de la rue Trévise, la loge de Pipelet se colore d’un reflet sanglant. Les Parisiens ne dormiront plus leur franche nuitée sur les deux oreilles si leur ennemi familier, qui était aussi leur gardien, s’imagine de faire sa partie dans le chœur des escarpes, malandrins, chourineurs et autres pernicieux visiteurs nocturnes.

(Henri Bauer, La Ville et le Théâtre)

Chouter

Fustier, 1889 : Caresser. (Richepin.)

France, 1907 : Remuer, secouer ; abréviation de chahuter.

Ah ! ah ! c’était sous l’blé en meule
Qu’Margot choutait Pant’, son amant.
Oh ! oh ! l’Frisé, du vin plein la gueule,
Vint près d’la meule au bon moment.
Sa cott’ troussé’ plus haut qu’ses bas,
Margot riait là-bas, là-bas.

(Jean Richepin)

France, 1907 : Caresser.

Choux (être dans les)

Rigaud, 1881 : Ne pas avoir accompli la tâche qu’un typographe est tenu de faire dans un temps donné, être en retard dans son travail.

Boutmy, 1883 : Se dit, dans les journaux, par les compagnons qui, pour une cause ou pour une autre, craignent de ne pas arriver à faire leur pige ; dans les maisons de labeur, lorsque, le jour du batiau approchant, on craint de ne pouvoir arriver à faire une banque moyenne.

Chrétien

Delvau, 1866 : s. m. Homme, à quelque religion qu’il appartienne. Argot du peuple. Viande de chrétien. Chair humaine.

France, 1907 : Homme.

— J’ai un ami qui a un chien, qu’il appelle Cocu. — Quelle horreur ! me dit un jour une dévote, donner à une bête le nom d’un chrétien.

Plus de gens bestes que d’asnes chrétiens.

(Vieil adage)

On appelle aussi chrétien du vin ou du lait étendu d’eau, c’est-à-dire qui a été baptisé. Parler chrétien, parler correctement.
Viande de chrétien, chair humaine, qu’elle soit juive ou musulmane.

Chrétien (lait)

Larchey, 1865 : Lait baptisé, étendu d’eau.

Une douzaine de drôlesses déguisées en laitières vendent du lait trois fois chrétien.

Privat d’Anglemont.

Chrétienté

d’Hautel, 1808 : Marcher sur la chrétienté. Avoir ses souliers et ses bas percés ; être dans une extrême indigence.

Chrétienté (marcher sur la)

France, 1907 : Marcher nu-pieds.

Chronomètre

Delvau, 1866 : s. m. Montre en général. Argot des bourgeois.

Chrysalide

Delvau, 1866 : s. f. Vieille coquette, dans l’argot des faubouriens, qui ont parfois l’analogie heureuse, quoique impertinente.

France, 1907 : Vieille dame raide et peinte.

Chtibes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Bottes, — dans l’argot des voyous.

France, 1907 : Bottes ; germanisme déformé de Stiefel.

Chuchotage

d’Hautel, 1808 : Barbarisme. Pour chuchoterie, cachoterie, air mystérieux, entretien de ceux qui se parlent à l’oreille.

Chuchoter

d’Hautel, 1808 : Parler bas à l’oreille, faire mystère de quelque chose.

Chuchoteur, chuchoteuse

d’Hautel, 1808 : Celui ou celle qui a coutume de chuchoter.

Churler

France, 1907 : Hurler.

Chuter

Delvau, 1866 : v. n. Tomber, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi, et alors ce verbe est actif, Empêcher de réussir, — dans l’argot des coulisses.

Rigaud, 1881 : Pour une demoiselle, c’est tomber… dans les bras d’un amoureux.

France, 1907 : Tomber. Faire chuter, faire tomber un acteur ou une pièce.

Ah ! Je puis faire chuter qui je veux.

(Balzac)

Chyle (se refaire le)

Rigaud, 1881 : Faire un bon dîner.

Quand il dîne au restaurant, l’ouvrier dit qu’il va se refaire le chyle.

(Léo Lespès, Paris dans un fauteuil.)

France, 1907 : Faire un bon dîner.

Ci-devant

Delvau, 1866 : s. m. Vieillard, — qui a été jeune.

Delvau, 1866 : s. m. Noble.

France, 1907 : Nom donné aux aristocrates à l’époque de la Révolution ; sous-entendu comte, marquis, duc.
Se dit aussi d’un homme âgé, sous-entendu jeune. Un ci-devant.

Cibiche

Rigaud, 1881 : Cigarette, — dans le jargon des voyous. Mot dont on n’a conservé que la première syllabe.

Rossignol, 1901 : Cigarette.

Hayard, 1907 : Cigarette.

France, 1907 : Cigarette.

Cibige

Virmaître, 1894 : Cigarette (Argot du peuple).

Cibige, grillante

La Rue, 1894 : Cigarette.

Cible à coups de pied

Delvau, 1866 : s. f. Le derrière. Argot du peuple.

France, 1907 : Le derrière.

Ciboule

d’Hautel, 1808 : Marchand d’ognons se connoît en ciboule. Ce proverbe signifie que l’on est difficilement trompé dans les détails de sa profession.

France, 1907 : Tête.

Ciboulot

Fustier, 1889 : Tête. Argot du peuple.

Virmaître, 1894 : La tête. Perdre le ciboulot : perdre la tête. Se faire sauter le ciboulot : se brûler la cervelle.
— Son ciboulot est vidé (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : La tête.

France, 1907 : Tête.

Le bonheur, sur la terre,
N’peut pas toujours durer,
Pour une sale affaire
Ils se font emballer,
Et Deibler, par la suite,
Leur coup’ le ciboulot,
Pendant que les marmites
Pleurent comme des veaux !…

(Léo Lelièvre, Les Gigolos parisiens)

Ciboulot, citronade

La Rue, 1894 : Tête.

Cicogne

Delvau, 1866 : s. f. Le Palais de justice, — dans l’argot des voleurs. Dab de la Cigogne. Le procureur général.

Ciel

d’Hautel, 1808 : Tu l’auras dans le ciel. C’est-à-dire jamais : manière badine de refuser à quelqu’un une chose qu’il redemande.
Remuer ciel et terre. Hyperbole qui signifie faire de grands efforts, mettre tout en œuvre pour faire réussir une affaire.
Ses cheveux poignardent le ciel. Se dit par raillerie d’une personne coiffée ridiculement.

Ciel (être au septième)

France, 1907 : Être heureux.

Ciel, mon mari !

Rigaud, 1881 : « Les actrices de cette dernière catégorie (celles que les entreteneurs mettent au théâtre) ont reçu une dénomination particulière. On les appelle, dans l’argot des coulisses, des « ciel, mon mari ! » Leur rôle se borne généralement à prononcer cette phrase traditionnelle, avec un chapeau de satin et une robe de velours épinglé, lorsqu’elles voient paraître par la porte du fond l’acteur qui est censé les prendre en flagrant délit d’infidélité. » (Paris-actrice, 1854.)

France, 1907 : Nom que l’on donnait dans l’argot des coulisses, à une certaine catégorie de cabotines, dont le rôle se bornait généralement à prononcer cette phrase traditionnelle lorsqu’elles voyaient paraitre l’acteur qui était censé les prendre en flagrant délit d’infidélité.
Vers le commencement du second Empire, le théâtre du Palais-Royal comptait, à lui seul, quatorze petites grues qu’on appelait des Ciel, mon mari !

Cierge

d’Hautel, 1808 : Il est droit comme un cierge. Se dit par exagération et raillerie d’un homme qui a un maintien roide, affecté.

Delvau, 1864 : Le membre viril — qui brûle et se fond sur l’autel de la femme. Fondre est mis là, souvent, pour couler.

Mais cela seulement fut suffisant pour l’en dégoûter, disait qu’elle avait vu la mèche qui était si déliée, qu’il n’y avait guère d’apparence que le cierge fût bien gros.

D’Ouville.

La femme, quelque putain qu’elle soit, est la sainte à qui l’on doit le plus de cierges.

Lemercier.

Delvau, 1866 : s. m. Sergent de ville en grande tenue, — dans l’argot des marbriers de cimetière.

Rigaud, 1881 : Sergent de ville en faction dans la rue, — dans le jargon des voyous.

La Rue, 1894 : Espion. Agent.

France, 1907 : Espion ou sergent de ville.

Cierge est éteint à Saint-Jean de Belleville (le)

Rigaud, 1881 : Les ouvriers qui habitent Belleville se servent de cette expression lorsqu’en jouant aux cartes ils n’ont pas d’as dans leur jeu. — Pour en avoir, il faut faire brûler un cierge à saint Jean-Baptiste. (Le Sublime.)

Cig

Rigaud, 1881 : Apocope de cigale qui, dans le jargon des voleurs, a la signification de pièce d’or, pièce de vingt francs.

Entends-tu babiller les cig chez le balanceur de braise ? entends-tu sonneries pièces de vingt francs chez le changeur ?

Rossignol, 1901 : Pièce de 20 francs.

Cigale

Larchey, 1865 : Pièce d’or (Vidocq). — Comparaison du tintement des louis au cri de la cigale.

Delvau, 1866 : s. f. Pièce d’or, — dans l’argot des voleurs, qui aiment à l’entendre sonner dans leur poche. Ils disent aussi cigue, par apocope, et Ciguë, par corruption.

Delvau, 1866 : s. f. Cigare, — dans l’argot du peuple, qui frise l’étymologie de plus près que les bourgeois, puisque cigare vient de espagnol cigarro, qui vient lui-même, à tort ou à raison, de cigara, cigale, par une vague analogie de forme.

Delvau, 1866 : s. f. Chanteuse des rues, qui se trouve souvent dépourvue lorsque « la bise est venue ».

Rigaud, 1881 : Chanteuse ambulante.

France, 1907 : Société artistique et littéraire, fondée à Paris en 1875 par un groupe de poètes, d’écrivains, d’artistes méridionaux. Un dîner, intitulé Dîner de la Cigale, les réunit à certaines époques. La politique est exclue de ces réunions. Paul Arène explique plaisamment le but de cette fondation :

C’est pour ne pas perdre l’ « assent »
Que nous fondâmes la Cigale ;
On parle cent, à la fois, cent !…
C’eat pour ne pas perdre l’ « assent ».
Mais cette Cigale, on le sent,
De rosée à l’ail se régale :
C’est pour ne pas perdre l’ « assent »
Que nous fondâmes la Cigale.

France, 1907 : Pièce de vingt francs.
Depuis La Cigale et la Fourmi, de La Fontaine, le mot s’applique aux chanteuses des rues.

Cigalier

France, 1907 : Membre de la société du Midi appelée la Cigale.
Parmi les Cigaliers, on rencontre Henri de Bornier, Jean Aicard, Paul Ferrier, Henry Fouquier, Frédéric Mistral, Alphonse Daudet, Oscar Commettant, Paladilhe, Victor Roger, Mounet-Sully, Falguière.

Cigare

Rossignol, 1901 : Synonyme de cig.

Cigarette

Delvau, 1864 : Le membre viril — que toutes les femmes savent si bien rouler dans leurs mains et porter à leur bouche par le gros bout.

Vous, luronnes, qui des dragons
Porteriez l’épaulette,
De cigares bien gros, bien longs,
Avez-vous fait emplette ?
S’ils sont trop mous ou mal tournés,
Prenez ma cigarette
Prenez,
Prenez ma cigarette.

S. Lagarde.

Cigogne

d’Hautel, 1808 : Un cou de cigogne. Cou allongé et sans grâce.
Des contes à la cigogne. Contes de vieilles, discours saugrenus.

Larchey, 1865 : Préfecture de police. — V. Dab.

Railles, griviers et cognes nous ont pour la cigogne en partie tous paumés.

Vidocq.

Rigaud, 1881 : Palais de justice. Ainsi nommé par les voleurs par allusion à la flèche de la Sainte-Chapelle.

Virmaître, 1894 : Le Dépôt de la Préfecture de police (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Prison de Mazas, prévention.

France, 1907 : Palais de Justice. Dab de la Cigogne, le procureur général.

Je monte à la Cigogne,
On me gerbe à la grotte,
Au tap et pour dix ans.

Cigogne ou Cigove

un détenu, 1846 : Maison d’arrêt de la Force, justice.

Cigogne, poivrière

La Rue, 1894 : Palais-de-Justice.

Cigue

Clémens, 1840 : Pièce d’or.

France, 1907 : Pièce de vingt francs Abréviation de cigale.

Cimaise (faire sa)

France, 1907 : Se vanter, faire étalage de ses qualités, prêcher pour sa petite chapelle : allusion aux peintres qui, dans les expositions, cherchent tous à placer leurs toiles près de la cimaise.

Cimate

La Rue, 1894 : Prise de tabac.

Ciment

Delvau, 1866 : s. m. Moutarde. — dans l’argot des francs-maçons.

France, 1907 : Moutarde ; argot des francs-maçons.

Cimetière

d’Hautel, 1808 : Il a de l’esprit, il a couché au cimetière. Se dit par raillerie d’un ignorant, d’un homme qui a l’esprit lourd et épais.
Il est à remarquer que le peuple de Paris prononce cimequière, tandis qu’ailleurs, par une contradiction singulière, il dit perrutier, au lieu de perruquier.

Cindam

Rossignol, 1901 : Tabac.

Cinet

France, 1907 : Grenier à foin.

Cinglé

Hayard, 1907 : Ivre.

Cingler le blair (se)

France, 1907 : S’enivrer.

Cingler le blaire (se)

Virmaître, 1894 : Se saouler. Se piquer le nez (Argot du peuple).

Cinglon

France, 1907 : Coup de fouet. « Je lui ai allongé un bon cinglon sur les fesses. » Avoir des cinglons, avoir l’onglée.

Cinq

d’Hautel, 1808 : Vous en avez cinq lettres. Manière précieuse de dire à quelqu’un vous en avez menti.
Donner une giroflée à cinq feuilles à quelqu’un. Métaphore burlesque qui signifie appliquer un soufflet à quelqu’un.
On dit aussi dans le même sens, Donner cinq et quatre, la moitié de dix-huit.
Mettre cinq et retirer six.
Se dit par plaisanterie des gens mal élevés, qui mettent les cinq doigts au plat et qui en retirent quelque bon morceau que l’on compte pour le sixième.

Cinq à sept

Fustier, 1889 : Argot des gens mondains. Réceptions, visites entre intimes. Elles ont lieu avant le dîner, de cinq à sept heures du soir.

Madame du Deffand qui fut une des fondatrices de ce que nous appelons de nos jours des cinq à sept.

(Gaulois, 1882.)

Cinq centimados

France, 1907 : Cigare d’un sou. Allusion ironique aux cigares de la Havane, On dit aussi : crapulos, infectados.

Cinq centimados, cinq centimadorès

Rigaud, 1881 : Cigare de cinq centimes.

Un cinq centimados ! c’est bien la peine de le suivre une demi-heure !… Filou, va… et ça fait le gentilhomme !

(Denoue et Damoureite, Croquis parisiens.)

Cinq contre un

Virmaître, 1894 : V. Bataille des jésuites.

Cinq et trois font huit

Rigaud, 1881 : Boiteux.

Virmaître, 1894 : Boiteux. On dit aussi ban-ban. Allusion au balancement du boiteux en marchant (Argot du peuple).

France, 1907 : Boiteux. « Mot à mot : faisant cinq pas d’un pied et trois de l’autre pour arriver à huit. » (Lorédan Larchey)

Cinq sous

Delvau, 1866 : s. m. Cigare de vingt-cinq centimes.

France, 1907 : Cigare de vingt-cinq centimes.

Cinq-à-sept

France, 1907 : Sorte de goûter dans le monde élégant, remplacé maintenant par l’anglicisme five o’clock.

Cinq-centimados

Delvau, 1866 : s. m. Cigare d’un sou, — dans l’argot des faubouriens, qui ont voulu parodier à leur façon les trabucos, les cazadores, etc.

Cinquième

Delvau, 1866 : s. m. Verre de la contenance d’un cinquième de litre, — dans l’argot des marchands de vin. Les faubouriens amis de l’euphonie, disent volontiers cintième.

Rigaud, 1881 : Cinquième partie du litre, l’équivalent d’un canon. Par altération, cintième est beaucoup plus usité.

On étouffe tranquillement un cintième.

(L’art de se conduire dans la soc. des pauvres bougres.)

France, 1907 : Petite mesuré d’étain de la capacité d’un cinquième de litre. « Versez-moi un cinquième en deux verres. »

Cinquième d’auteur

France, 1907 : On appelle ainsi les folliculaires qui se mettent une demi-douzaine pour écrire une pièce de théâtre.

Cinquième quart de journée (faire son)

France, 1907 : « À Reims, on voit de très jeunes filles employées dans les manufactures, et qui n’ont guère plus de douze à treize ans, s’adonner le soir à la prostitution. Il y a même dans les ateliers une expression particulière qui désigne celte action : lorsqu’une jeune fille quitte son travail avant l’heure ordinaire, on dit qu’elle va faire son cinquième quart de journée. Le terme est consacré, et devient le sujet des plaisanteries de l’atelier… À Sedan, où les ouvriers sont cependant plus heureux et plus éclairés que partout ailleurs, on remarque également parmi les jeunes ouvrières un certain nombre de prostituées qui font aussi, le soir, leur cinquième quart de journée. »

(Arnould Frémy, L’Enfant de fabrique)

Cinquième rêne

Rigaud, 1881 : Crinière de cheval. — Attraper la cinquième rêne, attraper la crinière de peur de tomber quand un cheval se cabre ou trotte trop dur, — dans le jargon des soldats de cavalerie.

Cintième

Fustier, 1889 : Casquette à ponts. (Richepin.)

France, 1907 : Haute casquette que portent généralement les souteneurs.

Cintrer

Rigaud, 1881 : Tenir. Être cintré, être maintenu, être dans l’impossibilité de bouger.

La Rue, 1894 : Donner.

France, 1907 : Tenir. Cintrer en pogne, appréhender quelqu’un : le saisir.

Cipal

Larchey, 1865 : Soldat de la garde municipale.

Les danses ont été légèrement échevelées, mais, suivant les auteurs de la Corde sensible : Le Cipal n’a rien a dire Aux entrechats de la vertu.

Naquet.

Delvau, 1866 : s. m. Garde municipal, — dans l’argot des voyous, amis des aphérèses.

Rigaud, 1881 : Municipal, soldat de la garde municipale, aujourd’hui garde républicaine.

Virmaître, 1894 : Abréviation de municipal. (Argot du peuple).

Il est franc et loyal,
Y craint pas le cipal.

Rossignol, 1901 : Cipaux, municipal, municipaux.

Hayard, 1907 : Garde de Paris.

France, 1907 : Aphérèse de municipal, garde municipal.

Cipige

France, 1907 : Cigarette.

Cirage

Fustier, 1889 : Éloge ; réclame élogieuse, compte rendu sur le mode dithyrambique.

Cirage (passer du)

France, 1907 : Flatter quelqu’un ; autrement dit : le faire reluire.

Cirard

France, 1907 : Élève de l’École militaire de Saint-Cyr. Allusion, soit au mot Cyr, soit à l’obligation où sont les élèves d’astiquer leur fourniment et de cirer leurs chaussures.

Cire

d’Hautel, 1808 : On dit facétieusement d’un homme qui a les yeux chassieux, remplis d’humeurs, qu’il fait de la cire.
Il est jaune comme de la cire.
Pour, il a le teint bilieux et safrané.
Il est mou comme de la cire. Se dit d’un homme pusillanime, sans vigueur, sans caractère et sans énergie.
C’est une cire molle. C’est-à-dire, il reçoit toutes les impressions qu’on veut lui donner.
Il fond comme la cire au soleil. Pour, il maigrit, il change sensiblement.
Un nez de cire. Pour un nez bien formé.
Cela lui vient comme de cire. Fort à propos.

Ciré

Rigaud, 1881 : Nègre, — dans le jargon du peuple.

France, 1907 : Nègre, surnommé aussi : boîte à cirage, boule de neige, bille de pot-au-feu, bamboula.

Cire (vol à la)

Rigaud, 1881 : Ce vol était cultivé avec un certain succès dans les restaurants de premier ordre, avant l’invention du ruolz. Un voleur s’attablait, escamotait un ou deux couverts d’argent, les collait sous la table au moyen d’un emplâtre de poix ou de cire, et un compère était chargé de vernir les recueillir. Depuis, le même procédé s’est renouvelé, avec une variante, dans les établissements où le ruolz n’avait pas encore remplacé l’argenterie. Les filous se chargeaient de la substitution. Aujourd’hui que tous les restaurants emploient le ruolz, ces aimables industriels ont dû chercher autre chose. Ils n’ont pas été loin. Ils emportent le ruolz.

France, 1907 : Ce genre de vol est maintenant rare depuis que, dans les restaurants les plus luxueux, le ruolz a remplacé l’argenterie. Le voleur procédait ainsi : il plaquait sous la table où on le servait le plat d’argent préalablement enduit de cire, puis s’en allait. Si l’on remarquait la disparition de l’objet et qu’on l’accusât, il s’indignait, demandait à être fouillé et finalement recevait les excuses du patron. Bientôt après, un compère s’asseyait à la même table et décollait l’objet.

Cire aux yeux (avoir de la)

Rigaud, 1881 : Ne pas être clairvoyant, perspicace.

Mais n’ayant pas de la cire aux yeux, il continua simplement à voir clair.

(Cladel, Ompdrailles, Le Tombeau des lutteurs, 1879.)

Cirer

d’Hautel, 1808 : Bien retapé et bien ciré. Se dit par raillerie d’un petit maître, d’un homme qui affecte une propreté ridicule.
Ils sont égaux comme cire. Se dit de deux personnes dont le physique et le moral sont absolument semblables.

Fustier, 1889 : Faire un éloge outré de quelqu’un ou de quelque chose.

France, 1907 : Louanger, flatter quelqu’un.

Cirer en fourrier (se)

Rigaud, 1881 : Frotter ses souliers entre les planches de son lit et sa paillasse, afin de leur donner une apparence de propreté, — dans l’argot du régiment. (Bernadille, Le Français.)

Cireur

Virmaître, 1894 : Vol à la cire. Voleur qui barbotte les couverts dans les rares restaurants où l’on se sert encore d’argenterie. Il s’attable, déjeune tranquillement, puis, profitant du mouvement occasionné par le service, il colle adroitement avec de la cire un couvert sous la table, puis s’en va tranquillement. Quelques instants plus tard un complice vient s’asseoir à la même table et fourre le couvert dans sa poche. Ce vol est sans danger, si on s’aperçoit de la soustraction, le voleur demande que l’on le fouille, comme on ne trouve rien on lui fait des excuses (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voleur à la cire.

Cireux

d’Hautel, 1808 : Pour chassieux. Sobriquet que l’on donne à celui qui a les yeux remplis d’humeurs et de chassie.

Delvau, 1866 : adj. et s. Qui a delà chassie, de la cire aux yeux.

Virmaître, 1894 : Qui a de la cire aux yeux. Dans le peuple on dit de celui qui est afiligé de cette infirmité qu’il fournit les cierges au Sacré-Cœur (Argot du peuple).

France, 1907 : Personne qui a les yeux chassieux.

Cirurgien

Delvau, 1866 : s. m. Médecin, chirurgien, — dans l’argot du peuple, qui parle comme Ambroise Paré écrivait. C’est le χειρουργικός des anciens.

Cisaille (vol à la)

France, 1907 : Vol qui consiste à couper, au moyen de ciseaux, des bouts de chaîne d’or, en faisant mine de les essayer.

Ciscoupe

France, 1907 : Ciseaux ; apocope de ciseaux coupant.

Ciseaux (rédacteur aux)

Rigaud, 1881 : Journaliste chargé du découpage des journaux. C’est celui qui prend aux autres feuilles, en les citant ou ne les citant pas, ce qu’il y trouve de plus saillant, de plus en rapport avec la nuance de son journal.

Messieurs, disait un rédacteur en chef à ses collaborateurs, vous êtes tous les mêmes, vous ne lisez du journal que ce que vous faites. — Pas toujours, répondit un des interpellés, quand nous coupons, nous ne lisons jamais.

Ciseaux (tenir les)

France, 1907 : Remplir l’office de secrétaire de rédaction dans un journal. C’est lui qui coupe les extraits des autres journaux à reproduire, d’où travailler à coups de ciseaux, c’est compiler.

Citadelle

France, 1907 : Femme d’une vertu agressive qui tire à boulets rouges sur ses amies moins vertueuses, et ne cède qu’aux efforts d’une puissante artillerie.

France, 1907 : Bois, forêt. C’est là que le voleur se retranche pour échapper aux poursuites des gendarmes.

Citadelle (grande)

Fustier, 1889 : Gardien-chef dans une prison. Argot des malfaiteurs.

Il parait que, dans le Dictionnaire de la prison, grande citadelle signifie gardien chef.

(Gazette des Tribunaux, août 1883.)

La Rue, 1894 : Gardien-chef. On l’appelle aussi double.

Cité d’amour

France, 1907 : Prostituée.

— Je l’ai traitée comme elle le méritait. Je l’ai appelée feignante, cité d’amour, chenille, machine à plaisir.

(Macé)

Citoyen officieux

Delvau, 1866 : s. m. Laquais, — dans l’argot révolutionnaire, qu’on emploie encore aujourd’hui.

France, 1907 : Laquais Le mot date de la Révolution de 1789.

Citron

d’Hautel, 1808 : Jaune comme un citron. Expression métaphorique, pour exprimer qu’une personne a la jaunisse, ou toute autre maladie qui altère sa couleur naturelle.

Larchey, 1865 : Note aigre.

Trois citrons à la clef.

Nadar.

Rigaud, 1881 : Tête, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Se dit d’un individu qui n’a jamais à la bouche que des paroles amères pour tous (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : La tête.

Ne te casse pas le citron à chercher, tu ne trouveras pas.

Hayard, 1907 : Tête.

France, 1907 : Tête. Note aigre, aiguë.

Citrouillard

Rigaud, 1881 : Dragon, par allusion à la couleur de la tunique.

France, 1907 : Dragon, à cause du casque en cuivre qu’il portait autrefois. On disait aussi citrouille.

Citrouille

d’Hautel, 1808 : Une grosse citrouille. Terme de mépris, pour dire une femme petite et d’un embonpoint rustique, par allusion avec cette espèce de fruit qui est d’une grosseur monstrueuse.
Cela lui pend au nez comme une citrouille. Locution triviale et burlesque, pour dire qu’une chose ne peut fuir à quelqu’un ; que, quoi qu’il fasse, il ne pourra l’éviter.

Fustier, 1889 : Argot militaire. Cavalier-dragon.

Rossignol, 1901 : Dragon.

France, 1907 : Casque de dragon.

Citrouilles

Merlin, 1888 : Les dragons, par allusion à leur casque, autrefois en cuivre, tandis que celui des cuirassiers était en acier.

Civade

Halbert, 1849 : Avoine.

Delvau, 1866 : s. f. Avoine, — dans l’argot des maquignons et des voleurs, qui emploient un mot de la vieille langue française. Civade, vient de cive, qui venait de cæpa, oignon, d’où cæpatum civet, plat à l’oignon ; et l’étymologie n’a rien de forcé, aimé venant bien d’amatum. Les Espagnols disent cebada pour Orge.

Rigaud, 1881 : Avoine, — dans le jargon des maquignons ; vient du provençal civade.

France, 1907 : Avoine ; du mot provençal cibade.

Civard

Halbert, 1849 : Herbage.

Delvau, 1866 : s. m. Herbage.

France, 1907 : Pâturage.

Cive

Halbert, 1849 : Herbe.

Delvau, 1866 : s. f. Herbe.

France, 1907 : Herbe ; vieux mot dont nous avons fait civet, c’est-à-dire ragoût aux cives.

Civil

Larchey, 1865 : Bourgeois. V. Astiquer.

Clabaud

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris qui équivaut à balourd, benêt ; homme dont la langue est dangereuse ; grand parleur.

France, 1907 : Compère qui parle haut dans les foules, pérore et attire l’attention des badauds, tandis que ses camarades fouillent les poches. On dit aussi clabaud de cohu.

Clabaudage

d’Hautel, 1808 : Clabauderie, criaillerie, bavardage ; paroles indiscrètes et dangereuses.

Clabauder

d’Hautel, 1808 : Crier sans sujet ; faire des commérages ; se complaire à la médisance.

Delvau, 1866 : v. n. Crier à propos de tout, et surtout à propos de rien, — comme un chien. Argot des bourgeois. Signifie aussi Répéter un bruit, une nouvelle ; faire des cancans, — et alors il est verbe actif.

France, 1907 : Cancaner.

Clabauder, clapeter

La Rue, 1894 : Manger.

Clabaudeur

d’Hautel, 1808 : Brailleur, criard ; bavard qui parle à tort et à travers.

Clabautage

France, 1907 : Nourriture ; corruption de clapotage.

Clabauter

France, 1907 : Dévorer, manger gloutonnement.

Clafot

Rigaud, 1881 : Jeu de Colin-Maillard, — dans le jargon des enfants.

Clair

d’Hautel, 1808 : Tu n’es pas fils de vitrier, on ne voit pas clair à travers ton corps. Locution métaphorique et plaisante pour dire à quelqu’un qui se met devant votre jour, qu’il s’en ôte, afin que l’on puisse voir clair.
C’est tout clair ; c’est clair et net. Expression adverbiale très-usitée dans la mauvaise conversation, et qui équivaut à c’est entendu, c’est évident ; rien n’est plus véritable.
Clair comme de l’eau trouble. Expression contradictoire, pour dire qu’une affaire est très-embrouillée.
Faire de l’eau claire. Prendre de la peine inutilement, faire de fausses démarches.

Larchey, 1865 : Œil. — Allusion à l’éclat du regard.

Allumez vos clairs et remouchez.

Balzac.

Rigaud, 1881 : Œil, — dans le jargon des voleurs. — Souffler ses clairs, dormir.

Clair comme de l’eau de boudin

Virmaître, 1894 : Affaire obscure, enbrouillée. Mot à mot : aflaire ténébreuse. Allusion à la noirceur de l’eau qui sert aux charcutiers pour faire cuire le boudin (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Se dit d’une affaire peu claire, l’eau de boudin n’étant pas précisément limpide.

Clairs

France, 1907 : Yeux.

Clairté

Delvau, 1866 : s. f. Lumière, netteté, beauté, — dans l’argot du peuple, fidèle à l’étymologie (claricas) et à la tradition.

Parquoy s’ensuit qu’en toute claireté
Son nom reluyt et sa vertu pullule,

dit Clément Marot.

France, 1907 : Clarté, beauté. Le mot est vieux, on le trouve dans Clément Marot :

Parquoy s’ensuit qu’en toute claireté
son nom reluyt…

Clamart

France, 1907 : Cimetière des suppliciés.

Clampin

d’Hautel, 1808 : Pour dire un boiteux. C’est aussi un sobriquet que l’on donne aux campagnards qui, sous un air niais et indolent, cachent beaucoup de finesse et de subtilité.

Delvau, 1866 : s. m. Fainéant, traîne-guêtres, homme qui a besoin d’être fortifié par un clamp, — le clamp de l’énergie et de la volonté.

France, 1907 : Fainéant, retardataire, endormi, traîne-savate, mou de la fesse Le sens primitif de ce mot est boiteux. « J’ai le Clampin boiteux, dit Charles Nodier dans son Dictionnaire des onomatopées, dans des mémoires de la fin du dix-septième siècle, où l’on désignait ainsi le duc du Maine. » Charles Nisard lui donne pour racine le vieux mot acclamper, qui signifie lier, nouer, formé lui-même de l’anglo-saxon clamps, lien, nœud.

À celui-ci, il manquait le bras : à cet autre, la jambe : celui-là, aveugle, débusquait mené par son chien ; ce dernier, tronçon émondé par les majors, ou paralytique mutilé par l’immobilité, arrivait dans sa carriole, que traînait un clampin.

(Séverine, Le Journal)

C’est un gaillard qu’est lapin,
Pas manchot, mais bien clampin ;
Il s’est mis, pour êt’ tranquille,
Sergent d’ville.
Au travail il fait la nique
Et gagne d’la « belle argent »
À ballader sa tunique,
Le parfait agent (bis).

(E. Blédort)

Clampiner

Delvau, 1866 : v. n. Marcher paresseusement, flâner.

France, 1907 : Marcher lentement, paresseusement, flâner.

— Eh ! bougres de rossards ! quand vous aurez fini de clampiner… Allons, au trot !

(Les Gaietés du régiment)

Clapier

Delvau, 1864 : Grand con où peuvent se loger lapin et la pine.

Je les ai furetés tous deux, ces clapiers-là, j’en connais peu d’aussi logeables.

A. de Nerciat.

Mais au clapier de qui les bords
Sont couverts de nouvelle mousse.

(Cabinet satyrique.)

Delvau, 1866 : s. m. Maison mal famée, où l’on élève du gibier domestique à l’usage des amateurs parisiens. L’expression se trouve dans beaucoup d’écrivains des XVe et XVIe siècles.

France, 1907 : Lupanar de has étage, bordel hanté par de pauvres filles vieilles ou laides, épave de la prostitution et à bout de ressources.

J’ai l’honneur de vous prier, Monsieur le préfet, de ne pas confondre l’établissement que je veux monter avec ceux déjà existants dans la capitale, avec ces mauvais clapiers dont la situation, la malpropreté et l’espèce de femmes qui les habitent, sont faites pour écarter tous les honnêtes gens, ainsi que le peu de sûreté qu’on y trouve, tant individuelle que pour la santé, parce qu’on n’y trouve que la lie des femmes qui fréquentent sans choix et indistinctement toutes les classes d’hommes qui osent les aborder.

(Lettre d’une dame de maison au préfet de police)

Clapoter

Rigaud, 1881 : Manger, — dans le jargon des voyous.

Rigaud, 1881 : Chavirer, — dans le jargon des canotiers de la Seine ; et par altération crapauter.

France, 1907 : Manger ; argot populaire.

Clapser

France, 1907 : Mourir ; corruption de claquer.

Claque

d’Hautel, 1808 : Il ne vaut pas une claque. Manière fort incivile de dire que quelqu’un ou quelque chose n’a ni mérite ni valeur.
Donner une claque. Pour, frapper avec la main, donner un soufflet.

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, — dans l’argot du peuple, qui aime les onomatopées. Figure à claques. Visage moqueur qui donne des démangeaisons à la main de celui qui le regarde.

Virmaître, 1894 : Maison de tolérance. Abréviation de claque-dents (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Maison de tolérance.

France, 1907 : Soufflet.

— J’voulais être aimée, moi. J’ai pas été heureuse, ici… Tiens.… si j’ai mal fait, c’est ta faute à toi, maman, et à toi aussi, p’pa. Vrai !… Qu’est-ce que vous avez fait pour que je vous aime ? Des claques, d’abord, et puis…

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

France, 1907 : Restaurant de dernier ordre. On dit aussi, dans le même sens, claque-dents.

France, 1907 : Hôpital et, aussi, maison de prostitution.

— Je n’ai qu’un mot à vous dire : c’est pour cette nuit l’exécution. Rendez-vous vient d’être pris à la minute pour minuit au claque de la mére Poivre-et-Sel. Que pas un de vous ne manque. C’est dit, n’est-ce pas ? Au claque… à minuit !

(Michel Morphy, Les Mystères du crime)

Claqué

Delvau, 1866 : s. m. Homme mort. La boîte aux claqués. La Morgue. Le jardin des claqués. Le cimetière des hospices.

France, 1907 : Mort.

Henri professe pour l’histoire grecque une aversion sans bornes, et comme papa cherche à rallier sur cette branche d’éducation les suffrages de son fils :
— Mais enfin, papa, proteste Henri, qu’est-ce que tu veux que ça me f… à moi, les histoires de tous ces vieux types qui sont claqués il y a plus de trois mille ans !

(A. Allais)

Jardin des claqués, le cimetière.

— Où est ton père ? demande le président à un petit vagabond.
L’aimable voyou, âge de huit ou neuf ans, répond d’une voix et avec l’accent bien connu des barrières :
— Dans le jardin des claqués.

Boîte aux claqués, la Morgue.

Claque (en avoir sa)

Rigaud, 1881 : En avoir sa charge ; en avoir assez.

La Rue, 1894 : En avoir assez.

France, 1907 : Être las.

Claque (la)

Rossignol, 1901 : Groupe de spectateurs dans les théâtres et concerts qui payent leur place meilleur marché qu’au bureau pour applaudir (claquer) sous la direction d’un chef de claque et faire le succès des artistes, Le succès de J’artiste dépend le plus souvent de sa générosité ; plus il donne à la fin du mois au chef de claque, plus il est applaudi. Au Théâtre Français, il est alloué au chef de claque des appointements mensuels par la direction pour recruter des claqueurs à qui il lui est défendu de faire payer la place.

Claque (mec de la)

Rigaud, 1881 : Claqueur, — dans le jargon des voyous.

Claque-bosse

France, 1907 : Maison de prostitution.

— Eh bien ! vous plaisez-vous dans votre détachement ?
— Médiocrement, mon colonel.
— Comment ?… Jolie petite ville, belle campagne, superbes promenades, la mer…
— Ça manque de claque-bosse !

(Les Gaietés du régiment)

Claque-dent

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux ; gueux, misérable qui grelotte ; qui meurt de froid ; hâbleur, charlatan, grand bavard.

Claque-dents

La Rue, 1894 : Cabaret du plus bas degré. Prostibulum. Tripot.

France, 1907 : Maison de prostitution.

Ce qui fit enfin le triomphe de Zola dans la foule, ce ne fut pas assurément la précision d’une analyse impitoyable, non plus que la force d’un style merveilleusement net et brillant. Ce fut la langue verte de certains de ses héros qu’il avait surpris dans l’ignominie des assommoirs et des claque-dents, et qu’il coula tout vifs dans le moule de sa terrible observation.

(Abel Peyrouton, Mot d’Ordre)

Zola va dans les claque-dents, au fond des ateliers, dans les ruelles des faubourgs, il descend dans la nuit des mines, et, des ténèbres de ce monde de misères, de vices, de déchéances, de vertus aussi, il tire les acteurs puissants de son drame.

(Henry Fouquier)

Louise Michel a écrit un volume intitulé Le Claque-dents : « Il y a, dit-elle, le vieux monde, le claque-dents de l’agonie ; Shylock et satyre à la fois, ses dents ébréchées cherchent les chairs vives : ses griffes affolées fouillent, creusent toutes les misères aiguës, c’est le délire de la faim. »

France, 1907 : Maison de jeu de bas étage, cercle ou tripot clandestin.

— Voulez-vous donner un coup d’œil au Lincoln, le plus beau claque-dents de Paris, comme qui dirait Le Chabannais des tripots… Les grands tripots sont à couvert… beaucoup de gens importants sont les obligés du patron… et l’on assure même que plus d’un légume de la préfecture a son couvert mis, sans parler d’un crédit ouvert à la caisse, dont on ne parle jamais, dans chaque tripot sérieux…
— Mais alors que faites-vous dont, vous autres agents de la brigade des jeux ? À quoi se borne votre fonction ?
— Nous donnons la chasse aux pauvres diables… nous surveillons et nous déférons aux tribunaux les petits cafés, les crèmeries, les liquoristes où par hasard une partie s’est organisée… Oh ! pour ceux-là, nous sommes impitoyables. Dame ! ils ne se sont pas mis en règle avec la préfecture et n’ont pas les moyens de se payer le luxe d’un sénateur on d’un homme de lettres célèbre comme président…

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Et, par là-dessus, des difficultés à son cercle, un convenable claque-dents, fréquenté par des rastaquouères et des grecs, mais bien tenu, et dont, la veille, le commissaire des jeux lui avait fait interdire l’entrée jusqu’à nouvel ordre, sous prétexte qu’il ne jouait pas assez gros. Plus de tripot et pas de position sociale : que devenir ?

(Paul Alexis)

On entend dire tout d’un coup que le chef du cabinet du préfet de police était le protecteur attitré d’un claque-dents de la dernière catégorie. Il était en rapport avez des croupiers de bas étage ; on l’avait vu s’attabler avec eux et traiter, sans la moindre gène, ses petites affaires.

(Hogier-Grison, Les Hommes de proie)

Claque-faim

Delvau, 1866 : s. m. Homme sans ressources, qui meurt de faim. Le peuple dit aussi, dans le même sens, Claque-soif, — par compassion, l’homme qui meurt de soif étant pour lui plus à plaindre que celui qui meurt de faim.

France, 1907 : Misérable, sans ressources.

Claque-patin

Fustier, 1889 : Individu dont la savate claque contre le talon. (Richepin.)

Claque-patins

France, 1907 : Traineur de savates.

Claque, claque-dents

Fustier, 1889 : Restaurant de bas étage.

Claque, claquedent

Rigaud, 1881 : Maison de tolérance, — dans Je jargon des voleurs. — Dans le jargon des voyous, claque s’entend par extension d’une fille de maison publique ; ils disent également : les gonzesses de la claque.

Quand les gonzesses de la claque vont à Montretout il y a toujours du rabiot pour Saint-Lago. Quand les filles de maison passent à la visite, il y a toujours du profit pour St-Lazare.

Claquedent se prend encore dans le sens de mauvais lieu quelconque, cabaret borgne ou tripot.

Si parmi les joueurs, quelques honnêtes gens s’étaient fourvoyés, tous, du moins, fréquentaient le claquedent pour des motifs plus ou moins avouables.

(Vast-Ricouard, Le Tripot.)

Claquemurer (se)

d’Hautel, 1808 : Mener une vie sédentaire et retirée ; se renfermer en quatre murailles.

Claquer

d’Hautel, 1808 : Donner une claque, un soufflet, ou tout autre coup avec la main.
Faire claquer son fouet. Se prévaloir hautement de quelqu’avantage ; faire le glorieux, le vaniteux.

Halbert, 1849 : Manger.

Larchey, 1865 : Mourir. Terme figuré. Ce qui claque, dans le sens ordinaire, est hors de service.

C’est là que j’ai appris, entre autres bizarreries, les dix ou douze manières d’annoncer la mort de quelqu’un : Il a cassé sa pipe, — il a claqué, — il a fui, — il a perdu le goût du pain, — il a avalé sa langue, — il s’est habillé de sapin, — il a glissé, — il a décollé le billard, — il a craché son âme, etc., etc.

Delvau.

Larchey, 1865 : Manger — Allusion au bruit des mâchoires.

Il faut claquer, vaille que vaille : De par la loi l’on te nourrit.

Wado, Chanson.

On dit au figuré Claquer : dissiper.

Delvau, 1866 : v. n. Mourir. — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : v. n. Manger, — dans l’argot des voyous, qui font allusion au bruit de la mâchoire pendant la mastication.

Delvau, 1866 : v. a. Vendre une chose, s’en débarrasser, — dans le même argot [du peuple]. Claquer ses meubles. Vendre son mobilier.

Delvau, 1866 : v. a. Donner des soufflets.

Rigaud, 1881 : Mourir.

Rigaud, 1881 : Manger ; et claquer des bajouettes, — dans le jargon des blanchisseuses.

Rigaud, 1881 : Dépenser. — Avoir tout claqué, avoir tout dépensé.

Boutmy, 1883 : v. intr. Mourir. Ce mot n’est pas particulier aux typographes. Alfred Delvau, dans son Dictionnaire, l’attribue aux faubouriens. Il est aussi bien compris dans le centre de la ville qu’aux faubourgs.

La Rue, 1894 : Vendre.

La Rue, 1894 : Mourir.

Virmaître, 1894 : Mourir. Allusion à un objet qui claque, qui casse (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Donner une claque sur la figure ou sur le contraire. Synonyme de gifle. Allusion au bruit que produit la main (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mourir. Il est bien malade : il va claquer.

Hayard, 1907 : Mourir.

France, 1907 : Vendre.

France, 1907 : Mourir.

— Elle peut traîner un mois, six semaines, comme elle peut s’en aller cette nuit, claquer ce soir, subito, sans même que tu t’en aperçoives.

(Albert Cim)

Léda la laissa débiter son boniment, puis, pressée de questions par tous, dit qu’elle ne savait rien, sinon que la femme assassinée n’était pas morte et que seul l’English était claqué.

(Édouard Ducret, Paris canaille)

— L’hospice ! Non ! non ! je ne veux pas ! J’y ai été, quand j’ai eu la cuisse cassée. Y a des sœurs qui vous font dire des prières… On voit des camarades à côté de vous qui claquent… Les carabins avec leurs tabliers blancs… Non ! non ! je veux pas…

(Oscar Méténier)

France, 1907 : Manger. Se dit aussi au figuré pour dissiper : « J’ai claqué tout mon argent. »

Quand on est de ceux qui prétendent représenter une nation, élus par la moitié des citoyens, et que de cette moitié on acheta les trois quarts, on reste à boire, au cabaret, le fond des caisses électorales, mais on a la pudeur de se taire.
Quand on chourine, pour les voler, d’humbles épargnistes, on claque leur galette en compagnie de femmes au chignon jaune, mais on ne parle pas d’honnêteté.

(Jean Grave, La Révolte)

Claquer du bec, jeûner ; imitation des cigognes, qui font claquer leur bec.

France, 1907 : Faire retentir.

L’œuvre de Corneille est grande, sévère, admirable en certaines de ses parties où passe un souffle ardent de passion. Le fameux « Qu’il mourut ! » peut trouver son application dans nos récentes épreuves, et certains vers claquent encore sur Bazaine à travers l’histoire. Mais enfin c’est du vieux jeu, c’est du poncif tragique, c’est de l’antinaturel, de l’antivivant poussé à la dernière expression. Et n’est-il pas dans le répertoire moderne de pièce d’une portée aussi haute et dans laquelle on sente vibrer la conscience moderne ?

(Le Mot d’Ordre)

Claquer du bec

Virmaître, 1894 : Avoir faim et ne rien avoir à se mettre sous la dent. La faim donne la fièvre, les dents claquent (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Jeûner. Ne pas avoir de quoi déjeuner.

Hayard, 1907 : Avoir faim.

Claques (figure à)

Larchey, 1865 : Figure qu’on souffletterait volontiers.

Oui, ces figures a claques, nous les caresserons.

Cogniart, 1831.

Claques (une figure à)

France, 1907 : Se dit de toute physionomie qui déplait.

Claquet

d’Hautel, 1808 : La langue lui bat comme un claquet à moulin. Se dit d’un babillard, d’un homme qui parle continuellement à tort et à travers.

Claquette

Rigaud, 1881 : Bavard.

France, 1907 : Langue.

Au second verre de champagne, enchanté par l’inédit de cette aventure, Stanis demanda à la petite :
— Au fait, comment t’appelles-tu ?
Elle répondit :
— À vot choix ! La môme Claquette, parce qu’il parait que je n’ai pas la langue dans un sac.

(Champaubert)

Claqueurs

Virmaître, 1894 : Applaudisseurs à gages (Argot du peuple). V. Romains.

France, 1907 : Hommes pavés pour applaudir les pièces dans les théâtres et chauffer le publie.

Clarinette

d’Hautel, 1808 : Pour dire fusil.
Prendre la clarinette de cinq pieds. Signifie se faire soldat ; entrer au service militaire ; s’enrôler.

un détenu, 1846 : Fusil.

Larchey, 1865 : Fusil de munition. — V. Agrafer, Toile.

Quant au fantassin, il est obligé de porter un fusil de quatorze livres, aimable clarinette de cinq pieds.

Vidal, 1833.

La Rue, 1894 : Fusil.

France, 1907 : Fusil d’infanterie, appelé plus communément clarinette de cinq pieds.

Clarinette de cinq pieds

Delvau, 1866 : s. f. Fusil, — dans l’argot des soldats.

Merlin, 1888 : Fusil.

Clarinette, clarinette de six pieds

Rigaud, 1881 : Fusil d’infanterie. — Jouer de la clarinette, se battre à coups de fusil, — dans le jargon des troupiers.

Nous allons être obligés de jouer un trio de clarinette.

(A. Camus.)

Clartif

France, 1907 : Clair.

Clas clas

d’Hautel, 1808 : Pour exprimer le bruit d’une bombe, d’un feu d’artifice ; etc.
Faire un grand clas clas. Faire beaucoup de bruit pour rien.

Classe

d’Hautel, 1808 : Un fripon de la première classe. Pour dire un grand coquin, un fripon insigne.
On dit aussi, et dans le même sens, un fripon de la première volée.

Classe (être de la)

Rigaud, 1881 : N’avoir plus qu’une année de service à faire, — dans le jargon des troupiers. (Bernadille.) — Ohé ! la classe, viens-tu payer un dur ?

Classe dirigeant (un)

Rigaud, 1881 : C’est-à-dire une personne appartenant aux classes qui ont la prétention de diriger les autres, l’opposé du prolétariat.

V’là l’ carêm’ : le class’ dirigeant,
Qu’est él’vé dans les « bons principes »,
Va fair’ pénitence en n’ mangeant
Plus d’ pieds d’cochon truffés ni d’tripes.

(La Petite Lune, 1879.)

Classer une affaire

France, 1907 : La mettre en carton, ne plus s’en occuper. « Il n’en sera plus question, — Allusion au repos éternel dans lequel dorment généralement les papiers retirés des affaires courantes et renvoyés aux dossiers déjà classés. » (Lorédan Larchey)

La justice dut se résoudre à clore son enquête et à classer l’affaire, comme on dit au Palais.

(Hogier-Grison)

Claude

d’Hautel, 1808 : Pour niais, gilles ; idiot, homme simple et crédule à l’excès.

Rigaud, 1881 : Imbécile, — dans le Jargon des voyous.

France, 1907 : Niais Souvenir sans doute de l’empereur Claude, à qui son épouse Messaline en fit voir de toutes les couleurs. Un mari cocu est un Claude.

Claveau

France, 1907 : Clé.

Le huitième jour après la condamnation de Virginie, au matin, Orlando remit à Capoulade la clé de son logis, en disant :
— Je vous rends le claveau. J’rentrerai pas ce soir.
Sa bourse était tout à fait vide, Il ne savait plus où aller.
Pour la faim, il ne s’en inquiétait guère, Sobre comme tous les gens de son pays, il savait serrer sa ceinture et se taire ; mais le froid de ces nuits du Nord le tuait.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Clavigner

Halbert, 1849 : Vendanger.

Clavin

Halbert, 1849 : Clou.

Delvau, 1866 : s. m. Clou, — dans l’argot des voleurs, plus fidèles à l’étymologie (clavus) qu’à l’honnêteté.

La Rue, 1894 : Vin. Clou.

Hayard, 1907 : Clou.

France, 1907 : Raisin.

France, 1907 : Clou.

Clavine

Halbert, 1849 : Vigne.

France, 1907 : Vigne.

Clavineur

Halbert, 1849 : Vendangeur.

France, 1907 : Vendangeur.

Clavinier

Halbert, 1849 : Vignoble.

France, 1907 : Vignoble on fabricant de clous.

Clavins

Virmaître, 1894 : Clous. Les voleurs ne connaissent pourtant guère le latin. Clavin vient de clavus (Argot des voleurs).

Clavins (des)

Halbert, 1849 : Raisins.

Claviot

d’Hautel, 1808 : Terme bas et populaire qui équivaut à expectoration, crachat ; flegme qui s’arrête dans la gorge.
Un gros claviot. Pour dire un crachat très-épais.

Cle

d’Hautel, 1808 : Le peuple de Paris a coutume de changer cette syllable en que, quand elle se trouve à la fin des mots. Dans article, besicle, etc., il prononce artique, besique, etc.

Clé

Delvau, 1864 : Le membre viril — qui, sous le prétexte fripon d’ouvrir la serrure féminine, la bouche en jetant des saletés dedans.

Clé (à la)

France, 1907 : Expression ironique, confirmant une chose que l’on sait déjà. Signifie aussi avec.

Alice — Dis donc, avec qui qu’elle est Finette ?
Le garçon — Avec Andréa.
Alice — Non, mais son homme ?
Le garçon, discrétement — Connais pas.
Alice — Allons donc !
Le garçon — Parole !
Alice — Tu te fiches de nous.
Le garçon — Je crois que c’est le gros, le boursier.
Alice, dédaigneusement – Ah ! je sais… deux louis à la clé.

(Ces Dames du Casino)

— Un bon métier que celui de mendiante ! dit la Sardine, et pas grand turbin à la clé !

(Edmond Lepelletier)

Clé (perdre sa)

La Rue, 1894 : Avoir la colique.

Cleb

France, 1907 : Chien ; argot populaire rapporté par les troupiers d’Afrique ; de l’arabe kelb.

Ce Les quat’ patt’s c’est les chiens d’Paris,
Les voyous, les clebs ed’ barrière,
C’est les ceux qui sont jamais pris…
Qui va jamais à la fourrière.

(Aristide Bruant)

Cleber

un détenu, 1846 : Manger.

Rossignol, 1901 : Manger.

Clebs

Rossignol, 1901 : Chien ; doit venir du mot arabe Kelp (chien).

Clef

d’Hautel, 1808 : Pour bien comprendre quelque chose, il faut en avoir la clef. Signifie qu’il faut avant tout en prendre une connoissance parfaite.
Jeter les clefs sur la fosse de quelqu’un. C’est renoncer à sa succession.
Donner la clef des champs. C’est donner vacance à quelqu’un, le rendre libre.
Prendre la clef des champs. Prendre son essor, voler de ses propres ailes, faire une excursion, à la campagne.
On dit par plaisanterie à un jeune homme qui est encore sous la férule des précepteurs, qui ne peut disposer de ses volontés, qu’il n’a pas encore la clef de ses fesses.

Clef (perdre sa)

Fustier, 1889 : Avoir la colique.

France, 1907 : Faire sous soi, avoir des coliques.

Clef du champ de manœuvre

Merlin, 1888 : Voyez Parapluie de l’escouade.

Clémentine

Rigaud, 1881 : Petite calotte de velours ou de drap qui ne couvre que le sommet de la tête.

Cleptomanie

Fustier, 1889 : « On imagina le mot de cleptomanie, ou manie du vol, pour désigner l’état de ces voleuses maladives. »

(Giffard : Les grands bazars.)

Clerc

d’Hautel, 1808 : Commis qui travaille chez un homme de pratique, et que le peuple appelle Saute-ruisseau, sans doute à cause des courses fréquentes aux quelles un clerc est assujetti.
Faire des pas de clerc. Faire des démarches inutiles, des bévues, des fautes par ignorance ou par légèreté.

Cléricafard

France, 1907 : Réunion des mots clérical et cafard ; sorte de pléonasme, car tout clérical est cafard par grâce d’état, et le cafard est généralement un clérical, qu’il soit catholique, anglican, calviniste ou luthérien.

Les cléricafards, au lieu de se poser en victimes, devraient avoir la pudeur de se taire et de se faire oublier, afin qu’on ne leur rappelle pas les innombrables crimes qu’ils ont commis pendant tant de siècles.

(Louis Tranier, Le Souverain)

Cliabeau

Rigaud, 1881 : Médecin, — dans le jargon des filles en traitement à Saint-Lazare. C’est-à-dire beau client, par corruption et par ironie.

Cliboter

France, 1907 : Marcher sans faire attention où l’on pose ses pieds.

Cliche

France, 1907 : Diarrhée.

Cliché

Larchey, 1865 : Invariable. — Synon. de Stéréotypé et emprunté comme lui à certains procédés d’impression.

Tel est le discours cliché que le vénérable baron Taylor a en réserve pour toutes les circonstances.

Figaro.

Delvau, 1866 : s. m. Phrase toute faite, métaphore banale, plaisanterie usée, — dans l’argot des gens de lettres.

Rigaud, 1881 : Diarrhée. — Avoir la cliché. Le petit vin d’Argenteuil donne la cliché.

Boutmy, 1883 : s. m. Réplique ou propos qui est toujours le même. Tirer son cliché, c’est avoir toujours la même raison à objecter ou dire constamment la même chose.

France, 1907 : Banalité ressassée à la tribune ou dans la presse. Tirer son cliché, répéter toujours la mème chose.

Un paquet tout fait, que chacun se repasse de confiance, sans avoir jamais eu l’indiscrétion de l’ouvrir. C’est le paletot, l’écaille du lieu commun.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

Qu’est-ce qui a jamais su ce que c’était, au fond, qu’un honnête homme ? On condamne, tous les jours, en police correctionnelle, des gens arrivés à la limite de la vie et qui, la veille encore de l’arrêt, passaient pour « d’honnêtes gens ! » Ainsi des « femmes fidéles » dont la vertu n’attend que la découverte de l’adultère : ainsi des « amies dévouées » dont une trahison ferait déchirer le masque demain ; ainsi des « politiques habiles » qui sont toujours à la veille de faire quelque abominable sottise. Autant de clichés qui ne demandent qu’à être démentis par les événements. Feuilles mortes, feuilles mortes que le vent emporte sur les allées humides du bois, vous êtes l’image de toutes ces choses, dans le fragile néant où nous sommes nous mêmes emportés.

(Armand Silvestre)

Cliché (sortir son)

Rigaud, 1881 : Se répéter sans cesse, rabâcher la même histoire, donner toujours le même prétexte lorsque le prote fait une observation, — dans le jargon des typographes.

Cliché (tirer son)

Fustier, 1889 : Argot des typographes.

Quand un comipositeur fait une réplique ou un propos toujours le même, on dit : c’est un cliché. Tirer son cliché est synonyme d’avoir toujours la même raison à objecter, dire constamment la même chose.

(Typologie-Tucker, juin 1886.)

Clichet

France, 1907 : Loquet.

Clichy (aller à)

Rigaud, 1881 : Avoir le dévoiement. — Jeu de mots sur cliché et le village de Clichy.

Client

Rigaud, 1881 : Individu ; individu volé ou exploité. — Dans le jargon des voleurs, des filles et des souteneurs, le mot client a remplacé le mot « pante. »

La Rue, 1894 : L’individu volé ou exploité.

France, 1907 : Qualification ironique donnée par les voleurs à celui qu’ils se proposent de dépouiller.

Clifer

France, 1907 : Éclabousser quelqu’un, avec intention, en marchant.

Clifoire

d’Hautel, 1808 : Une cliffoire. Espèce de seringue que les enfans font avec du sureau ; on ne se sert de ce mot que par raillerie, et l’on dit d’un homme qui à se clystérise fréquemment et sans nécessité, qu’il a toujours la clifoire à la main.

Cligner des œillets

France, 1907 : Loucher.

— La gosseline me tape dans l’œil.
— T’es pas dégoûté !
— Comment ? Quatorze ans et des avant-scènes !
— Oui, mais elle cligne des œillets.

(Les Joyeusetés du régiment)

Clignette

Rigaud, 1881 : Jeu de cligne-musette, — dans le jargon des enfants. — Jouer à la clignette.

Clignot

Fustier, 1889 : Œil. Baver des clignots. Pleurer.

La Rue, 1894 : Œil.

Clignots

Virmaître, 1894 : Yeux (Argot des voleurs). V. Chasses.

Hayard, 1907 : Yeux.

France, 1907 : Yeux. Baver des clignots, pleurer.

Clipet

France, 1907 : Voix.

Clique

d’Hautel, 1808 : Bande coalisée, société de cabaleurs : terme de mépris.
Ils ne font tous qu’une même clique. Pour ils s’entendent mutuellement.

Delvau, 1866 : s. f. Diarrhée. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Bande, coterie, compagnie de gens peu estimables. Même argot [du peuple]. Mauvaise clique. Pléonasme fréquemment employé, — clique ne pouvant jamais se prendre en bonne part.

Fustier, 1889 : Argot militaire. Le soldat qui joue du clairon. — Musique militaire.

France, 1907 : Bande, coterie, réunion de gens, d’ordinaire, peu estimables. Dans les régiments, on appelle la clique les tambours, clairons, barbiers et, généralement, les hommes du peloton hors rangs.

Tiens ! Lavedan… Il me fait tordre
Avec ses petits airs d’agneau ;
Il vous a des façons de mordre
Qui font cuire et saigner la peau.

La connaît-il assez la clique
Des petits vernis desséchés !
On le croirait à la clinique,
Scalpant des cerveaux ébréchés.

(Jacques Redelsperger)

Clique (la)

Merlin, 1888 : Tambours et clairons. Exempts de service, ils exercent généralement une profession queconque (barbier, tailleur, ajusteur de guêtres, etc.) qui leur rapporte quelques bénéfices. Ayant ainsi plus de temps et plus d’argent à dépenser que leurs camarades, ils ont une réputation, assez bien justifiée, d’ailleurs, de bambocheurs ; de là, ce nom de clique qu’on leur donne.

Cliqueter une femme

Delvau, 1864 : La baiser, faire aller dans son vagin le membre viril comme un cliquet de moulin, avec moins de bruit cependant.

Jamais fille de laboureur ne fut mieux cliquetée.

Sorel.

Cliquette

Fustier, 1889 : Oreille.

La Rue, 1894 : Oreille. Jambe.

Cliquettes

Rigaud, 1881 : Yeux, — dans le jargon des bouchers.

Virmaître, 1894 : Oreilles (Argot du peuple). V. Esgourdes.

Rossignol, 1901 : Oreilles.

Hayard, 1907 : Oreilles.

France, 1907 : Jambes. Se dit aussi pour oreilles.

Cliquot

France, 1907 : Vin de Champagne, du nom de la célèbre fabricante qui donna sa marque à ses produits.

Clitoris

Delvau, 1864 : Le gland de la femme, qui, dans le prurit vénérien, bande comme le membre de l’homme ; d’où, chez les Grecs, l’expression de χλιτοριαξειν, pour clitoridem attractare, genre de masturbation spéciale aux femmes.

… Mon clitoris, par tous étant fêté,
Aurait pu faire au tien beaucoup de concurrence.

Louis Protat.

Clitoriser (se)

Delvau, 1864 : Se branler entre femmes ; se chatouiller le clitoris, seule ou à deux, réciproquement.

La nature le veut ; c’est le seul moyen d’être sage au couvent, puisqu’on ne peut l’être sans se clitoriser et se manueliser.

Mercier De Compiègne.

Quelle vision ! grand Dieu !… Ma mère sur le dos, les cuisses repliées vers sa poitrine et les jambes en l’air, d’une main tenant un livre et de l’autre… se chatouillant le clitoris avec la plus belle vivacité.

(Mon Noviciat.)

Cloche

d’Hautel, 1808 : On diroit qu’il sort de dessous une cloche. Se dit par ironie d’un hébété, d’un ébaubi qui a toujours l’air de ne pas comprendre ce qu’on lui dit, et d’être embarrassé des choses les plus faciles.
Faire sonner la grosse cloche. Faire parler celui qui a le plus d’autorité dans une maison.
Être sujet à la cloche. Être assujetti se rendre à une heure fixe au lieu de ses occupations.
Gentilhomme de la cloche. Noble-roturier, homme anobli par quelque charge.
Ils sont comme les cloches, on leur fait dire tout ce qu’on veut. Se dit des gens qui n’ont point d’idée certaines, qui tournent à tout vent.
Fondre la cloche. En venir à la conclusion d’une affaire après l’avoir long-temps agitée, déclarer le mauvais état de ses affaires, faillir.
Être penaut comme un fondeur de cloche. Pour être étourdi, confus, ne savoir plus que dire.

Cloche (étonné, triste ou sot comme un fondeur de)

France, 1907 : La fonderie des cloches est une opération très délicate. Seul de tous les ouvriers, le fondeur de cloches dépense son temps, sa peine et son combustible sans être sûr de réussir : la moindre paille, le plus léger accident, et tout est à refaire. Il est donc sans cesse inquiet, préoccupé et ne peut être gai. D’où fondre la cloche, c’est arriver à l’exécution d’une affaire longtemps agitée.
Dans son Dictionnaires des Proverbes, Guitard cite plusieurs fondeurs de cloches morts de douleur de n’avoir pas réussi, et d’autres morts de joie de leur succès.

Cloche (être à la)

Rossignol, 1901 : Ne pas avoir de domicile. Ce mot veut aussi dire écouter.

J’ai entendu ce que vous disiez, j’étais à la cloche. — Parlez plus las, il y a quelqu’un derrière nous qui est à la Cloche (qui écoute).

Cloche de bois

Virmaître, 1894 : Déménager furtivement sans prévenir son propriétaire. Quand le déménagement s’opère par la fenêtre on dit : déménager à la ficelle. Brûler ses meubles, c’est déménager par la cheminée. On dit aussi : déménager a la cloche de cuir ou à la sonnette de bois.

France, 1907 : Voir Déménager.

Cloche de bois (à la)

La Rue, 1894 : Déménager furtivement sans payer son terme.

Cloche de bois (déménagement à la)

Rigaud, 1881 : Déménagement furtif. — Déménager à la cloche de bois, déménager sans bruit et sans payer.

Pendant ces vingt ans, il a déménagé à la cloche de bois, c’est-à-dire qu’il est sorti de ses diverses résidences sans acquitter le prix de son terme.

(Maxime Parr.)

Cloche de bois (déménager à la)

Larchey, 1865 : Déménager furtivement en tamponnant la clochette d’éveil adaptée aux portes de beaucoup d’hôtels garnis.

Hayard, 1907 : Sans payer, furtivement.

Cloche-pied

d’Hautel, 1808 : On dit vulgairement et par corruption à croche pied.

Clocher

d’Hautel, 1808 : Boiter. Il ne faut pas clocher devant un boiteux. Pour il ne faut pas contrefaire ni tourner en ridicule les personnes infirmes. Cette locution proverbiale signifie aussi qu’il faut bien se garder de faire l’important et le capable devant des gens plus habiles que soi.
Il y a toujours quelque chose qui cloche dans ce qu’il entreprend. Pour dire qu’un homme prend peu de soin, qu’il n’est pas très-exercé dans les affaires dont il se mêle.

d’Hautel, 1808 : Il n’a jamais vu que le clocher de son village. Se dit par raillerie d’un homme qui n’a jamais sorti de son pays natal, et à qui tout paroît merveilleux.

Clocher des deux côtés

France, 1907 : Porter à deux épaules.

Clochette

France, 1907 : Pochette. Elle fait clochette quand elle est garnie de pièces.

Clochettes

La Rue, 1894 : Poches. Elles sonnent quand elles sont pleines d’argent.

Clodoche

France, 1907 : Danseur de bals publics, habile dans l’art de se désarticuler. « C’est, dit Lorédan Larchey, le nom d’un ancien émule de Brididi, à la mode dans les bals de Paris, vers 1844. »

Clogne

France, 1907 : Quenouille.

Cloître

France, 1907 : Nature de la femme.

Cloper, clopiner

d’Hautel, 1808 : Ces deux verbes dont le premier est moins usité que le second, ont la mère signification, et s’emploient très-familièrement pour boiter, marcher difficilement ; et par extension, faire tout doucement ses affaires, aller son petit bonhomme de chemin.

Clopin-clopan

d’Hautel, 1808 : Aller clopin-clopan. C’est à-dire tout doucement, n’être pas bien affermi sur ses jambes, comme lorsqu’on relève de quelque grande maladie.

Cloporte

d’Hautel, 1808 : Le peuple dit par corruption clou à porte ; peut-être parce que cet insecte se trouve dans les lieux humides entre les interstices des portes.

Larchey, 1865 : Portier. — Calembour : clôt-porte.

Je connais le truc pour apprivoiser les cloportes les plus farouches.

Montépin.

Delvau, 1866 : s. m. Concierge — soit parce qu’il habite une loge sombre et humide, comme l’oniscus murarius ; soit parce qu’il a pour fonctions de clore la porte de la maison.

Rigaud, 1881 : Portier. Jeu de mots : celui qui clôt la porte.

France, 1907 : Portier. Jeu de mots : il clôt la porte.

Cloporte, cerbère

La Rue, 1894 : Portier.

Cloque

Delvau, 1866 : s. f. Phlyctène bénigne qui se forme à l’épiderme. — dans l’argot du peuple, ami des onomatopées. Les bourgeois, eux, disent cloche : c’est un peu plus français, mais cela ne rend pas aussi exactement le bruit que font les ampoules lorsqu’on les crève.

Rigaud, 1881 : Crepitus ventris. Cloquer, sacrifier au petit crepitus, — dans l’argot des barrières. — Lâcher une cloque renversante.

France, 1907 : Pet.

Cloquer

France, 1907 : Péter

Clos-cul

Delvau, 1866 : s. m. Le dernier-né d’une famille ou d’une couvée. On dit aussi Culot.

France, 1907 : Le dernier-né d’une famille ou d’une nichée, le culot.

Closier

France, 1907 : Métayer ; vieux mot.

Rouge, les yeux brillants, le front ceint de verveines,
Par le chemin qui mène aux granges du closier,
La bien-aimée accourt émue, et les mains pleines
De grands coquelicots et de fleurs de fraisier.

(André Theuriet)

Clou

d’Hautel, 1808 : Gras comme un cent de clou. Phrase hyperbolique, pour dire maigre, étique, décharné.
Cela ne tient ni à fer ni à clou. Pour est dans un très-mauvais état ; se dit aussi d’un ornement d’une chose mobile qu’on peut emporter en changeant de logis.
Un clou chasse l’autre. Voy. Chasser.
River le clou à quelqu’un. C’est répondre d’une manière fermé et sèche à des paroles choquantes.
Compter les clous d’une porte. Se dit figurément, pour s’ennuyer d’attendre à une porte y planter le piquet.
On dit d’une chose en très bon état, qu’il n’y manque pas un clou.
Je n’en donnerois pas un clou à soufflet.
Se dit d’une chose pour laquelle on n’a aucune estime.
On dit d’un écervelé, d’un homme extravagant, qu’il faut un clou à son armet.

Delvau, 1864 : Le membre viril, avec lequel on fixe la femme sur le dos.

Larchey, 1865 : Prison. On ne peut pas en bouger plus que si on y était cloué.

Je vous colle au clou pour vingt-quatre heures.

Noriac.

Larchey, 1865 : Mont-de-Piété. — Mot à mot : prison d’objets engagés.

Il avait mis le linge en gage ; on ne disait pas encore au clou.

Luchet.

Delvau, 1866 : s. m. Prison, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Le mont-de-piété, — où l’on va souvent accrocher ses habits ou ses bijoux quand on a un besoin immédiat d’argent. Coller au clou. Engager sa montre ou ses vêtements cher un commissionnaire au mont-de-piété. Grand clou. Le Mont-de-piété de la rue des Blancs-Manteaux, dont tous les autres monts-de-piété ne sont que des succursales.

Delvau, 1866 : s. m. La salle de police, — dans l’argot des soldats, qui s’y font souvent accrocher par l’adjudant. Coller au clou. Mettre un soldat à la salle de police.

Rigaud, 1881 : Scène à effet, scène capitale, scène où les auteurs comptent accrocher le succès, — dans le jargon du théâtre.

Je lui ai donné la réplique et nous avons répété sa grande scène du deux !… c’est le clou de la pièce.

(Figaro du 6 juillet 1878.)

Rigaud, 1881 : Prison, — dans le jargon des troupiers.

Vous y êtes pour deux jours de clou.

(Randon, Croquis militaires.)

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui travaille mal.

Rigaud, 1881 : Objet détérioré ou de peu de valeur, — dans le jargon des marchands de bric-à-brac. Pousser des clous, mettre des enchères sur des objets sans valeur.

Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété. — Mot emprunté par le peuple au jargon du régiment où clou signifie prison. Le Mont-de-Piété est la prison aux hardes. — Hospice des Enfants-Trouvés.

Rigaud, 1881 : Baïonnette, — dans le jargon des soldats.

Merlin, 1888 : Salle de police, prison. — Coller au clou, mettre en prison.

La Rue, 1894 : Prison. Mont-de-piété. Mauvais ouvrier. Mauvais outil. Baïonnette. Objet détérioré. Scène à effet au théâtre.

Virmaître, 1894 : Le mont-de-piété. On va, les jours de dèche, y accrocher ses habits. On dit aussi : aller chez ma tante, mon oncle en aura soin. On dit également : au plan (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Un individu bon à rien est un clou. Une mauvaise montre est un clou.

France, 1907 : Prison : on y est, en effet, cloué.

Nos chefs sont remplis d’malice ;
Pour un’ faute, un rien du tout,
V’lan ! à la sall de police !
— Y en a qui nomment ça le Clou ! —

Dès qu’il s’agit d’une corvée,
Vite, dans la cour mal pavée,
On fait appeler à l’instant
Le caporal et le sergent.
Et souvent, comme récompense
(Ça se voit plus qu’on ne le pense),
On flanque au clou, si ça va mal,
Le sergent et le caporal.

(Chanson de caserne)

France, 1907 : Partie saillante d’une pièce, d’un livre, d’une représentation.

Un jeune auteur dramatique explique à un de ses amis le scenario d’une comédie future :
— Ce n’est pas mauvais, dit l’ami, mais pourquoi as-tu fait dérouler l’action dans un mont-de-piété ?
— Mais, mon cher, tout bonnement parce que le mont-de-piété sera le clou de ma pièce.

Aujourd’hui, au théâtre, il y a souvent plus de clous que de « charpente ». Le contraire nous semblerait préférable.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

M. Hector Pessard vient de publier la première série de ses petits papiers dans la Revue bleue. Le clou de cette intéressante communication est l’histoire de la fondation du Courrier de Paris par M. Clément Duvernois. Le rôle joué par cette feuille éphémère et les rédacteurs qui y ont été attachés, ainsi que le talent de l’auteur, expliquent l’accueil fait à ce récit.

(Gil Blas)

Le livre est un petit bijou,
J’ai note des pages exquises,
Dont une un véritable clou.

(Jacques Redelsperger)

France, 1907 : Mont-de-piété.

France, 1907 : Mauvais outil, mauvais ouvrier. « Cela ne vaut pas un clou. » « Tu n’es qu’un clou, un rien qui vaille. »

France, 1907 : Baïonnette.

Cloü

France, 1907 : Calembour. « Ne pas oublier de prononcer ce mot en accentuant le tréma », dit l’Argot de l’X.

Clou (le)

Rossignol, 1901 : Salle de police.

Rossignol, 1901 : Mont-de-piété.

Hayard, 1907 : Le Mont-de-Piété, la prison.

Clou chasse l’autre (un)

France, 1907 : Les choses nouvelles font oublier les anciennes et un amour nouveau guérit d’une vieille passion.

— Comme vous savez, madame, dit Voiture, qu’un clou chasse l’autre, il a fallu que la passion que j’ai pour vous ait cédé à une nouvelle qui m’est survenue et qui, si elle n’est plus forte, est pour le moins à cette heure plus pressante.

Les Anglais out exactement le même dicton : One nail drives out another.
On dit aussi : Une religion peu à peu emporte une autre.
C’est la doctrine de l’homéopathie. Le poison détruit le poison, disent les Italiens.

Clou de girofle

La Rue, 1894 : Dent gâtée.

France, 1907 : Dent cariée et noire.

Clouer

d’Hautel, 1808 : Il est sage comme une image clouée à la porte d’un savetier. Phrase badine et populaire, qui se dit d’un enfant qui, contre son ordinaire, est doux et tranquille.
On dit aussi d’un homme qui ne démarre pas d’un lieu, qu’Il y est cloué depuis le matin jusqu’au soir.

Larchey, 1865 : De clou dérivent accrocher, clouer, déclouer et surclouer. (Regager, dégager et renouveler au Mont-de-Piété.)

Jeune insensé, oublies-tu que nous avons passé le 20 du mois, et qu’à cette époque les habits de ces messieurs sont cloués et surcloués.

Murger.

France, 1907 : Mettre en gage, emprisonner.

Clouer le bec

Delvau, 1866 : v. a. Imposer silence à un importun, ou à un mauvais raisonneur, — dans l’argot du peuple. On dit aussi River le clou.

France, 1907 : Imposer silence, faire taire. On dit aussi : river de clou, ou le bec.

Clous

Delvau, 1866 : s. m. pl. Outils, — dans l’argot des graveurs sur bois, qui confondent sous ce nom les échoppes, les burins et les gouges.

Rigaud, 1881 : Outils de graveur sur bois.

Virmaître, 1894 : Terme de mépris employé dans les ateliers.
— Tu n’es qu’un clou (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Fausses clés (Argot des voleurs). V. Caroubles.

Rossignol, 1901 : Outils. Mes clous, mes outils.

France, 1907 : Outils, fausses clefs ; argot des voleurs. Petits clous, petites lettres ; argot des typographes. Lever les petits clous, composer.

Clous (36)

Merlin, 1888 : Fantassins, par allusion à leur chaussure, ferrée de 36 clous.

Clous (petits)

Rigaud, 1881 : Caractères d’imprimerie. Lever les petits clous, c’est être typographe-paquetier. (Boutmy.)Clous, Têtes de clou. Caractères d’imprimerie très vieux, hors d’usage. — En terme de typographie, on dit d’un ouvrage mal imprimé : c’est imprimé avec des têtes de clou.

Ce papier, jauni parle temps, était de ceux dits à chandelle, dont en se sert pour imprimerà renfort de têtes de clou — ces canards qui…

(P. Mahalin, Les Monstres de Paris, 1880.)

Boutmy, 1883 : s. m. pl. Caractères d’imprimerie. Lever les petits clous, c’est être typographe, paquetier.

Clous de girofle

Larchey, 1865 : « Mme Cramoisi demanda un jour à Santeuil combien ils étaient de moines à Saint-Victor. » — « Autant que vous avez de clous de girofle dans la bouche, dit Santeuil qui n’était pas de bonne humeur, voulant parler de ses dents qu’elle avait noires et gâtées. » Santoliana, 1764.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Dents noires, avariées, esgrignées comme celles de Scarron.

Rossignol, 1901 : Dents noires.

Clousse

France, 1907 : Poule qui couve.

Clubbable

Rigaud, 1881 : « L’Anglais est le seul peuple véritablement clubbable, c’est-à-dire fait pour la vie du club. » (Ed. Texier, Les Choses du temps présent.)

Clystère, clystériser

d’Hautel, 1808 : Le peuple dit par corruption, crystère, crystériser.

Co

Delvau, 1866 : s. m. Coq, — dans l’argot des paysans et des enfants.

Coaguler (se)

Rigaud, 1881 : Se griser, bredouiller par suite d’ivresse.

M. Lebon, à force de boire, parvint à se coaguler.

(La Mystification, 1838.)

France, 1907 : S’enivrer.

Cob

France, 1907 : Petit cheval ; anglicisme.

— Les jeunes gens m’exaspérèrent dès la sortie du couvent, pendant les années de bal et les saisons estivales dans les pays de luxe. Rappelle-toi comme je supportai mal la fatuité de leurs attitudes. Les uns s’honoraient d’un pantalon, d’une cravate bien nouée, de linge verni. Et ils passadaient afin de me séduire par cela, moi et ma dot, me croyant pareille à leurs courtisanes qui choisissent des amants avec les mêmes raisons dont elles usent pour élire un chapeau chez la modiste, un cob au Tattersall, une ombrelle.

(Paul Adam)

— Dans ce moment-ci, je veux que tu ailles te promener toute seule dans ta voiture. Tu en jouiras mieux. Va faire tes petits flaflas du côté des endroits chics, et te payer un peu le nez de tes camarades. Il n’y eu a pas une, tu sais, qui soit fichue de sortir une paire de cobs pareils.

(Henri Lavedan)

Cobier

France, 1907 : Tas de sel dans les marais salins.

Cocagne

d’Hautel, 1808 : On dit d’un pays fertile, d’une maison opulente où l’on a abondamment toutes les commodités de la vie, ou l’on fait chère-lie, que C’est un pays, un lieu de cocagne.

Cocange

France, 1907 : Jeu que tiennent les filous dans les foires. On dit aussi robignolle.

France, 1907 : Coquille de noix.

Cocanges

Delvau, 1866 : s. f. pl. Coquilles de noix avec lesquelles certains fripons font des dupes.

Cocangeur

Delvau, 1866 : s. m. Voleur qui a la spécialité des Cocanges et de la Roubignole.

France, 1907 : Escroc qui pratique le jeu de cocange.

Cocantin

France, 1907 : Agent d’affaires plus ou moins fripon, qui sert d’intermédiaire entre le débiteur et le créancier.

Ne sont-ils pas, pour la majeure partie, des officiers ministériels révoqués, d’anciens notaires ayant eu des malheurs… judiciaires, des avocats rayés du tableau de l’ordre ? Leur finasserie, leur connaissance du droit n’est-elle pas à chaque instant mise à contribution par les avocats ou les avoués eux-mêmes, heureux de faire préparer une affaire par un roué, un malin de la procédure. Nous parlons ici des cocantins de la haute. Ceux-ci s’intitulent « receveurs de rentes », « avocats consultants », « conseils », et ne sont au fond que de vulgaires escrocs.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

Cocantinage

France, 1907 : Escroquerie qui consiste à recouvrer des créances dont on met la plus grande partie, sinon le tout, dans sa poche.

Le cocantinage est puissant comme la justice elle-même, et ses adeptes, nourris de la lecture du Code, savent manœuvrer et louvoyer au travers de ses articles avec une aisance qui, dans mainte occasion, leur assure une impunité complète.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

Cocard

Rossignol, 1901 : Œil noir par suite d’un coup.

Cocarde

Delvau, 1864 : Blanche ou rouge… affaire d’opinion. C’est le foutre qu’on lance, ou le sang que l’on fait répandre, au con d’une pucelle.

Heureuse qui mettra la cocarde
Au bonnet de Mimi-Pinson.

Alfred de Musset.

Larchey, 1865 : Tête. — En prenant la coiffure pour la tête, on a dit taper sur la cocarde ou sur le pompon, pour : frapper sur la tête de quelqu’un.

Delvau, 1866 : s. f. La tête, — dans l’argot du peuple. Taper sur la cocarde. Se dit d’un vin trop généreux qui produit l’ivresse. Avoir sa cocarde. Être en état d’ivresse.

Rigaud, 1881 : Tête. — Excès de boisson. Avoir sa cocarde, être ivre. L’homme qui a sa cocarde en est à la gaieté bachique. Se pousser une cocarde soignée.

France, 1907 : Tête. Taper sur la cocarde de quelqu’un, donner un coup de poing sur la tête. Se dit aussi d’un vin qui grise : « Voila un petit bleu qui tape joliment sur la cocarde. »

Prenant le temps comme il viendra, ils éviteront les grands arbres quand il y aura de l’orage à la clé, ils se tasseront sous les buissons lorsqu’il pleuvra, et se foutront le ventre à l’ombre quand le soleil tapera trop dur sur les cocardes.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Cocarder (se)

Rigaud, 1881 : Se griser.

France, 1907 : Se griser.

Tout se passait très gentiment, on était gai, il ne fallait pas maintenant se cocarder cochonnement, si l’on voulait respecter les dames.

(É. Zola, L’Assommoir)

Cocardier

Larchey, 1865 : Homme fanatique de son service, zélé jusqu’à l’exagération de ses devoirs. — Cette dénomination spéciale à l’armée se sent plus qu’elle ne s’explique. Le cocardier croit avoir toujours l’honneur de sa cocarde à soutenir.

Delvau, 1866 : s. m. Homme fanatique de son métier, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : « Le commandant du bataillon était ce que les troupiers appellent un cocardier, c’est-à-dire qu’il mettait une importance extrême à ce que ses hommes brillassent par leur tenue soignée et sévère. » (Louis Noir, Souvenirs d’un zouave.) Le maréchal de Castellane, qui prenait son bain, ayant, sur une chaise à côté de lui, le grand cordon de la légion d’honneur, est resté comme le type le plus réussi du cocardier.

Rossignol, 1901 : Celui qui se tient propre et qui est coquet est un cocardier. Un propre soldat est un cocardier.

France, 1907 : Homme qui pousse à l’exagération l’amour de son métier et l’accomplissement de ses devoirs, ignorant où dédaignant le sage précepte de Talleyrand : « Pas trop de zèle ! pas trop de zèle ! » Ce n’est guère que dans l’armée que l’on rencontre les cocardiers.

Était-ce un de ces hommes brillants, avides de tintamarre et de piaffe, dédaigneux de tout ce qui n’est pas une joie ou une jouissance, qui se morfondent d’ennui dans leurs lointaines garnisons de province et rêvent de Paris comme d’une terre promise et féérique ? Était-ce seulement un obscur, peu à peu arrivé au cinquième galon, un brisquard de fortune qui ne connait que la consigne, que ses vieilles manies de cocardier, et que les sous-lieutenants redoutent comme la peste ?

(Mora, Gil Blas)

Cocasse

d’Hautel, 1808 : Mot baroque qui signifie drôle, plaisant, risible et, souvent, ridicule.

Fustier, 1889 : Drôle, amusant.

France, 1907 : Ridicule, amusant, drôle.

France, 1907 : Dénonciateur, individu qui, pour se sauver, ou craignant d’être dénoncé lui-même, dénonce les autres.

Cocasserie

Delvau, 1866 : s. f. Saugrenuïté dite ou écrite, jouée ou peinte, — dans l’argot des artistes et des gens de lettres.

France, 1907 : Scène drôle, grotesque, écrite, dite, peinte ou jouée.

Coche

d’Hautel, 1808 : Une coche, une grosse coche, une vieille coche. Expressions basses, grossières et injurieuses que l’on adresse à une femme d’un volumineux embonpoint.

Delvau, 1866 : s. f. Femme adipeuse, massive, rougeaude, — dans l’argot du peuple, qui veut que la Femme pour mériter ce nom, ressemble à une femme et non à une scrofa.

France, 1907 : Grosse femme, molle et grasse, ou qui se livre volontiers au mâle.

Cochemar

Rigaud, 1881 : Cocher ; formation argotique par la terminaison mar.

Cocher

d’Hautel, 1808 : Voir deux cochers sur un siège. Être dans les vignes du Seigneur ; voir double, comme lorsqu’on a trop bu d’un coup.

Cochon

d’Hautel, 1808 : Il ne savoit pas si c’étoit du lard ou du cochon. Manière basse et triviale de dire qu’un homme a été surpris par quelqu’événement fâcheux ; qu’il en est resté interdit et stupéfait.
Des yeux de cochon. Expression grossière, pour dire de fort petits yeux.
C’est un cochon à l’auge. Se dit par mépris d’un homme malpropre et dégoûtant.
Bête comme un cochon. Épithète fort incivile, pour dire que quelqu’un est d’une grande stupidité.
Nous n’avons pas gardé les cochons ensemble. Espèce de réprimande qu’un supérieur fait à son inférieur, lorsque ce dernier s’est permis de le tutoyer, ou de manquer envers lui aux égards et aux bienséances.
Il faut mourir, petits cochons, il n’y a plus d’orge. Se dit à ceux qui ont perdu leurs protecteurs, leur fortune, et à qui il ne reste plus de ressource.
Un gros cochon. Nom que l’on donne à un homme gras et trapu, et pour lequel on n’a ni estime ni considération.
Vivre comme un cochon. C’est-à-dire, en égoïste ; ne s’occuper qu’à boire, manger et dormir.
De cochon. Brocard bas et populaire, que l’on ajoute au dernier mot de la conversation d’une personne qui parle directement de soi. Par exemple, si quelqu’un vient à dire qu’Il s’est lavé les pieds, une autre répond aussitôt : de cochon.

Rigaud, 1881 : Libre dans ses propos, raffiné en lubricité. — Elle n’est pas jolie, jolie, mais elle est si cochonne.

Rigaud, 1881 : Avare. — « C’est un cochon », dit une femme en parlant d’un homme dont elle a à se plaindre sous le rapport de la générosité.

France, 1907 : Se dit d’un mauvais tour.

— C’est cochon, cela ! s’écria Marthe, d’amener une femme pour la faire prendre ! M’sieu le commissaire, il ne m’avait pas dit qu’il était marié, vous savez !

(Oscar Méténier, Gil Blas)

France, 1907 : Libertin, passionné.

— C’est un cochon ! disait-elle.
Et comme un des personnages d’une fameuse comédie politique de Sardou, elle ajoutait :
— J’appelle un cochon, cochon ! et si je savais un mot plus cochon que cochon, je me ferais honneur de m’en servir !…

(Le Journal)

Guy de Maupassant a écrit une amusante nouvelle sous le titre : Ce cochon de Morin !

France, 1907 : Ladre, avaricieux. Se conduire comme un cochon, se conduire en avare, en homme méprisable. Ce n’est pas trop cochon, ce n’est pas trop mauvais. C’est pas cochon du tout, c’est très bien. Mon pauvre cochon, je ne te dis que cela ! Mon pauvre ami, te voilà dans de beaux draps.

Cochon (costume)

Rigaud, 1881 : Costume dont l’indécence voulue doit exciter les désirs des amateurs. Les costumes des féeries sont d’autant plus réussis qu’ils sont plus cochons.

Cochon (être)

Delvau, 1864 : Se dit aussi des choses obscènes, des discours qui provoquent l’érection, — des cochonneries en un mot.

Antoine, c’est un joli nom,
Un peu cochon.

(Parnasse satyrique.)

Delvau, 1864 : Savoir bien besogner de l’outil, que la nature a eu l’obligeance de placer au bas du ventre de l’homme ; baiser fort et longtemps.

Ce n’est pas cela, mon, cher, qui m’amuse.
Sois moins poète et beaucoup plus cochon.

(Parnasse satyrique.)

Cochon (gros)

Rigaud, 1881 : Homme gros et bouffi de graisse, bien renté et sans souci.

À bas les Bourbons, et ce gros cochon de Louis XVIII !

(V. Hugo, Les Misérables.)

Cochon (soigner son)

Rigaud, 1881 : Soigner son corps sous le rapport de la nourriture.

Cochon de payant

France, 1907 : Nom que donnent les auteurs et les artistes au public qui paie. Au sujet d’une pièce qu’il préparait pour le Gymnase, M. Alphonse Daudet s’est exprimé ainsi sur le compte de ce bon gogo de public qui ne sollicite point de billets de faveur, et qui paie sa place, lorsqu’il veut voir la pièce à la mode. Le morceau est trop curieux pour qu’on ne le cite pas en entier.

Ce que je ne puis sentir, c’est de public lui-même, ce cochon de payant, comme on l’appelle en argot de coulisses.

Cochon malade

Rigaud, 1881 : Personne malpropre et malsaine.

Cochon vendu

France, 1907 : Sobriquet qu’on donnait aux remplaçants militaires, qui faisaient cependant le plus souvent d’excellents soldats.

Descendras-tu,
Cochon vendu !
T’avais d’l’argent,
Tu n’en as plus !

(Sonnerie des consignés sous l’Empire)

Cochonaille

d’Hautel, 1808 : Basse charcuterie ; débris, réjouissance du porc ; et, par extension, toutes choses viles et dénuées de valeur.

Delvau, 1866 : s. f. Charcuterie, — dans l’argot des ouvriers, — qui ne redoutent pas les trichines. On dit aussi Cochonnerie.

France, 1907 : Charcuterie.

Cochonnaille, cochonnaillerie

Rigaud, 1881 : Charcuterie, la base de la cuisine des pauvres gens.

Cochonne

France, 1907 : Femme malpropre, on encore femme passionnée. C’est la qualité dont se parent les jeunes ou vieilles personnes qui arrêtent les passants.

Cochonne (être)

Delvau, 1864 : Connaître une foule de petits secrets pour arriver à faite bander les pines les plus réfractaires et jouir les hommes les plus indifférents.

Cochonner

d’Hautel, 1808 : Faire salement et grossièrement un ouvrage ; le bousiller.

Delvau, 1866 : v. a. Travailler sans soin, malproprement, — dans l’argot des bourgeois.

Cochonnerie

d’Hautel, 1808 : Malpropreté.
Dire des cochonneries. Signifie, au figuré, tenir des propos sales, déshonnêtes et obscènes.
Faire des cochonneries. Manquer aux lois de l’honneur et de la délicatesse ; montrer un intérêt sordide et de la petitesse dans une affaire.

Delvau, 1866 : s. f. Vilain tour, trahison, manque d’amitié.

Delvau, 1866 : s. f. Ce que Cicéron appelle turpitudo verborum. — Argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : s. f. Besogne mal faite ; marchandise de qualité inférieure ; nourriture avariée ou mal préparée. — Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Ratatouille. Aliments de mauvaise qualité, salement préparés et mal servis. — Dire des cochonneries, tenir des propos très libres. — Faire des cochonneries, passer des paroles à l’action.

France, 1907 : Même sens que cochonaille. Se dit aussi d’aliments malpropres où mauvais, de vilains tours joués à son prochain, d’actes de trahison, etc.

Cochonneries

Delvau, 1864 : Exercices amoureux : gamahuchage, branlage, suçage, postillon, feuille de rose, patte d’araignée, — en un mot, tout ce qu’ignorent les femmes honnêtes et que savent si bien les femmes galantes. — Le libertinage a emprunté beaucoup de termes à la charcuterie (V. langue fourrée, boudin, andouille, saucisse, vessie, etc.), et cela se comprend de reste, χοίρος signifiant à la fois cochon et con.

Cochonneries (dire des)

Delvau, 1864 : Avoir un langage de « haulte gresse, » appeler les choses par leur nom, dire pine au lieu de machin ; foutre au lieu d’aimer, enfin raconter prouesses concubitales.

Cochonneries (dire ou faire des)

France, 1907 : Dire ou faire des actions indécentes ou graveleuses. Écrire des cochonneries.

Cockney

France, 1907 : Badaud, ignorant plein de préjugés ; anglicisme.

C’est l’étranger badaud, le marchand de pruneaux imbécile, le rastaquouère, le forban cosmopolite parlant et volant dans toutes les langues, c’est, surtout, le « snob », de cockney de Londres et des trente-deux comtés, race « objectionable », avouent les feuilles britanniques, ignorante, infatuée, trainant partout ses préjugés et sa mauvaise éducation, détestable à tous, aux compagnons de route, aux hôteliers, aux indigènes, et que convoie au milieu des lazzis de l’Europe et à la stupéfaction de l’Asie, à prix réduits et fixes, la célèbre agence de Ludgate Circus.

(Hector France, Monaco et la Côte d’azur)

Coco

d’Hautel, 1808 : Tisanne rafraîchissante, faite de chiendent, de réglisse et de citron, que l’on vend à Paris dans les promenades publiques. Boire un verre de coco.
Coco
signifie aussi eau-de-vie, rogome, brande-vin.
Boire le coco. C’est boire l’eau-de-vie le matin à jeun, suivant l’usage des journaliers de Paris.

d’Hautel, 1808 : Nom d’amitié que l’on donne aux petits garçons.
C’est aussi un terme mignard et cajoleur dont les femmes gratifient leurs maris ou leurs bien aimés, pour en obtenir ce qu’elles désirent.

Larchey, 1865 : Nom d’amitié.

J’vais te donner un petit becquau. Viens, mon coco.

Dialogue entre Zuzon et Eustache, chanson, 1836.

Larchey, 1865 : Homme peu digne de considération.

Joli Coco pour vouloir me faire aller.

Balzac.

Larchey, 1865 : Cheval.

Ce grossier animal qu’on nomme vulgairement coco.

Aubryet.

Delvau, 1866 : s. m. Tête, — dans l’argot des faubouriens, qui prennent l’homme pour un Coco nucifera. Coco déplumé. Tête sans cheveux. Redresser le coco. Porter la tête haute. Monter le coco. Exciter le désir, échauffer l’imagination.

Delvau, 1866 : s. m. Œuf, — dans l’argot des enfants, pour qui les poules sont des cocottes.

Delvau, 1866 : s. m. Homme singulier, original, — dans le même argot [des faubouriens]. Joli coco. Se dit ironiquement de quelqu’un qui se trouve dans une position ennuyeuse, ou qui fait une farce, désagréable. Drôle de coco. Homme qui ne fait rien comme un autre.

Delvau, 1866 : s. m. Gorge, gosier, — dans le même argot [des faubouriens]. Se passer par le coco. Avaler, boire, manger.

Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. m. Cheval, — dans l’argot du peuple. Il a graissé la patte à coco. Se dit ironiquement d’un homme qui s’est mal tiré d’une affaire, qui a mal rempli une commission.

Delvau, 1866 : s. m. Boisson rafraîchissante composée d’un peu de bois de réglisse et de beaucoup d’eau. Cela ne coûtait autrefois qu’un liard le verre et les verres étaient grands ; aujourd’hui cela coûte deux centimes, mais les verres sont plus petits. O progrès !

Rigaud, 1881 : Tête ; allusion de forme. Se monter le coco, s’illusionner, se monter la tête.

Rigaud, 1881 : Pour eau-de-vie, avait déjà cours au siècle dernier.

Elle lui fit payer du coco.

(Cabinet satirique.)

Aujourd’hui on entend par coco, de la mauvaise eau-de-vie, de l’eau-de-vie fortement additionnée d’eau. — Marchand de coco, marchand de vin. Allusion à l’eau que le débitant met dans le vin et les liqueurs.

Rigaud, 1881 : Individu, particulier. Ne s’emploie guère qu’accolé au mot joli, dans un sens ironique : C’est un joli coco.

Rigaud, 1881 : Gosier. — Se passer quelque chose par le coco, manger, boire.

France, 1907 : Triste sire, homme méprisable ou, tout simplement, dont on n’est pas satisfait. Le mot est généralement précédé des adjectifs joli, fameux, ou vilain.

— Ah ! vous êtes un fameux gaillard ! un joli coco ! Vous arrivez comme le marquis de Chose-verte, trois heures après la bataille. Vous pouvez bien tourner les talons, et remporter votre lard pourri. Avez-vous du liquide, au moins ?

(Hector France, Sous le Burnous)

— Et v’là qu’elle est lâchée salement par un vilain coco Il est vrai que des filles qui n’ont pas le sou et qui ne savent même pas éplucher une salade, ne sont pas d’un placement avantageux, ni facile, par conséquent !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

C’est aussi un nom d’amitié :

J’vais te donner un p’tit bécot,
Viens, mon coco !

France, 1907 : Tête. Avoir de coco déplumé, être chauve ; avoir le coco fêlé, être fou. Dévisser le coco, étrangler. Se monter de coco, s’exciter.
Jean Richepin, dans ses compliments de nouvelle année, souhaite, entre autres :

À Barbier, de trouver l’écho
De la voix qui cria les lambes,
Et, pour lui monter le coco,
Du poil à gratter dans les jambes.

Graisser la patte à Coco, gagner quelqu’un en lui donnant de l’argent.S’emploie aussi dans un mauvais sens, précédé de vilain ou de joli : Vilain coco ! joli chien ! ou bien il signifie simplement un individu.

Parmi les socialos politicards, il peut y avoir des cocos qui ont de l’honnêteté, mais qué que ça prouve ? Rien, sinon qu’ils manquent de flair.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

France, 1907 : Mauvais vin on mauvaise eau-de-vie. Allusion à la fade boisson que vendent les marchands de coco.

France, 1907 : Gosier ; argot populaire. Colle-toi ça ou passe-toi ça dans le coco.

France, 1907 : Cheval. Ce mot est employé surtout dans la langue du troupier.

Pour faire un vrai soldat, et devenir par la suite un bon officier, il faut avoir tiré toutes les ficelles du métier et savoir : balayer la chambrée ; cirer la planche à pain ; bichonner Coco…

(Hector France, L’Homme qui tue)

Coco épileptique

Delvau, 1866 : s. m. Vin de Champagne, — dans l’argot des gens de lettres qui ont lu la Vie de Bohême.

France, 1907 : Vin de Champagne. Il a la couleur du coco et mousse comme les épileptiques.

Cocodes

Delvau, 1864 : Imbécile élégant, ou singeant l’élégance, qui fréquente plus volontiers avec les filles entretenues qu’avec les femmes honnêtes.

Ce n’est pas un homme, c’est un cocodès.

Aurélien Scholl.

Cocodés

Rigaud, 1881 : Variété du Petit-Crevé et variante de Coco.

Cocodès

Larchey, 1865 : Jeune dandy ridicule. — Diminutif de coco pris en mauvaise part.

Ohé ! ce cocodès a-t-il l’air daim !

L. de Neuville.

Une physiologie des Cocodès a paru en 1864.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile riche qui emploie ses loisirs à se ruiner pour des drôlesses qui se moquent de lui.
On pourrait croire ce mot de la même date que cocotte : il n’en est rien, — car voilà une vingtaine d’années que l’acteur Osmont la mis en circulation.

France, 1907 : Dandy ridicule qui dépense sottement la fortune que son père ou ses ancêtres lui ont laissée, ce qui rétablit l’équilibre social, en quoi le cocodès a du bon. Ce fut un acteur du nom d’Osmard qui inventa ce mot et le mit en circulation. Il le tira, sans doute, de coco, homme sans consistance, digne de mépris, dans l’argot bourgeois. Cocodès a pour féminin et digne compagne : cocodette. Ses synonymes sont nombreux : petit crevé, gommeux, poisseux, gâteux, boudiné, greotteux, etc. ; ils peuvent être confondus sous la désignation générale de crétins.

… Les corodès et les petits crevés de l’époque, successeurs des daims, des lions et des gants jaunes qui représentaient alors la classe des élégants, n’étaient que d’affreux bonshommes étiolés, flétris, barbouillés de fard, parfumés, grasseyant et ridicules, dont le costume, pour épatant qu’il fût aux yeux de ces fantoches, n’en était pas moins laid, burlesque et contraire à tout sentiment de correction.

(Octave Uzanne, La Femme et la Mode)

Le cocodès apparut sur l’asphalte parisien vers 1863. Il portait un faux col droit très haut, englobant parfois le menton. Il semblait être né avec un carreau dans l’œil.
Le petit crevé date de 1869. Son nom qui semblerait si bien provenir de l’état d’épuisement où l’ont mis les excès, paraît cependant venir de la mode de la chemise à petits crevés que portait habituellement un élégant de cette époque. Il portait la raie au milieu et deux petites coques plaquées au cosmétique sur le front.
Le gommeux. On prétend que c’est l’ancien petit crevé, qui obséda tellement ses amis du récit de ses campagnes que ceux-ci le comparèrent à la gomme qui colle et dont on ne peut se dépêtrer. C’est à ce sentiment des désagréments de la gomme et de tout ce qui est gluant qu’on doit une variété de l’espèce des gommeux appelée :
Le poisseux. Il a vécu ce que vivent les roses. Puis, comme, en souvenir de la guerre, il avait conservé la capote militaire, qui sur son dos civil paraissait un vêtement d’hôpital lui donnant l’air infirme et maladif, il devint :
Le gâteux, et son manteau, qui descendait jusqu’à la cheville, fut appelé gâteuse, Le pantalon s’élargissait par le bas et tombait de telle sorte sur la chaussure qu’il donnait au pied toute la grâce du pied de l’éléphant. Cet animal avait par sa coiffure une supériorité incontestable sur le gâteux, dont les chapeaux minuscules atteignaient le comble du ridicule sur un corps grossi démesurément par les vêtements. Tout à coup la chrysalide sort de son cocon gâteux, et apparait :
Le boudiné, emprisonné dans des vêtements trop étroits, trop courts et atteignant les dernières limites du collant. Vrai boudin ambulant, menaçant sans cesse de faire craquer son enveloppe. Une variété de boudin, peut-être de seconde qualité, reçoit un nom particulier :
Le petit gras, auquel succéda le vibrion, qui s’effaça à son tour devant :
Le grelotteux. Cet être grelottait sous la bise, grâce aux vêtements étriqués du boudiné.

(Courrier de Vaugelas)

Cocodète

Rigaud, 1881 : Femelle du Cocodés. Les cocodètes sont, en général, des femmes du monde de la bourgeoisie, affectant une toilette et des goûts incompatibles avec leur modeste position. Une véritable grande dame, si excentrique qu’elle soit dans sa toilette, ne sera jamais une cocodète. Il y a des cocodètes parfaitement honnêtes. Ne pas le paraître, voilà leur rêve.

Cocodète ou dandye

Delvau, 1864 : Femme du monde qui imite la cocotte — dans sa mise — et quelquefois la surpasse par l’excentricité.

Cocodette

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse, — la femelle du cocodès, — comme la chatte est la femelle de la souris.

France, 1907 : Créature ridicule, bonne à rien qu’à s’attifer.

La cocodette est un type féminin du second Empire, comme la merveilleuse le fut du Directoire, et la lionne, de la monarchie de Juillet. Semblable à la courtisane par son faste et ses allures, elle en diffère par la régularité de sa position sociale. Son existence est une pose incessante.

(Lorédan Larchey)

Le vingt pour cent de la galette
Aboul’-le à la cocodette.

(Hogier-Grison)

En une même génération spontanée, naquirent la cocotte et la cocodette ; celle-là, hétaïre vénale, qui remplissait Paris et autres villes de joie du fracas de ses excentricités et de ses costumes aveuglants de mauvais goût ; celle-ci, au contraire, mondaine blasée, lassée, curieuse de surmenage et de bruit, qui, affectant les allures des Phrynés modernes, s’empressait d’arborer le chignon désordonné, la chevelure artificielle, carotte on queue de vache, le fard, le clinquant des parures, le jargon et l’allure canaille des Cythères parisiennes. Entre la fille de marbre, la biche en renom et la cocodette, la différence était mince : l’une luttant pour la vie, l’autre ne combattait que contre l’ennui et le vide d’une existence morne, déséquilibrée et sans autre but plus nettement défini que le plaisir.
Cocottes et cocodettes inauguraient un règne d’inélégance, de camelote, d’abâtardissement moral, et de mauvais ton.

(Octave Uzanne, La Femme et la Mode)

Cocon

France, 1907 : Élève de première année à l’École Polytechnique. Camarade de promotion. Abréviation de co-conscrit.

Coconner

France, 1907 : « De cocon on a fait le mot coconner, qui veut dire aller causer familièrement, en camarade, avec quelqu’un. On cite des professeurs, des capitaines, des généraux même qui aiment à coconner avec les élèves. »

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Cocons

Rigaud, 1881 : Camarade de première année à l’École polytechnique. Mot à mot : co-conscrit. (L. Larchey)

Cocos

Delvau, 1866 : s. m. pl. Souliers, — dans l’argot des enfants.

France, 1907 : Souliers.

Cocosotte

France, 1907 : Voir cocovieille.

Cocoter

Fustier, 1889 : Faire la cocote, la fille galante.

Cocotier

Delvau, 1864 : Homme qui a la chaude-pisse, que les maquereaux et les ouvriers appellent la cocotte.

L’ai-je eue assez de fois, la cocotte ! l’ai-je eue !… à ce point qu’on m’appelait le roi des cocotiers.

Lemercier de Neuville.

Cocotte

d’Hautel, 1808 : Une cocotte. Mot enfantin, pour dire une poule.

d’Hautel, 1808 : Ma cocotte. Mot flatteur et caressant que l’on donne à une petite fille.
Ce mot signifie aussi donzelle, grisette, femme galante, courtisane.

Delvau, 1864 : Fille de mœurs excessivement légères, qui se fait grimper par l’homme aussi souvent que la poule par le coq.

Cocotte, terme enfantin pour désigner une poule ; — petit carré de papier plié de manière à présenter une ressemblance éloignée avec une poule. — Terme d’amitié donné à une petite fille : ma cocotte : — et quelquefois à une grande dame dans un sens un peu libre.

Littré.

Larchey, 1865 : Femme galante. — Mot à mot : courant au coq. — On disait jadis poulette.

Mme Lacaille disait à toutes les cocottes du quartier que j’étais trop faible pour faire un bon coq.

1817, Sabbat des Lurons.

Aujourd’hui une cocotte est un embryon de lorette.

Les cocottes peuvent se définir ainsi : Les bohèmes du sentiment… Les misérables de la galanterie… Les prolétaires de l’amour.

Les Cocottes, 1864.

Delvau, 1866 : s. f. Demoiselle qui ne travaille pas, qui n’a pas de rentes, et oui cependant trouve le moyen de bien vivre — aux dépens des imbéciles riches qui tiennent à se ruiner. Le mot date de quelques années à peine. Nos pères disaient : Poulette.

Rigaud, 1881 : Dans le monde galant, la cocotte tient sa place entre la femme entretenue et la prostituée. Elle forme en quelque sorte le parti juste-milieu, le centre de ce monde. La cocotte aime à singer les allures de la femme honnête, mariée, malheureuse en ménage, ou veuve, ou séparée de son mari, ou à la veille de plaider en séparation. Toute cette petite comédie, elle la joue jusqu’au dernier acte, pourvu que le dénouement y gagne ou, plutôt, pourvu qu’elle gague au dénouement. — Le mot cocotte n’est pas nouveau, il est renouvelé de 1789. (Cahier de plaintes et doléances.)

Merlin, 1888 : Cheval de trompette.

La Rue, 1894 : Fille galante. V. Biche.

France, 1907 : Petite dame qui se consacre aux plaisirs des messieurs, où, comme dit Le docteur Grégoire : « Mammifère se chargeant de prouver qu’il y a des poules qui ont des dents. »

— Dame, il me semble qu’au lieu de chercher midi à quatorze heures, mademoiselle votre fille pourrait bien se faire… cocotte.
— C’est ce que je me tue de dire à maman ! s’est écriée Caroline triomphante.
— Cocotte, ce n’est pas mal, mais chanteuse c’est mieux, n’est-ce pas, monsieur Pompon ?
— Madame Manchaballe, l’un n’empêche pas l’autre.

(Pompon, Gil Blas)

France, 1907 : Mal d’yeux, ou mal vénérien.

— Me v’là monter cheux l’phormacien d’saint-Jouin, pour not’ fillette qu’ont la cocotte aux yeux… Un froid qui lui sera tombé en dormant. J’allons lui acheter un remède.
Il prononça ces mots d’un air avantageux, et le facteur hocha la tête par respect pour la dépense.

(Hugues Le Roux.)

France, 1907 : Féminin de Coco, c’est-à-dire jument. C’est aussi un mot d’amitié ; synonyme de poulette.

Cocotter

France, 1907 : Faire la prostituée, la cocotte.

Cocotterie

Delvau, 1864 : Monde galant, — côté des cocottes. Ce mot fait pendant au mot : Bicherie.

V. Sardou engageait amicalement une dame à surveiller les toilettes de la jeune fille de la Famille Benoiton, plus excentrique qu’il ne convient à une honnête bourgeoise.
— Bast ! elle est si jeune et si innocente, ce n’est pas même de la coquetterie.
— Non, répliqua Sardou, mais c’est presque de la cocotterie.

(Figaro, no 1123.)

Delvau, 1866 : s. f. Le monde galant, la basse-cour élégante où gloussent les cocottes.

France, 1907 : Monde galant.

Cocottes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Poules, canards, dindons, etc., — dans l’argot des enfants. Se dit aussi des Poules en papier avec lesquelles ils jouent.

Cocottes (faire des)

Rigaud, 1881 : Se livrer en chantant à des fioritures improvisées.

Cocovieille

France, 1907 : « Nom donné à leurs aînées par le clan des jeunes femmes de l’aristocratie qui marchent en avant des élégances. Les aînées ont répliqué en infligeant aux jeunes femmes le nom de cocosottes. »

(Gustave Fustier, Figaro, 1881)

Cocs (les)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Les dents.

Cocu

d’Hautel, 1808 : Le premier qui entrera sera cocu. Se dit en plaisantant, lorsque deux personnes, dans une conversation, expriment en même temps, presque dans les mêmes termes, la même pensée.
Un vieux cocu. Épithète injurieuse et dérisoire, que l’on donne à un mari cornard, à un homme bizarre et ridicule.
Ce mot n’appartient proprement qu’au style libre et indécent.

Delvau, 1864 : Mari trompé par sa femme, comme Ménélas, comme Sganarelle et Dandin, comme vous et moi, comme des millions d’autres.

Tous les hommes le sont…
— Excepté Couillardin…
Qu’appelle-t-on cocu ? L’homme de qui la femme
Livre non-seulement le corps, mais aussi l’âme,
Partage le plaisir d’ un amant chaleureux,
Le couvre avec bonheur de baisers amoureux,
Fait l’étreinte pour lui, même quand elle est large,
Et, manœuvrant du cul, jouit quand il décharge.

L. Protat. (Serrefesse.)

Un grant tas de commères
Savent bien trouver les manières
De faire leurs maris cocus.

F. Villon.

Apprennez qu’à Paris, ce n’est pas comme à Rome ;
Le cocu gui s’afflige y passe pour un sot,
Et le cocu qui rit pour un fort honnête homme.

La Fontaine.

Le damoiseau, parlant par révérence,
Me fait cocu, madame, avec toute licence.

Molière.

Je vais prier pour les cocus,
Les catins et les philosophes.

Béranger.

Rigaud, 1881 : Mari trompé ; source d’éternelles plaisanteries. Bien que le mot soit absolument français, puisqu’on le trouve dans tous les bons auteurs du XVIIe siècle, chez madame de Sévigné comme chez Molière et chez La Fontaine, qui le tenaient de leurs devanciers, nous n’avons pas hésité à lui donner l’hospitalité dans le but de relever une erreur d’étymologie. Sur l’autorité de Pline, on prétend que le mot cocu répond à une allusion au coucou, lequel est réputé pour toujours pondre dans le nid d’autrui. C’est une erreur. Cocu, qui devrait s’écrire co-cu, est formé de deux syllabes co pour cum. Le cocu est un homme qui a un ou plusieurs coadjuteurs à l’œuvre matrimoniale, un ou plusieurs confrères qui travaillent le même champ, champ désigné par la dernière syllabe du mot. De là cocu. L’art de faire des cocus remonte à l’origine du monde, si loin que le premier homme a été cocu par un serpent. Pourquoi par un serpent ? Parce qu’à ce moment il n’y avait pas un second homme dans l’univers, s’il faut s’en rapporter à la Bible. — M. H. de Kock a écrit l’histoire des Cocus célèbres.

Virmaître, 1894 : Pourquoi diable fait-on dériver cocu de coucou ? Si l’on suivait la véritable étymologie du mot, ce n’est pas le mari, mais bien l’amant qu’on devrait appeler cocu ; en effet, la légende veut que le coucou fasse ses petits dans le nid des autres oiseaux (Argot du peuple).

Qui cinquante ans aura vécu
Et jeune femme épousera,
S’il est galeux se grattera
Avec les ongles d’un cocu.

Cocu en herbe (être)

Delvau, 1864 : Avoir la mine d’un honnête homme prédestiné à être un jour cocufié, s’il ne l’est pas déjà d’avance.

Cocuage

Delvau, 1864 : État du cocu, de l’homme dont la femme baise avec un autre. Cocuage est naturellement des apanages du mariage.

Rabelais.

Quel est l’époux exempt de cocuage ?
Il n’en est point, ou très-peu, je le gage.

La Fontaine.

Dans tous les temps et dans tous les pays du monde, le cocuage rapporte quelque chose.

Pigault-Lebrun.

Rigaud, 1881 : « Le cocuage poursuivi par les lois, réprouvé par la morale, toléré par la bonne compagnie, est si profondément entré dans nos mœurs qu’il est devenu presque une institution. » (Paris un de plus.) Des maris indignes de ce nom n’ont as craint de dire du cocuage, ans un accès de cynisme, qu’il est comme les dents, qui commençent à vous faire soulfrir quand elles poussent, et qui, par la suite, vous aident à manger.

France, 1907 : Conséquence naturelle du mariage et situation dans laquelle se trouvent la plupart des maris. Vieil argot toujours jeune.

D’autant que ce sont les dames qui ont faict la fondation du cocuage, et que ce sont elles qui font les hommes cocus, j’ay voulu mettre ce discours parmy ce livre des dames, encor que je parleray autant des hommes que des femmes. Je sçay bien que j’entreprends une grande œuvre, et que je n’aurois jamais faict si j’en voulois monstrer la fin, car tout le papier de la chambre des comptes de Paris n’en sçauroit comprendre par escrit la moitié de leurs histoires, tant des femmes que des hommes.

(Brantôme, Vies des Dames galantes)

— J’ai souvent médité sur cette phrase d’un mari que l’ingratitude des amants de sa femme a fait souffrir. J’en ai conclu qu’il y a dans le cocuage une secrète douceur, comme soudain la langue se réjouit du sucre déposé au fond d’une tisane amère. C’est pour le mari trompé, encore amoureux, la certitude que l’objet adoré est digne d’hommages. Beaucoup de gens ont besoin de ces confirmations extérieures pour se sentir tout à fait heureux.

(Hugues Le Roux)

Cocufier

Rigaud, 1881 : Tromper son mari, tromper un mari.

On est tellement trompé dans la vie, disait une dame, qu’on ne sait plus à qui se cocufier.

France, 1907 : Tromper son mari.

— Hélas ! ma chère, j’ai, moi aussi, succombé comme bien d’autres… Nous ne sommes pas de bois.
— À qui le dis-tu !
— Comment, toi aussi ?
— Oh ! pas encore…
— Alors ne commence pas… je t’assure que ce n’est pas amusant de cocufier son mari… Je m’en suis repentie presque aussitôt.
— Je vais essayer tout de même, je m’en repentirai après.

(Gil Blas)

— Oh ! toi, s’écria aussitôt Béchu après un clignement d’œil aux amis, on sait bien que tu es un dur à cuire. Mais, mon pauvre vieux, s’il fallait toujours tuer les femmes qui nous cocufient, on m’en finirait pas.

(Camille Lemonnier)

Cocufieur

France, 1907 : L’amant de madame ; celui qui fait le mari cocu.

Coëfre

anon., 1827 : Maître des gueux.

Coenne

France, 1907 : Imbécile, tête dure.

Coenne de lard

Larchey, 1865 : Brosse (Vidocq). — Allusion aux soies qui garnissent la coenne.

Coëre

France, 1907 : Ancien chef des malandrins au XVIe siècle.

Aux dits états généraux on procède, premièrement, à l’élection du grand-coëre ou bien on continue celui d’auparavant, qui doit être un marpeau ayant la majesté comme d’un monarque, ayant un rabat sur les courbes, à tout dix mille pièces diverses colorées et bien cousues, un bras, jambe ou cuisse demi-pourri en apparence, qu’il ferait bien guérir en un jour s’il voulait. Après l’élection, le grand-coëre commande à tous les argotiers nouveaux venus, de se mettre à quatre pieds contre la dure, puis s’assied sur l’un d’eux.

(Le Jargon de l’argot)

Il est curieux de remarquer que, dans la langue d’oc, coëre signifie oiseau de proie, faucon.

Coesre

Halbert, 1849 : Roi de l’argot.

Cœur

d’Hautel, 1808 : À deux mains trois cœurs. Locution adverbiale et populaire, pour dire avec ardeur, avec empressement, de tout cœur.
Mettre du baume de son cœur sur quelque chose. Voy. Baume.
Dîner par cœur. Se passer de dîner ; ce que l’on appelle plus populairement encore, se serrer le ventre.
Un sans-cœur.
Homme lâche et paresseux, sans orgueil, sans amour-propre ; peu délicat sur le point d’honneur, et à qui aucune remontrance ne fait impression.
Il a bon cœur, il garde tout, et ne rend rien. Se dit par raillerie, d’un envahisseur ; d’un homme qui ne rend pas fidèlement ce qu’on lui a prêté.
Mettre le cœur sur le carreau. Rébus populaire qui signifie vomir, après avoir mangé avec excès.
Mettre le cœur au ventre. Animer, exciter quelqu’un ; lui donner du courage.
Faire contre fortune bon cœur. Montrer de la résignation et de la fierté dans des circonstances difficiles.
Il a le cœur haut et la fortune basse. Voyez Bas.
Cela lui ronge le cœur. C’est-à-dire, le chagrine, l’agite, le tourmente, le consume.
Cela lui tient au cœur. Pour, il met une grande importance à cette affaire.
Cela fait mal au cœur. Pour, cela fait pitié ; cause un grand déplaisir.
Se dit aussi d’un ouvrage mal exécuté, fait grossièrement et sans propreté.
On dit d’un homme qui se laisse insulter sans venger son honneur, qu’Il n’a pas de cœur, s’il souffre cela.
Il dit cela de bouche, mais le cœur n’y touche.
Pour, il affecte des sentimens qu’il n’a pas ; il dit le contraire de ce qu’il pense.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, — un muscle creux comme l’autre — Le mot est de Boufflers et au XVIIIe siècle, où la sentimentalité était inconnue, et où il était tout simple, alors, que les femmes eussent le cœur — où les poules ont l’œuf.

Dans ce cœur tendre, aussitôt ce satyre
Enfonce un long… sujet de pleurs.

Béranger.

Dès que cet enfant n’est pas de vous, ma belle nymphe, et qu’avec un cœur neuf, vous m’apportez en mariage des beautés immaculées, pourquoi rougirais-je ?

A. de Nerciat.

Un jour cet amant divin,
Qui mettait l’amour au vin,
Sur le revers d’une tonne
Perça le cœur d’Érigone.

Collé.

Cœur (dîner par)

France, 1907 : Dînér pour mémoire, c’est-à-dire jeûner.

Cœur (joli)

France, 1907 : Bellâtre, coqueluche des dames : l’amant d’Amanda. C’est aussi un mot d’amitié dont se servent les travailleuses de nuit :

— Dites donc, joli cœur, vous ne montez pas… je serai bien gentille.

Ils n’y manquaient pas, les jolis cœurs, vous savez, les commis de magasin, les miroirs à farceuses, qui logent le diable dans leur porte-monnaie et ont, quand même, une cravate fraîche.

(François Coppée, Le Journal)

Faire le joli cœur, prendre des mines, rouler des yeux pâmés, débiter des sornettes pour séduire de naïves jouvencelles. Faire la bouche en cœur, sourire amoureusement.

Dans ce qu’on appelle le beau monde, les femmes qui se détestent le plus ne s’abordent jamais qu’en se faisant la bouche en cœur.

Cœur (par)

La Rue, 1894 : Se passer. Dîner par cœur. Ne pas dîner.

Cœur (valet de)

France, 1907 : Amoureux.

Cœur d’amadou

Rigaud, 1881 : « Prompt à prendre feu au moindre contact, cœur impressionnable que la plus légère étincelle embrase. » (J. Dufiot, Dict. d’amour, 1846.)

Cœur d’artichaut

Delvau, 1866 : s. m. Homme à l’amitié banale ; femme a l’amour vénal, — dans l’argot du peuple. On dit : Il ou Elle a un cœur d’artichaut, il y en a une feuille pour tout le monde.

Rigaud, 1881 : Se dit d’un homme qui aime indistinctement toutes les femmes. (Idem, ibid.) On dit proverbialement : cet homme a un cœur d’artichaut, il en offre une feuille à chaque femme.

La Rue, 1894 : Inconstant. Il y en a une feuille pour tout le monde.

France, 1907 : Homme ou femme qui donne son cœur au premier venu et à tout le monde.

Paillasson, quoi ! cœur d’artichaut,
C’est mon genre ; un’ feuill’ pour tout l’monde ;
Au jour d’aujourd’hui j’gob’ la blonde,
Après-d’main c’est la brun’ qu’i’ m’faut.

(André Gill)

Puis l’artichaut, fier comme un diplomate,
Lorsque mon cœur flambe comme un réchaud,
Sembla me dire, en guignant la tomate,
Qu’un cœur de femme est un cœur d’artichaut.

(René Esse, Langage des légumes)

Cœur sur du carreau (mettre du)

Rigaud, 1881 : Vomir. — Jeu de mots : c’est rendre à force d’efforts son cœur sur le parquet (carreau.)

Cœur sur le carreau (jeter du)

Larchey, 1865 : Vomir. — Ce calembour se trouve déjà dans Le Roux (1718) et dans les Jeux d’esprit de La Châtre.

Cœur sur le carreau (mettre du)

France, 1907 : Vomir ; jeu de mots. On vide sur le carreau ce qu’on à sur le cœur.

Cœur sur le carreau (mettre le)

Virmaître, 1894 : Vomir (Argot du peuple).

Coffier

anon., 1827 : Tuer.

Bras-de-Fer, 1829 : Tuer.

Halbert, 1849 : Tuer.

France, 1907 : Apherése d’escoffier, tuer.

Coffin

Rigaud, 1881 : Table volante pour le travail, — dans le jargon des élèves de l’école polytechnique ; nom donné en souvenir du général Coffinières.

France, 1907 : Sorte de pupitre mouvant dont se servent les polytechniciens. Abréviation de Coffinières, en souvenir du général qui a introduit ce meuble dans l’École. Singulière analogie, coffin, en anglais. signifie boîte, cercueil.

Coffiner

France, 1907 : Faire cuire lentement, mijoter.

Coffiner (se)

France, 1907 : Prendre ses aises, se dorloter.

Coffr

Rigaud, 1881 : Estomac. — Se garnir, se remplir le coffre, manger.

Coffre

d’Hautel, 1808 : Coffres à avoine. Au propre, se dit des chevaux ; et, au figuré, des hommes qui mangent d’une manière extraordinaire.
Si elle n’est pas jolie, elle est belle au coffre. Se dit d’une fille qui n’a que la richesse pour tout apanage.
Raisonner comme un coffre. Faire preuve de peu de jugement.
Rire comme un coffre. Rire à gorge déployée.
Piquer le coffre. Attendre long-temps dans l’antichambre d’un prince, d’un grand ; c’est ce que l’on appelle plus communément planter le piquet.
Il s’y entend comme à faire un coffre. Pour, il n’en a aucune teinture ; il ne connoit rien à ce qu’il entreprend.
Coffre. Pour dire le ventre.
Il a un bon coffre. Pour, il a un ventre à la maître d’hôtel.

Delvau, 1866 : s. m. La poitrine, — dans l’argot du peuple, qui a l’honneur de se rencontrer pour ce mot avec Saint-Simon. Avoir le coffre bon. Se bien porter physiquement.

France, 1907 : Corps, estomac. Avoir bon coffre, être fort, avoir un bon estomac.

Coffre à beurre

Rigaud, 1881 : Tête.

Coffre-fort

Rigaud, 1881 : Voiture cellulaire, — dans le jargon des voleurs ; autrefois panier à salade. En fer comme un coffre-fort, elle coffre fortement les voleurs dirigés sur le dépôt de la préfecture de police.

Coffrer

d’Hautel, 1808 : Pour, incarcérer, emprisonner.
On l’a coffré. Pour, il a été saisi et emprisonné.

Delvau, 1866 : v. a. Emprisonner, — dans l’argot du peuple, qui s’est rencontré pour ce mot avec Voltaire. Se faire coffrer. Se faire arrêter.

Rossignol, 1901 : Mettre en prison. Se faire arrêter, c’est se faire coffrer.

Hayard, 1907 : Emprisonner.

France, 1907 : Emprisonner ; argot populaire.

À Paris, la nuit, dès que vous vous arrêtez quelque part, même si vous n’en pouvez plus, on vous coffre. D’un autre côté, marcher tout le temps ? C’est pas amusant, dans les rues… tous les beaux magasins sont fermés ! Et puis, on vous coffre tout de même. Il n’y a pas moyen de s’en tirer. Tandis qu’à la campagne ! hors Paris… ah ! c’est bien différent ! Voilà donc ce que j’ai imaginé, il y a plus de dix ans. Quand j’ai fait une trop longue saison de Paris, que je suis à bout d’être sans domicile et d’attraper par-ci par-là des bribes de sommeil sur un coin de trottoir ou un bi du bout de banc… je prends mes cliques un beau jour, et je me fais chemineau. Droit devant moi, sans but, sans autre idée que d’avaler des kilomètres.

(Henri Lavedan)

Des couvents ; quand nous en sortons,
Ce n’est pas de notre village
Que nous arrivons, j’en réponds !

Aussi, pour peu que ma déveine
M’affuble d’un enfant plus tard,
Au grand jamais, sois-en certaine,
Je ne cofferrai mon moutard.

(Jacques Redelsperger)

Cognac

France, 1907 : Gendarme, agent de police. On dit aussi cognard et cogne.

Cognac, cognard, cogne

Larchey, 1865 : Gendarme (Vidocq). — Est-ce parce qu’ils cognent les malfaiteurs. V. Cigogne, Raille.

Cognade

Larchey, 1865 : Gendarmerie. V. Garçon.

Delvau, 1866 : s. f. Gendarmerie, — dans l’argot des voleurs, qui ont de fréquentes occasions de se cogner avec les représentants de la loi.

France, 1907 : Gendarmerie.

Cognard

France, 1907 : Même signification que cognac.

Cognasse

France, 1907 : Viande dure et filandreuse ; le contraire de conasse.

Cognat

France, 1907 : Butor.

Cogne

Clémens, 1840 : Gendarme.

M.D., 1844 : Gendarme.

un détenu, 1846 : Gendarme.

Halbert, 1849 : Gendarme.

Delvau, 1866 : s. m. Gendarme. La cogne. La gendarmerie.

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Cognac, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Cognac. — Prendre un petit cogne, histoire de se rincer la dent, prendre un petit verre de cognac, pour se rafraîchir la bouche.

Viens pitancher un verre de cogne !

(Huysmans, Marthe.)

La Rue, 1894 : Gendarme. Agent.

Virmaître, 1894 : Gendarme (Argot des voleurs). V. Hirondelle de potence.

Rossignol, 1901 : Gendarme. On nomme aussi les gardiens de la paix des cognes

Acré (sauvons-nous), v’la les cognes.

Hayard, 1907 : Gendarme.

France, 1907 : Eau-de-vie ; abréviation de cognac. Un noir de trois ronds sans cogne, une tasse de café noir de trois sous sans eau-de-vie.

France, 1907 : Abréviation de cognac et de cognard. Ces trois mots sont dérivés du verbe cogner.

Mais une heure après, ô guignon !
La faridondaine, la faridondou,
Les cognes m’ont mis à l’abri,
Biribi !

(Georges Prud’homme, Rouge et Noir)

Cogne-fêtu

d’Hautel, 1808 : Homme qui se donne beaucoup de peines, et qui n’avance à rien ; égoïste, avaricieux.

Cogne, cognac

Rigaud, 1881 : Agent de police, — dans le jargon des voleurs ; et Cognard, gendarme.

Cognée

d’Hautel, 1808 : Jeter le manche après la cognée. Locution proverbiale qui signifie se laisser décourager par les obstacles ; abandonner une entreprise aux premières difficultés. Signifie s’engager dans une entreprise sans avoir les moyens qui peuvent la faire réussir.

Delvau, 1864 : Le membre viril, avec lequel on fait du bois pour les maris. — On l’a employée aussi pour la nature de la femme.

Ma cognée aujourd’hui fait d’étranges effets,
Quand elle abat du bois, elle en fait venir d’autre.

(Cabinet satyrique.)

Afin que l’un dedans l’autre s’emmanche,
Prends que sois manche, et tu seras coignée.

Rabelais.

Cogner

d’Hautel, 1808 : Battre, frapper, rosser.
Tu te feras cogner. Pour, tu te feras battre, donner sur les oreilles.
Se cogner la tête contre la muraille. Entre prendre une chose impossible, ou pour laquelle on n’a aucune capacité.

Larchey, 1865 : Battre. V. Ça.

Je me cogne quelquefois… On me craint comme le feu dans la Cité.

E. Sue.

Rigaud, 1881 : Donner des coups. — Tais-toi ou je cogne. — Cogner dur, frapper fort.

La Rue, 1894 : Battre. Emprunter. Cognerie, combat.

Rossignol, 1901 : Demander, solliciter. On cogne son patron pour avoir un acompte sur son travail. Un employé cogne à la caisse pour avoir une avance.

Cogner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Échanger des coups de pied et des coups de poing, — dans le même argot [des faubouriens]. Se dit aussi pour : Prendre les armes, descendre dans la rue et faire une émeute.

Rossignol, 1901 : Se battre.

Rossignol, 1901 : Dans un partage, celui qui n’a rien se cogne.

France, 1907 : Se battre ; argot populaire.

Et l’enfant du hideux père,
Lui-même encor plus hideux,
Prit les sous, se nourrit d’eux,
Puis grandit, cœur de vipère,
Et de sa mère aux poils blancs,
Fut le mec, les poings sanglants,
Sanglants à cogner dans elle,
Quand elle ne gagnait pas
Assez pour les trois repas
Dont il gavait sa donzelle.

(Jean Richepin)

Et, lorsque, subitement,
Se produit quelque évén’ment,
I’ s’conduit en imbécile,
L’sergent d’ville,
Ne connaissant plus sa b’sogne,
Il devient plus… diligent :
Sur le journaliste il cogne,
Le parfait agent.

(Blédort)

Hélas ! Les bougres de là-bas avaient remisé leurs gourdins derrière la porte. Cré pétard ! c’était pourtant bougrement plus le moment de cogner que d’applaudir !

(Père Peinard)

Cogner une femme

Delvau, 1864 : La baiser à grands coups de queue sur le ventre, comme les boucs se cognent entre eux.

Une courtisane de Venise avait envie d’être cognée tout son saoul par deux Français de bonne mine.

Tallemant des Réaux.

Cognerie

France, 1907 : Combat.

Cogneur

France, 1907 : Compère du voleur à la tire. Il heurte ou cogne la victime, tandis que son complice fouille ses poches.

Coiffe

d’Hautel, 1808 : Il est triste comme un bonnet de nuit sans coiffe. Pour, il est taciturne, morose, mélancolique ; se dit aussi d’une chose dépourvue d’ornement.

France, 1907 : Nature de la femme.

Coiffé

Virmaître, 1894 : Être né coiffé, avoir de la chance, réussir toutes ses entreprises. Coiffé de quelque chose ou de quelqu’un (Argot du peuple). V. Béguin.

Coiffé (être né)

France, 1907 : Être né heureux, chançard.

Coiffé comme saint Roch

France, 1907 : Coiffé de travers, en casseur d’assiettes, en bourreau des crânes. Cette expression, qui a vieilli, vient de ce que l’on représente généralement saint Roch avec un chapeau retroussé par devant, omme se coffaient, autrefois, les « mauvais garçons », et légèrement inclinée sur l’oreille. On trouve, dans le Poêle crotté de Saint-Amaunt :

Un feustre noir, blanc de vieillesse,
Garny d’un beau cordon de gresse,

Couvrait la hure de la beste,
Trousse par devant en Saint Roch,
Avec une plume de coq.

Coiffer

d’Hautel, 1808 : Il est né coiffé. Se dit d’un homme très-heureux dans ses entreprises, parce qu’on croit communément que ceux qui viennent au monde avec une coiffe ont un destin prospère.
Être coiffé de quelqu’un. En être entiché, infatué ; avoir en lui une confiance aveugle.
Se coiffer le cerveau. Expression bachique ; caresser la bouteille, s’enivrer.

Larchey, 1865 : C’est-à-dire : coiffer de cornes, faire une infidélité conjugale.

Mariez-vous, et par votre compagne, Heureux coiffeur, ne soyez pas coiffé ! ! !

La Bédollière.

Delvau, 1866 : v. a. Trahir son mari, — dans l’argot des bourgeoises.

Delvau, 1866 : v. a. Donner un soufflet, une calotte.

France, 1907 : Trahir son mari, c’est-à-dire le coiffer de cornes.

France, 1907 : Donner un soufflet.

Coiffer (se)

Delvau, 1866 : Se prendre d’amitié ou d’amour pour quelqu’un ou pour quelque chose, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce mot à La Fontaine.

France, 1907 : Se prendre d’affection pour quelqu’un. S’en enticher, devenir amoureux. Avoir un béguin pour une fille ou pour un garçon.

— Si encore ça n’avait été qu’un caprice, qu’une passade ! Mais aller te coiffer de cette morveuse, t’en amouracher comme un collégien, à ton âge ! Et la flanquer enceinte par-dessus le marché ! Oh là là, là là : Es-tu bête, mon pauvre Juvignon !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Coiffer sainte Catherine

Delvau, 1866 : v. a. Rester vieille fille, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Ne pas se marier, rester vieille fille. C’est à partir de vingt-cinq ans que l’on coiffe Sainte Catherine.
Sainte Catherine de Siennes, célèbre par le vœu de chasteté qu’elle fit ou plutôt que des parents imbéciles lui firent contracter dès son enfance, était la patronne des vierges, À Siennes, les jeunes filles avaient coutume de couronner de fleurs la statue de leur patronne : mais, après s’être mariées, elles laissaient à celles qui étaient restées filles le soin de coiffer la sainte. On s’aperçut que quelques-unes des fidèles servantes de sainte Catherine la couronnaient de fleurs plus longtemps qu’elles ne l’eussent elles-mêmes voulu, ce dont les méchantes langues les raillèrent. De là l’expression.
Les Anglais disent dans Le même sens : « porter la branche du saule pleureur » où « conduire des singes en enfer », ce qui, dit Quitard, vient peut-être de la supposition très impertinente que les vieilles filles ne peuvent tenter que des singes.

Coiffer un homme

Delvau, 1864 : Le tromper en faveur d’un autre, moins jeune et plus laid, mais autre, — d’où la coiffure de cornes que l’on connaît.

Moyennant quoi le mari fut coiffé.

Piron.

Cinq minutes plus tard, le duo de Popoli était coiffé de la façon de tout un régiment de hussards.

Pigault-Lebrun.

Mariez-vous, et, par votre compagne,
Heureux coiffeur, ne soyez pas coiffé.

Émile De La Bédollière.

Coin

d’Hautel, 1808 : Il a la mine de demander l’aumône au coin d’un bois. Pour dire sa mine et sa tournure n’annoncent rien de bon.
Il tient bien son coin dans une société. Pour, il n’est pas embarrassé de sa personne ; il sort de pair.
Faire coin du même bois. Employer une partie de la chose à la confection de l’autre partie.

Coin du feu

France, 1907 : On appelle ainsi un veston de chambre que portent les hommes.

Coin sans i

Rigaud, 1881 : Imbécile. — D’autres ne prononcent même pas l’i.

Espèce de c… bête comme un c.

Coin sans i (c’est un)

France, 1907 : Imbécile.

Coing

d’Hautel, 1808 : Fruit du Cognassier
Jaune comme un coing. Se dit d’une personne qui a le teint jaune et bilieux.

Coinsto

Hayard, 1907 : Abri.

Coion

France, 1907 : Poltron. Voir couillon.

Coïon

d’Hautel, 1808 : Terme grivois, diminutif de coi, (tranquille) qui signifie un farceur, un faiseur de mauvaises plaisanterie : dans la bouche du peuple il prend une acception grossière et injurieuse, et équivaut à poltron, lâche ; homme sans énergie, sans vigueur.

Coïonnade

d’Hautel, 1808 : Raillerie, gausse, mensonge, conte fait à plaisir.

Coïonner

d’Hautel, 1808 : Railler, berner, persiffler quelqu’un ; se divertir à ses dépens.

Coïonnerie

d’Hautel, 1808 : Dire des coïonneries. Tenir des discours grivois et facétieux. Le vulgaire, en faisant usage de ces mots, prononce couillon, couillonnade, couillonner, couillonnerie.

Coire

Halbert, 1849 : Ferme ou métairie.

Delvau, 1866 : s. f. Ferme, métairie, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Ferme. Chef de bande.

Virmaître, 1894 : Ferme ou métairie (Argot des voleurs).

France, 1907 : Ferme où métairie.

France, 1907 : Chef. Corruption de coëre.

— Je rencontrai des camarades qui avaient aussi fait leur temps ou cassé leur ficelle. Leur coire me proposa d’être des leurs ; on faisait la grande soulasse sur le trimar.

(Victor Hugo)

Coït

Delvau, 1864 : L’acte vénérien.

Union charnelle des deux sexes. C’est la volupté qui mène à la génération. (En langage familier, on dit BAISER (voir ce mot.) Quand la femme s’est placée dans le lit conjugal, elle se met sur le dos et écarte les cuisses. Le mari la couvre alors de son corps et, aidé par la main de sa femme, introduit l’instrument de plaisir dans l’asile qui lui est destiné. Elle referme alors légèrement les cuisses, et enlace son mari de ses jambes. Il colle sa bouche sur la sienne, et commence avec les reins ce mouvement de va-et-vient qui produit le plaisir mutuel. La femme n’a plus alors qu’à se laisser aller à la volupté, et à répondre aux baisers qu’elle reçoit. Tantôt, nonchalante et paresseuse, elle laisse agir l’homme, sans faire d’autre mouvement que celui de deux bouches qui s’unissent ; tantôt adoptant le rôle actif, elle fait onduler ses reins, en enfonçant dans le con, à chaque va-et-vient, la vigoureuse queue qu’elle tient entre ses cuisses. Ses lèvres roses pressent avidement celles de son époux. Sa langue s’enlace à la sienne ; ses seins tout rouges de baisers aplatissent leur courbe gracieuse sur sa poitrine, tant ses aras le serrent avec force. Son petit pied le talonne comme pour l’aiguillonner. De temps en temps elle se pâme en poussant de petits cris de plaisir ; ses reins souples interrompent leurs voluptueuses ondulations, et elle demeure quelques instants immobile, savourant les coups précipités du vit furieux, et les jets de la liqueur de feu dont il inonde le temple de l’Amour.
« C’est alors que se produit le coït, la volupté la plus naturelle à l’espace humaine, et qui est pour elle non-seulement un besoin, mais un devoir imposé par la Providence divine… » Ne vous livrez pas au coït, ni à toute autre volupté après avoir mangé : attendez que la digestion soit faite.

Comtesse De N*** (Vade mecum des femmes mariées.)

Ces jours à jamais effacés,
J’y pense ;
Où sont-nos coïts insensés,
Passés ?

(Parnasse satyrique.)

Coivette

France, 1907 : Couteau.

Col (se pousser du)

Larchey, 1865 : Se faire valoir. Passer la main sous le menton en renversant la tête est un geste de présomptueux.

Toi qui te poussais tant du col, Nous t’avons pris Sébastopol.

Remy, Chanson, 1856.

Rigaud, 1881 : Porter un col de chemise haut, bien blanc et bien empesé. — Au figuré, c’est énumérer les qualités qu’on croit avoir, c’est les faire ressortir comme si on les exhibait du col de la chemise que la main tire en haut.

France, 1907 : Se faire valoir, se vanter.

Col cassé

Delvau, 1866 : s. m. Gandin, — jeune homme à la mode. Argot des faubouriens.

Col de zing

Fustier, 1889 : Qualificatif qu’avaient reçu il y a deux ans les jeunes élégants. Le mot n’a pas vécu.

Gaston de Chauvigné, un de nos cols-de-zing les plus affirmés…

(Charivari, avril 1887.)

Col-cassé

France, 1907 : Gommeux, petit jeune homme ridicule.

Le joli Parisien, œil en coulisse et bouche en cœur, s’arrangea de façon à être placé à table près de sa cousine, dont la fraîcheur et les avant-scènes le faisaient constamment loucher. On mit le curé de l’autre côté. Elle était bien flanquée, ma foi ! Le curé, solide gaillard et superbe luron, tentait fort les filles du village et, certes, pour les bonnes bouches et surtout pour la grosse cousine, il valait mieux que le mièvre col-cassé.

(Les Propos du Commandeur)

Cola

un détenu, 1846 : Cou.

Colabre

France, 1907 : Cou ; argot des voleurs, qui disent aussi colas et colin.

Colabre, colas

Rigaud, 1881 : Cou. Rafraîchir colas, guillotiner. — Aller faire rafraîchir colas, sortir de prison pour monter sur l’échafaud.

La Rue, 1894 : Cou. Faire bailler le colas, couper le cou.

Colas

d’Hautel, 1808 : Un grand Colas. Terme de raillerie qui a la même signification que grand dadais, nigaud, badaud, homme d’une extrême simplicité d’esprit.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Le cou. Faire suer le colas, égorger, couper le cou.

Halbert, 1849 : Le cou.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, ou seulement homme timide, — dans l’argot du peuple, qui aime les gens dégourdis. Grand Colas. Nigaud, qui a laissé échapper une bonne fortune.

Delvau, 1866 : s. m. Cou, — dans le même argot [des voleurs]. Faucher le colas. Couper le cou. On dit aussi le colin.

France, 1907 : Niais, benêt de village. Faire bailler le colas, couper la gorge. Allusion soit au cou, soit au mot Colas, la victime étant, aux yeux de l’assassin, toujours un niais, c’est-à-dire un pante.

Colas, colin

Larchey, 1865 : (Vidocq) — diminutif de col. — faucher le colas, couper le cou.

Colasse (le)

M.D., 1844 : Le cou.

Colbace

Virmaître, 1894 : Conscrit. C’est une erreur d’écrire colbasse pas plus que colback. Ce mot est employé par les vieux briscards qui n’aiment pas les bleus. Il l’est également par les anciens marlous pour désigner les jeunes souteneurs inexpérimentés (Argot des souteneurs).

Colbach

Merlin, 1888 : Conscrit, — du turc kalback, espèce de coiffure.

Colback

Larchey, 1865 : Conscrit. — Comparaison de sa chevelure, qui n’est pas encore taillée militairement, au bonnet à poil dit colback.

Delvau, 1866 : s. m. Conscrit, — dans l’argot des vieux troupiers, pleins de mépris pour les débutants.

France, 1907 : Conscrit.

Comparaison, dit Lorédan Larchey, de sa chevelure, qui n’est pas encore taillée militairement, au bonnet à poil, dit colback, porté autrefois dans la cavalerie légère.

Colbas

France, 1907 : Chambre.

Cold-cream

France, 1907 : Pâte de toilette, anglicisme ; littéralement : crème froide.

À fleur de peau ton sang courait,
Mais de la rose qui se fane
Soudain au cold-cream diaphane
Ta chair prit le dolent attrait.

(Théodore Hannon, Rimes de joie)

Colère

d’Hautel, 1808 : La colère du Père Duchêne. Rage vaine et impuissante ; courroux dérisoire dont on n’a rien à redouter. Voyez Duchêne.

Coléreux, coléreuse

d’Hautel, 1808 : Celui ou celle qui se laisse emporter par la colère : ce barbarisme est très-usité à Paris ; il est fort commun, d’entendre dire : Cet homme est coléreux ; cette femme est coléreuse, au lieu de dire colère pour les deux genres.

Colifichet

Merlin, 1888 : Pain de munition sec.

Virmaître, 1894 : Pain (Argot des voleurs), V. Bricheton.

France, 1907 : Pain.

Colignon

Rossignol, 1901 : On appelle ainsi les cochers de fiacre. Colignon est le nom d’un cocher condamné pour assassinat à une époque assez éloignée.

Colin

France, 1907 : Amoureux comique et villageois des anciennes opérettes.

Colin-maillard (jeu de)

France, 1907 : Jean Colin Maillard était un chevalier du pays de Liège qui vivait vers la fin du Xe siècle. Doué d’une force herculéenne, il avait coutume de se battre avec un énorme maillet ou maillard ; de là son surnom. Ayant eu les deux yeux crevés dans une bataille contre le comte de Louvain, il continua de combattre, frappant à l’aventure sur l’ennemi.
C’est à cette particularité dramatique qu’on fait remonter l’origine de ce jeu si cher aux enfants petits et grands.

Les yeux bandés, le bras tendu,
Colin-maillard court à la ronde,
À la ronde il court éperdu,
Au grand plaisir du petit monde,

Quand il croit surprendre une main,
Sur un croc-en-jambe il trébuche ;
Et nigaud, d’embûche en embûche,
Mesure en chutes son chemin.

Et c’est le monde, et c’est la vie :
Le jeu d’enfants que chaque
jour Nous revoyons avec envie,
Nous le rejouons dans l’amour.

(Albert Gros)

… Ce qui est plus extraordinaire, c’est le jeu de colin-maillard qu’on joue ensuite après être passé au salon, quand portes et fenêtres sont bien closes et gens de maison partis. Le sort désigne d’abord celui qui, les veux bandés, doit prendre un camarade ou une amie.
Dès qu’il tient une victime, sa main ne doit la reconnaître qu’à ce signe particulier qui, jusqu’a ce jour, ne nous avait paru appelé qu’à distinguer les sexes. Mais, pour diminuer les difficultés, il a le droit de pousser aussi loin qu’il le juge nécessaire ses précieuses investigations.

(Gil Blas)

Colin-Tampon

d’Hautel, 1808 : Mot baroque et plaisant qui signifie baliverne, sornette, fadaise, niaiserie, pauvreté.
Je m’en soucie comme de Colin-Tampon. Pour, cette chose m’est absolument indifférente, ne m’importe nullement ; je me moque de tout ce qui peut en arriver. Ce mot adressé à quelqu’un devient un sobriquet injurieux

Colin-tampon (s’en moquer comme de)

France, 1907 : N’avoir pas le moindre souci d’une personne ou d’une chose.
Colin-tampon était le sobriquet donné aux élèves tambours des régiments suisses au service de la, France, et pour lesquels les soldats des autres régiments professaient un grand mépris.
Dans les Courriers de la Fronde en vers burlesques, on lit :

Les gardes qu’on avait postées
Sur le Pont-Neuf sont tapotées ;
Et dessus tous les autres ponts
On frotte les colins-tampons.

On dit aussi : s’en moquer comme de l’an quarante, sous-entendu : de la République, expression employée par les royalistes pour signifier que l’on ne verrait jamais l’an quarante de la République.
Claude Le Petit, dans Paris ridicule, appelle Colin-Tampon le Luxembourg.

Donnons des éloges idoines
Au noble Palais d’Orléans,
Colin-Tampon, Dieu soit céans,
Et le diable chez tous les moines !
Quand j’admire solidement
Cet admirable bâtiment
Qui semble au Louvre faire niche,
Je dis : Est-il possible enfin
Que celle qui l’a fait si riche
Soit morte, à Cologne, de faim ?

Allusion à Marie de Médicis, qu’une tradition erronée fait mourir dans la misère à Cologne.

Colique

d’Hautel, 1808 : Aimer quelqu’un comme la colique. Voyez Aimer.

Colis

Virmaître, 1894 : Les courtiers ou placeurs qui racolent les femmes sur la voie publique pour les expédier dans les maisons de tolérance ; nomment les femmes des colis :
— J’ai à vous expédier un colis de 50 kilos (Argot des souteneurs). N.

Rossignol, 1901 : Chose embarrassante. Votre belle-mère est parfois un colis qu’il faut emmener promener. Un placeur pour pensionnaires de maisons de tolérance, lorsqu’il expédie une femme, l’appelle un colis. Un agent de la sûreté qui arrête un assassin en province télégraphie à son chef : colis en gare ; s’il mettait« assassin arrêté » la dépêche serait interceptée, envoyée au ministère de l’intérieur, de là au préfet de police et ensuite au chef de la sureté qui, devant être le premier avisé, serait le dernier.

France, 1907 : « Les courtiers ou placeurs qui racolent les Femmes sur la voie publique, pour les expédier dans les maisons de tolérances, nomment les femmes des colis :
— J’ai à vous expédier un colis de 50 kilos. »

(Ch. Virmaître)

Collabo

France, 1907 : Collaborateur.

X… vient de faire jouer, en collaboration avec Z…, une pièce qui n’a obtenu qu’un demi-succés.
— Quelle a été, dans cette pièce, la part de votre collaborateur ? denvande-t-on à X…
— Nous avons eu part égale, répond X… Moi, j’ai été le collabo, et Z…, le rateur.

Rabier et Jacquemart,
Deux bons parlementaires,
Sont de notre canard
Callabos ordinaires.
L’docteur Avold, ici,
Vous tir’ sa révérence.
Sans omettre Hector France
Qui vous salue aussi.

(Henri Buguet, La Nation)

Collage

Larchey, 1865 : Liaison galante de longue durée.

Delvau, 1866 : s. m. Union morganatique, — dans l’argot du peuple, qui sait que ces mariages-là durent souvent plus longtemps que les autres.

Rigaud, 1881 : Union illégitime de vieille date.

La Rue, 1894 : Union illégitime.

France, 1907 : Union à laquelle ni le curé ni le maire n’ont donné leur approbation.

L’une après l’autre — en camarade —
C’est rupin, mais l’collage, bon Dieu !
Toujours la mêm’ chauffeus’ de pieu !
M’en parlez pas ! Ça m’rend malade.

(Gill, La Muse à Bibi)

Ce qui tend à confirmer ce que dit le docteur Grégoire, que le collage n’existe, généralement, qu’entre personnes qui s’exècrent, ou dont l’une elles « sait où est le cadavre ».

Il faut distinguer en effet entre le collage, dont l’étude nous a valu quelques pages triviales et basses d’une puante et banale réalité, et l’union libre que Michelet salue avec émotion.

(Edmond Deschaumes)

Bourgeoises, elles suivent le train, dévorent les journaux, se font raconter par leurs frères leurs maris ou leurs fils les collages célèbre, vont aux premières, déshabillent les maillots, vous demandent ce que vous en savez et vous disent ce qu’elles en pensent.

(Montjoyeux, Gil Blas)

On dit qu’il y a à Paris plus de cent mille collages.

— Non, je la trouve mauvaise ! Un collage ? je n’en veux pas. Ah ! si j’avais pu me douter que j’en arriverais là, c’est moi qui l’aurais laissée tranquillement dormir seule, la belle enfant ! Pourquoi pas me marier tout de suite, alors ? À mon âge ? Il ne manquerait plus qu’un moutard, maintenant. Un plongeon, quoi !

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

Collage d’argent

France, 1907 : Union libre où l’amour n’est pas en jeu.

Collant

Larchey, 1865 : Dont on ne peut se débarrasser.

Nous sommes rabibochés. C’est une femme collante.

L. de Neuville.

Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, — dans l’argot des petites dames, qui n’aiment pas les gens qui ont l’air de les trop aimer.

Rigaud, 1881 : Pantalon collant. Le collant a contribué au succès de bien des acteurs auprès des femmes sensibles qui jugent du fond sur la forme.

Est-ce là, oui ou non, le triomphe du fascinateur des femmes, la véritable ovation de l’homme qui a su exploiter à son profit le fanatisme du beau sexe pour le collant ?

(Paris-Faublas.)

Merlin, 1888 : Caleçon.

France, 1907 : Pantalon.

Plus il y a les cocottes, sur lesquelles on dit des horreurs ; il paraît que ce sont des personnes très inconvenantes. On en a vu qui se faisaient payer les petits chevaux par un monsieur, et quand elles vont se baigner, elles mettent des collants !

(Gil Blas)

On ne l’avait jamais vue que vêtue de deuil, — ce deuil qui seyait si bien à ses flavescentes torsades et à la mate blancheur de son teint ; — en corsage tout uni, moulant à ravir, comme un collant, sa plantureuse et débordante poitrine.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

France, 1907 : Amoureux ou individu gênant, difficile à éconduire. On dit dans le même sens : une maîtresse, une femme collante.

Collant, collante

Rigaud, 1881 : Homme, femme dont on ne peut se débarrasser facilement, qui s’attache à vous comme de la colle. — Dans l’antiquité, Phèdre a été un beau modèle de femme collante.

Collante (appliquer une)

France, 1907 : Sorte de filouterie au jeu, expliquée ainsi dans le Monde où l’on triche, d’Hogier-Grison :

Méfiez-vous d’un banquier qui, ayant dit : Il y a une « suites » ! se lève et laisse sa poignée de cartes devant lui, face au tapis, sans la remettre contre le « marbre ». Il se peut que ce soit un joueur honnête, mais il se peut que ce soit un complice du joueur qui prend, qui voit la « suite ». Lorsque les jeux sont faits, que les enjeux lui conviennent, il prend la place du banquier, et, prenant les cartes laissées par son devancier, il y applique une douzaine de cartes préparées, dissimulées dans sa main ! Cela se nomme : appliquer une collante.

Collardé

Rigaud, 1881 : Prisonnier ; c’est une variante de collé. Mastroque des collardês, cantine de prison.

France, 1907 : Prisonnier.

Collationner les textes

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Vénus, — dans le jargon des savants.

Colle

d’Hautel, 1808 : Bourde, mensonge, gasconnade faux-fuyant ; tout ce qui s’écarte de la vraisemblance et de la vérité.
Donner une colle. Faire des contes ; se tirer d’une mauvaise affaire par quelque subterfuge

Delvau, 1864 : Le sperme, liquide visqueux qui sert de ciment romain pour édifier des mariages — souvent peu édifiants.

Con qui va distillant une moiteuse colle.

(Cabinet satyrique.)

Mais c’machin s’change en lavette,
Grâce au pouvoir d’la vertu,
Et j’m’en tire quitte et nette
Avec un peu d’colle au cul.

(Parnasse satyrique du XIXe siècle.)

Larchey, 1865 : Mensonge. — Nous trouvons dans la Juliade (1651) :

Pour mieux duper les amoureux, Être adroit à ficher la colle.

Les coquillards de Dijon disaient dès 1455 : faire la colle, pour feindre.

Larchey, 1865 : Examen préparatoire.

On est toujours tangent à la colle.

La Bédollière.

Delvau, 1866 : s. f. Mensonge, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. f. Examen préparatoire à un examen véritable, — dans l’argot des Polytechniciens. Être tangent à une colle. Être menacé d’un simulacre d’examen.

Rigaud, 1881 : Mensonge. Au XVIIe siècle, on disait ficher la colle pour conter des mensonges. On dit aujourd’hui ficher une colle.

Rigaud, 1881 : Examen préparatoire, — dans le jargon des écoles.

La Rue, 1894 : Mensonge, bourde, invention. Circonstance atténuante. Punition, Concubinage. Question posée à un candidat pour l’embarrasser.

Virmaître, 1894 : Mensonge. Synonyme de craque.
— Tu penses que l’on ne croit pas à tes craques (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mensonge.

Hayard, 1907 : Mensonge ; (ça) ça va bien.

France, 1907 : Punition.

La religion de l’amitié ?
Cicéron, dont M. Joseph Reinach a chaussé les cothurnes, a écrit un traité là-dessus. J’en ai gardé un mauvais souvenir de ce traité-là. Ce qu’il m’a valu de pensums et le colles de sorties ! Malgré tout, je l’ai profondément admiré.

(La Nation)

France, 1907 : Mensonge. Les politiciens vivent de leurs colles et l’on peut leur appliquer à tous ces vers de Jules Jouy :

Quoi qu’il dise, quoi qu’il promette,
Fumist’, telle est sa profession ;
Sa d’vise : « Ot’-toi d’là que j’m’y mette ! »
L’but qu’il poursuit : son ambition.
Ses phrases, de promess’s peu chiches,
Me font rir’ comm’ plusieurs bossus.
Moi, v’là c’que j’pens’ de ses afiches :
D’la coll’ dessous, des coll’s dessus.

France, 1907 : Examen préparatoire, appelé ainsi parce que le colleur cherche à coller, c’est-à-dire embarrasser l’élève. On dit dans ce sens : pousser une colle, poser une question embarrassante.

Bien avant d’entrer dans l’école,
Pauvres potaches opprimés,
Fallait déjà passer en colle,
Travailler des cours imprimés.

Collé (être)

Delvau, 1866 : Ne plus savoir quoi répondre ; être interdit, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Vivre maritalement avec une femme sans avoir passé par la mairie (Argot du peuple).

France, 1907 : Rester interdit ou être pris sur le fait.

Un des mérites les plus saillants de l’écolier, c’est l’effronterie : au moyen de cette précieuse qualité, il dément sans rougir une accusation, lors même qu’il est collé en flagrant délit : « Vous causez, monsieur ! » Il interrompt la phrase commencée avec son voisin et répond avec énergie un non où l’expression d’un étonnement hypocrite se mêle à l’accent de l’innocence injustement soupçonnée.

(Henri Rolland, L’Écolier)

Se dit aussi de l’union libre appelée collage.

— Enfin, madame, elle ne vaut pas mieux que les autres, vous êtes bien forcée d’en convenir ! Pas plus tard qu’hier, on me racontait qu’elle est collée avec un vieux.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Collé (être) à un examen

Virmaître, 1894 : Avoir sa bille au billard, collée sous bande. Être collé : être pris en flagrant délit de mensonge (Argot du peuple).

Collé un gosse (avoir)

Rigaud, 1881 : Dans le jargon des voyous, — c’est avoir rendu une femme enceinte.

Collectivisme

France, 1907 : Société dans laquelle les travailleurs organisés produiraient et consommeraient d’après les règles ou usages établis par la collectivité et où l’argent serait remplacé par des bons de travail. C’est l’école de Karl Marx, de Lafargue, de Jules Guesde, et, en Allemagne, celle de Bebel et de Liebknecht.
Les collectivistes espèrent arriver, comme moyen d’action, par le suffrage universel à la conquête des pouvoirs publics et amener ainsi la révolution sociale.

Collecto

France, 1907 : Collectiviste.

— Heu ! heu ! J’étais pour la Sociale… Je ne savais pas trop au juste comment : pourvu qu’on fasse la guerre aux richards, je marchais, nom de Dieu ! Des fois même je me disais : « Les collectos ont raison ;» d’autres fois, je penchais pour les anarchos… Un moment j’en ai bougrement pincé pour Guesde et Joffrin… ah ! foutre ! je suis vieux, mais quand je pense à ma putaine de vie, mille bombes ! j’en reviens pas ! Me suis-je foutu des fois et des fois au cul d’un bonhomme !

(Père Peinard)

Collège

Larchey, 1865 : Prison. — Collégien : Prisonnier (Vidocq). — Ces mots ont dû être inventés par un malfaiteur qui avait reçu de l’éducation.

Delvau, 1866 : s. m. La prison, — dans l’argot des voleurs, qui y font en effet leur éducation et en sortent plus forts qu’ils n’y sont entrés. Collèges de Pantin. Prisons de Paris. Les Anglais ont la même expression : City college, disent-ils à propos de Newgate.

Rigaud, 1881 : L’ancien bagne, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : L’ancien bagne ; la prison.

Virmaître, 1894 : Prison. Cette expression est d’une grande justesse ; c’est en effet en prison que les voleurs se perfectionnent dans leur art et que nos grands financiers du jour apprennent à ne plus se faire repincer (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Prison.

Hayard, 1907 : Prison.

France, 1907 : Prison. Les deux se ressemblent en effet, sous plus d’un point, et l’on y rencontre les mêmes vices.

— C’est vrai, dit Salomon surpris, je vois que tu l’as connu… Mais, mon vieux, tu peux aller à présent, si tu remets la main dessus, essayer de lui rappeler les souvenirs de collège, il t’enverra au bain en disant, en prouvant, s’il le faut, qu’il n’a jamais eu de cœur, jamais eu de femme ni d’Émélie sur la poitrine… Ça te la coupera, hein ?

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Collégien

Delvau, 1866 : s. m. Prisonnier.

France, 1907 : Prisonnier.

Coller

Larchey, 1865 : Prendre en défaut.

Voilà une conclusion qui vous démonte. — Me prêtes-tu 500 fr. si je te colle ?

E. Auger.

Larchey, 1865 : Jeter. V. Clou.

On l’a collé au dépôt, envoyé à la Préfecture de police. — V. Colle.

Monselet.

Pas un zigue, mêm’un gogo, Qui lui colle un monaco.

Léonard, Parodie, 1863.

Larchey, 1865 : Examiner. — Colleur : Répétiteur chargé d’examiner.

Un colleur à parler m’engage.

Souvenirs de Saint-Cyr.

Delvau, 1866 : v. a. Mettre, placer, envoyer, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : v. a. Donner, — dans l’argot des faubouriens, qui collent souvent des soumets sans se douter que le verbe colaphizo (χολάπτω) signifie exactement la même chose. Se coller. S’approprier quelque chose.

Rigaud, 1881 : Raconter ; coller des blagues, raconter des mensonges.

Rigaud, 1881 : Mettre ; coller au bloc, mettre en prison. Coller son ognon au clou, mettre sa montre au Mont-de-Piété.

Rigaud, 1881 : Donner ; coller une danse, donner des coups. Coller du carme, donner de l’argent. Coller un paing, donner un soufflet.

Rigaud, 1881 : Dans une controverse, c’est embarrasser son interlocuteur jusqu’au mutisme. — Dans un examen scolaire, c’est convaincre un élève d’ignorance. — Coller sous bande, mettre dans un grand embarras ; expression empruntée aux joueurs de billard.

Rigaud, 1881 : Confisquer, — dans le jargon des collégiens.

Le pion m’a collé ma traduction d’Homère.

(Albanès.)

Mettre en retenue, — dans le même jargon. — Je suis collé pour dimanche.

La Rue, 1894 : Mettre, poser, placer. Interloquer. Réduire au silence. Appliquer ; Coller un pain, donner un soufflet.

France, 1907 : Pousser, jeter rudement.

L’unique garçon, suant comme un cheval de maître après un long trait de galop, se démène pour arriver à servir tout le monde à cette heure où la saoulerie bat son plein. Malheur à qui lui barre le passage ! d’un coup de coude ou d’une poussée d’épaule il le colle contre le mur, quand il ne l’envoie pas s’asseoir brusquement sur la poitrine d’une ivrognesse.

(G. Macé, Un Joli monde)

France, 1907 : Examiner. Ce mot s’emploie dans un grand nombre de significations différentes. Se faire coller, ne pouvoir répondre aux questions d’un professeur on d’un examinateur. Argot des écoliers.

France, 1907 : Donner, mettre.

— C’est une sale rosse, vous savez ? C’est elle qui a débauché la petite Lemeslier.
— M’étonne pas ! Je les voyais toujours ensemble.
— Elle lui avait collé un ami de son type.
— Joli cadeau.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Coller an clou, mettre au mont-de-piété ; — au bloc, mettre en prison ; — des châtaignes, donner des coups ; — dans le pieu, mettre au lit ; — une biture, enivrer ; — dans le cornet ou dans de fusil, manger ou boire ; — dans la coloquinte, mettre dans la tête ; — un pain, donner un coup de poing.

Les p’tites gigolettes
Raffol’nt de types rupins :
Messieurs d’la Rouflaquette
Qui savent coller des pains.

(Léo Lelièvre, Les Gigolos parisiens)

Tybalt — Dis donc, Roméo, parait que tu fais de l’œil à ma cousine ?
Roméo — Et puis après ?
Tybalt — Fais pas le malin ou je te colle un pain.

(Le Théâtre libre)

Coller sous bande, aplatir quelqu’un, soit en actes, soit en paroles.

Coller (s’en)

France, 1907 : Dépenser. « Je m’en suis collé pour vingt francs. »

Coller (se faire)

Delvau, 1866 : Se faire refuser aux examens, — dans l’argot des étudiants.

France, 1907 : Recevoir un échec, ne pouvoir répondre aux questions posées.

Gaston, qui se soumettait religieusement aux observations de sa mère, quand il y avait danger de fatiguer sa cervelle, ne montrait plus la même docilité quand la fatigue devait porter sur ses bras ou sur ses jambes : à quinze ans, il montait les chevaux les plus vifs, et à dix-huit son maître d’armes était fier de lui : il est vrai que, par contre, à dix-neuf, il se faisait coller trois fois au baccalauréat, et qu’à vingt son examen pour le volontariat était tout juste suffisant.

(Hector Malot, Zyte)

Coller (se)

Delvau, 1864 : S’unir charnellement, au moyen de la « moiteuse colle » que vous savez. — Cette expression, qui s’applique spécialement aux chiens, lesquels, après le coït, se trouvent soudés mutuellement, cul à cul, à la grand-joie des polissons et au grand scandale des bégueules, cette expression est passée dans le langage courant moderne pour désigner l’union illicite d’un homme et d’une femme. Que de gens croyaient ne s’être rencontrés que pour se quitter, qui sont restés collés toute leur vie !

Delvau, 1866 : v. réfl. Se placer quelque part et n’en pas bouger.

Delvau, 1866 : v. réfl. Se lier trop facilement ; foire commerce d’amitié avec des gens qui n’y sont pas disposés.

Rigaud, 1881 : Arriver à vivre en état de concubinage.

Rigaud, 1881 : Absorber, avaler.

J’ai pris du Tokai… à six francs la bouteille : je m’en suis collé deux.

(E. Labiche et Ph. Gille, Les Trente millions de Gladiator.)

Colle-toi ça dans le fusil.

(V. Hugo.)

France, 1907 : S’unir librement.

Maintenant, ses parents étaient partis loin de Paris, l’épicier ayant mis la clé sous la porte, et Solange vivait maritalement avec Camille. Le lis, en perdant sa pureté, avait en même temps perdu sa position de « première ». Le moyen, en effet, d’aller travailler chaque matin, lorsqu’on s’est collée avec un gaillard faisant de la nuit le jour ?

(Paul Alexis)

Coller sous bande

Larchey, 1865 : (v. bande)

C’est fini, ils sont collés sous bande.

Robquin, Chansons.

Delvau, 1866 : v. a. Châtier un impertinent ; river son clou à un farceur ; tromper un trompeur ; sortir victorieux d’un pugilat de paroles.

Coller un pain

Delvau, 1866 : v. a. Appliquer un soufflet ou un coup de poing sur la figure de quelqu’un. — Argot des faubouriens.

Coller un rassis (se)

Rigaud, 1881 : Faire de la peine au docteur Tissot, — dans le jargon des collégiens.

Coller une blague

France, 1907 : Mentir, inventer.

Resté seul, Edmond est perplexe. Mauvaise affaire. S’endormir ainsi. Il s’appelle animal, idiot, crétin. Pauvre petite ! Que va-t-il lui arriver ? Et n’y pouvoir rien ! La garder jusqu’au lendemain ? L’accompagner ? Moyens d’aggraver la chose. Enfin, elle trouvera peut-être quelque blague à coller à son papa. Et comme ça ne sert à rien qu’il reste en chemise, jambes nues, en face de son lit, il se recouche et souffle sa bougie.

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

Coller une douce (se)

Delvau, 1864 : Se masturber — ce qui est une bien douce chose tout de même.

… J’ai beau tous les jours me coller une douce,
Dans mes rêves ton con m’agace et me poursuit.

Louis Protat.

Fustier, 1889 : Se masturber. Rigaud dit : Se coller un rassis.

France, 1907 : Se livrer au péché d’Onan. On dit aussi : se coller un rassis.

Collet

d’Hautel, 1808 : On dit d’une personne dont l’humeur est difficile, bizarre et opiniâtre : qu’elle est un peu collet monté.
Se prendre au collet. Se disputer, se chamailler, en venir aux mains.

Colleter

La Rue, 1894 : Courir. Se colleter, se battre.

Colletin

Clémens, 1840 : Fort des halles.

Larchey, 1865 : Force (Vidocq). — Vient de Colleter.

France, 1907 : Force. Fort de la Halle, du collet de cuir de ce nom que mettent les forts de la Halle pour porter leur fardeau. On orthographie aussi coltin.

Colletiner

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Arrêter.

Fustier, 1889 : A aussi, dans le peuple, le sens plus étendu de porter un fardeau quelconque.

France, 1907 : Faire le portefaix.

— Est-ce que tu vas me proposer de colletiner sur le port de la Villette ?
— Non.
— Sur le port de Bercy ?
— Non.
Colo essaya de deviner.
— Ne cherche pas, reprit Vidocq, je t’offre de faire partie de la police.

(Marc Mario et Louis Launay)

France, 1907 : Arrêter, saisir, appréhender.

Colleur

Delvau, 1866 : s. m. Menteur.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui se lie trop facilement ; importun bavard qui, une fois qu’il vous tient, ne vous lâche plus. On dit plutôt : Collant.

Delvau, 1866 : s. m. Examinateur — dans l’argot des Polytechniciens.

Rigaud, 1881 : Examinateur dans une institution.

France, 1907 : Professeur chargé d’examiner les candidats à un examen et de leur poser des questions difficiles.
Toutes les fabriques de « bachots », le triomphe de la fumisterie de l’éducation moderne, ont leur colleur.

France, 1907 : Menteur, se dit aussi d’un homme bavard et gênant.

Collier

d’Hautel, 1808 : Donner un coup de collier, un bon coup de collier à un ouvrage. Signifie y travailler avec ardeur ; le pousser, le mettre presqu’à sa fin.
Reprendre ou quitter le collier de misère. C’est reprendre ou quitter un travail pénible et journalier.
On dit d’un homme qui sert avec chaleur ses amis : qu’il est franc du collier.
Être franc du collier.
Procéder franchement et loyalement en toute chose.
Un chien au grand collier. Au figuré, celui qui a le plus d’autorité dans une maison, qui y fait la pluie et le beau temps.

Rigaud, 1881 : Cravate. Le collier de chanvre désignait autrefois la corde de justice.

France, 1907 : Cravate. On dit aussi coulant. Collier de chanvre, corde de la potence.

Collier, coulant

Larchey, 1865 : Cravate (Vidocq). — Mots expressifs et bien dus aux voleurs qui voient dans la cravate un moyen de vous étrangler.

Collignon

Virmaître, 1894 : Cocher de fiacre. Cette expression date de l’assassinat de M. Juge par un cocher de fiacre nommé Collignon, qui fut arrêté par Proudhon, rue de l’Ouest. Collignon fut exécuté. Ce nom est resté un terme de mépris (Argot du peuple).

France, 1907 : Cocher de fiacre ; du nom d’un cocher qui assassina son voyageur sous le second Empire.

J’étais furibond, car la veille,
Un collignon, un vrai frondeur,
M’avait dit : « Monte à l’œil, ma vieille,
Pour l’instant, je suis maraudeur. »

(Henri Bugult)

Et c’troisième, on dirait qu’i’ sacre,
Tell’ment il prend un air grognon.
J’parie un litr’ que c’est saint Fiacre,
Sors donc d’ton siège, eh ! Collignon !

(Jules Jouy)

anon., 1907 : Cocher.

Colloquer

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme mal logé, ou dont les affaires sont en mauvais état : qu’il est bien mal colloqué.

France, 1907 : Donner avec une certaine vivacité. « V’lan, ça y est ! » comme dit le docteur Grégoire.

Colloquer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se placer, s’asseoir, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Se placer, s’asseoir.

Colo

Rigaud, 1881 : Colonel ; par apocope.

France, 1907 : Aphérése de colonel.

Alli ! allo !
Ah ! le joli colo !
Voyez commne il dégote…
Alli ! allo !
Ah! le joli colo !
Voyez comme il est beau.

On dit aussi colon.

Hein ! mon colon, tu f’sais ta gueule,
Tu marquais l’pas aux porte-sac…
Aujourd’hui, c’est moi que j’t’engueule.

(Aristide Bruant)

Le petit colon est le lieutenant-colonel.

Colo ou Colon

Merlin, 1888 : Apocope de colonel.

Rossignol, 1901 : Colonel.

Colombe

Rigaud, 1881 : Dame d’un jeu de cartes. Quatorze de colombes, quatorze de dames.

France, 1907 : La dame, dans le jeu de cartes.

Colombe de vénus (la)

Delvau, 1864 : La motte de la femme, le duvet qui couronne son os pubis.

Des déesses et des mortelles,
Quand ils font voir les charmes nus,
Les sculpteurs grecs plument les ailes
De ma colombe de Vénus.

Théophile Gautier.

Colombes-les-Mouches

Rigaud, 1881 : Le village de Colombes ; ainsi surnommé à cause du grand nombre de mouches qui l’assiègent.

Colombier

d’Hautel, 1808 : Pour logis, demeure ; maison sale et mal tenue.
Faire venir les pigeons au colombier. Pour attirer des chalands, ou des personnes dont on espère tirer quelque profit.

Colombin

Rossignol, 1901 : Sentinelle qui se trouve généralement le long d’un mur et qui, paraît-il, porte bonheur lorsqu’on marche dessus.

Colon

France, 1907 : Voir colo.

Colon (petit)

Fustier, 1889 : Argot militaire. Abréviation de lieutenant-colonel.

Colonne

Delvau, 1864 : Le membre viril, que nous sommes bien plus fiers de regarder ou de montrer à une femme que d’être Français.

Colonne (avoir chié la)

Rigaud, 1881 : Être très malin, très adroit dans son métier, — jargon des ouvriers du fer. — C’est pas toi qu’a chié la colonne, gros malin. — Non, c’est ta sœur !

Colonne (chapeau en)

France, 1907 : Chapeau militaire dont les pointes se redressent sur le front et sur la nuque. C’est la coiffure des généraux et de l’état-major, le contraire du chapeau eu bataille, comme le portent les gendarmes. On dit aussi frégate.

Colonne (faire sa)

Rigaud, 1881 : Faire le fier, se redresser avec orgueil. Mot à mot : faire sa colonne Vendôme.

T’as pas bientôt fini de faire ta colonne Vendôme !

(P.Mahalin, Les Monstres de Paris.)

Colonne (n’avoir pas chié la)

France, 1907 : Être dépourvu de talent. Démolir la colonne, uriner.

Colonne (se polir la)

Rigaud, 1881 : Se livrer au culte d’Onan.

Colophane

d’Hautel, 1808 : Sorte de résine dont se servent les joueurs d’instrumens pour graisser leur archet, et non colaphane, comme beaucoup le disent continuellement.

Coloquet

Clémens, 1840 : Chapeau.

un détenu, 1846 : Chapeau.

Coloquinte

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Tête. Prends garde que Charlot ne joue à la boule avec ta coloquinte, prends garde que le bourreau ne te coupe la tête.

Bras-de-Fer, 1829 : Figure.

Larchey, 1865 : Tête de forte dimension. — Allusion de forme.

Je crois que vous avez la coloquinte tant soit peu dérangée.

L. Desnoyer.

Delvau, 1866 : s. f. Tête, — dans l’argot des faubouriens, qui ont trouvé dans certains individus grotesques une ressemblance avec le cucumis colocynthis.

Rigaud, 1881 : Tête. — Coloquinte défraîchie, tête de vieux.

La Rue, 1894 : Tête.

France, 1907 : Tête.

— Je ne sais pas comment on lui a moché la coloquinte, mais il est maboul. Alors, tu comprends bien que dans ces conditions-là, nous n’avons fait ni eune ni deusse, nous l’avons lâché.

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

Coloquinte (avoir une araignée dans la)

Boutmy, 1883 : v. Avoir le cerveau fêlé. V. Hanneton.

Coloquinte, balle, tronche, bille

Clémens, 1840 : Tête.

Cols

Hayard, 1907 : (Mes, tes, ses), moi, toi, lui.

Coltiger

Larchey, 1865 : Arrêter. — Diminutif de Colleter.

J’ai été coltigé et trois coquins de railles sur mesigue ont foncé, ils m’ont mis la tortouse.

Vidocq.

Rigaud, 1881 : Arrêter, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Arrêter.

France, 1907 : Arrêter.

Coltin

Delvau, 1866 : s. m. Force, énergie, — dans l’argot du peuple, qui tire du cou dans presque tous ses travaux.

Rigaud, 1881 : Vigueur corporelle. — Fort de la halle.

Coltin, coltineur

La Rue, 1894 : Fort de la balle. Homme qui traîne une charrette.

Coltiner

Clémens, 1840 : Porter, saisir, conduire.

Halbert, 1849 : Porter un fardeau.

Delvau, 1866 : v. n. Traîner une charrette avec un licol, comme font les hommes de peine, qui remplacent ainsi les bêtes de somme.

Rigaud, 1881 : Faire un métier de cheval en tirant sur la bricole d’une charrette à bras ; et, par extension, faire de gros ouvrages.

Coltineur

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui traîne une charrette avec un licol.

France, 1907 : Commissionnaire qui tire une charrette avec un licol ou coltin. Se dit aussi pour mauvais ouvrier.

Coltineur, coltineuse

Rigaud, 1881 : Celui, celle qui s’attelle à une charrette. — Marchand des quatre-saisons. — Ouvrier qu’on emploie à de gros ouvrages.

Coltineur, euse

Fustier, 1889 : Fainéant, mauvais ouvrier.

C’est sûrement pas pour des coltineuses de votre espèce qu’on ferait des sacrifices !

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

Coltineuse

France, 1907 : Ouvrière employée aux gros ouvrages.

Colure

France, 1907 : Cheveux frisés et collés sur le front ou les tempes.

Combat amoureux

Delvau, 1864 : L’acte copulatif, qui est une lutte courtoise où personne n’est blessé, — quoiqu’on échange de nombreux coups.

Même, pour l’attirer au combat amoureux,
L’allait injuriant, l’appelant rustre, gueux.

Mililot.

Nous continuâmes deux ou trois fois, en sorte que les yeux nous pétillaient d’ardeur et ne respiraient que le combat naturel.

Mililot.

Fut de bon, poil, ardente et belle
Et propre à l’amoureux combat.

La Fontaine.

Sa rivale, tout au contraire,
A dans les combats amoureux
Les mouvements si paresseux,
Qu’au sein du plaisir même Eglé vous désespère.

Mérard Saint-Just.

J’aime dedans un bois à trouver d’aventure
Dessus une bergère un berger culetant,
Qui l’attaque si bien et l’escarmouche tant,
Qu’ils meurent à la fin au combat de nature.

Théophile.

Je viens des bords de la Garonne.
Prostituer ma personne
À ton lubrique combat.

(Cabinet satyrique.)

Bien volontiers ma femme viendra au combat vénérien.

Rabelais.

J’ai si bien combattu, serré flanc contre flanc,
Qu’il ne m’en est resté une goutte de sang.

Regnier.

Je suis un bon soldat d’amour
Qui ne fais poinct retraitte ;
Je sçay combattre nuict ei jour
Au champ de la brayette.

(Chansons folastres.)

Combe

Bras-de-Fer, 1829 : Chapeau.

Comberge

Halbert, 1849 : Confesse.

Virmaître, 1894 : Aller à confesse (Argot des voleurs).

France, 1907 : Confession. On dit aussi combergeante, de comberger. Aller à comberge, aller à confesse. Voleur à la comberge, aigrefin qui, sous des dehors de piété et de repentir, exploite la crédulité du confesseur et se fait donner de l’argent.

Combergeante

Halbert, 1849 : Confession.

Delvau, 1866 : s. f. Confession, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Confession. — Comberge, confessionnal.

La Rue, 1894 : Confession.

France, 1907 : Voir ci-dessus.

Comberger

Larchey, 1865 : Compter (Vidocq).

Rigaud, 1881 : Compter, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Compter.

Combergo

Halbert, 1849 : Confessionnal.

Delvau, 1866 : s. m. Confessionnal, — dans le même argot [des voleurs]. Aller à comberge. Aller à confesse.

France, 1907 : Confessionnal.

Combergo (aller à)

Virmaître, 1894 : V. Comberge.

Comblance

Delvau, 1866 : s. f. Abondance, excès, chose comble, — dans le même argot [des voleurs]. Par comblance. Par surcroît.

France, 1907 : Surcroit, en plus.

J’avais fait par comblance
Gironde largue capé.

Comble

France, 1907 : Quelque chose d’outré, le nec plus ultra d’un défaut, d’un vice. C’est un jeu de mots qui se fait par des appositions d’idées tout à fait inattendues.
Le comble de la distraction est, en sortant de table, au lieu de s’essuyer la bouche, d’essuyer le derrière de sa voisine.
Le comble de l’embarras pour un tuteur ? Avoir une pupille qui lui tape dans l’œil.
Le comble du zèle pour un sergent de ville ? Arrêter sa montre et la mettre au clou.

Aujourd’hui, tout ce qui n’est pas un comble est l’exception.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

Combler les vœux d’un homme

Delvau, 1864 : Lui ouvrir ses cuisses quand on est femme, afin qu’il introduise son engin dans le vôtre.

Sophie, à ce moment fatal,
Comble les vœux de mon rival.

Béranger.

Combre

anon., 1827 : Chapeau.

Halbert, 1849 : Un chapeau.

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des voleurs, qui ont trouvé plaisant de comparer cette coiffure à un concombre, et plus plaisant encore de supprimer la première syllabe de ce dernier mot. Ils disent aussi Combriot.

Rigaud, 1881 : Chapeau. C’est le sombrero espagnol avec changement de la première lettre et l’apocope si fréquente en argot. Et par corruption, combe.

Combre, combriau

France, 1907 : Chapeau.

Combre, combrieu

Larchey, 1865 : Chapeau (Vidocq). — Même observation pour ce mot que pour cabe et calvin. Le chapeau est ce qui ombrage la tête et, par contraction, ce qu’ombre. — Combrieu est un diminutif de Combre V. Tirant.

La Rue, 1894 : Chapeau.

Combrie

Halbert, 1849 : Pièce d’un franc.

Delvau, 1866 : s. f. Pièce d’un franc, — dans le même argot [des voleurs].

France, 1907 : Pièce d’un franc.

Combrier

Rigaud, 1881 : Chapelier.

France, 1907 : Chapelier.

Combrieu

Clémens, 1840 : Chapeau, Voir Colloquet.

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des faubouriens. Ils disent aussi Cambrieu, plus conforme à l’étymologie qui est certainement cambré.

France, 1907 : Chapeau. On dit aussi cambriot et cambriau. Combriot en poigne, chapeau à la main.

Combriot

Clémens, 1840 : Chapeau de femme.

Combrousier

Delvau, 1866 : s. m. Paysan, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Paysan.

Combustible (du) !

Delvau, 1866 : Se dit, comme Chaud ! Chaud ! — dans l’argot du peuple, — pour exciter quelqu’un à faire quelque chose.

France, 1907 : Exclamation indiquant qu’il faut se dépêcher, qu’il y à un bon coup à faire.

Combustion

d’Hautel, 1808 : Mettre tout en combustion. Manière exagérée qui signifie donner l’alarme ; mettre tout le monde en l’air ; causer un grand tumulte, un grand désordre dans un lieu, y mettre tout sens-dessus-dessous.

Come

Larchey, 1865 : Commerce (Vidocq). — Abréviation.

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Commerce, — dans l’argot des voyous.

France, 1907 : Surveillant du bagne

France, 1907 : Apocope de commerce.

Comédie

France, 1907 : Mauvais cidre que l’on fabrique, dans les familles d’ouvriers pauvres, avec du raisin sec.

Comédie (être à la)

Rigaud, 1881 : Chômer, — dans le jargon des ouvriers.

La Rue, 1894 : Être dans la misère.

France, 1907 : Être dans la misère.

Comestaux

Rigaud, 1881 : Comestibles. Tout ce qui se vend à la cantine des prisons est connu sous le nom de comestaux, le fromage aussi bien que le saucisson. Se pousser deux ou trois comestaux, manger deux ou trois objets de consommation. Il y a des comestaux depuis un jusqu’à trois pétards.

France, 1907 : Comestibles.

Comète

Delvau, 1866 : s. f. Vagabond, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Individu réputé pour porter la déveine au joueur derrière lequel ou à côté duquel il se place pendant une partie. La comète ne joue pas, elle regarde. Il y a des joueurs qui, voyant à leurs côtés une comète, quittent illico la table.

France, 1907 : Vagabond. Filer la comète ou la sorgue, dormir à la belle étoile.

Comfort

France, 1907 : Bien-être ; anglicisme.

Comique habillé

France, 1907 : Acteur qui représente des rôles grotesques en habit de ville.

Commac

Hayard, 1907 : Comme ça.

Commagno (c’est)

France, 1907 : C’est comme ça. Du provençal comm’ aquo.

Commande

d’Hautel, 1808 : Avoir un enfant de commande. Locution grivoise qui signifie avoir quelque rendez-vous secret ; quelque partie de plaisir préméditée.

Commander

d’Hautel, 1808 : Commander quelqu’un à la baguette. C’est-à-dire, impérieusement, d’un ton hautain et absolu.

Commander à cuire

Bras-de-Fer, 1829 : Guillotiner.

Delvau, 1866 : v. n. Envoyer à l’échafaud, — dans l’argot des prisons.

Rigaud, 1881 : Envoyer à l’échafaud. (A. Delvau)

France, 1907 : Guillotiner

Commandite

Delvau, 1866 : s. f. Ouvriers travaillant ensemble pour le compte d’un tâcheron, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : « Association d’ouvriers pour la composition d’un travail quelconque. Les grands journaux de Paris sont, à peu d’exception près, tous faits en commandite. Les ouvriers élisent leur metteur en pages et se partagent chaque semaine la somme qui leur revient d’après le tarif, en faisant toutefois un léger avantage au metteur. » (Boutmy.)

Boutmy, 1883 : s. f. Association d’ouvriers pour la composition d’un travail quelconque. Les grands journaux de Paris sont, à peu d’exceptions près, tous faits en commandite. Il existe dans le public, à propos de la commandite typographique, une erreur qu’il importe de rectifier. Pour les uns, c’est le partage des bénéfices entre le patron et les ouvriers qu’il emploie ; pour d’autres, c’est l’annihilation même du patron, qui ne serait plus alors qu’un simple bailleur de fonds. La commandite n’est pas du tout cela. Un client apporte au bureau un journal quotidien à imprimer, par exemple ; le prix est débattu et fixé entre celui-ci et le maître imprimeur, ou plus ordinairement son prote, ce qui revient au même. Ce dernier désigne alors un certain nombre d’ouvriers pour exécuter le travail, seize à vingt pour les grands journaux, ou bien il charge l’un d’eux de réunir l’équipe nécessaire. Ces ouvriers élisent leur metteur en pages et se partagent chaque semaine la somme qui leur revient d’après le Tarif, en faisant toutefois un léger avantage au metteur. Voilà la commandite. Il y en a de deux sortes : la commandite autoritaire et égalitaire est celle au sein de laquelle chaque associé est obligé de faire un minimum de lignes déterminé, la somme gagnée étant ensuite partagée également entre tous les associés ; et la commandite au prorata, dans laquelle chacun touche d’après le travail qu’il a fait. C’est la plus juste des deux et la plus humaine : les jeunes gens et les vieillards peuvent y trouver place ; les hommes dans la force de l’âge et de l’habileté n’y perdent rien.

Virmaître, 1894 : Association d’un certain nombre d’ouvriers compositeurs pour faire un journal (Argot d’imprimerie).

France, 1907 : Association d’ouvriers pour entreprendre un travail.

Comme

d’Hautel, 1808 : C’est à-peu-près tout comme. Locution comparative qui équivaut à c’est pour ainsi dire, la même chose ; cette condition ne vaut guère mieux que l’autre. Se dit en général pour exprimer que les changemens faits à une chose quelconque, ne l’ont point améliorée d’une manière sensible ; qu’une personne en changeant d’état n’a presque pas augmenté sa fortune ; qu’elle est toujours à-peu-près dans la même situation.
Il est comme cela. Phrase insignifiante, pour dire, tel est son caractère, sa manière d’être.
Il est méchant comme tout, il est bon comme tout. Phrases vulgaires et de mauvais goût, pour dire qu’une chose est bonne ou mauvaise à un haut degré.

Comme if

Rigaud, 1881 : Comme il faut, distingué, — dans le jargon des ouvriers. T’as rien l’air comme if.

Comme il

France, 1907 : Abréviation de comme il faut, de bon ton, de bonne companie. « T’as rien l’air comme il. Tu as l’air d’un monsieur chic. »

Mais la nature et, seconde nature, l’habitude avaient sûrement mis la frappe du vice originel, héréditaire, cumulé et cultivé sur cette face comme il faut. L’œil, cette fenêtre de l’âme, furtif et faux, de forme oblique et d’une prunelle trop large pour le blanc, devenait, comme celui du félin, féroce en se fixant. L’oreille panique, pointue, était de même animale. Le nez ou le bec courbé, le menton relevé, la bouche mince et l’angle aigu n’étaient pas moins carnassiers. Il y avait de la bête de proie dans cet homme du monde, cet homme comme il faut.

(Edmond Lepelletier)

De la licence du Directoire, qui s’était transformée sous l’Empire en une décence obtenue par ordre, on passa, sous la Restauration, a une sorte de pruderie aussi bien dans le costume que dans les idées ; chacun demeura sur son quant-à-soi avec dignité, on rechercha le correct, l’absolu bon ton, le comme il faut, la suprême distinction dans des notes discrètes et sobres ; on se garda de l’éclat et du faux décorum ; la somptueuse pompe impériale fit place à la simplicité.

(Octave Uzanne, La Femme et la Mode)

Comme il faut

Larchey, 1865 : Air de bonne compagnie.

Tu les reconnais à leur élégance un peu prétentieuse, à leurs grâces étudiées, à leur comme il faut qui manque de naturel.

J. Janin.

Pris aussi adjectivement.

Elles hantent les endroits comme il faut.

Lynol

Il y a des personnes très-comme il faut qui viennent chez elles.

E. Sue.

Delvau, 1866 : s. m. Les règles de l’élégance et de la distinction, le suprême bon ton, — dans l’argot des bourgeois, à propos des gens et des choses. C’est le Cant des Anglais. On prononce comifô.

Delvau, 1866 : adj. Selon le code du bon goût et du bon ton, du bien dire et du bien élevé. L’homme comme il faut des bourgeoises est le monsieur bien des petites dames.

Comme la lune

France, 1907 : Sous-entendu con. Imbécile, niais, raseur.

Dans le palais législatif
Ou l’on s’rase au superlatif,
Il mont’ souvent des comme la lune
À la tribune.

(Victor Meusy)

Comme s’il en pleuvait

Rigaud, 1881 : Beaucoup, à foison. — Verser du Champagne comme s’il en pleuvait. La variante est : Comme si ça ne coûtait rien.

Comme un pied (faire quelque chose)

France, 1907 : Le faire mal, comme si l’on se servait de son pied au lieu de sa main.

— Eh bien ! Sébastien, la bourriche de gibier pour ma tante n’est donc pas prête ?
— Non, monsieur le comte, c’est que…
— Quoi ?
— Je préférerais, avec votre permission, y mettre les pièces que j’ai tuées moi-même à l’ouverture.
— Pour quelle raison ?
— Les vôtres sont trop saccagées ; nous avons été ensemble au 28e, et monsieur le comte sait bien qu’il tire comme un pied !

(Le Masque de fer)

Commencement

d’Hautel, 1808 : Il est venu de petits commencemens. Pour, il s’est élevé petit à petit d’une condition obscure.

Commencer

d’Hautel, 1808 : Il faut commencer par quelque chose. Phrase bannale dont on se sert pour excuser la médiocrité d’un premier établissement, et pour dire qu’avant de faire de grandes opérations, il faut en faire de petites.
Il faut commencer par le commencement et finir par la fin. Phrase explétive et facétieuse qui signifie que l’ordre est nécessaire dans tout ce qu’on entreprend.

Commencer un roman par la queue

Delvau, 1864 : Baiser d’abord la femme pour laquelle on bande et, après, lui faire la cour comme si on ne l’avait pas encore possédée.

Commencer une femme

France, 1907 : Lancer sa maîtresse dans le monde galant, de façon à en tirer profit.

Comment a nom

France, 1907 : La nature de la femme.

Lors se découvrit jusques au menton en la forme que jadis les femmes persides se présentèrent à leurs enfants fuyans de la bataille, et lui montra son comment a nom.

(Rabelais)

Commerce

d’Hautel, 1808 : Il fait là un vilain commerce. Se dit d’un homme qui fait des gains honteux et illicites ; dont la vie et les actions sont contraires à la bienséance et à la probité.

Commerce amoureux

Delvau, 1864 : L’acte vénérien qui, plus que jamais est aujourd’hui un commerce — mais un peu équivoque, puisque la femme vend ce que la nature lui a donné pour être donné.

Commère

d’Hautel, 1808 : Caqueteuse, femme désœuvrée, qui passe son temps à voisiner.
On dit aussi d’une femme hardie, éveillée, sans pudeur, C’est une bonne commère.
Toute cette affaire ne va que par compère et par commère.
C’est-à-dire, par intrigue, supercherie, manigance, faveur, recommandation.

France, 1907 : Journal.

Commettre le péché

Rigaud, 1881 : Mot à mot commettre le péché de la chair.

Il était naturel que le voisinage du Val d’Amour de Glatigny fût envahi de préférence (XIIIe siècle) par les ribaudes, qui y allaient commettre le péché, suivant les termes des anciens édits.

(Pierre Dufour, Hist. de la prostitution, 1852.)

Commiss

France, 1907 : Abréviation du mot commission ; argot de l’École Polytechnique.

La commiss est le tribunal d’anciens chargé de juger les conscrits et d’appliquer une cote à tous ceux que certaines particularités ou une réputation de collège ont désignés à son attention. La lecture de ses cotes se fait publiquement, le jour de la séance des cotes.
La commiss se compose de douze membres, plus quelques « bourreaux », désignés par le vote, dès le mois de juin de l’année précédente.

(Albert Lévy et G. Pinet)

Commissaire

Rigaud, 1881 : Petit broc de vin. S’arrêter pour dire deux mots au commissaire, entrer chez le marchand de vin.

France, 1907 : Pinte de vin. Allusion à la robe noire que portaient autrefois les commissaires de police.

Commissaire du quartier

Rigaud, 1881 : Adjudant sous-officier, — dans le jargon des troupiers.

Commissionnaire

d’Hautel, 1808 : Je ne suis pas votre commissionnaire. Réponse que l’on fait à celui qui vous charge de quelque fonction désagréable et que l’on ne veut point remplir.

Commode

Halbert, 1849 : Cheminée.

Delvau, 1866 : s. f. Cheminée, — dans l’argot des voleurs, qui y serrent les objets dont ils veulent se débarrasser comme trop compromettants.

Rigaud, 1881 : Cheminée, — dans l’argot des voleurs qui se servent de l’âtre comme d’une commode.

La Rue, 1894 : Cheminée. La Commune de 1871.

France, 1907 : Cheminée.

Commode (remuer la)

Rigaud, 1881 : Chanter. — dans le jargon du peuple. Pour rappeler ironiquement le bruit désagréable produit par un meuble que l’on change de place. En v’là un qui vous bassine, à remuer la commode ses dix heures par jour !

Commun

d’Hautel, 1808 : Commun comme du vin à deux sous. Se dit d’une personne qui a les manières basses et triviales ; et d’un objet de très-peu de valeur.
C’est du grand commun. Se dit en parlant de personnes mal élevées ; de paroles, d’actions grossières, ou d’objets qui ont peu de valeur.
Vivre sur le commun. Vivre à la table d’autrui ; écornifler un repas tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre.
Il est du commun des martyrs. Se dit ironiquement d’un homme fort médiocre ; qui se perd dans la foule.
Voy. Anne.

Communard

France, 1907 : Homme qui a pris part à la révolution de 1871.

« Des réactionnaires ! » disent les anarchistes. Ce qui prouve la vérité de l’aphorisme : « On est toujours le réactionnaire de quelqu’un. »

(Dr Grégoire, Turlutaines)

La misère en commun et la souffrance égale ne détruisent pas tous les bons sentiments… Il y a, allez, de braves gens parmi les forçats… Les condamnés politiques de 1871, les communards, qu’on a eu l’infamie de mêler à eux, ont pu le constater… oui, il y a un bagne des hommes capables de dévouement, de pitié, de sacrifice…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

— Ne me parlez pas de ce temps-là !… Ce que je le regrette, mes enfants !… Jamais on ne reverra une si chouette époque !… Ainsi, moi, j’ai pu me débarrasser de tous mes créanciers !… Sans blague !… Je n’avais qu’à les dénoncer comme communards à quelqu’un des officiers de Galliffet. De chics types, allez ! ces petits chasseurs, et qui me barguignaient pas !… En deux temps de galop, ils aboulaient chez le créancier : en l’empoignant, on le tirait de chez lui, par les cheveux, par les pieds, par n’importe quoi… Et crac, au mur, mon bonhomme ! Ils avaient beau protester, supplier, demander une enquête : va te faire fiche… Le plus drôle, c’est qu’ils avaient passé le temps de la Commune à suer la peur, dans leurs caves ! Non, là, vrai ! nous avons bien rigolé.

(Octave Mirabeau, Le Journal)

Communard, communarde

Rigaud, 1881 : Affilié, affiliée à la Commune. Partisan de la Commune en 1871.

Donc M. Viollet-Le-Duc, l’architecte devenu communard, a été chargé de faire un plan d’amusement.

(Paul de Cassagnac, Pays du 21 mai 1878.)

Commune (faire une)

Rigaud, 1881 : Essayer d’atténuer l’effet d’une mauvaise opération. Ex. ; acheter 100 obligations turques à 60 francs, quand on en a 200, qui vous reviennent à 150 francs, — dans le jargon de la Bourse.

Commune comme une moule

Delvau, 1866 : adj. Se dit — dans l’argot des Précieuses bourgeoises — de toute femme, du peuple ou d’ailleurs, qui ne leur convient pas.

France, 1907 : « Se dit — dans l’argot des Précieuses bourgeoises — de toute femme, du peuple ou d’ailleurs, qui ne leur convient pas. » (Alfred Delvau)

Communer sous les deux espèces

Delvau, 1864 : Se dit d’une femme qui se laisse à la fois foutre et enculer par les hommes.

Communeux

France, 1907 : Homme de la Commune, avec une affectation de mépris. Voir Communard.

Communiqué

France, 1907 : On appelle ainsi une note officielle envoyée par le gouvernement à un journal.

Communisme

France, 1907 : En voici la formule : De chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins. Comme moyen d’action, le suffrage universel et une révolution changeant l’ordre des choses.

Pour que l’action, ainsi que l’exposa Pini en cour d’assises, puisse avoir un résultat heureux, il est nécessaire que le peuple distingue ses vrais amis des faux ; il est nécessaire de lui rappeler les faits du temps passé. Une révolution, pour être profitable, ne doit pas avoir pour objet un simple changement d’hommes au pouvoir ou la formation d’un gouvernement provisoire, mais pour unique but la destruction de toute autorité, l’appropriation de toutes les richesses sociales, au bénéfice de tous et non de la classe qui viendra les administrer, et l’opposition absolue par la violence à l’établissement de quelque pouvoir que ce soit.

Communiste

Delvau, 1866 : s. m. Républicain, — dans l’argot des bourgeois, qui, en 1848, donnaient ce nom à tout ce qui n’était pas eux.

France, 1907 : Nom que donnent les bourgeois de 1848 à tous les républicains. Le communiste rêve d’une société idéale d’après laquelle les hommes produiraient selon leurs forces et consommeraient suivant leurs besoins ; tout étant à tous, dans la mesure des ressources sociales.
Les communistes différent des communistes libertaires où anarchistes en ce sens que ceux-ci n’admettent aucune forme de gouvernement, ni congrès, ni suffrage universel, ni parlementarisme : leurs moyens sont exclusivement révolutionnaires, et, trait caractéristique, ils préconisent la propagande par le fait.

Compagnie

d’Hautel, 1808 : Bonsoir la compagnie. Locution facétieuse, pour exprimer qu’une personne est sortie brusquement d’une société ; qu’une lumière s’est éteinte tout-à-coup ; ou que ce que l’on tenoit à la main vient à échapper subitement.
C’est une bête de compagnie. Se dit d’un homme opposé à la vie casanière ; qui ne plaît que dans le tumulte des plaisirs et le tourbillon du grand monde.

Compagnon

d’Hautel, 1808 : Compagnon de malheur. Ouvrier inhabile et sans dextérité.
Travailler à dépêche compagnon. Pour dire à la hâte, sans soin, sans aucune précaution ; bousiller.
Ils vivent ensemble comme compères et compagnons. Se dit de deux hommes qui, quoique d’une condition bien différente, vivent mutuellement dans une très-grande familiarité.
Traiter quelqu’un de pair à compagnon. En user fort librement avec lui.

Delvau, 1864 : Le membre viril, qui naît avec l’homme et meurt avec lui.

Mignonne, jour et nuit je suis importuné
D’un petit compagnon qui quand et moi fus né.

Théophile.

Le compagnon, étant de taille énorme,
Foula comme il faut le castor.

Piron.

Boutmy, 1883 : s. m. Camarade de rang. Dans les ateliers, les rangs sont disposés pour deux compositeurs ; chacun des deux est le compagnon de l’autre : Dis donc, mon compagnon, prête-moi ta pointe.

Comparaison

d’Hautel, 1808 : C’est sans comparaison comme lui. Locution redondante et vicieuse, qui équivaut à, c’est presque semblable à lui ; c’est sa manière d’agir, de travailler ; c’est pour ainsi dire lui-même.

Compas

d’Hautel, 1808 : Il a le compas dans l’œil. Pour, il voit très-juste ; il a le coup-d’œil fort exact ; se dit quelquefois par raillerie, pour exprimer que quel qu’un s’est trompé grossièrement.

Delvau, 1866 : s. m. Les jambes, — dans l’argot des ouvriers. Ouvrir le compas. Marcher. Allonger le compas. Précipiter sa marche.

Rossignol, 1901 : Jambes.

Avec un compas comme tu en as un, il est difficile de te suivre.

Celui qui est adroit à le compas dans l’œil.

France, 1907 : Les jambes. Ouvrir ou fermer le compas, marcher ou s’arrêter. Allonger le compas, activer la marche.

— Que diable ont donc tous ces muscadins-là ? s’écria-t-il d’une voix sonore. Nos conscrits ferment le compas au lieu de l’ouvrir, je crois !

(Balzac, Les Chouans)

Compas (l’avoir dans l’œil)

Virmaître, 1894 : Ouvrier qui a le coup d’œil juste, qui réussit une pièce d’un coup comme s’il avait pris ses mesures avec un compas (Argot du peuple). N.

Compas (ouvrir le)

Rigaud, 1881 : Faire de grandes enjambées. — Fermer le compas, s’arrêter. Un des types d’avare de ce siècle ouvrait toujours démesurément le compas. Cet esprit observateur avait remarqué que les grandes enjambées usent moins les cullottes.

Compas (ouvrir, fermer le)

Larchey, 1865 : Activer, ralentir sa marche.

Nos conscrits ferment le compas.

Comparaison des jambes aux branches d’un compas.

Compas dans l’œil (avoir le)

Rigaud, 1881 : Avoir le coup d’œil juste.

France, 1907 : Posséder une grande justesse de vision, prendre ses mesures sans compas.

Comper

France, 1907 : S’évader ; altération de décamper.

Compère

d’Hautel, 1808 : Compère Loriot. Grivois, bon vivant, bout-en-train ; enfant de la joie.
On donne aussi ce nom à une pustule qui vient aux paupières.

Compère cochon

France, 1907 : Homme familier et mal élevé.

Compère-cochon

Delvau, 1866 : s. m. Homme plus familier qu’il n’en a le droit, — dans l’argot des bourgeois.

Complaisances pour un homme (avoir des)

Delvau, 1864 : Faire la libertine avec lui ; le mettre en état de faire une excursion à Cythère.

Et pour prix de mes complaisances,
La vérole tu m’as foutu.

Alphonse Karr.

Complet

Rigaud, 1881 : Vêtement complet, c’est-à-dire veston, gilet et pantalon levés sur la même pièce.

Il se sent plus à l’aise sous sa veste blanche que sous les complets que lui expédient les bons faiseurs de Londres.

(Figaro, du 11 déc. 1878.)

France, 1907 : Habillement d’homme taillé dans la même toile, gilet, veston et pantalon. La grande banalité du costume, qui mous vient, comme tout ce qui est laid, d’Angleterre.

Costumé, par la Belle Jardinière,
D’un complet comme on en rêve un au ciel,
Gentlemanisé, presque officiel,
Digne des croisées dont il était l’hôte,
Et narguant enfin l’hopital Broussais
D’un sourcil, ô vent ! que tu rebroussais,
Verlaine, vivant, entrait dans la Haute !

(Émile Bergerat)

Complet (être)

Larchey, 1865 : Être complètement ivre.

France, 1907 : Être ivre, ou bien être ridicule ; argot populaire.

Complet (il est)

Virmaître, 1894 : Avoir bu outre mesure (Argot du peuple). N.

Compliment

d’Hautel, 1808 : Rengaîner son compliment. Pour s’abstenir de le faire ; se retirer sans avoir exécuté ce que l’on avoit prémédité.
Un compliment bien troussé. Pour dire bien tourné, fait gracieusement et avec esprit.

Delvau, 1864 : L’acte copulatif.

Nous avons un grand homme,
Arrivé depuis peu
Dans ce lieu,
Qui fait, quand on l’en somme,
Six compliments par jour
À l’amour.

Collé.

En amour, dans ma jeunesse,
J’eus des succès étonnants ;
Je fis à mainte Lucrèce
D’innombrables compliments.

Émile Desraux.

Complimenteur

d’Hautel, 1808 : On fait un calembourg de ce mot, en mettant une réticence après les deux premières syllabes, et l’on dit à un homme qui s’épuise en longs complimens, en louanges excessives, que c’est un compli-menteur.

Composition

d’Hautel, 1808 : Une fille ou une femme de bonne composition. Malignement et en mauvaise part, fille ou femme qui prête l’oreille aux fleurettes, aux propos galans.

Compositrice

Boutmy, 1883 : s. f. Jeune fille ou femme qui se livre au travail de la composition. Nous ne réveillerons pas ici la question tant de fois débattue du travail des femmes ; nous ne rappellerons pas les discussions qui se sont élevées particulièrement à propos de la mesure prise par la Société typographique, qui interdisait à ses membres les imprimeries où les femmes sont employées à la casse à un prix inférieur à celui fixé par le Tarif accepté. Contentons-nous de dire que nous sommes de l’avis de MM. les typographes qui, plus moraux que les moralistes, trouvent que la place de leurs femmes et de leurs filles est plutôt au foyer domestique qu’à l’atelier de composition, où le mélange des deux sexes entraîne ses suites ordinaires. — Quoi qu’il en soit, il existe des compositrices ; nous devions en parler. MM. les philanthropes qui les emploient vont les recruter dans les ouvroirs, les orphelinats ou les écoles religieuses. Ces jeunes filles, en s’initiant tant bien que mal à l’art de Gutenberg, ne manquent pas de cueillir la fine fleur du langage de l’atelier et de devenir sous ce rapport de vraies typotes comme elles se nomment entre elles. L’argot typographique ne tarde pas à se substituer à la langue maternelle ; mais il en est de l’argot comme de l’ivrognerie : ce qui n’est qu’un défaut chez l’homme devient un vice chez la femme, et il peut en résulter pour elle plus d’un inconvénient. L’anecdote suivante en fournit un exemple : un employé, joli garçon, courtisait pour le bon motif sa voisine, une compositrice blonde, un peu pâlotte (elles le sont toutes), qui demeurait chez ses parents. La jeune fille n’était point insensible aux attentions de son galant voisin. Un samedi matin, les deux jeunes gens se rencontrent dans l’escalier : « Bonjour, mademoiselle, dit le jeune homme en s’arrêtant ; vous êtes bien pressée. — Je file mon nœud ce matin, répondit-elle ; c’est aujourd’hui le batiau, et mon metteur goberait son bœuf si je prenais du salé. » Ayant dit, notre blonde disparaît. Ahurissement de l’amoureux, qui vient d’épouser une Auvergnate à laquelle il apprend le français. Nous avons dit plus haut que les typographes, en proscrivant les femmes de leurs ateliers, avaient surtout en vue la conservation des bonnes mœurs à laquelle nuit, comme chacun sait, la promiscuité des sexes. Ce qui suit ne démontre-t-il pas qu’ils n’ont pas tort ? Un jour, ou plutôt un soir, une bande de typos en goguette faisait irruption dans une de ces maisons de barrière qu’on ne nomme pas. L’un d’eux, frappé de l’embonpoint plantureux d’une des nymphes du lieu, ne put retenir ce cri : « Quel porte-pages ! » La belle, qui avait été compositrice, peu flattée de l’observation du frère, lui répliqua aussitôt : « Possible ! mais tu peux te fouiller pour la distribution. » (Authentique.) L’admission des femmes dans la typographie a eu un autre résultat fâcheux : elle a fait dégénérer l’art en métier. Pour s’en convaincre, il suffit d’examiner les ouvrages sortis des imprimeries où les femmes sont à peu près exclusivement employées.

Compote

d’Hautel, 1808 : Avoir la tête, les yeux, le derrière en compote. Être blessé à la tête ; avoir les yeux meurtris ou pochés, et le derrière brisé comme il arrive lorsqu’on va à cheval sans y être habitué, ou dans une mauvaise voiture.

Compote (mettre en)

Larchey, 1865 : Contusionner fortement. On dit aussi en marmelade (d’Hautel, 1808).

M’éreinter un chapeau, me mettre le nez en compote un jour de bal.

Michel.

Comprendre (la)

Rigaud, 1881 : Voler. Mot à mot : comprendre la vie de voleur.

La Rue, 1894 : Voler.

France, 1907 : Voler ; augmentatif de prendre.

Compte

d’Hautel, 1808 : Erreur n’est pas compte. Signifie qu’entre honnêtes gens, on peut toujours revenir sur un compte où l’on s’est trompé.
Compte borgne. Compte peu clair, rempli de fractions.
Compte rond. Somme complète, sans fractions, comme, six, douze, etc.
Un trésorier sans rendre compte. Celui qui dispose à son gré de la fortune d’autrui, sans être assujetti à aucun contrôle.

Rigaud, 1881 : Comptoir de marchand de vin. Prendre un canon sur le compte.

France, 1907 : Comptoir de cabaretier.

Compte (avoir son)

Larchey, 1865 : Être complètement ivre, avoir absorbé son compte de liquide.

Delvau, 1866 : v. a. Être gris pour avoir trop bu, ou blessé à mort pour s’être battu en duel.

France, 1907 : Être ivre. Mourir.

Le soldat blessé tomba en disant : J’ai mon compte.

Son compte est bon, c’est-à-dire le voilà bien loti.

Compte-gouttes

Rossignol, 1901 : « Ta trousse est ouverte, prends garde de perdre ton compte-gouttes. »

Compter

d’Hautel, 1808 : Il n’a pas de ce qui se compte. Pour, il est dépourvu d’argent, il n’a pas le sou.
Tout compté tout rabattu. Pour tout considéré, réellement. On ajoute ordinairement une facétie grossière à ce proverbe.
Qui compte sans son hôte compte deux fois. Signifie que l’on se trompe souvent dans ses calculs quand on anticipe sur la réussite d’une affaire, ou lorsqu’on se permet de régler un compte en l’absence d’une partie intéressée.

Compter des payses

France, 1907 : Dormir.

Compter les clous de la porte

France, 1907 : Attendre longtemps devant une porte, de façon à pouvoir en compter tous les clous. Allusion aux anciennes portes qui étaient généralement solidifiées et ornementées de gros clous. On trouve dans d’Aubigné :

Les Catholiques se plaignoient de ce que Montauban, Sancerre, etc., faisoient compter les cloux de leurs portes aux garnisons qu’on leur envoyoit.

Compter sans son hôte

France, 1907 : On ne peut traiter ni résoudre aucune affaire sans la personne intéressée. Ainsi, un voyageur pourrait calculer tout seul ses dépenses à l’hôtellerie : quand l’hôtelier présentera sa note, elle sera peu en accord avec les calculs de son client ; celui-ci sera obligé de les refaire. De là l’expression populaire : Qui compte sans son hôte, doit compter deux fois.

Compter ses chemises

Delvau, 1866 : v. a. Vomir, — dans l’argot des marins et du peuple. Les Anglais ont une expression analogue : To cast up one’s accounts (rendre ses comptes), disent-ils.

Compter ses chemises ou son linge

France, 1907 : Vomir.

Compter son linge

Virmaître, 1894 : Vomir (Argot du peuple). V. Mettre du cœur sur du carreau.

Compteur

France, 1907 : Teneur de livres dans une maison de prostitution.

Compteur à gaz

Rossignol, 1901 : Le ventre.

Comte

France, 1907 : Niais ou compère.

Comte de canton

France, 1907 : Geôlier.

Comte de caruche

Halbert, 1849 : Porte-clefs.

Delvau, 1866 : s. m. Porte-clés, — dans l’argot des voleurs, qui se plaisent à occuper leurs loisirs forcés en s’improvisant les Borel d’Hauterive de leur prison.

Rigaud, 1881 : Geôlier. — Comte de castu, infirmier, — dans l’ancien argot.

Comte de Caruche ou de Garuche

France, 1907 : Geôlier.

On suit leurs pas, on cherche à savoir où ils ont passé la nuit du crime, et, si les présomptions prennent de la consistance, on les arrête aussitôt et on les conduit, comme ils le disent en argot, auprès du comte de Garuche.

(Armand Durantin)

Comte de castu

France, 1907 : Infirmier. Castu est l’hôpital. On dit aussi conce de castu.

Comte de Gigot-fin

Delvau, 1866 : s. m. Beau mangeur, — dans l’argot du peuple, qui ne craint pas de créer des types comme Molière et d’anoblir des vilains comme Napoléon.

Comte de la caniche

anon., 1827 : Geôlier.

Comte du canton

Halbert, 1849 : Un geôlier.

Delvau, 1866 : s. m. Geôlier, — dans l’argot des voleurs.

Comte en blanc

France, 1907 : Compère de bonneteur.

Comte, contre

La Rue, 1894 : Complice.

Comtoi, batteur de comtois

Rigaud, 1881 : Compère ; et par abréviation comte, coin. Sous ce nom « sont désignés les compères que chaque baraque entretient au pied de l’escalier pour animer le lieu et entretenir la partie. On les reconnaît à la carrure de leurs poitrines, au balancement des épaules, à l’éraillure de la voix. » (J. Vallès.)

Comtois

un détenu, 1846 : Feinte. Battre comtois, faire semblant, singer, etc.

Larchey, 1865 : Niais. — Diminutif de c-n : imbécile. — V. Battre.

Sans doute qu’elle bat comtois.

Decourcelle.

La Rue, 1894 : Compère. Niais. Scène feinte. Mensonge.

Rossignol, 1901 : Voir Battre comtois ou Chiquer contre.

Hayard, 1907 : Compère.

France, 1907 : Compère.

Des tonnerres de bravos accueillirent la victoire du comtois. En une seconde, l’arène fut pleine d’oranges, de cigares et de fleurs.
— T’auras du moins d’quoi fumer ! dit le jongleur de poids, en aidant l’Italien à ramasser cette moisson. Mais, pour ta soupe, je crois qu’tu feras bien de la chercher ailleurs.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

France, 1907 : Boniment.

— Ni comme moi, reprend un collègue : je n’ai pas mon pareil, je m’en flatte, pour débiter un comtois. Je suis sûr dé mon effet ; les badauds m’achètent tout ce que je veux.

(Louis Barron, Paris Étrange)

Comtois (battre)

France, 1907 : Mentir, faire le niais.

On a prétendu que ce mot était une allusion à la Franche-Comté, mais cette province n’y est pour rien. C’est un simple jeu de mots sur les trois premières lettres de comtois.

(Lorédan Larchey)

Con

Delvau, 1864 : Métaphoriquement, Imbécile. Les vers suivants commentent cette acception particulière et impertinent :

Qu’ça soit étroit, qu’ça soit large,
Qu’ça soit gris, noir, blanc ou blond,
Qu’ça bande ou bien qu’ça décharge,
Rien n’a l’air bêt’ comme un con.

Fustier, 1889 : Monosyllabe injurieux que le peuple a constamment à la bouche et qu’il emploie à propos de tout et à propos de rien.

France, 1907 : Nature de la femme, du latin cunnus. Ce mot est le synonyme de lâche, d’imbécile. Con comme la lune, triple idiot.

Con (le)

Delvau, 1864 : Le petit vase dans lequel l’homme verse en pluie fine et pérénétrante une partie du produit de sa nourriture, — à sa grande satisfaction et à celle du petit vase. — Les anciens connaissaient ce mot : ωο disaient les Grecs ; cunnis, disaient les Latins ; cwens, disaient les Celtes, qui disaient aussi cona et quena (d’où les Anglais ont appelé leur reine queen) ; kona, disaient les Goths ; kouima, disent les Arabes ; emacucma disent les Basques ; pota, disent les Italiens, etc., etc.

Donne, que je te frotte le con. Il est étroit que c’est un charme.

La Popelinière.

Le con met tous les vits en rut ;
Le con du bonheur est le voie ;
Dans le cont vit la joie ;
Mais hors le con, point de saint.

Pyron.

Il faut donc, pour ce vit ; un grand con vermoulu.
Un con démesuré, qui dévore, goulu,
La tête et les couillons pour les mettre en curée,
Un con toujours puant, comme vieille marée.

Rémy Belleau.

La matrice d’une femme est du nombre de choses insatiables dont parle l’Écriture, et je ne sais s’il y a quelque chose au monde à quoi on puisse comparer son avidité : — car, ni l’enfer, ni le feu, ni la terr, ne sont si dévorants que le sont les parties naturelles d’une femme lascive.

Venette.

C’était une jolie grêlée faite au tour, ayant un con tellement insatiable, que je fus obligé de lui mettre la bride sur le cou et de la laisser foutre avec qui elle voudrait…

(Anti-Justine.)

Con baveux

Delvau, 1864 : Qui a des flueurs ou quelque chose de pis.

Con bien boisé

Delvau, 1864 : Dont la motte est abondamment fournie de laine.

Mon con est boisé comme l’est Meudon,
Afin de cacher l’autel du mystère
Où l’on officie en toute saison.

(Parnasse satyrique.)

Con faisandé

Delvau, 1864 : Qui a reçu tant d’assauts, ou qui a eu tant de maladies, qu’il porte en lui une odeur dont s’accommodent seuls les gens qui se sont pas dégoûtés. — On le dit aussi comme synonyme de vieille fille.

Con glaireux

Delvau, 1864 : Gras, soit naturellement, soit par suite de maladies, soit par malpropreté.

Hideux amas de tripes molles
Où d’ennui bâille un con glaireux.

(Parnasse satyrique.)

Con gras

Delvau, 1864 : Mal nettoyé, encore enduit de beurre masculin, ou naturellement adipeux, — de sorte que le membre qui s’y introduit est tout étonné d’y faire flic-flac.

On ne se lave bien qu’au bordel ! Des ingrats
Peuvent seuls à ton con préférer un con gras.

Albert Glatigny.

Conart

France, 1907 : Mari trompé. On dit plus généralement cornard.

Conasse

Rigaud, 1881 : Femme stupide. — Les filles de maison appliquent cette épithète aux femmes honnêtes aussi bien qu’aux filles insoumises qui, d’après ces cloîtrées de la prostitution, ne comprennent pas mieux leurs intérêts les unes que les autres. Pour elles, hors de la maison, pas de salut, pas d’esprit de conduite.

Devant les étrangers et surtout devant des jeunes gens ou des hommes à conversation libre et plaisante, elles (les filles publiques) vantent leur savoir-faire, elles reprochent à leurs camarades leur impéritie, et leur donnent ains ; le nom de conasse, expression par laquelle elles désignent ordinairement une femme honnête.

(Parent-Duchatelet, De la Prostitution.)

Virmaître, 1894 : Fille peu au courant du métier, qui raccroche à n’importe quel prix (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Prostituée ainsi nommée par les autres filles, parce qu’elle n’est pas inscrite à la police sur les registres de la prostitution.

Conasse ou connasse

France, 1907 : Parties sexuelles de la femme lorsqu’elles sont flétries par les années ou les abus. Nom donné aux filles publiques. « Fille peu au courant du métier, qui raccroche pour les plus bas prix. » (Ch. Virmaître.)

Conce de castu

Virmaître, 1894 : Infirmier d’hôpital. Conce doit être une corruption de gonce (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voir Comte de castu.

Concierge

Rigaud, 1881 : Nom que donne à son passe-partout l’ouvrier qui loge dans une maison où il a la chance de ne pas avoir de portier.

Conclusion

Delvau, 1864 : La fouterie même, qui est en effet la conclusion naturelle de toutes les caresses que se fout mutuellement des amants bien épris, — ou simplement des gens qui ont envie de tirer un coup.

Apprends donc qu’il y a cent mille délices en amour qui précèdent la conclusion.

Mililot.

Un homme de votre condition,
Le prendre sur un aussi mauvais ton :
Vous allez droit à la conclusion !

Collé.

Concon

Delvau, 1864 : Mot nouveau sur celui de bonbon, dit Collé, son inventeur. On se flatte qu’il passera en faveur de sa douceur et de son indécence.

Mon vit mignon !
Tu n’y perdras rien, mon garçon ;
Je te donnerai du concon
Bien bon !

Concubin

Rigaud, 1881 : Celui qui vit avec une femme sans être marié avec elle.

France, 1907 : Homme qui vit en concubinage.

Gandolin était homme, hélas ! et bien que, par sage calcul, il eût, jusqu’aux marges de ses cinquante ans, prudemment évité les embûches des amours mondaines et même de ces amours extra-mondaines où, sous prétexte de rester libres, finissent par s’engluer, en des toiles d’araignées pires, tant d’infortunés concubins…

(Paul Arène)

Concubine

Delvau, 1864 : Femme qui, sans être mariée, a commerce de chair avec un homme, qui quelquefois est marié, lui.

Monsieur H**, disait un jeune homme au savant professeur que nous venons de perdre, j’ai eu l’honneur de me présenter chez vous, et je n’y ai rencontré que votre bonne… — Ce n’est pas ma bonne, monsieur, interrompit le père Hne d’un air terrible. Ce n’est pas ma bonne, c’est ma concubine !…

J. Le Vallois.

Concubiner

Delvau, 1864 : Vivre maritalement avec quelqu’un.

L’abbé de La Rivière, le favori de Gaston d’Orléans, entretenait ouvertement une demoiselle Legendre ; il la gardait auprès de lui dans son château de Petit-Bourg et concubinait avec elle, sans seulement songer à sauver les apparences. « Elle est à cette heure comme sa ménagere », écrivait Tallemant vers 1660.

(Hist. de la prostitution.)

Rigaud, 1881 : Vivre en état de concubinage.

Lui qui concubinait avec une servante dans sa propre maison.

(J. Barbey d’Aurévilly, Les Diaboliques, 1874.)

Concupiscence

Delvau, 1864 : Le fond d’inclinaison naturelle qui nous fait désirer, hommes, de baiser toutes les femmes, femmes, d’être foutues par tous les hommes.

Le mariage était un nom d’honneur et de dignité, et non de folâtre et lascive concupiscence.

Montaigne.

L’âpre stérilité de votre jouissance
Altère votre soif et raidit votre peau,
Et le vent furibond de la concupiscence
Fait claquer votre chair ainsi qu’un vieux drapeau.

Charles Baudelaire.

Condé

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Permission.

Clémens, 1840 : Pouvoir.

un détenu, 1846 : Libre. Être condé, être libre d’agir.

Larchey, 1865 : Maire — Demi-condé : Adjoint. — Grand condé : Préfet de police. — Diminutif dérivant du même mot que le précédent.

Delvau, 1866 : s. m. Permission de tenir des jeux de hasard, — dans l’argot des voleurs, qui obtiennent cette permission d’un des condés suivants :
Grand condé. Préfet.
Petit condé. Maire.
Demi-condé. Adjoint.
Condé franc ou affranchi. Fonctionnaire qui se laisse corrompre.
Plus particulièrement : Faveur obtenue d’un geôlier ou d’un directeur.

Rigaud, 1881 : Maire. — Demi-condé, adjoint. — Grand-condé, préfet de police.

Rigaud, 1881 : Jeu autorisé sur la voie publique. — L’autorisation elle-même. C’est une déformation de congé, permission. Par extension se dit de ceux qui octroient les permis de stationnement sur la voie publique, tels que maires, adjoints, préfets.

Fustier, 1889 : Influence.

Ils avaient accaparé les meilleurs postes, ceux qui procurent le plus de condé (influence).

(Humbert : Mon bagne.)

La Rue, 1894 : Pouvoir. Autorité. Faveur. Permission de tenir des jeux de hasard dans une foire ou une fête obtenue du grand condé (préfet), du petit condé (maire), du demi condé (adjoint) ou du condé franc ou affranchi (fonctionnaire qui s’est laissé corrompre).

Rossignol, 1901 : Permission, autorisation. Être autorise à stationner sur une place publique pour y débiter de la marchandise, ou y exercer un métier c’est avoir un condé. Un individu soumis à la surveillance, qui est autorisé à séjourner à Paris, a un condé.

Hayard, 1907 : Dispense, permission de s’installer sur la voie publique.

France, 1907 : Permission ou faveur obtenue dans la prison. C’est aussi la permission de tenir des jeux de hasard, dans les fêtes foraines ou sur la voie publique, à charge de servir d’indicateur à la police. De là on a donné au même mot la signification d’influence. Du vieux mot condeau, écriteau : « Les permis se délivrent sur des cartes qui sont de petits écriteaux. » (Lorédan Larchey)

France, 1907 : Maire. Demi-condé, adjoint. Grand condé, préfet. Condé franc, magistrat ou fonctionnaire qu’on peut corrompre.

Condé (avoir un)

Virmaître, 1894 : Individu qui obtient l’autorisation de tenir un jeu ou une boutique ambulante sur la voie publique, à condition de rendre des services à la préfecture de police. Avoir un condé c’est être protégé et faire ce que les autres ne peuvent pas (Argot des camelots).

Condé (le)

M.D., 1844 : Le commissaire.

Condé franc

Larchey, 1865 : Magistrat corrompu (Vidocq). — V. Affranchir.

Condice

France, 1907 : Cage dans laquelle les condamnés sont enfermés pendant leur traversée pour les colonies pénitentiaires.
Se dit aussi pour maison. Diminutif de condition, maison.

— T’as raison, La Gaule… Je marche bien pour le fourbi… je suis avec toi et les autres pour fabriquer tout ce qu’il a dans la condice : quant à estrangouiller cette gonzesse, je n’en suis pas… j’ai les pieds nickelés !…

(Edmond Lepelletier)

Condition

Rigaud, 1881 : Maison, — dans le jargon des voleurs. Faire une condition, voler dans une maison. Mot emprunté au jargon des domestiques qui disent être en condition, pour être placé dans une maison.

La Rue, 1894 : Chambre. Changer de condition, déménager. Faire la condition, voler dans la maison où l’on est domestique.

Rossignol, 1901 : Maison, domicile.

Je rentre à la condition (maison).

France, 1907 : Maison. Changer de condition, déménager. Faire la condition, voler chez ses maîtres. Faire une condition, voler avec effraction. Filer une condition, guetter une maison dans le but d’y voler. Acheter une condition, changer de conduite, mener un autre genre de vie.

Condition, condice

Hayard, 1907 : Chambre, domicile.

Conditionné

d’Hautel, 1808 : Il est bien conditionné. Se dit par raillerie d’un homme plein de vin qui, ne pouvant plus se soutenir, bat les murs.

Conditions (dans les)

Rigaud, 1881 : C’est-à-dire, dans de bonnes conditions, comme il convient. Ce qui semble bon ou bien fait est dans les conditions. (Jargon du peuple).

Condor

France, 1907 : Apocope de Condorcet. Surnom donné aux élèves de ce lycée.

Conduire

d’Hautel, 1808 : Conduire bien ou mal sa barque. C’est conduire bien ou mal ses affaires ; réussir, ou non, dans ses entreprises.

Conduit

France, 1907 : Gosier, gorge.

— Si tu laisses partir la môme… elle ira nous vendre… nous sommes tous les cinq intéressés à ce qu’elle ne bavarde pas… Le plus sûr moyen, c’est de lui serrer le conduit… pas vrai, vous autres ?

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Conduite

d’Hautel, 1808 : Faire la conduite à quelqu’un. Signifie accompagner hors de la ville, et pendant quelques lieues, un ami qui va faire un voyage, pour lui témoigner les regrets que l’on a de le voir partir, et lui faire ses a dieux.

Conduite (acheter une)

Rigaud, 1881 : Mener une conduite plus régulière.

France, 1907 : Se ranger, devenir sage ou sobre, de débauché ou d’ivrogne qu’on était.

Un coup qu’on est là-bas on fait l’péinard tout d’suite ;
On fait pus d’rouspétance, on s’tient clos, on s’tient coi,
Y en a mêm’ qui finiss’nt par ach’ter une conduite
Et qui d’vienn’nt honnête homm’ sans trop savoir pourquoi

(Aristide Bruant)

Conduite (faire la)

Larchey, 1865 : Chasser avec voies de fait.

Les Français-Anglais vont te faire la conduite.

Layale, Chansons, 1855.

France, 1907 : Chasser, poursuivre quelqu’un avec menaces ou voies de fait. On dit aussi, dans l’argot des coulisses, que le régisseur fait la conduite de la pièce, lorsqu’il veille, le texte en main, aux entrées en scène des acteurs.

Conduite de Grenoble

Rigaud, 1881 : Ce fut primitivement un terme de compagnonnage. — Cette conduite se fait dans une société à un de ses membres qui a volé ou escroqué.

J’ai vu au milieu d’une grande salle peuplée de compagnons un des leurs à genoux ; tous les autres compagnons buvaient du vin à l’exécration des voleurs ; celui-là buvait de l’eau ; et quand son estomac n’en pouvait plus recevoir, on la lui jetait sur le visage. Puis on brisa le verre dans lequel il avait bu, on brûla ses couleurs à ses yeux ; le rôleur le fit lever, le prit par la main et le promena autour de la salle ; chaque membre de la société lui donna un léger soufflet ; enfin la porte fut ouverte, il fut renvoyé, et quand il sortit, il y eut un pied qui le toucha au derrière. Cet homme avait volé.

(Agricol Perdiguier, Du Compagnonnage).

Conduite de Grenoble (faire la)

Rigaud, 1881 : Éconduire. Accompagner un orateur, un personnage politique en le couvrant de huées. Réminiscence du terme de compagnonnage expliqué plus haut.

France, 1907 : Même sens que le précédent. Cette expression remonte à environ trois siècles. Le maréchal de Lesdiguières commandait dans le Dauphiné. Un jour, les Savoyards, en guerre avec nous, voulurent surprendre Grenoble. Ils partirent donc, munis d’échelles, pour donner l’escalade, mais le froid arriva, horrible, et les malheureux, tout transis, se traînèrent sur les routes pour rentrer dans leur pays. Les Dauphinois voulaient leur courir sus ; mais, émus de pitié, ils se contentèrent d’accélérer leur marche par quelques coups de trique, au lieu de les frapper de l’épée.

Conduite en règle

Rigaud, 1881 : « Quand un compagnon aimé quitte une ville, on lui fait la conduite en règle, c’est-à-dire que tous les membres de la société l’accompagnent avec un certain ordre. » (Almanach des métiers, 1852.) C’est l’opposé de la conduite de Grenoble.

Conduleuse

France, 1907 : Serrure. Dinguer la conduleuse, faire sauter la serrure.

Cône

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : La mort.

Cone (la)

Halbert, 1849 : La mort.

Cône (la)

anon., 1827 : La mort.

Cone ou conne

France, 1907 : Mort : de connir, tuer.

Confe-mili

France, 1907 : Abréviation de conférence militaire ; argot des polytechniciens. Ces conférences sont faites le dimanche matin par un capitaine.

Conférencier

Delvau, 1866 : s. m. Orateur en chambre, qui parle de tout sans souvent être payé pour cela. Mot nouveau, profession nouvelle.

Rigaud, 1881 : Individu qui parle sur un sujet quelconque, devant un public quelconque, dans une salle quelconque. Lorsque le conférencier est une dame, alors c’est une conférencière. Ordinairement elle parle en faveur de la revendication des droits de lafemmeet s’étend longuement sur le chapitre des mœurs publiques : La Rochefoucauld en jupon. Vulgairement on appelle le mâle et la femelle « des endormeurs en boîte. »

Rigaud, 1881 : Faire des conférences. Parler devant un public plus ou moins nombreux de ce qu’on n’a eu ni le temps, ni la patience, ni la force d’écrire pour un journal.

Confesser

d’Hautel, 1808 : Péché confessé est à moitié pardonné. Pour dire qu’il y a toujours un grand avantage à avouer franchement une faute que l’on a commise.

Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour faire l’acte vénérien.

Ci gist le cordelier Midieux,
Dont nos dames fondent en larmes,
Parce qu’il les confessait mieux
Qu’augustins, jacobins et carmes.

Cl. Marot.

On vient pour voir le père Urbain.
Il confesse encor sa dévote.

(Épigrammes.)

La Rue, 1894 : Dépouiller, voler l’argent et les habits.

France, 1907 : Faire l’acte vénérien. Jeu de mot.

France, 1907 : Dépouiller. Confesser le ponte, lui voler son argent et ses vêtements.

Confesseur

d’Hautel, 1808 : L’épingle du confesseur. On appelle ainsi une épingle avec laquelle les demoiselles ferment, par décence, le haut de leur fichu.
Cette expression n’est pas notée ici comme basse, mais seulement comme familière et figurée.

Confessionnal à deux roues de Chariot Casse-Bras

Rigaud, 1881 : Surnom que le peuple de Paris avait donné à la charrette du bourreau (1750).

Confirmer

d’Hautel, 1808 : Pour souffleter.
Je vais te confirmer. Pour, je vais te donner un soufflet.

Delvau, 1866 : v. a. Donner une paire de soufflets.

Rigaud, 1881 : Souffleter.

France, 1907 : Donner un ou des soufflets ; réminiscence du sacrement de ce nom, dans l’Église catholique, où l’évêque confirme la communion en touchant la joue du catéchumène. On dit aussi donner où recevoir la confirmation.

— Non, monseigneur, la confirmation ne se donne pas sur les fesses. Permettez-moi de vous dire que votre question est déplacée.

(La Lanterne des curés)

Confiture

France, 1907 : Excrément. Ce que le Dieu d’Israël ordonnait au prophète Ezéchiel, d’étendre sur son pain.

Confiture d’abricot

Rigaud, 1881 : Sécrétion des oreilles, — dans le jargon des collégiens qui ne rêvent que confiture.

Confitures

Delvau, 1864 : Le sperme, dont sont très friandes les femmes. — Brantôme parle quelque part, dans ses Dames galantes, d’un « amour bien lascif, composé de confitures spermatiques. »

Confiturier

France, 1907 : Fouilleur d’ordures.

Conflit

Delvau, 1864 : Bataille amoureuse, combat corps à corps et nu à nu.

Écrivant les beautés du lit
Où se fit l’amoureux conflit.

Théophile.

Confondre

d’Hautel, 1808 : Que le diable te confonde. Imprécation qui exprime l’impatience, l’humeur que l’on a contre quelqu’un.

Confortable

Rigaud, 1881 : Maillot rembourré.

Décidément, pas plus tard que demain, je m’offre un petit confortable.

(Grévin, Au Théâtre.)

Fustier, 1889 : Verre de bière.

France, 1907 : Verre de bière de la contenance d’un litre.

Confrère de la lune

Delvau, 1864 : Cocu, — par allusion aux cornes de la blonde Séléné.

Delvau, 1866 : s. m. Galant homme qui a eu le tort d’épouser une femme galante, — dans l’argot du peuple, trop irrévérencieux envers le croissant de la chaste Diane.

Rigaud, 1881 : Mari trompé avant, pendant et après.

France, 1907 : Mari trompé. Allusion aux cornes du croissant. C’est le sort de presque tous les maris de devenir les confrères de la lune. C’est, du moins, l’avis de Brantôme, grand clerc en la matière, car voici ce qu’il dit dans ses Vies des Dames galantes :

Voilà enfin ce que je diray du subject de ce chapitre, lequel j’eusse pu allonger mille fois plus que je n’ay faict, ayant eu matière si ample et si longue, que si tous les cocus et leurs femmes qui les font se tenoient tous par la main, et qu’il s’en peust faire un cercle, je croy qu’il sera assez bastant pour entourer et circuir la moictié de la terre.
Du temps du roy François fut une vieille chanson, que j’ay ouy conter à une fort honneste et ancienne dame, qui disait :
   Mais quand viendra la saison
   Que les cocus s’assembleront,
   Le mien ira devant, qui portera la bannière,
   Les autres suivront après, le vostre sera au darrière.

Confrérie

d’Hautel, 1808 : Entrer dans la grande confrérie. Prendre pour femme une infidèle, augmenter la masse des dupes.

Coni

Rossignol, 1901 : Mort.

Je suis veuf, ma femme est coni.

France, 1907 : Mort.

Conifère

Delvau, 1864 : Jeune fille ou jeune femme, — de cunnus, con, et fero, je porte.

Quand on se promène le soir dans la rue Saint-Denis, on voit trotter sur les pavés un tas de jolis petits conifères.

A. François.

Coniller

Delvau, 1866 : v. n. User de subterfuges pour échapper à un ennui ou à un danger, se cacher, disparaître, comme un lapin (cuniculus, conil) dans son trou. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Chercher des prétextes pour se soustraire à un danger, ou pour éviter la société des gens ennuyeux.

La Rue, 1894 : Chercher à se soustraire, à se sauver.

France, 1907 : S’esquiver, se cacher rapidement et adroitement. De conil, lapin, du latin cuniculus.

Conin

Delvau, 1864 : Jeune con, con impubère, con qui n’est pas encore dans la circulation, n’ayant pas encore été frappé par le balancier de l’homme.

Vous avez là le conin le plus joli du monde.

La Popelinière.

Ton conin, pauvre oiseau sans plume.
M’ouvre un bee encor mal fendu.

Auguste Lefranc.

Conir

Delvau, 1866 : v. n. Mourir.

Cônir

Hayard, 1907 : Mourir.

Conir ou connir

France, 1907 : Mourir, tuer.

Coniste

Delvau, 1864 : Homme qui préfère le con au cul, — élevé qu’il a été à l’École normale de Paris au lieu fie l’avoir été à l’École anormale de Rome.

Si j’aime beaucoup mon vit, c’est que
L’estime fonde cet amour.
Voici le quatrième évêque
Qu’il refuse en un même jour ;
Il est coniste, et vous pouvez m’en croire,
Plus qu’un père de l’Oratoire.

Collé.

Conjonction

Delvau, 1864 : L’union naturelle de deux êtres d’un sexe différent.

Qui est-ce qui a le plus de plaisir, de l’homme ou de la femme, dans la conjonction naturelle ?

Mililot.

Il prononça la validité du mariage, et renvoya les époux se conjoindre dans la maison paternelle.

Diderot.

Conjungo

Delvau, 1864 : Le mariage, dans l’argot du populaire qui voit, dans ce mot une équivoque réjouissante (jungo, je joins, con, le con), au lieu d’y voir la première phrase du prêtre qui lie deux époux pour la vie.

La fruitièr’ dit, r’luquant ma mine :
Comment t’trouv’s-tu du conjungo ?

Tostain.

Delvau, 1866 : s. m. Mariage, — dans l’argot du peuple, qui a voulu faire allusion au premier mot du discours du prêtre aux mariés : Conjungo (je joins).

Rigaud, 1881 : Mariage.

À cela près, hâtez le conjungo.

(Poisson.)

France, 1907 : Mariage : du latin conjungure, épouser. Le prêtre dit en unissant le couple : Conjungo, je joins.

— Il est comme les autres, vous savez ! Des amourettes, oui, tant qu’on voudra ; mais du conjungo, serviteur, plus personne !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

L’institution du conjungo n’est plus qu’une vieille masure, menaçant ruine de toutes parts. L’édifice est si vermoulu que beaucoup de gens s’en méfient, refusant d’y pénétrer, craignant que le toit ne dégringole sur leur tête. D’ailleurs, le plus rude coup a été porté à l’antique bâtisse par le rétablissement du divorce. Du moment qu’il ne s’agit plus de baux à vie, mais de locations à temps, du moment qu’une fois établi dans la demeure matrimoniale, on à la faculté d’en sortir, non sans quelques cérémonies, d’aucuns jugent qu’il est plus simple et plus économique de n’y pas entrer, et s’installent à leur guise, à la bonne franquette, en des domiciles qui non rien d’officiel et où ils n’ont à rendre compte à personne de leurs allées et de leurs venues.

(Louis de Grammont, L’Éclair)

Connais (je la)

Rigaud, 1881 : Mot à mot : je connais ce que vous me racontez. Cherche-t-on à en imposer à quelqu’un qui est au courant des manœuvres parisiennes, il ne manquera pas de répondre : Celle-là je la connais, il ne faut pas me la faire, c’est moi qui l’ai inventée.

France, 1907 : Expression populaire signifiant : Inutile de me conter vos histoires ou de faire vos simagrées, je les sais par cœur.

Un clerc des ordres sacrés, James Reading, ayant, sans doute pour imiter Noé, fêté la dive bouteille, se trompe de chambre et se met dans le lit de la fille de son hôtesse, gamine de quatorze ans. Celle-si ne souffle mot, et probablement terrifiée par cette visite nocturne, feint un profond sommeil. Mais la mère, qui ne dormait que d’un œil, entend un bruit insolite, se lève, accourt et surprend l’apprenti clergyman dans une posture qui ne laissait aucun doute sur la nature de ses intentions.
— Misérable ! s’exclame-t-elle, que faites-vous là ?
Question au moins superflue.
— Rien, dit l’autre, je me prépare à dormir.
— Dans le lit de ma fille !
— Vraiment ! est-ce possible ? Serait-ce effectivement le lit d’Elisabeth ?
Il ne lui est plus permis d’en douter, car Elisabeth juge le moment opportun de s’éveiller en sursaut et de pousser des cris de paon.
— Ah ! je suis désolé ! dit avec un bel aplomb le jeune apôtre.
— Oui, je la connais ! riposte la mère irritée.

(Hector France, Lettres d’Angleterre)

Connaissance

Delvau, 1864 : Maîtresse, concubine.

Ah ! vous avez une connaissance, monsieur !

De Leuven.

Larchey, 1865 : Maîtresse.

Ah ! vous avez une connaissance, monsieur !

De Leuven.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des ouvriers, qui veulent connaître une fille avant de la prendre pour femme.

Rigaud, 1881 : Amant, maîtresse ; fiancé, fiancée, — dans le jargon des ouvriers, des militaires et des bonnes d’enfants.

T’nez M’sieu, j’aime mieux vous dire tout d’ suite, j’ai z’une connaissance.

(Grévin.)

France, 1907 : Bonne amie, maîtresse.

— Tu l’aim’s donc bien, c’te connaissance ?
— N’m’en parl’ donc pas, j’m’en frais crever !

(Chant d’atelier)

La connaissance est la compagne obligatoire du pioupiou et même du cavalier et du pompier. C’est elle qui vous fait passer agréablement les heures de promenade entre la soupe et la retraite ; elle qui vous refile une petite fiole de fine et de la bonne, prélevée sur la bouteille du bourgeois ; elle qui vous fait pénétrer dans la boîte par l’escalier de service, afin de vous donner le tendre bécot qu’elles n’a pas épanché sur votre joue aux Tuileries ; elle qui vous nourrit du quartier de poulet qu’elle mis en réserve à votre intention et qu’elle arrose, la chère amie, d’une bouteille de vin cacheté et de ses plus ineffables tendresses ; elle qui vous donne la clé de sa chambre lorsque vous avez la permission de la nuit ; elle qui vous paye de bons cigares avec son sou du franc, si toutefois son singe ne fume pas ; elle encore que vous verrez au premier rang de la foule, derrière le cipal, aux jours de revue, fiére de vous voir si beau sous l’uniforme, admirant votre air crâne et martial, et vous électrisant avec ses œillades pleines de promesses.

(Traité de civilité militaire et d’honnêteté, enseignée par Dache)

Le boursier X…, l’homme le plus riche, mais le plus connu pour sa paillardise, allait rendre le dernier soupir.
Son neveu arrive en toute hâte de Nice pour le voir une dernière fois.
— Savez-vous, demande-t-il au valet de chambre, si mon oncle a encore sa connaissance ?
— Certainement, monsieur, ils sont même ensemble depuis ce matin.

(Tintamarre)

— Laisse-moi parler ; tu vois bien que c’est la dernière fois que j’t’embête… Dis donc, Albert, comment que ça se fait que tu parles toujours de tes connaissances, et qu’j’aurais pas eu l’droit d’aimer aussi, moi…

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

Connaître (la)

Rigaud, 1881 : Être au courant de, au fait de. Les anciens du régiment disent proverbialement :

Il ne suffit pas de la connaître, il faut la pratiquer.

Primitivement l’expression signifiait : connaître la théorie ; par la suite on a abrégé et on a dit : la connaître. Le mot a pris de l’extension et s’applique à beaucoup d’autres choses.

Connaître dans les coins (la)

Merlin, 1888 : Être au courant des ficelles du métier. On dit également : être à la coule.

Fustier, 1889 : C’est la variante de l’expression citée par Delvau : Connaître le numéro.

France, 1907 : Être habile, pas se laisser duper et savoir attraper les autres.

Est-ce naturel qu’un vieux garçon qui la connait dans les coins, comme on disait au régiment, qui en a vu de toutes les couleurs, qui considère la femme comme un joujou un peu plus perfectionné que les poupées, s’énerve, compte les heures et les minutes, se surmène en des courses vertigineuses …

(Champaubert, Le Journal)

Connaître le journal

Delvau, 1866 : Être au courant d’une chose ; savoir à quoi s’en tenir sur quelqu’un. Argot des bourgeois. Signifie aussi : Savoir de quoi se compose le dîner auquel on est invité.

France, 1907 : Être bien informé et de première main.

Connaître le menu

Rigaud, 1881 : Pour les gourmets, c’est se réserver pour les meilleurs plats ; pour les vieux libertins, c’est avoir pris au moins une collation servie par l’amour chez madame ou mademoiselle une telle.

Connaître le numéro

Delvau, 1866 : v. a. Avoir de l’habileté, de l’expérience, — dans l’argot du peuple, qui ne se doute pas que l’expression a appartenu à l’argot des chevaliers d’industrie. « Les escrocs disent d’une personne qu’ils n’ont pu duper : Celui-là sait le numéro, il n’y a rien à faire. » (Les Numéros parisiens, 1788.) Connaître le numéro de quelqu’un. Savoir ce qu’il cache ; connaître ses habitudes, son caractère, etc.

Connaître le numéro de quelqu’un

Larchey, 1865 : Être fixé sur sa valeur morale.

Je sais d’où tu viens, je sais par où tu as passé, je connais tous tes numéros.

Ces Dames, 1860.

France, 1907 : Connaître les côtés faibles d’une personne, ses habitudes, ses secrets.

Connaître le tour

Clémens, 1840 : Être roué, bon voleur.

Connaître le tour du bâton

France, 1907 : Savoir commettre d’adroites voleries.

Connaître le truc

Larchey, 1865 : Connaître le secret V. Cloporte.

Connaître les postures

Delvau, 1864 : Avoir appris dans l’Arétin, ou au bordel, les divers mouvements et positions du corps les plus propres à l’accomplissement de l’acte vénérien ; être très versée dans l’art de faire jouir les hommes.

Connaître son affaire

Delvau, 1864 : Se dit d’une femme rompue au métier d’amour et connaissant, par conséquent, tous les moyens à employer pour faire jouir les hommes.

Elle est belle, ma Joséphine !… et elle connaît son affaire…

Tisserand.

Connaître un vieux

Delvau, 1864 : Servir de maîtresse à un vieux libertin, essayer de tous les moyens connus pour le faire godiller.

J’ me mets à connaît’ un vieux, encore un autr’, un troisième, et pis, et pis…

Henry Monnier.

Connaître une femme

Delvau, 1864 : La baiser, qu’on la connaisse ou non.

Le bonhomme se vantait tout haut de n’avoir jamais connu que sa femme.

Tallemant des Réaux.

Connasse

Halbert, 1849 : Femme honnête.

Delvau, 1864 : Jeune fille sans expérience de l’amour, malhabile aux jeux de l’alcôve. — S’emploie aussi pour désigner un con de mauvaise mine, ou un grand con, ou un con de vieille femme. Quelques auteurs désignent, par le mot connasse, une femme honnête. Les femmes inscrites comme filles publiques à la police désignent souvent aussi par le nom de connasse les allés qui font habituellement la vie et qui craignent de se faire inscrire.

… À l’une sa connasse
Qui tombe par lambeaux…

Louis Protat.

Mais on sent aussi qu’un connichon aussi jeune ne pouvait admettra un vit qui ne décalottait pas encore, il me fallait une connasse.

(Anti-Justine, p. 3.)

Larchey, 1865 : Les femmes inscrites à la police donnent ce nom à toutes celles qui ne le sont pas.

France, 1907 : Femme honnête.

Conne

La Rue, 1894 : Mort. Connir, tuer.

Conneau

Delvau, 1864 : Diminutif de con.

O toi…
Dont le frais conneau
Sera toujours beau,
Il faut, pour que le carme abonde,
Contenter l’miché.

Dumoulin.

Connerie

Virmaître, 1894 : Bêtise
— Tu déconnes, tu ne sais pas ce que tu dis.
Mot à mot : tu es un c-o-n, pantoufle, un crétin. Ce mot ancien vient de conard. Il est employé dans le peuple pour désigner un autre objet (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Bêtise, stupidité.

France, 1907 : Acte on parole stupide. « Vous ne dites ou vous ne faites que des conneries. »

Connichon

Delvau, 1864 : Petit con où l’homme a de la peine a enfoncer sa « vivifique cheville. »

Connil

Delvau, 1864 : Petit con ; ou, par extension : Jeune pucelle. — V. Chasser aux connils.

Conniller

d’Hautel, 1808 : S’esquiver, s’échapper, chercher des subterfuges pour se tirer d’une mauvaise affaire.

Connin

France, 1907 : Nature de la femme, celle surtout de la petite fille.

Connir

Larchey, 1865 : Tuer (Vidocq). V. Sciage. — La mort est la conne.

Connobre

Rigaud, 1881 : Connaître, reconnaître, — dans le jargon des voleurs.

Connobrer

Larchey, 1865 : Reconnaître (id.). — Corruption de mot.

La Rue, 1894 : Connaître, reconnaître.

Connoissance

d’Hautel, 1808 : Se trouver en pays de connoissance. Rencontrer en un lieu des personnes que l’on connoit, et dont on est connu ; ou se trouver avec des étrangers dont on sait la langue.

Connoître

d’Hautel, 1808 : Il ne connoît pas sa main gauche d’avec sa main droite. Se dit par exagération d’un ignorant, d’un idiot, d’un homme sans moyens, sans capacité, et qui a la manie de parler de tout ce qu’il ne connoît pas.
Il ne connoît ni Dieu ni diable. Pour, rien ne peut arrêter son libertinage, ses déréglemens.
Avoir la conscience large. N’être ni scrupuleux ni délicat sur l’article de la probité.
Se mettre un verre de vin sur la conscience. Manière plaisante, pour dire, se réconforter avec un verre de vin.

Connu !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot du peuple, qui l’emploie pour interrompre les importuns, les bavards — et même les éloquents. Signifie aussi : C’est usé ! Je ne crois plus à ces choses-la !

Conoblé

M.D., 1844 : Connu.

Conobler

M.D., 1844 : Connaître.

Rossignol, 1901 : Connaître, savoir.

Je sais qui tu es, je te conoble. — Tu ne vas pas m’apprendre à le conobler, j’ai été élevé avec lui.

Conobler ou connobrer

France, 1907 : Connaître. L’origine latine cognoscere est ici visible.

— Eh bien ! esgourdes-nous… Ton patron, ce vieux poteau, est, comme tu le conobles, un de nos faisandiers les plus costeaux.

(Edmond Lepelletier)

Montron drogue à sa largue ;
Bonnis-moi donc girofle ;
Qui sont ces pègres-là
Des grinchisseurs de bogues,
Esquinteurs de boutoques ;
Les connobre-tu pas !

(Chanson en argot)

Conobrer

Delvau, 1866 : v. a. Connaître, — dans l’argot des voleurs. Ce verbe ne viendrait-il pas de cognoscere, connaître, ou de cognobilis, facile à connaître.

Conombrer

Halbert, 1849 : Connaître.

France, 1907 : Même sens que ci-dessus.

Conottes

un détenu, 1846 : Dents.

Conquête

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse d’une heure ou d’un mois, — dans l’argot des bourgeois, Alexandres pacifiques.

Rigaud, 1881 : Triomphe de l’amour, d’homme à femme. — Triomphe de l’argent, de femme à homme. Faire des conquêtes, séduire un certain nombre de femmes, être aimé du beau sexe, lui plaire.

Conquêtes

Delvau, 1864 : Coups tirés, femmes baisées, hommes cocufiés.

O ma chère Victoire, quelles conquêtes vous avez faites dans votre putain de vie.

J. Le Vallois.

Adieu, conquêtes,
Joyeuses fêtes,
Où le Champagne au lansquenet s’unit.

Gustave Nadaud.

Conscience

Delvau, 1866 : s. f. Travail spécial, fait à la journée au heu de l’être aux pièces. Argot des typographes. Être en conscience, ou à la conscience. Travailler à la journée.

Rigaud, 1881 : Ventre, estomac. Se mettre un verre de vin sur la conscience, ingurgiter un verre de vin.

Puis quand il eut mis sur sa conscience un broc de vin blanc.

(Le Roux, Dict. comique.)

Rigaud, 1881 : Travail à la journée, en terme de typographe. — L’atelier des typographes payés à la journée. Homme de conscience, typographe payé à la journée.

Boutmy, 1883 : s. f. L’ensemble des ouvriers qui travaillent à la journée ou à l’heure, par opposition à ceux qui travaillent aux pièces.

Conscience (homme de)

France, 1907 : Ouvrier typographe qui travaille à la journée au lieu de travailler aux pièces. On dit : être en conscience ou à la conscience, pour : travailler à la journée, parce que le patron s’en rapporte à la conscience de l’ouvrier pour la quantité de travail à fournir.

Conscrar

Fustier, 1889 : Élève de première année à l’École Polytechnique.

C’est la première chose que les anciens apprennent aux conscrars lorsqu’ils arrivent à l’école.

(Gil-Blas, 1882. V. Delvau : Conscrit.)

Conscrard

France, 1907 : Élève de première année à l’École Polytechnique.

Le conscrard ne devient conscrit qu’après avoir subi les épreuves de l’absorption, du bahutage, suivant l’expression moderne, après avoir passé devant la commiss, et avoir entendu la lecture de sa cote sur l’estrade le jour de la séance des cotes. Jusque-là, il a été basculé, absorbé, bahuté, en un mot brimé par les anciens.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Quand on pense que les femmes,
Qui sont des êtres charmants,
Ont pu porter dans leurs flancs
Ces conscrards, êtres infâmes…
C’est à dégoûter vraiment
Du métier d’enfantement !

Conscrit

Delvau, 1866 : s. m. Élève de première année, — dans l’argot des Polytechniciens, dont beaucoup se destinent à l’armée. C’est aussi l’élève de seconde année à Saint-Cyr.

Fustier, 1889 : Normalien de première année.

France, 1907 : Jeune homme naïf. Les ouvriers donnent ce sobriquet à ceux d’entre eux qui débutent dans leur profession, ou qui travaillent maladroitement.

France, 1907 : Élève de première année aux écoles militaires et aussi à l’École Normale.

Conseil

d’Hautel, 1808 : À nouvelle affaire, nouveau conseil. Réponse que l’on fait à ceux qui prévoient de grands obstacles, de grands inconvéniens dans le succès d’une affaire.
La nuit donne ou porte conseil. Pour dire qu’on songe, qu’on réfléchit pendant la nuit à ce que l’on a agité pendant le jour.

Conseiller (vaiselle de)

Rigaud, 1881 : Argenterie volée, — dans l’ancien argot.

Conseilleur

d’Hautel, 1808 : Les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Signifie que ceux qui se mêlent de donner des conseils téméraires, n’en partagent pas ordinairement les fâcheux résultats.

Conséquence

d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas pour la conséquence. Locution défectueuse, et qui équivaut à, ce n’est pas pour le prix, la valeur ou l’intérêt de cette chose, etc.

Conséquent

d’Hautel, 1808 : Ce mot, depuis quelques années surtout, est continuellement employée d’une manière vicieuse, et tout-à-fait opposée au sens qui lui est propre. En effet, veut-on exprimer que quelqu’un a une fortune considérable, on dit : il a une fortune conséquente ; qu’il a fait une grande perte, il a fait une perte conséquente ; qu’un objet ou un emploi quelconque est important, il est conséquent. Enfin, ce mot sert indistinctement à désigner tout ce qui est grand, important, et d’une valeur extraordinaire.
On ne sauroit trop fixer l’attention sur ces grossiers barbarismes, qui semblent pour ainsi dire consacrés, par l’emploi qu’en font journellement des gens que la fortune sembleroit avoir voulu mettre au-dessus du vulgaire.

Conservatoire

Larchey, 1865 : Mont-de-Piété (Vidocq). — On y conserve les objets mis en gage.

Delvau, 1866 : s. m. Grand Mont-de-piété, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété. Le conservatoire des bardes et autres.

France, 1907 : Mont-de-piété. On y conserve en effet si bien les objets que souvent le propriétaire ne les revoit plus.

Conservatoire de la Villette (elève du)

Rigaud, 1881 : Expression dont se sert le peuple pour désigner un mauvais chanteur.

Conservatoire de la Villette (élève du)

France, 1907 : Mauvais chanteur.

Conserver sa fleur

Delvau, 1864 : Garder son pucelage.

Pour conserver c’te fleur qui d’vient si rare,
Ma Lisa, tiens bien ton bonnet.

E. Debraux.

Conserves

France, 1907 : Vieilles pièces de théâtre gardées en tiroir. Lunettes.

Conserves, légumes conservés

Rigaud, 1881 : Répertoire classique. — Dans l’argot des romantiques, les soirs où le Théâtre-Français exhibait les conserves, étaient les soirs réservés à l’ancien répertoire.

Consigne

d’Hautel, 1808 : Donner une consigne à quelqu’un. Lui donner un ordre qui doit être exécuté strictement. Ce mot, exclusivement consacré à l’art militaire, est de mauvais goût dans la conversation.

Rigaud, 1881 : Tringle de fer qui sert à attiser le feu d’un poêle ; tisonnier, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Tisonnier. « Ainsi nommé parce qu’il est terminé par un crochet (on dit accrocher pour consigner). » (Lorédan Larchey)

Consigne à gros grains

Merlin, 1888 : Être privé de sortie, c’est de la simple consigne ; mais être mis en prison, c’est dela consigne à gros grains.

Consolateur

France, 1907 : Bonneteur qui exploite les gogos dans les trains, au retour des courses. Il opère généralement avec deux autres filous chargés d’amorcer la dupe en commençant par gagner.

On se rappelle que ces consolateurs sont l’objet d’une chasse incessante : mais en revenant des courses on trouve toujours des gogos et des consolateurs.

(Hogier-Grison, Les Hommes de proie)

Consolation

Larchey, 1865 : Eau-de-vie. — Ce mot dit avec une éloquence navrante ce que le pauvre cherche souvent dans un petit verre ; — L’oubli momentané de ses maux, et souvent de sa faim.

Bon, il entre dans le débit de consolation.

E. Sue.

Delvau, 1866 : s. f. eau-de-vie, — dans l’argot du peuple, qui se console à peu de frais. Débit de consolation. Liquoriste, cabaret.

Rigaud, 1881 : Débit de liqueurs. — L’eau-de-vie est la consolation des ivrognes.

Fustier, 1889 : Jeu de hasard à l’usage des filous.

Au lieu du rendez-vous, on jouait la consolation, partie qui consiste à diviser un tapis vert en cases, au moyen de lignes tracées à la craie, à numéroter chaque compartiment depuis un jusqu’au chiffre maximum que peuvent produire un certain nombre de dés et à payer enfin à chaque individu le montant de la mise qui se trouve dans la case que désigne la somme des points amenés par le coup de dés.

(La Loi, 1882).

La Rue, 1894 : Partie de cartes ou de dés proposée par les bonneteurs en wagon.

Virmaître, 1894 : Jeu qui se joue dans les wagons de chemins de fer au retour des courses. Les bonneteurs offrent la consolation aux joueurs malheureux, qui ont celle de se voir encore dépouillés (Argot des camelots).

Rossignol, 1901 : C’est un jeu de hasard que l’on appelait dans le temps la parfaite égalité, et, comme disait le teneur, « un petit jeu franc et loyal qui ne craint ni la rousse ni le municipal, c’est le petit jeu de la bobinette ; celui qui a peur de perdre, faut pas qu’il y mette. » Le mot consolation date de 1876 ; l’auteur est un nomme Loustelet, marchand de bijoux en chambre, qui importa ce jeu aux courses. Il se jouait en chemin de fer, à l’aller et au retour des courses, puis on s’arrêtait chez un marchand de vin pour y continuer la partie. Lorsque les joueurs étaient décavés, Loustelet faisait tirer gratuitement un bijou entre les perdants, ce qui était la consolation. Voyant que son métier prospérait, Loustelet avait pris plusieurs commis qui tenaient ce jeu séparément et pour lui ; mais ce petit truc fut vite connu et les chemins de fer infestés de teneurs de consolation. À cette époque c’était le petit jeu franc et loyal, les dés à jouer étaient dans un cornet ; depuis, ils se mettent dans une boîte en bois où il y a un avantage pour le teneur et toujours escroquerie (la boîte est arnaquée).

France, 1907 : Jeu de filous qui se joue dans les wagons, au retour des courses, appelé ainsi pour soi-disant consoler ceux qui ont perdu. Il se joue avec trois dés et un tableau divisé en six cases. Quelques marchands de vins du voisinage de la gare Saint-Lazare sont connus pour offrir leur bar aux consolateurs.

Après le tirage du gros lot, on a recommencé la partie pour les vice-présidents ; c’est ce que, dans je monde des bonneteurs, on appelle le jeu de la consolation.

(Grosclaude, Gil Blas)

France, 1907 : Eau-de-vie.

Consolation (s’en offrir une)

Virmaître, 1894 : Aller boire un coup et même plusieurs chez le marchand de vin pour faire passer un chagrin réel ou imaginaire. Un assommoir de Belleville avait pris cette enseigne ; les buveurs se consolaient en s’empoisonnant (Argot du peuple).

Console

France, 1907 : Abréviation de consolation. Jeu de bonneteurs.

Consoler son café

Delvau, 1866 : Mettre de l’eau-de-vie dedans. Habitude normande, — très parisienne.

France, 1907 : Y mettre de l’eau-de-vie.

Consolette

France, 1907 : Abréviation de consolation.

Mais la cueillette est meilleure dans les trains de banlieue où les bonneteurs offrent aux victimes du turf la petite partie dite la consolette. Cette escroquerie a été expliquée cent fois, ce qui n’empêche pas les naïfs de s’y laisser perpétuellement prendre. On connaît la combinaison. Étant données trois coquilles de noix dont l’une recouvre un pois, où trois cartes dont l’une est gagnante, le bonneteur mélange avec une feinte gaucherie coquilles ou cartes, et offre à mises égales de deviner la bonne. Un spectateur essaye et réussit à tout coup. C’est un compère, un comte, en argot professionnel. Encouragés par ce résultat, d’autres voyageurs parient et perdent. Ce sont les pantes.

(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)

Consomm

Larchey, 1865 : Rafraîchissement. — Abrév. de consommation.

Ces dames doivent être altérées par la danse, ce dont elles ne disconviennent pas. Partant de là, il les supplie d’accepter une consomm.

Mornand.

France, 1907 : Apocope de consommation.

Consomme

Delvau, 1866 : s. f. Apocope de consommation, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Consommation.

Consommer le sacrifice

Delvau, 1864 : Faire l’acte copulatif depuis A jusqu’à Z, depuis le premier baiser qui joint les lèvres d’en haut, jusqu’au dernier spasme qui distend les lèvres d’en bas.

… Dès que le sacrifice
Est consommé, l’on se tourne le dos.

Louis Protat.

Consommer son kabyle

Delvau, 1864 : Pédéraster un indigène, — dans l’argot des troupiers d’Afrique.

Quand il consommait son Kabyle,
On entendait sous le gourbi,
Au milieu de la nuit tranquille,
Le succube pousser ce cri…

Alexandre Pothey.

Conspiration du silence

Rigaud, 1881 : Entente tacite de la presse, — la seule peut-être qui existe — dans le but d’étouffer un nouveau journal sous le poids du silence, un silence plus préjudiciable que les critiques les plus acerbes. En vain pour le faire rompre, le nouveau venu passe-t-il de la flatterie aux invectives et des invectives à la provocation : Nouvelles à sensation, premiers-Paris remarquables, articles originaux, autant d’encre perdue. Les vétérans du journalisme demeurent muets ; puis, un beau jour, la feuille infortunée rend le dernier soupir sans que le public se soit seulement douté de son existence ; et un autre beau jour, les articles originaux morts-nés, légèrement démarqués, obtiennent un succès prodigieux dans la feuille d’un des conspirateurs sans délicatesse.

Constant

d’Hautel, 1808 : Bouquet penchant, amant constant. Dicton badin dont on amuse les jeunes demoiselles, lorsque les fleurs qu’elles portent à leur sein se fanent et s’inclinent.

Constante

Delvau, 1866 : s. f. Nom que les Polytechniciens donnent à relève externe, parce que l’externe sort de l’école comme il y est entré : il n’a pas d’avancement ; il n’est pas choyé, il joue au milieu de ses camarades le rôle de la constante dans les calculs : il passe par toutes les transformations sans que sa nature en subisse aucune variation.

France, 1907 : Élève externe de l’École Polytechnique. Ils sont ainsi plusieurs envoyés en France par leur gouvernement pour perfectionner leur instruction.

Ils ne participent à aucun classement, ils n’ont pas de costume spécial ; avant pas d’uniforme, ils n’ont naturellement pas d’épée, c’est-à-dire de tangente : ayant une tangente nulle, ce sont des constantes.
Ces jeunes gens appartiennent pour la plupart, à des familles considérables. Quelques-uns d’entre eux, rentrés dans leur patrie après deux années de séjour à l’Ecole, n’ont pas tardé à conquérir une grande réputation.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

On donne, par extension, disent les mêmes auteurs, le nom de constante à l’élève qui fréquente une salle autre que la sienne.

Constipé

d’Hautel, 1808 : Avoir une mine constipée. Être triste ; avoir de l’humeur ; faire la lipe.

Consulter Larousse

Fustier, 1889 : ou, pour parler plus clairement : consulter le Dictionnaire rédigé par M. Larousse. Argot des écoles. Je vais consulter Larousse à la bibliothèque, disent à leurs parents les jeunes collégiens de seize à dix-huit ans. Et au lieu de se rendre à la bibliothèque Sainte-Geneviève ou dans un cabinet de lecture, ils s’en vont tout droit… à la plus proche brasserie desservie par des femmes.

Les tout jeunes gens y vont (dans ces brasseries) sous prétexte de boire un bock et de consulter le Dictionnaire Larousse. Aujourd’hui, ces deux mots : Consulter Larousse ont, dans le langage des lycées, un sens sur lequel je n’ai pas besoin d’insister.

(La Ligue, juillet 1885.)

Conte

d’Hautel, 1808 : Des contes à Robert mon oncle. Fariboles, bourdes, menteries, gasconnades.

Conte bleu

France, 1907 : Histoire invraisemblable, comme celles imprimées pour les enfants dans la bibliothèque dite bleue.

Content

d’Hautel, 1808 : Content comme un vilain. Pour dire, rien moins que satisfait ; homme trompé dans son attente, qui s’en va sans mot dire, mais dont le silence atteste le mécontentement.
Content comme un chien qu’on fouette. Contrarié, mécontent, qui éprouve un déplaisir intérieur.
Est heureux qui est content. On sous-entend de son sort ; car le vrai bonheur consiste à se contenter de ce que l’on possède.
Avoir l’air content ; être content de sa personne. Paroître gai, enjoué ; avoir bonne opinion de soi ; être prévenu en sa faveur.

Contentement

d’Hautel, 1808 : Contentement passe richesse. Signifie que ce ne sont pas les grandes richesses qui rendent heureux, mais bien une vie douce, tranquille et exempte de tout remords.

Contenter un homme

Delvau, 1864 : Le bien branler s’il aime cela, ou bien jouer des reins sous lui afin de le faire jouir.

Voici la recueil des principales choses que vous devez savoir pour contenter vos maris quand vous en aurez.

Mililot.

Malgré son air renfrogné,
En tout point je le contente ;
S’il me laisse un’ petit’ rente,
Ça s’ra d’ l’argent bien gagné !

Jules Poincloud.

Conter

d’Hautel, 1808 : Conte ton conte. Se dit par ironie, pour avertir quelqu’un que l’on n’est pas dupe de ses discours ; que c’est en vain qu’il cherche à en imposer.
Contes de vieilles ; de Peau-d’Âne ; de la Mère-l’Oie ; contes à la cigogne, à dormir de bout ; conte en l’air ; conte borgne ; conte bleu ; conte jaune, etc., etc. Niaiseries, frivolités insipides, dénuées de vraisemblance et de fondement ; vieilles histoires dont on berce les enfans.
En conter à quelqu’un. Le tromper, lui dissimuler la vérité.
On dit aussi d’une femme qui prête l’oreille aux discours galans, qu’Elle s’en fait conter.
En conter de rudes, de pommées.
Se complaire à débiter des faussetés, à faire de grossiers mensonges.

Conter à Dache où au perruquier des zouaves

France, 1907 : Expression militaire qui signifie : Je ne vous crois pas. Allez conter cela aux imbéciles.
Dache était, parait-il, un soldat resté légendaire pour sa naïveté au 3e régiment de zouaves. Les Anglais ont une expression analogue, ils disent : Contez cela aux soldats d’infanterie de marine (Tell that to the marines).

Conter à une femme (en)

Delvau, 1864 : Faire l’amour avec elle, — l’amour, ce conte des Mille et une Nuits, improvisé par tout homme galant en l’honneur de toute femme galante.

Conter fleurette

France, 1907 : Débiter des riens aimables, faire des compliments aux jeunes femmes et aux jeunes filles.

On sent, Claudine, en te contant fleurette,
Qu’il est plus doux, plus piquant pour l’amour
De chiffonner ta simple collerette,
Que les clinquants d’une riche toilette
Dont sont chargés tous nos tétons de cour.

Cette locution est fort ancienne : en voici l’origine :

Les jardiniers faisaient le commerce des roses qu’ils vendaient fort cher à la cour de Philippe Le Bel et de Louis le Hutin, ainsi qu’aux couples qui fréquentaient leurs treilles ombragées de rosiers. La locution conter fleurette trouve là son origine, parce que de hautes dames, des damoiselles et des damoiseaux de la Cité venaient au milieu des roses danser de belles caroles et se chuchotaient à l’oreille.

Cette explication est, en effet, conforme à Bescherelle, Littré et quelques autres savants, qui pensent que c’est par une métaphore facile à saisir que des propos galants ont été assimilés à une petite et jolie fleur. Littré ajoute que nous avions le mot fleureter, babiller, dire des riens, que les académiciens out supprimé, et dont les Anglais ont fait flirt (prononcer fleurt), verbe que les jeunés misses aiment tant à conjuguer. Ce qui confirmerait dans cette opinion, c’est que les Latins se servaient de la même expression : rosas loqui, — dire des roses, — qu’ils tenaient eux-mêmes des Grecs, lesquels l’avaient prise des Persans, qui, peut-être, l’avaient empruntée aux Babyloniens, etc. ; l’on pourrait remonter ainsi jusqu’aux flirtations de notre mère Eve.
Cependant, je suis d’avis que Bescherelle, Littré et les autres se trompent, et voici pourquoi :
Conter fleurette s’écrivait, au XIIIe siècle, cunter des flurettes, c’est-à-dire compter de petites pièces de monnaie d’argent appelées ainsi à cause d’une fleur marquée an revers. Comment est-on arrivé à changer le sens primitif de cette expression ? Est-ce parce que ces pièces ayant, à la suite d’une refonte ou de faux monnayages si communs alors, perdu de leur valeur, l’on disait des gens à parole dorée, des hâbleurs, des gascons : « Ils comptent des fleurettes » — ils veulent faire passer pour de bon aloi des pièces qui ne valent rien ? Ou bien compter des fleurettes à une jeune fille, c’est-à-dire lui glisser dans la main de petites pièces d’argent, était-il, en ces siècles cyniques et grossiers, un moyen immoral de fondre sa vertu ?
Je suis assez disposé pour cette seconde version, laissant à un plus érudit le soin de la certifier.

Conter quelque chose au perruquier des zouaves

Fustier, 1889 : Argot militaire. Ne pas croire à cette chose.

Conteur

d’Hautel, 1808 : Un conteur de fagots. Hâbleur ; homme qui cherche à se rendre plaisant aux dépens du bon sens, de la raison et de la vérité.

Contre

d’Hautel, 1808 : Aller contre vent et marée. S’engager dans une affaire, malgré toutes les contrariétés qui s’opposent à son succès.
Si vous voulez prendre cette peine, je n’ai rien contre. Signifie, je ne m’oppose point à ce que vous preniez cette peine ; j’accède volontiers à votre désir.
Faire contre fortune bon cœur. Voy. Cœur.

Delvau, 1866 : s. m. Consommation personnelle, au café, que l’on joue avec une autre personne contre sa consommation.

France, 1907 : Consommation jouée au café.

France, 1907 : Complice d’un filou.

Le directeur d’un journal de sport a annoncé à ses lecteurs une prime de cinq cents francs pour celui qui donnerait au journal les meilleurs pronostics, c’est-à-dire qui désignerait à l’avance les gagnants d’une journée de courses d’Auteuil, de Longchamps où de tout autre hippodrome.
Or, nous le faisons remarquer aux naïfs, les cinq cents francs seront toujours gagnés par des amis du journal, autrement dit : par des complices ou contres.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

Contre-allumeur

France, 1907 : Espion employé par les voleurs pour jouer les agents de la sûreté ou les espions de la police.

Contre-Basse

Rigaud, 1881 : Derrière, — dans le jargon des voyous. — Travailler la contre-basse, porter des coups de pied au derrière. Sauter sur la contre-basse, même signification.

Contre-coup

Rigaud, 1881 : Contre-maître. — Contre-coup de la boîte, contre-maître de l’usine, de l’atelier.

Virmaître, 1894 : Contre-maître. Quand un ouvrier fait un loup (manque une pièce), c’est le contremaître qui reçoit le contre-coup du patron (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Contre-maître.

France, 1907 : Contremaître. Il reçoit en effet le contre-coup du patron lorsqu’un ouvrier se trompe.

Contre-marque du Père-Lachaise

Rigaud, 1881 : Médaille de Sainte-Hélène. Cette médaille a été accordée sous Napoléon III à tous les anciens soldats du premier Empire. Elle a été saluée également du sobriquet de médaille en chocolat, par allusion à sa couleur.

Contre-poil

d’Hautel, 1808 : Il a pris cette affaire à contre-poil. Pour dire, à rebours, mal-à-propos, dans un sens tout opposé à celui qui lui étoit propre.

Contre-temps

Delvau, 1864 : Fiasco amoureux.

À l’amant vieux et blême
Que tourmente Vénus,
Qui dit encor qu’il aime
Et ne le prouve plus.
Tu promets assistance
Contre les contre-temps.

Collé.

Contrebasse

France, 1907 : Pantalon. Sauter sur la contrebasse, donner un coup de pied au derrière.

Contrecoup

Hayard, 1907 : Contre-maître.

Contreficher (s’en)

France, 1907 : Se moquer de quelque chose, ne pas y prêter la moindre attention. « Je m’en fiche et je m’en contrefiche ! Je m’en fous et je m’en contrefous ! »

Contremarque du Père-Lachaise

France, 1907 : C’est la médaille de Sainte-Héléne que Napoléon III fit frapper en l’honneur des vieux serviteurs du premier Empire. Elle est aussi appelée médaille en chocolat, en raison de sa couleur.

Contribuable

La Rue, 1894 : L’homme volé.

France, 1907 : Volé. Tout contribuable, en effet, se dit volé par le fisc.

Contrôle

Delvau, 1866 : s. m. Flétrissure, marque de fer rouge sur l’épaule des forçats, — dans l’argot des prisons.

France, 1907 : On appelait ainsi la marque de fer rouge que l’on posait sur l’épaule des forçats à leur entrée au bagne.

Contrôler

Delvau, 1866 : v. a. Donner un coup de talon de botte sur la figure de quelqu’un. Argot des faubouriens. On dit aussi mettre le contrôle.

France, 1907 : Donner un coup de talon de soulier où de botte sur le visage du pante que l’on vient d’assommer et de dévaliser.

Contumace

d’Hautel, 1808 : Absent. Beaucoup de personnes disent à tort, coutumace.

Convalescence

Delvau, 1866 : s. f. Surveillance de la haute police, — dans l’argot des voleurs. Être en convalescence. Être sous la surveillance de la police.

Rigaud, 1881 : Surveillance de la haute police. Sortir de convalescence, ne plus être sous la surveillance de la police.

La Rue, 1894 : Surveillance de la haute police.

Hayard, 1907 : Surveillance, interdiction de séjour.

Convalescence (être en)

Virmaître, 1894 : Sous la surveillance de la haute police (Argot des voleurs). V. Surbine.

France, 1907 : Être sous la surveillance de la haute police.

Conversation criminelle

Delvau, 1864 : Celle qui a souvent lieu entre un homme et une femme mariée à un autre homme. — Cette aimable conversation se tient ordinairement ventre contre ventre, avec des baisers et des soupirs à la clef.

France, 1907 : Duo d’amants. La conversation n’est criminelle que pour l’époux ou l’épouse outragé.

Conversion

d’Hautel, 1808 : On ne demande pas la mort du pécheur, mais sa conversion. Signifie qu’en toute chose il faut proportionner la peine au délit, et laisser toujours une porte au repentir.

Convoitise de moines blancs, jalousie de moines noirs

France, 1907 : Ce vieux dicton mérite d’être rappelé. Aux XIIe et XIIIe siècles, dit Crapelet dans ses Proverbes et Dictons populaires, on partageait tous les moines en deux classes, les noirs et les blancs, distingués par la couleur de leur habit et la différence de leur règle. Les noirs suivaient la règle de saint Benoit et les blancs celle de saint Augustin. C’étaient les prémontrés, les chartreux, les carmes, les bernardins. Moins anciens que les noirs et par conséquent moins riches, ils convoitaient les richesses de ceux-ci et faisaient tout pour attirer à eux les fidèles. De leur côté, les moines noirs voyaient avec dépit et jalousie le succès croissant de leurs rivaux. Ces dictons contre les moines sont fort nombreux.

Méchante chair que chair de moine.

Le moine, la nonne et la béguine
Sont fort pires qui n’en ont la mine.

Mieux vaut gaudir de son patrimoine
Que le laisser à un ribaud moine.

Moines, monnaius, prestres et poullets
Ne sont jamais pleins ne saoulez.

Quand l’abbé tient taverne, les moines peuvent aller au vin.

Quand l’abbé danse à la cour, les moines sont en rut aux forêts.

Cop ou cope

France, 1907 : Apocope de copie, manuscrit.

Copahu (caporal) ou Sous-directeur de la pièce humide

Merlin, 1888 : Le caporal d’infirmerie.

Copaille

Rossignol, 1901 : Voir chatte.

Hayard, 1907 : Homme de mœurs douteuses.

France, 1907 : Jeune homme de mœurs inavouables. Individu du troisième sexe, pédéraste.

— Les copailles ?… Ce sont ces petits jeunes gens moulés dans leur culotte et leur pet-en-l’air qui se promènent et qui se tortillent en minaudant comme des filles. Elles se tiennent en général…
— Comment, elles ?
— Oui, c’est encore une particularité, on dit elles en parlant d’eux… Eh bien ! elles se tiennent en général aux Champs-Élysées et sur les grands boulevards, aux environs des cafés et principalement du Grand-Hôtel. Vous les voyez circuler deux par deux, par petits ménages, faisant des mines, des manières, maquillées, leur badine sous le bras, quelques-unes avec des tournures dans leurs pantalons. On les appelle aussi des lobes, des coquines, et quand elles parlent de l’une d’elles, elles disent entre elles : « C’est une sœur. » Mais ce qu’il faut entendre, ce sont les titres et les surnoms sous lesquels elles se distinguent. Il y a la Pompadour, la comtesse Dubarry, la duchesse de Mayenne, la de Valentinois, la reine d’Espagne, la reine d’Angleterre, l’archiduchesse d’Autriche, l’Épicière, le Petit Journal, la Petite-Semaine, la Miss Chaudron, la Miss Bombée, la mère Gamelle…

(Maurice Talmeyr)

Copain

Larchey, 1865 : « Être copain, c’est se joindre par une union fraternelle avec un camarade, c’est une amitié naïve et vraie qu’on ne trouve guère qu’au collège. » — H. Rolland. — Du vieux mot compain : compagnon. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Compagnon d’études, — dans l’argot des écoliers. On écrivait et on disait autrefois compaing, mot très expressif que je regrette beaucoup pour ma part, puisqu’il signifiait l’ami, le frère choisi, celui avec qui, aux heures de misère, on partageait son pain, — cum pane. C’est l’ancien nominatif de compagnon.

Rigaud, 1881 : Camarade de collège.

Le vrai mot est compain ou compaing, qui, du temps de nos bons aïeux, signifiait compagnon, qui lui-même vient de cum et panis, qui mange le même pain.

(Albanès, Mystères du collège.)

La Rue, 1894 : Compagnon, ami.

Virmaître, 1894 : Camarade de collège, compagnon. Ce mot n’appartient pas à Ed. About, comme le dit M. Lorédan Larchey, c’est un dérivé du vieux mot français compaing. Copaille pour copain (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Camarade, ami.

Hayard, 1907 : Camarade, compagnon.

France, 1907 : Camarade, compagnon d’études, d’atelier. Du vieux mot compaing, nominatif de compagnon, qui vient du latin cum pane, celui avec lequel on partage son pain.

Celui qui ose affronter la tyrannie est généralement estimé de ses condisciples, il est de toutes les parties, de tous les jeux, il a de nombreux copains. Être copain, c’est se joindre par une union fraternelle avec un camarade et mettre en commun jouets, semaines, confidences, tribulations ; c’est une amitié naïve et vraie, sais arrière-pensée d’égoïsme ou d’intérêt, qu’on ne trouve guère qu’au collège.

(Henri Rolland, L’Écolier)

Polyt’ c’est un copain à moi ;
Un chouette, un zigard, un vieux frère,
Mais i’ chahut’ ma ménagère,
Et, par moment, ça m’fout un froid.

(Aristide Bruant)

Cope

Delvau, 1866 : s. f. Apocope de copie, — dans l’argot des typographes. Avoir de la cope. Avoir un manuscrit à composer.

Copeau

Larchey, 1865 : Ouvrier en bois. — Mot à mot : faiseur de copeaux.

Delvau, 1866 : s. m. La langue, — dans l’argot des souteneurs de filles. Lever son copeau. Parler, bavarder.

Rigaud, 1881 : Langue, — dans le jargon des filles et de leurs chevaliers.

France, 1907 : Menuisier, charpentier.

France, 1907 : Langue ; argot des souteneurs. Lever son copeau, parler.

France, 1907 : Crachat.

Copeaux (faire des)

France, 1907 : Voler avec effraction.

Copie

d’Hautel, 1808 : Original sans copie. Homme bizarre, ridicule à l’extrême.

Delvau, 1866 : s. f. Travail plus ou moins littéraire, bon à livrer à l’imprimeur, — dans l’argot des gens de lettres, qui écrivent copiosissimè dans l’intérêt de leur copia. Faire de la copie. Écrire un article pour un journal ou pour une revue. Caner sa copie. Ne pas écrire l’article promis. Pisser de la copie. Écrire beaucoup trop, sur tous les sujets. Pisseur de copie. Écrivain qui a une facilité déplorable et qui en abuse pour inonder les journaux ou revues de Paris, des départements et de l’étranger, de sa prose ou de ses vers.

Boutmy, 1883 : s. f. Ce qui sert de modèle au compositeur. Elle est manuscrite ou imprimée ; la copie manuscrite est, on le comprend, payée un peu plus cher que la réimpression. Au figuré, faire de la copie sur quelqu’un, c’est dire du mal de lui, en médire.

France, 1907 : Manuscrit d’un auteur. Faire de la copie, écrire un article. Caner sa copie, manquer d’exactitude dans l’envoi de ses articles. Pisser de la copie, écrire abondamment sur tous les sujets, même ceux que l’on ignore le plus.

Lorsqu’un auteur agit bien avec le compositeur, lorsqu’il se met à son niveau, lorsque sa copie, c’est-à-dire son manuscrit, est lisible, l’ouvrage sera soigné, le texte ne sera pas déparé par des contresens, des lettres retournées, des fautes de français, des mots tantôt trop écartés, tantôt trop rapprochés l’un de l’autre. Le compositeur fera même disparaître des erreurs qu’il est capable d’apercevoir et de corriger. Mais si vous affectez de la morgue à son égard, si vous le traitez du haut de votre grandeur, si votre copie n’est pas mieux écrite que celle de M. Alphonse Karr (qui semble se servir de son terre-neuvien en guise de secrétaire), si votre manuscrit est couvert de ratures, surchargé d’ajoutés, le compositeur se dégoûte et prend à tâche de mal faire.

(Jules Ladimir, Le Compositeur typographe)

Une génération nouvelle de reporters a grandi, dont l’ardeur d’indiscrétion ne le cède qu’à son indifférence entière pour les idées. Semblables à cet orateur qui ne pensait pas, disait-il, quand il ne parlait pas, ces jeunes gens ne pensent point, quand ils interrogent point. Leurs victimes les fournissent de copie, et ils y ajoutent les inexactitudes… C’est justement ce qu’on appelle être bien informé…

(Brunetière)

Mais applaudir aux explosions et trouver que Ravachol était dans le vrai, parce que les journaux où l’on paye refusent d’insérer votre copie, ou parce que toute l’édition d’un volume de vers est encore en magasin, cela n’est vraiment pas du tout raisonnable et passe la limite de fureur et de vengeance permise au plus exaspéré des fruits secs.

(François Coppée)

Copie (pisseur de)

Rigaud, 1881 : Journaliste qui fait de l’abondance avec sa plume. — Un bon pisseur de copie écrit d’abondance et avec abondance sur n’importe quel sujet.

Copie de chapelle

Boutmy, 1883 : s. f. Exemplaire donné par l’auteur aux ouvriers. Ce mot est tombé en désuétude, les auteurs ne donnant plus d’exemplaire aux ouvriers, et les chapelles ayant cessé d’exister.

Copie sur quelqu’un (faire de là)

Rigaud, 1881 : Dire du mal de quelqu’un, dans le jargon des typographes qui savent mieux que personne que la copie des journalistes est, souvent, loin d’être à l’eau de rose.

Copier l’ordre

France, 1907 : Être de corvée de quartier.

Copine

France, 1907 : Féminin de copain.

La Sardine sort… elle pense à sa copine avant de se pousser de l’air… elle lui envoie un peu de pain et de jambon… c’est tout naturel… ça se fait tous les jours… les surveillantes n’y auront vu que du feu…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

En catimini, la mère glisse au nouveau troubade le maigre boursicot qu’elle a pu réunir à force de liarder… Puis, c’est des bécots à la copine, gironde ou non, qui a eu ses premières embrassades.

(Le Père Peinard)

Copuler

Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour faire l’acte vénérien.

Pour me copuler amoureusement.

(Moyen de parvenir.)

Copurchic

Fustier, 1889 : Elégant, homme qui donne le ton à la mode. Ce mot, un des derniers mis en circulation, vient de « pur » et de « chic », le premier indiquante perfection absolue du second. La syllabe co ne vient là que pour l’euphonie.

Le copurchic ne parle plus argot ; il se contente de parler doucement, lentement…

(Figaro, 1886.)

Le petit vicomte de X, un de nos plus sémillants copurchics…

(Gil Blas, juillet 1886.)

De copurchic est dérivé copurchisme qui désigne l’ensemble des gens asservis à la mode.

Les élégantes de copurchisme veulent, elles aussi, donner une fête au profit des inondés

(Illustration, janvier 1887.)

La Rue, 1894 : L’un des nombreux noms dont on a baptisé les oisifs élégants. On a dit successivement : gommeux, crevé, boudiné, vlan, pschutteux, etc.

France, 1907 : Élégant, à la dernière mode.

Le bal des canotiers de Bougival promet d’être très brillant ce soir, car une bande de copurchics doit l’envahir dans la soirée, en compagnie de quelques horizontales haut cotées sur le turf de la galanterie

(Gil Blas)

Copurchisme

France, 1907 : La suprême élégance.

Les gommeux anglais vont adopter le bracelet. Ce sera bientôt le dernier cri du copurchisme.
Les familiers du prince de Galles ont remarqué, en effet, que le promoteur de toutes les élégances portait au poignet gauche un bracelet d’or. Ce bracelet a une histoire : il a longtemps appartenu à Maximilien, le malheureux empereur du Mexique, et c’est un souvenir auquel le prince de Galles tient beaucoup.

(La Nation)

Coq

d’Hautel, 1808 : La machine coq. Expression baroque et insignifiante ; phrase de convention, dont le peuple se sert pour toutes les choses qu’il ne veut pas nommer publiquement ; le sens que renferme cette phrase ne doit être compris que par celui à qui elle est adressée.
Rouge comme un coq. Celui dont la figure est très-animée, très-haute en couleur.
C’est le coq du village. C’est-à-dire le plus hupé, le plus fin, le plus adroit.
La poule ne doit point chanter avant le coq. Pour dire que la femme ne doit point usurper l’autorité de son mari.
Coq-à-l’âne. Quiproquo, fadaises, jeu de mot.
Coq-en-pâte. Homme lourd et grossier, qui prend ses aises partout où il se trouve, et fait le gros seigneur.

Bras-de-Fer, 1829 : Cuisinier.

Delvau, 1866 : s. m. Cuisinier, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans la marine, et qui ne savent pas parler si bien latin, coquus.

France, 1907 : Cuisinier ; pris de l’anglais cook, dérivé lui-même du latin coquus. On dit ordinairement maître coq.

Coq en pâte (comme un)

France, 1907 : « Un coq en pâte est un coq mis à la retraite, qu’on engraisse avec force pâtée, et qu’on tient captif à cet effet sous un panier. C’est pour lui faire l’honneur de le manger qu’on en prend tant de soin… »

(Charles Nisard, Curiosités de l’étymologie française)

On disait autrefois coq au panier.

Coqsis

France, 1907 : Videur de tinettes.

Coquage

Rigaud, 1881 : Dénonciation, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Dénonciation.

Coquard

Delvau, 1866 : s. m. Œuf, — dans l’argot des enfants.

Delvau, 1866 : s. m. Œil, — dans l’argot des bouchers.

Rigaud, 1881 : Œil ; et les variantes : Cocarde, coquillard. S’en tamponner le coquillard, s’en moquer. Mot à mot : s’en battre l’œil, comme dit encore le peuple.

France, 1907 : Œuf.

France, 1907 : Œil. S’en tamponner de coquard, s’en moquer, s’en battre l’œil.

Coquard, coquillard

La Rue, 1894 : Œil.

Coquardeau

Delvau, 1864 : Galantin, nigaud, bavard. — Gavarni a cru inventer Monsieur Coquardeau : il se trouvait déjà dans Rabelais.

Delvau, 1866 : s. m. Galant que les femmes dupent facilement, — dans l’argot du peuple. Le mot n’est pas aussi moderne qu’on serait tenté de le croire, car il sort du Blason des fausses amours :

Se ung coquardeau
Qui soit nouviau
Tombe en leurs mains,
C’est un oyseau
Pris au gluau
Ne plus ne moins.

France, 1907 : Mari trompé ; jeune imbécile qui se laisse facilement duper par les femmes. Le mot est vieux. Delvau et Lorédan Larchey citent ce sizain du moyen âge, tiré du Blason des fausses amours :

Se ung coquardeau
Qui soit nouviau
Tombe en leurs mains,
C’est un oyseau
Pris au gluau,
Ne plus ne moins.

Coquarder

Delvau, 1866 : v. n. Alvum deponere. Argot des faubouriens. (V. Coquard et Pondre un œuf.)

France, 1907 : Se débarrasser le ventre, littéralement faire un coquard, c’est-à-dire pondre un œuf.

Coque

d’Hautel, 1808 : Marie la Coque. Terme injurieux ; femme indiscrète et de mauvaises mœurs ; babillarde, causeuse qui néglige les affaires de son ménage.
Ce sont des contes à Marie la Coque. C’est-à dire des bavardages qui ne méritent aucune confiance.
À peine est-il sorti de la coque. Se dit par reproche à un jeune homme qui prend des airs qui ne lui conviennent pas, pour l’avertir qu’il n’est encore qu’un enfant.
Avoir un œil à la coque. Pour dire avoir l’œil meurtri, poché.

Coqué (être)

M.D., 1844 : Être dénoncé.

Coquebain

France, 1907 : L’équivalent masculin de pucelle, celui dont le poète a dit :

Le cœur d’un homme vierge est un vase profond ;
Lorsque la première eau qu’on y verse est impure,
La mer passerait sans laver la souillure,
Car l’abîme est immense et la tache est au fond.

(Alfred de Musset)

— Thérèse, je t’amène un ami, un joli garçon, de mon âge et de ma taille, et, de plus, un coquebain. Il commence : Je lui décerne les honneurs.

(Dubut de Laforêt)

Coquecigrue

d’Hautel, 1808 : Baliverne, objet chimérique, discours saugrenus.
Qu’avez-vous ? Ce sont des coquecigrues. Réponse que l’on fait à quelqu’un qui se permet une demande indiscrète.
C’est un plaisant coquecigrue. Pour, un plaisant original, un sot être.
Elle arrivera à la venue des coquecigrues. C’est-à-dire, jamais.

Coqueluche

d’Hautel, 1808 : Faire la coqueluche de quelqu’un. Signifie posséder momentanément l’affection d’une personne capricieuse.
Elle en fait sa coqueluche ; c’est sa coqueluche. Pour dire, c’est actuellement l’objet de toutes ses bienveillances.

Coquemart

Fustier, 1889 : Chaudron. (Richepin.)

France, 1907 : Chaudron.

Coquer

un détenu, 1846 : Donner, être révêlé, enseigner, indiquer.

Halbert, 1849 : Embrasser.

Larchey, 1865 : Dénoncer. — Mot à mot : cuisiner, apporter tout préparé. — Du vieux mot coc : cuisinier (coquus). V. Raynouard. — On retrouve la même allusion dans les mots cuisinier et casserole.

En province, il avait coqué quelqu’un de leur bande.

E. Sue.

Delvau, 1866 : v. a. Donner, — dans le même argot [des voleurs]. Coquer la camouffle. Présenter la chandelle. Coquer la loffitude. Donner l’absolution. Coquer le poivre. Empoisonner. Coquer le taf. Faire peur.

Delvau, 1866 : v. a. Dénoncer, — dans l’argot des voleurs, qui ont emprunté à l’argot lyonnais ce mot qui signifie embrasser, comme fit Judas Iscariote pour Jésus.

Rigaud, 1881 : Mettre. Coquer le rifle, mettre le feu.

Rigaud, 1881 : Donner. Coquer le poivre, donner du poison.

Rigaud, 1881 : Dénoncer. C’est le mot croquer moins l’R. En argot manger le morceau aie même sens.

La Rue, 1894 : Dénoncer. Donner. Mettre. Embrasser. Coquer son centre, donner, son nom. Coquez ! Enlevez ! Volez ! Il est temps.

Virmaître, 1894 : Dénoncer (Argot des voleurs). V. Mouton.

Rossignol, 1901 : Dénoncer quelqu’un.

Hayard, 1907 : Vendre, dénoncer.

France, 1907 : Embrasser.

— Tandis que, très allumé, j’étais en train de coquer la grosse cantinière en lui fourrageant l’arrière-train, v’là que rapplique le cornard de mari.

(Les Joyeusetés du régiment)

France, 1907 : Donner. Coquer son centre, donner son nom. Coquer la loffitude, donner l’absolution.

France, 1907 : Dénoncer ; du mot coq, cuisinier, qui, en argot, signifie dénonciateur.

Quand on en aura refroidi quatre ou cinq dans les préaux, les autres tourneront leur langue deux fois avant de coquer la pègre.

(Eugène Sue, Les Mystères de Paris)

Coquer de rifle

Virmaître, 1894 : Allumer une femme. S’enflammer en la regardant (Argot des voleurs).

Coquer la loffitude

Virmaître, 1894 : Prêtre qui donne l’absolution.
— J’ai été à comberge et le ratichon m’a coqué la loffitude (Argot des voleurs).

Coquer le poivre

Larchey, 1865 : Empoisonner. — Coquer le rifle : Mettre le feu.

Girofle largue, depuis le reluit où j’ai gambillé avec tezigue et remouché tes chasses et ta frime d’altèque, le dardant a coqué le rifle dans mon palpitant qui n’aquige plus que pour tezigue.

Vidocq

Coquer : Donner. V. Ravignolé.

France, 1907 : Empoisonner.

Coquer le rifle

France, 1907 : Incendier.

Coquer le taf ou le taffe

France, 1907 : Faire peur.

Un jour, vers la brune, vêtu en ouvrier des ports, Vidocq était assis sur le parapet du quai de Gesvres, lorsqu’il vit venir à lui un individu qu’il reconnut pour être un des habitués de la Petite Chaise et du Bon Puits, deux cabarets fort renommés parmi les voleurs.
— Ah ! bonsoir, Jean-Louis, dit cet individu en l’arcostant.
— Bonsoir, mon garçon.
— Que diable fais-tu là ? t’as l’air triste à coquer le taffe.

(Marc Mario et Louis Lansay, Vidocq)

Coquet

d’Hautel, 1808 : C’est tout-à-fait coquet. Signifie, dans un sens ironique, c’est fort amusant, c’est tout-à-fait aimable ; et pour faire connoître à quel qu’un le déplaisir, le mécontentement que l’on éprouve de sa façon d’agir.

Coqueur

Clémens, 1840 : Mouchard non salarié.

M.D., 1844 : Celui qui, quoique voleur, en fait arrêter d’autres.

un détenu, 1846 : Révélateur.

Larchey, 1865 : « Le coqueur vient dénoncer les projets de vol à la police de sûreté. Le coqueur est libre ou détenu. Ce dernier est coqueur mouton ou musicien. Le mouton est en prison et capte ses codétenus. Le musicien ne révèle que ses complices. — Ce métier de dénonciateur s’appelle coquage. La musique est une réunion de coqueurs (musiciens). » — Canler.

Delvau, 1866 : s. m. Dénonciateur.

Rigaud, 1881 : Dénonciateur qui, à chaque dénonciation, touche une prime à la préfecture de police. — Le coqueur qui est compagnon de prison d’un accusé s’appelle mouton ou musicien. Son rôle consiste à capter la confiance des accusés dont la justice attend des révélations. Les variantes sont : Coq et coquin.

La Rue, 1894 : Dénonciateur. On dit aussi mouton. Coquage, dénonciation.

France, 1907 : Dénonciateur, individu vendu à la police. Il peut être en liberté ou en prison ; dans ce dernier cas, où l’appelle mouton ou musicien.

Le coqueur, ou compère de voleur, est un être méprisable, mais utile à la police pour prévenir le crime ou saisir les malfaiteurs en flagrant délit. Il se recruté habituellement : 1o parmi les repris de justice auxquels la réclusion a donné à réfléchir ; 2o dans les vagabonds ou gens sans aveu, chez qui la paresse, régnant en souveraine, rejette bien loin toute idée de travail, et surtout le labeur assidu du véritable ouvrier ; 3o parmi les êtres ignobles qui, dépouillant toute dignité personnelle, vivent aux dépens de la prostitution des filles publiques ; 4o parmi les bohémiens qui, sur les places et aux barrières, exercent le métier de banquistes et de saltimbanques.

(Mémoires de Canter)

Coqueur de bille

Larchey, 1865 : Bailleur de fonds.

Delvau, 1866 : s. m. Bailleur de fonds.

Coqueur de billes

Rigaud, 1881 : Banquier, changeur, bailleur de fonds. Et la variante : Coqueur de braise.

France, 1907 : Bailleur de fonds.

Coqueuse

France, 1907 : Dénonciatrice ; variété femelle du coqueur.

Coquez !

France, 1907 : Enlevez. C’est l’avis que donne le complice du voleur, lorsque le moment est venu de faire main basse sur l’objet convoité.

Coquignon

un détenu, 1846 : Vermine.

Coquillard

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pélerin.

Halbert, 1849 : Pélerin.

Delvau, 1866 : s. m. Pèlerin, — dans l’argot des faubouriens.

Fustier, 1889 : Œil. S’en tamponner le coquillard, s’en battre l’œil, s’en moquer.

France, 1907 : Pèlerin ; allusion aux coquilles dont s’ornait la pélerine des pieux vagabonds qui revenaient où feignaient revenir de la Terre sainte.

Coquillards sont les pélerins de Saint-Jacques ; la plus grande partie sont véritables et en viennent ; mais il y en a aussi qui trichent sur le coquillard.

(Le Jargon de l’argot)

Deux tables plus loin, un coquillard, avec son costume complet de pèlerin, épelait la complainte de Sainte-Reine, sans oublier la psalmodie et le nasillement.

(Victor Hugo, Notre-Dame de Paris)

France, 1907 : Œil ; allusion aux paupières qui ferment l’œil comme des coquilles.

Eh ben ! quand vous serez là, à écarquiller vos coquillards ! (Ouvrant une portière.) Prenez ma main, duchesse ! Vous allez entrer dans le tourbillon des plaisirs, comme ça, toute seule… ah ! malheur ! Comme si vous ne feriez pas mieux d’accepter une tournée d’un galant homme… de moi, par exemple ! Un verre de vin sur le zinc !… Quoi ? J’suis un homme propre, moi, et électeur… et ouvrier… sans ouvrage depuis qu’une sœur est à Saint-Lazare…

(Gil Blas)

France, 1907 : Cuirassier.

— Voyez-vous, affirma le gros capitaine Chavoye, — ce colosse dont la cuirasse ressemble à une guérite dans laquelle on pourrait donner des rendez-vous secrets, — vous direz tout ce que vous voudrez, mais il n’y a encore que les coquillards…

(Pompon, Gil Blas)

Coquillards

anon., 1827 : Pèlerins.

Merlin, 1888 : Cuirassiers.

Coquille

d’Hautel, 1808 : Vendre bien ses coquilles. Être avare, intéressé ; faire trop valoir son travail ; vendre tout au poids de l’or.
Rentrer dans sa coquille. Se retirer prudemment d’une mauvaise affaire.
On dit aussi d’un homme dont on a réprimé le caquet et les mauvais propos, qu’on l’a fait rentrer dans sa coquille.
Qui a de l’argent a des coquilles.
Pour dire qu’avec de l’argent, on se procure tout ce qui peut faire plaisir.
À qui vendez-vous vos coquilles ? Locution usitée, en parlant à des marchands, pour leur faire entendre qu’on n’est pas leurs dupes ; que l’on sait apprécier la valeur de leurs marchandises.
À peine s’il est sorti de sa coquille. Espèce de reproche que l’on adresse à un jeune rodomont, qui prend trop de familiarité avec des gens plus âgés et plus expérimentés que lui.

Delvau, 1864 : La nature de la femme — dans laquelle l’homme aime à faire entrer son petit limaçon, qui y bave tout à son aise. Con, cha ? demanderait un Auvergnat.

Et Laurette, à qui la coquille démangeait beaucoup, s’y accorda facilement.

Ch. Sorel.

Delvau, 1866 : s. f. Lettre mise à la place d’une autre, — dans l’argot des typographes.

La Rue, 1894 : Assiette.

France, 1907 : Lettre ou mot mis à la place d’un autre. Il est des mots curieux, et d’autres fort désagréables pour les auteurs, qui voient leurs articles non seulement défigurés, mais rendus incompréhensibles et souvent ridicules. Un ouvrier compositeur s’est amusé, dans le Paris Vivant, à énumérer quelques-unes des espièglerie de la coquille.

Toi qu’à bon droit je qualifie
Fléau de la typographie,
Pour flétrir tes nombreux méfaits,
Ou, pour mieux dire, tes forfaits,
Il faudrait un trop gros volume,
Et qu’un Despréaux tint la plume,
S’agit-il d’un homme de bien,
Tu m’en fais un homme de rien ;
Fait-il quelque action insigne,
Ta malice la rend indigne,
Et, par toi, sa capacité
Se transforme en rapacité ;
Un cirque à de nombreux gradins,
Et tu Ie peuples de gredins ;
Parle-t-on d’un pouvoir unique,
Tu m’en fais un pouvoir inique,
Dont toutes les prescriptions
Deviennent des proscriptions…
Certain oncle hésitait à faire
Un sien neveu son légataire :
Mais il est enfin décidé…
Décidé devient décédé…
À ce prompt trésor, pour sa gloire,
Ce neveu hésite de croire,
Et même il est fier d’hésiter,
Mais tu le fais fier… d’hériter ;
A ce quiproquo qui l’outrage,
C’est vainement que son visage
S’empreint d’une vive douleur,
Je dis par toi : vive couleur ;
Plus, son émotion visible
Devient émotion risible,
Et si allait s’évanoir,
Tu le ferais s’épanouir…
Te voilà, coquille effrontée !
Ton allure devergondée
Ne respecte raison ni sens…

Dans la constitution Exurge, Domine, donnée par le pape Léon X en 1520, se trouve une coquille qui a fait bondir de nombreuses générations de dévots. Au lieu de Sauveur, Jésus-Christ y est traitée de sauteur ! Le mot saltator est imprimé dans le texte, au lieu de salvator.

France, 1907 : Assiette.

Coquille de noix

Larchey, 1865 : Petite barque, petit navire. — Image très juste.

Napoléon met le pied sur une coquille de noix, un petit navire de rien du tout.

Balzac.

France, 1907 : Petit navire, balancé sur l’eau comme une coquille de noix.

Coquilles

Boutmy, 1883 : s. f. pl. Lettres mises pour d’autres, par manque d’attention. Voir. p. 109, notre article spécial et un choix de coquilles célèbres ou curieuses.

Coquillon

Larchey, 1865 : Pou (Vidocq). — Comparaison du pou à une très-petite coquille.

Delvau, 1866 : s. m. Pou, — dans l’argot des faubouriens, qui se rappellent sans doute qu’on donnait autrefois ce nom à un capuchon qui se relevait sur la tête.

France, 1907 : Pou.

La petite bohémienne était gentille à croquer et pas du tout farouche, seulement je m’aperçus qu’elle avait la tête pleine de coquillons.

(Les Propos du Commandeur)

Coquin

Halbert, 1849 : Dénonciateur qui vend à la police. On dit aussi coqueur.

France, 1907 : Dénonciateur ; altération de coqueur.

Coquine

Delvau, 1864 : Femme ou fille qui aime l’homme — ou qui fait semblant de l’aimer pour avoir son argent.

Avec ton piston qui fascine.
La fille honnête et la coquine,
On assur’ qu’il possède encor
Le talent de donner du cor.

Jules Poincloud.

Nous sommes liés, le baron et moi, par nos coquines.

H. De Balzac.

Rigaud, 1881 : Éphestion de trottoir, — dans le jargon des voleurs. Mot très usité pour le moment.

Rossignol, 1901 : Voir chatte.

Coquine (faire la)

France, 1907 : Exploiter les sodomites.

Cor

d’Hautel, 1808 : Appeler quelqu’un à cor et à cri. C’est à-dire, à tue tête ; le chercher partout en l’appelant.

Coram populo

France, 1907 : En public ; latinisme.

Corbeau

d’Hautel, 1808 : On donne ordinairement ce nom à ceux qui ont charge d’enterrer les morts ; et généralement aux personnes qui, par état, sont obligées d’être vêtues en noir.
Les corbeaux étoient ce matin chez lui. Pour dire les huissiers, les sergens, etc.

Larchey, 1865 : Frère de la doctrine chrétienne. — Allusion aux longues robes noires de cet ordre.

Delvau, 1866 : s. m. Frère de la Doctrine chrétienne, — dans l’argot des faubouriens, qui ont été frappés de l’analogie d’allures qu’il y a entre ces honnêtes instituteurs de l’enfance et l’oiseau du prophète Elie.

Delvau, 1866 : s. m. Employé des pompes funèbres, — dans le même argot [des faubouriens].

Rigaud, 1881 : Prêtre. — Allusion à la couleur noire de la robe.

Rigaud, 1881 : « On appelait, autrefois, de ce nom ceux qui, en temps de peste, cherchaient les corps morts pour les enterrer, qui ensuite nettoyaient les maisons infectées de cette maladie. » (Le Roux, Dict. comique.) Aujourd’hui les porteurs des pompes funèbres ont hérité de ce sobriquet.

Virmaître, 1894 : Frère ignorantin. Quand les gamins rencontrent un frère, ils crient : Couac ! Couac ! imitant le croassement du corbeau (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Frère ignorantin.

France, 1907 : Frère de la Dioctrine chrétienne, prêtre, tout ce qui porte soutane. Ce sobriquet est également donné aux croque-morts.

Corbeau (le)

Merlin, 1888 : L’aumônier.

Corbèterie

France, 1907 : Étable.

Corbette

France, 1907 : Vache.

Corbillard

Virmaître, 1894 : On écrivait autrefois corbeillard, parce que ce mot désignait le coche d’eau qui faisait le service entre Paris et Corbeil. On a écrit également corbillas et corbillat. Gouffé a chanté la lugubre voilure :

Que j’aime à voir un corbillard ;
Ce goùt-là vous étonne ?
Mais il faut partir tôt ou tard,
Le sort ainsi l’ordonne
Et loin de craindre l’avenir,
Moi de cette aventure
Je n’aperçois que le plaisir
D’aller en voiture.

L’expression de corbillard date de 1793, époque de la création de ces voitures (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Pupitre double où s’assoient les clercs de notaire, d’avoué, etc.

L’étude était une étude comme toutes les autres, ornée de cartons étiquetés et tapissée de liasses poussiéreuses, humide et obscure. On y respirait une atmosphère moisie, à laquelle semblaient habitués les cinq ou six clercs attablés au grand pupitre double, peint en noir, que dans ces officines on appelle un corbillard.

(Gustave Graux, Les Amours d’un jésuite)

Corbillard à deux roues

Rigaud, 1881 : Personne triste.

Dis donc, ma fille, quitte donc ce corbillard à deux roues et viens avec nous, qui sommes de francs loupeurs !

(Philibert Audebrant.)

Corbillard à nœuds

Rigaud, 1881 : Prostituée ignoble et malsaine, — dans le jargon des voyous.

France, 1907 : Prostituée de bas étage. Jeu de mots trop expressif pour qu’il ait besoin d’explication.

Corbillard de loucherbem

Fustier, 1889 : « Et voici, pour corser tous ces parfums et leur donner la note aiguë, voici passer au galop le corbillard de loucherbem, l’immonde voiture qui vient ramasser dans les boucheries la viande gâtée. »

(Richepin)

France, 1907 : Voiture qui ramasse, dans les boucheries, la viande gâtée. Loucherbem signifie, en largonji, boucher. Cet argot consiste à substituer la lettre l à la première consonne qu’on transporte à la fin du mot suivi de la désinence em.

Corbillon

d’Hautel, 1808 : Petite corbeille.
Changement de corbillon fait trouver le vin bon. Pour dire que le plus petit changement fait souvent trouver les choses meilleures.

Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner la nature de la femme.

Là, près de la jeune Thémire.
À l’œil vif, au teint vermillon,
Qui rougît, et qui n’ose dire
Ce qu’il faut dans son corbillon.

E. Debraux.

Corbuche

Halbert, 1849 : Ulcère.

Delvau, 1866 : s. f. Ulcère, — dans l’argot des voleurs. Corbuche-lof. Ulcère factice.

Rigaud, 1881 : Plaie, ulcère, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Ulcère.

France, 1907 : Ulcère.

Corbuche loff

Virmaître, 1894 : Faux ulcère. Les mendiants, pour exciter la charité publique, employent toutes sortes de moyens ; ils se font manchots, culs-de-jatte, boiteux, etc. Le truc le plus usité est celui des faux ulcères ; une simple mouche de Milan suflit pour produire une plaie artificielle qui peut disparaître par un simple lavage. Les troupiers carottiers pratiquent ce moyen pour aller à l’infirmerie (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Ulcère factice fait à l’aide d’ingrédients.

Corbuche-lophe

Halbert, 1849 : Ulcère faux.

Corcifé

Virmaître, 1894 : La prison de la Conciergerie (Argot des voleurs).

France, 1907 : Prison de la Conciergerie.

Corcifé (le)

Hayard, 1907 : La Conciergerie.

Corde

d’Hautel, 1808 : Il fait des cordes. Se dit en plaisantant de quelqu’un qui est très-long dans ses opérations naturelles.
On dit d’un homme qui réussit dans toutes ses entreprises, qu’Il a de la corde de pendu.
Gens de sac et de corde.
Misérables ; mauvais garnemens qui méritent d’être pendus.
Il ne faut point parler de corde devant un pendu. Signifie qu’il faut se garder de parler d’une chose qui puisse blesser secrètement quelqu’un.
Filer sa corde. Mener une vie infâme et ignominieuse, qui, tôt ou tard, doit être préjudiciable.
Friser la corde. Courir un grand danger ; être sur le point d’y succomber.
Toucher la grosse corde. En venir au point le plus épineux, le plus chanceux d’une affaire.
Mettre la corde au coude quelqu’un. Le ruiner ; le perdre d’une manière quelconque.
Montrer la corde. Faire voir sa pauvreté, sa misère.
On dit aussi d’un habit usé jusqu’à la trame, qu’Il montre la corde.
Il a plusieurs cordes à son arc. Se dit d’un homme industrieux, intrigant, qui, quelqu’événement qu’il arrive, sait se tirer d’embarras.

Corde (avoir la ou tenir la)

France, 1907 : Argot des courses ; le cheval qui est du côté de la corde à un avantage sur les autres, d’où, métaphoriquement, trouver la note qui plait au public, avoir la vogue.

Corde (dormir à la)

France, 1907 : C’est coucher dans un de ces taudis misérables où une corde sert d’oreiller.

Corde (tenir la)

Larchey, 1865 : Avoir la vogue.

Qui est-ce qui tient la corde en ce moment dans le monde dramatique ?

Figaro.

Corde de pendu (avoir de la)

Rigaud, 1881 : Réussir dans tout ce que l’on entreprend. — Le peuple dit, en parlant de quelqu’un qui a beaucoup de chance, qu’il a de la corde de pendu. Une très vieille superstition populaire attache à la corde de pendu la propriété de porter bonheur à ceux qui en possèdent un fragment. Pour que son efficacité soit réelle, il faut qu’elle provienne d’un pendu par autorité de justice. L’autre, celle des pendus par conviction, ne vaut rien. Faute de mieux, pourtant bien des vieilles femmes s’en contentent, et lorsqu’il y a un pendu dans une maison, c’est à qui s’arrachera un bout de la corde. Tout le monde ne peut as être en relation avec le bourreau de Londres.

Corde sensible (la)

Delvau, 1864 : C’est, chez l’homme, son membre, chez la femme, son clitoris : on n’y toucha jamais en vain.

Il n’est de femmes froides que pour les hommesqui ne sont pas chauds et qui ne savent pas toucher leur corde sensible.

Léon Sermet.

Cordelette

Virmaître, 1894 : Chaîne de montre (Argot des voleurs). V. Cadenne.

France, 1907 : Chaîne de montre.

Cordelier

d’Hautel, 1808 : Il a la conscience large comme les manches d’un cordelier. Se dit d’un homme peu délicat, peu scrupuleux.
Gris comme un cordelier. Ivre à ne pouvoir plus se soutenir, par allusion à l’habit que portoient ces religieux, et qui étoit de couleur grise.

Corder

Delvau, 1866 : v. n. Fraterniser, vivre avec quelqu’un toto corde, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : S’accorder ; par abréviation.

La Rue, 1894 : S’accorder. Donner des coups de corde.

France, 1907 : Fraterniser ; abréviation de s’accorder.

Corder la peau

France, 1907 : Donner des coups de corde.

Cordes (faire des)

France, 1907 : Être constipé.

Cordes, câbles (faire des)

Rigaud, 1881 : Faire un séjour prolongé aux lieux d’aisances.

Cordon

France, 1907 : Nom donnée aux fractions de Ia chaîne des condamnés au bagne, dirigés sur Brest ou sur Toulon.

Pour économiser à son profit les frais de transport, le capitaine faisait presque toujours voyager à pied un des cordons.
Or, ce cordon était toujours celui des plus robustes, c’est-à-dire des plus turbulents des condamnés.
Malheur aux femmes qu’ils rencontraient, aux boutiques qui se trouvaient sur leur passage ! Les créatures du sexe aimable étaient houspillées de la manière la plus brutale ; quant aux boutiques, elles se trouvaient dévalisées en un clin d’œil.

(Marc Mario et Louis Lansay, Vidocq)

Cordon bleu

Delvau, 1866 : s. m. Cuisinière émérite. Argot des bourgeois.

France, 1907 : On appelle ainsi les bonnes cuisinières. L’ordre du Cordon Bleu ou du Saint Esprit, créé par Henri III en 1578, aboli en 1791, rétabli en 1816, et bien qu’il n’ait pas été supprimé en 1830, cesse d’être conféré à partir de cette époque. Il n’était donné qu’aux grands seigneurs, aux princes, aux généraux, aux prélats, tous amis de la bonne chère, ou, du moins, obligés par état d’avoir une table bien servie. On disait donc d’un excellent cuisinier : « Il est digne d’entrer chez un cordon bleu », puis, par abréviation, on finit par désigner le cuisinier lui-même ou la cuisinière du nom de cordon bleu.

Les jeunes filles de notre pays devraient bien prendre exemple sur celles du Nord et ne pas dédaigner de s’initier à l’art des fourneaux. Elles y trouveraient profit, une fois mariées. Une bonne table, en effet, est souvent la meilleure garantie de la paix et du bonheur du ménage, et l’on ne s’y trompe pas dans les foyers in partibus. Que de maris ne déserteraient pas la salle à manger conjugale pour celle du cercle, si leurs femmes s’entendaient mieux à garnir leur assiette, à leur offrir des plats choisis flattant leurs goûts et leurs manies ! Que de maîtresses de maison ne passeraient point leur vie à crier après leurs cuisinières et à réclamer les tabliers d’icelles, si elles savaient mettre la main à la pâte et, au besoin, apprendre à leur cordon bleu la façon de préparer le plat dont la mauvaise conception les désole et les exaspère !…

(Santillane, Gil Blas)

Cordonnier

France, 1907 : Apprenti tailleur.

Cordonnier (bec-figue de)

France, 1907 : Oie.

Coriace

d’Hautel, 1808 : Un coriace. Avare ; homme d’une humeur noire, grondeuse et mécontente.

Corio

Fustier, 1889 : Fontaine. Argot des élèves de l’École Polytechnique. C’est le général Coriolis qui fit installer des fontaines dans les cours de l’École.

France, 1907 : Fontaine ; argot de l’École Polytechnique, du nom d’un directeur des études, Coriolis, qui, en 1838, fit installer dans les salles de petites fontaines.

Le corio fournit de l’eau filtrée, médiocre comme boisson, très bonne pour le dessin au lavis, excellente pour remplir les bombes dont on asperge les camarades, parfaite pour détremper les bottes des conscrits.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Cornage

France, 1907 : Mauvaise odeur, respiration difficile.

Cornant

anon., 1827 : Bœuf.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bœuf.

Bras-de-Fer, 1829 : Bœuf.

Rigaud, 1881 : Bœuf. — Cornante, vache. — Cornichon, veau.

La Rue, 1894 : Bœuf.

Cornant, cornante

France, 1907 : Bœuf, vache.

Cornante

anon., 1827 : Vache.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vache.

Bras-de-Fer, 1829 : Vache.

Larchey, 1865 : Bête à cornes (Vidocq)

Cornante (une)

M.D., 1844 : Une vâche.

Cornard

Delvau, 1864 : Cocu, porteur de cornes.

Ça fait toujours plaisir, lorsque l’on est cornard,
D’avoir des compagnons d’infortune…

Louis Protat.

Larchey, 1865 : Cocu. — Mot à mot : porte-cornes. — Cornard : À l’École de Saint-Cyr, on ne mange que du pain sec au premier déjeuner et au goûter, et les élèves prennent sur leur dîner de quoi faire un cornard

Faire hommage de votre viande à l’ancien pour son cornard.

De la Barre.

Delvau, 1866 : s. m. Galant homme qui a épousé une femme galante, — dans l’argot du peuple, impitoyable pour les malheurs ridicules et pour les martyrs grotesques.

Rigaud, 1881 : Mari infortuné qui est coiffé d’une paire de cornes. Pour donner une idée de la hauteur de certaines cornes, on dit de celui qui en est orné : Il ne passerait pas sous la porte Saint-Denis.

Sans pitié, sans regret me ferais-tu cornard ?

(Belle-Isle. Mariage de la reine de Monome.)

Cornard fait allusion aux cornes du bouc, animal qui ne se formalise jamais des assiduités d’un autre bouc auprès d’une chèvre commune. Les Grecs désignaient sous le nom de fils de chèvre les enfants illégitimes. Le Videanus corneus es Latins n’était autre que notre cornard.

Virmaître, 1894 : Vient de cornette, de la cornette des femmes. Autrefois, un mari qui se laissait tromper par sa femme était appelé porteur de cornette (Argot du peuple).

France, 1907 : Mari trompé, comparé à une bête à cornes, par conséquent un sot. C’était la signification première du mot qui est vieux, car on le trouve dans une pièce, à la suite du Roman de la Rose :

Est-il cornart et deceu
Qui de tail créance est meu !

demande l’auteur, parlant de ceux qui croient aux conjurations et à la magie noire.

Et il vous daubait sur les pauvres cornards comme s’il eût espéré abattre des noix en leur secouant les cornes.

(Armand Silvestre)

Ceux qui voudront blasmer les femmes aimables
Qui font secrètement leurs bons marys cornards,
Les blasment à grand tort, et ne sont que bavardd ;
Car elles font l’aumosne et sont fort charitables,
En gardant bien la loy à l’aumosne donner,
Ne faut en hypocrit la trompette sonner !

Cornard (faire un)

France, 1907 : Prélever sur son dîner de quoi goûter, ou sur son souper de quoi déjeuner le lendemain. Argot de Saint-Cyr, où l’on ne donne au déjeuner et au goûter que du pain sec, comme au Prytanée de La Flèche. Dans le même argot, faire cornard, c’est tenir conciliabule dans un coin. Coin se dit, en anglais, corner.

Cornard (faire)

Rigaud, 1881 : Faire bande à part, en terme d’école militaire.

Cornard, coquardeau

La Rue, 1894 : Cocu.

Cornaut

Halbert, 1849 : Bœuf.

Cornaute

Halbert, 1849 : Vache.

Corne

d’Hautel, 1808 : Elle baiseroit une chèvre entre deux cornes. Manière exagérée de dire qu’une personne est d’une maigreur extrême ; que sa santé est dans un dépérissement affreux.
Entendre corne. Entendre de travers ; se méprendre sur ce que l’on vous adresse.
Faire les cornes à quelqu’un. Faire le signe d’une corne avec les deux doigts de la main, à dessein de se moquer de quelqu’un, de lui causer du dépit.
Montrer les cornes. Montrer de la résistance ; se mettre en état de défense.
Porter des cornes. Avoir pour femme une infidèle, qui se fait un jeu.de, violer les lois sacrées de l’hymen.
Dur comme, de la corne. Se dit d’une viande qui n’est pas assez mortifiée, qui est dure et coriace.
Il n’a pas besoin d’un coup de corne pour avoir de l’appétit. Manière plaisante d’exprimer qu’un homme mange avidement, et avec un grand appétit.
On dit d’un homme mordant et satirique qui a choqué quelqu’un, qu’Il lui a donné un coup de corne.
On prend les hommes par les paroles, et les bêtes par les cornes.
Se dit à ceux qui commettent quelqu’indiscrétion.
Il est aussi étonné que si les cornes lui venoient à la tête. Pour exprimer l’étonnement et la surprise qu’un homme manifeste en apprenant une nouvelle.

Larchey, 1865 : Puanteur. — Corner : Puer (Vidocq). — Vient peut-être de cor : cœur, qui a fait au moyen âge coreux : répugnant, écœurant. V. Roquefort.

France, 1907 : Estomac ; petit pain appelé croissant.

Corneau

Delvau, 1866 : s. m. Bœuf, — dans l’argot des voleurs. Corneaude. Vache.

Corneau, corneaude

France, 1907 : Autre forme de cornant, cornante, bœuf, vache.

Corneille

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme qui fait quelque chose avec une ardeur démesurée, et avec plus de force que d’adresse, qu’Il y va de cul et de tête, comme une corneille qui abat des noix.

Cornemuse

d’Hautel, 1808 : Quand la cornemuse est pleine, on chante mieux. Pour dire que quand on a fait bonne chère, on chante mieux, on cause plus volontiers.

Cornemuse (se rincer la)

Rigaud, 1881 : Boire. La cornemuse a le sens de gosier.

Corner

d’Hautel, 1808 : Crier à tue tête ; parler d’une manière peu décente aux oreilles de quelqu’un : il n’a fait que me corner cela aux oreilles.
Il faut lui corner les choses pour qu’il les entende.
Se dit par humeur d’un homme qui a l’habitude de faire répéter plusieurs fois, quoique fort souvent il ait bien entendu ce qu’on lui a dit.
Les oreilles doivent lui corner. Pour dire, doivent lui tinter. On croit vulgairement que lorsqu’une personne éprouve un tintement d’oreilles, c’est un signe certain que l’on s’entretient sur son compte.
Corner. Crier avec importunité ; publier quelque chose avec éclat.

anon., 1827 : Puer.

Bras-de-Fer, 1829 : Puer.

Halbert, 1849 : Puer.

Delvau, 1866 : v. n. Puer, — dans l’argot des faubouriens, qui font probablement allusion à l’odeur insupportable qu’exhale la corne brûlée.

Delvau, 1866 : v. a. Publier une chose avec éclat ; répéter une nouvelle, fausse ou vraie, — dans l’argot du peuple. Corner une chose aux oreilles de quelqu’un. La lui répéter de façon a lui être désagréable.

Rigaud, 1881 : Puer, — dans le jargon du peuple. — Cornage, puanteur.

La Rue, 1894 : Puer.

France, 1907 : Puer, sentir comme la corne brûlée dont l’odeur est détestable.

Assez joli garçon, pas dépourvu de chic… l’embêtant est qu’il puait des goussets et des arpions ; bref, il cornait comme un vieux bouc.

(Les Joyeusetés du régiment)

Cornes

Delvau, 1864 : Attributs invisibles du cocu.

C’est bien le meilleur petit homme
Que Vulcain ait dans sa séquelle :
Il rit des cornes qu’on lui met ;
Lui-même il vous fait voir la belle.

Théophile.

Cornet

Larchey, 1865 : Estomac.

Je n’suis pas fâché de m’mettre quelque chose dans le cornet.

H. Monnier.

Rincer le cornet : Donner à boire.

Delvau, 1866 : s. m. Estomac, — dans le même argot [des faubouriens]. Se mettre quelque chose dans le cornet. Manger. N’avoir rien dans le cornet. Être à jeun.

La Rue, 1894 : Gosier. Estomac.

France, 1907 : Estomac. Se coller quelque chose dans le cornet, manger. N’avoir rien dans le cornet, être à jeun.

Cornet d’épice

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Capucin.

Cornet d’épices

Halbert, 1849 : Pères capucins.

Larchey, 1865 : Capucin (Vidocq). — Allusion au capuchon brun que représente assez bien un grand cornet d’épicier.

Delvau, 1866 : s. m. Capucin, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Capucin, en raison du capuchon et de la couleur de la robe.

Cornets d’épices

anon., 1827 : Pères capucins.

Bras-de-Fer, 1829 : Pères capucins.

Cornette

France, 1907 : Femme trompée ; féminin de cornette.

Mari qui trompe
Et femme qui pète,
Ça fait cornette.

Corniche

Delvau, 1866 : s. f. Chapeau. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : École de Saint-Cyr.

Cornicherie, cornichonnerie

France, 1907 : Niaiserie, bêtise.

Cornichon

d’Hautel, 1808 : Petit concombre propre à confire. On dit ironiquement, bassement et figurément d’un homme niais, inepte, inhabile à faire quelque chose : C’est un cornichon, il a l’air d’un cornichon, il est bête comme un cornichon.

Delvau, 1864 : Le membre viril, avec lequel les femmes aiment à accommoder leur viande.

Larchey, 1865 : Veau (id.). — Mot à mot : fils de cornante. — Cornichon : Niais (d’Hautel, 1808).

Jour de Dieu ! Constantin, fallait-il être cornichonne.

Gavarni.

Cornichon : Élève de l’École militaire.

Une fois en élémentaires, il se bifurque de nouveau en élève de Saint-Cyr ou cornichon, et en bachot ou bachelier ès-sciences.

Institutions de Paris, 1858.

Delvau, 1866 : s. m. Veau. Argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. et adj. Nigaud, homme simple, qui respecte les femmes, — dans l’argot de Breda-Street ; parfois imbécile, — dans l’argot du peuple, qui juge un peu comme les filles, ses filles.

Rigaud, 1881 : Aspirant à l’École militaire de Saint-Cyr.

France, 1907 : Sobriquet donné par les potaches aux candidats à l’École de Saint-Cyr.

Le monôme des candidats à Saint-Cyr, autrefois dit le monôme des cornichons, a eu lien comme d’habitude. Plus de neuf cents jeunes gens y ont pris part. Les cornichons s’étaient réunis place du Panthéon. Ils se sont mis en marche à quatre heures et demie, précédés et flanqués de nombreux gardiens de la paix. En tête, un candidat portait un magnifique drapeau en soie frangé d’or, sur lequel on lisait : « Les candidats de Saint-Cyr — 1893. »

(Gaulois)

France, 1907 : Niais, nigaud ; argot populaire.

Vous me disiez qu’il y a je ne sais combien de siècles, un vieux c…ornichon, qui faisait de la menuiserie, et qui s’appelait Joseph, avait épousé une petite brune… et que la petite brune avait fait la connaissance d’un pigeon, qui était le Saint-Esprit… et qua la suite de cette affaire votre idiot de menuisier était devenu pa ju d’un petit Jésus, sans avoir eu à en prendre la peine… et que la petite brune étuit restée demoiselle comme avant.

(Léo Taxil, Le Sacrement du Curé)

Cornière

Halbert, 1849 : Étable.

Delvau, 1866 : s. f. Étable.

France, 1907 : Étable.

Cornificetur

Delvau, 1866 : s. m. Galant homme qui a épousé une femme galante et qui le regrette tous les jours.

France, 1907 : Cocu.

Cornu

d’Hautel, 1808 : À mal enfourner, on fait les pains cornus. Signifie que le mauvais succès d’une affaire vient souvent de ce qu’on s’y est mal pris ; que pour bien exécuter, il faut bien concevoir.
Un avis cornu. C’est-à-dire, mauvais, téméraire, déraisonnable.

Corps

d’Hautel, 1808 : Il se fait du corps. Se dit d’un homme qui a grand soin de sa personne ; qui boit de bon vin et prend des alimens succulens.
C’est un drôle de corps. Pour c’est un plaisant original.
Il fait tout ce qu’il veut de son corps. Se dit d’un hypocrite, d’un homme qui joue tous les rôles, qui sait prendre tous les tons.
Se jeter à corps perdu dans une affaire. Pour dire avec chaleur, avec toute l’ardeur possible.
À son corps défendant. Pour, malgré soi, avec contrainte.
Faire un corps neuf. Se purger, se médicamenter, se nettoyer.
On dit d’une personne froide et indifférente qui ne montre ni esprit ni sentiment : C’est un corps sans ame.
Avoir le diable au corps.
Être extrême dans ses mouvemens et dans sa conduite ; se porter à des folies, à des extravagances.
Répondre corps pour corps. Se porter pour caution, s’engager pour un autre.
On l’a enlevé comme un corps saint. Se dit d’une personne qu’on a enlevée avec violence, pour la mettre en prison.
On disoit originairement, cahors saint, parce qu’on avoit fait enlever dans une nuit les usuriers dont la plupart étoient venus de Cahors à Paris, sous le pontificat de Jean XXII. ACAD.
Se tuer le corps et l’ame. Travailler péniblement ; se donner beaucoup de mal pour un petit salaire.
Il n’est pas traître.à son corps. Se dit d’un homme recherché et sensuel, qui ne se refuse rien.
Il faut voir ce que cet homme a dans le corps. C’est-à-dire, pénétrer ses desseins ; voir ce dont il est capable.

Corps de pompe

Fustier, 1889 : L’ensemble des professeurs de l’École de Saint-Cyr.

Ceux qui savent quelques bribes de dessin, pochent en quatre traits la caricature du corps de pompe.

(Maizeroy : Souvenirs d’un Saint-Cyrien.)

France, 1907 : État-major de l’École de Saint-Cyr et de l’École de cavalerie de Saumur.

Corps-de grives

Larchey, 1865 : Corps-de-garde. — Harnais de grives : Équipement militaire. — On sait qu’au moyen âge, harnais signifiait armure.

Corpulence

d’Hautel, 1808 : du latin corpus, l’étendue, le volume d’un corps. C’est ainsi qu’il faut dire, d’après l’autorité de l’Académie, et non corporence, comme un grand nombre de personnes le disent ordinairement.

Correcteur

Fustier, 1889 : Argot des établissements pénitentiaires. Détenu qui est chargé d’exercer une surveillance sur ses camarades.

France, 1907 : Condamné chargé d’appliquer le fouet aux condamnés, où détenu charge de surveiller les prisonniers.

Le correcteur était un grand diable d’Arabe, à la poigne solide, nerveux et méchant, nommé Mohammed-ben-Chéli. Sa jouissance était excessive à frapper les chiens de chrétiens. Il avait été condamné pour assassinat et viol. Sa force et sa férocité l’avaient désigné comme correcteur au choix de la chiourme.

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Correspondance

France, 1907 : Petit verre pris sur le comptoir en attendant l’omnibus, ou collation chez le marchand de vin.

Corridor

d’Hautel, 1808 : Le peuple de Paris prononce colidor ; et, par une contradiction assez singulière, il dit porichinel, au lieu de polichinel.

Rigaud, 1881 : Gosier. — Astiquer le corridor, manger et boire. Le peuple prononce généralement colidor.

France, 1907 : Gosier. Se rincer de corridor, boire.

Corridor d’amour

Delvau, 1864 : La nature de la femme, que l’on enfile volontiers lorsqu’on veut aller au Paradis.

Alors elle mit un genou en terre pour considérer plus attentivement la blancheur et le contour du ventre de Zaïrette, la rondeur de ses cuisses et surtout l’ouverture et l’entrée du corridor d’amour.

La Popelinière.

Corriger la chance

France, 1907 : Terme poli par lequel les joueurs désignent l’art de combattre le hasard en trichant.

Corsaire à corsaire

France, 1907 : Rien à gagner. Cette expression proverbiale remonte au XVIe siècle. Elle est citée dans les Capitaines étrangers de Brantôme. André Doria, l’un des plus grands hommes de mer du XVIe siècle, entre au service de Charles-Quint pour combattre les Turcs, négligea l’occasion de détruire la flotte de Baba-Aroun, autrement dit : Barberousse. Cette négligence laissa supposer une secrète entente entre l’amiral turc et l’amiral génois, et ce dicton courut parmi les Italiens : « Corsario a corsario me ay, que gannar que los barillos d’aqua » (De corsaire à corsaire, on ne peut gagner que des barils d’eau) ; d’où les vieux dictons :

Corsaires contre corsaires
Font rarement leurs affaires…

et :

À corsaire, corsaire et demi.

Corser

Delvau, 1866 : v. a. Multiplier les péripéties, — dans l’argot des gens de lettres ; augmenter la force d’un liquide, — dans l’argot des marchands de vin.

France, 1907 : Mettre de l’action dans une œuvre littéraire, article, roman où pièce de théâtre. L’affaire se corse, c’est-à-dire elle se complique, devient intéressante.

Quant au gamin, c’était l’gavroche
Qui parcourt Paris en tous sens,
Et qui, sans peur et sans reproche,
Flân’, rigole, et blagu’ les passants.
Or, un jour qu’aux Tuil’ri’s (mazette !
Ça se corse comm’ du Montepin !)
Il était planté d’vant l’bassin,
Précisément pass’ la levrette…

(Blédort)

Mais ton bouquin, ma toute bonne,
A des passages si corsé
Qu’ils feraient rougir une bonne,
Et, ma foi, je les ai passés.

(Jacques Redelsperger)

France, 1907 : Augmenter la force d’un liquide en y ajoutant de l’eau-de-vie.

Corser (se)

Delvau, 1866 : Se compliquer, devenir grave. Argot des gens de lettres.

Corserie

France, 1907 : On appelait ainsi, sous le second Empire, un groupe choisi d’agents de police corses, attaché spécialement à la personne de Napoléon III.

Corset

Rigaud, 1881 : Nom que le peuple avait donné aux assignats pendant la Révolution ; du nom d’un des signataires des assignats.

Corvée

France, 1907 : Travail professionnel. Aller à la corvée, raccrocher les hommes. Faire passer une fille à la corvée, la traiter de gré ou de force en prostituée.

Corvée (aller à la)

Rigaud, 1881 : Se livrer au travail professionnel, — dans le jargon des filles de maison.

Corvette

Delvau, 1866 : s. f. L’Héphestion des Alexandres populaciers, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Complaisant d’un pédéraste.

Cosaque

Larchey, 1865 : Brutal, sauvage, maladroit.

Rigaud, 1881 : Poêle à chauffer. En souvenir des bonnets à poils des Cosaques.

France, 1907 : Homme brutal et mal élevé. Manger en cosaque, manger gloutonnement et malproprement. Un appétit de cosaque, un estomac de cosaque.

France, 1907 : Bonbon enveloppé de papier de métal.

Cosaque du Don

France, 1907 : Quémandeur d’étrennes.

Cosmel

La Rue, 1894 : Trésorier et intendant de voleurs.

France, 1907 : Trésorier ou logeur de voleurs.

Cosne

Halbert, 1849 : Auberge.

France, 1907 : Auberge.

Cosqsis

Virmaître, 1894 : V. Balanceur de tinettes.

Cosser

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Couper. Cossons lui sa hane, prenons lui sa bourse.

Rigaud, 1881 : Dépenser. Cosser son carme, dépenser son argent, — dans l’argot des voyous.

La Rue, 1894 : Dépenser. Dévaliser.

France, 1907 : Dévaliser ; aphérèse d’écosser.

Cossu

d’Hautel, 1808 : Au propre, qui a beaucoup de cosșeș.
Un homme cossu. Signifie figurément un homme riche, aisé, opulent.
Il en conte de bien cossues. Pour, il n’ouvre la bouche que pour dire des gasconnades ; il ment avec impudence.

Delvau, 1866 : adj. Riche, — dans l’argot du peuple, qui dit cela à propos des gens et des choses.

Cossument

France, 1907 : Richement. On trouve au sujet de cet adverbe, dans l’Intermédiaire des chercheurs et des curieux :

Cossument, formé de l’adjectif cossu, comme tant d’autres adverbes, par l’annexe de la terminaison ment, se dit couramment dans nos campagnes, surtout en parlant des vêtements : Elle est cossument habillée, pour : elle à une toilette cossue. C’est donc moins un néologisme qu’un reste de vieux langage. — A. D.

Coste

Halbert, 1849 : La mort.

France, 1907 : La mort.

Costeau

Hayard, 1907 : Fort, robuste.

France, 1907 : Fort, intellectuellement ou physiquement. On écrit aussi costo.

— Le chantage, suis-tu, mon p’tit, il n’y a qu’ça… Quand j’étais dans la boucherie, j’ai fait la connaissance d’un bonhomme, tout ce qu’il va de plus costeau… un vrai fil-de-soie (rusé)… il tenait un cabinet d’affaires…

(Edmond Lepelletier)

Costel

un détenu, 1846 : Souteneur de filles.

Delvau, 1866 : s. m. Souteneur de filles, — dans l’argot des voyous.

La Rue, 1894 : Souteneur.

France, 1907 : Souteneur, argot des petites dames : celui qui coûte.

J’ai ouï conter hier, au five o’clock mateine de miss Bouchon, une histoire assez drôle, qui a pour héros principal un costel fort connu dans le monde où l’on s’amuse.

(Gil Blas)

Costel ou caustel

Virmaître, 1894 : Souteneur. (Argot des souteneurs).

Balance moi-là et ne sois plus caustel,
Casser des lourdes vaut mieux que… des chats.

Costière ou côtière

France, 1907 : Poche secrète dont se servent les grecs, ouverte sur le côté du gilet.

Aussi se promit-il de faire agir avec plus d’adresse, plus d’acharnement, les rois, les atouts et les as qu’il tenait en réserve dans sa côtière.

(Mémoires de Claude)

Costières

Delvau, 1866 : s. f. pl. Rainures pratiquées dans le plancher d’un théâtre pour y faire glisser les portants ; celles qui avancent sur la scène se ferment au moyen des trappillons. On dit des objets perdus ou volés au théâtre qu’ils sont tombés dans les costières.

Rigaud, 1881 : Rainures destinées à faire glisser les portants sur le plancher d’un théâtre. (A. Delvau)

Rigaud, 1881 : Poches de côté dont les grecs se servent pour placer des portées, afin de pouvoir les saisir facilement.

France, 1907 : Rainures pratiquées dans le plancher d’un théâtre pour y faire glisser les portants : celles qui avancent sur la scène se ferment au moyen de trapillons.
On dit des objets perdus ou volés au théâtre qu’ils sont tombés dans les costières. (Alfred Delvau).

Costo

Rossignol, 1901 : Fort.

C’est un beau gars, il est costo.

France, 1907 : Fort ; autre forme de costel.

C’était un môme assez costo,
Mais il ’tait avec eun’ cato
Qu’était bléche ;
I’ la r’levait à la mi’ d’pain,
Il était, au lieu d’êtr’ rupin,
Dans la dèche.

(Aristide Bruant)

Mais comme tous deux n’étaient point
Costos pour faire le coup d’poing,
l’ ltrouvèrent pas d’gigolette.

(Blédort, La Nation)

Costume

Rigaud, 1881 : Ensemble de toilette de femme dont les tons semblables vont en se dégradant depuis le chapeau jusqu’aux bottines. — Costumes bleus, verts, mauves, etc.

Costume (faire un)

Fustier, 1889 : Argot théâtral. Applaudir un acteur dès son entrée en scène et avant même qu’il ait pu prononcer une parole.

France, 1907 : Applaudir un artiste dès qu’il parait sur la scène.

Costumer

d’Hautel, 1808 : Bien costumé. Pour dire, bien vêtu, bien habillé.
Le verbe costumer appartient exclusivement à la scène, et signifie habiller un acteur suivant le personnage qu’il représente.

Cote

d’Hautel, 1808 : Faire une cote mal taillée. Pour, s’arranger à l’amiable ; diminuer chacun de ses prétentions pour l’arrangement d’une affaire.

Fustier, 1889 : Terme de course. Tableau sur lequel les bookmakers indiquent les alternatives de hausse et de baisse qui ont lieu sur les chevaux qui prennent part à des courses.

Les paris à la cote sont les seuls autorisés, depuis que les paris mutuels, reconnus jeux de hasard ont sombré par-devant la police correctionnelle.

(Carnet des courses.)

France, 1907 : On appelle ainsi, en terme de courses, le tableau indiquant les hausses et les baisses qui ont lieu sur les chevaux.

France, 1907 : Dans les écoles, la cote est le total des notes chiffrées données, soit à la fin du mois, soit à celle du trimestre.

À l’École Polytechnique, on cote tout travail d’après une échelle qui va de 0 à 20, la cote 0 signifiant absolument nul et 20 parfaitement bien.
Coter quelqu’un, c’est l’apprécier, c’est lui donner une cote ; parfois même, c’est simplement l’observer avec attention. Il y a des examinateurs qui cotent très haut, d’autres très bas. À l’amphithéâtre, le capitaine de service cote un élève dont la tenue laisse à désirer. On dit encore, dans ce dernier sens, coter ou repérer. Quelle que soit l’intégrité d’un examinateur, mille causes, dont il ne se rend pas toujours compte, peuvent l’influencer. La note qu’il aurait dû donner au mérite réel se trouve, par suite de l’influence subie, modifiée dans certaines circonstances. Signalons la cote galon, dont profitent les gradés : la cote major, donnée particulièrement aux majors des deux promotions ; la code binette ou la cote d’amour, suivant le physique du malheureux appelé au tableau : la cote papa, donnée à celui dont le père, surtout s’il occupe une haute situation, est connu de l’examinateur ; la cote capote, attribuée à l’élève malade qui passe ses examens revêtu de la capote blanche de l’infirmerie, etc., etc.
L’habitude de coter par des chiffres variant de 0 à 20 est si enracinés parmi les polytechniciens qu’ils la conservent toute leur vie. Au sortir de l’École, ils ont une tendance à appliquer cette méthode, par amusement, il est vrai, aux affaires de Ia vie : beaucoup d’entre eux, dans le monde, cotent de 0 à 20 les jeunes filles à marier.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Côte

d’Hautel, 1808 : Mesurer les côtes à quelqu’un. C’est à-dire, le battre, lui caresser les côtes, soit à coups de bâton, soit à coups de nerfs de bœuf.
On dit aussi dans le même sens, Rompre les côtes.
Côte-à-côte.
Ensemble, tout près l’un de l’autre.
Serrer les côtes à quelqu’un. Le presser vivement ; le poursuivre l’épée dans les reins.
On dit d’un homme fier et hautain, qui s’imagine être d’une haute naissance, qu’il se croit de la côte de Saint-Louis.
On lui compteroit les côtes.
Se dit d’un homme ou d’un animal fort maigre.

Delvau, 1866 : s. f. Passe difficile de la vie, — dans l’argot des bohèmes, qui s’essoufflent à gravir le Double-Mont. Être à la côte. N’avoir pas d’argent. Frère de la côte. Compagnon de misère.

Côté

d’Hautel, 1808 : Va à côté, il y a de la place. Réponse incivile que l’on fait à quelqu’un en lui refusant ce qu’il demande.
Mettre quelque chose du côté de l’épée. C’est mettre en lieu de sûreté une somme d’argent ou un effet quelconque, soit qu’on l’ait dérobé, soit qu’on l’ait acquis légitimement, à dessein de s’en servir au besoin.
Mettre une bouteille sur le côté. Pour dire, la vider.
C’est le partage de Montgomery, tout d’un côté, rien de l’autre. Se dit d’une distribution inégale.
On dit d’un homme malade, ou blessé ; d’un négociant dont les affaires sont en mauvais état ; d’un courtisan disgracié, qu’il est sur le côté.
Il est du côté gauche.
Pour dire, c’est un enfant naturel, illégitime ; un bâtard.

Côte (être à la)

Larchey, 1865 : Être à sec d’argent. On est à flot quand la fortune sourit.

Si vous êtes vous-même à la cote, — quelles singulières expressions on a dans les coulisses pour exprimer qu’on manque d’argent.

Achard.

Rigaud, 1881 : Avoir échoué sur le rivage de la misère.

France, 1907 : Être à court d’argent, littéralement : se trouver dans l’état d’un naufragé qui vient d’être jeté sur le rivage.

Côté (être à)

France, 1907 : Traiter un sujet par des arguments qui n’y ont aucun rapport, s’éloigner de la question.

Cote (frère de la)

Rigaud, 1881 : Commis d’agent de change ; par allusion à la cote de la Bourse.

Côte (frère de la)

France, 1907 : Commis d’agent de change on encore compagnon de misère.

Cote amour

France, 1907 : On appelle ainsi, dans l’argot des écoles militaires, la note donnée à un officier ou à un élève officier manquant d’éducation première.

On lui avait appliqué la fameuse cote amour, la note à l’encre rouge qui dit que l’officier, si instruit qu’il soit, manque de tenue ; il ne sait pas conduire un cotillon ni offrir son bras à la femme du colonel ou à la fille du général ; il n’est pas de Ia « société » et on ne peut pas l’admettre dans le service d’état-major qui devrait être le service de mobilisation, de campagne et de campement, et qu’on réduit à n’être que le service des bureaux et des salons.

(Camille Dreyfus, La Nation)

Côté cour, côté jardin

Rigaud, 1881 : Côté cour, les coulisses à la droite du spectateur, côté jardin, les coulisses de gauche.

Autrefois, et jusqu’à Louis XVIII, on désignait ces mêmes côtés par les noms de côté de la Reine et côté du Roi. Le duc d’Angoulême, traversant la scène pour se rendre à sa loge, entendit un ordre que donnait, à ses hommes d’équipe, le chef machiniste : Chargez le Roi, disait celui-ci : Appuyez sur la Reine. Le lendemain, sur l’ordre du duc, on baptisa côté cour le côté qui donnait sur la cour des Tuileries et côté jardin celui qui donnait sur le jardin.

(E. Montagne, Le Manteau d’Arlequin).

France, 1907 : Coulisses de droite et coulisses de gauche, c’est-à-dire le côté droit et le côté gauche de la scène.

Côte de bœuf

France, 1907 : Sabre de cavalerie légère, vulgairement appelé bancal.

Côté des caissiers

Rigaud, 1881 : Côté de la gare du Nord où l’on délivre les billets pour la Belgique.

Côté du manche (se mettre du)

France, 1907 : Place que choisissent les malins et les gens peu scrupuleux, qui esquivent ainsi les horions dans la vie, en se mettant toujours du côté du plus fort.

Cote G

Delvau, 1866 : s. f. Objet de peu de valeur innocemment détourné, en vertu d’un usage immémorial, par les clercs inventoriant une succession. Ce bibelot, ne figurant à aucune cote de l’acte, passe à la cote G, qui me fait l’effet d’être un jeu de mots (cote j’ai).

France, 1907 : Objet volé.

Objet de peu de valeur innocemment détourné, en vertu d’un usage immémorial, par les clercs inventoriant une succession. Ce bibelot ne figurant à aucune cote de l’acte passe à la cote G, qui fait l’effet d’un jeu de mots (cote j’ai).

(Alfred Delvau)

Côte nature

France, 1907 : Abréviation de côtelette au naturel.

Côté qui n’est pas vrai

Rigaud, 1881 : Mauvais côté, — dans le jargon du régiment. « Mariés du côté qui n’est pas vrai. — Honnête du côté qui n’est pas vrai. » On dit également dans le même sens : côté hors montoir. C’est le côté opposé à celui où l’on monte à cheval. Mariage du côté hors montoir.

Côte-de-bœuf

Delvau, 1866 : s. f. Sabre d’infanterie, — dans l’argot du peuple.

Côte-nature

Rigaud, 1881 : Côtelette de mouton au naturel. — dans le jargon des garçons de restaurant.

Cotelard

Rigaud, 1881 : Melon ; allusion à ses côtes. C’est un mot d’ancien argot. Aujourd’hui, quand un voyou voit passer un quidam avec un melon sous le bras, il s’écrie : « M’sieu est en famille, » ou encore : « Env’là un qui vient de chercher sa photographie » ou autres plaisanteries du même genre.

Côtelard

Delvau, 1866 : s. m. Melon à côtes, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Melon.

Côtelette (avoir sa)

Rigaud, 1881 : Obtenir un succès, — en terme de théâtre.

Côtelette de menuisier

Rigaud, 1881 : Morceau de fromage de Brie.

Côtelette de menuisier, de perruquier ou de vache

France, 1907 : Morceau de fromage.

Cotelette de perruquier

Virmaître, 1894 : Deux sous de fromage de Brie (Argot du peuple).

Côtelette de perruquier

Delvau, 1866 : s. f. Morceau de fromage de Brie, — dans l’argot du peuple, qui suppose que les garçons perruquiers n’ont pas un salaire assez fort pour déjeuner à la fourchette comme les gandins. On dit aussi Côtette de vache.
Les ouvriers anglais ont une expression du même genre : A welsh rabbit (un lapin du pays de Galles), disent-ils à propos d’une tartine de fromage fondu.

Côtelette polonaise

Rigaud, 1881 : Crotte du nez.

Côtelettes

Larchey, 1865 : Favoris s’élargissant au bas des joues, de façon a simuler la coupe d’une côtelette.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Favoris larges par le bas et minces par le haut, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Favoris affectant la forme d’une côtelette, que les avocats, les magistrats, en général les gens de loi, portaient sous le second Empire, particularité qu’ils partageaient avec les garçons de café, le port des moustaches leur étant interdit. « Jules Ferry était célèbre pour ses longues côtelettes. »

France, 1907 : Applaudissements.

Coteret

France, 1907 : Forçat libéré.

Coteret ou cotret de bordel ou de filles

France, 1907 : Petit fagot avec lequel Les filles qui reçoivent un client chauffent leur chambre.

Coterie

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, bande de meneurs, d’intrigans, maltotiers ; gens réunis dans de mauvais desseins.
Cette affaire ne va que par coterie. C’est-à-dire par intrigue, par menée.

Larchey, 1865 : « Les tailleurs de pierres s’interpellent du nom de coterie. Tous les compagnons des autres états se disent pays. » — G. Sand.

Delvau, 1866 : s. f. Compagnon, — dans l’argot des maçons.

Rigaud, 1881 : Assemblée d’ouvriers. — Les tailleurs de pierres et les charpentiers se disent coterie ; tous les compagnons des autres états se disent pays. — Les compagnons remplacent le mot monsieur par celui de coterie. (Agr. Perdiguier, Du Compagnonnage.)

La Rue, 1894 : Ouvrier compagnon.

France, 1907 : Camarade, compagnon. Le mot s’emploie pour désigner, soit un individu, soit un groupe.

Côtes à quelqu’un (travailler les)

France, 1907 : Le battre.

Cotes en long

Virmaître, 1894 : Fainéant (Argot du peuple). V. la Basse.

Côtes en long (avoir les)

Rigaud, 1881 : Ne pas aimer le travail. Celui qui aurait les côtes en long ne pourrait ni se baisser ni faire aucun ouvrage fatigant. Autrefois, on disait avoir les bras rompus ; c’était le adineros pagados brancos que brantados des Espagnols.

Merlin, 1888 : Être paresseux.

France, 1907 : Être paresseux.

Côtier

Fustier, 1889 : Cheval de renfort. Homme qui le conduit.

Plus curieux encore sont les côtiers, c’est-à-dire les chevaux de renfort pour les montées.

(Estafette, 1882.)

France, 1907 : Cheval de renfort qui aide les chevaux d’omnibus ou de camion à monter les côtes. L’homme qui le conduit est également appelé côtier.

Psit !… viens ici, viens que j’t’accroche,
V’là l’ommibus, faut démarrer !
Ruhau !… r’cul’ donc, hé ! têt’ de boche !
Tu vas p’têt’ pas t’foute à tirer
Au cul ? T’en as assez d’la côte ?
T’as déjà soupé du métier ?
Mais tu peux pus en faire un autre,
Te v’là comm’ moi, te v’là côtier.

(Aristide Bruant)

Cotillon

d’Hautel, 1808 : Aimer le cotillon. Avoir l’humeur amoureuse et galante ; courir les grisettes.

Delvau, 1866 : s. m. Fille ou femme, — dans l’argot du peuple. Aimer le cotillon. Être de complexion amoureuse. Faire danser le cotillon. Battre sa femme.

Cotillon (aimer le)

Rigaud, 1881 : Aimer les femmes.

Cotillon (le)

Delvau, 1864 : Le femme en général — et surtout en particulier — qui vous fouette le sang et vous allume l’imagination avec ses façons provocantes de retrousser ses cottes et de remuer sa crinoline.

Cotillonneur

France, 1907 : Danseur de cotillon.

Cotise

France, 1907 : Abréviation de cotisation ; argot des polytechniciens. Cette cotise, qui varie de 25 à 30 francs par an, est destinée à venir en aide aux camarades dans le besoin.

Cotivet

France, 1907 : Dos.

— Si ce gonne m’appartenait, son cotivet sentirait souvent le manche de ma coivette.

(Joanny Augier, Le Canut)

Coton

d’Hautel, 1808 : Il jette un beau coton. Manière ironique de dire qu’un homme n’a ni crédit ni réputation, qu’il ne fait que végéter.
On dit aussi d’un homme ruiné par la débauche, ou qui a fait quelque méchante action qui l’ont rendu odieux et méprisable, qu’il jette un beau coton.

Halbert, 1849 : Dommage.

Delvau, 1866 : s. m. Travail pénible, difficulté, souci, — dans le même argot [des faubouriens]. Il y a du coton. On aura de la peine à se tirer d’affaire.

Delvau, 1866 : s. m. Douceur, — dans le même argot [du peuple]. Élever un enfant dans du coton. Le gâter de caresses.

Delvau, 1866 : s. m. Coups échangés, — dans l’argot des faubouriens, dont la main dégaine volontiers. Il y a eu ou il y aura du coton. On s’est battu ou l’on se battra.

Rigaud, 1881 : Rixe. — Besogne difficile. — Donner du coton, donner du mal à faire, en parlant d’un ouvrage.

La Rue, 1894 : Rixe, dommage. Travail pénible, long.

France, 1907 : Peine, travail, fatigue. Avoir du coton, avoir fort à faire, travailler dur. Donner du coton à quelqu’un, lui causer des ennuis. Filer un mauvais coton, être en péril au moral ou au physique.

France, 1907 : Coups, bataille. Il va y avoir du coton, on va se battre.

Coton (avaler du)

Rigaud, 1881 : Être pris pour dupe.

Je veux par mes propres yeux vérifier si oui ou non on m’a fait avaler du coton.

(Saint-Patrice, Aventures de Nabuchodonosor Nosebreaker.)

Coton (filer un mauvais)

Larchey, 1865 : Se mal porter. Rappel mythologique du fil de la Parque.

Il file un mauvais coton.

E. Jourdain.

Cotonneux

anon., 1907 : Difficile.

Cotret

d’Hautel, 1808 : Petit faisceau de bois.
Donner de l’huile de cotret. Signifie donner une volée de coups de bâton.
Sec comme un cotret. Sec, maigre, décharné.

Rigaud, 1881 : Forçat libéré. Variante de fagot. Les forçats étaient accouplés comme des cotrets.

France, 1907 : Jambe : allusion au morceau de bois de ce nom dont on se sert pour allumer le feu. Jus de cotret, coups de trique.

Cotret (jus de)

Rigaud, 1881 : Coups de bâton.

Cotrets

Delvau, 1866 : s. m. pl. Jambes, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi fumerons.

Cotte

Delvau, 1866 : s. f. Pantalon de toile bleue, — dans l’argot des ouvriers, qui ne le mettent que pour travailler, par-dessus un autre pantalon.

France, 1907 : Pantalon de toile bleue que les ouvriers mettent au travail par-dessus un autre pour le ménager.

Cotteret

Virmaître, 1894 : Forçat libéré. Cotteret : Petit fagot de bois. Cotteret de bordel : Paquet de petites bûchettes qui coûte dix centimes et s’allume instantanément. Allusion à la courte durée de la passe qui ne dure pas plus que le petit paquet de bois (Argot du peuple).

Cou

d’Hautel, 1808 : Il sera pendu par son cou. Phrase explétive, usitée parmi le peuple, pour dire simplement qu’une personne se conduit de manière à se faire pendre.
Il s’est cassé le cou dans cette affaire. Métaphore pour dire, il s’est blousé dans cette affaire ; cette affaire l’a perdu entièrement.
Prendre ses jambes à son cou. Se sapper, fuir avec une grande vitesse.
Un cou de grue. Un grand cou, qui donne ordinairement un air niais et stupide.

Cou (casser le)

Larchey, 1865 : « Viens-tu casser le cou à une gibelotte ? » — Nadar. — C’est-à-dire : Viens-tu manger un lapin ? On casse le cou de l’animal devant vous pour que vous ne craigniez pas de manger du chat.

Coua

France, 1907 : Prêtre, moine, frère ignorantin. Allusion aux cris du corbeau par lesquels ils sont parfois accueillis par la jeunesse irrévérencieuse.

Couac

Larchey, 1865 : Fausse note. V. Canard.

Il lui échappa un couac épouvantable au milieu d’un couplet.

A. Signol.

Delvau, 1866 : s. m. Prêtre, — dans l’argot des voyous, fils des faubouriens, qui, en croyant dire une plaisanterie et faire une allusion au cri du corbeau, prononcent sérieusement quaker.

Rigaud, 1881 : Prêtre, — dans le jargon des voyous, par allusion au cri du corbeau, un des sobriquets du prêtre.

France, 1907 : Fausse note.

Couache

Virmaître, 1894 : Tête (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Tête.

Hayard, 1907 : Tête.

France, 1907 : Tête. Allusion à la forme de la couache, sorte de prune.

Coubiner à la flanc

Clémens, 1840 : Travailler honnêtement.

Couce de castu

Halbert, 1849 : Garçon de propreté d’un hospice.

Couchant

d’Hautel, 1808 : Faire le chien couchant. Se porter à des soumissions honteuses, pour gagner les faveurs de quelqu’un.
On adore plutôt le soleil levant que le soleil couchant. Signifie que l’on se prosterne plutôt devant une autorité naissante que devant celle qui est sur son déclin.

Couche

d’Hautel, 1808 : Faire une fausse couche. Avorter dans une entreprise, s’y blouser.

Couche (en avoir une)

Fustier, 1889 : Sous-entendu, de bêtise. Être inintelligent.

Virmaître, 1894 : Être bête à manger du foin. Allusion à la couche de fumier que mettent les maraîcheirs dans leurs châssis pour faire hâtivement pousser les melons ; plus la couche est épaisse, meilleur est le résultat (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Être bête, naïf.

France, 1907 : Sous-entendu : de bêtise.

Couché (être)

Rigaud, 1881 : En terme de commis de magasin, c’est se voir — pour cause de retard — couché sur le carnet du surveillant avec une amende de vingt-cinq centimes.

Couche (il y)

Rigaud, 1881 : Se dit de quelqu’un qui reste longtemps dans un endroit, de quelqu’un qui passe ses journée dans un endroit. — Encore au café ? — Il y couche.

France, 1907 : Cette expression populaire s’emploie pour désigner quelqu’un trop assidu dans une maison. À quelle heure qu’on te couche ? Quand vas-tu partir ?

Coucher

d’Hautel, 1808 : Va te coucher, tu souperas demain. Se dit par impatience à un enfant dont on ne peut sur-le-champ contenter les désirs.
Faire coucher quelqu’un. Expression métaphorique qui signifie réduire au silence, soit par menaces, soit par des paroles malignes et choquantes, un homme dont les propos étoient indécens, railleurs ou trop familiers. C’est dans ce sens que l’on dit en plaisantant de celui que l’on a fait taire : Bonsoir, il est couché.
Si vous n’en voulez pas, couchez-vous auprès.
Se dit par vivacité à une personne qui refuse une offre juste et convenable.
Coucher à la belle étoile, à l’enseigne de la lune. Coucher dans la rue, au bel air.
Coucher en joue. Viser, épier, considérer quelqu’un, dans une intention quelconque.
Coucher dans son fourreau. C’est-à-dire tout habillé.
Comme on fait son lit on se couche. Signifie que l’on est heureux ou malheureux, suivant l’ordre que l’on met dans sa conduite.
Coucher gros. Hasarder beaucoup au jeu.
Coucher gros. Signifie aussi se ruiner en vaines promesses.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui s’attarde volontairement dans une maison où il ne devrait jamais même mettre les pieds.

France, 1907 : Client passager d’une nuit dans une maison de prostitution ou chez une fille. « Madame, j’ai un coucher, crie, du haut de l’escalier, Aspasie à la matrone. »

Coucher (avoir un)

Delvau, 1864 : Être retenue par un miché pour baiser avec lui toute la nuit, — dans l’argot des bordels.

Mélie ? Elle a un coucher, mon petit, faudra repasser demain.

Henry Monnier.

Coucher à la belle étoile

Virmaître, 1894 : Dormir dans les champs. On dit aussi : coucher dans le lit aux pois verts (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Coucher dehors, ne pas avoir de domicile.

Coucher à la corde

Delvau, 1866 : v. n. Passer la nuit dans un de ces cabarets comme il en existait encore, il y a quelques années, assis et les bras appuyés sur une corde tendue à hauteur de ceinture.

Coucher avec le cheval

M.D., 1844 : Coucher seul.

Coucher avec une femme

Delvau, 1864 : En jouir ; — par extension : Tirer un coup — même sur toute autre chose qu’un lit.

C’est signe que tu ne couchas
Jamais encore avec elle.

Cl. Marot.

Un ange la prend dans ses bras.
Et la couche sur l’autre rive.

Parny.

Monsieur sait mieux que moi, me dit-il, que coucher avec une fille, ce n’est que faire ce qui lui plaît : de la à lui faire faire ce que nous voulons, il y a souvent bien loin.

De Laclos.

Que veut-il donc ? Coucher avec une jolie femme et en passer sa fantaisie.

La Popelinière.

Si j’cède à tes beaux discours,
C’est parc’que tu m’cass’ la tête,
Car avec un’ fille honnête
On n’couche pas avant huit jours.

(Chanson anonyme moderne.)

Coucher bredouille

France, 1907 : Se coucher sans souper ; le contraire de se coucher en chapon, qui est se mettre au lit le ventre plein. Coucher dans le lit aux pois verts, coucher à la belle étoile.

Coucher bredouille (se)

Delvau, 1866 : Se coucher sans avoir dîné.

Coucher dans le lit aux pois verts

Delvau, 1866 : v. n. Coucher dans les champs, à la belle étoile.

Coucher dehors (mine à)

France, 1907 : Avoir une figure telle qu’on vous refuse la porte de toutes les auberges.

Coucher en chapon (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se coucher repu de viande et de vin, — dans l’argot du peuple.

Couchoir

France, 1907 : Dortoir.

À Rollin, en rentrant l’dimanche,
Les collégiens émoustillés
Voient de leurs yeux écarquillés
Grille-d’Égout qui se déhanche.
Ils en rêvent dans leur couchoir.

(Victor Meusy)

Couci-couci

d’Hautel, 1808 : Tout doucement, tant bien que mal.

Coucou

Bras-de-Fer, 1829 : Montre.

Delvau, 1864 : Oiseau jaune, de la race des cocus, aussi féconde que celle des mirmidons.

Les coucous sont gras,
Mais on n’en tue guère ;
Les coucous sont gras,
Mais on n’en tue pas ;
La crainte qu’on a de manger son père,
Son cousin germain, son oncle ou son frère.
Fait qu’on n’en tue guère,
Fait qu’on n’en tue pas.

(Vieille chanson.)

Larchey, 1865 : Cocu.

Une simple amourette Rend un mari coucou.

Chansons. impr. Chassaignon, 1851.

En 1350, un mari trompé s’appelait déjà en bas latin cucullus (prononcez coucoullous), et, en langue romane, cous. V. Du Cange.

Delvau, 1866 : s. m. Montre, — dans l’argot des voleurs, qui confondent à dessein avec les horloges de la Forêt-Noire. Ils disent mieux Bogue.

Delvau, 1866 : s. m. Cocu, — par antiphrase. Faire coucou. Tromper un homme avec sa femme. On dit aussi Faire cornette, quand c’est la femme qui est trompée.

France, 1907 : Montre. Allusion aux horloges de bois fabriquées en Suisse et appelées ainsi à cause du petit oiseau qui les surmonte et chante coucou à toutes les heures.

France, 1907 : Cocu. Faire coucou, tromper un mari avec sa femme.

Il y a des syllabes qui portent en elles une vertu magique de rire ou de larmes, comme les plantes que les nécromanciens recueillent au clair de lune empoisonnent où guérissent. Ce petit mot de cocu, plein et sonore comme une tierce de clairon, sonne pour notre race une fanfare toujours joyeuse.

(Hugues Le Roux)

France, 1907 : Ancienne voiture des environs de Paris où grisettes et commis se faisaient véhiculer à la campagne, le dimanche, au bon temps des romans de Paul de Kock, L. Couailhac, dans Les Français peints par eux-mêmes, a ainsi décrit cette humble boîte à compartiments que trainait un cheval poussif :

On y est si bien pressé, si bien serré, si bien étouffé ! Elle rappelle si bien l’époque où les Des Grieux des gardes françaises et de la basoche allaient manger une matelote à la Râpée avec les Manon Lescaut des piliers des Halles. Comme tout ce bon attirail de cheval et de voiture unis ensemble respire le parfum de la galanterie joyeuse, vive et folle du bon temps, du temps ou les grisettes portaient les jupes courtes, faisaient gaiement claquer leurs galoches sur le pavé, se décolletaient comme des marquises et se moquaient de tout avec Madelon Friquet ! Oh ! la charmante voiture ! comme le coude touche le coude, comme le genou presse le genou, comme la taille des jeunes filles est abandonnée sans défense aux entreprises des audacieux !

On appelle aussi coucou, par ironie, la machine à vapeur.

Coucou (faire)

France, 1907 : Jeu d’enfants qui se cachent et crient : Coucou ! pour avertir celui qui les cherche qu’ils sont cachés.

Coucou à répétition

Rigaud, 1881 : Gonorrhée — dans le jargon des voleurs ; allusion à la persistance de la maladie.

Coude

d’Hautel, 1808 : Lever le coude. Expression métaphorico-bachique, qui signifie être fort adonné au vin ; sabler d’importance.

Halbert, 1849 : Permission.

Delvau, 1866 : s. m. Permission, — dans l’argot des voyous. Prendre sa permission sous son coude. Se passer de permission.

Coude (lâcher le)

Larchey, 1865 : Quitter.

Vous n’pourriez pas nous lâcher le coud’bientôt.

Léonard, parodie, 1863.

Allusion à la recommandation militaire de sentir les coudes à gauche, en marche.

Rigaud, 1881 : Quitter. — Vous m’ennuyez, lâches-moi le coude. — Lever le coude, boire. — Huile de coude, vigueur du bras, travail manuel fatigant.

France, 1907 : Quitter. Lâche-moi le coude, laisse-moi tranquille. Prendre une permission sous son coude, s’en passer. Lever le coude, boire. « Paloignon aime à lever le coude, quand c’est le voisin qui paye. » Ne pas se moucher du coude, se faire valoir.

Coude (ne pas se moucher du)

Fustier, 1889 : Se faire valoir. Expression ironique.

Coudées franches (avoir les)

France, 1907 : Agir sans façon et familièrement, ne pas se gêner et ne pas être gêné, comme une personne qui est installée à l’aise à table et peut jouer des coudes sans toucher ses voisins.

Coudes à gauche (sentir les)

France, 1907 : Marcher militairement, avec ordre et ensemble. Allusion à la recommandation des instructeurs : « Sentez les coudes ! »

Coudre

d’Hautel, 1808 : Il faut coudre la peau du renard avec celle du Lion. Vieux proverbe qui signifie qu’outre la force, il faut encore, joindre la prudence, la ruse et la finesse en traitant avec ses ennemis.
Des malices cousues de fil blanc. Voyez Malice.
Il a le visage cousu de petite vérole. Pour dire il en est extrêmement marqué.
Coudre la bouche à quelqu’un. Acheter sa discrétion par des présens.
Il est cousu d’or. Expression métaphorique qui se dit d’un millionnaire, ou d’un homme qui a un habit galonné sur toutes les coutures.
Avoir le visage cousu. C’est-à-dire, avoir le visage cicatrisé, maigre et décharné.

Couenne

d’Hautel, 1808 : Peau de Pourceau. On dit grossièrement d’un homme peu industrieux ; d’un nigaud, d’un maladroit, d’un sot, qu’il est couenne ; qu’il est bête comme une couenne.
Se ratisser la couenne.
Pour, se raser le visage, se faire la barbe.

Delvau, 1864 : Le membre viril, — une cochonnerie.

Larchey, 1865 : « On dit d’un nigaud, d’un maladroit, d’un sot qu’il est couenne. » — d’Hautel, 1808. — V. Coenne.

Delvau, 1866 : s. f. Chair, — dans l’argot du peuple. Gratter la couenne à quelqu’un. Le flatter, lui faire des compliments exagérés.

Delvau, 1866 : s. et adj. Imbécile, niais, homme sans énergie, — dans l’argot des faubouriens, qui pensent comme Émile Augier (dans la Ciguë), que « les sots sont toujours gras ».

Rigaud, 1881 : Peau. — Se racler la couenne, se raser.

Rigaud, 1881 : Niais.

Est-il couenne, ce petit N… de D… là…, ça lui fait de la peine quand on bat les autres.

(Eug. Sue. Misères des enfants trouvés.)

France, 1907 : Sot, lourdaud, à l’intelligence épaisse comme la peau du porc.

Oui, y a pas d’doute, à ton accent
On voit qu’t’es faubourien pur sang ;
T’es éveillé, t’as pas l’air couenne,
T’es p’t’êtr’ du quartier Saint-Antoine.

(A. Bruant et J. Jouy)

France, 1907 : Chair. Gratter, racler ou ratisser la couenne, raser. Se dit aussi pour flatter, dans le même sens que passer la main dans le dos.

Couenne de lard

Delvau, 1866 : s. f. Brosse, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Brosse.

Couennes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Joues pendantes.

France, 1907 : Bajoues.

Couette de cheveux

Rigaud, 1881 : Petites mèches de cheveux au bord des tempes et derrière le cou.

Couillé

Larchey, 1865 : Niais. — Forme de couyon.

Un couillé, j’ai remouché.

Vidocq.

France, 1907 : Nigaud.

— Tu n’y es pas, couillé ! Ce Vidocq est un grinche, qui était pire qu’à vioque (à vie), à cause de ses évasions.

(Marc Mario et Louis Launay)

Couille en bâton

France, 1907 : Bêtise, chose sans valeur.

Un tas de bougres… nous serineront que la conquête des municipalités est un truc galbeux. À cela, les paysans pourront répondre que c’est de la couille en bâton : pour ce qui les regarde, y a une quinzaine d’années qu’ils ont fait cette garce de conquête et ils n’en sont pas plus bidards pour ça.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Couille en bâton (de la)

Virmaître, 1894 : C’est une bêtise. Mot à mot : ce n’est rien (Argot du peuple).

Couilles

Delvau, 1864 : Testicules de l’homme.

De la pointe du vit le poinct,
Et vit li met jusqu’à la couille.

(Anciens Fabliaux.)

Mais si ma couille pissait telle urine, la voudriez-vous vous sucer ?

Rabelais.

On ne fait non plus cas des pauvres que de couilles ; on les laisse à la porte, jamais n’entrant.

(Moyen de parvenir.)

France, 1907 : Testicules ; du latin coglioni. Avoir des couilles au cul, être brave, énergique.

Couillon

Rigaud, 1881 : Poltron. Vient de Coilly ou Couilly, petit village de la Brie Champenoise, aujourd’hui dans le département de Seine-et-Marne, arrondissement de Meaux. Un vieux quatrain recueilli dans les adages français donne une haute idée du courage des gens de Couilly, les Couillyons.

Mil cinq cent vingt et quatre
Coilli fut pris sans combattre ;
Et les blés furent engelés
Et maints gens déshonorés.

Virmaître, 1894 : Imbécile, peureux (Argot du peuple).

France, 1907 : Poltron, bête, pusillanime ; du vieux français couillu, même sens.

Quoique ça, les malins voyaient le bout de l’oreille : « Méfiez-vous, les aminches, qu’ils rengainaient, les chefs vous lâcheront d’un cran un de ces quatre matins… Et vous vous retrouverez couillons comme devant. »

(Le Père Peinard)

On écrit aussi coïon.

— Tenez, voulez-vous que je vous dise ? s’exclama à la fin Béchu, vous êtes tous des coïons. Eh bien ! j’irai, moi.
Chamerot, qui rentrait en bouclant la ceinture de son pantalon, lui serra les mains :
— C’est bien, ça, Béchu. Tu es un homme. toi !

(Camille Lemonnier)

Couillonade

Virmaître, 1894 : Il ne faut pas faire attention à ce qu’il dit, il ne raconte jamais que des couillonades (Argot du peuple).

Couillonnade

France, 1907 : Acte ou propos ridicule, sottise. Dire ou faire des couillonnades. On écrivait autrefois coyonade.

En moine de Cîtaux arrive,
Va descendre chez un baigneur,
Se met au lit, fait le malade,
Et mande le premier docteur,
Qui vint débiter par cœur
En latin mainte coyonade…

(Grécourt)

Le cardinal rendit au Tasse le manuscrit de la Jérusalem délivrée, en lui disant que ses tirades étaient des couillonnades.

Couillonner

France, 1907 : Montrer de la lâcheté, hésiter devant un danger.

Couillonnerie

France, 1907 : Lâcheté ou sottise.

Couillons

Delvau, 1864 : Les testicules.

O vit ! bande toujours, et vous, couillons propices,
Distillez voire jus,
Pour fixer à jamais les rapides délices
De es sens éperdus.

(Parnasse satyrique.)

Voyez la grande trahison
Des ingrats couillons que je porte :
Lorsque leur maître est en prison,
Les ingrats dansent à la porte.

(Cabinet satyrique.)

Mes couillons, quand mon vit se dresse,
Gros comme un membre de mulet,
Plaisent aux doigts de ma maîtresse
Plus que deux grains de chapelet.

Théophile.

Couiner

Rigaud, 1881 : Parler en larmoyant.

France, 1907 : Se lamenter, pleurnicher. Se dit aussi pour hésiter.

Coulage

La Rue, 1894 : Ce que perd le patron par suite de la négligence de ses employés ou par suite de petits larcins.

France, 1907 : Gaspillage, dévastation lente d’une maison par les voleries, les dilapidations et le désordre des employés ou des domestiques, à la suite desquels une maison est bientôt coulée.

Coulage (avoir du)

Virmaître, 1894 : Ne pas surveiller ses ouvriers. Perdre sur une commande ou sur une vente. Couler le patron : le ruiner petit à petit (Argot du peuple).

Coulage, coule

Rigaud, 1881 : Gaspillage par suite de mauvaise administration, — en terme de commerce.

Coulan (du)

M.D., 1844 : De l’huile.

Coulant

Halbert, 1849 : Lait.

Coulant ou couliant

France, 1907 : Lait. Se dit aussi pour paletot, veste.

Son coulant et sa montante
Et son combre galuché,
Son frusque, aussi sa lisette,
Lonfa malura dondaine,
Et ses tirants brodanchés,
Lonfa malura dondé !

Coulante

Clémens, 1840 : Huile.

Coulante ou couliante

France, 1907 : Laitue. On appelle également la Seine la coulante.

Coule

Delvau, 1866 : s. f. Les dégâts, les petits vols que commettent les employés, les ouvriers, les domestiques d’une maison, et spécialement les garçons de café, parce que c’est par là souvent qu’on coule une maison. On dit aussi Coulage. Veiller à la coule. Veiller sur les domestiques, avoir l’œil sur les garçons de café et autres, pour empêcher la dilapidation.

Coulé

Rigaud, 1881 : Perdu, ruiné, — en terme de commerce. — Être coulé dans l’opinion de quelqu’un, avoir perdu la confiance de quelqu’un. — Commercialement parlant : n’avoir plus ni crédit, ni ressources.

Coule (à la)

Larchey, 1865 : Adroit, expert en l’art de se couler entre les obstacles.

Coule (être à la)

Delvau, 1866 : Être d’un aimable caractère, d’un commerce agréable, doux, coulant, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi : Savoir tirer son épingle du jeu ; être dupeur plutôt que dupé ; préférer le rôle de malin à celui de niais, celui de marteau à celui d’enclume.

Rigaud, 1881 : Ne pas avoir de préjugés, tout savoir et tout connaître en fait de ruses. — Être au courant d’un métier, d’une chose. Mettre à la coule, mettre au courant.

Boutmy, 1883 : v. Être bien au fait d’un travail, être rompu aux us et coutumes de l’imprimerie. Cette locution a passé dans d’autres argots.

Merlin, 1888 : Voyez Connaître dans les coins.

La Rue, 1894 : Être malin, roué.

Virmaître, 1894 : Malin qui croit que personne ne peut le tromper. On dit : Il la connaît dans les coins ; pas moyen de lui introduire : il est à la coule (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Être malin, au courant.

France, 1907 : Connaître les ruses et les détours du métier. Ne pas se laisser tromper. Mettre quelqu’un à la coule, le mettre au courant des affaires où des roueries du métier.

Le nouvel ami de Gilbert vivait à l’aide de ces petites industries que Paris offre à ceux qu’effraye un travail régulier.
Henri, enseignant ce qu’il savait à Gilbert, le mit à la coule, suivant son expression.

(William Busnach, Le Petit Gosse)

Couler

d’Hautel, 1808 : Il est coulé. Se dit d’un marchand, d’un négociant qui a mal fait ses affaires et qui a été obligé de fermer boutique.
Cela coule de source. Pour cela s’entend, c’est naturel.
Couler une chose à fond. La conclure, la terminer.
Je lui ai coulé ce mot. Pour, je lui ai glissé adroitement ce mot sans avoir l’air d’y penser.
On empêcheroit plutôt la rivière de couler, que cet homme de parler. Se dit d’un grand babillard, d’un parleur éternel.
Il nous en a coulé. Pour, il nous a dit des gasconnades, des menteries.

Delvau, 1864 : Avoir une coulante, une gonorrhée gagnée au service de la femme, parce qu’en effet le membre viril, à l’instar du suif qui coule d’une chandelle, filtre alors une chaude-pisse dans la culotte.

Ma pine encore vierge
Coula,
Ni plus ni moins qu’un cierge.
Voilà.

Eugène Vachette.

La Rue, 1894 : Ruiner. Faire du coulage, faire perdre de l’argent au patron en travaillant mal.

France, 1907 : Faire du coulage, faire perdre de l’argent à ses maîtres ou à ses patrons.

Couler (en)

Delvau, 1866 : En conter aux gens crédules, dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Mentir, en conter.

Couler douce (la ou se la)

France, 1907 : Vivre confortablement sans travail et sans souci.

— Comment donc ! Ah ! ce n’est pas moi qui vous blâmerai, sois-en sûre ! Prenez du bon temps et coulez-vous-la douce, mes petites poulettes, vous ne sauriez rien imaginer de mieux…

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Couler douce (la)

Rigaud, 1881 : Mot à mot : couler la vie doucement, mener une existence heureuse.

Couler douce (se la)

Delvau, 1866 : v. réfl. Vivre sans rien faire, sans souci d’aucune sorte, — dans l’argot du peuple, qui ne serait pas fâché de vivre de cette façon-là, pour changer.

La Rue, 1894 : Mener une vie agréable, ne pas travailler.

Virmaître, 1894 : Faire le moins de travail possible et vivre pour le mieux (Argot du peuple).

Couler en douceur

France, 1907 : Faire entendre à quelqu’un, sans en avoir l’air ou sans se fâcher, des choses désagréables.

— Moi, vois-tu, je suis trop carré, je ne connais pas les ménagements, je lui collerais l’affaire tout net au nez. Tandis que toi, je te connais, tu lui couleras ça en douceur.

(Camille Lemonnier)

Se faire avorter.

— Si elle avait été aussi ficelle que d’autres que nous connaissons, pas vrai, m’sieu Porphvre ? elle se serait fait couler ça en douceur…
— Chez m’ame Tiremôme !

(Albert Cim)

Couler quelqu’un

Rigaud, 1881 : Faire perdre de l’argent à quelqu’un. — Ruiner un commanditaire. — Perdre quelqu’un de réputation.

Virmaître, 1894 : Couler un individu dans l’esprit de quelqu’un en disant de lui pis que pendre ; le perdre dans l’estime d’autrui (Argot du peuple).

France, 1907 : Lui nuire, le vilipender.

Couler un enfant

Virmaître, 1894 : Faire avorter une femme (Argot du peuple).

France, 1907 : Avoir recours à des pratiques abortives. Ou dit aussi couler en douceur.

Couleur

d’Hautel, 1808 : Il en juge comme un aveugle des couleurs. Se dit d’un homme qui décide dans une matière qu’il ne connoît pas.
Cette affaire commence à prendre couleur. Pour, commence à prendre un caractère, une tournure satisfaisante.
Des goûts et des couleurs il ne faut disputer. Signifie qu’on doit se garder de fronder les, goûts et les caprices, les fantaisies particulières, parce chacun a les siens.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Mensonge. Monter des couleurs, dire des mensonges.

Larchey, 1865 : Soufflet. — Il colore la joue.

J’bouscule l’usurpateur, Qui m’applique sur la face, Comm’on dit, une couleur.

Le Gamin de Paris, chanson, 184…

Delvau, 1866 : s. f. Opinion politique. Même argot [du peuple].

Delvau, 1866 : s. f. Menterie, conte en l’air, — dans l’argot du peuple, qui s’est probablement aperçu que, chaque fois que quelqu’un ment, il rougit, à moins qu’il n’ait l’habitude du mensonge. Monter une couleur. Mentir.
Au XVIIe siècle on disait : Sous couleur de, pour Sous prétexte de. Or, tout prétexte étant un mensonge, il est naturel que tout mensonge soit devenu une couleur.

Rigaud, 1881 : Soufflet, coup de poing sur le visage. Appliquer une couleur, donner un soufflet. — Passer à la couleur, se faire administrer des claques.

Rigaud, 1881 : Ruse, mensonge.

Laissez donc, ça fait comme ça la sainte n’y touche, pour s’ faire r’garder ; on connaît ces couleurs-là.

(Mars et Raban, Les Cuisinières).

Être à la couleur, ne pas se laisser tromper ; deviner un mensonge. C’est-à-dire savoir quelle est la couleur qui retourne.

La Rue, 1894 : Mensonge.

France, 1907 : Soufflet, parce qu’il donne des couleurs aux joues.

France, 1907 : Opinion politique. « Combien de de fois, dans leur carrière, les politiciens ne changent-ils pas de couleurs ? »

France, 1907 : Mensonge. Du couvre la vérité d’une couleur. Monter une couleur, mentir.

Au XVIIe siècle, on disait : « sous couleur de », pour « sous prétexte de ». Or, tout prétexte étant un mensonge, il est naturel que tout mensonge soit devenu une couler.

(Alfred Delvau)

Commerson t’a refusé dix-sept francs, et il a bien fait. Tu les aurais croqués évidemment avec le cabotin dont je te parlais tout à l’heure. Si le soleil mange les couleurs, ma chère Nini, mon rédacteur en chef les avale difficilement.

(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais jeune homme à sa Nini)

Couleur (être à la)

La Rue, 1894 : Être convenable, faire bien les choses. Ne pas être à la couleur, être naïf, ne pas voir qu’on vous en coule une.

France, 1907 : Faire les closes convenablement, c’est-à-dire se mettre de la couleur de la personne que l’on veut choyer.

Couleur (monter la)

La Rue, 1894 : Tromper.

Couleurs (en faire voir de toutes les)

Virmaître, 1894 : Mentir, tromper. Faire à quelqu’un tous les tours possibles (Argot du peuple).

France, 1907 : Mentir, duper, jouer tous les tours imaginables quelqu’un. « La coquine lui en fit voir de toutes les couleurs. »

Couleurs (monter des)

anon., 1827 : Mentir.

Bras-de-Fer, 1829 : Mentir.

Halbert, 1849 : Mentir.

Couleuvre

d’Hautel, 1808 : Faire avaler des couleuvres à quelqu’un. Signifie lui faire essuyer de grandes mortifications, des chagrins amers.
On dit aussi d’un homme méchant et pervers, que c’est une couleuvre.

Delvau, 1866 : s. f. Femme enceinte, — dans l’argot des voyous, qui, probablement, font allusion aux lignes serpentines de la taille d’une femme en cette « position intéressante ».

France, 1907 : Paresseux ou paresseuse, en raison des mœurs nonchalantes de ce reptile, qui reste engourdi tout l’hiver.

France, 1907 : Femme dans la position que l’on est convenu d’appeler intéressante, et qui ne peut guère intéresser qu’elle et les siens.

Couleuvrine

d’Hautel, 1808 : Être sous la couleuvrine de quelqu’un. Figurément, être sous sa puissance ou sous sa protection.

Couliant

anon., 1827 : Du lait.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Lait.

Bras-de-Fer, 1829 : Lait.

Delvau, 1866 : s. m. Lait, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Lait.

Couliante

Halbert, 1849 : Laitue.

Coulisse

d’Hautel, 1808 : Faire les yeux en coulisse. Jeter un regard doux, amoureux et tendre sur quelqu’un, ainsi que le pratiquent ordinairement les femmes galantes, les courtisanes, avec les hommes qu’elles veulent prendre dans leurs filets.
Avoir les yeux en coulisse. Signifie aussi bigler, regarder de côté, de travers.

France, 1907 : Corruption de coulure, mauvais temps qui fuit couler le fruit après la fleur.

France, 1907 : Bourse en dehors de la bourse officielle, où des intermédiaires sans mandat légal font des négociations de valeurs cotées seulement en banque et opèrent également sur les valeurs officiellement cotées.

Du reste, l’agent de change, après s’être effacé politiquement, tend à diminuer aussi d’importance, financièrement parlant. Il s’est créé, sous le nom de coulisse, une contrebande qui lui fait un grand tort.

(Frédéric Soulié, L’Agent de change)

Coulissier

Rigaud, 1881 : Courtier spéculateur en vieilles nippes, — dans le jargon du Temple.

France, 1907 : Spéculateur jouant en dehors du parquet des agents de change, c’est-à-dire tripotant dans les coulisses de la Bourse. Comme adjectif, ce mot n’est guère employé qu’au féminin dans ce sens : intrigues coulissières.

Coulissiers

Larchey, 1865 : « Les coulissiers sont des agents de change sans brevet ; ils traitent des opérations pour leur compte et pour celui de leurs clients ; on leur paie moitié courtage, ils ont une chambre organisée comme la chambre syndicale des agents de change ; on en cite de très-honorables et de très-riches, offrant tout autant de garantie que des agents de change. Ils se réunissent à midi sur les boulevarts, ils établissent le cours de la rente qui souvent est accepté par le parquet. À la Bourse, ils se placent à peu de distance des agents de change, à gauche de la corbeille. Les opérations de la coulisse s’élèvent à un chiffre énorme. » — De Mériclet.

Couloir

Delvau, 1866 : s. m. Le gosier, — dans l’argot dos faubouriens, qui en lavent les parois à grands coups de vin et d’eau-de-vie, sans redouter l’humidité. Chelinguer du couloir. Fetidum halitum emittere.

Rigaud, 1881 : Gosier, bouche. — Repousser du couloir, sentir mauvais de la bouche.

France, 1907 : Gosier.

Couloir à airs

Rigaud, 1881 : Chanteuse, — dans le jargon des voyous. — Gosier. — Ferme ton couloir à airs.

Coup

d’Hautel, 1808 : Se battre à coup de savatte. C’est-à dire, à coups de pieds, comme le font les crocheteurs et les porteurs d’eau.
Faire les cent coups. Donner dans de grands écarts, faire des fredaines impardonnables, se porter à toutes sortes d’extravagances, mener une vie crapuleuse et débauchée ; blesser, en un mot, les règles de la pudeur, de la bienséance et de l’honnêteté.
Il a été le plus fort, il a porté les coups. Se dit en plaisantant de quelqu’un qui, n’ayant pas été le plus fort dans une batterie, a supporté tous les coups.
On dit plaisamment d’un homme économe dans les petites choses et dépensier dans les grandes, qu’Il fait d’une allumette deux coups, et d’une bouteille un coup.
Il ne faut qu’un coup pour tuer un loup.
Signifie qu’il ne faut qu’un coup de hasard pour abattre l’homme le plus puissant et le plus favorisé de la fortune.
Faire un mauvais coup. Commettre quelque méchante action, quelqu’action criminelle.
Un coup de maître. Affaire conduite avec adresse, habileté.
Faire d’une pierre deux coups. Faire deux affaires en en traitant une.
Faire un mauvais coup. Ne pas réussir ou échouer dans une entreprise.
Un coup de Jarnac. Coup détourné et perfide qui se dirige contre une personne à qui l’on veut du mal.
Caire un coup de sa tête. Pour dire un coup décisif ; ne prendre conseil que de sa propre volonté.
Coup de main. On appelle ainsi un travail de peu de durée, comme lorsqu’on se fait aider par des étrangers dans un moment de presse.
Un coup de désespoir. Action causée par le chagrin, la douleur, la peine.
Avoir un coup de hache. Pour, être timbré ; avoir la tête exaltée.
Les plus grands coups sont portés. Pour dire, le plus fort est fait, le plus grand danger est passé.
Il n’y a qu’un coup de pied jusque-là. Pour dire qu’il n’y a pas loin. On se sert aussi de cette locution ironiquement, et pour se plaindre de l’éloignement d’un lieu où l’on a affaire.
Se donner un coup de peigne. Au propre, se coiffer, se retapper. Au figuré, se battre, se prendre aux cheveux.
C’est un coup d’épée dans l’eau. Pour, c’est un effort infructueux, un travail inutile.
Frapper les grands coups dans une affaire. Mettre tout en œuvre pour la faire réussir.
Discret comme un coup de canon. Homme étourdi et indiscret qui ne peut rien garder de ce qu’on lui confie.
Il fait ses coups à la sourdine. Se dit d’un fourbe, d’un hypocrite, d’un homme dont les actions sont traitres et cachées.

Delvau, 1864 : L’acte vénérien, qui est, en effet, un choc — agréable pour celle qui le reçoit comme pour celui qui le donne.

L’autre jour un amant disait
À sa maîtresse à basse voix,
Que chaque coup qu’il lui faisait
Lui coûtait deux écus ou trois.

Cl. Marot.

Tu voudrais avoir pour un coup
Dix écus ; Jeanne, c’est beaucoup.

Et. Tabourot.

Pour l’avoir fait deux coups en moins de demi-heure,
C’est assez travailler pour un homme de cour.

(Cabinet satyrique.)

Il faut toujours se faire payer avant le coup.

Tabarin

L’homme philosophal que cherche, sans le trouver, la femme, est celui qui ferait réellement les cent coups.

J. Le Vallois.

Rigaud, 1881 : Manœuvre faite dans le but de tromper. On dit : il m’a fait le coup, il m’a trompé ; c’est le coup du suicide, c’est un faux suicide annoncé pour attendrir la dupe. (L. Larchey)

La Rue, 1894 : Vol. Manœuvre dans le but de tromper. Ne pas en f…iche un coup, ne pas travailler.

Virmaître, 1894 : Procédé secret et particulier (Argot des voleurs).

Coup (bon)

Rigaud, 1881 : Dans le vocabulaire de la galanterie, c’est le plus bel éloge qu’un homme puisse faire d’une femme pour la manière dont elle tient les cartes au jeu de l’amour. — Par contre, mauvais coup sert à désigner la femme qui n’entend rien à ce jeu, ou que ce jeu laisse froide.

Coup (faire ou monter un)

France, 1907 : Accomplir on manigancer une entreprise plus ou moins répréhensible du Code pénal.

Coup (montage de)

Rigaud, 1881 : Mensonge préparé de longue main. — Monter le coup, en imposer, conter un mensonge. — Se monter le coup, s’illusionner. — Monter un coup, combiner un vol. — Monteur de coups, celui qui ment, par habitude, dans un but intéressé.

Coup (monter le)

Merlin, 1888 : Voyez Bourichon.

France, 1907 : Tromper, faire croire à une chose qui n’est pas. Nombre d’historiens ont monté le coup à la postérité. Les politiciens sont des menteurs de coups.

Où va l’crapaud, où va l’arpète,
Où va l’mecton dans l’ambargo,
Où va l’rigoleur en goguette,
Où va l’pante qui fuit l’conjungo !…
Si vous d’mandiez ça m’la botte,
Y croiraient qu’vous leur montez l’coup,
Y vous diraient à la minute :
Nom de Dieu ! faut-y qu’tu sois soûl !

(Aristide Bruant)

Coup (n’en pas foutre un)

France, 1907 : Fainéanter, ne rien faire.

Coup (valoir le)

Fustier, 1889 : Mériter attention. Valoir la peine.

France, 1907 : Mériter attention.

Coup à monter

Larchey, 1865 : Grosse entreprise.

Un coup à monter, ce qui, dans l’argot des marchands, veut dire une fortune à voler.

Balzac.

Virmaître, 1894 : Piège à tendre. Tromper quelqu’un (Argot des voleurs).

Coup d’acré

Rigaud, 1881 : Extrême-onction, — dans le jargon des voleurs. Mot à mot : coup de Sacrement.

France, 1907 : Extrême-onction. Acré signifie en argot, méfiance, attention ; c’est en effet le moment d’ouvrir l’œil quand on va le fermer.

Coup d’Anatole

France, 1907 : Voir Coup du Père François.

Coup d’arrosoir

Delvau, 1866 : s. m. Verre de vin bu sur le comptoir du cabaretier. Argot des faubouriens.

France, 1907 : C’est le verre de vin qui arrose le gosier.

Coup d’encensoir

Rigaud, 1881 : Coup de poing sur le nez, — dans le jargon des voyous qui ont servi la messe.

France, 1907 : Coup de poing sur le nez. Basses flatteries, louanges outrées.

Coup de bas

Larchey, 1865 : Coup dangereux.

Ces fats nous donnent un rude coup de bas.

Chansons. Clermont, 1835.

Coup de chien, peigne, torchon : V. ces mots.

Virmaître, 1894 : Coup dangereux. Achever quelqu’un, le finir (Argot des voleurs).

France, 1907 : Coup définitif qui achève la victime.

Coup de bleu

France, 1907 : Coup de vin.

Faut ben du charbon…
Pour chauffer la machine,
Au va-nu pieds qui chine…
Faut son p’tit coup d’bleu.

(Richepin, Chanson des Gueux)

Coup de bouteille

Delvau, 1866 : s. m. Rougeur du visage, coup de sang occasionné par l’ivrognerie, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Rougeur du visage, coup de sang occasionné par l’ivrognerie. (A. Delvau)

Coup de bouteille (avoir son)

France, 1907 : Avoir le visage couperosé à la suite de nombreuses libations, ou être ivre.

Coup de cachet

Fustier, 1889 : « Un jeune premier suivant le cœur de M. Zola… a sournoisement introduit un couteau entre les épaules de son rival… en imprimant à son arme, s’il en faut croire l’acte d’accusation, un mouvement de rotation destiné à donner au coup une force inévitablement mortelle. C’est ce que M. Huysmans appelle le coup de cachet. »

(L. Chapron.)

Coup de canif

Delvau, 1866 : s. m. Infidélité conjugale, — dans l’argot des bourgeois. Donner un coup de canif dans le contrat. Tromper sa femme ou son mari.

La Rue, 1894 : Infidélité conjugale.

France, 1907 : Ce que les femmes mariées donnent dans le contrat conjugal.

Coup de canif dans le contrat

Virmaître, 1894 : Homme qui trompe sa femme ou femme qui trompe son mari. On dit aussi, quand une femme a une masse d’amants, que le contrat est criblé de coups de sabre (Argot du peuple).

Coup de canif dans le contrat (donner un)

Delvau, 1864 : Tromper son mari au profit d’un amant, sa femme au profit d’une maîtresse.

Et puis ces messieurs, comme ils se gênent pour donner des coups de canif dans le contrat ! La Gazette des Tribunaux est pleine de leurs noirceurs ; aussi nous sommes trop bonnes.

L. Festeau.

Coup de casserole

Delvau, 1866 : s. m. Dénonciation, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Dénonciation. (L. Larchey)

France, 1907 : Dénonciation.

Coup de chancellerie

France, 1907 : Coup de lutteur par lequel on tient sous le bras la tête de son adversaire.

Coup de chasse

France, 1907 : Coup d’œil des filles qui font la chasse aux passants. On appelle aussi coups de chasse les signes que se font les grecs entre eux avec les yeux, chasses.

Coup de châsse

Rossignol, 1901 : Regarder. Donner un coup de châsse, est donner un coup d’œil (regarder).

Coup de chasselas

Delvau, 1866 : s. m. Demi-ébriété, — dans l’argot du peuple. Avoir un coup de chasselas. Être en état d’ivresse.

France, 1907 : Être dans un état voisin de l’ivresse.

Coup de chasses

Virmaître, 1894 : Coup d’œil. Système employé par certaines filles pour raccrocher les passants.
— Tu ne marches pas, as-tu vu ce coup de chasses ? (Argot du peuple).

Coup de chien

Delvau, 1866 : s. m. Traîtrise, procédé déloyal et inattendu, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Remue-ménage, branle-bas, bataille, difficulté.

Il y a un instinct populaire qui ne se trompe pas et qui fait dire : Si l’on n’est pas prêt après les milliards dépensés depuis vingt ans, on ne le sera jamais ; si l’on est prêt, qu’attend-on ?
S’il faut « un coup de chien » pour rentrer dans nos frontières d’avant 1870, qu’on se le donne et qu’on en finisse. On ne peut épuiser toujours le pauvre monde d’impôts pour lubriquer des canons et des fusils qui ne partent pas.

(Camille Dreyfus, La Nation)

Coup de croupe

Delvau, 1864 : Coup de cul que donne la femme dans l’acte copulatif.

Elle a un coup de croupe des plus distingués.

La Popelinière.

Coup de cul

Delvau, 1864 : Jeu des reins dans lequel excellent les femmes, ce qui nous procure du plaisir et à elles des rentes — quand elles ne sont pas trop prodigues et qu’elles n’ont pas de maquereaux.

Pourtant, si j’en crois mes propres rivales,
Je réveillerais le plus des des morts
D’un coup de ce cul qu’ici tu ravales
Sans en éprouver le moindre remords.

Anonyme.

Ta fortun’ n’est pas faite :
Allons donc, y pens’-tu !
Encore un coup d’ cul,
Jeannette,
Encore un coup d’ cul.

E. Debraux.

Coup de deuil

La Rue, 1894 : Malheur.

France, 1907 : Malheur.

Coup de feu

Delvau, 1866 : s. m. Moment de presse.

Boutmy, 1883 : s. m. Ivresse commençante. V. Barbe.

France, 1907 : Moment de presse. Se dit aussi pour commencement d’intoxication, quand l’intoxication est complète. Pour les typographes, c’est le coup de feu de société.

Coup de feu de société

Delvau, 1866 : s. m. Dernier degré de l’ivresse, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Le pinacle de la soulographie, — dans le jargon des typographes.

Coup de figure

Rigaud, 1881 : Repas soigné. — ; Se flanquer un coup de figure, faire un bon repas.

France, 1907 : Repas copieux, soûlerie.

Coup de filet

France, 1907 : Tactique policière par laquelle on s’empare de malfaiteurs où de prostituées, rassemblés au mème endroit.

— Dans la clientèle hétérogène de ces marchands de vin, reprit le préfet, il doit se trouver des bandits, et je m’explique la tolérance laissée par mes prédécesseurs à des cabaretiers chez lesquels ou peut toujours opérer un fructueux coup de filet !

(G. Macé, Un Joli monde)

Coup de fion

Virmaître, 1894 : Terminer un ouvrage (Argot du peuple). V. Fignoler.

Rossignol, 1901 : Bien essuyer et frotter un travail terminé est lui donner un coup de fion.

Coup de fion (donner le)

France, 1907 : Terminer un ouvrage, le parachever, lui donner du chic, du brillant.

On ressangle les chevaux, on arrange les paquetages et les turbans, on époussette ses bottes, on retrousse ses moustaches et l’on drape majestueusement les plis de son burnous. On se donne enfin le coup de fion.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Il faut beaucoup d’imagination pour varier les mets, leur donner le parfum d’agréable odeur qui saisit les narines du gourmet et stimule son appétit, pour connaître juste les quantité d’eau, de jus, d’aromates qu’il faut combiner en une habile mixture pour donner enfin à la sauce, — triomphe du vrai cuisinier, — ce que j’appellerai, en argot d’artiste, le coup de fion du maitre d’hôtel.

(Jeanne d’Antilly, Le Journal)

Coup de flan

Virmaître, 1894 : Voler au hasard (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voler au hasard.

Coup de foudre

France, 1907 : Amour à première vue qui frappe soudainement le cœur et explique le dard dont la mythologie armait Cupidon. Les très jeunes gens sont spécialement sujets aux coups de foudre. L’on peut être foudroyé ainsi nombre de fois sans en mourir, ni même sans en être malade.

— À un bal de la sous-préfecture, je rencontrai le capitaine de Langallery… Croyez-vous aux coups de foudre, mon cher abbé ? Vous me direz que cela ne vous regarde pas : mais je vois bien qu’au fond vous n’y croyez point. Eh bien, vous avez tort. J’ai reçu le coup de foudre, moi. Au retour de ce bal où je n’avais dansé qu’une seule fois avec M. de Langallery, j’ai emmené maman dans ma chambre, je me suis jetée dans ses bras et je lui ai dit :
— Ma petite maman chérie, il faut que j’épouse M. de Langallery !
Tête de mère ! Elle me crut folle :
— M. de Langallery ? Qu’est-ce que c’est que M. de Langallerry ?
— Comment, tu ne l’as pas vu ? Le capitaine ?… celui qui a une moustache brune et des yeux noirs, avec de si jolis sourcils ?
Elle ne savait pas ! Elle n’avait rien remarqué, ni les jolis sourcils, ni la moustache brune, ni les yeux noirs ! Elle n’avait pas distingué ce capitaine des autres capitaines. Elle n’avait pas reçu le coup de foudre, elle. Il y a une grâce d’état pour les personnes âgées.

(Marcel Prévost)

— Parlez-moi de l’étincelle, du coupe foudre ! C’est toujours l’inconnu, enveloppé de tout son charme mystérieux, cet idéal, entrevu dans un rêve et qui nous apparait un jour, sous la forme animée et rayonnante d’un brillant cavalier, bien réel, bien vivant et ne demandant qu’à faire notre bonheur.

(Fernand Béroland)

Coup de fourchette

Delvau, 1866 : s. m. Vol à l’aide de deux doigts seulement.

Delvau, 1866 : s. m. Déjeuner. Argot des bourgeois. Donner un coup de fourchette. Manger.

Delvau, 1866 : s. m. Coup donné dans les deux yeux avec les deux doigts qui suivent le pouce de la main droite. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Coup de doigts dans les yeux. Ce coup très dangereux est particulier aux voyous. Il consiste à porter dans les yeux de l’adversaire le médius et l’index de l’une ou de l’autre main écartés en forme de V.

France, 1907 : Vol à l’aide de deux doigts. C’est aussi enfoncer l’index et le médium dans les yeux de son adversaire.

Coup de fourchette (avoie un bon)

France, 1907 : Avoir bon appétit.

Coup de fusil

Virmaître, 1894 : Vendre à n’importe quel prix (Argot des camelots).

Rossignol, 1901 : Acheter à très bon compte des marchandises escroquées. Voir Fusilleur.

Hayard, 1907 : Voler.

France, 1907 : Vente à bas prix d’objets volés.

La bande noire possède dans le neuvième et dans le dixième arrondissement deux maisons spécialement affectées aux coups de fusil. Dans ces entrepôts de la flibuste on trouve tout : bas de soie, chronomètres, vases de nuit, éventail, galoches, ombrelles, pianos, raisiné, photographies obscènes, clysopompes, diamants et bonnets de coton… c’est un capharnaüm indescriptible.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on flibuste)

France, 1907 : Mauvais diner, On dit aussi fusiller.

Coup de gaz

Delvau, 1866 : s. m. Coup de vin. Argot des faubouriens.

France, 1907 : Verre de vin.

Coup de gilquin

France, 1907 : Soufflet.

Coup de gueule

France, 1907 : Injures. Discours furibonds comme en font, dans les réunions publiques, les orateurs de mastroquets qui gueulent plus qu’ils ne parlent.

— Vois-tu, Jean, le progrès social… les grandes phrases à panache, les théories allemandes, brumeuses, les coups de gueule ronflants des empaumeurs du populo, ça ne vaut pas ma petite recette : se soutenir, s’entr’aider, aimer les faibles, les petits… sans pose, sans embarras, à la bonne franquette !

(A. Roguenant, Le Grand soir)

Où est Thérése, l’étrange artiste avec ses strideurs de clairon qui dominaient le bruit de l’orchestre, ses inflexions gouailleuses, inouïes qui soulevaient des traînées de rires d’un bout à l’autre du beuglant, avec ses tyroliennes inrendables, ses coups de gueule et ses coups de croupe impudiques et endiablés, ses grimaces de pîtresse laide qui saturaient chaque refrain comme d’une pincée de Cayenne ?

(Riquet, Gil Blas)

As-tu fini d’être bégueule !
Assez d’azur, de sacrés monts ;
Pour qu’on t’entende, à pleins poumons,
Lance, Muse, un bon coup de gueule !

(André Gill, La Muse à Bibi)

Coup de jante

France, 1907 : Verre d’eau-de-vie.

— Allons ! assez causé… mère la Nippe, il faut filer… il va y avoir du tabac ici… emmène la môme dare dare, tu sais ce qui a été convenu…
— Oui, mon fils, dit la vieille, docile et respectueuse, mais laisse-moi lamper encore un coup de jante…
— Une autre fois ! répondit Nib d’un ton qui ne permettait pas de réplique… allons ! ouste ! décanillons !…

(Edmond Lepelletier)

Coup de Jarnac

France, 1907 : Coup traitre et imprévu.

La casserole, toute prête,
Sur un feu de bois sec chantait…
Pour la gastronomique fête,
L’ail, le persil, tout s’apprêtait ;
Le cuisinier, goûtant la sauce,
Préparant le coup de Jarnac,
Au lapin creusait une fosse
Tout au fond de son estomac.

(Almanach anticlérical, 1880)

Coup de l’oreiller

France, 1907 : Verre de vin ou de liqueur que l’on prend avant de se coucher.

Dans cette boîte à mouches, le père Capoulade versait tous les soirs le coup de l’oreiller à ses cent cinquante locataires. Le bon Auvergnat logeait d’abord des pensionnaires, des habitués à poste fixe, journaliers, maçons, musiciens ambulants, chanteurs de cours, puis des personnes en « camp volant », rôdeurs aux abois, claque-patins s’offrant une nuitée de lit pour leur fête. La disposition du garni était si ingénieuse qu’on ne pouvait monter aux chambres sans passer par le cabaret et le père Capoulade avait un œil expert qui soupesait les poches, jugeait à première vue quels gens aimeraient mieux faire de la dépense que montrer des papiers.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Coup de la bascule

France, 1907 : Genre de vol très usité chez les rôdeurs qui travaillent isolément. Dans le Bas du Pavé parisien, Guy Tomel en donne l’explication :

D’une main ils saisissent au collet le passant, qui, surpris par la brusquerie de l’attaque, se rejette instinctivement en arrière. À ce moment, il trébuche, car l’assaillant lui a lié la jambe par un croc-en-jambe qui constitue le truc essentiel du coup. La victime, sentant qu’elle perd l’équilibre, étend ses bras en croix et bat l’air, au lieu de prendre à son tour l’agresseur au collet. Pendant ces oscillations, le voleur, de sa main libre, fouille rapidement les poches ou arrache la montre, avec la chaîne, cette fois. L’opération est faite, il ne reste plus qu’à imprimer une dernière poussée au bonhomme, au besoin à l’envoyer rouler dans le ruisseau par un coup de pied de zouave appliqué au creux de l’estomac et à prendre la fuite. La bascule exige beaucoup de rapidité et de précision ; c’est un coup qui rate souvent et qui n’est pas très recommandé sur les boulevards extérieurs.
On lui préfère avec raison le coup de la petite chaise, qui exige un copain.

Coup de la bouffée

Virmaître, 1894 : Genre de vol pratiqué chez les grands bijoutiers. Le voleur fume un énorme cigare, il lance au visage de la bijoutière un formidable jet de fumée ; aveuglée, elle ne voit pas les mains du voleur travailler (Argot des voleurs).

France, 1907 : Vol pratiqué à l’aide d’un cigare.

Le voleur fume un énorme cigare, il lance au visage de la bijoutière un formidable jet de fumée ; aveuglée, elle ne voit pas les mains du voleur travailler.

(Ch. Virmaître)

Coup de la Chancellerie

Rigaud, 1881 : Une des passes de la lutte à main plate. C’est tenir, sous le bras, la tête de son adversaire. Si celui qui le porte est habile, le coup de la chancellerie amène la chute de l’adversaire et doit le tomber sur les deux épaules.

On trembla pour lui, qui, la tête prise sous l’une des aisselles et froissée aux coudes anguleux du faraud, un retors aussi ! résistait assez mal au rude coup de la chancellerie.

(Cladel, Ompdrailles, le Tombeau des lutteurs.)

Coup de la crosse

France, 1907 : Voir Rigollot.

Coup de la petite chaise

France, 1907 : Il consiste à saisir la victime par le collet et à la renverser en arrière en l’asseyant sur le genou qui est la petite chaise. De même que dans le coup de la bascule, cas précédent, il perd l’équilibre et ne peut faire usage de ses mains, ce qui donne au copain tout loisir d’explorer ses poches.

Coup de manche

Rigaud, 1881 : Mendicité à domicile avec lettres fabriquées pour émouvoir les âmes charitables.

France, 1907 : Mendicité à domicile à l’aide de lettres où de faux papiers.

Coup de manchette

France, 1907 : Coup de sabre donné sur le poignet, recommandé par les maitres d’armes aux novices et qui met forcément fin au combat.

Coup de marteau

Rigaud, 1881 : Grain de folie. Mot à mot : coup de marteau qui a fendu le crâne. Autrefois on disait dans le même sens « coup de hache. » Celui qui avait reçu un coup de hache était réputé aux trois quarts fou.

Oui, il aime à bouffonner ; et l’on dirait parfois, ne v’s en déplaise, qu’il a quelque petit coup de hache à la tête.

(Molière, Le Médecin malgré lui, acte II, sc. 1.)

Virmaître, 1894 : Fou par instant (Argot du peuple). V. Mailloché.

Coup de marteau (avoir un)

France, 1907 : Ne pas avoir le cerveau bien équilibré. Paraitre avoir reçu un coup de marteau sur la tête.

Coup de patte

Larchey, 1865 : Propos méchant.

Coup de peigne

Rigaud, 1881 : Batterie. — Se donner un coup de peigne, se battre, en venir aux mains.

Ça ne peut pas marcher, c’est impossible, on se donnera un coup de peigne.

(Les farces et les bamboches populaires de Mayeux, 1831.)

Coup de picton (avoir un)

France, 1907 : Être gris.

Coup de pied

Rigaud, 1881 : Avance d’argent, — dans le jargon des tailleurs. Donner un coup de pied au grêle, demander une avance au patron.

Coup de pied (donner un)

France, 1907 : Demander à son patron une avance d’argent, demande qui lui produit généralement l’effet d’un coup de pied.

Coup de pied (ne pas se donner de)

France, 1907 : Se vanter, faire son propre éloge.

Coup de pied de jument

Delvau, 1866 : s. m. Maladie désagréable, — dans l’argot du peuple.

Coup de pied de jument où de Vénus

France, 1907 : Syphilis ou blennorrhée. Un des accidents divers auxquels Priape est exposé.

Coup de pied de vache

France, 1907 : Ruade demi-circulaire fort en usage chez les voyous de barrières et qui casse net un tibia quand elle est bien appliquée.

Coup de pied de Vénus

Delvau, 1866 : s. m. « Trait empoisonné lancé par le fils de Cythérée au nom de sa mère », — dans l’argot des bourgeois, qui connaissent leur mythologie.

Rigaud, 1881 : Maladie que l’on traite comme on traite les glaces de Saint-Gobain. Ce qui a fait dire à un de nos plus célèbres spécialistes, en estropiant un hémistiche bien connu de Virgile : Mercurium agitat molem.

La Rue, 1894 : Syphilis.

Coup de pied de zouave

France, 1907 : Coup de pied appliqué au creux de l’estomac. Les régiments de zouaves étant autrefois composés en grande partie de Parisiens habiles à la savate, on a donné ce nom à ce moyen de défense des voyous de barrières.

Coup de pistolet

Larchey, 1865 : « Alléché par l’exemple et la perspective de quelques bénéfices énormes, un novice vient de tirer un coup de pistolet à la Bourse (c’est l’expression pour désigner une opération isolée et sans suite, un coup de main). »

Mornand.

Delvau, 1866 : s. m. Opération isolée et sans suite, mais destinée cependant à faire un peu de bruit. Coup de pistolet dans l’eau. Affaire ratée.

Rigaud, 1881 : Pièce, acte ou scène d’un caractère très hardi, — en terme de théâtre. — Œuvre d’art dont l’originalité voisine de l’extravagance n’a d’autre but que de forcer l’attention publique.

Rigaud, 1881 : Engagement à coups irréguliers d’une forte somme d’argent, — en terme de joueur.

Coup de piston

France, 1907 : Démarche, recommandation de personnes influentes en faveur d’un protégé. C’est à force de donner des coups de piston que l’on pousse certains idiots dans des postes qu’ils n’auraient jamais dû occuper, d’où : pistonner quelqu’un, le favoriser, le pousser, le faire valoir. C’est surtout dans les régiments qu’il est bon de réveiller le protecteur somnolent par des coups de piston.

Cependant, malgré qu’il fût bien noté, Toupinel craignait qu’un passe-droit, un coup de piston en faveur d’un autre ne lui fit longtemps encore « marquer le pas ».

(Auguste Audy, Gil Blas)

Coup de poing de la fin

Delvau, 1866 : s. m. Mot ironique ou cruel, qu’on lance à la fin d’une conversation ou d’un article. Argot des gens de lettres.

France, 1907 : « Mot ironique ou cruel qu’on lance à la fin d’une conversation ou d’un article de journal. »

(Alf. Delvau)

Coup de pouce

Rigaud, 1881 : Faux poids obtenu au moyen d’une légère et vive application du pouce sur celui des plateaux de la balance où repose la marchandise. — Être fort sur le coup de pouce, avoir l’habitude de vendre à faux poids.

Rigaud, 1881 : Effraction, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Systeme employé par certains commerçants pour aider la balance à pencher du côté de la pesée. Les bouchers jouissent d’une grande habileté pour le coup de pouce (Argot du peuple).

France, 1907 : Petit fourbi des fourriers consistant à tenir le quart avec lequel ils font la distribution de vin ou d’eau-de-vie de façon à y enfoncer le pouce, ce qui diminue d’autan à leur profit la part de chaque homme.

France, 1907 : Coup que donnent à la balance les boutiquiers peu scrupuleux, destiné à augmenter le poids.

Coup de pouce (donner le)

France, 1907 : Étrangler quelqu’un.

Coup de punition

France, 1907 : Perte subie par un grec lorsqu’il a manqué son coup. Il est puni pour sa maladresse.

Coup de quinquet

France, 1907 : Coup d’œil.

Coup de Raguse

Delvau, 1866 : s. m. Traîtrise, acte déloyal, trahison, — dans l’argot des ouvriers, chez qui le souvenir de la défection de Marmont est toujours vivant. C’est pour eux ce au’est le coup de Jarnac pour les lettrés.

Coup de rifle

Delvau, 1866 : s. m. Ivresse, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Ivresse. Mot à mot : coup de feu.

France, 1907 : Ivresse.

Coup de sabre

France, 1907 : Le podex ; allusion à sa raie profonde qui sépare les fesses. Se dit aussi pour grande bouche. « La gonzesse à un fameux coup de sabre à travers la gueule. »

Coup de sabre (avoir un fameux)

Merlin, 1888 : La bouche fendue jusqu’aux oreilles.

Coup de serre

France, 1907 : Coup d’œil que se font entre eux les voleurs.

Coup de sifflet

France, 1907 : Couteau.

Coup de sifflet (un)

Halbert, 1849 : Un couteau.

Coup de sirop

Rigaud, 1881 : Légère ivresse, après avoir bu du vin aussi écœurant que du sirop ; après avoir trop siroté.

Coup de sirop (attraper un)

France, 1907 : S’enivrer.

Coup de soleil

d’Hautel, 1808 : Avoir un coup de soleil. Être étourdi, à demi gris, avoir une pointe de vin, être en gaieté.
On dit aussi dans le même sens : Avoir son coup de feu.

Delvau, 1866 : s. m. Demi-ébriété, — dans l’argot des faubouriens, que le vin allume et dont il éclaire le visage.

Rigaud, 1881 : Ivresse ; illumination faciale causée par un excès de boisson.

Virmaître, 1894 : Avoir trop bu du petit bourguignon. On dit aussi un coup de sirop (Argot du peuple).

France, 1907 : Même sens que ci-dessus [s’envirer].

Il y a deux manières d’avoir un coup de soleil : en buvant quelques demi-setiers de trop à la cantine, ou en se toquant d’une jolie petite femme.
De l’un comme de l’autre méfiez-vous.

Coup de tampon

Delvau, 1866 : s. m. Coup de poing. Argot du peuple.

Rossignol, 1901 : Coup de poing.

J’ai reçu un coup de tampon, qui m’a mis l’œil au beurre noir.

France, 1907 : Coup de poing. Se flanquer des coups de tampon, se battre.

Coup de télégraphe

Rigaud, 1881 : Dépêche électrique. — Donner un coup de télégraphe, expédier une dépêche télégraphique, — en terme d’employés du télégraphe.

Coup de temps

Larchey, 1865 : Accident subit, surprise. — Terme d’escrime. — Voir le coup de temps, c’est le prévoir.

France, 1907 : Circonstance inopinée, occasion qui passe et qu’il faut saisir. Saisir le coup de temps, profiter du coup de temps, c’est agir au moment opportun. En escrime, le coup de temps est une attaque surprenant l’adversaire dans la préparation de la sienne.

Coup de torchon

Delvau, 1866 : s. m. Baiser, — dans l’argot des faubouriens, qui sans doute, veulent parler de ceux qu’on donne aux femmes maquillées, dont alors les lèvres essuient le visage.

Rigaud, 1881 : Duel au sabre, en terme de régiment. Se flanquer un coup de torchon.

France, 1907 : Combat, bataille.

— Eh ! margi, lui criai-je à travers les barreaux de ma lucarne, quoi de nouveau ?
— Il y a qu’on va se flanquer des coups de torchon, mon fils. Une belle occasion de dépuceler ton sabre.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Hop là ! hardi ! Il va y avoir un coup de torchon !
Pas un pioupiou ne boude.
Sac au dos ! empoignez-moi votre flingot, la cartouchière sur le bedon, et, pas gymnastique, en avant, marche !

(Traité de civilité militaire et honnête, enseignée par Dache)

Se donner un coup de torchon, se battre en duel.

Coup de torchon (se donner un)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se battre en duel ou à coups de poing, comme des gentilshommes ou comme des goujats. C’est une façon comme une autre d’essuyer l’injure reçue. Même argot [des faubouriens].

Coup de traversin (se foutre un)

France, 1907 : Dormir.

— Va pour deux minutes !… mais dépêchez-vous… la bête et moi nous avons besoin d’un joli coup de traversin.

(Jures Lermina, Le Gamin de Paris)

Trois heur’s qui sonn’nt. Faut que j’rapplique,
S’rait pas trop tôt que j’pionce un brin ;
C’que j’vas m’fout’ un coup d’traversin !

(A. Gill, La Muse à Bibi)

Coup de trente-trois centimètres

Delvau, 1866 : s. m. Coup de pied. Argot calembourique des faubouriens.

Coup de vague

Larchey, 1865 : Vol improvisé. — Le voleur est dans le vague sur les résultats de son coup.

Delvau, 1866 : s. m. Vol improvisé.

Rigaud, 1881 : Vol d’inspiration, vol à l’aventure ; c’est le contraire du poupon oapoupart. Pousser un coup de vague, commettre un vol à l’aventure.

Coup de vieux (recevoir un)

Rigaud, 1881 : Toucher à la quarantaine, en parlant d’une femme, — dans le jargon des hommes de lettres et des artistes.

Coup de vin du supplicié

France, 1907 : « À Paris, quand un condamné à mort était conduit au gibet de Montfaucon, on le faisait arrêter en route, dans la cour des Filles-Dieu, rue Saint-Denis, et là on lui donnait deux coups de vin à boire. Quand l’exécution se faisait dans Paris même, l’usage était de servir aussi du vin aux juges chargés d’y assister, et c’était le bourreau qui le fournissait. Au moins ce fait se produisit-il en 1477, à l’exécution du duc de Nemours. »

(Musée Universel)

Coup double

Virmaître, 1894 : Deux jumeaux. Ce mot peut se passer d’explications (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Jumeaux.

Coup du (le)

Rigaud, 1881 : L’heure, le moment, l’instant. — Le coup de l’absinthe, le coup de l’emprunt, le coup de l’attendrissement.

Coup du chandelier

France, 1907 : Les servantes des petites dames appellent ainsi le pourboire qu’elles soutirent aux clients de leur maîtresse en les reconduisant et en les éclairant dans l’escalier.

Coup du chandelier (le)

Virmaître, 1894 : Dans les maisons de rendez-vous ou chez les femmes publiques un peu cossues, une fois la séance terminée, la bonne vous reconduit en vous éclairant (c’est à charge de revanche), on lui donne généralement un pourboire ; elle vous remercie gracieusement, en ajoutant comme Bilboquet :
— Si vous êtes content et satisfait, envoyez-nous du monde.
C’est le coup du chandelier (Argot des filles).

Coup du lapin

Delvau, 1866 : s. m. Coup plus féroce encore, que la nature vous donne vers la cinquantième année, à l’époque de l’âge critique. Recevoir le coup du lapin. Vieillir subitement du soir au lendemain ; se réveiller avec des rides et les cheveux blancs. Signifie aussi au figuré : Coup de grâce.

Delvau, 1866 : s. m. Coup féroce que se donnent parfois les voyous dans leurs battures. Il consiste à saisir son adversaire, d’une main par les testicules, de l’autre par la gorge, et à tirer dans les deux sens : celui qui est saisi et tiré ainsi n’a pas même le temps de recommander son âme à Dieu. (V. la Gazette des Tribunaux, mai 1864.)

Rigaud, 1881 : Coup mortel. — Premières atteintes de la vieillesse. — Recevoir le coup du lapin, commencer à vieillir.

Un commencement de calvitie et d’obésité indiquait qu’il avait reçu ou qu’il était bien près de recevoir le coup du lapin.

(A. Delvau, Le Grand et le petit trottoir.)

Virmaître, 1894 : Achever un adversaire, lui donner le coup suprême. Le bourreau donne le coup du lapin au condamné à mort (Argot des voleurs).

France, 1907 : Dans l’argot des souteneurs, c’est achever son adversaire, soit d’un coup de couteau, soit d’un coup de talon sur la tête. C’est aussi un coup qui consiste à serrer d’une main son adversaire par la gorge et, de l’autre, les testicules, et de tirer dans les deux sens.

Coup du macaron

Delvau, 1864 : Tour de force facile à figurer, mais impossible de mener à bonne fin. — L’homme est couché sur le dos, le bracquemart en l’air. La femme s’assoit dessus et s’introduit dans le vagin ce pivot de chair. Alors, s’aidant des pieds et des mains, elle tâche de tourner et de figurer l’aiguille du jeu de macarons. L’inventeur de ce divertissement m’assure « qu’à tous les coups l’on gagne. » — Je me permets d’en douter… et vous ?…

Sur l’assise d’une pine
Pivotant comme un toton,
Aimes-tu mieux en gamine
Tirer l’coup en macaron ?

Paul Saunière.

Coup du malade

Virmaître, 1894 : Le voleur va chez un bijoutier choisir des bijoux ; il demande qu’on lui porte sa commande à son appartement ; il s’en va, et, aussitôt rentré, il se couche en attendant le commis et simule un mal subit. Quand le commis arrive il trouve l’acheteur entouré de fioles et de pommades, gémissant, il paraît souffrir mille douleurs. Il renvoie le commis chercher un autre objet qu’il dit avoir commandé la veille ; le commis part sans défiance en laissant les bijoux sur la cheminée ; aussitôt le malade se lève et se sauve au plus vite. Quand le commis revient, visage de bois (Argot des voleurs).

France, 1907 : Un escroc fait des emplettes chez un bijoutier et demande qu’ou les lui porte à son domicile, un hôtel généralement. Il se hâte de rentrer chez lui et se met au lit : quand le commis arrive avec son paquet, il trouve le client se tordant dans d’affreuses douleurs. Cependant elles se calment un peu et il demande au commis si tout est bien dans le paquet et si l’un n’a pas oublié les objets achetés la veille. Le commis, qui ignore si l’on a acheté la veille, retourne à sa boutique pour s’enquérir, en laissant le paquet. Inutile d’ajouter que lorsqu’il revient, client et bijouterie ont disparu.

Coup du matin (le)

Delvau, 1864 : Celui qui se tire forcément lorsqu’on se réveille, parce qu’à ce moment on bande toujours, soit qu’on ait dormi, sur le dos, soit qu’on ait envie de pisser, et que toute pine qui bande à le devoir de décharger.

Pour le coup du matin j’ai de l’aversion,
Et je ne m’y soumets qu’avec répulsion.

Louis Protat.

Coup du médecin

Delvau, 1866 : s. m. Le verre de vin que l’on boit immédiatement après le potage, — dans l’argot des bourgeois, qui disent quelquefois : « Encore un écu de six francs retiré de la poche du médecin ! » Mais dans ce cas, quelque convive prudent ne manque jamais d’ajouter : « Oui… et jeté dans la poche du dentiste ! »

Rigaud, 1881 : Deux doigts de vin pur après la soupe.

France, 1907 : Verre de vin que l’on boit après le potage et qui, dans l’opinion générale, est considéré excellent pour la santé. Nos pères disaient : « Encore un écu de six francs retiré de la poche du médecin ; » mais il se trouvait toujours quelque plaisant pour ajouter : « et jeté dans la poche du dentiste. »

(Alf. Delvau)

Coup du milieu

France, 1907 : Les Bordelais et les Normands appellent ainsi le petit verre d’eau-de-vie qu’ils ont coutume de prendre au milieu du repas.

Coup du milieu (le)

Delvau, 1864 : Celui qui se tire vers le milieu de la nuit, après un léger repos, nécessité par la fatigue des coups précédents, et avant le repos définitif qui précédera le coup du matin.

Et l’on ne voit pas une belle
Refuser le coup du milieu.

Armand Gouffé.

Coup du moineau

Virmaître, 1894 : Un pégriot a un pierrot apprivoisé ; il avise une boutique et lache son oiseau ; celui-ci se sauve derrière les sacs ; il entre, pleure, se désole :

— Mon pierrot, mon pierrot.

Les garçons, le patron, la patronne, tout le monde est après le pierrot. Le pégriot profite de cette chasse improvisée pour fouiller dans le comptoir et prendre une poignée de monnaie.
Le pierrot est pris, le gamin se sauve en remerciant, le tour est joué (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : C’est un nouveau truc inventé par l’esprit fécond des voleurs. Un gamin lâche un moineau apprivoisé dans une boutique, et, tandis que celui-ci voltige à droite et à gauche et que chacun court pour l’attraper, le petit garçon fait main basse sur tout ce qu’il peut trouver, argent où marchandise.

Coup du père François

Virmaître, 1894 : Ce coup est très ancien. Autrefois les détenus l’employaient pour se débarrasser d’un personnage qui moutonnait. Il consiste simplement à l’étrangler en passant à l’aide d’un foulard de soie. Louis le Bull-Dogue, élève du père François explique ainsi la manière d’opérer :

Pour faire le coup du Père François,
Vous prenez un foulard de soie ;
Près du client en tapinois
Vous vous glissez sans qu’il vous voie
Et crac ! vous lui coupez la voix.
Sitôt qu’il est devenu de bois
Vous lui prenez son os, ses noix.
Et c’est ainsi qu’un Pantinois
Peut faire fortune avec ses doigts.

France, 1907 : Strangulation à l’aide d’un foulard, appelé ainsi du nom d’un célèbre coquin qui le pratiquait avec succès. Charles Virmaître cite la manière d’opérer tirée de Louis le Bull-dogue :

  Pour faire le coup du Père François,
  Vous prenez un foulard de soie ;
  Près du client en tapinois
  Vous vous glissez sans qu’il vous voie
  Et crac ! vous lui coupez la voix.
  Sitôt qu’il est devenu de bois
  Vous lui prenez son os, ses noix.
  Et c’est ainsi qu’un Pantinois
  Peut faire fortune avec ses doigts.

Le coup du père François serait l’idéal du gredin professionnel si quelques petits incidents désagréables me l’accompagnaient parfois. Il arrive, quand l’opération se prolonge un peu trop, ou que l’opéré a la respiration un peu courte, que ce dernier ne se réveille pas de son évanouissement. C’est ce qui s’est produit pour Ollivier, l’usurier qui resta entre les mains de la bande de Neuilly. En ce cas, les jurés ne plaisantent point. Mais, tout compte fait, ces hasards sont rares et, jusqu’à ce qu’on ait trouvé mieux, le coup du père François sera enseigné avec respect de la Glacière à Ménilmontant.

(Guy Tomel)

On l’appelle aussi le coup du père Martin.

Rien de plus désagréable, par exemple, que le coup du père Martin, sur les deux ou trois heures du matin. Quand il est bien fait, vous en êtes quitte pour un fort torticolis et la perte de votre porte-monnaie ; mais on cite des gens qui en sont morts.

(Berty, La Nation)

Coup du tablier

France, 1907 : Lorsqu’une cuisinière irritée donne congé à sa maîtresse, elle lui jette son tablier au nez. Les gens polis disent : rendre leur tablier.

Aujourd’hui les cuisiniers français ont rendu leur tablier à l’empereur et, sauf chez l’impératrice Augusta, ce sont des mains allemandes qui confectionneront désormais les plats servis sur la table du souverain et des membres de sa famille.

(Gil Blas)

Coup du tablier (le)

Rigaud, 1881 : Quand une domestique est, depuis quelque temps, dans une maison où elle sait qu’elle fait l’affaire des maîtres, elle donne de temps à autre le coup du tablier, c’est-à-dire qu’elle demande son compte soit pour se faire apprécier davantage, soit pour avoir de l’augmentation.

Coup dur

Delvau, 1866 : s. m. Obstacle imprévu ; désagrément inattendu, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Événement imprévu et fâcheux. — Carambolage à revenir lorsqu’une des billes à toucher est collée sous bande.

Coup Giraud

Rigaud, 1881 : Dans le jargon des joueurs, c’est le second coup d’une main au baccarat en banque, coup, paraît-il, très défavorable au banquier. Un notaire de Marseille qui ne jouait jamais que ce coup-là lui a légué son nom. Il a laissé quelques imitateurs.

Coup monté

France, 1907 : Délit prémédité, affaire coupable préparée à l’avance.

Voici un clergyman qui s’adresse à la fille de sa femme, cas très fréquent, affirme-t-on. La gamine, Emily Furnival, a quinze ans. Ce doit être une petite flirteuse, car elle a profité de l’absence de sa maman pour venir chercher nuitamment un livre dans la chambre de beau-papa, la Bible probablement.
Beau-papa, qui était au lit, se fit sans doute lire le chapitre de Loth et en mit la morale en action. Une grossesse résulta de cette édifiante lecture en même temps qu’une comparution devant la cour centrale criminelle. Le beau-père jura avoir été, en cette occasion, aussi sage et circonspect que feu Joseph lui-même ; c’était, dit-il, un coup monté par son épouse pour obtenir un divorce désiré.

(Hector France, Lettres d’Angleterre)

Coup qui porte

Delvau, 1864 : Coup chargé de sperme prolifique, dont le résultat naturel est un enfant.

Pour neuf mois que l’on passe en délices et plaisirs, on n’engrosse qu’une seule fois, et… tous les coups ne portent pas.

Mililot.

Coupable

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas que les bons pâtissent pour les coupables. Pour, il ne faut pas punir toute une société pour quelques méchans qui s’y trouvent.
On dit aussi : Que les bons pâtissent toujours pour les coupables, parce que les coupables ont l’adresse de se retirer des mauvaises affaires, et d’y engager d’honnêtes gens.

Coupaillon

Delvau, 1866 : s. m. Coupeur maladroit, inexpérimenté. Argot des tailleurs.

Coupe

Halbert, 1849 : Dans la misère.

Delvau, 1866 : s. f. Misère, — dans l’argot des voleurs, qui y tombent souvent par leur faute (culpa).

Rigaud, 1881 : Action d’allonger les bras en nageant, de couper l’eau.

Voyons, de la grâce, Balochet, du moelleux dans la coupe, songe que du haut de ce pont quarante Parisiens nous contemplent.

(Daumier.)

La Rue, 1894 : Misère. Coupé, sans argent.

France, 1907 : Misère. Le mot vient évidemment du latin culpa, faute, culpabilité ; être miséreux, c’est être coupable aux yeux des bourgeois.

Coupé

Rossignol, 1901 : Un joueur est coupé lorsqu’il a tout perdu au jeu. Coupé veut aussi dire ne plus avoir d’argent.

Coupe (ça te la)

France, 1907 : Terme vulgaire pour dire à quelqu’un qu’il est attrapé.

Coupe (être sous la)

France, 1907 : Être sous les ordres de quelqu’un.

Coupé (être)

Rigaud, 1881 : Être sans argent, — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : v. Être sans argent.

France, 1907 : Être à court d’argent, ce qui vous coupe en effet toutes choses, même les amitiés.

Coupe (saut de)

Rigaud, 1881 : Action mécanique, exécutée avec les doigts, laquelle a pour résultat de replacer un jeu comme il était avant la coupe de l’adversaire.

L’on parle de l’adresse des grecs à faire sauter la coupe, mais il n’y en a pas un sur cent qui sache et surtout qui ose la faire sauter.

(A. de Caston, Les Tricheurs.)

Coupe (tirer sa)

Larchey, 1865 : Nager.

Rodolphe, qui nageait comme une truite… se prit à tirer sa coupe avec toute la pureté imaginable.

Th. Gautier.

Rigaud, 1881 : Nager. — Signifie encore dans le langage du peuple, partir, se sauver.

Pignouf, tu ferais mieux de me donner ma paperasse, pour que je tire ma coupe au galop.

(Le Petit Badinguet.)

France, 1907 : Nager.

Coupe (vol à la)

France, 1907 : Vol à l’aide de petits ciseaux avec lesquels on coupe les poches.

Coupe sifflet

Virmaître, 1894 : Couteau (Argot des voleurs). V. Lingre.

Coupe tout ce qu’il voit

Rigaud, 1881 : Se dit d’un mauvais couteau, d’un couteau qui ne coupe pas du tout. On dit encore : il coupe comme le genou à ma grand’ c’est-à-dire comme le genou à ma grand’mère.

Coupe-chou

Larchey, 1865 : Sabre d’infanterie. — L’emploi de cette arme est en campagne des plus pacifiques.

Mon coupe-choux au côté.

Lacassagne.

France, 1907 : Sabre-poignard de l’infanterie, appelé ainsi par dérision par les soldats eux-mêmes à cause de ses petites dimensions comparées à celles du sabre de cavalerie. Ils le prétendaient seulement bon à couper les choux, ignorant que les légions romaines firent avec cette arme la conquête du monde.

Le coupe-chou tu tireras,
Le revolver également ;
L’étudiant n’épargneras,
Le journaliste mêmement.
Sur le bourgeois tu cogneras
Et sur l’ouvrier bougrement.

(E. Blédort, Conseils aux agents)

Coupe-choux

Delvau, 1866 : s. m. Sabre de garde national, — dans l’argot du peuple, qui suppose cette arme inoffensive et tout au plus bonne à servir de sécateur.

Merlin, 1888 : Le sabre-baïonnette, qui, en campagne, sert à bien des usages.

Coupe-col (à)

Delvau, 1866 : adv. Sans revanche, — dans l’argot des faubouriens.

Coupe-cul

France, 1907 : Joueur qui abandonne la partie sans demander une revanche.

Coupe-cul (à)

Rigaud, 1881 : Sans revanche, — dans le jargon des joueurs.

Coupe-ficelle

Larchey, 1865 : Artificier d’artillerie.

Delvau, 1866 : s. m. Artificier, — dans l’argot des artilleurs.

Rigaud, 1881 : Artificier militaire.

Coupe-file

Fustier, 1889 : Carte délivrée par la Préfecture de police aux membres du corps diplomatique, aux ministres, aux personnages de distinction et qui sert à couper les files de voitures, à circuler ou à stationner dans des endroits où le public ne peut ni circuler, ni stationner.

Tu ne verras pas, conduisant
Leur bois peint, tout frais reluisant,
Un groom en croupe,
Avec un coupe-file, au Bois,
Des gens qui faisaient autrefois
Filer la coupe !

Clairon, 1882.)

France, 1907 : Carte délivrée à un fonctionnaire ou à un agent de police, qui lui permet de passer par les endroits interdits à la foule.

— Les journalistes, disait Deibler, pour gagner la place de la Roquette, ont besoin de coupe-files. Moi, je m’en passe. N’ai-je point mon coupe-fioles ?

Coupe-gorge

d’Hautel, 1808 : Lieu suspect, dangereux et retiré, où les vagabonds, les filoux et les voleurs forment leurs rassemblemens.

Coupe-gueule

Fustier, 1889 : V. Biboire.

Coupe-jarret

d’Hautel, 1808 : Brigand, bretteur, homme qui ne cherche que dispute. Nom donné dans la révolution aux Septembriseurs et aux exécuteurs d’ordres sanguinaires.

Coupe-lard

Rigaud, 1881 : Couteau.

Coupe-sifflet

Larchey, 1865 : Couteau. V. Couper.

Delvau, 1866 : s. m. Couteau.

Rigaud, 1881 : Couteau, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Couteau. C’est au moyen du couteau que l’on coupe le sifflet du pante, c’est-à-dire la gorge.

Coupelard

Delvau, 1866 : s. m. Couteau, — dans l’argot des prisons.

France, 1907 : Couteau.

Couper

d’Hautel, 1808 : Couper la musette à quelqu’un. Locution burlesque et triviale, qui signifie rendre quelqu’un confus et stupéfait, au point de lui interdire les moyens de s’exprimer.
On dit aussi : Ça te coupe, pour cela te contrarie, te déroute, te fâche.
Jouer à coupe-cul. Signifie jouer sans revanche.
Couper la parole à quelqu’un. L’interrompre au milieu de sa conversation, pour prendre soi même la parole.
Couper l’herbe sous le pied à quelqu’un. Le supplanter, lui ravir sa place, ou lui enlever l’objet de ses espérances.
Couper la gueule à quelqu’un. Locution poissarde qui signifie battre quelqu’un, lui faire rentrer les paroles dans le ventre, le réduire au silence par des moyens vigoureux.
Couper les vivres. Ôter à quelqu’un les moyens de travailler, et par-là de subsister.
Couper la robe au cul. C’est faire outrage à une femme, se porter sur elle au dernier des affronts. Ce terme ne s’emploie que par mépris et envers une femme de mauvaise vie.

Delvau, 1866 : v. a. Passer devant une voiture, — dans l’argot des cochers, qui se plaisent à se blesser ainsi entre eux.

Boutmy, 1883 : v. intr. Tomber dans un piège, accepter comme vraie une assertion qui ne l’est pas ; croire à la véracité d’un récit plus ou moins vraisemblable : Je ne coupe pas, je n’en crois rien.

Virmaître, 1894 : Échapper.
— Tu n’y échapperas pas, tu n’y couperas pas.
On coupe à une corvée, à une obligation quelconque (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Croire. On dit aussi : J’ai coupé à cette corvée, pour dire : je n’y ai pas été.

Hayard, 1907 : Échapper à un ennui, à une corvée.

Couper (la)

Delvau, 1866 : v. a. Étonner quelqu’un désagréablement en lui enlevant sa maîtresse, son emploi, n’importe quoi, au moment où il s’y attendait le moins. Le mot date de la maréchale Lefebvre. On dit volontiers comme elle : Cela te la coupe !

Couper (ne pas y)

Merlin, 1888 : Cette expression a deux acceptions : dans la première, elle signifie ne pas échapper, ne pas éviter. Ainsi, un supérieur menaçant de punir un homme, lui dira : Vous n’y couperez pas ! Dans le deuxième sens, cela veut dire ne pas croire, ne pas ajouter foi aux dires de quelqu’un, ne pas tomber dans le panneau. On dit aussi : Ne pas couper dans ce ceinturon ou dans la pommade.

Couper (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Faire un lapsus linguæ compromettant dans la conversation ; commencer un récit scabreux à la troisième personne, et le continuer, sans s’en apercevoir, à la première.

Couper (y)

Rigaud, 1881 : Ne pas savoir faire une chose, n’y rien connaître, ou ne pas vouloir la faire. Êtes-vous fort sur le calcul ? — J’y coupe. A au régiment à peu près la même signification. C’est éluder une corvée ou une punition. Je coupe à aller prendre Jules par les oreilles. À quelqu’un qui veut éviter une corvée, les camarades disent : Tu n’y couperas pas plus qu’un vieux renard. — Dans le même jargon, équivaut au célèbre : Tu peux te fouiller. « Tu voudrais bien te rincer la trente-deuxième, mais tu y coupes. » Réminiscence du jeu d’écarté.

La Rue, 1894 : Croire. Se laisser abuser.

France, 1907 : Tomber dans un piège, croire à un mensonge.

Tout a sa fin dans ce baroque monde :
Les plus heureux même n’y coupent pas,
Car c’est la règle en la machine ronde
De ne jamais échapper au trépas.
Donc, brusquement, casse la manivelle :
Adieu famille, amis, et cætera…
Ah ! cette fois, pour sûr on restera
À tout jamais au fond de la Nouvelle.

(Georges Prud’homme)

Couper à la marche

Rigaud, 1881 : Se faire exempter d’une corvée, — dans le jargon des troupiers.

Couper à…

France, 1907 : Éviter une chose ; couper à la corvée.

La seule manière d’échapper à ce terrible examen eût été de couper à la manœuvre et d’être exempt de cheval : mais comment ? Le médecin-major Mouillac était inaccessible aux carottes, et les connaissait toutes dans les coins.

(Pompon, Gil Blas)

Alors, la chambrée s’étire, et, sous les charpentes, c’est un va-et-vient de frileuses guiboles, sous les liquettes fendues. Les zouaves, qui la veille fanfaronnaient pour couper aux marches, ont lancé polochons et couvertures, et ils s’habillent en braillant…

(Georges d’Esparbès)

Couper au couteau (bêtise à)

France, 1907 : Expression populaire signifiant que la chose est tellement bête qu’elle en est compacte et pourrait se tailler comme un morceau de pain.

Ce misérable imbécile faisait sa pâture journalière des romans criminels, jetés au rez-de-chaussée des journaux populaires par les bâtards issus de Ponson du Terrail et de Gaboriau ; il s’exaltait au récit des troupes de bandits imaginaires, il se passionnait à leurs nobles luttes avec une police d’une bêtise à couper au couteau.

(Henri Bauer, La Ville et le Théâtre)

Couper cul

Delvau, 1866 : v. n. Abandonner le jeu, — dans l’argot des joueurs.

Couper dans l’pont

Rossignol, 1901 : Croire un mensonge c’est couper dans l’pont.

Couper dans la pommade

Rigaud, 1881 : Tomber dans le panneau, — en terme populaire.

Couper dans le ceinturon

Fustier, 1889 : Même signification que Couper dans le pont. (V. Delvau.)

Une vieille ambitieuse qui est simple marchande des quatre saisons, et que j’ai coupé dans son ceinturon.

(Gazette des Tribunaux, 1881.)

Couper dans le ceinturon, dans la pommade, dans le pont

France, 1907 : Se laisser duper, croire aux mensonges, tomber dans le panneau. Allusion à la courbe que les grecs impriment à une carte ou à un paquet de cartes, de façon à obliger le partenaire à couper, sans qu’il en ait conscience, dans la portion du jeu préparé par le filou.

Ah ! ces braves militaires… À l’occasion, ils emportent le pont d’Arcole, de Rivoli ou de Palikao ; mais, pour les autres ponts, ils se contentent d’ordinaire de couper dedans…

(Gil Blas)

Ravachol reçut la visite de l’abbé Claret… qui lui apporta l’éncyclique de Léon XIII et essaya de lui représenter le pape comme le premier des anarchistes. Défiant par nature, Ravachol flaira une manifestation de calotin.
À un des gendarmes qui le conduisaient chaque jour au préau et le gardaient étroitement pendant sa promenade, il a dit :
— Ce ratichon-là est un bon type… seulement quand je serai raccourci, il ira crier partout que j’avais coupé dans sa pommade.
Aussi demanda-t-il à l’abbé de ne point l’assister le matin de l’exécution.

(Flor O’Squarr, Les Coulisses de l’anarchie)

Et pour les goss’, ah ! que salade !
C’qu’on s’gondol’ ! I’ sont étouffants !
Si nous coupions dans leur pommade,
Faudrait aimer tous les enfants.

(Paul Paillette)

Couper dans le pont

Delvau, 1866 : v. n. Donner dans le panneau, croire à ce qu’on vous raconte, — par allusion au pont que font les Grecs en pliant les cartes à un endroit déterminé, de façon à guider la main du pigeon dans la portion du jeu où elle doit couper sans le vouloir.

Rigaud, 1881 : Tomber dans un piège.

En terme de grec, le pont c’est le bombage de la partie supérieure du jeu destiné à amener l’adversaire à couper les cartes de façon à aider le tricheur. Mais personne ne coupe plus dans le pont.

(A. de Caston.)

Couper dedans

Delvau, 1866 : v. n. Se laisser tromper, accepter pour vraie une chose fausse. Argot du peuple.

Couper l’alfa

France, 1907 : Boire de l’absinthe. Allusion à la couleur de cette plante.

Couper la chique

Larchey, 1865 : Voir chique.

France, 1907 : Désappointer.

Couper la gueule à quinze pas

Larchey, 1865 : Exhaler une si mauvaise odeur qu’on la sent a quinze pas. — Cette expression ne manque pas de justesse, car la bouche souffre autant que le nez en pareil cas.

Quand elle a mangé du cerv’las, Ça vous coup’la gueule à quinz’pas.

Colmance.

Delvau, 1866 : v. a. Avoir une haleine impossible à affronter, même à une distance de quinze pas, — dans l’argot des faubouriens, impitoyables pour les infirmités qu’ils n’ont point.

France, 1907 : Avoir l’haleine forte, autrement dit : tuer les mouches à quinze pas.

Couper la mèche (se)

Delvau, 1864 : S’émasculer volontairement, — pour ne plus prendre feu auprès des femmes.

Puisque aimer offense Dieu,
Qu’un sûr moyen nous empêche :
Dès qu’on redoute le feu,
Que ne coupe-t-on la mèche ?

Altaroche.

Couper la musette

Larchey, 1865 : Couper la parole. — Comme dans chanterelle et dans sifflet, la voix est assimilée à un instrument.

Ta remontrance me coupe la musette.

Chansons, Châteauroux, 1826.

France, 1907 : Couper la parole. Se dit aussi pour couper la gorge.

Couper la queue à son chien

Delvau, 1866 : v. a. Faire quelque excentricité bruyante et publique, de façon à attirer sur soi l’attention des badauds, — stratagème renouvelé des Grecs.

Couper la verte

France, 1907 : Boire de l’absinthe.

Couper la verte, l’alfa

Fustier, 1889 : Argot militaire. Boire de l’absinthe.

Couper le sifflet

Larchey, 1865 : Couper la parole, couper la gorge.

Rigaud, 1881 : Interloquer. — Ça te la coupe. Mot à mot : ça te coupe la parole. — Ça vous coupe la gueule à quinze pas, ça sent mauvais de loin. Lorsque quelqu’un vous parle, qui a mangé de l’ail, du fromage de Gruyère, bu quelques verres de vin et fumé une ou deux pipes par là-dessus, ça vous coupe la gueule à quinze pas.

Couper le sifflet à quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le faire taire en parlant plus fort que lui, ou en lui prouvant clairement qu’il a tort, qu’il se trompe. Signifie aussi Tuer.

Couper le trottoir

Delvau, 1866 : v. n. Forcer quelqu’un qui vient sur vous à descendre sur la chaussée, en marchant comme s’il n’y avait personne ; ou bien, de derrière passer devant lui sans crier gare.

Rigaud, 1881 : Marcher comme si l’on était seul sur un trottoir, bousculer tout le monde en marchant.

Couper les effets

France, 1907 : Détourner, par une pantomime ou un jeu de physionomie comique, l’attention du publie d’un camarade sur la scène.

Couper les vivres

Delvau, 1866 : Supprimer tout envoi d’argent ou de pension, — dans l’argot des étudiants, qui n’en meurent pour cela ni de faim ni de soif.

Couper, couper dans le pont

Larchey, 1865 : Donner dans le panneau.

Laisse-la couper dans le pont.

Balzac.

Ah ! ! dit Marlot en faisant sauter l’or dans sa main, elle a donc coupé dans le mariage ?

Champfleury.

Vient du terme : faire le pont : plier légèrement les cartes a un endroit déterminé, de façon à guider la main de l’adversaire dans la portion du jeu où elle doit couper innocemment, secondant ainsi les vues de l’aventurier. L’expression est pittoresque.

Mornand.

Coupeur de bourse

d’Hautel, 1808 : Filou ; fripon subtil et adroit ; escogrif, dont il faut se méfier.

Coupiner

Clémens, 1840 : Travailler hostilement, à la remarche on dit Goupiner.

Couplard

Halbert, 1849 : Couteau.

Couple

d’Hautel, 1808 : La couple en vaut mieux que la douzaine. Pour dire que l’on élève plus facilement quelques enfans qu’un grand nombre ; que la qualité en vaut mieux que la quantité.

Couplet

Rigaud, 1881 : Tout ce qu’un acteur a à dire, prose ou vers, se nomme littérairement couplet. (A. Bouchard.)

Couplet de facture

Delvau, 1866 : s. m. Composé uniquement en vue de l’effet, avec des rimes riches et redoublées. Argot des coulisses.

Coupolard

Rigaud, 1881 : Membre de l’Institut ; allusion à la coupole du Palais-Mazarin.

On n’est pas plus athénien que le bon vieux coupolard N.

(Tam-Tam du 2 juin 1878)

France, 1907 : Académicien, appelé ainsi à cause de la coupole de l’Institut.

Nos discussions académiques
Attirent les regards sur nous ;
Les coupolards en sont jaloux…

(Victor Meusy)

Coups d’encensoir

Rigaud, 1881 : Mouvements réitérés par lesquels un cheval fait aller sa tête de bas en haut.

Coups de casseroles

Halbert, 1849 : Dénoncer ses camarades.

Coups de fourchettes

Halbert, 1849 : Vol à l’aide de deux doigts.

Coups de manche

Halbert, 1849 : Mendiant qui porte des réclames.

Delvau, 1866 : s. m. Mendiant qui va à domicile porter des lettres-circulaires dans lesquelles il se dépeint comme zouave pontifical, ancien exilé, artiste sans commandes, homme de lettres sans éditeurs, — selon le quartier et la victime choisis.

Coups de pied (ne pas se donner de)

Rigaud, 1881 : Se faire valoir. — Et encore : Ne pas se donner de coups de pied au derrière.

Tu ne te donnes pas de coups de pied au derrière.

(Hennique, La Dévouée.)

Coups de vague

Halbert, 1849 : Vol improvisé.

Cour

d’Hautel, 1808 : Eau bénite de cour. Flatterie, caresse fausse et hypocrite.
On dit d’une maison sans ordre, d’un lieu où tout le monde veut commander, que c’est la cour du roi Pétaud.
Une nouvelle de basse cour.
Pour dire qu’une nouvelle vient de gens qui ne sont point à portée d’être bien informés.

Cour du roi Pétaud

France, 1907 : Réunion tumultueuse où personne ne s’entend. Lieu de désordre et de confusion où chacun veut être le maître. Molière, dans Tartufe, fait dire à madame Péronnelle, critiquant le ménage de son fils Orgon :

On n’y respecte rien, chacun y parle haut,
Et c’est tout justement la cour du roi Pétaud.

Pendant le moyen âge, tous les corps de métiers s’étaient établis en corporations. Les mendiants, qui pullulaient alors, eurent aussi leur corporation, leurs règlements, leur chef. On l’appelait le roi Péto, du mot latin peto (je mendie), qu’on changea plus tard en celui de Pétaud. Il est probable qu’au milieu de ces truands et de ces gueux, l’autorité de ce monarque fantastique étant plutôt nominale que réelle, et que les réunions qu’il présidait ne se terminaient pas sans cris, sans tumulte, sans injures et sans horions. De Pétaud on a fait pétaudière.
Littré cependant attribue à cette expression une autre origine malpropre et plus burlesque. Le roi Pétaud devait en tout cas avoir du fil à retordre avec ses sujets. Voici, d’après de curieuses recherches récentes, quelles étaient les différentes catégories de mendiants qui se partageaient la grande ville :
Les courtauds, qu’on ne voyait à Paris que pendant l’hiver ; ils passaient la belle saison à rapiner dans les environs de la capitale.
Les capons, qui ne mendiaient que dans les cabarets, tavernes et autres lieux publics.
Les francs-mitoux, dont la spécialité consistait à contrefaire les malades et à simuler des attaques de nerfs.
Les mercandiers. Vêtus d’un bon pourpoint et de très mauvaises chausses, ils allaient dans les maisons bourgeoises, disant qu’ils étaient de braves et honnêtes marchands ruinés par les guerres, par le feu ou par d’autres accidents.
Les malingreux. Ceux-la se disaient hydropiques, ou bien se couvraient les bras et les jambes d’ulcères factices. Ils se tenaient principalement sous les portes des églises.
Les drilles. Ils se recrutaient parmi les soldats licenciés et demandaient, le sabre à la ceinture, une somme qu’il pouvait être dangereux parfois de leur refuser.
Les orphelins. C’étaient de jeunes garçons presque nus ; ils n’exerçaient que l’hiver, car leur rôle consistait à paraître gelés et à trembler de froid avec art.
Les piètres. Ils marchaient toujours avec des échasses et contrefaisaient les estropiés.
Les polissons. Ils marchaient quatre par quatre, vêtus d’un pourpoint, mais sans chemise. avec un chapeau sans fond et une sébile de bois à la main.
Les coquillards. C’étaient de faux pèlerins couverts de coquilles ; ils demandaient l’aumône afin, disaient-ils, de pouvoir continuer leur voyage.
Les collots. Ils faisaient semblant d’être atteints de la teigne et demandaient des secours pour se rendre à Flavigny, en Bourgogne, où sainte Reine avait la réputation de guérir miraculeusement et instantanément ces sortes de maladies.
Les sabouleux. C’étaient de faux épileptiques. Ils se laissaient tomber sur le pavé avec des contorsions affreuses et jetaient de l’écume au moyen d’un peu de savon qu’ils avaient dans la bouche.
Les cagous. On donnait ce nom aux anciens qui instruisaient les novices dans l’art de couper les chaînes de montre, d’enlever les bourses, de tirer les mouchoirs et de se créer des plaies factices.
Il y avait aussi les millards, les hubains, les morjauds.

Courageux

Rigaud, 1881 : Qui ne boude pas à l’ouvrage.

C’est un zigue rien courageux et d’attaque.

Courailler

Delvau, 1864 : Baiser en ville, et fréquemment, brunes ou blondes, rousses ou cendrées, bourgeoises et lorettes, servantes et maîtresses.

Vous l’auriez empêché de courailler.

H. De Balzac.

Larchey, 1865 : Donner dans la galanterie facile.

Vous l’auriez empêché de courailler.

Balzac.

Courir a le même sens.

Monsieur n’est pas heureux quand il court.

H. Monnier.

On dit aussi Courir la gueuse.

Delvau, 1866 : v. n. Faire le libertin, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Courir les filles. On dit aussi : courir la gueuse.

Courant

Delvau, 1866 : s. m. Truc, secret, affaire mystérieuse, — dans l’argot du peuple. Connaître le courant. Savoir de quoi il s’agit. Montrer le courant. Initier quelqu’une quelque chose.

France, 1907 : Tour, dans le sens de truc. Connaître le courant ou montrer un courant, c’est savoir ou enseigner un tour.

Courant d’air (se pousser un)

France, 1907 : Fuir, décamper.

Courant d’air dans l’œil (se fourrer un)

Rigaud, 1881 : S’illusionner, se tromper grossièrement. C’est une forme nouvelle de : Se fourrer le doigt dans l’œil.

Courante

d’Hautel, 1808 : Avoir la courante. Pour avoir le dévoiement, la diarrhée.

Delvau, 1866 : s. f. Fluxus ventris, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Diarrhée. — Se payer une courante, se sauver au galop.

France, 1907 : Diarrhée, sans doute appelée ainsi parce qu’elle oblige à courir.

La discussion commençait à devenir générale, chacun ayant un exemple à citer ou ayant fait soi-même la triste épreuve des sévérités militaires à l’égard des fricoteurs. Verginon écoutait toujours, dans un mutisme ahuri de pauvre diable tombé du haut de ses illusions. Mais tout à coup il se frappa le front, un front plat comme la main, étroitement logé entre l’épaisse ligne des sourcils et le retroussis des cheveux tailles à l’ordonnance.
— Des fois, insinua-t-il avec un fin sourire, y aurait pas un moyen pour em’ flanquer une bonne courante ?

(G. Courteline, Les Gaîtés de l’escadron)

Le mot est vieux : on le trouve dans le Virgile travesti de Scarron.

Courasson

France, 1907 : Coureur de filles. Cette épithète familière est généralement précédée l’adjectif vieux.

Courbatu

d’Hautel, 1808 : Être courbatu. Éprouver une lassitude douloureuse. Le peuple dit par corruption, dans le même sens, Être courbaturé. Je suis courbaturé.

Courbe

Halbert, 1849 : Épaule.

Larchey, 1865 : Épaule (Vidocq). — Allusion de forme.

Delvau, 1866 : s. f. Épaule, — dans l’argot des voleurs. Courbe de morne. Épaule de mouton.

Rigaud, 1881 : Épaule, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Épaule.

France, 1907 : Épaule. Courbe de morne, épaule de mouton.

Courbe de morne

Halbert, 1849 : Épaule de mouton.

Coure

Rossignol, 1901 : Embêter, ennuyer. Au lieu de dire à un ami : « Tu m’embêtes », on dit : « Tu m’coures, as-tu bientôt fini de m’courir. »

Courée

France, 1907 : Cour commune à plusieurs habitations.

Courent toujours (les)

Merlin, 1888 : Voyez Vitriers.

Courer (la)

Rigaud, 1881 : Ennuyer. — Tu me la coures, tu m’ennuies.

Courer (se)

Rigaud, 1881 : Se garer ; prendre des précautions, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Se garer ; prendre des précautions.

France, 1907 : Se sauver.

Coureur

Delvau, 1864 : Libertin, — parce qu’il court après toutes les femmes, comme un chien après toutes les chiennes.

Delvau, 1866 : s. m. Libertin, — dans l’argot des bourgeois.

Coureuse

d’Hautel, 1808 : Nom injurieux que l’on donne à une prostituée, à une femme qui cherche les aventures galantes.

Delvau, 1864 : Femme libertine qui court volontiers après les porte-queue, soit parce qu’elle y trouve son plaisir, soit parce qu’elle y trouve son intérêt.

Une fille inconnue, qui fait le métier de coureuse.

Molière.

Delvau, 1866 : s. f. Plume à écrire, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui a plus souci de son plaisir que de sa réputation et qui hante plus les bals que les églises.

Rigaud, 1881 : Machine à coudre, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Plume à écrire. Elle court sur le papier.

France, 1907 : Machine à coudre.

France, 1907 : Fille ou femme de mauvaise vie.

Courir

d’Hautel, 1808 : Je l’attraperai bien sans courir. Espèce de menace que l’on fait à quelqu’un dont on a reçu quelqu’offense, et qui signifie que tôt ou tard on trouvera infailliblement l’occasion de s’en venger.
Il est bien loin, s’il court toujours. Se dit d’une personne qui est partie d’un lieu depuis long-temps, et dont on demande des nouvelles en la croyant dans le lieu où l’on est.
Courir la pretentaine. Chercher les bonnes fortunes, aller de côté et d’autre sans nécessité.
Cela court les rues depuis long-temps. Pour dire qu’une chose devient très-commune ; qu’on la, voit partout.
Ce n’est pas le tout que de courir, il faut partir de bonne heure. Signifie qu’il ne suffit pas de mettre du zèle et de l’ardeur dans une affaire, préalablement, on ne saisit point l’occasion lorsqu’elle se présente.
Courir après son éteuf. Se donner beaucoup de mal pour récupérer un bien ou un avantage que l’on a perdu par négligence.
Courir sur les brisées ou sur le marché de quelqu’un. Faire des démarches pour avoir ce qu’un autre a demandé le premier, ou pour lui en lever un avantage quelconque.

Delvau, 1864 : Baiser en ville et chez soi ; changer volontiers de maîtresses quand on est homme, d’amants lorsqu’on est femme.

Monsieur n’est pas heureux quand il court.

Henry Monnier.

J’aimerois mieux que tous les laquais de la cour courussent sur le ventre de ma femme, que d’être astreint à ne point faire l’amour.

(Les Caquets de l’accouchée.)

Delvau, 1866 : v. n. Libertiner, — dans l’argot des bourgeois. On dit aussi Courir la gueuse et Courir le guilledou.

Courir (d’une peur et d’une envie de)

Virmaître, 1894 : Voleur qui s’offre un paletot à l’étalage sans s’occuper du prix.
— Te voilà bien rupin, ma vieille branche, combien que la pelure te coûte ?
— Une peur et une envie de courir (Argot du peuple). V. Foire d’empoigne. N.

Courir (quelqu’un)

Hayard, 1907 : L’embêter.

Courir (se la)

Larchey, 1865 : S’enfuir. — Se courir : Se méfier (Vidocq). — Vient de l’ancien verbe se covrir : se couvrir, se protéger.

Delvau, 1866 : S’en aller de quelque part, s’enfuir, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Se sauver.

France, 1907 : Se sauver, fuir.

Courir l’aiguillette

France, 1907 : On dit d’une femme de mauvaise vie qu’elle court l’aiguillette. D’après le Dictionnaire Comique de Philibert Le Roux, cette expression viendrait de ce qu’autrefois, à Toulouse, les femmes débauchées étaient obligées de porter une aiguillette sur l’épaule ; mais la signification même du mot aiguillette n’en indique-t-elle pas plus simplement l’origine ?

La garse qui nasquit de l’excrément de l’onde
Pour courir l’esguillette en tous les lieux du monde,
Vénus la bonne cagne, aux paillards appétits…

(Saint-Amant, Le Melon)

Courir la gueuse

Delvau, 1864 : Hanter les bordels et les bals publics, où l’on peut faire une femme nouvelle tous les jours.

Mais j’oublierai cette folle amoureuse,
Tra la la, la la la la la,
Et dès ce soir, je vais courir la gueuse !
Tiens, voilà Carjat !…

Alexandre Pothey.

France, 1907 : Même sens que courir le guilledou.

Courir le guilledou

Delvau, 1864 : Faire le libertin ; rechercher les grisettes, les femmes faciles, pour coucher avec elles. Se dit aussi pour : Faire le métier de gueuse.

J’aurais pu, comme une autre, être vile, être infâme !
Courir le guilledou jusqu’au Coromandel !
Mais jamais je ne fusse entrée en un bordel !

Albert Glatigny.

France, 1907 : La femme court l’aiguillette et l’homme court le guilledou. On n’est pas bien d’accord sur l’origine du mot guilledou ; d’après Charles Nisard, ce serait une corruption de guilledin, féminin guilledine, cheval ou jument, mulet ou mule, « destiné à porter l’homme, facile an montoir et allant ordinairement l’amble. C’était, en un mot, la haquenée qui, du temps de nos pères, était la monture de tout le monde, et dont les ecclésiastiques, les magistrats et les médecins se servirent même longtemps encore après l’invention des carrosses. C’est de l’emploi de cette monture banale qu’est venue l’idée d’appeler la femme folle de son corps une haquenée, et, parce que haquenée et guilledin avaient la même signification, on a dit courir de guilledin et, par corruption, le guilledou, pour : courir les prostituées » (Curiosités de l’étymologie française).

Jupiter au lict il trouva
Avec dame Junon sa femme
Qui souvent luy chante sa gamme ;
Car souvent, moins sage que fou,
Il va courir le guilledou.

(Scarron)

Courir le rat

Larchey, 1865 : Voler la nuit à l’auberge (Vidocq).

Courir une poste, des postes

Delvau, 1864 : Tirer un coup, des coups, autant qu’on le peut quand on est bon cavalier et qu’on ne se laisse pas désarçonner par le premier coup de cul de sa jument.

Couronner

d’Hautel, 1808 : La fin couronne l’œuvre. Signifie qu’il ne faut jamais désespérer du succès d’une affaire, ni se hâter de juger quelque chose avant son entier achèvement.

Courrier de la préfecture

Fustier, 1889 : Voiture cellulaire.

France, 1907 : Voiture cellulaire, vulgairement appelée panier à salade.

Courroie

d’Hautel, 1808 : Allonger la courroie. Voyez Allonger.
Faire du cuir d’autrui large courroie. Pour, se divertir de la bourse d’autrui ; en user sans délicatesse ni discrétion.

Course

d’Hautel, 1808 : Prendre sa course. S’esquiver, se sauver en toute hâte

Delvau, 1864 : Coup tiré avec une femme, que l’on fait ainsi voyager à cheval sur un bâton, comme sorcière allant au sabbat.

Argant, de ses nombreuses courses
Tout fatigué, s’échappe enfin,
Hélas ! il emporte ses bourses
L’amante qui supplie en vain.

B. de Maurice.

Coursier

Delvau, 1866 : s. m. Cheval, — dans l’argot des académiciens. Coursier de fer. Locomotive.

Court

d’Hautel, 1808 : Être court d’argent. Être gêné, avoir le gousset vide.
Il s’en est allé avec sa courte honte. C’est-à dire tout confus de n’avoir pas réussi dans une entreprise dont il disoit d’avance être assuré.
Les plus courtes folies sont les meilleures. Signifie que les jeunes gens ne sauroient trop tôt s’abstenir des folies que l’inexpérience leur fait commettre.
Faire courte messe et long dîner. Être intempérant et peu dévot.
Tirer à la courte paille. Remettre la décision d’une affaire au hasard.
C’est le plus court parti ; c’est votre plus court. Pour, c’est ce qu’il convient mieux de faire.
À vaillant homme courte épée. Parce qu’un homme courageux et brave dédaigne de faire parade de son épée.
Couper court. Rompre subitement avec quelqu’un ; arrêter les progrès du mal ; s’exprimer en peu de mots.
Il a la mémoire courte. Pour, il oublie facilement ses obligations envers les autres.
Tenir quelqu’un de court. Le priver de sa liberté ; lui serrer les pouces.
Pour vous le faire court. Pour abréger.
C’est le plus court. Pour, c’est le plus prudent et le plus facile.
Courte et bonne. Maxime dangereuse que les gens sans mœurs, les libertins plongés dans la plus honteuse dépravation, ont sans cesse à la bouche.
Savoir le court et le long d’une affaire. En connoître jusqu’aux moindres circonstances.

Court à pattes

France, 1907 : Sobriquet que les artilleurs à cheval donnent aux artilleurs à pied et, en général, les cavaliers aux fantassins.

Court-bouillon (le grand)

Rigaud, 1881 : La mer, — dans le jargon des voleurs. C’est-à-dire, sans inversion, le grand bouillon qui court.

La Rue, 1894 : La mer.

France, 1907 : Nom que les voleurs donnent à la mer.

Courtanche

France, 1907 : La Courtille.

Courtange

Delvau, 1866 : s. f. La Courtille, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : La Courtille.

Courtaud

d’Hautel, 1808 : Un courtaud de boutique. Nom méprisant que l’on donne aux commis de boutique ; quelques auteurs pensent qu’il faut écrire en ce sens, courtot, faisant dériver ce mot de courtier.
Frapper quelqu’un en chien courtaud. Pour, le battre ; l’étriller à tour de bras.
Un gros courtaud, une grosse courtaude. Homme et ferme d’une taille ramassée et trapue.

Hayard, 1907 : Commis.

Courtaud de boutanche

Delvau, 1866 : s. m. Commis de magasin, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Lourdaud de boutique. Synonyme de calicot (Argot des voleurs).

France, 1907 : Marchand ou commis marchand, dans l’argot des voleurs, qui n’ont fait que conserver le terme injurieux appliqué jadis par les nobles et les hauts bourgeois à tous les gens de commerce.
Tous les nobles autrefois portaient la robe longue ; les gens du peuple, seuls, avaient une jaquette qui ne descendait pas au-dessous du genou et les seigneurs les désignaient souvent sous le nom de courtaud.

Il n’est crocheteur, ni courtaud de boutique
Qui n’estime à vertu l’art où sa main s’applique.

(Mathurin Regnier, dans ses Satires)

Courte

Delvau, 1864 : Le membre viril — qui s’allonge si volontiers sous la douce pression d’une bouche ou d’une main de femme. — On emploie ordinairement ce mot en mauvaise part, pour désigner une pine d’une longueur médiocre et qu’on ne suppose pas, sur ses apparences, propre et faire jouir les femmes. Qu’importe qu’elle soit courte — pourvu qu’elle soit bonne !

Le jeune homme puceau l’appelle son affaire,
L’ouvrier son outil, la grosse cuisinière
Une courte…

Louis Protat.

En avant ! courtons,
Enfonçons les cons ;
À grands coups de cul, de pine et de roustons,
Faisons cramper les garces.

(Parodie de la Parisienne.)

Rigaud, 1881 : Alias cauda ; et sæpe dicitur in caudâ venenum.

Courte et bonne

Rigaud, 1881 : Devise des Épicuriens modernes qui prétendent dire par là que la vie doit être courte et semée de plaisirs.

Courte-botte

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris dont on se sert pour désigner un bambin, un petit homme ridicule et de mauvaise tournure.

Courte-pointe

d’Hautel, 1808 : Il est piqué comme une courte-pointe. Se dit par raillerie d’un homme précieux et susceptible qui a pris de l’humeur ; qui s’est choqué d’une plaisanterie ou d’une bagatelle, et qui manifeste son mécontentement par un air froid et maussade.

Courteaux de boucard

Bras-de-Fer, 1829 : Voleurs d’outils chez leurs maîtres.

Courteaux de boutanche

anon., 1827 : Ceux qui volent des outils chez leurs maîtres.

Courtier

Virmaître, 1894 : Voleur qui prépare le coup à faire (Argot des voleurs). V. Nourrisseur de poupard.

Courtille

d’Hautel, 1808 : On appelle ainsi un lieu situé près Paris, où il y a un grand nombre de guinguettes, et où le peuple se rend les jours de fêtes pour se divertir.

Courtisane

Delvau, 1864 : Professeur femelle de philosophie horizontale.

Aussi, j’aime tes courtisanes
Et tes nymphes, ô Titien,
Roi des tons chauds et diaphanes,
Soleil du ciel vénitien.

Th. Gautier.

Les petites paysannes
Qu’on patine au coin d’un mur,
Ont, plus que les courtisanes,
Fesse ferme et téton dur.

La Fizelière.

Courtiser une femme

Delvau, 1864 : Chercher tous les moyens de se servir de sa courte avec elle et même s’en servir.

Mais pour que ce coureur de belles
Puisse, en dix heures seulement,
Courtiser cinquante pucelles…
Ah ! qu’il faut de tempérament.

L. Festeau.

Cousin

d’Hautel, 1808 : Ils ne sont pas cousins. Pour, ils sont en mésintelligence ; ils se vouent une aversion réciproque.
On dit d’un homme qui a l’humeur égale, qui n’a d’autre volonté que celle des autres ; c’est le cousin de tout le monde.
Tu seras mon cousin.
Se dit par plaisanterie en essuyant après la main de quelqu’un le sang qui sort d’une petite blessure que l’on s’est faite au doigt.

Delvau, 1864 : L’homme qui baisé une femme, qu’il lui soit ou non parent.

Rigaud, 1881 : Nom d’amitié que les clowns se donnent entre eux devant le public. — Nom d’amitié que se donnent les grecs qui ont formé une association.

France, 1907 : Voleur au jeu, grec.

Cousin de Moïse

Delvau, 1866 : s. m. Galant homme qui a épousé une femme galante, — dans l’argot du peuple, qui fait allusion aux deux lignes de feu dont sont ornées les tempes du législateur des Hébreux.

France, 1907 : Cocu. Allusion aux cornes de feu dont les peintres ornent le front du législateur hébraïque.

Cousinage

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Assemblée de parens éloignés.

Cousine

Delvau, 1864 : Pédéraste passif ; variété de Tante, — les enculés portant presque tous des noms de femme, tels que ceux de : la Rein d’Angleterre, la Grille, la Marseillaise, la Fille à la perruque, la Léontine, la Nantaise, la Folle’, la Fille à la mode, la Pipée, la Bouchère, etc.

Delvau, 1866 : s. f. L’Héphestion des Alexandres de bas étage, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Sodomite.

Cousine de vendange

Delvau, 1864 : Femme que l’on baise sur la table de certains cabarets borgnes, moyennant bouteille et quelque monnaie.

M. de L’Aulne se fit égratigner à la place de sa cousine de vendange.

Comte De Caylus.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui fait volontiers débauche au cabaret, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Coureuse de cabarets.

Cousiner

d’Hautel, 1808 : Vivre aux dépens des gens plus riches que soi. Appeler quelqu’un cousin

Cousse de castu

Delvau, 1866 : s. m. Infirmier d’hôpital, — dans l’argot des voleurs. J’ai vu écrit conce de castus dans le vieux dictionnaire d’Olivier Chéreau, avec cette définition conforme du reste à la précédente : « Celuy qui porte les salletés de l’hospital à la rivière. » Cousse ne signifie rien, tandis que conce est une antiphrase ironique et signifie parfumé (de l’italien concio).

La Rue, 1894 : Infirmier d’hôpital.

France, 1907 : Infirmier.

Coussinet

d’Hautel, 1808 : Il a jeté son coussinet sur cet objet. Manière figurée de dire qu’un homme a jeté ses vues sur quelque chose ; qu’il en ambitionne la conquête.

Cousteaux

Halbert, 1849 : Couteau.

Coût

d’Hautel, 1808 : Le coût fait perdre le goût. Signifie que l’on se dégoûte facilement des choses qui sont trop chères, et auxquelles on ne peut atteindre.

Coutance, coutange

France, 1907 : Dépense.

Couteau

d’Hautel, 1808 : On dit d’un couteau mal aiguisé ou qui n’a pas le fil : Il coupe comme les genoux de ma grand’mère.
On t’en donnera des petits couteaux pour les perdre.
Se dit en plaisantant et par refus à celui qui manifeste des désirs au-dessus de sa condition, ou par reproche à celui qui a fait un mauvais usage d’un objet qu’on lui avoit confié.
Graisser le couteau. Déjeuner avec de la viande, ce que l’on appelle un déjeûner froid.
Être à couteau tiré avec quelqu’un. Être excités l’un contre l’autre ; être en haine, en inimitié perpétuelle.
On dit d’un homme qui en accompagne toujours un autre, dans le dessein de lui faire la cour : que c’est un couteau pendant.
Un couteau de tripière, un couteau à deux tranchans.
Pour dire un hypocrite, un homme à deux faces, qui souffle le chaud et le froid.

Coûter

d’Hautel, 1808 : Je veux avoir cela coute qui coûte. Phrase explétive et redondante qui signifie, à quelque prix que ce soit.

Coûter les yeux de la tête

Delvau, 1866 : v. n. Extrêmement cher, — dans l’argot des bourgeois.

Couter une peur et une envie de courir

France, 1907 : Les voleurs appellent ainsi le vol à l’étalage qui ne leur coûte en effet que la peur d’être pris et l’envie de se sauver.

Coûter une peur et une envie de courir

Delvau, 1866 : v. n. Absolument rien, ce que coûtent les objets volés. Argot des faubouriens.

Coutume

d’Hautel, 1808 : Une fois n’est pas coutume. Manière d’excuser un excès, une débauche que l’on a faite, et pour faire entendre que cela n’arrive pas souvent.

Coutume de Lorris : les battus paient l’amende

France, 1907 : Le dicton remonte à Philippe le Bel. La coutume de Lorris, petite ville du Loiret, était célèbre dans le royaume de France. D’après une charte conférée par Philippe, tout créancier qui réclamait une somme sans preuve était contraint à un combat avec son débiteur en se servant de l’arme des vilains, c’est-à-dire du poing. Le battu était alors condamné à une amende au profit du seigneur de Lorris.

Couturasse

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux que l’on donne à une mauvaise couturière.
On dit par mépris d’une couturière qui s’élève au-dessus de sa condition : que ce n’est qu’une petite couturasse.

Delvau, 1866 : s. f. Couturière, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Couturière. Le mot date du XVIIIe siècle et avait aussi le sens de femme grêlée.

France, 1907 : Couturière ; femme grêlée.

Couture

d’Hautel, 1808 : On dit en riant d’un homme qui met un habit neuf pour la première fois, et en lui frappant sur le dos, qu’il faut abattre les coutures.

Couture de ses bas (montrer la)

Rigaud, 1881 : Quitter un lieu, s’en aller.

Coutures (Rabattre les)

Fustier, 1889 : Battre. Argot des écoliers. « Selon l’usage, on voulut commencer par lui rabattre les coutures, c’est-à-dire le brimer à coups de poing. »

(A. Theuriet : Michel Verneuil.)

Couturier

France, 1907 : Bonneteur qui joue la couturière.

Couturière

Delvau, 1866 : s. f. Courtilière, insecte des jardins, — dans l’argot des enfants, qui ne sont pas très forts en entomologie.

Couturière (jeu de la)

France, 1907 : « Il se joue avec trois dés ou trois coquilles de noix sous lesquelles on feint de placer une boulette de mie de pain. On croit y gagner à coup sûr et on est toujours volé. » (Lorédan Larchey)

Couturière ou cocange

La Rue, 1894 : Sorte de bonneteau qui se joue avec trois dés ou coquilles de noix et une petite boulette que l’on place sous l’un d’eux.

Couvent

Delvau, 1864 : Bordel, où s’enferment volontairement les vierges folles.

France, 1907 : Prison on lupanar.

Le gros numéro 49 est un lupanar. Ce couvent laïque est connu dans le Quartier Latin sous la dénomination de : La Botte de Paille.

(Macé, Mon Premier crime)

On dit aussi couvent de Vénus.

Vous avez vu, sans doute, un commissaire
Cherchant de nuit un couvent de Vénus.

(Voltaire)

Couvercle

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau, — dans l’argot des faubouriens, qui prennent l’homme pour un pot.

France, 1907 : Chapeau : il couvre la casserole où s’infusent et se mijotent les idées et les sottises.

Couvercles de boîtes à lait

Rossignol, 1901 : Une femme qui a les seins plats a des couvercles de boîtes à lait.

Couvert

d’Hautel, 1808 : Servir quelqu’un à plat couvert. Lui faire mystère de quelque chose ; le desservir secrètement.

Couvert de conseiller

Delvau, 1866 : s. m. Couvert d’argent démarqué, — dans l’argot des voleurs. On dit de même Linge de conseiller pour linge volé et démarqué.

France, 1907 : Couvert d’argent dont les initiales ont été oblitérées on changées.

Couverte (battre la)

Merlin, 1888 : Dormir ; se coucher. Faire une heure de couverte.

France, 1907 : Dormir. Faire passer à la couverte, brimade militaire, consistant à faire sauter un homme dans une couverture ont chaque coin est tenu par un troupier.

Couverte (faire passer à la)

Merlin, 1888 : Berner. Genre de punition infligée par les soldats à un mauvais camarade, à un mouchard, à un voleur.

Couverte, couvrante

Hayard, 1907 : Couverture.

Couverture

Fustier, 1889 : Dans le jargon militaire, la couverture, mot tout récent, signifie l’ensemble des troupes et des ouvrages de fortification qui couvrent une frontière et sont destinés à soutenir un premier choc.

Surtout ne dites pas que le général Février a le commandement de la couverture.

(Figaro, mars 1887.)

France, 1907 : Garanties, dans l’argot des financiers.

France, 1907 : Bruit fait dans les coulisses ou dans la salle.

Nous appelons couverture le bruit que nous faisons dans la salle pour couvrir un impair, un pataquès, une faute de français.

(P. Mahalin)

Couvraines

France, 1907 : Semailles d’automne.

Couvrante

M.D., 1844 : Une casquette.

Rigaud, 1881 : Casquette, — dans le jargon des ouvriers.

Rossignol, 1901 : Casquette.

France, 1907 : Casquette.

Couvre-amour

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau d’homme, quelque forme qu’il affecte, — dans l’argot facétieux des bourgeois, qui voudraient faire croire que leur tête est le siège des passions.

Rigaud, 1881 : Chapeau d’homme.

Merlin, 1888 : Schako. — Peu modeste, le troubade !

France, 1907 : Képi on shako.

Couvre-bidon

France, 1907 : Soldat de la ligne.

Moi, j’ai jamais servi aux biffins ; je suis pas un 113e couvre-bidon ; je suis zouave.

(Georges d’Esparbès, Gil Blas)

Couvre-sot

d’Hautel, 1808 : Nom qu’on donne par raillerie au chapeau ou bonnet d’une personne inepte et stupide.

Couvreur

Delvau, 1866 : s. m. Celui qui ouvre et ferme les portes — dans l’argot des francs-maçons.

Rigaud, 1881 : Chapelier, — dans le jargon des voyous. Couvreur de la haute, chapelier di primo cartelo.

Couvreur (frère)

France, 1907 : Officier d’une loge chargé d’ouvrir et de fermer les portes et de s’assurer si le temple est couvert, c’est-à-dire s’il ne s’y trouve pas de profanes.

Couvreur, couvrir une femme

Delvau, 1864 : Homme qui baise, parce qu’en baisant il couvre de son ventre, en guise de toit, cette délicieuse habitation qu’on appelle la con de la femme, et que, sous prétexte d’empêcher la pluie d’y tomber, il inonde, lui, de son sperme.

Plus vous couvrirez une femme, plus il pleuvra.

Tabarin.

Faut voir comm’ leurs femm’s sont couvertes.

Rougemont.

Couvrir

d’Hautel, 1808 : Couvrir la joue à quelqu’un. Pour, lui donner une morniffle, lui appliquer un soufflet.
Couvert d’or. Couvert de boutons. Avoir un habit galonné sur toutes les coutures ; avoir le visage rempli de boutons.

Couvrir la joue

Delvau, 1866 : v. a. Donner un soufflet, — dans l’argot des bourgeois.

Couvrir le temple

Delvau, 1866 : v. a. Fermer les portes, — dans l’argot des francs-maçons. Faire couvrir le temple à un frère. Le faire sortir.

France, 1907 : Fermer les portes.

Couyon

Delvau, 1866 : s. m. Lâche, paresseux, — dans l’argot du peuple, qui mouille l’y d’une façon partiticulière.

France, 1907 : Lâche, paresseux. Voir Couillon.

Couyon comme la lune

Rigaud, 1881 : Énormément stupide ; hébété par la stupéfaction. La lune jouit d’une réputation de bêtise qu’elle doit, peut-être, à sa rotondité.

Couyon, couillon

Larchey, 1865 : Lâche, poltron. — Du vieux mot coion qui a le même sens (V. Roquefort), et qui est un diminutif de coy : tranquille, indolent. — Mazarin est souvent appelé coyon dans les pamphlets de la Fronde.

Beaulieu, Cobourg en furent touchés De voir leur troupe à l’abandon Qui fuyoient comme des couillons Devant les patriotes.

Mauricault, Chanson, 1794.

Couyonnade

Larchey, 1865 : Affaire misérable, action lâche. — Couyonner : Reculer au moment d’agir — Couyonnerie : Lâcheté. Du vieux mot coionnerie. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Farce, mauvais tour. Signifie aussi Niaiserie, chose de peu d’importance.

France, 1907 : Voir Couillonnade.

Couyonnade en bâton

Rigaud, 1881 : Bêtise, propos stupide, niaiserie.

Couyonner

Delvau, 1866 : v. n. Manquer de courage. Signifie aussi Se moquer.

Rigaud, 1881 : Plaisanter. — Couyonner le service, ne pas faire sa besogne, ne pas faire un service commandé. Un bon troupier ne doit jamais couyonner le service.

France, 1907 : Voir Couillonner.

Couyonner quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le faire aller, se moquer de lui. Signifie aussi : Importuner, agacer, — probris lacessere.

Couyonnerie

France, 1907 : Voir Couillonerie.

Crabosser

Delvau, 1866 : v. n. Bossuer un chapeau, un carton, — dans l’argot des bourgeois. D’aucuns disent encore comme an temps de Rabelais, Cabosser.

France, 1907 : Bossuer ou enfoncer un chapeau : du vieux mot cabosser, bossuer.

Crac

d’Hautel, 1808 : Espèce d’interjection.
Crac, le voilà parti. Pour, il a disparu tout-à-coup ; à l’instant même.

Rigaud, 1881 : Gagne-pain d’une fille de joie, — dans le jargon des souteneurs.

France, 1907 : Onomatopée indiquant que quelque chose éclate et se casse.

Crac-cric-croc

Delvau, 1866 : s. m. Onomatopée à l’usage du peuple lorsqu’il veut rendre le bruit d’une chose qui se déchire pièce par pièce, ou qu’il broie avec ses dents.

France, 1907 : Onomatopée imitant le bruit d’une chose qui se déchire ou que l’on broie avec les dents.

Crachant (un)

M.D., 1844 : Un pistolet.

Crachat

d’Hautel, 1808 : Cette maison est bâtie de boue et de crachat. Voyez Boue.
Il se noyeroit dans son crachat. Pour dire qu’un homme est malheureux au-dessus de toute expression ; qu’il ne réussit dans aucune de ses entreprises.

Craché

Delvau, 1866 : adj. Ressemblant, — dans l’argot du peuple, à qui La Fontaine et Voltaire ont fait l’honneur d’emprunter cette expectoration. On dit : C’est lui tout craché ou C’est son portrait tout craché.

France, 1907 : Ressemblant. Le mot n’est guère employé que dans cette expression : C’est lui ou c’est son portrait tout craché.
L’expression est vieille. On la trouve dans la Farce de Pathelin :

Ainsi m’aist Dieus, que des oreilles,
Du nez, de la bouche, des yeus,
Onc enfant ne ressembla mieus
À Père. Quel menton fourché !
Vraiment, c’etes vous tout craché !

Cracher

d’Hautel, 1808 : On lui en crachera. Manière basse et triviale qui équivaut à, on lui en donnera ; il n’a qu’à compter là-dessus.
Quand on crache en l’air, cela retombe sur le nez. Signifie que lorsqu’on se porte à quelqu’excès, ou que l’on commet des étourderies, on en est tôt ou tard la victime.
On dit d’une personne que l’on méprise, et contre laquelle on est irrité : qu’on lui cracheroit au nez, si l’on ne se retenoit.
Faire cracher quelqu’un.
Le forcer à payer une chose qu’il ne doit pas ; lui soutirer de l’argent.
On dit aussi dans le même sens : Faire cracher quelqu’un au bassin.
Cracher du grec et du latin.
Faire à chaque instant, et sans nécessité, des citations dans ces deux langues.
C’est son père tout craché ; c’est son portrait tout craché. Pour dire, c’est absolument la ressemblance de son père ; c’est son portrait véritable.
Cracher des injures. Pour débiter, vomir des propos injurieux et grossiers.

Larchey, 1865 : Parler (Vidocq). — Mot à mot : cracher des paroles.

Larchey, 1865 : Décharger. — Le canon crache la mitraille.

Delvau, 1866 : v. n. Parler, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Faire des aveux en justice.

La Rue, 1894 : Avouer en justice. Parler.

France, 1907 : Parler. Avouer en justice. Faire cracher, faire causer. Se dit aussi d’un canon qui crache.

Cracher à la porte

Delvau, 1864 : Décharger sur la motte d’une femme au lieu de le faire dans son vagin ; — ce qui s’appelle : tricher au jeu.

Ne fout que quand son vit lui crache
Pour tout soulaz dedans, la main.

Theophile.

Cracher au bassinet

Delvau, 1866 : v. n. Être forcé de payer, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Faire cracher (payer) un débiteur dur à la détente (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Se faire donner une somme due par un mauvais payeur est le faire cracher au bassinet.

France, 1907 : Donner de l’argent en rechignant, de mauvaise grâce, par force.

— La mère Nippe a aussi un autre truc : comme elle est bien avec le curé et le bedeau, elle prélève un tant pour cent sur toutes les aumônes des autres mendigos qui fréquentent les abords de l’église, les jours de fête… s’ils ne crachent pas au bassinet, elle fait un signe au bedeau et celui-ci vient avec le suisse et les fait partir. Oh ! elle la connait la mendigoterie, cette vieille carabosse !…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Cracher blanc

Delvau, 1866 : v. n. Avoir soif, pour s’être enivré trop la veille, — dans l’argot du peuple, qui employait cette expression de temps de Rabelais. Ou dit aussi Cracher du coton et Cracher des pièces de dix sous.

Rigaud, 1881 : Avoir soif.

Ils ne faisaient que cracher blanc comme cotton de Malthe.

(Rabelais, l. II.)

Cracher des pièces de dix sous, ressentir une soif ardente, ne plus avoir de salive, tant la soif est forte. C’est mot à mot : cracher des crachats petits comme des pièces de dix sous.

France, 1907 : Être altéré. On dit aussi : cracher du coton ou des pièces de dix sous. Le lendemain d’un jour d’ivresse, on ne crache plus, vu la sécheresse de la gorge, que des pièces de quatre sous.

Cracher dans le sac

Larchey, 1865 : Voir raccourcir.

Rigaud, 1881 : Être guillotiné.

La Rue, 1894 : Être guillotiné.

Virmaître, 1894 : Allusion à la tête du condamné à mort qui tombe dans le sac de sciure. On dit aussi : éternuer dans le sac (Argot des voleurs).

Cracher dans un broussailles

Delvau, 1864 : Éjaculer, non dans le vagin, mais sur les poils de la motte.

Cracher des pièces de quatre sous

Virmaître, 1894 : Avoir la gorge sèche au lendemain d’une soulographie. Allusion à l’absence de salive (Argot du peuple). V. Gueule de bois.

Cracher ou éternuer dans le sac

France, 1907 : Être guillotiné. La tête du supplicié tombe dans un panier où dans un sac de sciure de bois.

Cracher ses doublures

Delvau, 1866 : v. a. Rendre ses poumons par fragments, comme font les poitrinaires. Même argot [du peuple].

France, 1907 : Cracher ses poumons.

Cracher son âme

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des infirmiers, qui ne se doutent guère qu’ils emploient là une des plus énergiques expressions latines : Vomere animam, dit Lucrèce. Chrysanthus animam ebulliit, dit un des convives du festin de Trimalcion.

Cracher son embouchure

France, 1907 : Mourir.

Cracher sur (ne pas)

Rigaud, 1881 : Aimer, faire cas de. — Au XVIe siècle on disait, d’un ivrogne, il ne crache pas le vin, et ne pas cracher le vin avait le sens d’aimer à boire ; aujourd’hui on dit : il ne crache pas sur le vin.

Cracher sur les quinquets

Rigaud, 1881 : Se donner en scène, un mal énorme et ne produire aucun effet, — dans le jargon des coulisses.

Cracher sur quelqu’un

France, 1907 : Médire, calomnier. On dit plus énergiquement boxer, lorsqu’on met de la rage dans ses médisances.

Cracher sur une chose (ne pas)

France, 1907 : L’aimer, en faire cas. « Il ne crache ni sur la pipe, ni sur la jupe, ni sur la bouteille. »

Cracher sux quelque chose

Delvau, 1866 : v. n. En faire mépris, — dans l’argot du peuple, qui emploie plus ordinairement cette expression avec la négative : Il ne crache pas sur la vendange, c’est-à-dire il aime le vin.

Cracher, cracher au bassin ou au bassinet

Larchey, 1865 : Donner de l’argent de mauvaise grâce. — Allusion au bassin qu’on présente pour les quêtes.

Tu dois faire cracher encore 150.000 francs au baron.

Balzac.

Cracheur à Pouffe

Clémens, 1840 : Parler pour rien.

Crachoir

un détenu, 1846 : Parole. Tenir le crachoir ; parler, discourir, pérorer, plaider.

Delvau, 1866 : s. m. Action de bavarder, — dans le même argot [du peuple]. Tenir le crachoir. Parler. Abuser du crachoir. Abuser de la facilité qu’on a à parler et de l’indulgence des gens devant qui l’on parle.

Rigaud, 1881 : Revolver, — dans le jargon du régiment. Il crache la mort. Tenir le crachoir, être armé d’un revolver.

France, 1907 : Réquisitoire.

France, 1907 : Bavard, bavardage. Tenir le crachoir, jouer du crachoir, avoir du crachoir, bavarder.

Crachoir (tenir le)

Rigaud, 1881 : Pérorer. Bien jouer du crachoir, bien parler.

Boutmy, 1883 : v. Parler plus souvent qu’il ne faut, et quelquefois à tort et à travers ; faire l’orateur. Expression employée aussi dans le langage vulgaire.

Crachotement

d’Hautel, 1808 : L’action de cracher perpétuellement.

Crachoter

d’Hautel, 1808 : Expectorer ; cracher fréquemment, comme le font ordinairement les fumeurs et les mâcheurs de tabac.

Crachoter sur quelqu’un

Rigaud, 1881 : Traiter avec mépris.

Dans ses rapports avec le soldat, la fille se sent presque toujours sa maîtresse ; avec les autres, elle n’est qu’une mécanique d’amour, sur laquelle c’est souvent plaisir de crachoter.

(E. de Goncourt.)

Crack

France, 1907 : Cheval nouveau aux courses qui a des chances de gagner. Terme de sport, de l’anglais to crack, éclater, faire du bruit.
Le crack de l’écurie est le cheval sur lequel on compte pour faire tapage et étonner aux courses.
Crack, mot allemand, s’écrit également par un k : krack, faillite, banqueroute retentissante. Le crack de la société l’Union Générale a causé la ruine de plusieurs centaines de mille d’actionnaires.
La Société interocéanique du Panama s’est également effondrée avec un crack de près d’un milliard et demi, prélevé sur les plus modestes travailleurs français.

Cracovie

Rigaud, 1881 : Craque, mensonge. Avoir des lettres de Cracovie, signifiait autrefois, débiter des mensonges ; et venir de Cracovie, mentir. Expressions du XVIIIe siècle ; démodées aujourd’hui.

Craie d’auverpin

Virmaître, 1894 : Charbon (Argot du peuple).

France, 1907 : Charbon.

Craler

France, 1907 : Se dit d’une porte qui, en l’ouvrant, rend un son aigu.

Cramer une sèche

Rigaud, 1881 : Fumer une cigarette, — dans le jargon des rhétoriciens, qui devraient dire avec plus de raison : crémer ; mot à mot : opérer la crémation d’une cigarette.

France, 1907 : Fumer, griller un cigarette ; du latin cremare.

Cramoisi

d’Hautel, 1808 : Il est cramoisi. Pour, il est violet de colère.
Elle est laide en cramoisi. Pour exprimer, qu’une femme est d’une laideur épouvantable.

Crampe

Rigaud, 1881 : Fuite, évasion. — Tirer sa crampe, fuir. — Sacrifier à Vénus, — dans le jargon des voyous.

La Rue, 1894 : Fuite, évasion. Sacrifice à Vénus.

Crampe (la tirer)

Virmaître, 1894 : V. Rouscailler.

Crampe (tirer sa)

Larchey, 1865 : Fuir.

Elle a pris ses grands airs et j’ai tiré ma crampe.

Montépin.

France, 1907 : S’enfuir ou accomplir l’acte vénérien. Tirer sa crampe avec la veuve, être guillotiné. Tirer une crampe, sacrifier à Vénus, la mère des amours.

Crampe d’amour

Delvau, 1864 : L’érection. — Voir aussi Tirer sa crampe.

Le grivois à l’aspect des lieux qu’il envisage,
Où nichent mille attraits qu’il lorgne tour à tours,
Se sent atteint d’une crampe d’amour.

Vadé.

Cramper

Delvau, 1864 : Baiser, — parce que dans la jouissance qu’amène la conjonction de deux créatures d’un sexe différent, il y a un spasme, une crampe.

Puissé-je…
…Cramper dans le cul
De ma blonde.

E. Debraux.

Delvau, 1866 : v. n. Courir, — dans l’argot des faubouriens. Ils disent aussi Tirer sa crampe.

Rigaud, 1881 : Synonyme de tirer sa crampe, — dans le jargon des voyous.

La Rue, 1894 : Courir.

Rossignol, 1901 : La seule façon de peupler la terre.

France, 1907 : Courir, se sauver ; avoir commerce avec une femme.

Cramper (se cramper)

Clémens, 1840 : Se sauver.

Cramper (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se cramponner, au propre et au figuré, — dans le même argot [des faubouriens].

France, 1907 : Abréviation de se cramponner.

Cramper avec la veuve

Rigaud, 1881 : Être guillotiné. C’est une variante d’épouser la veuve. Mot à mot : faire l’amour avec la guillotine.

Cramper avec le dab d’argent

France, 1907 : Passer à la visite sanitaire ; argot des filles qui fout allusion an spéculum.

Cramper en cerceau

Rigaud, 1881 : Figurer un cerceau avec le corps. Cet exercice de haute dislocation consiste à s’arc-bouter sur les pieds et à projeter peu à peu la tête en arrière jusqu’à ce qu’elle vienne toucher les talons, de manière à ce que le corps forme un cercle ou cerceau. (Jargon des saltimbanques.)

Crampeuse

Delvau, 1864 : Synonyme de jouisseuse, — Fille publique qui crampe — c’est-à-dire qui jouit aussi bien avec un miché qu’avec un amant.

Crampon

Larchey, 1865 : Fâcheux dont on ne peut se débarrasser.

Delvau, 1866 : s. m. Homme ennuyeux qui ne lâche pas sa victime et qu’on tuerait sur place, — si le Code ne punissait pas le meurtre, même dans le cas de légitime défense.

Rigaud, 1881 : Maîtresse trop fidèle, amant trop assidu, qui se cramponne à votre existence, et dont vous ne pouvez vous débarrasser. Par extension tout individu tenace.

Virmaître, 1894 : Femme ou maîtresse qui ne vous lâche pas et dont rien ne peut vous débarrasser pas même la mort — quand on en rêve (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Individu tenace de qui on ne peut se débarrasser.

France, 1907 : Raseur, homme ennuyeux, dont on ne peut se défaire aisément, d’où le verbe cramponner, ennuyer, obséder.

France, 1907 : Maîtresse ; la femme que l’amour ou l’intérêt accroche à un mâle et qui ne lâche pas sa proie.

— Ma foi, je n’ai pu quitter mon crampon plus tôt ! Jonas avait encore une scène de jalousie à me faire.

(Édouard Ducret, Paris-Canaille)

Nous savons que le sexe tenace (vulgo : crampon) se défend mieux, dans la vie, que le sexe fort.

(Maxime Boucheron)

Cramponne-toi, gugusse !

France, 1907 : Exclamation populaire indiquant qu’il faut s’attendre à être vivement surpris, qu’il faut en quelque sorte se cramponner à un objet quelconque pour ne pas tomber d’étonnement.

Cramponner

d’Hautel, 1808 : Attacher. Avoir l’ame cramponnée dans le corps. Voyez Chevillée.

Rossignol, 1901 : Tenir, prendre.

Je l’ai cramponne au moment où il fouillait les poches et une paysanne.

Rossignol, 1901 : Être après quelqu’un continuellement.

France, 1907 : Voler.

France, 1907 : Ennuyer, obséder.

Cramponner (être)

Virmaître, 1894 : V. Crampon.

Cramponner (se)

Fustier, 1889 : Être saisi d’étonnement, d’admiration. Cramponne-toi, Gugusse, est une phrase ironique que le peuple emploie souvent en s’adressant à quelqu’un pour l’avertir qu’il va voir ou entendre quelque chose d’extraordinaire.

Crampser ou cramser

France, 1907 : Mourir, de crampe ; avec le dernier hoquet vient la crampe finale.

Les fils souhaiteront à leurs vieux parents de vivre kifkif Mathieu-Salé, jusqu’à 834 ans, tandis qu’en réalité ils voudraient les voir crampser illico, afin d’hériter vivement.

(Almanach du Père Peinard, 1893)

Crampser ou Crimpser

Boutmy, 1883 : v. intr. Mourir. Syn. de Claquer.

Crampton

France, 1907 : Wagon appelé ainsi du nom de Thomas Russell Crampton, ingénieur anglais inventeur des locomotives à grande vitesse.

Cramser

Rigaud, 1881 : Mourir — dans le jargon des employés des pompes funèbres.

Rossignol, 1901 : Mourir.

Hayard, 1907 : Mourir.

Cramser, clapser

La Rue, 1894 : Mourir.

Cran

Boutmy, 1883 : s. m. Entaillure faite à la lettre pour en distinguer le sens. Au figuré, avoir son cran, c’est Avoir son bœuf ou sa chèvre, mais à un degré moindre.

France, 1907 : Consommation.

Cran (avoir son ou être à)

France, 1907 : Être en colère, se tourmenter. Bouffer son cran, même sens. Se mettre à cran, s’échauffer. Faire un cran, allusion à la coutume des boulangers de marquer le nombre de pains que prennent leurs clients par un cran sur un morceau de bois appelé taille. Lâcher d’un cran, quitter quelqu’un, s’en séparer subitement. Se serrer d’un cran, jeûner.

Cran (avoir son)

Rigaud, 1881 : Être en colère, — dans le jargon des typographes.

Cran (être à cran)

Virmaître, 1894 : Être furieux. On dit aussi : être à crin (Argot du peuple).

Cran (être à)

Hayard, 1907 : Être furieux.

Cran (lâcher d’un)

Larchey, 1865 : Planter là, abandonner subitement.

Nous vous lâcherons d’un cran.

Vidal, 1833.

Rigaud, 1881 : Quitter. On lâche d’un cran, les gens qui ennuient ou déplaisent.

Cran (se serrer d’un)

Fustier, 1889 : Se priver de. Se serrer le ventre, ne pas manger à sa faim.

Crâne

d’Hautel, 1808 : Tapageur, mauvaise tête, vaurien, qui ne cherche que dispute et querelle.
Mettre son chapeau en crâne. C’est-à-dire, sens-devant-derrière, à la façon des tapageurs et des mauvais sujets ; à la sacrée mon ame.

Larchey, 1865 : Hardi.

Est-il crâne cet enragé-là !

P. Lacroix, 1832.

Larchey, 1865 : Bon.

Quand j’étais sur la route de Valenciennes, c’est là que j’en avais du crâne du tabac !

H. Monnier.

Vient de l’ancien terme : mettre son chapeau en crâne. C’était le mettre sens devant derrière, à la façon des tapageurs qui prétendaient faire partout la loi sous le premier Empire. V. d’Hautel.

Larchey, 1865 : Beau.

C’est ça qui donne une crâne idée de l’homme !

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. m. Homme audacieux, — dans l’argot du peuple. Faire son crâne. Faire le fanfaron.

Delvau, 1866 : adj. Superlatif de Beau, de Fort, d’Éminent, de Bon. Avoir un crâne talent. Avoir beaucoup de talent.

France, 1907 : Beau, hardi, fort. Homme crâne, homme audacieux. Un crâne talent, un grand talent. Faire son crâne, faire le fanfaron.

Et le capitaine Marius Courtebaisse ne s’en portait pas plus mal, avait l’air crâne et heureux, se livrait à son innocente manie avec le calme d’un philosophe qui a beaucoup vu, beaucoup retenu, et trouve qu’après tout rien ne vaut de belles lèvres rouges et charnues et une croupe de femme éblouissante, rose et blanche aux fraicheurs de marbre, et une petite vigne où, à pointe d’aube, l’on ramasse des escargots, l’on cueille des grappes tout humides de rosée et une maison où nul importun ne vous gêne, où l’on mange sur du linge qui fleure la bonne lessive, ou l’on dort dans de beaux draps, souvent avec, à côté de soi, une passagère maîtresse qu’on ne reverra plus le lendemain…
N’est-ce pas là le bonheur — le vrai bonheur qui ne laisse pas de désillusions et de nostalgiques regrets ?

(Mora, Gil Blas)

Crânement

Larchey, 1865 : Supérieurement.

J’ai été maître d’armes… et je puis dire que je tirais crânement.

Méry.

Elle prenait la brosse chez un peintre, la maniait par raillerie, et faisait une tête assez crânement.

Balzac.

Je suis crânement contente de vous voir.

E. Sue.

Delvau, 1866 : adv. Beaucoup, supérieurement, fortement. Avoir crânement de talent. En avoir beaucoup.

France, 1907 : Supérieurement.

Crâner

Rigaud, 1881 : Faire le rodomont.

Rossignol, 1901 : Faire le malin.

Tu n’as pas besoin de crâner, parce que tu as quatre sous dans ta poche.

France, 1907 : Faire le fanfaron, le poseur.

Crâneur

Delvau, 1866 : s. m. Homme audacieux, ou plutôt fanfaron d’audace. Faire son crâneur. Parler ou marcher avec aplomb, comme un homme qui ne craint rien.

Rossignol, 1901 : Celui qui crâne. Avoir l’air indifférent d’une chose qui fait de la peine, s’en moquer, c’est crâner.

Tu fais le malin parce vue vous êtes deux contre moi ; si tu étais seul, tu ne serais pas si crâneur.

Hayard, 1907 : Vantard.

France, 1907 : Fanfaron.

Crâneur (faire le)

Virmaître, 1894 : Homme qui se fait plus fort qu’il ne l’est, au physique connue au moral. Un souteneur qui veut tenir le haut du pavé, est un crâneur (Argot du peuple).

Crapaud

d’Hautel, 1808 : Saute crapaud, nous aurons de l’eau. Phrase badine dont on se sert en parlant à un enfant qui danse à tout moment sans sujet ni raison, pour lui faire entendre que cette joie est le pronostic de quelque chagrin ou déplaisir non éloigné, et par allusion avec les crapauds, qui sautent à l’approche des temps pluvieux.
Laid comme un crapaud. Un vilain crapaud. D’une laideur difficile à peindre.
Ce crapaud-là, ce vilain crapaud cessera-t-il de me tourmenter ? Espèce d’imprécation que l’on adresse à quelqu’un contre lequel on est en colère.
Sauter comme un crapaud. Faire le léger, et le dispos, lorsqu’on n’est rien moins que propre à cela. Voy. Argent.

Larchey, 1865 : Homme petit et laid. — Crapoussin, qui a le même sens, est son diminutif. — Usité dès 1808.

Tiens ! Potier, je l’ai vu du temps qu’il était à la Porte-Saint-Martin. Dieux ! que c’crapaud-là m’a fait rire !

H. Monnier.

Larchey, 1865 : Fauteuil bas.

Une bergère… Avancez plutôt un crapaud !

El. Jourdain.

Larchey, 1865 : Cadenas (Vidocq).

Larchey, 1865 : Bourse de soldat. Simple poche de cuir dont l’aspect roussâtre et aplati peut à la rigueur rappeler l’ovipare en question. On appelle grenouille le contenu du crapaud. — Les deux mots doivent être reliés l’un à l’autre par quelque affinité mystérieuse.

Delvau, 1866 : s. m. Petit fauteuil bas, — dans l’argot des tapissiers.

Delvau, 1866 : s. m. Mucosité sèche du nez, — dans l’argot des voyous.

Delvau, 1866 : s. m. Cadenas, — dans l’argot des voleurs, qui ont trouvé là une image juste.

Delvau, 1866 : s. m. Bourse, — dans l’argot des soldats.

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti, petit garçon, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Cadenas, — dans le jargon des voleurs. — Enfant, — dans celui des ouvriers, qui disent aussi : crapoussin. — Bourse, — dans celui des troupiers :

Mon crapaud est percé, il aura filé dans mes guêtres.

(A. Arnault, Les Zouaves, act 1. 1856.)

La Rue, 1894 : Cadenas.

Virmaître, 1894 : Moutard (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Cadenas (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Cadenas, porte-monnaie, enfant.

France, 1907 : Porte-monnaie où l’on cache les petites économies qui ne doivent en sortir qu’aux grandes occasions. Il est toujours bon d’avoir un crapaud, surtout pour un comptable : cela l’empêche de manger la grenouille.

Déboutonnant son dolman, il entr’ouvrit sa chemise à la hauteur de la poitrine, et fit voir, à nu sur celle-ci, un petit sachet de cuir, appendu autour du cou par un cordon de même espèce. C’est ce que les troupiers appellent leur crapaud.

(Ch. Dubois de Gennes, Le troupier tel qu’il est… à cheval)

D’abord deux heures trimeras,
Et de l’appétit tu prendras !
Au repos tu l’assouviras
Avec du pain, du cervelas,
Ou d’air pur tu te rempliras,
Si dans ton crapaud n’y a pas gras !
Par ce moyen éviteras
Des indigestions l’embarras…

(Les Litanies du cavalier)

France, 1907 : Petit fauteuil, bas de forme.

France, 1907 : Mucosité sèche du nez, que nombre de gens out la dégoûtante habitude de tirer avec les doigts.

France, 1907 : Cadenas. Allusion à sa forme.

France, 1907 : Apprenti, petit garçon. Se dit aussi d’un homme de petite taille.

— Pourquoi qu’tu y as pas demandé, quand j’te recommande de le faire ? Tu pouvais pas y prendre, bougre de cochonne… Comme si qu’on pouvait

Crapaud (faire)

Rigaud, 1881 : Boire seul, se régaler en sournois, — dans le jargon des troupiers. C’est le synonyme de faire suisse.

Crapaud serpenteux

France, 1907 : Fusée à spirales.

Crapauder

France, 1907 : Crier en pleurant.

Crapaudine

Delvau, 1864 : Expression tirée du langage culinaire. Les pigeons à la crapaudine ont les pattes rentrées en dedans. De même, la femme étendue sur le dos et recevant le vit dans son con, afin de mieux le faire glisser jusqu’au fond du vagin, lève ses deux jambes en l’air, les replie sur l’homme, les appuie sur son dos et l’attire à elle autant qu’elle peut. Il voudrait s’en défendre, ce serait inutile, il faut que sa pine pénètre jusqu’à la matrice, qui vient d’elle-même se présenter à ses coups. Plus les coups sont forts, plus ils plaisent à la femme jeune et bien portante. Bien des couchettes ont été cassées avec ce jeu-là ; aussi, maintenant, on les fait en fer.

Marie se colle à mon ventre
Et pour que tout mon vit entre
Jusques au fin fond de l’antre
Enflammé par Cupidon,
Elle fait la crapaudine.
Vraiment, cette libertine,
Si je n’étais qu’une pine
M’engloutirait dans son con.

J. Choux.

France, 1907 : Genre de supplice infligé aux insubordonnés des bataillons d’Afrique et surtout des compagnies de discipline. Il consiste à fixer le soldat puni, au moyen de cordes et de courroies, soit à des piquets sur le sol, soit à un objet immobile : arbre, poteau, affût. Les Anglais connaissent ce châtiment sous le nom de picketting. Aboli vers 1835, ils le rétablirent en 1881, pendant la guerre contre les Boërs, et l’appliquèrent fréquemment en Égypte et au Soudan.
Les esclaves de nos colonies étaient, jusqu’en 1848, soumis à ce supplice.

Les malheureux esclaves sont ignominieusement couchés, nus, sans distinction d’âge ni de sexe, la face renversée ; seulement l’humanité veut qu’une excavation reçoive le ventre des femmes enceintes !… Leurs poignets et leurs pieds, étroitement serrés par des cordes, sont raidis et liés à des piquets enfoncés dans le sol, pour les empêcher de se débattre ; alors le commandeur, qui est peut-être le père, le frère, le fils ou l’époux de la victime, est obligé (sous peine d’être châtié lui-même) de faire l’office de bourreau… alors commence le supplice de la taille par les 29 coups de fouet, à la volée, du châtiment légal… C’est là ce qu’on appelle. dans ses modifications, le trois, le quatre piquets…

(Joseph France, L’Esclavage à nu)

À part les coups de fouet, la crapaudine n’est qu’une répétition du piquet.

Un jour, tirant la langue comme des pendus, pour avoir quelques bols d’air, ils défoncèrent une planche qui bouchait leur fenêtre. Illico, les caporaux et les sergents les firent sortir un à un, sous la menace des flingots, chargés et braqués. Puis on les colla à la crapaudine, et ils y restèrent vingt-quatre heures sans boire ni manger

(Le Père Peinard)

Crape

d’Hautel, 1808 : Terme bas, injurieux et de mépris que le peuple donne à une prostituée, à une femme qui mène une vie crapuleuse, à une vile catin.

France, 1907 : Fille publique de la dernière classe.

Crapoter

France, 1907 : Grapiller dans les vignes vendangées.

Crapoussin

d’Hautel, 1808 : Un petit crapoussin. Sobriquet dérisoire et méprisant qui équivaut à marmouset, bambin, homme petit, laid et difforme.

Delvau, 1866 : s. m. Homme de petite taille et de peu d’apparence, — dans le même argot [des faubouriens].

France, 1907 : Petit garçon, homme de petite taille. « Thiers était un crapoussin. »

Crappe

France, 1907 : Porte-monnaie.

Crapser

Virmaître, 1894 : Mourir. D’aucuns écrivent clamser ou krapser. C’est crapser qui est le vrai mot (Argot des voleurs).

France, 1907 : Mourir.

Crapulados

Delvau, 1866 : s. m. Cigare de cinq centimes. — dans le même argot [des faubouriens].

Crapulard

Virmaître, 1894 : Superlatif de crapule. Synonyme de canaille, gredin, scélérat. Injure adressée à des individus assez adroits pour commettre des délits sans tomber sous l’application des lois. Terme très usité dans le peuple (Argot du peuple).

France, 1907 : Augmentatif de crapule.

Synonyme de canaille, gredin, scélérat. Injure adressée à des individus assez adroits pour commettre des délits sans tomber sous l’application des lois.

(Ch. Virmaître)

Crapule

d’Hautel, 1808 : Nom de mépris que l’on donne à juste titre aux libertins, aux gens sans mœurs et sans delicatesse ; à la lie du peuple.

Crapuler

d’Hautel, 1808 : Passer sa vie dans de sales débauches ; mener une conduite infâme.

Crapulos, crapuladorès

Rigaud, 1881 : Cigare d’un sou ; cigare de la crapule. Crapuladorès est la parodie de cazadorès, une des meilleures marques de cigares de la Havane. L’un est l’alpha, et l’autre l’oméga, du tabac à fumer.

Crapulos, crapulados

France, 1907 : L’antithèse du londrès, comme le voyou est l’antithèse du gandin. Cigare d’un sou.

Craq, criq, croc

d’Hautel, 1808 : Manière d’exprimer le bruit que fait une chose que l’on met en pièce, soit en la déchirant, soit en la brisant ; imitation du bruit que fait un homme qui mange excessivement vite ; qui, comme on dit vulgairement, ne fait que tordre et avaler.

Craque

Delvau, 1866 : s. f. Menterie, — dans l’argot des enfants et des faubouriens qui ont vu jouer sans doute le Monsieur de Crac dans son petit castel, de Colin d’Harleville.

La Rue, 1894 : Mensonge. Craquelin, menteur.

France, 1907 : Mensonge, histoire invraisemblable, vantardise ; germanisme. Les Anglais ont le même mot, crack, vantard.

Craqueler

France, 1907 : Mentir.

Craquelin

anon., 1827 : Menteur.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Menteur.

Bras-de-Fer, 1829 : Menteur.

Halbert, 1849 : Menteur.

Delvau, 1866 : s. m. Homme chétif, — dans l’argot des marins, qui d’un coup de poing feraient craquer les os à de plus solides.

France, 1907 : Menteur.

France, 1907 : Homme chétif.

Craquer

d’Hautel, 1808 : Mentir ; dire des gasconnades ; hâbler.
Cet homme ne fait que craquer. Pour ment continuellement, n’ouvre la bouche que pour débiter des impostures.

Delvau, 1866 : v. n. Mentir, gasconner à la parisienne.

France, 1907 : Mentir, gasconner.

Craquerie

d’Hautel, 1808 : Menterie, bourde, gasconnade ; conte en l’air, hâblerie, promesse vaine et de nul effet.

Craqueur

d’Hautel, 1808 : Hâbleur, gascon, imposteur ; homme exagéré dans tous ses discours.

Delvau, 1866 : s. m. Menteur, Gascon, — de Paris.

Virmaître, 1894 : Menteur (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Menteur.

France, 1907 : Menteur, gascon.

Crassane

d’Hautel, 1808 : Espèce de poire fort estimée, que l’on appelle communément par corruption, creusane.

Crasse

d’Hautel, 1808 : Ignorance crasse. Ignorance grossière, ineptie inexcusable.
Être né dans la crasse. Être de la plus basse extraction.
Vivre dans la crasse. Vivre d’une manière sordide, obscure, et dans une extrême parcimonie.

Delvau, 1866 : s. m. Lésinerie, indélicatesse, — dans l’argot du peuple, pour qui il semble que les sentiments bas soient l’ordure naturelle des âmes non baptisées par l’éducation.

Delvau, 1866 : s. f. Pauvreté ; abjection, — dans le même argot [du peuple]. Tomber dans la crasse. Déchoir de rang, de fortune ; de millionnaire devenir gueux, et d’honnête homme coquin.

Rigaud, 1881 : Mauvais procédé. — Crasse de collège, pédantisme, bégueulerie pédantesque.

France, 1907 : Pauvreté, misère, abjection. Tomber dans la crasse, sortir de la crasse.

Né malheureux, de la crasse tiré,
Et dans la crasse en un moment rentré,
À tous emplois on me ferme la porte.
Rebut du monde, errant, privé d’espoir,
Je me fais moine, ou gris, où blanc, ou noir,
Rasé, barbu, chaussée, déchaux, n’importe !

(Voltaire, Le Pauvre diable)

Crasse de collège

France, 1907 : Gaucheries et manières empruntées de pédant.

Crasse du collège

Delvau, 1866 : s. f. Manières gauches, empruntées, mêlées de pédantisme, — dans l’argot des gens de lettres.

Crasse, crasseux

France, 1907 : Lésinerie, ladrerie, indélicatesse.

Crasseux, sale, se prend figurément dans le sens de ladre, indélicat ; et, par suite, faire une crasse se prend pour une lésinerie, un acte d’avarice sordide et mesquin. Rattacher le mot au personnage d’une comédie (de Poisson ?), le Baron de la Crasse, personnage agrémenté de ce vilain défaut.

(Intermédiaire des chercheurs et curieux)

L’expression faire une crasse, dit Francisque Sarcey, est très usitée dans la langue familière des Parisiens parisiennants, gens de lettres, artistes, boursiers, etc.
Crasse est um pseudonyme de mauvais procédé. Delvau ne mentionne pas le mot dans son Dictionnaire de langue verte, mais Lucien Rigaud, dans son Dictionnaire de l’argot parisien, ne manque pas de le donner.
L’étymologie est assez facile à établir par analogie. Rappelez-vous d’ailleurs que, dans la vieille langue littéraire, crasseux ne voulait pas dire seulement sale où avare, mas encore désagréable, insupportable, fertile en mauvais procédés.
Mon crasseux de mari… cela disait tout : c’était un homme qui ne faisait que des crasses à sa femme.

Crasseux

Delvau, 1866 : adj. et s. Avare.

Crasseux, crasseuse

d’Hautel, 1808 : Au propre, sale, malpropre, dégoûtant. Au figuré, lâdre, vilain, intéressé.

Craticuler

France, 1907 : Copier un dessin en mesurant toutes ses parties à l’aide de petits carrés de papier.

(L’Argot de l’X)

Cravache (être à la)

Fustier, 1889 : On se sert aussi de cette expression d’abord pour exprimer l’état de quelqu’un qui, riche, se trouve dans une situation sinon précaire, tout au moins bien au-dessous de celle qu’il possédait, au point de vue de la fortune s’entend.

La nouvelle du jour est le mariage d’une demi-mondaine très décatie, mais fort riche, avec un clubman très titré, mais fortement à la cravache depuis le krack.

(Gil Blas, juin 1887.)

France, 1907 : Se dit de deux chevaux dont l’un, dans une course, n’est qu’à la distance d’une cravache de l’autre.

Cravate de chanvre

Delvau, 1866 : s. f. Corde, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Corde de pendu.

France, 1907 : Corde de potence.

Cravate de couleur

Delvau, 1866 : s. f. Arc-en-ciel, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Arc-en-ciel.

Cravate verte

France, 1907 : Souteneur.

Crayon

Fustier, 1889 : Commis boursier, employé d’agent de chance.

Habile, finaud, un des malins frayons de la coulisse, Luzy n’avait pas le grand flair de Blancheron.

(De Goncourt : La Faustin.)

France, 1907 : Commis d’agent de change, appelé ainsi à cause du crayon qu’il porte continuellement pour prendre la cote.

Cré chien

France, 1907 : Aphérèse de sacré chien, mauvaise eau-de-vie.

Créateur

Larchey, 1865 : Peintre (Vidocq). — Il renouvelle en effet sur la toile l’œuvre de la Création.

Delvau, 1866 : s. m. Peintre, — dans l’argot des voleurs, qui ont parfois le sens admiratif.

La Rue, 1894 : Peintre.

France, 1907 : Peintre.

Créature

Delvau, 1864 : Nom que, dans leur mépris — qui ressemble beaucoup à de l’envie, — les femmes honnêtes donnent à celles dont le métier est de ne l’être pas.

Mon mari a eu l’infamie de faire venir cette créature dans ma maison.

Gavarni.

Larchey, 1865 : « Pour la grande dame qui se voit enlever ses adorateurs par une grisette, cette grisette est une créature ! »

L. Huart.

Delvau, 1866 : s. f. Synonyme péjoratif de Fille, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Femme de rien. Pour une bourgeoise, la maîtresse de son mari est une créature. Pour la grande dame dont le mari est l’amant d’une bourgeoise, la bourgeoise est une créature.

France, 1907 : Terme de mépris appliqué par les bourgeoises aux jeunes et jolies femmes qu’elles détestent, et qui se vengent de leur mépris en prenant pour amants leurs maris et leurs fils.

Crèche (faire une tournée à la)

France, 1907 : Acte honteux de sodomie.

Crédit

d’Hautel, 1808 : Pièce de crédit. Pièce d’argent ou bague de prix que l’on ne change jamais, et à la faveur de laquelle on fait des dettes.
Faire crédit de la main jusqu’à la bourse. N’accorder aucun terme à quelqu’un, ne lui rien livrer sans exiger le paiement de ce qu’il a acheté.
On dit malignement d’une fille qui s’est livrée avant le mariage à l’homme qui la recherchoit, qu’Elle a pris à crédit un pain sur la fournée.

Credo

Delvau, 1866 : s. m. Potence, — dans l’argot des voleurs, qu’ils aient voulu faire soit une anagramme de Corde, soit une allusion à la confession du condamné à mort, qui récite son Credo avant de réciter son mea culpa.

Delvau, 1866 : s. m. Aveu, — dans l’argot des ouvriers, qui ne sont pas tenus de savoir le latin. Faire son credo. Avouer franchement ses torts.

La Rue, 1894 : Potence. Aveu. Crédit.

France, 1907 : Potence ; Anagramme de corde.

France, 1907 : Crédit, par changement de finale.

France, 1907 : Aveu, emplové dans ce sens : faire son credo. Latinisme. Credo est évidemment mis là par le populaire, qui n’y regarde pas de si près, pour Confiteor. C’est aussi une profession de foi, une affirmation de principes.

D’un an à dix-huit mois, on soumet déjà l’enfant aux fatigues. Des marmots de cet âge trottent nu-pieds dans la neige sans s’en porter plus mal. Leur faire subir des fatigues qui tueraient un petit blanc, est le principe de leur éducation. Ils n’ont qu’un but : exceller dans l’art de la guerre. C’est une sorte de Credo, et la peine et la patience déployées à enseigner cet art aux enfants seraient dignes d’une cause meilleure.

(Hector France, Chez les Indiens)

Le Credo de ces gens-là est le Syllabus, et le Syllabus est le testament du jésuitisme. C’est lui qui l’a emprunté à de Maistre, formulé, rédigé, dicté à son vieillard du Vatican. Or, qu’est-ce que le Syllabus, ce chef-d’œuvre du genre qui ne dit pas directement ce qu’il dit, qui ne le dit que par voie inverse pour dérouter l’esprit du lecteur ? C’est le double esclavage du corps et de l’esprit. Mort à la science, mort à l’industrie, sa fille aînée, mort à la liberté, mort à la souveraineté nationale, mort enfin au siècle tout entier et au progrès de l’esprit humain ! Ne pense pas, je pense pour toi, et si tu t’avises de penser par toi-même, prends garde à toi ; l’inquisiteur est là, qui a toujours une allumette dans la poche de son capuchon. Il ne faut à une société bien organisée que le gendarme, le bourreau, le prêtre et le roi, et encore le roi n’est qu’une doublure, le prêtre du dehors.
Autrement dit, c’est l’Europe en général, et la France en particulier, décapitées, abruties, bestialisées, transformées en une jésuitière laïque, où chacun de nous ne serait plus qu’une variante du perinde ac cadaver, un bloc de cinq pieds quatre pouces, plus ou moins, de matière organisée, confessé et fessé régulièrement de la main paternelle d’un révérend pour tout ce qu’il lui plairait d’appeler un péché.
Voltaire, où es-tu ? Ta tombe est vide ; il ne reste plus de toi que ton cœur, — et c’est un sénateur clérical qui l’a reçu en héritage et qui le garde sous clé au fond d’un tiroir.

(Eugène Pelletan)

Crédo

Rigaud, 1881 : Crédit, avec changement de finale.

Prêtez-moi donc vingt sous, cette vieille ficelle-là m’a coupé mon crédo.

(Le Sublime.)

Créer un juif

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Domange, — dans le jargon des troupiers.

Crémaillére

d’Hautel, 1808 : Pendre la crémaillère. Donner un repas, une petite fête à ses amis, lorsqu’on entre en ménage pour la première fois, ou même pour faire l’inauguration d’un nouveau logement, quand on vient à s’y installer.
Faire baiser la crémaillère à quelqu’un. Plaisanterie que l’on exerce sur les hommes simples et dénués de finesse, lorsqu’ils vont visiter une femme en couche.

Crémation

France, 1907 : Voir Crémer.

Crème

d’Hautel, 1808 : C’est la crème des honnêtes gens. Manière bourgeoise et triviale de designer un homme d’honneur et de probité, et qui se fait surtout admirer par une bonhomie et une douceur extrêmes.
La crème du discours. On appelle ainsi par plaisanterie les petites parties de salive qu’on laisse échapper en parlant, et qui souvent frappent au visage de celui avec lequel on converse.
C’est de la crème fouettée. Se dit par dédain et pour diminuer la valeur d’une chose dont le principal mérite consiste dans la délicatesse et la légèreté.

Delvau, 1866 : s. f. Superlatif de Bon, de Beau, de Fort, — dans l’argot des bourgeois. La crème des hommes. Le meilleur des hommes.

Virmaître, 1894 : C’est une crème d’homme pour dire : il est bon. Même signification que : c’est un beurre. Les bourgeois pour exprimer qu’un être est beau disent également :
— C’est une crème.
— C’est une bonne pâte d’homme (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Vaurien, voyou, dégourdi. D’un arsouille, on dit : il est crème. Une bonne personne est aussi une crème.

France, 1907 : La quintessence du bien et du mal. La crème des honnêtes gens, expression dont il faut se méfier, car cette prétendue crème d’honnêteté est souvent une crème de coquin. On dit aussi vulgairement, en parlant de quelque chose de bon : C’est une crème, ou : C’est un beurre.

Crème (être fait)

La Rue, 1894 : Être pris en flagrant délit.

France, 1907 : Être pris en flagrant délit.

Crème du gratin

France, 1907 : Société de choix.

Une salle de première représentation au Théâtre-Français, c’est plus que la crème de gratin ou du gratin de crème, messeigneurs, et l’on y voit des types et des prototypes de toutes les aristocraties, même des intellectuelles, avec, au parterre, des rois du génie humain, s’il en traine. Mais on y voit surtout des femmes, attendu que le théâtre, étant l’art de l’amour, est leur art, et qu’elles y raffinent.

(Émile Bergerat, Le Journal)

Crémer

France, 1907 : Incinérer, du latin cremare, brûler.

On disait jadis « crémation », mais crémation n’est plus de mode ; bien plus, on en blaguait : qui donc, à moins d’une conviction bien tenace, eût consenti à se faire crémer ?

(Georges Collet)

Ce sont les États-Unis qui ont pris la tête de ce moyen sanitaire de faire disparaitre les morts, danger croissant pour les vivants. New-York, Boston. Chicago, San-Francisco, Waterloo et nombre d’autres villes ont ouvert des crématoires depuis 1883. En 1893, l’Union des Sociétés de langue allemande pour la réforme des funérailles et la crémation facultative a fondé un prix de 500 marks pour le meilleur mémoire sur incinération, au point de vue de la médecine et de l’hygiène. Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, nous sommes en retard. On a fait construire à Paris deux fours à crémer.
En Angleterre, comme aux États-Unis, c’est à l’initiative privée que revient l’honneur de la mise en pratique de l’incinération dans d’excellentes conditions.
À Buenos-Ayres, la crémation des cadavres d’individus morts de maladies infectieuses est obligatoire.

Crémerie

Rigaud, 1881 : « Un de ces établissements singuliers où l’on vend du café, du bouillon, du vin et de la viande. » (Pierre Mazerolle, la Misère de Paris, 1875.)

Rossignol, 1901 : Voir Descendre à la cave.

Crépage

France, 1907 : Bataille, lutte.

Crépage de chignon

France, 1907 : Bataille de femmes.

Crêpage de chignon

Rigaud, 1881 : Batterie entre femmes. Elles se prennent ordinairement aux cheveux.

Crêper (se)

Rossignol, 1901 : Se battre. Deux femmes qui se battent se crêpent le chignon.

Crêper le chignon (se)

Delvau, 1866 : Se gourmer, échanger des coups, s’arracher mutuellement les cheveux, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Se battre entre femmes.

T’es-tu crêpé le chignon avec une camarade ?

(Huysmans, Marthe.)

Virmaître, 1894 : Se dit de deux femmes qui se battent avec acharnenement. C’est le contraire qu’il faudrait dire, car après la bataille, le chignon est plus que décrêpé (Argot du peuple).

France, 1907 : Se dit de deux femmes qui se battent et se prennent aux cheveux.

C’était une sorte de gavroche femelle, rieuse, gouailleuse, capable à certains moments d’un dévouement extraordinaire, et, à d’autres, n’hésitant pas à se crêper le chignon avec une amie.

(Édouard Ducret, Paris-Canaille)

Crêper le toupet

Larchey, 1865 : Prendre aux cheveux, battre.

Nous v’là tous deux à nous crêper le toupet.

Letellier, 1839.

Les femmes se crêpent le chignon.

Crépin

d’Hautel, 1808 : Être dans la prison de St.-Crépin. Être gêné dans ses souliers ; avoir une chaussure qui blesse les pieds.
Le Saint-Crépin. Tous les outils nécessaires à un cordonnier, pour pratiquer son métier. On donne aussi ce nom au bagage d’une personne peu fortunée.
La Saint-Crépin. Fête patronale des cordonniers. Tout le monde connoît cette chanson triviale : C’est aujourd’hui la Saint-Crépin, mon cousin, etc.

Larchey, 1865 : Cordonnier. — Mot à mot : enfant de saint Crépin. — On sait que saint Crépin est le patron des bottiers et des cordonniers.

Je défie bien le Crépin de me faire des bottes plus justes.

La Correctionnelle.

France, 1907 : Cordonnier. Saint Crépin, patron de la corporation.

Crépine

Larchey, 1865 : Bourse (Vidocq). — Ce doit être, comme le crapaud, une bourse de cuir.

Delvau, 1866 : s. f. Bourse, — dans l’argot des voleurs qui savent que les premières bourses ont été des aumônières et que saint Crépin est le patron du cuir.

Rigaud, 1881 : Bourse, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Bourse. Cordonnière.

France, 1907 : Bourse. La plupart des bourses de campagnards sont en cuir, d’où ce nom dérive naturellement du travailleur en cuir, c’est-à-dire du crépin.

Crépons

Rigaud, 1881 : Petits paquets de faux-cheveux roulés. Les crépons se fabriquent avec les résidus des cheveux détachés du peigne, jetés à la rue et collectionnés par les chiffonniers. Les cheveux ainsi recueillis se vendent cinq francs la livre.

Cres

Halbert, 1849 : Vite.

Crès

France, 1907 : Vite.

Crespiniere

Halbert, 1849 : Beaucoup.

Crespinière

France, 1907 : Beaucoup.

Cresson

d’Hautel, 1808 : Cresson alénois. Espèce de cresson qui vient dans les jardins ; et non, à la noix, comme on le dit fréquemment par corruption.

La Rue, 1894 : Chevelure.

France, 1907 : Cheveux ; employé dans cette expression : avoir ou n’avoir pas de cresson sur la fontaine. Les soldats d’Afrique disent dans le même sens : avoir ou n’avoir pas d’alfa sur le plateau.

Cresson sur la fontaine ou sur le caillou

Rossignol, 1901 : Avoir des cheveux sur la tête.

Cresson sur le caillou (n’en plus en avoir)

Virmaître, 1894 : Homme chauve (Argot du peuple).

Crète

d’Hautel, 1808 : Lever la crète. Faire le hautain, l’orgueilleux, le fat et le fanfaron.
Baisser la crète. Perdre de sa vanité, devenir humble par l’effet de quelque disgrace ou de quelque malheur.

Crétin

Delvau, 1866 : s. m. Rival littéraire ou artistique, — dans l’argot des peintres et des gens de lettres. Ils disent aussi goitreux.

France, 1907 : Épithète que se lancent mutuellement les artistes et les gens de lettres qui ne partagent pas les mêmes opinions, en littérature, en politique ou en art.

Crétinisé (être)

Fustier, 1889 : Être ébaubi, stupéfait d’admiration.

— C’est la plus belle créature de notre temps. — J’en suis crétinisé !

(Vie Parisienne, 1882.)

Crétiniser (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Faire toujours la même chose, avoir les mêmes habitudes, — dans le même argot [des peintres et des gens de lettres].

France, 1907 : S’encroûter dans les mêmes habitudes ; faire chaque jour la même besogne.

Creuse

Halbert, 1849 : Gorge.

France, 1907 : Gosier.

Creuser

d’Hautel, 1808 : Creuser sa fosse. Hâter par une mauvaise conduite le terme de sa carrière.

France, 1907 : « Approfondir, en parlant de l’exécution d’une œuvre artistique où littéraire. Creuser son sujet, c’est le préparer avec soin. » (Lorédan Larchey.)

Creuser son rôle

Rigaud, 1881 : Souligner chaque phrase, — dans le jargon des comédiens, comme si le public n’était pas jugé capable de saisir les beautés du rôle.

Creuset

Delvau, 1864 : La nature de la femme.

Ma femme tempeste
Dans son cabinet :
Je luy mets mon reste
Dedans son creuset.

(Chansons folastres.)

Creux

d’Hautel, 1808 : Cet homme a un bon creux. Pour à la voix forte et sonore.
De la viande creuse. Alimens non-substantiels, tels que certains légumes.
Avoir le ventre creux. Être à jeun ; n’avoir pas pris ses repas accoutumés.
Il n’en a pas pour sa dent creuse. Se dit par ironie d’un homme fort dépensier, d’un envahisseur a qui on semble ne jamais donner assez, quelque chose que l’on fasse en sa faveur.

anon., 1827 : Maison.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Maison.

Bras-de-Fer, 1829 : Maison.

Delvau, 1866 : s. m. Voix, — dans l’argot du peuple. Bon creux. Belle voix, claire, sonore. Fichu creux. Voix brisée, défaillante, qui « sent le sapin ».

Delvau, 1866 : s. m. Maison, logis quelconque, — dans l’argot des voyous. Les voyous anglais disent de même Ken, apocope de Kennel (trou, terrier).

Rigaud, 1881 : Maison. — Voix. — Avoir un bon creux, avoir une voix bien timbrée, sonore.

La Rue, 1894 : Maison. Voix.

France, 1907 : Voix. Bon creux, voix claire et sonore. Foutu creux, voix cassée, sourde. « Ah ! Mon pauvre vieux, tu as un foutu creux, tu sens le sapin. »

France, 1907 : Logis, maison.

Crevaille

d’Hautel, 1808 : Bâfre, ripaille, repas où l’on mange avec excès.

Crevaison

Delvau, 1866 : s. f. Agonie, — dans l’argot du peuple. Faire sa crevaison. Mourir.

La Rue, 1894 : Mort. Faire sa crevaison, mourir.

Crevaison (faire sa)

Rigaud, 1881 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

Crevant

Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, — dans l’argot des petites dames.

Rigaud, 1881 : Triste, navrant.

Fustier, 1889 : Très drôle, à crever de rire.

France, 1907 : Ennuyeux ou amusant à mourir : se disent l’un et l’autre.

Foin des moralistes moroses !
Ils ont des principes crevants ;
Vois ce que l’on apprend de choses,
Tout simplement dans les couvents.

(Jacques Redelsperger)

Crevard

Delvau, 1866 : s. m. Enfant mort-né, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Enfant mort-né.

France, 1907 : Enfant mort-né. Malade que le docteur achève de tuer.

Crevation

d’Hautel, 1808 : Faire sa crevation. Locution barbare et populaire qui signifie mourir, terminer sa carrière.

Crevé

Delvau, 1866 : s. m. Homme maigre pâle, ruiné de corps et d’âme, — dans l’argot des ouvriers. Petit crevé. Synonyme de gandin.

La Rue, 1894 : Voir Copurchic.

Crevé (petit)

France, 1907 : Petit jeune homme dont la principale occupation est le souci de sa personne. Jeune fainéant que balaiera du trottoir la prochaine révolution sociale. On dit aussi simplement : crevé.

Peut-être apprendrons-nous aussi que les dames de la cour et les crevés du macadam ont dansé, comme à l’exécution des quatre sergents de la Rochelle, autour de quelques pieds carrés où seront couchés les cadavres encore chauds de Ferré ou de Rossel.

(Camille Barrère, Qui-vive !)

Hier, sur les boulevards, un corbillard vide passe à toute vitesse.
Un jeune gommeux, frais et rose, qui traversait la chaussée, est presque renversé par la voiture noire.
— Dites donc, cocher, vous ne pourriez pas faire attention, vous avez failli m’écraser, j’ai pas encore envie d’aller dans votre voiture.
— Hé ! va donc, sale crevé, j’en ai porté au cimetière qui avaient encore meilleure mine que toi.

(Ange Pitou)

I’s sont comm’ ça des tas d’crevés,
Des outils, des fiott’s, des jacquettes,
Des mal foutus, des énervés
Montés su’ des flût’ en cliquettes…

(Aristide Bruant)

Crève-cœur

d’Hautel, 1808 : Déplaisir, chagrin, dépit, jalousie intérieure et secrète.
Cette nouvelle lui a donné un fier crève-cœur. C’est-à-dire, l’a consterné, accablé.

Crevé, petit-crevé

Rigaud, 1881 : Jeune efféminé d’une maigre élégance.

À plusieurs époques on a observé qu’une certaine partie de la jeunesse affectait des airs d’épuisement, s’efféminait dans le langage et se livrait à la folie en toussant… Les petits-crevés n’affectent rien. Ils sont bien réellement crevés… Leur voix est nasillarde, leurs muqueuses sont pâles, signes de constitution épuisée et refaite par l’iode.

(Nestor Roqueplan.)

Crève-faim. Engagé militaire. On dit communément au régiment en parlant d’un engagé volontaire : La planche à pain était trop haute.

Crever

d’Hautel, 1808 : Mangé comme un crevé. Manger en goinfre, en glouton.
Il est crevé. Manière triviale et indécente de dire que quelqu’un est mort.
S’il pouvoit crever ! Se dit plattement et méchamment de quelqu’un dont on souhaite la mort.
Se crever de rire. Rire avec excès.
Crever d’orgueil. Avoir un orgueil insupportable.

Delvau, 1866 : v. a. Congédier, renvoyer, — dans l’argot des typographes.

Delvau, 1866 : v. a. Battre, — à tuer, souvent. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Congédier, renvoyer, — dans le jargon des typographes. — Le prote vient de me crever.

Boutmy, 1883 : v. a. Débaucher, congédier : Il a laissé sa copie en plan pendant deux jours, le prote l’a crevé. Être crevé à balle, être débauché d’une manière tout à fait définitive, sans espoir de rentrer.

La Rue, 1894 : Mourir. Échouer alors qu’on était sur le point de réussir.

Crever (s’en faire)

France, 1907 : Cette expression est employée ironiquement et dans un sens de refus. Tu l’en ferais crever, c’est-à-dire : tu as beau faire, tu n’obtiendras pas ce que tu désires.

Crever (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Manger avec excès, à en mourir, — dans l’argot du peuple.

Crever (tu t’en ferais)

Rigaud, 1881 : Formule négative et voyoucratique équivalente à : jamais.

Crever à tel endroit

France, 1907 : Arrêter la composition, en terme de typographie.

Crever l’évangile

France, 1907 : Expression qui se disait autrefois des prêtres réformes qui épousaient leur chambrière.

Crever l’œil

Delvau, 1864 : Introduire le membre viril dans le vagin d’une femme, ou dans le cul d’un homme.

Un jeune homme qui venait la lance en arrêt pour te crever l’œil.

D’Ablancourt.

Crever l’œil au diable

Delvau, 1866 : v. a. Réussir malgré les envieux, faire du bien malgré les ingrats, — dans le même argot [du peuple].

La Rue, 1894 : Réussir malgré les envieux.

France, 1907 : Réussir en dépit des envieux.

Crever la faim

France, 1907 : Expression bizarre autant que ridicule qui n’est ni de l’argot ni du français, mais du simple baragouin et dont abusent certains écrivains des plus à la mode. On crève de faim, on ne crève pas la faim.

Autour du billard et à travers la fumée de cent fourneaux de pipes, on distinguait, grouillant, braillant et gesticulant, un tas de fainéants, de crève-la-faim, et aussi de petits bourgeois venant régulièrement là chaque soir pour y tenter la chance.

(Louis Daryl)

Nous croyons que le monde est mal fait, qui permet à tel fils de raffineur d’avoir 3000 fr. à dépenser par jour ; qui permettait à feu le général Maltzeff de posséder vingt-neuf mines, d’occuper cinquante-cinq mille ouvriers — alors que les peuples crèvent la faim.
Nous ne sommes pas cruels… puisque, même devant ces contrastes, nous ne souhaitons pas la réciproque, mais seulement une plus juste répartition des biens.

(Séverine)

Crever la paillasse

Rigaud, 1881 : Assommer de coups, donner des coups de pied au ventre. La paillasse, c’est le ventre.

France, 1907 : « À force d’entendre toute la journée des phrases comme celles-ci :

Crever la paillasse ;
Mettre les tripes au soleils ;
Taillader les côtes ;
Brûler les gueules ;
Ouvrir la panse,

je m’y étais habitué et j’avais fini par les trouver toutes naturelles. »

(Hector France, L’Homme qui tue)

Au moment de l’assassinat de l’archevêque de Paris, Mgr Sibour, par l’abbé Verger, dans l’église de Sainte-Geneviève, on chanta une complainte dont voici le refrain :
  Verger, il creva la paillasse
  À monseigneur l’archevêque de Paris.

Crever la peau

France, 1907 : Même sens que ci-dessus [crever la paillasse].

Frères, jurons sur ses appas
Que Bismarck n’y touchera pas,
Pour elle, à l’ombre du drapeau,
Nous nous ferons crever la peau !
Voilà pourquoi nous la chantons !
Vive la Noire et ses tétons !

(Aristide Bruant)

Crever la pièce de dix sous

Rigaud, 1881 : Sacrifier au dieu de Sodome, — dans l’argot des marins.

Crever la Sorbonne

France, 1907 : Casser la tête de quelqu’un.

Crever le bocal (s’en faire)

Virmaître, 1894 : Avoir trop mangé. S’être bourré au point que le bocal (ventre) en crève (Argot du peuple).

France, 1907 : Manger trop et gloutonnement.

Crever le casaquin

France, 1907 : Même sens que crever la paillasse.

S’i’ s’rait parti pour el’ Tonkin,
I’ s’rait fait crever l’casaquin
Comm’ Rivière…
Un jour on aurait p’t’êt’ gravé
Sur un marbre ou sur un pavé
L’nom d’sa mére.

(Aristide Bruant)

Crever, crever à la ligne

Rigaud, 1881 : Dans certains journaux où l’on paie tant la ligne, les quarts de lignes et les demi-lignes ne comptent pas. C’est ce que les journalistes appellent crever à la ligne. Dans certains recueils périodiques on crève après deux feuillets.

Crevette

Delvau, 1864 : Lorette. — Mot de création tout à fait récente.

Le petit crevé une fois affirmé, il a fallu lui trouver sa femelle, et à sa femelle donner un nom ; une dérivation toute naturelle a conduit au nom de crevette.

Nestor Roqueplan.

Delvau, 1866 : s. f. Petite dame de Breda-Street. Mot de création tout à fait récente.

Rigaud, 1881 : Femelle du petit-crevé. Le peuple appelle crevettes les demoiselles qui portent des robes courtes et de couleur voyante (1868-69). — Femme galante. Viens-tu souper, il y aura de la crevette. Il y aura des femmes.

Virmaître, 1894 : Nom donné aux filles du demi-monde. On appelle aussi crevette une femme maigre (Argot du boulevard). V. Agenouillée.

France, 1907 : Jeune personne de mœurs légères. Féminin de crevé. C’est aussi une femme ou une jeune fille petite et maigre.

Cri-cri

France, 1907 : Grillon. Onomatopée. Nom donné par les ménagères de certaines provinces à un lapin où un poulet de petite taille.

Criailler

d’Hautel, 1808 : Quereller, brailler, crier à tort et à travers, et souvent sans raison.

Delvau, 1866 : v. n. Crier toujours, quereller de paroles, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Crier continuellement et à tous propos, suivant l’usage des mégères.

Criaillerie

d’Hautel, 1808 : Crierie, clabauderie, cris importuns et répétés.

Criailleur

d’Hautel, 1808 : Qui crie, qui gronde continuellement, et sur les moindres choses.

Criard

d’Hautel, 1808 : Braillard, homme qui se met facilement en colère.
Dettes criardes. Dettes de peu de valeur, qui ternissent la réputation de celui qui ne les acquitte pas avec exactitude et fidélité.

Criarde

Rigaud, 1881 : Lime, scie. — Sonnette. — Tirer la criarde, sonner.

France, 1907 : Poule

Criblage

Larchey, 1865 : Cri.

On peut les pésiguer et les tourtouser en leur bonnissant qu’ils seront escarpés s’il y a du criblage.

Vidocq.

Rigaud, 1881 : Cri ; appel désespéré.

Criblage, criblement

France, 1907 : Appel, cri.

Cribler

Clémens, 1840 : Crier.

Larchey, 1865 : Crier. — Corruption du mot crier. V. Charron.

Delvau, 1866 : v. n. Crier, — dans l’argot des voleurs. Cribler à la chienlit ou au charron. Crier au voleur. Cribler à la grive. Avertir un camarade, en train de travailler, de l’arrivée de la police ou d’importuns quelconques.

Rigaud, 1881 : Crier. — Cribler au charron, crier au voleur. — Cribler à la grive, crier d’une certaine manière pour annoncer à un confrère en vol l’arrivée de la police.

La Rue, 1894 : Crier.

Rossignol, 1901 : Crier.

France, 1907 : Crier, appeler.

Cribler à la grive

Halbert, 1849 : Crier, avertir de prendre garde.

Virmaître, 1894 : Crier à la garde. Appeler au secours (Argot des voleurs).

France, 1907 : Crier à la garde.

Par contretemps, ma largue,
Voulant s’piquer d’honneur,
Craignant que je la nargue,
Moi qui n’suis pas taffeur
Pour gonfler ses balades
En caque dans un’ rade,
Sert sigues à foison.
On la crible à la grive,
Je m’la donne et m’esquive :
Elle est paumé’ marron.

(Vidocq)

Cribleur

Halbert, 1849 : Crieur.

Cribleur de frusques

Virmaître, 1894 : Marchand d’habits (Argot des voleurs).

France, 1907 : Marchand d’habits. Cribleur de lance, porteur d’eau ; — de macchabées, gardien de cimetière, qui avertit de l’arrivée d’un convoi ; — de malades, gardien de prison, qui appelle les détenus au parloir ; — de verdouze, marchand des quatre-saisons.

Cribleur de lance

Larchey, 1865 : Porteur d’eau. — Il crie à l’eau.

Delvau, 1866 : s. m. Porteur d’eau.

Cribleur de malades

Delvau, 1866 : s. m. Celui qui, dans une prison, est chargé d’appeler les détenus au parloir.

Cribleur de verdouse

La Rue, 1894 : Marchand des quatre-saisons. Cribleur de macabés, gardien de cimetière qui sonne la cloche à l’arrivée d’un convoi. Cribleur de lance, porteur d’eau.

Cribleur de verdouze

Rigaud, 1881 : Marchand des quatre saisons. — Cribleur de frusques, marchand d’habits ambulant. — Cribleur de malades, employé chargé d’appeler les détenus au parloir. — Cribleur de machabées, gardien de cimetière qui sonne la cloche pour annoncer l’arrivée d’un convoi funèbre. — Cribleur de beurre, agent de change.

Virmaître, 1894 : Marchand des quatre saisons (Argot des voleurs).

Cric

Delvau, 1866 : s. m., ou crique s. f. Eau-de-vie de qualité inférieure, — dans l’argot des faubouriens.

Merlin, 1888 : Voyez Schnick.

La Rue, 1894 : Eau-de-vie. Être remonté, comme l’outil du même nom. Un cran est une consommation.

Rossignol, 1901 : Mauvaise eau-de-vie.

France, 1907 : Eau-de-vie.

Cric ! crac !

France, 1907 : Interjection usitée dans les chambrées pour s’assurer que personne ne dort quand on raconte une de ces mirobolantes histoires telles que celle du caporal La Ramée, ou celle de la princesse amoureuse du gendarme. Lorsqu’un narrateur se doute qu’un des membres de son auditoire dort, il s’interrompt pour crier cric ! et tous de répondre : crac ! Celui qui ne répond pas est mis à l’amende. Le Petit Piou-piou en donne un amusant exemple :

« Cric ! crac ! sabot, cuillère à pot, sous-pied de guêtre !… marche avec ! a force de marcher, on fait beaucoup de chemin, surtout si on ne tombe pas dans la m…élasse, on n’a pas la peine de se débarbouiller. Je traverse un fossé où il y avait cent pieds de moutarde ; on prenait la respiration par la première boutonnière de la guêtre. Je passe une Forêt où il n’y avait pas d’arbres et j’arrive dans un village où il n’y avait pas de maisons ; je frappe à la porte, tout le monde me répond. — Pan pan ! — Qui est là ? — C’est moi, ma petite Fanchon. — Attends que je fiche mon mari à la porte et que je tire le cordon. La place est chaude, viens donc. Veux-tu du poulet ou du dindon, du lard ou du cochon, de la soupe ou du bouillon, du saucisson, un oignon, où simplement une boule de son ? — Non, non, je suis bon garçon, et je me contente de baiser ton joli piton, tes petits pétons, et tes deux amours de tétons. — C’est bon ! maintenant vas-y et conte donc ! » Alors Brisquart commence. Un jour, il dit les farces de La Ramée, un autre, Aladin ou la Lampe merveilleuse, puis les trois poils du… du diable, car il en a un véritable sac, et toutes plus tordantes les unes que les autres. Écoutez et ne ronflez pas surtout, on n’aime pas le son de l’orgue. Soyez prêt lorsqu’il criera cric ! afin de voir si on ne dort pas, à répondre crac ! car ce n’est pas gai de conter pour les gamelles et les bidons.

Cric-crac !

Merlin, 1888 : Avertissement qui précède la narration par un loustic, d’une gaudriole ou d’un conte. — Cric ! — Crac ! — La m… dans ton sac !

Cric-croc

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : À ta santé.

Halbert, 1849 : À ta santé.

Rigaud, 1881 : À ta santé, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Toast des voleurs.

Cric-croc !

Delvau, 1866 : À ta, ou À votre santé ! — dans l’argot du peuple et des voleurs.

Cric-croc !

La Rue, 1894 : À ta santé !

Cric, crick

Hayard, 1907 : Eau-de-vie.

Cric, crik, crique

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie.

Cric, croc

anon., 1827 : À ta santé.

Bras-de-Fer, 1829 : À ta santé.

Crie

Bras-de-Fer, 1829 : Viande.

France, 1907 : Viande. La crie corne, la viande est puante.

Crie ou criolle

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Viande. Morfiler la criolle, manger de la viande.

Crie, criolle

anon., 1827 : De la viande.

Halbert, 1849 : De la viande.

Larchey, 1865 : (Vidocq). — Viande. V. Artie.

Crier

d’Hautel, 1808 : Il crie comme un aveugle qui a perdu son bâton. Voyez Aveugle.
Il faut plumer la poule, mais sans la faire crier. Signifie qu’il faut jouir des avantages que procure une place, mais n’en pas abuser.
Crier aux petits pâtés. Se dit lorsqu’on est surpris tout-à-coup par de vives douleurs, et notamment d’une femme lorsqu’elle est en mal d’enfant.

Crier à la chianlit

M.D., 1844 : Au voleur.

Crier à la chie-en-lit

Rossignol, 1901 : Faire crier quelqu’un en lui faisant mal. Un agent de police qui poursuit un voleur, s’il ne peut arriver à le rejoindre, crie : Au voleur ; c’est ce qu’il appelle crier à la chie-en-lit.

Crier à la garde

Delvau, 1866 : v. n. Se plaindre mal à propos, — comme les gens qui font déranger les hommes d’un poste à propos de rien. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Se plaindre à propos de rien. — Crier au vinaigre, crier au secours. Crier aux petits pâtés, faire entendre les cris qui accompagnent l’accouchement.

Notre voisine a crié aux petits pâtés.

(Parnasse satirique.)

Oudin (Curiosités françaises) donne : Crier des petits pâtés avec le sens d’accoucher.

Crier au bon vinaigre

France, 1907 : Hurler, appeler, gémir.

Crier au charron

Rossignol, 1901 : Faire mal.

Je l’ai serré tellement fort qu’il criait au charron.

Crier au vinaigre

anon., 1827 : Crier après quelqu’un.

Halbert, 1849 : Crier après quelqu’un.

Delvau, 1866 : v. n. Appeler au secours. Même argot [du peuple].

Crier aux petits patés

Virmaître, 1894 : Femme qui accouche difficilement et qui crie comme une baleine (Argot du peuple).

France, 1907 : Se dit des gémissements d’une femme en couches.

Crier aux petits pâtés

Delvau, 1866 : v. n. Se dit — dans le même argot [du peuple] — d’une femme en mal d’enfant, qui se plaint d’abord comme Gargamelle faisant le même vœu impie qu’elle, et, après remerciant Dieu et son Grandgousier.

Crier famine sur un tas de blé

France, 1907 : Se plaindre de la misère des temps, bien qu’on ait la huche garnie de viande et de miches. « C’est l’habitude des bourgeoises de crier famine sur un tas de blé. »

Crierie

d’Hautel, 1808 : Chicanes, réprimandes sur des choses peu importantes.

Crigne

Clémens, 1840 : Viande.

M.D., 1844 : Viande.

un détenu, 1846 : Viande.

Delvau, 1866 : s. f. Viande, — dans l’argot des voleurs et des filles. Ne serait-ce pas une contraction de carogne, mot dérivé du latin caro ? D’un autre côté, je trouve crie et criolle dans le dictionnaire d’Olivier Chéreau, et Bouchet lui donne la signification de Lard. Auquel entendre ?

Rigaud, 1881 : Viande, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Viande. Crignolier, boucher.

Virmaître, 1894 : Viande dure comme une vieille semelle (Argot des voleurs) V. Bidoche.

Rossignol, 1901 : La viande dure ou mauvaise est de la crigne.

Crigne, crignole

France, 1907 : Viande, fricot.

— C’est affaire à toi, dit Masson, comme tu joues des dominos (des dents) : à te voir, on croirait que tu morfiles dans de la crignole.

(Marc Mario et Louis Launay)

Crignolier

Delvau, 1866 : s. m. Boucher.

Virmaître, 1894 : Boucher. Marchand de crigne (Argot du peuple).

France, 1907 : Boucher.

Crime

d’Hautel, 1808 : Voilà-t-il pas un gros crime. Phrase récriminatoire et ironique, pour dire qu’une action ne méritoit pas la peine ou la disgrace dont elle a été suivie.

Crin

d’Hautel, 1808 : Il est comme un crin. Expression métaphorique, pour dire qu’un homme est fort irrité, qu’il est enflammé de colère.
Crin. Se dit aussi pour cheveux.
Se prendre aux crins. Se prendre aux cheveux, en venir aux mains, se battre à toute outrance.

Delvau, 1866 : s. m. Personne désagréable d’aspect et de langage. — dans l’argot du peuple. Être comme un crin. Être de mauvaise humeur.

France, 1907 : Personne désagréable, irritable, grincheuse. On dit vulgairement : Elle est comme un crin où un bâton merdeux.

Crin (être comme un)

Rigaud, 1881 : Être de très mauvaise humeur. À tous crins, exagéré dans ses opinions, dans ses paroles, dans sa mise.

Virmaître, 1894 : Homme sans cesse furieux. Individu plus gênant que gêné (Argot du peuple).

Crin-crin

Delvau, 1866 : s. m. Violon de barrière, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Violon. Allusion au grincement de l’archet sur les cordes (Argot du peuple).

Crincrin

France, 1907 : Violon.

Quand une femme voulait une perruche, elle n’avait qu’à s’adresser au capitaine Courtebaisse, et si elle ne se dérobait pas, si elle consentait à lui donner quelques heures de rêve, quelques secondes de jouissance, si elle lui frôlait le cou de ses bras nus qui sentaient bon, le vieux arrivait, le lendemain, avec son aumône accoutumée. Il donnait lui-même la première représentation, dialoguait avec son oiseau, l’excitait, chantait en même temps que lui, si drôlement que la femme battait des mains, se roulait sur son lit, était plus heureuse d’être payée en cette monnaie, que s’il avait éparpillé des bank-notes sur la cheminée. Et toujours, à la fin, l’on refermait les volets et l’on recommençait la fête interrompue, l’on s’embrassait avec des rires fous, tandis que la perruche, effarée par ces brusques ténèbres, sacrait, glapissait tout son répertoire, vite, vite, comme on débite les psaumes, à vêpres, un dimanche de printemps, où le violonaire rôde sur la place avec son crincrin sous le bras.

(Mora, L’Éleveur de perroquets)

Crinière

d’Hautel, 1808 : Une vilaine crinière. Vilaine chevelure ; perruque vieille, crasseuse et dégoûtante.
Prendre quelqu’un par la crinière. Pour, le prendre par le chignon, lui faire un mauvais traitement ; en venir aux voies de fait avec lui.

Crinolier

France, 1907 : Voir Criollier.

Crinoline

Rigaud, 1881 : Dame d’un jeu de cartes.

France, 1907 : Dame de cartes, qui est attifée d’une robe ballonnés.

Crinollier, criollier

Rigaud, 1881 : Boucher, — dans le jargon des voleurs.

Crins

Delvau, 1866 : s. m. pl. Cheveux, — dans l’argot du peuple, qui n’est pas aussi irrespectueux qu’on pourrait le croire au premier abord, puisque La Fontaine a dit :

Fille se coiffe volontiers
D’amoureux à longue crinière.

Rigaud, 1881 : Cheveux.

France, 1907 : Cheveux. L’expression à tous crins était fréquemment appliquée. Démocrate à tous crins, poète à tous crins. Brave à tous crins, avec un sens d’excessif et d’outrance ; une chevelure épaisse et touffue étant considérée, depuis la plus haute antiquité, comme l’emblème de la force.

Criolier, crinolier

Larchey, 1865 : Boucher.

Nous allons barbotter demain la cambriolle d’un garçon crinolier.

Canler.

Criolle

France, 1907 : Viande. Morfiler de la crignole, manger de la viande.

Criollier, crinolier

France, 1907 : Débitant de criolle, boucher. Autre forme de crignolier.

Crique

Larchey, 1865 : Eau-de-vie (Vidocq).

Un verre de criq’ ne fait pas de mal.

J. Choux.

Crique, crick

France, 1907 : Eau-de-vie.

Criquer (se)

Rossignol, 1901 : Se sauver, fuir.

On criait au voleur, je me suis criqué.

France, 1907 : Se griser avec du crique. Se dit aussi pour s’enfuir.

Criquet

Delvau, 1866 : s. m. Homme de petite taille, qui ne compte pas plus qu’un grillon, — dans l’argot du peuple, qui s’incline volontiers devant la Force et méprise volontiers la Faiblesse.

France, 1907 : Homme de petite taille, chétif et malingre.

À voir la façon dont ce beau brun, avec sa stature de lutteur forain, se campe à la tribune comme pour jeter le caleçon, on le prendrait en plutôt pour l’élu de Marseille.
Les boniments qu’il débite obtiennent peu de succès, et c’est un petit criquet, gros comme quatre sous de beurre, qui relève le caleçon, et, comme il arrive souvent à la foire, fait toucher les épaules à l’hercule.

(Grosclaude, Le Journal)

Cris de merluche

Delvau, 1866 : s. m. pl. Cris épouvantables, — comme ceux que poussait Mélusine, la pauvre belle serpente dont Jean d’Arras nous a conservé la touchante histoire. On dit aussi Crier comme une merlusine.

Rigaud, 1881 : Cris formidables poussés dans le but d’ameuter le monde ; cris comme en font entendre les femmes corrigées à tour de bras par leurs maris.

Cris de merluche ou de paon

France, 1907 : Discussion sur un ton aigu et aigre. Cri perçant comme en poussent généralement les femmes dans les orages domestiques.

Cristaline

France, 1907 : Maladie du boyau cullier, dirait Rabelais, qui n’affecte que les tantes et qui devait être fort commune dans la légion Thébaine. Les historiens ne disent pas de quelle facon on la guérissait.

Cristalline

Delvau, 1864 : Maladie vénérienne de l’anus, — ce que les satiriques latins appellent crista, ou marisca. Ce sont des espèces de caroncules, de crêtes, que font pousser là les habitudes sodomiques. — C’est, à tort que M. Louis Protat a, dans sa parodie de Lucrèce, dit :

Mais là, de tous les maux que redoute une pine :
Chancres, crêtes de coq, vérole, cristalline…

La pine la donne, mais ne la reçoit pas, — comme une noble et charitable dame qu’elle est.

Cristallisation

Larchey, 1865 : Condensation intellectuelle.

Un homme d’esprit, Stendhal, a eu la bizarre idée de nommer cristallisation le travail que la pensée de la marquise fit avant, pendant et après cette soirée.

Balzac.

On sait que la cristallisation unit et solidifie les parties d’une substance dissoute dans un liquide.

Cristalliser

Larchey, 1865 : Paresser au soleil. — Terme de chimie.

Permis à tous de se promener dans les cours, de fumer leur pipe, de cristalliser au soleil.

La Bédollière.

Delvau, 1866 : v. n. Flâner, se reposer, — dans l’argot des Polytechniciens.

Cristalliser (se)

Rigaud, 1881 : Ne rien faire, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Fainéanter, s’étendre au soleil. Argot des étudiants.

Critiqueur

d’Hautel, 1808 : Barbarisme fort usité dire, railleur, moqueur, persiffleur.

Croasseur

France, 1907 : Corbeau.

Croc

d’Hautel, 1808 : Aphérèse d’escroc.
C’est un fameux croc. Dénomination injurieuse, et qui équivaut à fourbe, fripon, misérable, qui ne vit que de vols et de rapines.
Fier comme un croc. Sans doute par analogie avec croc, espèce de moustache qu’on laisse croître au-dessus des lèvres supérieures, et qui donne au visage un air noble, male et vigoureux.
Pendre une affaire au croc. La mettre à l’arriéré.
On dit aussi pendre son épée au croc. Pour se retirer du service militaire.

France, 1907 : Pièce de vingt sous.

C’pauv’ Erness’, mince c’qui r’naude !
(C’est pour lui qu’est mon jaspin.)
Pus un croc dans sa bagn’aude :
Sa Louise y pose un lapin.

(Blédort)

France, 1907 : Eau-de-vie : forme de cric.

Les trois cents marins s’abandonnaient à leur joie avec frénésie ; les marchandes leur vendaient des cannes, des étuis de fer-blanc pour leurs feuilles de route, et leur distribuaient de larges verres de croc.

(G. de La Landelle, Les Gens de mer)

France, 1907 : Aphérèse d’escroc.

Croc (avoir les)

Hayard, 1907 : Avoir faim.

Croc-en-jambe

d’Hautel, 1808 : Donner un croc-en-jambe à quelqu’un. Au figuré, signifie ruiner les espérances de quelqu’un, lui jouer de mauvais tours.

Croche

Rigaud, 1881 : Main. Apocope de « accroche. » Les mains du voleur accrochent tout ce qu’elles peuvent.

Croché

France, 1907 : Attraper, saisir ; abréviation de crocheter.

Si le matelot est en bordée (c’est-à-dire hors de son bord sans autorisation), l’hôtesse sort pour explorer les lieux, elle guette le gendarme, prévient à temps et a toujours quelque moyen tout prêt de cacher ou de faire évader son protégé : une échelle est jetée d’une fenêtre à une autre, et le matelot s’esquive dans la maison en face, tandis que le gendarme visite le domicile. Tout le quartier s’intéresse à la ruse ; mais, si le délinquant est croché, un dernier verre de cognac lui sera offert par sa logeuse elle-même avant que son escorte l’emmène.

(G. de La Landelle, Les Gens de mer)

Crocher

Halbert, 1849 : Sonner.

France, 1907 : Syncope de crocheter. Crocher une serrure.

France, 1907 : Sonner.

Crocher (se)

Larchey, 1865 : « Je grille de vous voir crocher avec le Maître-d’École, lui qui m’a toujours rincé. » — E. Sue. — V. S’accrocher.

Delvau, 1866 : v. réfl. Se battre à coups de poing et de pied, comme les crocheteurs, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Se battre.

Crocher une porte

Delvau, 1866 : v. a. La crocheter, — dans l’argot du peuple.

Crocher, crosser

Rigaud, 1881 : Sonner. — Faire crosser sa braise, faire sonner son argent. — Se crocher, se battre, pour se crocheter.

Crochet

d’Hautel, 1808 : Une lingère au petit crochet. Nom que l’on donne par raillerie aux femmes qui ramassent les chiffons de côté et d’autre, avec un petit crochet enté au bout d’un bâton.
Être aux crochets de quelqu’un. Vivre à ses dépens ; n’exister que de ses bienfaits.
Aller aux mûres sans crochet. Entreprendre quelque chose sans avoir ce qui est nécessaire à son exécution.

Crocheteur

d’Hautel, 1808 : C’est un vrai crocheteur. Épithète injurieuse ; homme grossier, brutal, et sans éducation.

Crochets

France, 1907 : Dents. Se rincer les crochets, boire ; se faire rincer des crochets, se faire paver à boire.

Crochets (vivre aux)

France, 1907 : Vivre aux dépens de quelqu’un, se faire héberger, entretenir.
On dit aussi vivre aux coches de quelqu’un, par allusion aux coches que faisaient autrefois les boulangers sur un petit bâton et qui servaient à compter les pains fournis.

— Oui ! eh bien, Mlle Ancelin, qui n’est pas une jeunesse, comme vous avez pu le constater, qui approche de la quarantaine, si elle ne l’a pas franchie, passe pour vivre aux crochets d’un amant.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Crochette

France, 1907 : Clé. C’est avec une clé que l’on crochète une porte.

Crochettes

Virmaître, 1894 : Clés (Argot des voleurs). V. Carouble.

Crochu

d’Hautel, 1808 : Avoir les mains crochues. Être fort enclin au vol et à la rapine ; s’emparer de tout ce qui est à sa convenance.

Crocodile

d’Hautel, 1808 : Animal amphibie.
Des larmes de crocodile. Douleur feinte larmes hypocrites, à dessein de surprendre la pitié de quelqu’un.
Le peuple prononce Crocodille, comme s’il y avoit deux ll.

Delvau, 1866 : s. m. Homme de mauvaise foi ou d’un commerce désagréable, — dans le même argot [du peuple]. Signifie aussi Créancier.

France, 1907 : Jeune homme de nationalité étrangère suivant les cours de l’École spéciale militaire.

France, 1907 : Créancier, usurier, homme avide et fourbe.

Crocomolle

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie, — Un de crocomolle, un verre d’eau-de-vie, — dans le jargon des voleurs.

Crocs

Bras-de-Fer, 1829 : Dents.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Dents, — dans l’argot des faubouriens, qui assimilent volontiers l’homme au chien.

France, 1907 : Dents ; moustache.

Crocs (les)

anon., 1827 : Dents.

Halbert, 1849 : Dents.

Croire

d’Hautel, 1808 : Si vous ne voulez pas le croire allez-y voir. Se dit à quelqu’un qui fait l’incrédule, qui semble douter de la vérité d’un récit qui n’a rien que de vraisemblable.
L’eusses-tu cru, mon cher ami ? Facétie populaire, pour tourner en ridicule les personnes qui mettent une certaine affectation à employer, et souvent mal-à-propos, les temps du subjonctif.

Croire avoir trouvé la fève

France, 1907 : Quand quelqu’un croit avoir trouvé la solution d’un problème difficile ou éprouvé un plaisir inespéré, on disait autrefois : Il croit avoir trouvé la fève, allusion au gâteau des Rois. « Pourquoi ris-tu ?… As-tu trouvé la fève ? »

Croire cela et boire de l’eau

France, 1907 : Ce terme est appliqué aux gens crédules et, particulièrement, aux malades qui vont chercher la santé aux Stations balnéaires, croyant aux éloges intéressés des médecins prônant la vertu imaginaire de certaines eaux. Collé l’emploie dans une de ses chansons badines, Vaudeville de Razibus :

Ce raisonnement est fort beau,
Mais croyez ça z’et buvez d’l’eau.

On le trouve aussi dans une piquante parodie de l’Énéide de Virgile en patois bourguignon, parue en 1718 : Virgile virai en Borguignon. Didon répond à Énée, qui lui déclare qu’il doit quitter Carthage par l’ordre des dieux pour se rendre en Italie :

— Croyé celai beuvé de l’éau.
Ces gens lui ont dans le cervaaa
Be d’autre dirfaire que les tienne.

Charles Nisard fait remonter ce dicton aux premiers jours de l’Inquisition, où l’on infligeait le supplice de l’eau à ceux dont les croyances ne concordaient pas avec celles de l’abominable tribal. À cet effet, on étendait le malheureux sur un chevalet de bois, la tête plus basse que les pieds, et on lui introduisait dans la bouche un linge mouillé qui couvrait aussi les narines ; puis on lui versait de l’eau qui filtrait lentement à travers le linge, de sorte que, pour respirer, le patient devait, à chaque seconde, avaler de l’eau pour donner passage à l’air. C’était une succession d’étouffements ; quand le malheureux était presque asphyxié, on retirait le linge, l’on recommençait l’interrogatoire, et, suivant les réponses, le supplice. Bref, il fallait croire ou boire de l’eau. « En usant des mêmes termes aujourd’hui, dit Ch. Nisard, on en a gâté le sens, en substituant la conjonction copulative à l’alternative ; on en a rendu en même temps l’origine plus obscure. »

Croire le premier moutardier du pape (se)

Delvau, 1866 : Se donner des airs d’importance, faire le suffisant, l’entendu, — dans l’argot du peuple, qui a ouï parler du cas que les papes, notamment Clément VII, faisaient de leurs fabricants de moutarde, justement enorgueillis.

France, 1907 : Se donner et se croire beaucoup d’importance ; montrer une suffisance que rien ne justifie. Ce dicton populaire vient de ce que le pape Clément VIII éleva a des postes importants dans ses cuisines trois marmitons qui excellaient à préparer la moutarde.

Croire que c’est arrivé

France, 1907 : Prendre une chose au sérieux ; s’imaginer qu’une fortune imméritée et passagère va durer toujours. « Les colonels de la Commune, élevés à ce poste par l’ignorance ou la jobarderie, croyaient tous que c’était arrité. »

Mais tout le monde ne jouit pas de cette philosophie délicieuse, de cette bonhomie légèrement goguenarde capable d’enfanter de tels propos. Il est des robins gourmés, austères, pénétrés de la gravité de leur mission ; il est de simples mortels croyant que c’est arrivé, que le Code est dieu et que les procureurs sont ses prophètes, — que la Loi, cette entité majestueuse, règne, gouverne, châtie qui même étend le doigt vers sa robe sacrée.

(Séverine)

Croisant

Halbert, 1849 : Gilet.

Larchey, 1865 : Gilet (Vidocq). — Il croise sur la poitrine.

France, 1907 : Gilet. Les gilets, autrefois, croisaient tous sur la poitrine.

Croissant

Clémens, 1840 : Gillet.

Croître

d’Hautel, 1808 : Mauvaise herbe croît toujours. Se dit en plaisantant des enfans espiègles et mutins qui grandissent à vue d’œil.

Croix

d’Hautel, 1808 : Il faut y faire une croix. Se dit d’une créance que l’on soupçonne mauvaise, et dont on croit n’être jamais payé.
Il faut la croix et la bannière pour le voir. Se dit de quelqu’un qui est très-difficile à voir, qui ne répond pas aux invitations qu’on lui fait.
Il faut faire une croix à la cheminée. Voyez Cheminée.
N’avoir ni croix ni pile. C’est-à-dire, ni ressource ni argent.

Rigaud, 1881 : Pièce de cinq francs, — dans l’argot des fripiers.

France, 1907 : C’est le nom que l’on donnait à la pièce de six francs, marquée d’une croix. La demi-croix était de trois francs.

Croix de Dieu

Fustier, 1889 : Alphabet.

Je connaissais la croix de Dieu. La croix de Dieu, vous le savez, n’est rien moins que l’alphabet avec une belle croix au commencement.

(B. Pifteau.)

France, 1907 : Alphabet. Allusion à la croix qui se trouvait en tête des alphabets donnés dans les écoles des frères ignorantins et des sœurs ignorantines. On dit aussi croisette.

Croix de sa mère

France, 1907 : Virginité.

La belle petite compte à peine son vingtième printemps. C’est dans le beau pays bordelais qu’elle perdit son capital, ou, si vous le préférez, la croix de sa mère.

(Le Diable Boiteux, Gil Blas)

Croix ni pile (n’avoir)

France, 1907 : N’avoir pas d’argent ; vieux dicton faisant allusion aux pièces de monnaie d’une époque déjà ancienne, qui portaient au revers une croix ou une pile, c’est-à-dire un portique.

Crole

France, 1907 : Fier.

Crolle

France, 1907 : Écuelle.

Crolle, cronée

La Rue, 1894 : Plat, assiette, écuelle.

Crome

Halbert, 1849 : Crédit.

Crôme

La Rue, 1894 : Crédit.

Crome, cromme

France, 1907 : Crédit.

Cromper

Delvau, 1866 : v. a. Sauver quelqu’un, — dans l’argot des prisons. Cromper sa sorbonne. Sauver sa tête de la guillotine.

Rigaud, 1881 : Sauver. — Cromper sa bille du glaive, sauver sa tête de l’échafaud.

La Rue, 1894 : Sauver quelqu’un.

France, 1907 : Sauver quelqu’un ou se sauver. Cromper la tante, faire évader un de ses camarades. Cromper sa Sorbonne, sauver sa tête.

Crompe, crompe, mercandière,
Car nous serions béquilles.
Sur la placarde de vergne,
Lonfa malura dondaine !
Il nous faudrait gambiller,
Lonfa malura dondé !

Cromper la tante

Virmaître, 1894 : Détenu qui s’emploie pour faire évader un de ses camarades (Argot des voleurs).

Crompir

Rigaud, 1881 : Pomme de terre.

France, 1907 : Pomme de terre. Germanisme.

Crompire

Delvau, 1866 : s. f. Pomme de terre, — dans l’argot du peuple, qui a emprunté ce mot à la Belgique.

Crone

France, 1907 : Écuelle.

Croné, ée

Halbert, 1849 : Écuelle, Écuellée.

Cronée

Rigaud, 1881 : Plat ; assiette, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Écuelle. Une cronée de barbillons de Beauce, voilà la pitance à la Centrousse.

France, 1907 : Écuelle pleine.

Cropiote (à la)

France, 1907 : À croupetons.

Croquaillon

Rigaud, 1881 : Mauvais croquis.

France, 1907 : Mauvais dessin.

Et le soir, après avoir battu Paris et les marchands, elle rentrait en coup de vent avec le déluré d’un amusant geste dont elle lui campait sur la table trois fois le prix de ce que, pour ce croquaillon, il eût osé espérer.

(Camille Lemonnier)

Croquant

Virmaître, 1894 : Paysan (Argot du peuple). V. Pétrousquin.

Rossignol, 1901 : Paysan.

Hayard, 1907 : Paysan.

France, 1907 : Paysan.

Croque-au-sel

d’Hautel, 1808 : Manger quelque chose à la croque-au-sel. C’est-à-dire, sans assaisonnemens, et à peine cuit.
Il le mangeroit à la croque-au-sel. Se dit pour vanter la supériorité d’un homme sur un autre, dans quelque profession que ce soit.

Croque-au-sel (à la)

Delvau, 1866 : adv. Aussi simplement que possible, — au propre et an figuré.

Croque-mitaine

France, 1907 : On appelle ainsi les soldats qui se sont mutilés dans le but d’échapper au service militaire, et qu’on envoie dans les compagnies de discipline.

Croque-mort

Delvau, 1866 : s. m. Employé des pompes funèbres, — dans l’argot sinistre du peuple.

Virmaître, 1894 : Porteur de mort.

Monsieur le Mort, laissez-vous faire,
Il ne s’agit que du salaire.

Le croque-mort est généralement joyeux, il a toujours le petit mort pour rire. C’est l’un d’eux qui a trouvé que la meilleure bière est celle de sapin (Argot du peuple).

France, 1907 : Employé des Pompes funèbres chargé de transporter les morts au cimetière.

Combien de fois ce marchand de vin a dû frémir en entendant ces hommes noirs se faire leurs confidences, en savourant le petit canon de l’amitié sur le comptoir ; il doit être philosophe, celui-là, il doit être habitué à l’image de la mort, car il a pu réfléchir à son aise sur la mobilité des choses humaines ; il était impossible de passer devant cette boutique sans y voir des croque-morts debout devant le comptoir, causant joyeusement et buvant. Les croque-morts boivent beaucoup… Si les croque-morts boivent sec, ils ne trinquent jamais à la santé de personne, parce que la santé est pour eux une ennemie mortelle ; c’est le chômage forcé. Celui qui boirait à l’immortalité serait chassé de la société comme un lépreux.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Croquemitaines

Merlin, 1888 : Voyez Mutilés.

Croquenauds

Rossignol, 1901 : Souliers.

Croquenaux

La Rue, 1894 : Souliers.

Croqueneaux

Delvau, 1866 : s. m. pl. Souliers, — dans l’argot des faubouriens, qui les font croquer quand ils sont neufs. Croqueneaux verneaux. Souliers vernis.

Merlin, 1888 : Souliers neufs, qui croquent, pour craquent.

France, 1907 : Souliers neufs. Croqueneaux cerneaux, souliers vernis. On écrit aussi croquenots.

Mais, mille pétards ! allez donc faire avaler à un jeune bougre, pas tout à fait idiot, qu’il doit cirer la semelle de ses croquenots ?

(Le Père Peinard

Croqueneaux verneaux

Virmaître, 1894 : Souliers vernis (Argot du peuple).

Croquenot

Rigaud, 1881 : Soulier neuf ; pour craqueneuf, les souliers neufs craquent lorsqu’on marche. — Croquenots vernos, souliers vernis.

Hayard, 1907 : Soulier.

Croquenots

anon., 1907 : Souliers.

Croquer

d’Hautel, 1808 : Faire croquer le marmot. Faire attendre long-temps quelqu’un ; le laisser sans occupation et dans une espérance vague.
On dit aussi simplement croquer le marmot, pour, s’amuser à des minuties, à des futilités, se croiser les bras par paresse.
Cet argent sera bientôt croqué. C’est-à-dire, dépensé. Cette locution ne s’emploie qu’en parlant d’un bélître, d’un dissipateur, d’un homme qui n’a ni ordre ni économie.

Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour faire l’acte vénérien.

Par où le drôle en put croquer,
Il en croqua.

La Fontaine.

Tout
Est de votre goût,
Vous croquez tout.

Collé.

Larchey, 1865 : Esquisser, dessiner.

Si je croquais ce chêne avant de déjeuner !

Marcellin.

Delvau, 1866 : v. n. Faire crier les souliers en marchant, — dans l’argot des enfants et des ouvriers.

Delvau, 1866 : v. a. Dessiner à la hâte, — dans l’argot des artistes.

France, 1907 : Dessiner rapidement.

France, 1907 : Craquer.

Croquer le marmot

France, 1907 : Attendre.

J’étais là depuis une heure à croquer le marmot et à écouter la musique des chiens…

(André Theuriet)

Enfin l’Église se déclare victorieuse et il y aura, sur les restes de ce franc-maçon enseveli comme un chrétien, aucune quincaillerie et les frères et amis sont condamnés par six degrés de froid à croquer le marmot dans le cimetière, ou à battre la semelle, ou, ce qui serait préférable, à faire un nombre considérable de carambolages au café de la Mairie, tous revêtus de leurs insignes.

(Louis Daryl, Gil Blas)

Croquer un marmot

Delvau, 1866 : Attendre en vain, — dans l’argot du peuple.

Croquer une femme

Delvau, 1864 : La baiser, ce qui est une friandise exquise.

C’est que la plupart sont des goulus, qui ne veulent des femmes que pour eux : ils ont beau faire, on en croquera toujours quelques-unes à leur barbe.

(Théâtre italien.)

Croquer une poulette

France, 1907 : Abuser d’une innocente, séduire un tendron, prendre un pucelage.

— Mais… ma poulette… tu es jolie à croquer : il est tout naturel que je veuille te croquer…

(Alfred Delvau, Le Fumier d’Eunius)

Les plus nouvelles, sans manquer,
Étaient pour lui les plus gentilles ;
Par où le drôle en put croquer,
Il en croque, femmes et filles,
Nymphes, grisettes, ce qu’il put ;
Toutes étaient de bonne prise,
Et sur ce point, tant qu’il vécut,
Diversité fut sa devise.

(La Fontaine)

Croquet

Delvau, 1866 : s. m. Homme d’humeur cassante, — dans le même argot [du peuple]. Être comme un croquet. Se ficher sous le moindre prétexte.

France, 1907 : Homme irritable, hargneux. Corruption de roquet.

France, 1907 : « Le croquet n’est autre chose que le mail ou le palemail, divertissement favori de Henri IV, introduit en Angleterre sous Charles II, et qui se joue encore à Montpellier. »

(Léon Millot, Justice)

Croqueur de poulettes

France, 1907 : Coureur de tendrons, généralement un homme mûr.

Grand croqueur de poulettes, qui avait mis à mal déjà trois ou quatre filles et que les autres se disputaient aux sauteries de la fête paroissiale, toutes férues de ses yeux noirs comme des puits.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Croqueuse de cœurs

France, 1907 : Jolie femme, fille d’Ève ; même sens que croqueuse de pommes.

Croqueuse de pommes

France, 1907 : Femme ou fille qui aime à accomplir l’acte qui fit chasser nos grands-parents du paradis terrestre. Honni soit qui mal y pense !

Croquignoles

d’Hautel, 1808 : Au figuré, chiquenaude que l’on donne en plaisantant à quelqu’un sur le bout du nez.

Crosse

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Heure. Voilà cinq crosses et une mèche qui plombent, voilà cinq heures et demie qui sonnent.

Larchey, 1865 : Ministère public (Vidocq). — Il frappe (crosse) les accusés.

Delvau, 1866 : s. f. Avocat général, ministère public, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Crosseur.

La Rue, 1894 : Receleur. Le ministère public.

Crosse, crosseur

Rigaud, 1881 : Ministère public. — Sonneur de cloches.

Hayard, 1907 : Avocat général.

France, 1907 : Avocat général, accusateur public. Crosser, médire, tourmenter.

Crosse, crossin

Rigaud, 1881 : Recéleur.

France, 1907 : Recéleur.

Crosser

d’Hautel, 1808 : Au figuré, maltraiter quelqu’un de paroles ; lui dire des choses injurieuses et outrageantes.
On dit aussi d’un homme impertinent, vil et méprisable : c’est un homme à crosser à coups de pied.

Bras-de-Fer, 1829 : Sonner.

Larchey, 1865 : Sonner. — Mot à mot : frapper sur l’airain.

Quand douze plombes crossent, les pègres s’en retournent au tapis de Montron.

Vidocq.

Delvau, 1866 : v. n. Sonner, — dans le même argot [des voleurs]. Douze plombes crossent : il est midi ou minuit.

La Rue, 1894 : Sonner. Médire. Se crosser, se battre.

Rossignol, 1901 : Abîmer, vilipender, dire du mal de quelqu’un.

France, 1907 : Sonner, jaser.

Quand douze plombes crossent,
Les pègres s’en retournent
Au tapis de Montron.

(Vidocq)

France, 1907 : Recéler.

Crosser quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Médire de lui avec violence, user ses crocs contre sa réputation, — ou jouer avec elle comme les enfants avec la pierre qu’ils chassent devant eux avec la crosse.

Crosseur

Clémens, 1840 : Celui qui n’approuve pas les mauvaises actions.

un détenu, 1846 : Récalcitrant.

Delvau, 1866 : s. m. Sonneur de cloches.

Virmaître, 1894 : L’avocat général (Argot des voleurs). V. Bêcheur.

Rossignol, 1901 : Avocat général ; ministère public qui crosse sur l’accusé qu’il veut faire condamner.

France, 1907 : Sonneur de cloches.

Crotal

Fustier, 1889 : Sergent à l’École Polytechnique.

L’on s’installe par demi-section présidée par un crotal. Le crotal c’est le sergent.

(Gil Blas, juin 1882.)

Crotale

France, 1907 : « Nom donné, à l’École Polytechnique, aux chefs de salle, qui portaient le titre et les galons de sergent. L’administration a conservé aux crotaux le titre de chefs de salle ; c’est à eux qu’elle s’adresse quand elle a des communications générales à faire aux élèves. »

(Albert Lévy et G. Pinet)

Crote d’ermite

anon., 1827 : Poire cuite.

Crottard

Fustier, 1889 : Trottoir. V. plus bas Magasin.

France, 1907 : Trottoir.

Crotte

d’Hautel, 1808 : Être dans la crotte. C’est-à-dire, dans la misère, dans un grand dénûment.
La ribotte nous met dans la crotte. Pour dire, ruine le corps et la bourse.
Il a le nez retroussé peur de la crotte. Se de quelqu’un qui a le nez camus.
Les chiens ont mangé la crotte. Manière plaisante de dire, qu’il a fortement gelé, et que les rues sont sèches et propres.

Delvau, 1866 : s. f. Misère, abjection, — dans l’argot du peuple. Tomber dans la crotte. Se ruiner, se déshonorer, — se salir l’âme et la conscience. Vivre dans la crotte. Mener une vie crapuleuse. On n’est jamais sali que par la crotte. On ne reçoit d’injures que des gens grossiers.

Rigaud, 1881 : Misère, dégradation morale. — Rouler, tomber, se carrer dans la crotte.

France, 1907 : Misère abjecte. Le mot est employé dans ces expressions : vivre, traîner ou tomber dans la crotte.

Crotté (être)

Rigaud, 1881 : Manquer d’étoffe pour une pièce à façon. — Ne pas avoir assez d’étoffe pour prélever la gratte, — en terme de tailleur. — Être misérable.

Crotte d’ermite

Bras-de-Fer, 1829 : Poire cuite.

Delvau, 1866 : s. f. Poire cuite, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Poire cuite.

Virmaître, 1894 : Poire cuite. Allusion à la forme (Argot des voleurs).

France, 1907 : Poire cuite.

Crotte de pie

La Rue, 1894 : Pièce de 50 cent.

Virmaître, 1894 : Pièce de cinquante centimes (Argot des voleurs).

France, 1907 : Cinquante centimes.

Crotter

d’Hautel, 1808 : Crotté comme un barbet. Voyez Barbet.
Un poëte crotté. Un méchant versificateur ; un poëte réprouvé des Neuf-Muses.
On n’est jamais crotté que par la boue. Voyez Boue.

Crottes d’ermite

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Poires cuites.

Crottes d’ermites

Halbert, 1849 : Poires cuites.

Crottin

Merlin, 1888 : Terme de mépris du fantassin désignant le cavalier.

Croume

Rigaud, 1881 : Crédit, — dans le jargon des voleurs.

Rossignol, 1901 : Crédit.

Je n’avais pas le sou, j’ai acheté du tabac à croume.

On a à croume chez le marchand de vin lorsqu’il fait à l’œil (crédit).

France, 1907 : Crédit.

Croumier

France, 1907 : Intérmédiaire suspect ; escroc cherché par la police.

Croupe (la)

Delvau, 1864 : Les reins, dont la femme joue si merveilleusement à notre bénéfice.

La torsion lascive de sa croupe.

H. De Balzac

Une gorge bien ferme et des fesses bien blanches,
Une croupe soignée, un beau cul et des hanches.

Louis Protat.

J’aime à voir onduler vos croupes dans le soir,
Monstres dont on voudrait être les Hippolytes.

Paul Mahalin.

Croupier

Rigaud, 1881 : Associé d’agent de change, — dans le jargon de la Bourse.

Croupière (allonger la)

Rigaud, 1881 : Augmenter une punition, — dans le jargon des soldats de cavalerie. Le capiston allongera la croupière de quatre jours et ça fera le compte.

Croupière (tailler une)

Merlin, 1888 : Mener, commander durement ; punir.

Croupières

d’Hautel, 1808 : Tailler des croupières. Prendre quelqu’un par derrière ; lui jouer des tours cachés et perfides.

Croupion

Delvau, 1864 : Nom qu’on donne aux fesses.

Quel superbe croupion elle a, cette drôlesse !

J. Le Vallois.

Croupionner

Larchey, 1865 : Remuer du croupion, faire bouffer un vêtement sur le croupion.

Delvau, 1866 : v. n. Faire des effets de crinoline, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Remuer le dérrière en marchant.

Croupir

d’Hautel, 1808 : Croupir dans le vice, dans la débauche. S’adonner à une vie infâme et honteuse.
Il n’y a de pire eau que celle qui croupit. Voyez Eau.

Croupir dans le battant

Delvau, 1866 : v. n. Se dit d’une indigestion qui se prépare, par suite d’une trop grande absorption de liquide ou de solide.

Rigaud, 1881 : Stationner sur l’estomac, se refuser à circuler, préluder à une indigestion. Ces coquins de gonfle-bougres croupissent dans le battant.

France, 1907 : On dit d’une nourriture ou d’une boisson trop abondante qu’elle croupit dans le battant, c’est-à-dire dans l’estomac.

Croustillage

Virmaître, 1894 : Nourriture (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Nourriture.

Croustillant

d’Hautel, 1808 : Pour appétissant ; qui croque, qui fait plaisir à manger ; qui émeut les sens.

Virmaître, 1894 : Quelque chose qui croustille sous la dent. Pain appétissant, bien cuit. Jolie fille dont les appâts sont pleins de promesses. Un récit vif, animé, plein de situations égrillardes, est croustillant. Paul de Kock et Pigault Lebrun sont restés les maîtres du genre (Argot du peuple).

France, 1907 : Ce mot s’emploie dans plusieurs sens : un pain croustillant sous la dent ; une conversation, une anecdote croustillante ; une fille aux appas croustillants ; le tout stimulant, excitant l’appétit ou les appétits égrillards.

Croustille

d’Hautel, 1808 : Petite croûte de pain, brimborions

Rossignol, 1901 : Nourriture.

Hayard, 1907 : Aliments.

France, 1907 : Même sens que croustillage. L’heure de la croustille, c’est l’heure du repas.

Nous sommes un peu débordés, et si tous les camarades ne nous venaient pas en aide, nous serions dans l’impossibilité de continuer à assurer la croustille aux mômes et aux copains.

(Le Père Peinard)

Croustiller

d’Hautel, 1808 : Manger de petites croûtes, ou quelques friandises après le repas, afin d’être plus long-temps à table.

Rigaud, 1881 : Manger du pain sec. Avait jadis le sens de manger.

J’étais occupé
À croustiller là-bas le reste du soupé.

(Le Grand.)

La Rue, 1894 : Manger.

Rossignol, 1901 : Manger.

France, 1907 : Manger.

Croustilleusement

d’Hautel, 1808 : D’une manière bouffonne et plaisante.

Croustilleux, croustilleuse

d’Hautel, 1808 : Plaisant, drôle, enjoué, qui a l’humeur joviale ; douteux, chanceux, incertain.

Croûte

d’Hautel, 1808 : Ne manger que des croûtes sèches. Faire maigre chère.
Casser la croûte avec quelqu’un. Pour dire, manger amicalement et familièrement avec lui.
On dit par mépris, et en parlant d’un mauvais tableau : c’est une croûte.

Delvau, 1866 : s. f. Tableau mal peint et mal dessiné, — dans argot des artistes, qui doivent employer ce mot depuis longtemps, car on le trouve dans les Mémoires secrets de Bachaumont.

France, 1907 : Tableau de nulle valeur.

Dans ces brasseries, c’est un débinage perpétuel contre tous les arrivés : il suffit d’avoir un peu de talent pour être un propre à rien ; en dehors d’eux, rien n’existe. Et les femmes ? Elles s’étalent, fument, boivent, la plupart sont vieilles, elles sont les dignes pendants des croûtes qui garnissent les murs ; d’étapes en étapes, elles ont échoué dans ces caboulots, comme la baleine échoue sur la grève, et les ratés en font leurs choux gras.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Vous lui facilitez la route
Et lui servez de repoussoir.
Elle se dit : « Près d’une croûte,
Je suis encor très belle à voir ! »

(Jacques Redelsperger, Nos Ingénues au Salon)

France, 1907 : Homme nul, aux idées étroites. « Il ne manque pas de croûtes au Sénat. » « Combien de nos représentants à l’étranger sont de véritables croûtes ! »

Croûte (casser une)

France, 1907 : Manger. Cette expression vient de l’habitude qu’ont les ouvriers de manger un morceau de pain en buvant un verre d’eau-de-vie en se rendant à leur travail.

Croûte (vieille), croûton

Larchey, 1865 : Homme arriéré.

Refuser ce tableau ! Quels croûtons !

Bertall.

S’embêter comme une croûte de pain derrière une malle : Dessécher d’ennui.

Croûte de pain derrière une malle (s’embêter comme une)

France, 1907 : S’ennuyer désespérément. Les Anglais, qui ont le monopole de l’ennui, ont une expression plus macabre : s’ennuyer conne un clou de cercueil.

Crouter

Virmaître, 1894 : Casser la croûte. Le matin, avant de commencer la journée et à quatre heures, les ouvriers mangent un morceau sur le pouce. Ils cassent une croûte. On dit aussi : l’heure de la croustille (Argot du peuple). N.

Croûter

Rossignol, 1901 : Déjeuner.

Hayard, 1907 : Manger.

France, 1907 : Manger,

Croûter, croustiller

anon., 1907 : Manger.

Croutéum

Larchey, 1865 : Collection de croûtes ou de mauvais tableaux.

Bientôt la boutique, un moment changée en croutéum, passe au muséum.

Balzac.

France, 1907 : Exposition ou collection de mauvaises peintures.

Croûton

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux que l’on donne à un mauvais peintre ; à un franc barbouilleur.

Delvau, 1866 : s. m. Peintre médiocre, qui arrivera peut-être à l’Institut, mais jamais à la célébrité.

Virmaître, 1894 : Vieillard bon à rien (Argot du peuple). V. Birbe.

France, 1907 : Vieil imbécile, rond de cuir, homme obstiné et têtu encroûté dans de vieilles idées.

France, 1907 : Artiste sans talent.

Il faut entendre certains comédiens (tristes victimes de l’injustice du public) déblatérer sur le compte de ce pauvre correspondant ! Comme ils l’habillent, grand Dieu ! À les en croire, il n’est pas de juif, d’usurier plus rapace que lui. La chute d’un homme de talent, le succès d’un croûton, ils lui mettent tout sur le dos.

(Charles Friès, Le Correspondant dramatique)

Croûton de pain derrière une malle (s’ennuyer comme un)

Rigaud, 1881 : S’ennuyer énormément. Les adages français (XVIe siècle) donnent dans le même sens : S’ennuyer comme un brochet dans le tiroir d’une commode.

Croutonner

Larchey, 1865 : Mal peindre, peindre des croûtes. — Bertall.

Croûtonner

Delvau, 1866 : v. n. Peindre détestablement.

Cru du chateau la pompe

Virmaître, 1894 : Eau. Se dit par ironie (Argot du peuple).

Cruche

d’Hautel, 1808 : Bête comme une cruche. Expression grossière et injurieuse, pour dire, niais, sot, stupide à l’excès ; d’une gaucherie, d’une maladresse extrêmes.
Tant va la cruche qu’à la fin elle se casse. Locution proverbiale qui signifie que le temps et l’usage anéantissent toutes choses ; qu’à force de s’exposer au même danger, on finit par y succomber.

Delvau, 1866 : s. et adj. Imbécile, — dans l’argot du peuple. Il dit aussi Cruchon.

Cruche, cruchon

Larchey, 1865 : Épais de forme et creux d’esprit.

Il est assez cruche, pour ne pas comprendre.

E. Sue.

France, 1907 : Imbécile.

Crucifier

d’Hautel, 1808 : On dit, pour vanter l’obligeance de quelqu’un, qu’il se feroit crucifier pour ses amis.

Crucifix

d’Hautel, 1808 : Un mangeur de crucifix. Hypocrite, tartufe, faux dévot qui emprunte le voile de la religion pour mieux jouer l’imposture.

anon., 1827 : Pistolet.

Crucifix à l’esbrouffe

La Rue, 1894 : Revolver.

Crucifix à ressort

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pistolet.

Bras-de-Fer, 1829 : Pistolet.

Halbert, 1849 : Pistolets.

Delvau, 1866 : s. m. Poignard ou pistolet, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Poignard ou pistolet.

Crucifix à ressorts

Larchey, 1865 : Pistolets (Vidocq). — Ils se présentent comme le crucifix aux heures suprêmes.

Crucifix, crucifix à ressort

Rigaud, 1881 : Pistolet. — Crucifix à l’esbroufe, revolver, — dans le jargon des voleurs.

Crulet

France, 1907 : Panier plat sans anses.

Cubage à la manque

France, 1907 : Fraude commise par un conducteur ou un piqueur chargé de cuber les bois, pierres ou marbres fournis par un entrepreneur pour le compte de l’État.

Cube

France, 1907 : Élève de l’École Centrale ou élève de mathématiques spéciales.

Dans la salle se pressaient les parents, les amis et les professeurs des centraux, venus avec la ferme intention d’applaudir — enfin sur une vraie scène — les jeunes cubes en activité.

(La Nation)

Se dit aussi pour lourdaud, imbécile, car de tous temps les savants faisant des mathématiques une étude exclusive ont eu, près des gens de lettres, la réputation de philistins. Voltaire a dépeint ainsi le cube de son temps :

Entends-tu murmurer ce sauvage algébriste,
À la démarche lente, au teint blême, à l’œil triste,
Qui, d’un calcul aride à peine encore instruit,
Sait que quatre est à deux comme seize est à huit ?
Il méprise Racine, il insulte à Corneille ;
Lulli n’a point de sons pour sa pesante oreille,
Et Rubens vainement sous ses pinceaux flatteurs
De la belle nature assortit les couteurs,
Des x, x redoubles admirant la puissance,
Il croit que Varignon fut seul utile en France,
Et s’étonne surtout qu’inspiré par l’amour,
Sans algèbre autrefois, Quenault charmât la cour.

(Stances)

Cucurbitacé

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, — dans l’argot des vaudevillistes, qui prennent des mitaines d’érudits pour appeler les gens melons, ayant lu la satire XIV de Juvénal et le chapitre XXXIX du Satyricon de Pétrone.

France, 1907 : Imbécile. On sait que les melons appartienvent à la famille des cucurbitacées.

Cueilleur

d’Hautel, 1808 : Ce mot ne se trouve dans aucun dictionnaire moderne ; on ne s’en sert que par ironie ; et pour ridiculiser un homme mal accoutré, fagoté, on dit qu’il est retroussé comme un cueilleur de pommes.

Cueillir

Rigaud, 1881 : Arrêter sans bruit, lestement sur la voie publique. — C’est rien, c’est un poivrot que les sergots viennent de cueillir.

J’irai les cueillir au point du jour.

(X. de Montépin.)

Cueillir la fraise, la noisette, la fleur, un bouton de rose sur le nombril

Delvau, 1864 : Tirer un coup.

Ah ! qu’il fait donc bon
Cueillir la fraise,
Au bois de Bagneux,
Quand on est deux.

(Le Bijou perdu.)

Mais souffre que je puisse cueillir le fruit, dès si longtemps promis à ma pure et sainte fidélité.

P. De Larivey.

Je craignais qu’elle ne laissât cueillir la belle fleur de son pucelage sans en tirer profit.

Ch. Sorel.

Par ma fine, je suis perdue,
Disait Babet à son seigneur,
Qui par méprise, en lui cueillant sa fleur,
La greffa d’un beau fruit.

Vadé.

Vous abusez, car Meung, docteur très sage,
Nous a décrit que pour cueillir la rose
Riche amoureux a toujours l’avantage.

F. Villon.

Cueillir le persil

France, 1907 : Se promener dans les rues pour raccrocher les hommes. On dit aussi : aller au persil ou persiller.

Les pauvres filles sont obligées, pour ne pas mourir de faim, de cueillir le persil.

Cueillir une femme

Delvau, 1864 : Prendre un pucelage, — les femmes étant des fleurs, au dire des poètes qui les mettent dans leur herbier au lieu de les foutre dans leur lit.

… Je te vois pâlir,
Lui dis-je, et de plus tressaillir,
Quand je suis prêt à te cueillir.

Collé.

Cueillir une pêche

France, 1907 : Aller à la selle.

Cufidon

d’Hautel, 1808 : Rébus populaire, pour dire Cupidon.
On dit d’un homme laid, d’un fat, qui affecte des prétentions à la beauté, que c’est un Cufidon.

Cuiller

La Rue, 1894 : Main. On dit aussi louche.

Cuiller à pot

Rigaud, 1881 : Poing. Un coup de cuiller à pot, un coup de poing, — dans le jargon des voyous. — Trois coups de cuiller à pot et sa soupe est trempée, trois coups de poing et il en a assez.

Rigaud, 1881 : Grand composteur, — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : s. f. Grand composteur : il se sert d’une cuiller à pot pour composer.

Cuiller dans la tasse (l’avoir laissée)

Virmaître, 1894 : Femme enceinte (Argot du peuple). V. Avaler le pépin.

Cuillère

France, 1907 : Main. On dit aussi louche.

— Ah çà ! tu crois, vieux frère, dit-il de sa voix enrouée, que nous nous sommes dérangés ce soir uniquement pour le plaisir de te serrer la cuillère et te dire ensuite : À la revoyure !

(Edmond Lepelletier)

Cuillère (suspension de)

Merlin, 1888 : Diète ordonnée par le docteur.

Cuillère (toucher la)

Merlin, 1888 : Donner une poignée de main. Il serait plus rationnel de dire : toucher la fourchette, puisqu’on dit également par plaisanterie : la fourchette du père Adam.

Cuillère (verser la) au magasin

Merlin, 1888 : Mourir.

Cuillère dans la tasse (avoir laissé la)

France, 1907 : Être enceinte, s’être fait remplir l’écuelle.

Cuir

d’Hautel, 1808 : Faute contre la grammaire et contre Vaugelas.
On dit d’un comédien qui fait des fautes de liaisons en parlant, c’est-à-dire qui prononce en s les mots terminés en t, et en t ceux qui sont terminés en s, qu’il fait des cuirs.

d’Hautel, 1808 : Se ratisser le cuir. Pour se faire la barbe.
On appelle par ironie un savetier, un orfèvre en cuir.

Larchey, 1865 : Peau.

C’était aux nègres qu’il en voulait, à cause du coloris de leur cuir.

L. Desnoyer.

Tanner le cuir : Battre.

Delvau, 1866 : s. m. Peau, — dans l’argot du peuple. Tanner le cuir. Battre.

Delvau, 1866 : s. m. Liaison brutale de deux mots, emploi exagéré des t, — dans l’argot des bourgeois, qui se moquent du peuple à cause de cela, sans se douter que cela a fait longtemps partie du langage macaronique.

Rigaud, 1881 : Peau. — Se racler, se ratisser le cuir, se raser.

Virmaître, 1894 : Peau (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Peau humaine.

Si tu ne te conduis pas mieux, je me charge de te travailler le cuir.

Faire une faute d’orthographe en parlant, c’est faire un cuir. Le cuir qui se fait le plus fréquemment dans la classe ouvrière est de dire : Tu es-t-un…

Hayard, 1907 : Peau.

France, 1907 : Peau. Se tanner le cuir, se battre.

France, 1907 : Emploi intempestif de l’s et du t. On cite, comme exemple de cuirs, ce dialogue surpris dans un club révolutionnaire :

— Citoyen président, je demande la parole !
— Tu la z’as, mais si tu en z’abuses, je te la r’ôte.

Cuir à rasoir

Virmaître, 1894 : Tétasses d’une vieille femme dont la peau est dure comme du cuir. On pourrait repasser ses rasoirs dessus (Argot du peuple). V. Calebasse.

Rossignol, 1901 : Voir calebasse.

France, 1907 : « Tétasses d’une vieille femme dont la peau est durs comme du cuir. On pourrait repasser ses rasoirs dessus. » (Ch. Virmaître)

Cuir de brouette

Delvau, 1866 : s. m. Bois, — dans l’argot du peuple. Avoir le dessous des arpions doublé en cuir de brouette. Avoir le dessous des pieds aussi dur que du bois.

France, 1907 : Bois. Escarpins en cuir de brouette, sabots. Arpions doublés en cuir de brouette, pieds dont la plante est dure comme du bois.

Cuir de brouette (escarpin en)

Rigaud, 1881 : Sabot.

Cuir de poule

Delvau, 1866 : s. m. Gants de femme légers, — dans l’argot des ouvriers gantiers, qui pourtant savent bien que les gants sont faits de peau de chevreau ou d’agneau.

France, 1907 : Gants de femme.

Cuir de poule (gants en)

Rigaud, 1881 : Gants de qualité inférieure, gants fabriqués avec des peaux trop fines ou de mauvaise qualité.

Cuirasse

d’Hautel, 1808 : Endosser la cuirasse. Pour dire, entrer au service ; prendre l’habit militaire.
Prendre quelqu’un au défaut de la cuirasse. Le prendre par son foible.

Cuirassé

Rigaud, 1881 : Urinoir blindé dont les premiers modèles ont paru sur les grands boulevards en 1877.

Hayard, 1907 : À l’abri des maladies.

France, 1907 : Urinoir.

Cuirassier

Larchey, 1865 : Homme fréquemment coupable des fautes de liaison appelées cuirs.

Veux-tu savoir ta langue et l’ostographe ? Prends moi z’un cuir, prends moi z’un cuirassier.

Festeau.

Delvau, 1866 : s. m. Faiseur de cuirs, homme qui parle mal.

Rigaud, 1881 : Celui qui, en parlant, applique mal les liaisons, fait des cuirs, c’est-à-dire se livre à des liaisons dangereuses pour la grammaire.

France, 1907 : Faiseur de cuirs en paroles,

Cuirassier blanc

France, 1907 : Pou.

La plupart des pèlerins portent sur le dos une vieille peu de mouton, sale et puante, habitée par des régiments de cuirassiers blancs (lisez : par des légions de poux).

(Victor Tissot)

Cuire

d’Hautel, 1808 : Viens cuire à mon four, présentement. Espèce de menace que l’on fait à quelqu’un dont on a reçu une offense, et qui équivaut à, reviens me demander quelque chose, et nous verrons.
On dit d’un extravagant, qu’il n’a pas la tête bien cuite.
Il a du pain de cuit.
Manière figurée de dire qu’une personne est aisée ; qu’elle peut vivre sans travailler.
Liberté et pain cuit. Sont les deux plus grands biens de ce monde.
On dit d’une forteresse, d’une place que l’on a prise sans coup férir : qu’on l’a prise avec des pommes cuites.
Il est cuit ; il est fricassé.
Pour, il est ruiné, il est perdu sans ressource.
Je lui rendrai le visage plat comme une pomme cuite. Paroles menaçantes, pour dire que l’on se vengera de quelqu’un.

d’Hautel, 1808 : Il lui en cuira pour avoir fait cette extravagances. Pour, il lui en arrivera mal ; il s’en repentira.
Trop gratter cuit, trop parler nuit. Signifie qu’il est dangereux, de se trop gratter, et de parler avec excès.

Cuire (se faire)

Fustier, 1889 : Se faire arrêter.

La Rue, 1894 : Se faire arrêter.

France, 1907 : Se faire arrêter. Être cuit, être perdu, appréhendé, condamné.

Cuire dans son jus

Delvau, 1866 : v. n. Avoir très chaud, jusculentus, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Concentrer sa douleur et retenir son élan naturel, — dans le jargon des comédiens. L’expression, qui est de mademoiselle Contât, est restée dans le dictionnaire du théâtre. (V. Couailhac, La Vie de théâtre.)

Rigaud, 1881 : Avoir très chaud, fournir une transpiration abondante. Si l’on veut cuire dans son jus, l’on n’a qu’à aller un dimanche soir, dans un théâtre de Paris, aux troisièmes galeries.

France, 1907 : Avoir très chaud, transpirer. À propos de cette expression, Lorédan Larchey cite un bon mot de Piron. « Suant au parterre et entendant ses voisins chuchoter : Voilà Piron qui cuit dans son jus. — Ce n’est pas étonnant, s’écria-t-il, je suis entre deux plats. »

Cuisinage

France, 1907 : L’art de tricher.

Cuisine

d’Hautel, 1808 : Se ruer en cuisine. Manger à ventre déboutonné ; faire beaucoup de dépense pour sa cuisine.
On dit aussi d’une personne grasse, vermeille, et rubiconde, qu’elle est chargée de cuisine.

Larchey, 1865 : Préfecture de police. — Cuisinier : Agent de police (Vidocq).Cuisinier : Dénonciateur, espion. V. coqueur.

Lui qui avait servi plusieurs fois de cuisinier à la police.

Canler.

Mauvais signe ! un sanglier ! comment s’en trouve-t-il un ici ? — C’est un de leurs trucs, un cuisinier d’un nouveau genre.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. f. Tout ce oui concerne l’ordonnance matérielle d’un journal, — dans l’argot des gens de lettres. Connaître la cuisine d’un journal. Savoir comment il se fait, par qui il est rédigé et quels en sont les bailleurs de fonds réels. Faire la cuisine d’un journal. Être chargé de sa composition, c’est-à-dire de la distribution des matières qui doivent entrer dedans, en surveiller la mise en page, la correction des épreuves, etc.

Delvau, 1866 : s. f. La préfecture de police, — dans l’argot des voleurs, qui y sont amenés sur les dénonciations des cuisiniers ou coqueurs.

Rigaud, 1881 : Préfecture de police. — Vesto de la cuisine, agent de la sûreté, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Préfecture de police.

France, 1907 : Préfecture de police

Cuisine à l’alcool (faire sa)

Delvau, 1866 : Boire souvent de l’eau-de-vie, — dans l’argot du peuple.

Cuisine d’un journal

France, 1907 : Dans l’argot des journalistes, se dit de tout ce qui concerne les détails, la routine et l’arrangement matériel d’un journal, sa composition, la distribution et l’ordre des articles, la correction des épreuves, la surveillance de la mise en pages.
De ceux-là, nous en connaissons des tas dans les journaux, dans la littérature. Pour vivre, ils acceptent les plus pénibles besognes, s’astreignent aux plus terribles engagements.

Cuisine de journal

Larchey, 1865 : Tout ce qui regarde les petits détails et l’ordonnance matérielle d’un journal. — Le rédacteur chargé de cette mission est un Cuisinier.

C’est lui qui fait la cuisine du journal.

L. de Neuville.

Cuisine, cuisine de Journal

Rigaud, 1881 : Classement des articles, surveillance de la mise en page, en un mot tout ce qui comprend l’art d’accommoder un journal tant au point de vue littéraire qu’au point de vue typographique. — Cuisine d’art, explications précises d’un art.

Rapin aussi celui qui parle sans cesse cuisine d’art, qui explique comme quoi il obtient tel ton, en appliquant telle couleur, en frottant, en grattant, en étalant, en empâtant, etc.

(Paris-Rapin.)

Cuisiner

Rigaud, 1881 : Espionner un détenu, — dans le jargon des prisons.

La Rue, 1894 : Soumettre un inculpé à un interrogatoire habile et souvent répété pour le faire avouer.

Virmaître, 1894 : Quand un prisonnier ne veut pas avouer, les agents le « cuisinent » pendant trois ou quatre heures s’il le faut. Ils réussissent presque toujours, et le prisonnier ne trouve jamais cette cuisine à son goût (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Mot employé par les agents de la police de sûreté. Ils cuisinent un inculpé pour obtenir des aveux.

Cuisinier

d’Hautel, 1808 : Un cuisinier Jacques. Un gâte-sauce, un gargot. Sobriquet que l’on donne à un mauvais ouvrier en cuisine, soit traiteur ou pâtissier.
Le bon appétit fait le bon cuisinier. Signifie qu’avec un bon appétit, les mets les plus grossiers semblent agréables et succulens.
Un cuisinier de malheur. Un cuisinier du diable. Pour dire un cuisinier détestable.

Halbert, 1849 : Avocat.

Delvau, 1866 : s. m. Dénonciateur, — dans l’argot des prisons. (V. Coqueur et Mouton.) Signifie aussi Agent de police.

Delvau, 1866 : s. m. Avocat, — dans l’argot des voleurs, qui ont eu de fréquentes occasions de constater l’habileté avec laquelle leurs défenseurs savent arranger leur vie avariée, de façon à la rendre présentable à leurs juges.

Rigaud, 1881 : Espion, agent de la police secrète. — Rédacteur chargé de la cuisine d’un journal.

Hayard, 1907 : Avocat.

France, 1907 : Mouchard.

— À propos de railles, vous n’êtes pas sans avoir entendu parler d’un fameux coquin qui s’est fait cuisinier, Vidocq ; le connaissez-vous, vous autres ?

(Marc Mario et Louis Lansay)

France, 1907 : Journaliste chargé de couper et de classer les faits divers, les entrefilets, etc.

C’était là que les cuisiniers du journal, ces bons garçons qui démontent, morcellent, assaisonnent, et servent toute chaude au public la gibelotte dans laquelle le beau premier Paris ou la sémillante chronique ne représentent guère que le lapin tout cru, — c’était là que les cuisiniers assoiffés, cramoisis, descendaient, en bras de chemise, siffler un bock, debout, pour retourner ensuite, tout courants, à leur ingrate tâche.

(Séverine, Le Journal)

France, 1907 : Avocat.

Cuisinier de la reine Gilette

France, 1907 : Mauvais cuisinier.

Cuisse (faire une belle)

France, 1907 : Expression employée pour indiquer qu’une chose vous est indifférente, qu’on n’en a cure. Cela me fait une belle cuisse, cela m’est égal. On dit dans le même sens : Cela me fait une belle jambe.

Cuistre

d’Hautel, 1808 : Au propre, laveur de vaisselle ; ouvrier chargé des plus bas détails de la cuisine. Au figuré, homme sale et dégoûtant, d’une ignorance grossière.
Fait comme un cuistre. Mal vêtu ; malproprement habillé.

Cuit

Larchey, 1865 : Perdu.

Cuits, cuits ! les carlistes, ils seront toujours cuits.

Métay, 1831.

Rossignol, 1901 : Près de la mort, ou mort. Il est cuit, il n’a pas longtemps à vivre.

France, 1907 : Attrapé, condamné.

Cuit (être)

Delvau, 1866 : v. pr. Être condamné, — dans le même argot [des voleurs].

La Rue, 1894 : Être condamné, perdu.

Cuite

Delvau, 1866 : s. f. Ivresse, — dans l’argot du peuple. Avoir sa cuite ou une cuite. Être saoul.

Rigaud, 1881 : Forte ivresse.

Ces bonnes cuites sans façon qu’elle se donnait avec Anatole.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

Cuite sénatoriale, très forte ivresse, cuite présidentielle, le nec plus ultra de l’ivresse, tout ce qu’il y a de mieux dans le genre. — Attraper une cuite, se soûler. Cuver une cuite, chercher dans un sommeil réparateur à dissiper les fumées de l’alcool et les ressentiments d’une nourriture trop copieuse.

Boutmy, 1883 : s. f. Ivresse complète. D’où peut venir ce mot ? Rappelons-nous que Chauffer le four, c’est boire beaucoup, s’enivrer. La cuite ne serait-elle pas tout naturellement le résultat du four chauffé et surchauffé. V. TUITE.

Rossignol, 1901 : Celui qui est saoul a une cuite.

Hayard, 1907 : Ivresse.

France, 1907 : Ivresse. Avoir sa cuite, prendre une cuite.

…C’est drôle, disait le père Trinquefort, quand la rivière a trop d’eau, où appelle ça une crue ; et quand un homme a trop de vin, on appelle ça une cuite.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

Subitement, une ombre flottante anima, à moins de vingt pas en avant d’eux, la solitude morne d’une ruelle noyée dans le clair-obscur violâtre du matin ; une silhouette de pochard attardé et regagnant péniblement ses pénates. Le brave homme battait le pavé que c’en était un vrai plaisir, lâché dans de fantastiques diagonales, éperdument lancé et relancé, en travers de l’étroite chaussée, de tribord à bâbord et réciproquement.
Ce fut comme un rayon de soleil dans leur détresse, ils s’arrêtèrent pour rire a l’aise.
— Quelle cuite, bon sang !
— Non, pige-moi l’coup !

(Georges Courteline, La Vie de caserne)

France, 1907 : Correction.

Cuite (en prendre une)

Virmaître, 1894 : Se saouler royalement (Argot du peuple). V. Culotte.

Cuiter (se)

Rigaud, 1881 : Se soûler à fond, c’est-à-dire prendre une cuite. Le besoin d’ajouter un nouveau verbe à la liste des vingt-cinq ou trente qui existaient déjà pour exprimer cette idée, se faisait, paraît-il, vivement sentir.

Vous redescendrez avec les coteries finir la soirée chez notre troquet afin de vous cuiter carrément.

(Le Sans-Culotte, 1879.)

Rossignol, 1901 : Se saouler.

France, 1907 : S’enivrer.

Radical convaincu, Taupin, fonctionnaire, est consulté sur la valeur du personnel du haut clergé.
Chargé par son préfet de lui donner son opinion sur l’évêque du chef-lieu, il a envoyé à la préfecture la note ci-dessous :
— Rien à dire de l’évêque. Il se tient à sa place, est bon travailleur et il ne se cuite pas.

(Le Diable Boiteux)

Cuites

Rigaud, 1881 : Pommes cuites que l’on vend dans les rues et sous les portes. — Herbes cuites que débitent les fruitières.

Cuivre

Delvau, 1866 : s. m. Monnaie, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Monnaie. Plus de cuivre en la piaule, plus d’argent dans la maison.

Cuivres

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les instruments de cuivre, sax-horn, clairons, etc., — dans l’argot des troupiers et des orphéonistes.

France, 1907 : Instruments de musique en cuivre, fanfare.

Cuivres (les)

Rigaud, 1881 : Instruments de musique en cuivre. — Travailler dans le cuivre, jouer d’un instrument de musique en cuivre.

Cul

d’Hautel, 1808 : Vos raisons n’ont ni cul ni tête. Pour dire sont pitoyables ; n’ont pas le sens commun.
Un petit bas-du-cul. Se dit par ironie d’un bambin, d’un homme extrêmement petit, qui se carre et fait le fanfaron
Pour vivre long-temps, il faut donner à son cul vent. Dicton facétieux et populaire, qui se dit en plaisantant, et par manière d’excuse, lorsqu’il est échappé quelqu’incongruité.
Avoir le cul nu et les manches de même. Phrase triviale et bouffonne qui signifie être à peine vêtu ; être dans l’indigence la plus honteuse.
Retirer son cul de la presse. Se retirer d’une mauvaise affaire ; d’un embarras où l’on étoit engagé.
Il perdroit son cul s’il ne tenoit. Se dit d’un étourdi ; d’un homme peu soigneux de ses affaires ; d’un joueur malheureux.
On dit d’un peureux, d’un poltron, qu’on lui boucheroit le cul d’un grain de millet ; et bassement d’une personne pour laquelle on n’a aucune considération, aucun respect, qu’On l’a dans le cul.
Être à cul. Être interdit ; confus ; n’avoir plus de ressource ; avoir dissipé tout ce qu’on possédoit.
Elles ne font plus qu’un cul et qu’une chemise. Se dit de deux personnes qui sont devenues intimes et familières ; qui sont continuellement en semble.
Tirer le cul en arrière. Avoir de la peine à se résoudre à quelque chose.
Il est demeuré entre deux selles le cul par terre. Se dit d’une personne qui, faute d’opter entre plusieurs affaires avantageuses qui se présentoient, les a toutes manquées ; de quelqu’un qui se trouve sans emploi.
Brûler le cul. Se retirer sans mot dire, d’une compagnie ; se sauver furtivement d’un endroit où l’on étoit retenu malgré soi.
Montrer le cul dans une affaire. S’en retirer avant de l’avoir achevée ; faire le poltron ; abandonner une affaire que l’on avoit entreprise avec éclat, et avant qu’elle soit achevée.
Elle est laide comme un cul. Manière excessivement grossière de dire qu’une personne est laide à faire peur ; qu’elle est hideuse.
Cul rompu. Nom injurieux que les jeunes soldats entr’eux, donnent aux vieux invalides qui s’immiscent aux plaisirs de la jeunesse.
Péter plus haut que le cul. S’élever au-dessus de sa condition ; entreprendre plus qu’on ne peut exécuter.
Baiser le cul à quelqu’un. Voyez Baiser.
Faire quelque chose à écorche cul. Le faire à contre-sens, en rechignant.
Faire le cul de poule. Pousser la lippe ; être grimaud et boudeur.
Arrêter quelqu’un par le cul. L’arrêter tout court ; déjouer ses projets ; ruiner ses espérances.
Donner sur le cul. Corriger, châtier un enfant, en lui donnant le fouet.
Cul-de-jatte. Au propre, estropié, perclu de ses jambes ; impotent. Au figuré, homme inhabile et sans capacité.
Cul-de-plomb. Homme sédentaire et peu alerte ; on donne aussi ce nom à un homme fort laborieux qui travaille avec une grande assiduité, qui ne remue pas de dessus sa chaise.
Se lever le cul devant. Être maussade, grondeur en se levant.
Être crotté jusqu’au cul. Être plein de boue et de crotte.
Renverser cul par-dessus tête. Bouleverser tout ; mettre tout en désordre.
Ils se tiennent tous par le cul, comme des hannetons. Se dit d’une coterie, d’une assemblée de marchands qui s’entendent ensemble pour ne pas rabattre du prix de leurs marchandises.
Baiser le cul de la vieille. Voyez Baiser.
Charger à cul. Se dit d’un porteur ou d’un cheval que ton charge trop en arrière.
Donner du pied au cul. Chasser quelqu’un ; le renvoyer d’une manière ignominieuse.
Il y va de cul et de tête comme une corneille qui abat des noix. Voyez Abattre.
On lui verra bientôt le cul. Se dit d’un homme déguenillé ; vêtu misérablement ; ou qui est fort négligent pour son habillement.
Tenir quelqu’un au cul et aux chausses. Le tenir étroitement, de manière qu’il ne puisse échapper.

Larchey, 1865 : Homme bête et grossier. — Cul goudronné : Matelot — Cul de plomb : Homme sédentaire, peu alerte (d’Hautel, 1808). — Cul rouge : Soldat porteur du pantalon rouge qui compose l’uniforme de presque toute l’armée. — Autre temps, autres culottes. Au dix-huitième siècle, on disait culblanc, témoin ce passage des Mémoires de Bachaumont : « Le 27 janvier 1774. Il est encore arrivé à Marseille à la Comédie une catastrophe sanglante. Un officier du régiment d’Angoulême était dans une première loge ; il s’était retourné pour parler à quelqu’un. Le parterre, piqué de cette indécence, a crié à bas, cul blanc ! (le blanc est le fond de l’uniforme de l’infanterie), » etc., etc.

Rigaud, 1881 : Homme stupide. Tournure de femme au dix-huitième siècle. Aujourd’hui on dit faux-cul.

En entrant dans la première salle, chaque femme était obligée de quitter son cul, sa bouffante, ses soutiens, son corps, son faux chignon, et de vêtir une lévite blanche avec une ceinture de couleur.

(Lettre d’un garde du roi, pour servir de suite aux Mémoires de Cagliostro, 1786.)

France, 1907 : Imbécile. Garçon stupide et grossier.

Cul (avoir quelqu’un dans le)

Rigaud, 1881 : Être ennuyé par quelqu’un au point de ne plus pouvoir le soulfrir. — Se moquer absolument des observations de quelqu’un. — Mépriser profondément. Les joyeuses commères de la rue Mouffetard accompagnent l’expression d’une forte claque sur les fesses dans la crainte que leurs paroles n’aient pas assez d’éloquence.

Cul (enlever le)

Rigaud, 1881 : Administrer un coup de pied au derrière.

Cul (être à)

Rigaud, 1881 : Être ruiné. C’est-à-dire être à cul nu. L’expression est vieille. Signifiait primitivement être à bout d’arguments. D’après La Monnoye, l’expression dérive d’acculer, coller contre le mur, le cul contre le mur.

Il tint contre tous les régents et orateurs et les mit de cul.

(Rabelais, livre II.)

Cul (le)

Delvau, 1864 : Les fesses, l’anus et les parties génitales tout ensemble.

Que ton petit cul est rond et potelé ! Qu’il est bien fait !…

La Popelinière.

Un cul dur comme un marbre et plus blanc que l’ivoire.

Louis Protat.

Vous assurez, belle, farouche,
Que l’amour ne peut vous brûler :
Si votre cul pouvait parler,
Il démentirait votre bouche.

Collé.

Et nous autres,
Pauvres apôtres,
Pauvres moines…
Ne foutons que des culs crottés…
Eleison !

(Romance populaire.)

Louyson a le cul crotté
Tout ainsi qu’un veau garotté
Que l’on traîne parmy la rue…

M. De Montgaillard.

Gai, gai, l’on est chez nous
Toujours en fête
Et cul par-dessus tête ;
Gai, gai, l’on est chez nous,
Toujours eu fête et sens dessus dessous.

Béranger.

Cul, cul pour la vertu !
Je suis putain, je veux faire mes farces ;
Cul, cul, pour la vertu !
Je suis putain, je veux montrer mon cul !

(Vieux refrain.)

Dieu fit le con, ogive énorme,
Pour les chrétiens,
Et le cul, plein cintre difforme,
Pour les païens…

(Parnasse satyrique.)

Ah ! je n’y tiens plus !… le cul me démange…
Qu’on m’aille chercher l’Auvergnat du coin,
Car je veux sentir le vit de cet ange…
Enfoncer mon con comme avec un coin.

(Parnasse satyrique.)

Cul (montrer son)

Rigaud, 1881 : Faire faillite. Le banqueroutier qui se sauve ne présente pas son visage à ses créanciers.

France, 1907 : Faire banqueroute. On dit aussi, dans le même sens : lever le cul.

Cul (rire comme un)

Rigaud, 1881 : Rire sans desserrer les dents. On dit également rire comme le cul de notre âne.

Cul à fauteuil

Delvau, 1866 : s. m. Académicien, — dans l’argot incongru des faubouriens. Ils disent aussi Enfant de la fourchette, Mal choisi et Quarantier.

Cul d’âne

France, 1907 : Lourdaud.

Cul de plomb

Delvau, 1866 : s. m. Employé sans capacité ou sans ambition, destiné à mourir simple expéditionnaire, — dans l’argot des bureaucrates, qui se rêvent tous le titre de chef de division comme bâton de maréchal.

Delvau, 1866 : s. m. Bureaucrate, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Bureaucrate sans activité, sans intelligence. — Couturière.

Virmaître, 1894 : Employé rivé à son fauteuil d’un bout de l’année à l’autre (Argot du peuple).

France, 1907 : Homme lourd et lent ; employé de bureau. Raccrocheuse qui attend les clients au café.

Cul de poule (bouche en)

France, 1907 : Bouche arrondie, rapetissée comme la font les gens qui essayent de se montrer aimables. Voyez deux ennemies qui s’abordent et s’accablent de gracieusetés, toutes deux font la bouche en cul de poule. La dévote, en parlant à M. l’abbé, et M. l’abbé, qui la guigne, font aussi le cul de poule.

Et tous feront pareillement, mille dieux ! du plus gros matador au plus petit larbin, c’est à qui fera sa bouche en cul de poule, disant le contraire de ce qu’il pense.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Cul de singe

France, 1907 : Sobriquet donné aux hussards.

Cul de vilain

France, 1907 : Bourse de cuir où d’étoffe dont on se servait autrefois et qui se fermait par une coulisse. Dans son Glossaire français du moyen âge, M. de Laborde donne l’explication du mot en deux lignes :

La culotte du pauvre est souvent percée et laisse voir le contenu,
Une bourse de satanin à cul de vilain.

(Inventaire de Charles V)

Cul et chemise (être)

Rigaud, 1881 : Être très intime. Le cul et la chemise sont, pour ainsi dire, inséparables et vivent en bonne intelligence.

Cul goudronné

Delvau, 1866 : s. m. Matelot, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Marin.

Cul levé

Fustier, 1889 : Partie d’écarté à trois où deux des joueurs s’entendent pour dépouiller le troisième.

France, 1907 : « Partis d’écarté à trois, ou deux des joueurs s’entendent pour dépouiller le troisième. » (Gustave Fustier)

Cul levé (jouer à)

Rigaud, 1881 : Céder sa place à un autre chaque fois qu’on a perdu une partie d’écarté ou d’impériale.

Cul rouge

Delvau, 1866 : s. m. Soldat, — dans l’argot des faubouriens, qui font allusion au pantalon garance.

Merlin, 1888 : Lignard, à cause de la couleur garance de son pantalon.

France, 1907 : Soldat.

Cul terreux

Delvau, 1864 : Paysanne, qui ignore l’usage de la cuvette, et qui a autant de crasse au vagin qu’aux mains.

Delvau, 1866 : s. m. Paysan, — dans l’argot des faubouriens ; jardinier de cimetière, — dans l’argot des marbriers.

Virmaître, 1894 : Paysan. L’allusion est transparente (Argot du peuple). V. Pétrousquin.

Hayard, 1907 : Cultivateur ; paysan.

France, 1907 : Paysan, jardinier. Le mot s’applique, en général, à tous ceux qui travaillent la terre.

Son aïeul a fondé la fortune de la famille en achetant des biens d’émigrés, et son père l’a considérablement arrondie en épousant la fille d’un riche fermier, un cul-terreux…

(François Coppée)

En fait de fumier, que je leur dis : y a rien d’aussi bon que les carcasses de richards et de ratichons, mises à cuire six mois dans le trou à purin. Ça dégotte tous les engrais chimiques du monde. En effet, le jour où les culs-terreux utiliseront ces charognes, ils n’auront plus ni impôts, ni dîmes, ni rentes, ni hypothèques, ni f…, ni m… à payer, — conséquemment, aussi maigre que soit la récolte, elle sera toujours assez grasse pour eux.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Cul-de-singe

Merlin, 1888 : Se disait jadis des cavaliers légers, qui portaient le pantalon entièrement basané, dont le fond seul n’était pas ciré, afin de ne pas salir la schabraque blanche qui garnissait la selle.

Cul-terreux

Rossignol, 1901 : Maraicher.

Cula

France, 1907 : Feu follet. Il est à noter qu’en provençal culut signifie ver luisant.

Culasse

d’Hautel, 1808 : Renforcé sur la culasse. Se dit d’un homme fort et vigoureux qui a le râble épais ; ou par raillerie d’une femme qui a de grosses hanches.

Culasses (revue des)

France, 1907 : Inspection médicale au régiment. On dit aussi : revue des culasses mobiles.

Culasses mobiles (revue des)

Fustier, 1889 : Argot militaire. Inspection médicale qui a lieu tous les mois.

Culbutant

Fustier, 1889 : Pantalon. (Richepin.)

Rossignol, 1901 : Pantalon.

Hayard, 1907 : Pantalon.

France, 1907 : Pantalon.

Allons, bon ! v’la mes dents qui claquent !
J’sais pas c’que j’ai, c’est épatant ;
J’entends les os d’mes jamb’s qui plaquent
Cont’ les parois d’mon culbutant.

(Aristide Bruant)

On dit aussi : culbute.

Culbute

d’Hautel, 1808 : Au bout du fossé la culbute. Dicton joyeux et gaillard qui signifie qu’il faut faire vie qui dure, et ne point s’embarrasser des événemens futurs ; qu’il arrivera ce qui pourra.

anon., 1827 : Culotte.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Culotte. Esbigner le chopin dans sa culbute, cacher l’objet volé dans sa culotte.

Bras-de-Fer, 1829 : Culotte.

Clémens, 1840 : Culotte.

Halbert, 1849 : Culotte.

Larchey, 1865 : Culotte (Vidocq). — Jeu de mots. C’est dans la culotte qu’on butecul. (Buter : Pousser. V. Du Cange.) — V. Affure.

Delvau, 1866 : s. f. Pantalon, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Faillite, — dans l’argot des bourgeois. Faire la culbute. Faire banqueroute.

Rigaud, 1881 : Faillite. Faire la culbute, suspendre ses paiements.

Rigaud, 1881 : Culotte, — en terme de tailleur.

Rossignol, 1901 : Synonyme de culbutant.

Rossignol, 1901 : Faire faillite. Le camelot qui vend un objet le double du prix d’achat est un article qui fait la culbute.

France, 1907 : Pantalon.

Ah ! mince, on prend des airs de flûte,
On s’régal’ d’un p’tit quant à soi…
Va, mon vieux, pêt’ dans ta culbute,
T’es dans la ru’, va ! t’es chez toi.

(Aristide Bruant)

Esbigner le chopin dans sa culbute, cacher un objet volé dans son pantalon.

Culbute (faire la)

Virmaître, 1894 : Négociant qui fait faillite. Il fait littéralement la culbute (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Doubler le bénéfice.

France, 1907 : Faire faillite.

Culbute ou culbutant

Virmaître, 1894 : Pantalon (Argot du peuple). V. Falzar.

Culbute, culbutant

anon., 1907 : Culotte, pantalon.

Culbute, culbutant, grimpant

La Rue, 1894 : Culotte.

Culbuter une femme

Delvau, 1864 : En jouir, — parce que, pour en arriver là, il faut la renverser sur le dos.

Mademoiselle, aimez-vous bien à être culbutée ?

Sorel.

Culerée

France, 1907 : Composteur rempli.

Culeter

Delvau, 1864 : Faire l’acte copulatif, qui exige de part et d’autre un fort remuement de cul.

Elle en entretenait de tous prix et tous âges,
Même leur apprenait cent divers culetages.

Théophile.

Depuis grosse garce devint,
Et lors culetait plus que vingt.

Cl. Marot.

Ci-gist qui est une grand’perte,
En culetis la plus experte
Qu’on sut jamais trouver en France.

Cl. Marot.

Culiste

Delvau, 1864 : Homme qui préfère le cul au con, — élevé, sans doute, à l’école anormale des RR. PP. Jésuites.

Il n’est à présent que des sots
Qui se disent conistes :
Les philosophes. les héros
Ont tous été culistes.

Collé. (Recueil du Cosmopolite.)

Culot

d’Hautel, 1808 : Le culot. Pour dire le cadet ; le dernier né.

Hayard, 1907 : Effronterie, le dernier, la fin.

France, 1907 : Toupet, audace, dans l’argot des polytechniciens ; Avoir du culot à la planche, ne pas se troubler au tableau.

France, 1907 : Résidu laissé au fond d’une pipe.

Près des théâtres, dans les gares,
Entre les arpions des sergots,
C’est moi que j’cueill’ les bouts d’cigares,
Les culots d’pipe et les mégots.

(Jean Richepin)

France, 1907 : Dernier, du latin culus, cul, extrémité. Le dernier d’une couvée, d’une famille, le dernier promu dans un grade, le dernier arrivé. En Berry, culot signifie croupion.

Des sept officiers, il ne reste plus que moi, claquant de fièvre, avec deux blessures, l’une à l’épaule et l’autre au bras gauche. Et lorsque je prends l’aigle, moi le culot du régiment, qui n’ai pas trois poils de moustache, qui porte encore mon pantalon à bande bleue de « fine galette », je me sens ragaillardi comme si je venais de boire quelque longue lampée de vieille eau-de-vie.

(René Maizeroy)

Une grande, Glaé, noire de crin et de peau, les yeux comme des myrtilles sous sa taroupe, déjà poitrinait quand à peine le culot s’éssayait à téter son suçon. Elle touchait à ses quinze ans.

(Oscar Méténier)

Culot (avoir du)

anon., 1907 : Audacieux.

Culot de fromage (le)

Delvau, 1864 : Ce qui reste au fond des vagins qu’on n’a pas le soin de les bien récurer lorsqu’ils ont servi à faire la cuisine de l’homme.

Malgré l’culot à fromage
Qu’on est sûr d’y rencontrer,
Ma gueul’ ne f’ra pas naufrage
Si mon nez n’vient à sombrer.

(Parnasse satyrique.)

Culottage

Rigaud, 1881 : Action de culotter une pipe. — Se livrer avec passion au culottage. — Obtenir de beaux effets de culottage.

France, 1907 : L’art de culotter les pipes.

Culotte

d’Hautel, 1808 : La culotte de peau. Nom burlesque que l’on donne vulgairement à la musette.

Larchey, 1865 : Partie de dominos qui procure au gagnant un grand nombre de points. Les joueurs, n’ayant plus de quoi poser, sont obligés d’abattre leurs dominos. Celui qui conserve les moins élevés, bénéficie des points de son adversaire, il fait une culotte.

Le joueur de dominos préfère le double-six culotte avec six blancs dans son jeu.

Luchet.

Larchey, 1865 : « Plus d’une fois, il est arrivé qu’un étudiant poursuivi par le guignon s’est vu mettre sur son compte toutes les demi-tasses consommées dans le courant de la soirée par tous les habitués du café. Total : cinquante ou soixante francs. Cela s’appelle empoigner une culotte. »

Louis Huart.

Delvau, 1866 : s. f. Nombre considérable de points, au jeu de dominos, — dans l’argot des bourgeois. Attraper une culotte. Se trouver à la fin d’une partie, à la tête d’un grand nombre de dominos qu’on n’a pu placer.

Rigaud, 1881 : Perte sérieuse à la Bourse, au jeu.

Levardet raillait sans pitié ces triples niais de pontes qui venaient de se flanquer une si jolie culotte.

(Vast-Ricouard, Le Tripot.)

Se flanquer une culotte à pont, perdre beaucoup d’argent. Allusion à l’ancienne culotte de nos pères qui montait très haut. Attraper, se flanquer une culotte, veut dire encore se griser à fond. Mot à mot : se culotter de vin.

La Rue, 1894 : Grosse perte au jeu. Jouer la culotte aux dominos, fermer le jeu dans l’espoir de compter beaucoup de points.

Hayard, 1907 : Perte d’argent au jeu ; (avoir une) être ivre.

Culotté

Larchey, 1865 : Bistré.

Les yeux culottés par les veilles malsaines.

Delvau.

Culotté : Aguerri.

Oh ! ma chère, je suis culottée, vois-tu.

Gavarni.

Dans ces deux acceptions, comme dans la suivante, il y a évidemment allusion au culottage de la pipe.

Delvau, 1866 : adj. Bronzé, aguerri, rompu au mal et à la misère, — comme une pipe qui a beaucoup servi.

France, 1907 : Usé, défraîchi ; objet dont on s’est longtemps servi. Un vêtement culotté, un chapeau culotté.

Ils ont quitté ces vieux nids séculaires,
Par leurs aïeux et par nous culottés ;
Nobles taudis où les noms de leurs pères
Peut-être encore aux murs sont incrustés ;
Eux… ces lions, logés dans ces baraques,
Il leur fallait le faubourg Saint-Germain.
Ils m’ont laissé seul au quartier Saint-Jacques…
Non… il n’est plus, mon vieux Quartier Latin.

Se dit aussi d’un nez rougi par l’abus des boissons :

Un nez culotté, piquante parure,
Gracieuseté de dame Nature,
Heureux Le mortel doté
D’un nez culotté !

(Vieille chanson)

Une pipe bien culottée, c’est-à-dire noircie par l’usage.

France, 1907 : Aguerri, rompu aux fatigues at aux misères de la vie.

Culotte (avoir une)

Delvau, 1866 : Être complètement ivre, — dans l’argot des faubouriens, qui, par cette expression, font certainement une allusion scatologique, car l’ivrogne ne sait pas toujours ce qu’il fait… On dit aussi Prendre une culotte.

France, 1907 : Être ivre. On dit : prendre une culotte, se donner une culotte dans le même sens. Grosse culotte, ivrogne fieffé.

Culotte (en prendre une)

Virmaître, 1894 : Être abominablement pochard. On dit également : il est cuit, il a trop chauffé le four (Argot du peuple).

Culotté (être)

Delvau, 1866 : Être complètement gris, — pour s’être donné une culotte.

Culotte (grosse)

Rigaud, 1881 : Ouvrier qu’on rencontre plus souvent chez le marchand de vin qu’à l’atelier.

Culotte (jouer la)

Rigaud, 1881 : Les joueurs de dominos jouent la culotte, quand ils cherchent à fermer le jeu dans l’espoir de marquer un grand nombre de points. Le domino qui opère ce tour de force a reçu le surnom de domino-culotte.

Culotté (nez)

Rigaud, 1881 : Nez d’ivrogne, nez qui arbore les tons chauds d’une pipe culottée.

Culotte (prendre ou attraper une)

France, 1907 : Perdre une grosse somme au jeu. Jouer la culotte, fermer le jeu, aux dominos.

Culotte (prendre une)

Boutmy, 1883 : v. S’enivrer. Avoir une culotte, Être ivre. Expression commune à d’autres argots. V. Poivreau.

Virmaître, 1894 : Perdre une grosse somme au jeu (Argot des joueurs).

Culotte de peau

France, 1907 : Sobriquet donné aux vieux soldats, à cause de la culotte de peau que l’on portait dans la garde impériale et que portent encore les généraux en grand uniforme et les soldats de la garde municipale à cheval.

Culotte de peau (vieille)

Merlin, 1888 : Officier de l’ancien régime.

Culotte rouge (donner dans la)

Fustier, 1889 : Choisir ses amants dans l’élément militaire.

Culottée (pipe)

Rigaud, 1881 : Pipe noircie par l’usage du tabac.

Culottée (toile)

Rigaud, 1881 : En terme d’atelier, une toile culottée est une toile aux tons sombres. Les Rembrandt, les Ribeira sont des modèles de culottés.

Culotter

Delvau, 1866 : v. n. Noircir, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce verbe spécialement à propos des pipes fumées.

Rigaud, 1881 : Noircir le fourneau d’une pipe selon les règles de l’art du fumeur.

… Sans vider le brûlot Chargez, chargez toujours sur le même culot. Fumez-le lentement, sans brutale secousse, Vous le verrez bientôt prendre une teinte rousse, Assombrir par degrés son cordon régulier, Jusqu’à ce que, formant un superbe collier, Il étale à la fois sa couleur blanche et noire, La culotte d’ébène et le turban d’ivoire.

(Paris-Fumeur.)

Culotter (se)

Delvau, 1866 : Se griser. On dit aussi Se culotter le nez.

Delvau, 1866 : S’aguerrir, s’accoutumer au mal, à la fatigue, à la misère, aux outrages des hommes et de la destinée. Signifie aussi : Vieillir, devenir hors de service.

Delvau, 1866 : Avoir, par suite d’excès de tous genres, le visage d’un rouge brique, — comme cuit au feu des passions.

Rigaud, 1881 : Perdre beaucoup d’argent au jeu. — Commencer à connaître la vie, le monde. — S’enivrer.

France, 1907 : S’enivrer, s’aguerrir, s’accoutumer à la fatigue, aux orages et aux déboires de la vie.

Culotteur de pipes

Delvau, 1866 : s. m. Pilier d’estaminet, rentier suspect, vaurien, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Client fidèle d’un estaminet.

France, 1907 : Fainéant qui passe son temps à culotter des pipes.

Tous les ans, au commencement de l’année scolaire, la province nous envoie des jeunes gens qui, par souvenir de ce qu’ils ont lu ou entendu raconter, tentent de ressusciter l’étudiant chevelu, débraillé, culotteur de pipes, du gouvernement de juillet 1830. Mais le milieu ambiant n’est plus favorable à l’épanouissement de cette sorte de fantaisistes.

(Gabriel Guillemot, Le Bohême)

Culottin

d’Hautel, 1808 : Nom badin et familier que l’on donne à un petit enfant en culotte.

Culte de Sapho (le)

Delvau, 1864 : Lesbicus amor. L’amour d’une femme pour une autre femme, à l’exemple de celui dont était possédée l’amante méprisée de Phaon.

L’Opéra dit tout haut
Que SR…… la prima-donne,
Avec fureur s’adonne
Au culte de Sapho.

Joachim Duflot.

Culte, culotte

La Rue, 1894 : Ivresse.

Cumariau

France, 1907 : Culbute.

Cumulard

Larchey, 1865 : « Fonctionnaire qui cumule les émoluments de plusieurs places. »

Lubize.

Le cumulard est travailleur, il a de l’esprit.

Balzac.

France, 1907 : Budgétivore qui perçoit Les émoluments de plusieurs places.

Cuouard

Halbert, 1849 : Membre viril.

Cupidon

Larchey, 1865 : Chiffonnier (Vidocq). — Comparaison ironique du carquois et du trait de l’Amour à la hotte et au crochet du chiffonnier.

Delvau, 1866 : s. m. Chiffonnier, — dans l’argot des faubouriens, qui font allusion à son carquois d’osier. On dit mieux : Vieux Cupidon.

France, 1907 : Chiffonnier. Argot des voleurs, qui comparent sa hotte et son crochet au carquois et à la flèche de l’enfant de Vénus.

Cupidonnage

France, 1907 : Exploitation de la femme, surtout de la femme mariée dont on devient l’amant.

Cupidonnier

France, 1907 : Chevalier d’industrie qui, après être parvenu à s’introduire dans les bonnes grâces d’une femme, principalement d’une femme galante, se fait remettre ses économies sous prétexte de les faire fructifier, soit dans des opérations de bourse ou de commerce, et disparait avec. Quand c’est une femme mariée, il conseille à sa victime de fuir avec lui, en puisant dans le coffre-fort marital la grosse somme qu’il croque en sa compagnie, puis, le sac vide, disparait pour d’autres conquêtes : c’est le cupidonnier à l’adultère.

Cupidonnier, m’fais pas d’épates,
Aux patins j’t’ai vu des savates…
T’avais un paillasse assez toc,
Qui coulait ses jornes au bloc…
Tu grinchis aux horizontales
Faffiots, râpes d’orient et malles
Pour ce sal’ fourbi de marquant
Faut pas avoir de palpitant…

(Chanson d’un vieux voleur recueillie par Hogier-Grison)

Cupiller

France, 1907 : Tracasser.

Curdeux

Bras-de-Fer, 1829 : Commissaire.

Curé

d’Hautel, 1808 : C’est gros Jean qui remontre à son curé. Se dit d’un ignorant, d’un étourdi qui veut donner des conseils à quelqu’un de plus expérimenté et de plus savant que lui.

Rigaud, 1881 : Sac de charbon. Allusion à la forme de la robe du prêtre et à la couleur du vêtement. — (Jargon des voyous.)

Curé de campagne

Virmaître, 1894 : Femme à tout faire, qui sait se retourner à l’occasion (Argot des filles).

France, 1907 : Femme à tout faire.

Cure-dents

Rigaud, 1881 : Sabre-baïonnette de l’infanterie, — dans le jargon du régiment. Ton cure-dent qui f… le camp.

Cure-dents (venir en)

France, 1907 : Être invité à une soirée ou à un bal, sans avoir été invité au dîner qui précède. On dit aussi : venir en pastilles de Vichy.

Curés (il va tomber des)

Rigaud, 1881 : Le ciel est tout noir, il va pleuvoir à torrents.

Curieux

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme curieux, indiscret et avare, qu’Il veut tout savoir et ne rien payer.

Halbert, 1849 : Juge.

Larchey, 1865 : Juge d’instruction. — Il est curieux par métier. V. Escrache.

Le curieux a servi ma bille (mon argent).

Vidocq.

Delvau, 1866 : s. m. Le juge d’instruction, — dans l’argot des voleurs, qui, en effet, n’aiment pas à être interrogés et veulent garder pour eux leurs petits secrets.

Rigaud, 1881 : Commissaire de police. — Juge d’instruction.

La Rue, 1894 : Commissaire de police. Juge d’instruction. Président d’assises.

Virmaître, 1894 : Juge (Argot des voleurs). V. Palpeurs.

Rossignol, 1901 : Juge. C’est un curieux, parce qu’il met le nez dans vos affaires.

Hayard, 1907 : Juge.

France, 1907 : Juge. Il veut, en effet, tout savoir.

— Son couteau… son couteau à lui. Prenez-lui son couteau dans la poche… Vous ne comprenez donc pas, double brute, que quand on trouvera ce couteau, les curieux seront convaincus qu’ils sont en présence d’un suicide… Là ! y êtes-vous ?… Moi, je m’empare des précieux papiers.

(Georges Pradel, Cadet Bamboche)

Grand curieux, président de cour d’assises. Curieux de la planche au pain, président de tribunal. Curieux à mal faire, voleur maladroit.

France, 1907 : Amateur de scènes crapuleuses qui fréquente les bains de vapeur pour assister à des actes honteux. Dans les maisons de tolérance, on les appelle voyants.

En dehors des gens qui se rendent aux bains de vapeur pour satisfaire leurs passions, il y a la clientèle courante que l’hygiène amène seule et où figurent des individus connus sous le nom de curieux. Ils n’aiment pas les femmes, n’ont aucun goût pour les plaisirs contre nature, et cependant ils séjournent des journées entières dans ces établissements : ils mangent, boivent, fument, circulent dans les salles et semblent heureux d’entendre des paroles obscènes, et d’assister à des actes répugnants. C’est là une curiosité maladive assez commune qui charme leurs oreilles et satisfait leur vue.

(Gustave Macé)

Curieux (grand)

Halbert, 1849 : Grand juge, président.

Curieux (le)

anon., 1907 : Juge.

Curieux à mal faire

La Rue, 1894 : Voleur maladroit qui se fait prendre.

Cuve

d’Hautel, 1808 : Déjeûner, dîner à fond de cuve. Pour dire, déjeûner ou dîner avec excès ; manger et boire à en perdre la raison.

Cuver

d’Hautel, 1808 : Cuver son vin. Dormir, se reposer après s’être enivré.
Il faut lui laisser cuver son vin. Raillerie que l’on exerce sur une personne à qui le vin fait dire des injures, qu’il ne se permettroit pas impunément à jeun.

Cuver sa pistache

France, 1907 : Dormir à la suite d’excès de boissons. On dit aussi : cuver sa cuite.

Avec étonnement, le comte vit, rangées le long de la muraille et s’appuyant à une barre de fer, comme à un parapet, cinq ou six vieilles femmes, aux traits hideux, affublées de haillons, qui se tenaient là, immobiles, dans une attitude de béguines en prières.
C’étaient les ivrognesses habituées qui obtenaient la permission de faire un somme dans le cabaret, pour cuver leur pistache avant de s’en aller rôder sous les ponts, ou dormir dans les galetas.

(E. Lepelletier)

Cuvette

Delvau, 1864 : Vase qui joue un grand rôle dans la vie des filles d’amour ; elles y touchent aussi souvent qu’aux pines de leurs contemporains. Un homme est monté ; pendant, qu’il redescend, la cuvette se remplit d’eau, avec quelques gouttes de vinaigre de Bully, et la main travaille à déterger l’intérieur de la petite caverne dans laquelle il vient de faire ses nécessités spermatiques. Si Paris puvait se taire, de six heures du soir à minuit, on entendrait un bruit formidable de cuvettes, jouant toutes le même air, une sorte de ranz des vaches plein de mélancolie, car il paraît que cela n’est pas amusant de se laver ainsi trente fois par soirée.

Cyclope

Delvau, 1864 : L’outil qui n’a qu’un œil, ou plutôt l’ouvrier qui forge les enfants : — Le vit.

Chez la Constant, Berthe aux merveilleux charmes,
Beau travail et fermes appas,
De mon Cyclope a fait couler les larmes
Bien souvent, hélas !…

P. Saunière.

Rigaud, 1881 : Derrière. — Faire trimer, faire travailler le cyclope, aller à la selle. — Se prend aussi pour l’effet, la chose elle-même. Produire son cyclope dans le monde.

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Le postérieur. Chapeau haut de forme.

France, 1907 : Le derrière. Pareil au cyclope, il n’a qu’un œil.

Cygne

d’Hautel, 1808 : Blanc comme un cygne. Expression exagérée, pour dire qu’une personne a la peau très blanche.
Faire d’un oison un cygne. Louer d’une manière excessive un homme de peu de mérite.

Rigaud, 1881 : Pièce de vingt francs. C’est une forme nouvelle de l’ancien ciguë, cigale.

Cylindre

Fustier, 1889 : Chapeau haute forme.

France, 1907 : Chapeau à haute forme. Tu t’en ferais péter le cylindre. Refus ironique avant le même sens que : tu t’en ferais crever.

Cylindre (aliser son)

Rigaud, 1881 : Être très malade, — dans le jargon des ouvriers du fer.

Cylindre (se faire éclater le)

Larchey, 1865 : Crever.

Une biche dit : Mon p’tit homme : Je mangerais bien des fraises, des p’tits pois, Paye m’en !… La scène était à peindre. Le cocodès dit en baissant la voix : Tu t’en ferais éclater le cylindre.

Alphonse Duchesne.

Cymbale

Delvau, 1866 : s. f. Lune, dans le même argot [des voleurs]. Sans doute par une ressemblance de forme de couleur entre cet astre et les gongs de notre musique militaire. On l’appelle aussi Moucharde.

Rigaud, 1881 : Pleine lune.

France, 1907 : Pleine lune, à cause de sa forme ronde.

Cymbales

Rigaud, 1881 : Panonceaux, — dans le jargon du peuple.

France, 1907 : Panonceaux de notaire on d’huissier.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique