Delvau, 1866 : s. f. Foule, — dans l’argot des voleurs, qui l’appellent ainsi, avec mépris, parce qu’ils ont remarqué qu’elle se compose de badauds, de gens qui ouvrent les yeux, la bouche et les oreilles d’une façon démesurée.
Abadie
Abasourdir
d’Hautel, 1808 : Étourdir quelqu’un de plaintes sans fondement ; l’importuner, l’obséder ; le jeter dans la consternation, et l’abattement.
Cet homme est abasourdissant. Pour, est ennuyeux, fatigant ; ses discours sont d’une insipidité accablante.
France, 1907 : Tuer ; argot des voleurs.
Abri
d’Hautel, 1808 : Il a les yeux à l’abri du vent. Se dit par raillerie d’un homme qui a les yeux petits et très renfoncés. On dit proverbialement : Un homme sans abri, est un oiseau sans nid.
Accommoder quelqu’un au beurre noir
Delvau, 1866 : v. a. Lui pocher les yeux à coups de poing.
Accroche-cœurs
Vidocq, 1837 : s. m. — Favoris.
Delvau, 1864 : Petites mèches de cheveux que les femmes se collent sur les tempes, afin de se rendre plus séduisantes aux yeux des hommes et d’accrocher ainsi le cœur qu’ils portent à gauche — dans leur pantalon.
Sur nos nombreux admirateurs
Dirigeons nos accroche-cœurs.
(Louis Festeau)
Larchey, 1865 : Favoris (Vidocq). — Allusion aux accroche-cœurs féminins, petites mèches contournées et plaquées prétentieusement sous la tempe.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Petites mèches de cheveux bouclées que les femmes fixent sur chaque tempe avec de la bandoline, pour donner du piquant à leur physionomie. Les faubouriens donnent le même nom à leurs favoris, — selon eux irrésistibles sur le beau sexe, comme les favoris temporaux du beau sexe sont irrésistibles sur nous.
Rigaud, 1881 : Mèche de cheveux que les souteneurs de barrière portent plaquée sur la tempe, coiffure qu’ils affectionnent : d’où le surnom donné au souteneur lui-même.
France, 1907 : Petite mèche de cheveux formant boucle sur les tempes, autrefois fort à la mode chez les Espagnoles. On appelle également ainsi les touffes plus grossières que ramenaient au-dessus des oreilles les jeunes souteneurs et plus vulgairement appelées rouflaquettes.
Affaire
d’Hautel, 1808 : Monsieur tant affaire. Sobriquet qui signifie positivement un faiseur d’embarras, un charlatan.
Son affaire est dans le sac. Son affaire est faite. La première de ces locutions signifie qu’une affaire est conclue, terminée ; la seconde se dit d’une personne perdue, ruinée ; d’un criminel qui a subi sa sentence.
Faire ses affaires. Pour satisfaire à ses besoins naturels.
Les affaires font les hommes. Veut dire qu’un homme quelqu’inapte qu’il soit, devient habile dans un haut emploi.
Vous avez fait là une belle affaire. Se dit par ironie et par reproche à quelqu’un qui a commis quelqu’indiscrétion qui petit lui être nuisible.
À demain les affaires. Pour, nous verrons cela demain ; aujourd’hui ne pensons qu’à nous divertir.
Ceux qui n’ont point d’affaires s’en font. Signifie qu’il est dans la nature de l’homme de s’inquiéter, de se tourmenter, d’agir continuellement d’une manière ou d’autre.
Il entend ou il sait les affaires. Pour dire qu’un homme est habile et exercé dans les négociations ; qu’il se conduit avec prudence et selon les conjonctures.
Avoir affaire à la veuve et aux héritiers. Avoir de l’occupation par-dessus les yeux ; ne savoir auquel entendre ; être obligé de répondre à plusieurs personnes, à plusieurs parties divisées d’intérêts.
Bras-de-Fer, 1829 : Vol.
Delvau, 1864 : L’acte vénérien, le membre viril de l’homme, ou le con de la femme.
Le grand cordelier ayant achevé son affaire.
(Moyen de parvenir)
Macette, on ne voit point en l’amoureuse affaire
Femme qui vous surpasse en traite d’agilité.
(Cabinet satyrique)
Pense que peut en cela faire
Qui se plait à l’affaire.
(Jodelle)
Elle disait qu’il n’y avait si grand plaisir en cette affaire que quand elle était à demi forcée et abattue.
(Brantôme)
Dites-vous que l’amour parfait
Consiste en l’amoureuse affaire.
(Théophile)
Le jeune homme puceau l’appelle son affaire.
(Protat)
Mon cher ami, j’ai l’habitude
De me couvrir, en me baignant,
D’un sac qui me cache et me serre
Des pieds jusques à l’estomac…
Parbleu ! c’est prudent, dit Voltaire,
Et votre affaire est dans le sac.
(C. Fournier)
Que voulez-vous que je vous donne pour me permettre d’arracher un poil de votre affaire ?
(D’Ouville)
Delvau, 1866 : s. f. Vol à commettre. Argot des prisons.
Rigaud, 1881 : Vol en perspective. — Affaire à la manque, procès.
La Rue, 1894 : Vol ou assassinat. Affaire juteuse, affaire fructueuse.
Virmaître, 1894 : Pour les voleurs, tous genres de vols sont des affaires (Argot des voleurs).
Aguicher
Rigaud, 1881 : Attirer, — dans le jargon des voleurs. — Aguicher un sinve pour le dégringoler, attirer un imbécile pour le voler.
Hayard, 1907 : Prendre, saisir.
France, 1907 : Exciter, agacer, mettre en humeur, appeler.
… Il appelle la femme de chambre… et comme il la trouve jolie, il le lui dit… très clairement, sous le nez de sa femme… il a raison, du reste, d’aguicher la petite femme de chambre, car elle est diablement jolie !… des yeux !… et un sourire !… et une façon de regarder à travers les cils !… et un tact dans la canaillerie !…
(Samp, Gil Blas)
anon., 1907 : Chercher à attirer l’attention.
Aimer
d’Hautel, 1808 : Je t’aime comme la colique. Manière triviale et figurée d’exprimer que l’on a de l’aversion pour quelqu’un, qu’on le déteste.
Qui aime Bertrand aime son chien. Proverbe populaire qui signifie que quand on aime quelqu’un, on fait amitié à tout ce qui lui appartient.
Il l’aime comme ses petits boyaux, comme la prunelle de ses yeux. Pour dire que rien n’est plus précieux ; que l’on n’aime rien au monde davantage.
Aimer mieux deux œufs qu’une prune. Préférer un grand avantage à un petit ; calculer parfaitement ses intérêts.
Qui m’aime me suit. Proverbe qui a beaucoup de ressemblance avec ce vers de Virgile :
Qui te, Pollio, amat, veniat quo te quoque gaudet.
Voyez Suivre.
Delvau, 1864 : Synonyme élégant et pudique de foutre. Quand un homme dit à une femme : « Je vous aime. » il veut lui dire et elle comprend parfaitement qu’il lui dit : « Je bande comme un carme, j’ai un litre de sperme dans les couilles, et je brûle de l’envie de te le décharger dans le con. » Il n’y a que les poètes, les impuissants et les mélancoliques qui aient osé jusqu’ici donne à ce verbe éminemment actif un sens passif — et ridicule.
… la fille entretenue
Dit : Aimons !!!…
(Protat)
Aimer quelqu’un comme ses petits boyaux
Delvau, 1866 : v. a. l’aimer extrêmement. — Argot du peuple. On dit aussi Aimer quelqu’un comme la prunelle de ses yeux.
Aimeuse
Delvau, 1864 : Petite dame — galante, — qui fait profession d’aimer. — Synonymes : putain, lorette, cocotte, grue, catin, vache, etc., etc.
Les Juifs avaient leurs Madeleines ;
Les fils d’Homère leurs Phrynês.
Délaçons pour tous les baleines
De nos corsets capitonnés.
Rousses, blondes, brunes ou noires,
Sous tous les poils, sous tous les teints…
Qu’il pourrait, raconter d’histoires,
Le cercle de nos yeux éteints !
Folâtres ou rêveuses,
Nous charmons ;
Nous sommes les aimeuses,
Aimons !
(Eug. Imbert)
Air cochon (avoir un)
Delvau, 1864 : Avoir un visage provoquant, qui appelle l’homme, qui le convie à manquer de respect à la femme qui a ce visage ; avoir les yeux égrillards, bouche voluptueuse, etc.
Je vous ai un petit air cochon comme tout.
(Lemercier de Neuville)
Alcoolique
Rigaud, 1881 : Pour alcoolisé. Ivrogne imbu des principes alcooliques, saturé de trois-six, récipient humain à absinthe, — dans le jargon des médecins. La passion de l’alcool est tellement impérieuse chez certains ivrognes, qu’ils arrivent, faute de mieux, à absorber de l’alcool camphré. On en a vu même, en extase devant la boutique des pharmaciens, faire les yeux doux aux bocaux à fœtus et à vers solitaires.
Aller voir défiler les dragons
Delvau, 1866 : Dîner par cœur, c’est-à-dire ne pas dîner du tout, — dans l’argot du peuple, qui se rappelle le temps où, ne pouvant repaître son ventre, il allait repaître ses yeux, sous la République, des hussards de la guillotine, et sous l’Empire des dragons de l’Impératrice. Qui admire, dîne !
Virmaître, 1894 : Ne pas manger. Être de la revue signifie la même chose (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Se passer de manger.
France, 1907 : Se passer de dîner ; expression qui vient sans doute de l’habitude qu’on les pauvres gens qui n’ont pas de quoi dîner d’errer par les rues et d’assister au défilé des soldats, aux parades militaires qui avaient lieu précisément à l’heure où l’on dîne.
Les Anglais disent : To dine with Duke Humphrey, dîner avec le duc Humphrey, à cause de l’aventure arrivée à un gentleman qui, ayant été visiter avec plusieurs de ses amis le tombeau du duc Humphrey de Glocester, y fut enfermé par plaisanterie ou par mégarde et y resta pendant que le reste de la compagnie dînait dans une hôtellerie voisine. Quand on lui ouvrit le caveau, on dit qu’il avait dîné avec le duc Humphrey et le proverbe resta.
Allez vous asseoir
Virmaître, 1894 : Terme employé pour envoyer promener un individu ennuyeux. Cette expression ancienne a servi à un chansonnier de 1848 pour composer une chanson dont le refrain : Allez vous asseoir est resté célèbre (Argot du peuple).
Allumer
d’Hautel, 1808 : Allumez la lumière. Phrase très-usitée parmi le peuple, pour Allumez la chandelle.
Allumer quelqu’un. Le regarder avec recherche et d’une manière indiscrète.
Vidocq, 1837 : v. a. — Regarder attentivement.
Clémens, 1840 : Regarder.
Larchey, 1865 : Regarder fixement, éclairer de l’œil pour ainsi dire. — Très ancien. Se trouve avec ce sens dans les romans du treizième siècle. V. Du Cange.
Allume le miston, terme d’argot qui veut dire : Regarde sous le nez de l’individu.
(Almanach des Prisons, 1795)
Allumer : Déterminer l’enthousiasme.
Malvina remplissait la salle de son admiration, elle allumait, pour employer le mot technique.
(Reybaud)
Allumer : Pour un cocher, c’est déterminer l’élan de ses chevaux à coups de fouet.
Allume ! allume !
(H. Monnier)
Allumé : Échauffé par le vin.
Est-il tout a fait pochard ou seulement un peu allumé ?
(Montépin)
Allumeur : Compère chargé de faire de fausses enchères dans une vente.
Dermon a été chaland allumeur dans les ventes au-dessous du cours.
(La Correctionnelle, journal)
Allumeuse, dans le monde de la prostitution, est un synonyme de marcheuse. Dans ces acceptions si diverses, l’analogie est facile à saisir. Qu’il s’applique à un tête-à-tête, à un spectacle, à un attelage, à un repas, ou une vente, allumer garde toujours au figuré les propriétés positives du feu.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Voir, regarder, — dans l’argot des voleurs.
Delvau, 1866 : v. a. Provoquer l’admiration ; jeter le trouble dans le cœur d’un homme, comme font certaines femmes avec certains regards. Se dit aussi du boniment que font les saltimbanques et les marchands forains pour exciter la curiosité des badauds. L’expression est vieille.
Delvau, 1866 : v. n. Exciter un cheval à coups de fouet. Argot des cochers.
Rigaud, 1881 : Enthousiasmer, exciter l’admiration, surexciter.
Avec un costume neuf elle allumerait une salle.
(Huysmans, Marthe)
Allumer le pingouin, exciter l’enthousiasme du public, dans le jargon des saltimbanques.
Rigaud, 1881 : Regarder avec soin, observer, — dans le jargon du peuple.
Tais-toi, Pivoine, le républicain nous allume.
(A. Joly, Fouyou au Lazary, Chans.)
Dans l’argot des camelots et des marchands forains, allumer a le sens de surveiller l’acheteur, de veiller à ce qu’il ne chipe rien. — Allumer le pante. — Allumer le miston. On disait au XVIIIe siècle éclairer dans le même sens ; c’est le aliquem specidari de Cicéron.
Rigaud, 1881 : Stimuler un cheval à coups de fouet.
Le pauvre gars apparut, tout piètre encore, et se hissa péniblement dans la voiture. Après lui, madame y monta, puis, en route, allume !
(L. Cladel, Ompdrailles, Le Tombeau-des-lutteurs)
La Rue, 1894 : Regarder avec soin. Enthousiasmer. Allumer le pingouin, exciter la curiosité ou l’enthousiasme des badauds, dans le jargon des saltimbanques. Signifie aussi écouter.
Virmaître, 1894 : Faire de l’œil à un passant. Chauffer une salle de théâtre ou une réunion publique pour faire éclater l’enthousiasme et assurer le succès. Frapper ses animaux à coups de fouet pour les exciter. Compères chargés dans les salles de ventes d’allumer les acheteurs (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Regarder.
Allume la tronche de la môme qui radine.
Allumer veut aussi dire payer ; celui qui solde une dépense allume. Chez les artistes, allumer veut dire regarder dans la salle s’il y aura pour la sortie un monsieur galant.
Les allumeuses ne sont pas toujours celles qui éteignent.
France, 1907 : Veiller, être aux aguets, ouvrir l’œil, dans l’argot des voleurs :
Si le Squelette avait eu tantôt une largue comme moi pour allumer, il n’aurait pas été moucher le surin dans l’avaloir du grinche.
(Eug. Sue, Les Mystères de Paris)
Un jeune mais cynique vagabond est assis sur le banc des accusés, à la police correctionnelle.
Le président. — Prévenu, que faisiez-vous au moment de votre arrestation ?
Le prévenu. — J’avais l’œil au grain.
Le président. — Vous dites ?
Le prévenu. — J’allumais.
Le président. — Veuillez vous exprimer dans un langage clair, et surtout plus convenable.
Le prévenu. — Je ne connais que celui-là, moi. Je parle la langue de mes aïeux !
anon., 1907 : Regarder. Allume tes chasses : ouvre tes yeux.
Allumer (s’)
Delvau, 1864 : Être en érection, soit devant une femme, soit devant une photographie obscène.
Il ne s’allume pas !… Je ne s’rais pourtant pas fâchée qu’i m’ baise car il a un rude membre.
(Lemercier de Neuville)
France, 1907 : Prendre feu aux rayons des yeux d’une femme.
Entre horizontales.
— Tu sais ? Ce vieux à favoris blancs qui m’a fait l’autre soir une déclaration au Jardin de Paris ?… Voici deux fois que je dîne avec lui et il ne s’allume pas.
— Méfie-toi, ma chère, il doit être de la régie.
Allumeuse
Delvau, 1866 : s. f. Marcheuse, dans l’argot des filles.
Rigaud, 1881 : Femme payée par l’administration d’un bal public pour danser et avoir l’air de beaucoup s’amuser. — Femme dont le métier consiste à attirer l’attention des hommes, à faire de l’œil, sur la voie publique, dans les théâtres, en chemin de fer et ailleurs. Elle cherche à allumer sa victime, à l’incendier de son regard.
La Rue, 1894 : Femme payée pour donner l’entrain dans un bal ou pour attirer les hommes.
France, 1907 : Femme chargée par les dames des maisons de prostitution de recruter des clients.
Nous trouvons justement à la porte de l’hôtel une gitana aux yeux flamboyants qui guettait notre sortie. Bien qu’elle fut maigre comme une bonne jument du Haymour, elle était encore assez jeune et passable pour battre pour son compte les buissons de Cythère ; mais, veuve et chargée de famille, elle ne travaillait que pour autrui.
Retirant de son doigt une bague, comme dans les vieux romans espagnols, elle nous la présenta, non pour nous l’offrir de la part d’une señora prise subitement du mal d’amour, mais pour nous la vendre.
Ce commerce de l’unique bijou qu’elle possédat ne servait qu’à en couvrir un autre, car, continuant à tenir sa bague du bout des doigts, elle nous raconta confidentiellement qu’elle connaissait deux señoritas muy hermosas et muy jovenes (très belles et très jeunes) qui raffolaient des seigneurs français.
C’était une allumeuse.
(Hector France, Sac au dos à travers l’Espagne)
Amour
d’Hautel, 1808 : C’est un amour en culotte. Expression facétieuse et dérisoire dont on se sert en parlant d’un damoiseau, d’un petit garçon rempli de prétentions et d’amour de soi même, et qui, comme Adonis, se croit un chef-d’œuvre de beauté et de perfection.
Un remède d’amour. Epithète injurieuse : femme d’une extrême laideur et totalement dépourvue de graces et d’amabilité.
Il n’y a pas de belles prisons ni de laides amours. C’est-à-dire quelque beau que soit un lieu, il paroit toujours affreux à celui qui y est détenu ; et que l’on s’aveugle facilement sur les imperfections d’une personne que l’on aime passionnément.
Delvau, 1864 : Sentiment de création moderne. Les anciens ne connaissaient que la fouterie, — ce que Théophile Gautier, un poète, a si fort à tort appelé un « sentiment ridicule accompagné de mouvements malpropres, » — et il était donné à notre génération, épuisée par tant de masturbations intellectuelles, d’inventer cette sinistre plaisanterie qui dépeuplerait promptement la terre, si les Auvergnats n’étaient pas là.
L’amour est une affection
Qui, par les yeux, dans le cœur entre,
Et par forme de fluxion
S’écoule par le bas du ventre.
(Régnier)
Delvau, 1864 : Substantif des deux genres : échange de deux fantaisies ; privilège pour toutes les folies que l’on peut faire ; pour toutes les sottises que l’on peut dire. — On a de l’amour pour les fleurs, pour les oiseaux, pour la danse, pour son amant, quelquefois même pour son mari : jadis on languissait, on brûlait, on mourait d’amour ; aujourd’hui, on en parle, on en jase, on le fait, et le plus souvent on l’achète.
(E. Jouy)
De son vit couturé de chancreuses ornières,
Pénétrer, chancelant, au fond d’un con baveux,
Mettre en contact puant les canaux urinaires,
De scrofules pourris, nous créer des neveux.
De spermes combinés faire un hideux fromage ;
Au fond de la cuvette, humide carrefour,
En atomes gluants voir le foutre qui nage…
Voilà l’amour !
(Paul Saunière)
Larchey, 1865 : Aimable comme l’Amour.
Armée de son registre, elle attendait de pied ferme ces amours d’abonnés.
(L. Reybaud)
Comme j’ai été folle de Mocker, quel amour de dragon poudré.
(Frémy)
Anchois (œil bordé d’)
Larchey, 1865 : Œil aux paupières rougies et dépourvues de cils.
Je veux avoir ta femme — Tu ne l’auras pas. — Je l’aurai, et tu prendras ma guenon aux yeux bordés d’anchois.
(Vidal, 1833)
Anchois (yeux bordés d’)
Rigaud, 1881 : Yeux dont les paupières rougies et tuméfiées figurent des lanières d’anchois. Quand on a vu une fois de pareils yeux, on est dégoûté des anchois pour la vie.
Andalouserie
Delvau, 1866 : s. f. Romance mi-cavalière, mi-sentimentale, comme on en chante dans les cafés-concerts, et où il est toujours question du « beau ciel de l’Andalousie », des « beaux yeux des brunes Andalouses », et où le héros s’appelle toujours Pedro et l’héroïne Paquita. Argot des bourgeois.
Ange
d’Hautel, 1808 : Rire aux anges. Rire niaisement et sans aucun sujet.
Il a vu des anges violets. Se dit d’un visionnaire, ou pour railler quelqu’un dont la vue a été troublée, obscurcie par un coup qu’il a reçu sur les yeux.
Ardants (les)
Halbert, 1849 : Les yeux.
Ardent
Delvau, 1866 : s. m. Chandelle, — dans l’argot des voleurs, qui ont emprunté cette expression, avec tant d’autres, à l’argot des Précieuses.
Rigaud, 1881 : Chandelle, — dans l’ancien argot. — Ardents, yeux.
La Rue, 1894 : Chandelle, lumière. L’œil.
France, 1907 : Chandelle ; argot des voleurs qui appellent les mouchettes fauche-ardents.
Se dit également des yeux : les ardents.
Ardents
Larchey, 1865 : Yeux. — Dict. d’argot moderne, 1844. — Le verbe allumer entraînait naturellement ce substantif.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Les yeux, — dans le même argot [des voleurs].
Virmaître, 1894 : Les yeux (Argot des voleurs).
Ardents (les)
Hayard, 1907 : Les yeux.
Argotier
Vidocq, 1837 : s. m. — Celui qui parle argot, sujet du grand Coësré. (Voir ce mot.)
Delvau, 1866 : s. m. Voleur, — dont l’argot est la langue naturelle.
France, 1907 : L’antiquité nous apprend, et les docteurs de l’argot nous enseignent qu’un roi de France ayant établi des foires à Niort, Fontenay et autres lieux du Poitou, plusieurs personnes se voulurent mêler de la mercerie ; pour remédier à cela, les vieux mercies s’assemblèrent, et ordonnèrent que ceux qui voudraient, à l’avenir, être merciers, se feraient recevoir par les anciens, nommant et appelant les petits marcelots, pêchons, les autres melotiers-hure. Puis ordonnèrent un certain langage entre eux, avec quelques cérémonies pour être tenues par les professeurs de la mercerie. Il arriva que plusieurs merciers mangèrent leurs balles ; néanmoins ils ne laissèrent pas d’aller aux susdites foires, où ils trouvèrent grande quantité de pauvres gueux et de gens sans aveu, desquels ils s’accostèrent, et leur apprirent leur langage et cérémonies. Des gueux, réciproquement, leur enseignèrent charitablement à mendier. Voilà d’où sont sortis tant de braves et fameux Argotiers, qui établirent l’ordre qui suit :
Premièrement, ordonnèrent et établirent un chef ou général qu’ils nommèrent Grand-Coëre ; quelques-uns le nommèrent roi des Tunes, qui est une erreur : c’est qu’il y a eu un homme qui a été Grand-Coëre trois ans, qu’on appelait roi de Tunes, qui se faisait trainer par deux grands chiens dans une petite charrette, lequel a été exécuté dans Bordeaux pour ses méfaits. Et après ordonnèrent dans chaque province un lieutenant qu’ils nommèrent Cagou, les Archisuppôts de l’Argot, les Narquois, les Orphelins, les Milliards, les Marcandiers, les Riffodes, les Malingreux, les Capons, les Piètres, les Polissons, les Francs-Migoux, les Callots, les Sabuleux, les Hubins, les Coquillards, les Courtaux de Boutanches et les Convertis, tous sujets du Grand-Coëre, excepté les Narquois, qui ont secoué le joug de l’obéissance.
J’aime un argotier au mufle de fauve,
Aux yeux de vieil or, aux reins embrasés,
Qui seul fait craquer mon lit dans l’alcôve
Et mon petit corps sous ses grands baisers.
(Jean Richepin)
Aveugle
d’Hautel, 1808 : Changer son cheval borgne contre un aveugle. Échanger une chose défectueuse contre une autre plus défectueuse encore ; faire un sot marché.
Il crie comme un aveugle qui a perdu son bâton. Se dit d’un criard, d’un homme violent et emporté qui jette feu et flamme pour la moindre chose. Il seroit, sans doute, mieux de dire : Il est embarrassé comme un aveugle qui, etc., mais l’usage a sanctifié la première locution.
Au pays des aveugles, les borgnes sont rois. Signifie que parmi les gens ignares et incapables, ceux qui le sont moins, passent pour des génies ; ou que ceux qui ont quelques défauts physiques, ne laissent pas de briller dans les lieux où se trouvent des personnes qui en ont de plus remarquables.
Pour faire un bon ménage, il faut que l’homme soit sourd et la femme aveugle. C’est-à-dire qu’il faut que la femme ferme les yeux sur les défauts de son mari : et le mari les oreilles aux criailleries de sa femme.
Un aveugle y mordroit. Pour dire qu’une chose est facile à apercevoir.
Avoir du sable dans les yeux
Delvau, 1866 : Avoir envie de dormir. On dit aussi : Le marchand de sable a passé.
Badaud
d’Hautel, 1808 : Niais, dandin, nigaud, hébété.
Les badauds de Paris. Sobriquet injurieux que l’on donne aux Parisiens à cause de leur frivolité ; et de la surprise qu’ils témoignent sur les choses les moins dignes de fixer l’attention.
Si les Parisiens, hors de leur ville, passent pour badauds aux yeux des étrangers, combien ceux-ci ne le paroissent-ils pas davantage aux Parisiens, en arrivant dans la grande ville ?
Bahut
d’Hautel, 1808 : Un petit bahut. Nom que l’on donne par raillerie à un homme court et trapu ; à un bambin.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, dans laquelle l’homme serre — pour un instant — sa pine, comme chose précieuse.
Dans son bahut je flottais bien au large.
(Chanson anonyme moderne)
Larchey, 1865 : Institution académique.
Je te croyais au bahut Rabourdon. Jamais j’aurais pensé qu’t’étais devenu potache. Et Furet, as-tu de ses nouvelles ? en v’là un bahuteur. Il a fait la moitié des bahuts au Marais et une douzaine au moins dans la banlieue.
(Les Institutions de Paris, 1858)
Quelques fils de famille disent, par extension : le bahut paternel, en parlant du logis de leurs auteurs. Bahut spécial : École de Saint-Cyr.
L’École de Saint-Cyr ! j’ai le bonheur d’être admis à ce bahut spécial.
(La Cassagne)
Bahuter : Faire tapage. Terme propre aux élèves de Saint-Cyr. Pour eux, « ceci est bahuté » veut dire aussi : « Ceci a le chic troupier. » Bahuteur : Tapageur.
Cette écorce rude et sauvage qui allait au bahuteur de Saint-Cyr.
(La Barre)
Vient du vieux mot bahutier.
Quand un homme fait plus de bruit que de besogne, on dit qu’il fait comme les bahutiers. Car en effet les bahutiers, après avoir cogné un clou, donnent plusieurs coups de marteau inutiles avant que d’en cogner un autre.
Delvau, 1866 : s. m. Collège, — dans l’argot des collégiens. Se dit aussi de la maison du préparateur au baccalauréat, et, par extension de toute maison où il est désagréable d’aller. Bahut spécial. Saint-Cyr.
Delvau, 1866 : s. m. Les meubles en général. Argot des ouvriers.
Rigaud, 1881 : École, pensionnat, — dans le jargon des écoliers. — École de Saint-Cyr.
On est heureux en sortant du bahut d’avoir sa chambre, son ordonnance, son cheval.
(Vte Richard, Les Femmes des autres, 1880)
Rigaud, 1881 : Mobilier. — Bazarder tout le bahut, vendre tout le mobilier.
La Rue, 1894 : École. Mobilier.
France, 1907 : Pension, collège.
J’ai gardé bien des souvenirs du bahut, quelques-uns agréables et joyeux, un plus grand nombre, je ne dirai pas mauvais, mais mêlés d’amertume et souvent d’un certain étonnement sur la façon dont on entendait — je parle, hélas ! de plus d’une demi-douzaine de lustres — l’éducation de la jeunesse militaire.
(Hector France, Souvenirs du Prytanée)
Balancer les châssis
Rigaud, 1881 : Regarder de tous les côtés, jeter les yeux à droite et à gauche, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Regarder vivement de tous les côtés, par ex. en faisant le guet.
France, 1907 : Faire le guet, avoir l’œil.
Barbe
d’Hautel, 1808 : Ivresse, passion du vin chez les ouvriers imprimeurs. Les lundi, mardi, mercredi de chaque semaine outre le dimanche, sont les jours consacrés à prendre la barbe ; jours perfides qui font la désolation des auteurs, des libraires, la mine des maîtres, et qui conduisent infailliblement les compagnons à l’hôpital.
Avoir la barbe. Être complètement ivre.
Prendre la barbe. Faire la ribotte, se griser, se souler, se laisser abrutir par le vin. Lorsque quelqu’un tient des discours déraisonnables, ou fait des propositions ridicules, on lui demande, S’il a la barbe. Toutes ces locutions ne sont usitées que parmi les imprimeurs.
Rire sous barbe. Rire intérieurement et avec malice ; ressentir un plaisir secret que l’on manifeste à l’extérieur par des signes ironiques.
Il s’en torchera les barbes. C’est-à-dire, il s’en passera ; il n’y a rien pour lui dans cette affaire.
Faire la barbe à quelqu’un. Le surpasser dans une science ou un art quelconque ; lui être infiniment supérieur.
À son nez, à sa barbe. Pour dire que l’on a fait quelque chose à la vue de quelqu’un, à dessein de se moquer de lui, de l’insulter.
Delvau, 1866 : s. f. Ivresse, — dans l’argot des typographes. Avoir sa barbe. Être ivre.
On dit aussi Prendre une barbe. Se griser.
Rigaud, 1881 : Ivresse, dans le jargon des ouvriers. — Prendre une barbe, se griser. Avoir sa barbe, être soûl.
Boutmy, 1883 : s. f. La barbe dit l’auteur de Typographes et gens de lettres, c’est ce moment heureux, ce moment fortuné, qui procure au malheureux une douce extase et lui fait oublier ses chagrins, ses tourments et sa casse ! Que ne trouve-t-on, pas dans cette dive bouteille ? Pour tous, elle est un soulagement aux travaux ennuyeux ; pour quelques-uns moyen de distraction ; d’autres y cherchent l’oubli, un certain nombre l’espérance.
La barbe a des degrés divers. Le coup de feu est la barbe commençante. Quand l’état d’ivresse est complet, la barbe est simple : elle est indigne quand le sujet tombe sous la table, cas extrêmement rare. Il est certains poivreaux qui commettent la grave imprudence de promener leur barbe à l’atelier ; presque tous deviennent alors Pallasseurs, surtout ceux qui sont taciturnes à l’état sec.
Fustier, 1889 : Répétition.
Une barbe, c’est une répétition de bachot donnée à un aspirant au diplôme. Il s’assied, on le rase, il paye, c’est une barbe !
(Richepin)
Virmaître, 1894 : Beau mâle, gars solide.
— Mon homme est un rude barbe.
Il y a des barbes qui, dans certains quartiers, sont en réputation comme autrefois les terreurs (Argot des filles et des souteneurs).
Virmaître, 1894 : Vieux. Par corruption on dit : birbe. On appelle les vieux de 1848 qui survivent : des vieilles barbes (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Ennuyer quelqu’un en lui causant est lui faire la barbe ; on dit aussi raser.
France, 1907 : Souteneur. Abréviation de barbot. Vieille barbe, politicien de la vieille école, homme de 1848. Avoir sa barbe, être ivre, d’où : prendre une barbe, pour se griser. On appelle aussi barbe une répétition donnée à un candidat au bachot. Faire sa barbe, c’est, en argot des coulisses, gagner de l’argent.
Bassin
d’Hautel, 1808 : Cracher au bassin. Donne, quelque chose malgré soi ; à contre-cœur.
On dit aussi Faire cracher quelqu’un au bassin. Pour lui soutirer de l’argent ; lui faire payer un écot auquel il n’a point pris part.
Delvau, 1864 : La nature de la femme, dans laquelle le membre viril nage trop souvent.
J’eusse voulu toujours fouiller dans votre bassin.
(Tabarin)
Delvau, 1866 : s. m. Homme ennuyeux, — dans l’argot des filles et des faubouriens, qui n’aiment pas à être ennuyés, les premières surtout. On dit aussi Bassinoire.
Boutmy, 1883 : s. m. Homme ennuyeux. Ce mot appartient aussi à l’argot parisien et n’est pas spécial à la typographie : Tais-toi, vieux bassin. On dit aussi bassinoire.
Virmaître, 1894 : Insipide, ennuyeux (Argot du peuple). V. Bassinoire.
Rossignol, 1901 : Individu ennuyeux.
France, 1907 : Homme ennuyeux. On dit aussi bassinoire. « Quel bassin que ce curé ! »
Bassin, bassinoire
Larchey, 1865 : Importun.
Allons, vieux bassin, Avez-vous fini vos manières.
(Becquet, chanson)
Bassiner : Importuner.
Il me bassine, cet avoué.
(Labiche)
Bassinoire : Grosse montre de cuivre. — Moins le manche, elle offre un diminutif assez exact de la bassinoire classique.
C’était une vénérable montre de famille, dite bassinoire en langage familier.
(Champfleury)
Rigaud, 1881 : Individu ennuyeux, qui a le talent de tous agacer les nerfs.
Bassinant
Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, importun, bavard.
Rossignol, 1901 : Ennuyant.
Si Pierre vient, dis-lui que je n’y suis pas, il est bassinant comme un boisseau de puces.
Bassinoire
Delvau, 1866 : s. f. Grosse montre, — dans l’argot des bourgeois.
Rigaud, 1881 : Montre d’argent très large et très épaisse, montre de paysan.
Fustier, 1889 : « À Paris, il est de ces hôtels où, pour quelques sous, couchent les maçons, qui s’en vont à leur travail, à l’aube. Eh bien ! Par les nuits d’hiver, il est de pauvres diables qui attendent, l’onglée aux mains, que ces maçons soient partis pour se glisser, au rabais, dans leurs draps encore chauds. Ils font queue devant le logeur, comme devant un théâtre. Ils battent la semelle en attendant le sommeil. Ils appellent, dans leur argot, les compagnons maçons qui leur cèdent ainsi leur couche, les bassinoires. »
(J. Claretie : La Vie à Paris)
Virmaître, 1894 : Individu qui répète cent fois la même chose pour ne rien dire (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Celui qui répète plusieurs fois la même chose pour ne rien dire.
France, 1907 : Grosse montre, comme en portaient nos grands-pères. Le mot s’applique également à un individu ennuyeux qui fatigue les gens de son bavardage. « Fifine, vous êtes une bassinoire. »
Un marchand d’antiquités disait un jour à Vivier :
— J’attends une pièce des plus curieuses : la dernière bassinoire de Louis XIV.
— Madame de Maintenon ! s’écrie Vivier.
(Dr Grégoire, Turlutaines)
Bastringue
d’Hautel, 1808 : Nom donné primitivement à une contredanse qui a été long-temps on vogue à Paris ; ce mot a reçu depuis une grande extension : le peuple, à qui il a plu, s’en est emparé, et l’a appliqué à des choses de nature différente.
Un bastringue signifie tantôt un bal mal composé ; tantôt un mauvais joueur de violon ; puis une maison en désordre ; un mauvais lieu.
Un bastringue est aussi une petite mesure qui équivaut à peu-près à ce que les buveurs appeloient autrefois un canon, dont la capacite répondoit à celle d’un verre moyen.
Boire un bastringue signifie donc vulgairement, boire un verre de vin.
Ansiaume, 1821 : Lime fine.
N’oublie pas la bastringue pour faucher les balançons.
Vidocq, 1837 : s. m. — Étui de fer-blanc, d’ivoire, d’argent, et quelquefois même d’or, de quatre pouces de long sur environ douze lignes de diamètre, qui peut contenir des pièces de vingt francs, un passe-port, des scies et une monture, que les voleurs cachent dans l’anus. La facilité qu’ils trouvaient à dérober cet étui à tous les yeux, et la promptitude avec laquelle ils coupaient les plus forts barreaux et se débarrassaient de leurs chaînes, a long-temps fait croire qu’ils connaissaient une herbe ayant la propriété de couper le fer ; l’herbe n’était autre chose qu’un ressort de montre dentelé, et parfaitement trempé.
Halbert, 1849 : Scie pour scier le fer.
Larchey, 1865 : Étui conique en fer d’environ quatre pouces de long sur douze lignes de diamètre, contenant un passe-port, de l’argent, des ressorts de montres assez dentelés pour scier un barreau de fer, un passe-port, de l’argent, etc. — Vidocq — Les malfaiteurs, sur le point d’être pris, cachent dans leur anus cette sorte de nécessaire d’armes, mais il doit être introduit par le gros bout. Faute de cette précaution, il remonte dans les intestins et finit par causer la mort. Un prisonnier périt il y a quelques années de cette manière, et les journaux ont retenti du nombre prodigieux d’objets découverts dans son bastringue, après l’autopsie.
Delvau, 1866 : s. m. Bruit, vacarme, — comme on en fait dans les cabarets et dans les bals des barrières.
Delvau, 1866 : s. m. Guinguette de barrière, où le populaire va boire et danser les dimanches et les lundis.
Delvau, 1866 : s. m. Scie à scier les fers, — dans l’argot des prisons, où l’on joue volontiers du violon sur les barreaux.
Rigaud, 1881 : Lime, scie. — Étui dans lequel les récidivistes serrent les outils nécessaires à leur évasion, tels que lime, scie, ressort de montre. De là l’habitude qu’on a dans les prisons, lors de la visite, au moment de l’arrivée du prévenu ou du condamné, de le faire complètement déshabiller et de lui administrer une forte claque sur le ventre, dans le but de s’assurer s’il a un bastringue sous lui.
Rigaud, 1881 : Vacarme. — Faire du bastringue.
La Rue, 1894 : Lime, scie, outils d’évasion renfermés dans un étui. Guinguette et bal de barrière.
Virmaître, 1894 : Bal de bas étage où se donne rendez-vous la canaille du quartier dans lequel il est situé. Bastringue, faire du bruit, du tapage. Quand l’homme rentre au logis, un peu humecté et qu’il casse la vaisselle, la ménagère, furieuse, lui dit :
— T’as pas bientôt fini ton bastringue, sale chameau ? (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Bal de bas étage.
Rossignol, 1901 : Étui en ivoire ou en argent que les voleurs tiennent constamment caché dans leurs intestins et qui peut contenir jusqu’a 800 francs en or ; ainsi, lors qu’ils se trouvent arrêtés, ils ne sont jamais sans argent. Il y a des bastringues qui contiennent tournevis, scies et monture. Avec une scie semblable, votre serviteur a scié un barreau de la grosseur de ceux des prisons en trente-six heures. Cet étui est bien connu dans les prisons centrales, mais il est difficile de le trouver, le voleur le retire le soir de sa cachette pour le remettre le matin où il reste toute la journée. Il y a une chanson sur les prisons centrales où il est dit :
Un surveillant vous fait regarder à terre En vous disant : Baissez-vous à moitié ; Il vous palpe et regarde le derrière, Dans la maison, c’est l’usage de fouiller.
Hayard, 1907 : Bal de bas étage.
France, 1907 : Bal de barrière.
Mademoiselle, voulez-vous danser ?
V’là le bastringue.
V’là le bastringue !
Mademoiselle, voulez-vous danser ?
Le bastringue va commencer.
(Vieille chanson)
On appelle aussi bastringue, dans l’argot des prisons, une scie à scier le fer ; c’est également un étui conique, d’environ quatre pouces de long sur douze lignes de diamètre, qui sert à renfermer cette scie et d’autres objets utiles aux prisonniers.
Les malfaiteurs arrêtés cachent dans leur anus cette sorte de nécessaire d’armes, qui doit être introduit par le gros bout. Faute de cette précaution, il remonte dans les intestins et finit par causer la mort. Un détenu périt, il y a quelques années, de cette manière, et les journaux ont retenti du nombre prodigieux d’objets découverts dans son bastringue, après l’autopsie.
(Lorédan Larchey.)
Batteur
d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; bretteur, spadassin ; homme hargneux et querelleur ; vaurien qui cherche continuellement noise à ceux qui lui sont inférieurs en force.
Batteur de pavé. Vagabond, qui passe son temps et sa vie à rôder.
un détenu, 1846 : Un désœuvré, fainéant, tapageur, coureur des rues.
Halbert, 1849 : Menteur.
Delvau, 1866 : s. m. Menteur ; fourbe. C’est plus spécialement le tiers qui bat comtois pour lever le pante.
Boutmy, 1883 : s. m. Qui fait des mensonges, des battages.
La Rue, 1894 : Menteur. Escroc. Normand.
France, 1907 : Enjôleur.
France, 1907 : Menteur ; argot des voleurs.
— Parbleu ! tu dois faire tes chopins à la sourdine.
— Pas du tout.
— Tu n’affures rien ?
— Ma solde me suffit.
— Batteur !
— Je suis nourri, habillé, blanchi ; je ne manque de rien.
— Pourtant, il y a ici des grinches.
— N’y en a-t-il pas partout ?
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Batteur d’antif, voleur qui amorce les pantes par son bagout ; argot des prisons. Batteur de flanche, fainéant.
Même aux yeux du peuple qui l’aime,
Il passe un peu pour une flemme,
Gouapeur moins homme que gamin,
Artisse, quoi ! batteur de flanche,
Cheveux trop bouclés, peau trop blanche,
Main trop propre, et poil dans la main.
(Jean Richepin)
Baude
anon., 1827 : Vér.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Maladie de Vénus.
Bras-de-Fer, 1829 : Vér…
Vidocq, 1837 : s. m. — Mal vénérien.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Halbert, 1849 : Mal vénérien.
Larchey, 1865 : Vérole (Vidocq). — Du vieux mot baut joyeux. V. Lacombe Du Cange. — La baude serait donc la joyeuse, ou plutôt le mal de la joie.
Delvau, 1866 : s. f. Mal de Naples, — dans l’argot des voleurs parisiens.
Rigaud, 1881 : Maladie vénérienne. Ce qui reste de la fréquentation des ribaudes.
La Rue, 1894 : Syphilis.
France, 1907 : Mal vénérien, la syphilis ; du vieux mot baude, débauché.
Becqueter
un détenu, 1846 : Manger avec faim.
Larchey, 1865 : Manger. De bec.
J’ai vendu ce que j’avais pour becqueter.
(Lynol)
Boutmy, 1883 : v. a. Manger ; synonyme de boulotter.
La Rue, 1894 : Manger. Becquetance, nourriture.
Virmaître, 1894 : Manger.
— J’ai encore cent ronds à becqueter. Viens-tu manger une friture à Auteuil (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Manger.
France, 1907 : Manger.
Les yeux éraillés et rougis, la lèvre molle, un plat sourire collé sur la face, voûtés, rachitiques, puant l’ylang-ylang, des bagues aux doigts, des diamants à la chemise. Rassemblés pour becqueter finement ensemble, et tâchant, par le vin et la boustifaille, de combler le creux, le vide, le trou de leur existence bêtement gâchée. Pas de femmes. Les femmes, c’est gênant.
Besaigre
d’Hautel, 1808 : Tourner au besaigre. Se dit du vin qui s’aigrit, qui tourne à la graisse. Cette locution toute fautive qu’elle paroisse aux yeux des critiques a reçu la sanction de l’usage, et est fort en vogue parmi le peuple.
Beurre
d’Hautel, 1808 : C’est entré là-dedans comme dans du beurre. Pour dire tout de go, librement, sans aucun effort.
Il est gros comme deux liards de beurre, et on n’entend que lui. Se dit par mépris d’un marmouset, d’un fort petit homme, qui se mêle dans toutes les affaires et dont la voix se fait entendre par-dessus celle des autres.
Promettre plus de beurre que de pain. Abuser de la crédulité, de la bonne-foi de quelqu’un ; lui promettre des avantages qu’on ne peut tenir.
Des yeux pochés au beurre noir. Yeux meurtris par l’effet d’une chute, d’un coup, ou d’une contusion quelconque.
C’est bien son beurre. Pour, cela fait bien son affaire ; c’est réellement ce qui lui convient.
Vidocq, 1837 : s. m. — Argent monnoyé.
Larchey, 1865 : Argent. — V. Graisse.
Nous v’là dans le cabaret
À boire du vin clairet,
À ct’heure
Que j’ons du beurre.
(Chansons, Avignon, 1813)
Mettre du beurre dans ses épinards : Voir augmenter son bien-être. — On sait que les épinards sont la mort au beurre.
Avoir du beurre sur la tête : Être couvert de crimes. — Allusion à un proverbe hébraïque. V. Vidocq. Beurrier : Banquier (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. m. Argent monnayé ; profit plus ou moins licite. Argot des faubouriens. Faire son beurre. Gagner beaucoup d’argent, retirer beaucoup de profit dans une affaire quelconque. Y aller de son beurre. Ne pas craindre de faire des frais, des avances, dans une entreprise.
Rigaud, 1881 : Argent.
La Rue, 1894 : Argent (monnaie). Synonymes : braise, carme, nerf, blé, monarque, galette, carle, pognon, michon, cercle, pilon, douille, sauvette, billes, blanc, mitraille, face, philippe, métal, dalles, pèze, pimpions, picaillon, noyaux, quibus, quantum, cuivre, vaisselle de poche, zozotte, sonnettes, auber, etc. Milled, 1.000 fr. Demi-sac, 500 fr. Pile, mètre, tas, livre, 100 fr. Demi-jetée, 50 fr. Signe, cigale, brillard, œil-de-perdrix, nap, 20 fr. Demi-signe, 10 fr. Tune, palet, dringue, gourdoche, 5 fr. Escole, escaletta, 3 fr. Lévanqué, arantequé, larante, 2 fr. Linvé, bertelo, 1 fr. Grain, blanchisseuse, crotte de pie, lisdré, 50 cent. Lincé, 25 cent. Lasqué, 20 cent. Loité, 15 cent. Lédé, 10 cent. (Voir largonji). Fléchard, rotin, dirling, broque, rond, pétard, 5 cent. Bidoche, 1 cent.
Rossignol, 1901 : Bénéfice. Une bonne qui fait danser l’anse du panier fait son beurre. Un commerçant qui fait ses affaires fait son beurre. Un domestique qui vole ses maîtres sur le prix des achats fait son beurre. Le domestique, né à Lisieux, qui n’est pas arrive après vingt ans de Service à se faire des rentes parce que son maître, né à Falaise, est plus Normand que lui, n’a pas fait son beurre.
France, 1907 : Argent monnayé, profit de quelque façon qu’il vienne ; argot des faubouriens. Les synonymes sont : braise, carme, nerf, blé, monarque, galette, carte, pognon, michon, cercle, pilon, douille, sauvette, billes, blanc, mitraille, face, philippe, métal, dalles, pèze, pimpions, picaillon, noyaux, quibus, quantum, cuivre, vaisselle de poche, zozotte, sonnettes, etc.
Faire son beurre, prélever des bénéfices plus ou moins considérables, honnêtes ou non ; y aller de son beurre, ne pas hésiter à faire des frais dans une entreprise ; c’est un beurre, c’est excellent ; au prix où est le beurre, aux prix élevés où sont toutes les denrées, argot des portières.
Il faut entendre un restaurateur crier : « L’addition de M. le comte ! » pour s’apercevoir que la noblesse, de nos jours, pas plus que du temps de Dangeau, n’est une chimère. Pour une jeune fille dont le père s’appelle Chanteaud, pouvoir signer « comtesse » les billets aux bonnes amies qui ont épousé des Dupont et des Durand, c’est tout ! Remplacer le pilon ou le mortier, armes dérisoires de la rue des Lombards, par un tortil élégant surmontant des pals, des fasces, des croix ou des écus semés sur des champs de sinople, quel charmant conte de fées ! Et ça ne coûte que trois cent mille francs ; c’est pour rien, au prix où est le beurre.
(Edmond Lepelletier, Écho de Paris)
Avoir du beurre sur la tête, être fautif, avoir commis quelque méfait qui vous oblige à vous cacher. Cette expression vient évidemment d’un proverbe juif : « Si vous avez du beurre sur la tête, n’allez pas au soleil ; il fond et tache. »
Mettre du beurre dans ses épinards, se bien traiter, car, suivant les ménagères, les épinards sont la mort au beurre. Les politiciens ne visent qu’à une chose : à mettre du beurre dans leurs épinards.
Je pense que c’est à la politique des groupes que l’on doit la médiocrité presque universelle qui a éclaté dans la crise actuelle. Le député entre à la Chambre par son groupe, vote avec son groupe, a l’assiette au beurre avec lui, la perd de même. Il s’habitue à je ne sais quelle discipline qui satisfait, à la fois, sa paresse et son ambition. Il vit par une ou deux individualités qui le remorquent.
(Germinal)
Birmingham (être de)
Rigaud, 1881 : Être très ennuyeux. — Mot à mot : être un rasoir de Birmingham, ville célèbre par ses rasoirs.
Birmingham (rasoir de)
France, 1907 : Être aussi ennuyeux que les rasoirs de Birmingham sont célèbres.
Bisquant
Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, désagréable, — dans l’argot du peuple.
France, 1907 : Ennuyeux, désagréable ; argot populaire.
Bitoux
France, 1907 : Ignoble individu ; du patois languedocien bitou, pourceau.
La petite est assez gentille, mais le mari est encore plus canaille que son beau-père. Une fois établi, le mouton deviendra un tigre pour le pauvre monde. Regarder ses yeux : dans deux ou trois ans, il sera tout à fait bitoux. Je ne vous comprends pas de vous être embâtée de tout ce monde-là.
(Louis Davyl, 13, rue Magloire)
Blanc
d’Hautel, 1808 : Un mangeur de blanc. Libertin, lâche et parresseux, qui n’a pas honte de se laisser entretenir par les femmes.
Il a mangé son pain blanc le premier. Pour dire que dans un travail quelconque, on a commencé par celui qui étoit le plus agréable, et que l’on a gardé le plus pénible pour la fin.
Se manger le blanc des yeux. Pour se quereller continuellement ; être en grande intimité avec quelqu’un.
Quereller quelqu’un de but en blanc. C’est chercher dispute à quelqu’un sans motif, sans sujet, lui faire une mauvaise querelle.
On dit à quelqu’un en lui ordonnant une chose impossible, que s’il en vient à bout, On lui donnera un merle blanc.
Rouge au soir, blanc au matin ; c’est la journée du pèlerin. Voyez Pélerin.
S’en aller le bâton blanc à la main. Voyez Bâton.
Il faut faire cette chose à bis ou à blanc. C’est-à-dire, de gré ou de force.
M.D., 1844 : Connu.
Delvau, 1866 : s. m. Légitimiste, — dans l’argot du peuple, par allusion au drapeau fleurdelisé de nos anciens rois.
Delvau, 1866 : s. m. Vin blanc, — dans le même argot [du peuple].
Rigaud, 1881 : Partisan de la monarchie héréditaire. Allusion à la couleur du drapeau des anciens rois de France.
Dans les trois jours de baccanal !
Les blancs n’étaient pas à la noce
Tandis que moi j’étais t’au bal.
(L. Festeau, Le Tapageur)
Rigaud, 1881 : Terme de libraire : livre en feuille non encore broché.
Hayard, 1907 : Argent.
France, 1907 : Eau-de-vie de marc ; pièce d’un franc ; légitimiste, à cause du drapeau blanc des anciens rois de France. Blancs d’Espagne, légitimistes qui considèrent Don Carlos comme l’héritier de la couronne de France. Être à blanc, avoir un faux nom ; expression qui vient de l’habitude qu’on avait autrefois d’inscrire sur les registres des actes de naissances les enfants trouvés sous le nom de « blanc », d’où l’appellation d’enfants blancs.
L’invasion des « blanc » dans l’état civil motiva une circulaire, adressée, le 30 juin 1812, aux préfets par le ministre de l’intérieur, qui blâma cet usage, en invitant les officiers d’état civil à ne plus accepter ces désignations et notamment celle de blanc : « Cette sorte de désignation vague, jointe à un nom de baptême qui lui-même peut être commun à plusieurs individus de la même classe, disait le ministre, ne suffit pas pour les distinguer ; il en résulte que les mêmes noms abondent sur la liste de circonscription, etc. »
Quelle en était l’origine ? Le mot blanc s’emploie souvent à titre négatif, spécialement on dit : « Laissez le nom en blanc », c’est-à-dire n’en mettez pas. Or, l’enfant naturel, né de père et de mère inconnus, n’a pas de nom qu’on puisse inscrire sur son acte de naissance, d’ou probablement le nom blanc qu’on a mis pour en tenir lieu, et comme exprimant l’absence de tout nom patronymique.
(L’Intermédiaire des chercheurs et curieux)
Jeter du blanc, interligner ; argot des typographes.
N’être pas blanc. Se trouver en danger, être sous le coup d’une mauvaise affaire.
France, 1907 : Rondelle de métal que les filles de maisons de prostitution reçoivent de la matrone après une passe et qui représente le tarif ; d’où mangeurs de blancs, pour désigner un individu se faisant entretenir par les prostituées.
Blanc (faire du)
Rigaud, 1881 : Faire le joli cœur, l’empressé auprès d’une femme. C’est mot à mot : « faire les yeux blancs, les yeux amoureux », — dans le jargon des voyous. — Quand t’auras fini de faire du blanc, faudra le dire. On dit aussi faire le blanc, pour le blanc de l’œil.
Blonde
Delvau, 1864 : Maîtresse, — quelle que soit la couleur de ses cheveux ou de son poil.
Puissé-je…
Cramper dans le cul
De ma blonde !
(Émile Debraux)
Larchey, 1865 : Amante.
Blonde s’emploie dans ce sens sans distinction de la couleur des cheveux, car il existe une chanson villageoise où, après avoir fait le portrait d’une brune, l’amoureux ajoute qu’il en fera sa blonde.
(Monnier, 1831)
Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des ouvriers.
Rigaud, 1881 : Maîtresse, amante. Se dit surtout en parlant de la maîtresse d’un homme marié. C’est l’autre, le numéro deux, quelle que soit d’ailleurs la nuance de ses cheveux. Le blond est une couleur tendre et la blonde représente la tendresse en ville. — Être chez sa blonde, Aller voir sa blonde.
— Si j’vas dîner avec ma blonde,
Je n’sais pourquoi, je fuis tout l’monde ;
Avec sa femm’ pas tant d’façon,
On est très bien, même dans l’salon.
(Meinfred, Le Garçon converti, chans.)
Rigaud, 1881 : Vin blanc, bouteille de vin blanc. Être porté sur la blonde, peloter la blonde, aimer le vin blanc. Se coller une ou deux blondes dans le fanal pour tasser les imbéciles, boire une ou deux bouteilles de vin blanc pour arroser les huîtres. — Courtiser la brune et la blonde, boire alternativement, au cours d’un repas, du vin blanc et du vin rouge.
La Rue, 1894 : Bouteille de vin blanc.
France, 1907 : Maîtresse ou bouteille de vin blanc.
Pour l’amour d’une blonde
J’ai fait bien des faux pas ;
Les beautés de ce monde
À mes yeux n’avaient pas
D’appas.
…
Pour l’amour d’une brune
J’ai fui le cru natal ;
Sur le cours de la lune
J’ai mis mon capital…
Ces deux sœurs non pareilles,
Belle nuit et beau jour
Habitaient des bouteilles
Où je bus tour à tour
L’amour.
(Gustave Nadaud.)
Bohème
d’Hautel, 1808 : Vivre comme un bohème. N’avoir ni feu ni lieu ; mener une vie errante et vagabonde.
Larchey, 1865 : « La bohème se compose de jeunes gens. tous âgés de plus de vingt ans, mais qui n’en ont pas trente, tous hommes de génie en leur genre, peu connus encore, mais qui se feront connaître, et qui seront alors des gens fort distingués… Tous les genres de capacité, d’esprit, y sont représentés… Ce mot de bohème vous dit tout. La bohème n’a rien et vit de ce qu’elle a. »
(Balzac)
La citation suivante est le correctif de cette définition trop optimiste.
La bohème, c’est le stage de la vie artistique, c’est la préface de l’Académie, de l’Hôtel-Dieu ou de la Morgue… Nous ajouterons que la bohème n’existe et n’est possible qu’à Paris.
(Murger)
On dit un bohème.
Tu n’es plus un bohème du moment que je t’attache à ma fortune.
(Augier)
Comme on voit, le bohème du dix-neuvième siècle n’a de commun que le nom avec celui de callot. Saint-Simon a connu l’acception fantaisiste du mot bohème. M. Littré en donne un exemple, bien qu’il n’admette bohème qu’en mauvaise part.
Delvau, 1866 : s. f. Etat de chrysalide, — dans l’argot des artistes et des gens de lettres arrivés à l’état de papillons ; Purgatoire pavé de créanciers, en attendant le Paradis de la Richesse et de la Députation ; vestibule des honneurs, de la gloire et du million, sous lequel s’endorment — souvent pour toujours — une foule de jeunes gens trop paresseux ou trop découragés pour enfoncer la porte du Temple.
Delvau, 1866 : s. m. Paresseux qui use ses manches, son temps et son esprit sur les tables des cafés littéraires et des parlottes artistiques, en croyant à l’éternité de la jeunesse, de la beauté et du crédit, et qui se réveille un matin à l’hôpital comme phthisique ou en prison comme escroc.
Ce mot et le précédent sont vieux, — comme la misère et le vagabondage. Ce n’est pas à Saint-Simon seulement qu’ils remontent, puisque, avant le filleul de Louis XIV, Mme de Sévigné s’en était déjà servie. Mais ils avaient disparu de la littérature : c’est Balzac qui les a ressuscités, et après Balzac, Henri Murger — dont ils ont fait la réputation.
France, 1907 :
est un mot vieilli que nous eussions voulu éviter ; non point précisément parce qu’il a vieilli, mais parce qu’il ne s’applique plus qu’imparfaitement au groupe de Parisiens dont nous entreprenons de décrire les mœurs et d’esquisser les silhouettes. Bohème est un mot du vocabulaire courant de 1840. Dans le langage d’alors, il est synonyme d’artiste ou d’étudiant, viveur, joyeux, insouciant du lendemain, paresseux et tapageur… Le bohème de 1840 se moque de ses créanciers, tire des carottes à son paternel et contre les créanciers.
(Gabriel Guillemot)
S’il faut s’en rapporter à la définition d’Alfred Delvau, le bohème ne serait qu’un paresseux qui use ses manches, son temps et son esprit sur les tables de cafés littéraires et des parlottes artistiques, en croyant à l’éternité de la jeunesse, de la beauté et du crédit, et qui se réveille un matin à l’hôpital comme phtisique, ou en prison comme escroc.
Ce mot est vieux, — comme la misère et le vagabondage. Ce n’est pas à Saint-Simon seulement qu’il remonte, puisque avant le filleul de Louis XIV, Mme de Sévigné s’en était déjà servie. Mais il avait disparu de la littérature : c’est Balzac qui l’a ressuscité, et, après Balzac, Henri Mürger — dont il a fait la réputation, — dans son livre La Vie de Bohème.
Voyons maintenant quelle était, sur la bohème, l’opinion de Balzac et Mürger :
La bohème, die Balzac, se compose de jeunes gens, tous âgés de plus de vingt ans, mais qui n’en ont pas trente, tous hommes de génie en leur genre, peu connus encore, mais qui se feront connaître et qui seront alors des gens fort distingués… Tous les genres de capacité, d’esprit y sont représentés… Ce mot bohème vous dit tout. La bohème n’a rien et vit de ce qu’elle a.
Le tableau est un peu flatteur et je préfère le correctif de l’auteur de la Vie de Bohème :
La bohème c’est le stage de la vie artistique, c’est la préface de l’Académie, de l’Hôtel-Dieu ou de la Morgue… La bohème n’existe et n’est possible qu’à Paris.
Au royaume de Bohème :
— Je te quitte, je suis en retard. Tu n’aurais pas six sous à me prêter pour prendre l’omnibus ?
— Impossible, je n’ai qu’une pièce de deux francs.
— Ça ne fait rien, prête tout de même, je prendrai un fiacre.
Bon pour cadet !
Delvau, 1866 : Se dit d’une lettre désagréable ou d’un journal ennuyeux que l’on met dans sa poche pour servir de cacata charta. C’est l’histoire du sonnet d’Oronte.
Boniment
Vidocq, 1837 : s. m. — Long discours adressé à ceux que l’on désire se rendre favorables. Annonce d’un charlatan ou d’un banquiste.
M.D., 1844 : Conversation.
un détenu, 1846 : Parole, récit ; avoir du boniment : avoir de la blague.
Halbert, 1849 : Couleur, mensonge.
Larchey, 1865 : Discours persuasif. — Mot à mot : action de rendre bon un auditoire.
Delvau, 1866 : s. m. Discours par lequel un charlatan annonce aux badauds sa marchandise, qu’il donne naturellement comme bonne ; Parade de pitre devant une baraque de « phénomènes». Par analogie, manœuvres pour tromper.
Rigaud, 1881 : Annonce que fait le pitre sur les tréteaux pour attirer la foule ; de bonir, raconter. — Discours débité par un charlatan, discours destiné à tenir le public en haleine, à le séduire, coup de grosse caisse moral. Depuis le député en tournée électorale, jusqu’à l’épicier qui fait valoir sa marchandise, tout le monde lance son petit boniment.
C’était le prodige du discours sérieux appelé le boniment : boniment a passé dans la langue politique où il est devenu indispensable.
(L. Veuillot, Les Odeurs de Paris)
Le coup du boniment, le moment, l’instant où le montreur de phénomènes, le banquiste, lance sa harangue au public. — Y aller de son boniment, lâcher son boniment, dégueuler, dégoiser, dégobiller son boniment.
La Rue, 1894 : Propos, discours.
Virmaître, 1894 : Discours pour attirer la foule. Forains, orateurs de réunions publiques, hommes politiques et autres sont de rudes bonimenteurs. Quand un boniment est par trop fort, on dit dans le peuple : c’est un boniment à la graisse de chevaux de bois (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Discours.
France, 1907 : Discours destiné à tromper le public ; camelots, charlatans, bazardiers, orateurs de mastroquets, candidats électoraux et bonneteurs font tous leur boniment.
Accroupi, les doigts tripotant trois cartes au ras du sol, le pif en l’air, les yeux dansants, un voyou en chapeau melon glapit son boniment d’une voix à la fois trainante et volubile… « C’est moi qui perds. Tant pire, mon p’tit père ! Rasé le banquier ! Encore un tour, mon amour. V’là le cœur, cochon de bonheur ! C’est pour finir. Mon fond, qui se fond. Trèfle qui gagne. Carreau, c’est le bagne. Cœur, du beurre pour le voyeur. Trèfle, c’est tabac ! Tabac pour papa. Qui qu’en veut ? Un peu, mon n’veu ! La v’là. Le trèfle gagne ! Le cœur perd. Le carreau perd. Voyez la danse ! Ça recommence. Je le mets là. Il est ici, merci. Vous allez bien ? Moi aussi. Elle passe ! Elle dépasse. C’est moi qui trépasse, hélas… Regardez bien ! C’est le coup de chien. Passé ! C’est assez ! Enfoncé ! Il y a vingt-cinq francs au jeu ! etc… »
(Jean Richepin)
Bonnet
d’Hautel, 1808 : Ramasse ton bonnet. Se dit en plaisantant à quelqu’un qui se laisse tomber, ou lorsqu’on a adressé quelqu’épithète satirique à une personne qui ne peut y parer sur-le-champ.
Un bonnet de cochon. Facétie grossière ; pour dire un bonnet de coton porté par un rustre, un malpropre.
Triste comme un bonnet de nuit. Se dit d’un homme taciturne et ennuyeux, parce qu’un bonnet de nuit est ordinairement dépourvu d’ornemens.
Ce sont trois têtes dans un bonnet. Se dit de trois personnes qui, par la bonne intelligence qui règne entr’elles, sont toujours du même sentiment ; et quelquefois en mauvaise part, de trois personnel qui forment entr’elles une coalition.
Un janvier à trois bonnets. Homme extrêmement frileux, qui se couvre beaucoup.
Il a mis son bonnet de travers. Pour dire, il ne sait à qui il en veut ; il est de mauvaise humeur ; il querelle tout le monde.
On dit des Picards, qu’ils ont la tête près du bonnet, parce que les gens de ce pays s’emportent aisément, et se mettent facilement en colère.
J’y mettrois mon bonnet. Espèce d’affirmation qui équivaut à, je gagerois, je parierois, etc.
Un bonnet vert. Banqueroutier ; parce qu’autrefois ces sortes de gens portoient un bonnet vert comme marque de réprobation.
Opiner du bonnet. C’est marquer par un signe de tête que l’on adopte un avis, que l’on y donne sa sanction.
Jeter son bonnet par-dessus les moulins. Se moquer du qu’en dira-t-on ; braver l’opinion et les conséquences ; n’être arrêté par aucune considération.
C’est bonnet blanc blanc bonnet. Pour, c’est tout de même, c’est absolument la même chose d’un côté comme de l’autre.
Un gros bonnet. Un matador, un personnage important par sa fortune, son crédit et ses emplois.
Rigaud, 1881 : Coterie autoritaire dans un atelier typographique.
Le bonnet est tyrannique, injuste et égoïste.
(Boutmy)
Boutmy, 1883 : s. m. Espèce de ligue offensive et défensive que forment quelques compositeurs employés depuis longtemps dans une maison, et qui ont tous, pour ainsi dire, la tête sous le même bonnet. Rien de moins fraternel que le bonnet. Il fait la pluie et le beau temps dans un atelier, distribue les mises en pages et les travaux les plus avantageux à ceux qui en font partie d’abord, et, s’il en reste, aux ouvriers plus récemment entrés qui ne lui inspirent pas de crainte. Le bonnet est tyrannique, injuste et égoïste, comme toute coterie. Il tend, Dieu merci ! à disparaître ; mais c’est une peste tenace.
Hayard, 1907 : Bonneteau.
France, 1907 : Secrète entente parmi les imprimeurs.
Espèce de ligue offensive et défensive que forment quelques compositeurs employés depuis longtemps dans une maison, et qui ont tous, pour ainsi dire, la tête sous le même bonnet. Rien de moins fraternel que le bonnet. Il fait la pluie et le beau temps dans un atelier, distribue les mises en pages et les travaux les plus avantageux à ceux qui en font partie.
(E. Boutmy)
Bonnet carré
Rossignol, 1901 : Juge.
France, 1907 : Juge. Bonnet vert à perpèt, forçat condamné à perpétuité ; — de coton, homme mesquin aux idées étroites, à cause de ce couvre-chef, ridiculisé par Louis Reybaud, et dont se coiffe le bourgeois ; — de nuit, homme mélancolique, ennuyeux : Triste comme un bonnet de nuit ; — d’évêque, croupion d’une volaille ; — jaune, pièce d’or, argot des filles, jeu de mot signifiant : « Elle est bonne et jaune. »
Bossus (il y a des)
Rigaud, 1881 : On siffle dans la salle. (Argot des comédiens de l’ancien boulevard du Crime). — V. Les secrets des coulisses de J. Dullot, 1865.
France, 1907 : Argot des coulisses signifiant, lorsqu’une pièce est sifflée, qu’il y a une cabale dans la salle. D’après Joachin Duflot, c’est un vaudeville d’Édouard Brisebarre Les Aventures de Mayeux, qui a donné lieu à ce dicton. La pièce était fortement sifflée et l’auteur, qui de la coulisse entendait ce bruit affligeant, lança cette boutade : Il y a des bossus dans la salle qui se sont donné le mot pour faire tomber la pièce.
Boucher
d’Hautel, 1808 : Boucher la bouteille. C’est prendre un morceau de pain quand on a bu un coup, pour ne pas sentir le vin.
Bouche-toi le nez, tu ne sentiras rien. Se dit à quelqu’un qui fait le délicat et qui se plaint d’une odeur désagréable.
On dit aussi à quelqu’un qui témoigne son mécontentement de quelque chose qui se passe devant lui, qu’Il se bouche les yeux, s’il ne veut rien voir.
d’Hautel, 1808 : Nom insultant que l’on donne à un chirurgien inhabile et d’une grande ignorance.
Halbert, 1849 : Médecin.
Delvau, 1866 : s. m. Médecin, — dans l’argot des voleurs, très petites maîtresses lorsqu’il s’agit de la moindre opération chirurgicale.
Rigaud, 1881 : Chirurgien, — dans le jargon du peuple.
Virmaître, 1894 : Chirurgien. On dit aussi charcutier. Il charcute les chairs du patient (Argot du peuple).
France, 1907 : Médecin ; argot des voleurs.
Bougre à poils
Rigaud, 1881 : Homme déterminé, solide, courageux. — C’est un bougre à poils, qui n’a pas froid aux yeux.
Bouillir
d’Hautel, 1808 : Cela fait bouillir la marmite. C’est-à-dire amène à la maison tout ce qui est nécessaire à la vie.
Il a de quoi faire bouillir le pot. Pour, il est aisé, il peut vivre sans travailler.
Il semble qu’on me bout du lait. C’est-à-dire qu’on se moque de moi, qu’on veuille pousser à bout ma patience.
Il me fait bouillir les sens. Pour il m’impatiente par ses lenteurs, ses propos ennuyeux ; il me met hors de moi.
Rôti, bouilli, traîné par les cendres. Se dit par raillerie d’un ragoût apprêté sans propreté et mal cuit.
Faire le pot bout. Entretenir le ménage de toutes les choses nécessaires à la vie : le peuple dit ordinairement faire le pot bouille.
Bouillon
d’Hautel, 1808 : Prendre un bouillon. Signifie se jeter à l’eau dans le dessein de se détruire.
On lui a donné un bouillon de onze heures. Pour, on lui a fait prendre un breuvage empoisonné ; on l’a empoisonné.
Il a bu un fameux bouillon. Manière burlesque de dire qu’un marchand a essuyé une perte considérable ; qu’il s’est blousé dans ses spéculations.
Il va tomber du bouillon. Pour dire une averse ; il va pleuvoir.
Larchey, 1865 : Mauvaise opération. — Allusion aux gorgées d’eau qui asphyxient un noyé.
Il a bu un fameux bouillon : il a fait une perte considérable.
(d’Hautel, 1808)
Prendre un bouillon d’onze heures : Se noyer, s’empoisonner.
Bouillon de canard : Eau.
Jamais mon gosier ne se mouille avec du bouillon de canard.
(Dalès)
Bouillon : Pluie torrentielle.
Il va tomber du bouillon, pour dire une averse.
(d’Hautel, 1808)
Bouillon pointu : Lavement. Double allusion au clystère et à son contenu.
Dieu ! qu’est-ce que je sens ? — L’apothicaire (poussant sa pointe) : C’est le bouillon pointu.
(Parodie de Zaïre. Dix-huitième siècle)
Bouillon pointu : Coup de baïonnette :
Toi, tes Cosaques et tous tes confrères, nous te ferons boire un bouillon pointu.
(Layale, Chansons, 1855)
Delvau, 1866 : s. m. Mauvaise affaire, opération désastreuse. Même argot [des bourgeois]. Boire un bouillon. Perdre de l’argent dans une affaire.
Delvau, 1866 : s. m. Pluie, — dans l’argot du peuple. Bouillon qui chauffe. Nuage qui va crever.
Rigaud, 1881 : Exemplaires non vendus d’un journal. Dans certains journaux on reprend le bouillon ; dans d’autres il reste au compte du marchand. Rendre le bouillon, rendre les exemplaires non vendus.
Rigaud, 1881 : Restaurant où les portions semblent taillées par un disciple d’Hahnemann, où l’on paye la serviette, où la nappe brille par son absence, mais où les prix ne sont pas plus élevés qu’ailleurs.
La Rue, 1894 : Journaux ou livres invendus. Bouillonner, ne pas vendre ses livres ou journaux.
France, 1907 : Mauvaise affaire, opération funeste ; d’où l’expression boire un bouillon. En termes de librairie, les bouillons sont les exemplaires non vendus d’un livre ou d’un journal.
La plupart des administrations de journaux de Paris ont l’habitude de reprendre aux marchands des kiosques, dans une proportion déterminée, les journaux non vendus. Ce stock de journaux non vendus, constitue ce qu’en terme de métier on appelle les bouillons. Certaines marchandes spéculent sur cet usage et recourent au petit procédé suivant pour augmenter leurs bénéfices : elles louent aux cafetiers et aux marchands de vins, voisins de leurs kiosques, des journaux qu’elles font ensuite passer dans leurs bouillons.
Se dit aussi, dans l’argot du peuple, pour pluie : bouillon qui chauffe, pluie qui menace ; bouillon aveugle, bouillon trop maigre, sans yeux ; bouillon d’onze heures, breuvage empoisonné ; bouillon de canard, eau ; on dit aussi dans le même sens élixir de grenouilles ; bouillon pointu, lavement, coup de baïonnette.
Bouillon aveugle
Delvau, 1866 : s. m. Bouillon gras qui n’est pas assez gras, dont on ne voit pas les yeux. Même argot [du peuple].
Boule
d’Hautel, 1808 : Pour dire tête. Perdre la boule. Signifie perdre la tête, la tramontane, devenir fou.
Tenir pied à boule. Être assidu, attache à besogne, ou marquer de la tenacité dans une affaire.
Rond comme une boule. Se dit d’un homme surchargé d’embonpoint, gros, bouffi et replet.
Vidocq, 1837 : s. f. — Foire ou fête.
Vidocq, 1837 : s. f. — Tête.
Halbert, 1849 : Foire.
Larchey, 1865 : Tête. — Allusion de forme.
Polissonne de boule ! en fais-tu des caprices ?
(Les Amours de Mayeux, chanson, 1833)
Perdre la boule : Perdre la tête.
Mais Javotte a perdu la boule.
(E. de Pradel, 1822)
Boule de son : Figure couverte de rousseurs. — Celles-ci sont appelées communément taches de son. L’image est juste. — Boule de son : Pain de munition. — Il contenait autrefois beaucoup trop de son. — Boulendos : Bossu (Vidocq). — Allusion à l’effet de la bosse sous l’habit : on paraît avoir une boule dans le dos.
Delvau, 1866 : s. f. Foire, — dans le même argot [des voleurs].
Delvau, 1866 : s. f. Tête, — dans l’argot du peuple. Bonne boule. Physionomie grotesque. Perdre la boule. Ne plus savoir ce que l’on fait.
Rigaud, 1881 : Chien boule-dogue, boule-terrier.
Rigaud, 1881 : Foire, — dans le jargon des voleurs.
Rigaud, 1881 : Tête, visage. — Boule de siam, visage grotesque. — Boule de singe, personne laide.
La Rue, 1894 : Foire. Tête.
France, 1907 : Tête. Bonne boule, physionomie drôle ou sympathique ; perdre la boule, ne pas savoir ce que l’on fait ; avoir la boule détraquée. Boule de Siam, tête grotesque ; boule de neige, nègre ; boule de son, figure marquée de taches de rousseur appelées aussi taches de son.
Boule de loto
Virmaître, 1894 : Gros yeux presque à fleur de tête (Argot du peuple).
Boules de loto
Delvau, 1866 : s. f. Yeux gros et saillants, — dans l’argot du peuple, qui ne sait pas que Junon les avait ainsi, et à qui peut-être la chose est parfaitement indifférente.
Rigaud, 1881 : Yeux à fleur de tête.
France, 1907 : Yeux ronds à fleur de tête ; argot populaire.
Boulet
d’Hautel, 1808 : Tirer à boulet rouge sur quelqu’un. Débiter sur son compte médisances et calomnies, en parler outrageusement.
Virmaître, 1894 : Femme légitime.
— Tu traînes toujours ton boulet mon vieux Boireau ?
— Mon Dieu oui, elle ne veut pas crever.
— Fous-lui un lavement au verre pilé.
Boulet, allusion au forçat condamné aux travaux forcés qui en traînait un autrefois pendant la durée de sa peine (Argot du peuple). V. Paillasse.
France, 1907 : Homme ennuyeux. Femme légitime. Boulet à côtes ou à queue, melon.
Bourgeois
d’Hautel, 1808 : Il se promène la canne à la main comme un bourgeois de Paris. Se dit d’un marchand qui a fait fortune et qui est retiré du commerce. On se sert aussi de cette locution et dans un sens ironique en parlant d’un ouvrier sans emploi, sans ouvrage et qui bat le pavé toute la journée.
Cela est bien bourgeois. Pour dire vulgaire, sot, simple et bas : manière de parler, usitée parmi les gens de qualité, à dessein de rabaisser ce qui vient d’une condition au-dessous de la leur.
Mon Bourgeois. Nom que les ouvriers donnent au maître qui les emploie.
Halbert, 1849 : Bourg.
Larchey, 1865 : Le bourgeois du cocher de fiacre, c’est tout individu qui entre dans sa voiture.
Chez les artistes, le mot Bourgeois est une injure, et la plus grossière que puisse renfermer le vocabulaire de l’atelier.
Le Bourgeois du troupier, c’est tout ce qui ne porte pas l’uniforme.
(H. Monnier)
Delvau, 1866 : s. m. Expression de mépris que croyaient avoir inventée les Romantiques pour désigner un homme vulgaire, sans esprit, sans délicatesse et sans goût, et qui se trouve tout au long dans l’Histoire comique de Francion : « Alors lui et ses compagnons ouvrirent la bouche quasi tous ensemble pour m’appeler bourgeois, car c’est l’injure que ceste canaille donne à ceux qu’elle estime niais. »
Delvau, 1866 : s. m. Patron, — dans l’argot des ouvriers ; Maître, — dans l’argot des domestiques. On dit dans le même sens, au féminin : Bourgeoise.
Delvau, 1866 : s. m. Toute personne qui monte dans une voiture de place ou de remise, — à quelque classe de la société qu’elle appartienne. Le cocher ne connaît que deux catégories de citoyens ; les cochers et ceux oui les payent, — et ceux qui les payent ne peuvent être que des bourgeois.
Rigaud, 1881 : Anti-artistique, — dans le jargon des artistes. Ameublement bourgeois.
Rigaud, 1881 : Imbécile, homme sans goût, — dans le jargon des peintres qui sont restés des rapins, — Voyageur, — dans le jargon des cochers. — Individu dans la maison duquel un ouvrier travaille. — Maître de la maison dans laquelle est placé un domestique.
France, 1907 : Terme de mépris pour désigner un homme vulgaire, sans délicatesse, sans goût, sans connaissances artistiques ou littéraires. Certains fabricants de romans ou de tableaux ont souvent des idées plus bourgeoises que beaucoup d’épiciers. Mener une vie bourgeoise, c’est couler une existence tranquille, monotone, sans incidents. Le mot n’est pas neuf, Alfred Delvau l’a relevé dans l’Histoire comique de Francion : « Alors, lui et ses compagnons ouvrirent la bouche quasi tous ensemble pour m’appeler bourgeois, car c’est l’injure que ceste canaille donne à ceux qu’elle estime niais. »
Ce nom, depuis si longtemps en discrédit chez les amis de l’art pour l’art, a reçu une très bonne définition de Théophile Gautier : « Bourgeois, dit-il, ne veut nullement dire un citoyen ayant droit de bourgeoisie. Un duc peut être bourgeois dans le sens détourné où s’accepte ce vocable. Bourgeois, en France, a la même valeur ou à peu près que philistin en Allemagne, et désigne tout être, quelle que soit sa position, qui n’est pas initié aux arts, ou ne les comprend pas. Celui qui passe devant Raphaël et se mire aux casseroles de Drolling, est un bourgeois. Vous préférez Paul de Kock à lord Byron ; bourgeois ; les flonflons du Vaudeville aux symphonies de Beethoven : bourgeois. Vous décorez votre cheminée de chiens de verre filé : bourgeois. Jadis même, lorsque les rapins échevelés et barbus, coiffés d’un feutre à la Diavolo et vêtus d’un paletot de velours, se rendaient par bandes aux grandes représentations romantiques, il suffisait d’avoir le teint fleuri, le poil rasé, un col de chemise en équerre et un chapeau tuyau de poêle pour être apostrophé de cette qualification injurieuse par les Mistigris et les Holophernes d’atelier. Quelquefois le bourgeois se pique de poésie et s’en va dans la banlieue entendre pépier le moineau sur les arbres gris de poussière, et il s’étonne de voir comment tout cela brille romantiquement au soleil.
Maintenant il est bien entendu que le bourgeois peut posséder toutes les vertus possibles, toutes, les qualités imaginables, et même avoir beaucoup de talent dans sa partie : on lui fait cette concession ; mais, pour Dieu, qu’il n’aille pas prendre, en face d’un portrait, l’ombre portée du nez pour une tache de tabac, il serait poursuivi des moqueries les plus impitoyables, des sarcasmes les plus incisifs, on lui refuserait presque le titre d’homme ! »
Nous, les poètes faméliques
Que bourgeois, crétins et pieds-plats
Lorgnent avec des yeux obliques…
(Paul Roinard, Nos Plaies)
Henri Monnier, en 1840, a expliqué complètement les différentes significations de ce mot : « Les grands seigneurs, si toutefois vous voulez bien en reconnaître, comprennent dans cette qualification de bourgeois toutes les petites gens qui ne sont pas nés. Le bourgeois du campagnard, c’est l’habitant des villes. L’ouvrier qui habite la ville n’en connaît qu’un seul : le bourgeois de l’atelier, son maître, son patron. Le bourgeois du cocher de fiacre, c’est tout individu qui entre dans sa voiture. Chez les artistes, le mot bourgeois est une injure, et la plus grossière que puisse renfermer le vocabulaire de l’atelier. Le bourgeois du troupier, c’est tout ce qui ne porte pas l’uniforme. Quant au bourgeois proprement dit, il se traduit par un homme qui possède trois ou quatre bonnes mille livres de rente. »
Ajoutons qu’à l’heure actuelle, pour certains ouvriers obtus, bourgeois est un terme de mépris ou de haine à l’égard de tout individu qui porte redingote et chapeau et ne vit pas d’un travail manuel, ne se rendant pas compte que nombre de ces prétendus bourgeois, employés de bureaux, commis de magasins, gagnent moins qu’eux, et sont plus à plaindre, ayant à garder un décorum dont l’ouvrier est exempt.
Mon bourgeois, dans l’argot populaire, se dit pour : mon mari. Se mettre en bourgeois se dit d’un militaire qui quitte l’uniforme. Se retirer bourgeois, ambition légitime des ouvriers et paysans, ce qui a fait dire à l’auteur du Prêtre de Némi : « Un bourgeois est un anarchiste repentant. »
Quand un bourgeois est cocu.
Mon cœur, triste d’ordinaire,
Est heureux d’avoir vécu
Et ce fait le régénère.
(A. Glatigny)
Bouterne
Vidocq, 1837 : s. f. — La Bouterne est une boîte carrée, d’assez grande dimension, garnie de bijoux d’or et d’argent numérotés, et parmi lesquels les badauds ne manquent pas de remarquer la pièce à choisir, qui est ordinairement une superbe montre d’or accompagnée de la chaîne, des cachets, qui peut bien valoir 5 à 600 fr., et que la Bouternière reprend pour cette somme si on la gagne.
Les chances du jeu de la Bouterne, qui est composé de huit dés, sont si bien distribuées, qu’il est presque impossible d’y gagner autre chose que des bagatelles. Pour avoir le droit de choisir parmi toutes les pièces celle qui convient le mieux, il faut amener une râfle des huit dés, ce qui est fort rare ; mais ceux qui tiennent le jeu ont toujours à leur disposition des dés pipés, et ils savent, lorsque cela leur convient, les substituer adroitement aux autres.
Ils peuvent donc, lorsqu’ils croient le moment opportun, faire ce qu’ils nomment un vanage, c’est-à-dire, permettre à celui qu’ils ont jugé devoir se laisser facilement exploiter, de gagner un objet d’une certaine importance ; si on se laisse prendre au piège, on peut perdre à ce jeu des sommes considérables. Le truc de la Bouterne est presque exclusivement exercé par des femmes étroitement liées avec des voleurs ; elles ne manquent jamais d’examiner les lieux dans lesquels elles se trouvent, et s’il y a gras (s’il y a du butin à faire), elles renseignent le mari ou l’amant, qui a bientôt dévalisé la maison. C’est une femme de cette classe qui a indiqué au célèbre voleur Fiancette, dit les Bas-Bleus, le vol qui fut commis au Mans, chez le notaire Fouret. Je tiens les détails de cet article de Fiancette lui-même.
Comme on le pense bien, ce n’est pas dans les grandes villes que s’exerce ce truc, il s’y trouve trop d’yeux clairvoyans ; mais on rencontre à toutes les foires ou fêtes de village des propriétaires de Bouterne. Ils procèdent sous les yeux de MM. les gendarmes, et quelquefois ils ont en poche une permission parfaitement en règle du maire ou de l’adjoint ; cela ne doit pas étonner, s’il est avec le ciel des accommodemens, il doit nécessairement en exister avec les fonctionnaires publics.
Larchey, 1865 : Boîte vitrée où sont exposés, aux foires de villages, les bijoux destinés aux joueurs que la chance favorise. Le jeu se fait au moyen de huit dés pipés au besoin. Il est tenu par une bouternière qui est le plus souvent une femme de voleur. — Vidocq.
Delvau, 1866 : s. f. Boîte carrée d’assez grande dimension, garnie de bijoux d’or et d’argent numérotés, parmi lesquels il y a l’inévitable « pièce à choisir », qui est ordinairement une montre avec sa chaîne, « d’une valeur de 600 francs », que la marchande reprend pour cette somme lorsqu’on la gagne. Mais on ne la gagne jamais, parce que les chances du jeu de la bouterne, composés de huit dés, sont trop habilement distribuées pour cela : les dés sont pipés !
Rigaud, 1881 : Tablette, plateau sur lequel sont exposés les lots destinés à attirer les amateurs de porcelaine, autour des loteries foraines. La bouterne se joue au tourniquet. Il y a de gros lots en vue, que personne ne gagne jamais, naturellement.
France, 1907 : Boîte vitrée où sont exposés, aux foires, les objets, montres ou bijoux destinés à amorcer les amateurs de jeux d’adresse ou de hasard.
Branche (avoir de la)
France, 1907 : Avoir de la distinction, du chic. Qualité de race ; allusion aux branches généalogiques.
Petit, tout drôle avec ses cheveux bouclés et ses yeux luisants, qui a déjà de la branche, regarde en réfléchissant qui sait à quoi ? les toilettes des femmes et pose à chaque instant d’embarrassantes questions.
(Mora, Gil Blas)
Bruscambille
France, 1907 : Joyeux luron.
Pleurez, pierrots, bobèches, pitres !
Bruscambilles et margotons.
Et vous, Trombones et Pistons
Qui symphonisez sans pupitres.
(Jules Jouy)
Cabotin
d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux, qui signifie histrion, batteleur ; comédien ambulant, indigne des faveurs de Thalie.
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais acteur, — le Rapin du Théâtre, comme le Rapin est le Cabotin de la Peinture.
France, 1907 : Acteur ; argot populaire.
Edmond Garnier a esquissé en quelques vers les traits du pauvre cabotin :
Au café, riche… en espérance !
Il raconte avec assurance
Ses succès à Chose, à Machin,
Au beau temps ainsi qu’à l’orage
Opposant un même visage,
Joyeux il nargue le destin,
Juif errant de l’art, très utile,
Il va partout, de ville en ville,
Sans nul souci du lendemain,
Au bourgeois bête, qui le blâme,
Il sait montrer qu’il a de l’âme…
Quoique bouffon du genre humain.
…
Ce cabot, que Paris évince,
Un beau jour s’éteint en province
Sans ai qui pleure sa fin.
Mais tous les ans, dame Nature
Revient parer, de sa verdure,
L’humble tombe du cabotin.
Cadet
d’Hautel, 1808 : Un cadet hupé. Le coq du village ; campagnard qui a du foin dans ses bottes ; garçon jeune, robuste et vigoureux.
Le cadet. Pour dire le derrière.
C’est un torche cadet ; ce n’est bon qu’à torcher cadet. Se dit d’un papier inutile, ou pour marquer le mépris que l’on fait d’un mauvais ouvrage.
Cadet de haut appétit. Voy. Appétit.
Ansiaume, 1821 : Pince pour voler.
Il faut un fameux cadet pour débrider la lourde de l’antonne.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pince en fer (Voyez Monseigneur).
Vidocq, 1837 : s. m. — Pince de voleur.
M.D., 1844 : Instrument avec lequel on casse une porte.
un détenu, 1846 : Principal outil pour casser les portes.
Halbert, 1849 : Outil pour forcer les portes.
Larchey, 1865 : Derrière.
Sur un banc elle se met. C’est trop haut pour son cadet.
(Vadé)
Larchey, 1865 : Individu. — Pris souvent en mauvaise part.
Le cadet près de ma particulière s’asseoit sur l’ banc.
(Le Casse-Gueule, chanson, 1841)
Larchey, 1865 : Pince de voleur (Vidocq). — Cadet a ici le sens d’aide, de servant. On sait que le nom de cadet est donné aux apprentis maçons. V. Caroubleur.
Delvau, 1866 : s. m. Les parties basses de l’homme, « la cible aux coups de pied ». Argot du peuple. Baiser Cadet. Faire des actions viles, mesquines, plates. Faubouriens et commères disent fréquemment, pour témoigner leur mépris à quelqu’un ou pour clore une discussion qui leur déplaît : « Tiens, baise Cadet ! »
Delvau, 1866 : s. m. Outil pour forcer les portes. Même argot [des voleurs].
Delvau, 1866 : s. m. Synonyme de Quidam ou de Particulier. Tu es un beau cadet ! Phrase ironique qu’on adresse à celui qui vient de faire preuve de maladresse ou de bêtise.
Rigaud, 1881 : Apprenti maçon.
Rigaud, 1881 : Derrière. — Baiser cadet, se conduire ignoblement. — Baise cadet, apostrophe injurieuse à l’adresse d’un importun, d’un ennuyeux personnage ; locution autrefois très répandue dans le grand monde des halles où, pour un rien, Cadet était sur le tapis et quelquefois à l’air.
Rigaud, 1881 : Pince à l’usage des voleurs, petite pince.
La Rue, 1894 : Petite pince de voleur. Le postérieur. Paquet d’objets votés ; fargué au cadet, chargé du vol.
Virmaître, 1894 : Le postérieur.
— Viens ici, bibi, que je torche ton petit cadet.
— Tu as une figure qui ressemble à mon cadet (Argot du peuple).
France, 1907 : Individu quelconque ; apostrophe adressée à quelqu’un qui vient de faire une bêtise : Vous êtes un fameux cadet. Se dit aussi pour un paquet d’objets volés. Cadet de mes soucis, chose qui n’importe pas et dont je ne m’inquiète nullement.
Les femmes veulent qu’on obéisse, non à ce qu’elles disent, mais à ce qu’elles pensent. Avec elles, il faut sentir et non pas raisonner. Aussi bien la logique est-elle le cadet de leurs soucis. Un jour, une de mes bonnes amies m’a donné là-dessus une leçon dont j’ai fait mon profit. Je veux que vous en ayez votre part.
(Hugues Le Roux)
France, 1907 : Le derrière.
— Monsieur Coquelin cadet ?
Et, debout devant son armoire à glace, en manches de chemise, un bonnet de coton rouge sur la tête, la figure navrée, j’aperçus Cadet !
J’éclatai de rire.
— Pourquoi ce bonnet ? vous êtes malade ?
— J’ai un clou.
— Sur le crâne ?
— Non, plus bas… Ici. Mais ne le dites pas.
— Pourquoi cela ?
— Parce qu’il ne serait pas content… mon homonyme, sur lequel je ne puis plus m’asseoir.
(Lucien Puech, Gil Blas)
Bon pour Cadet, chose de nulle valeur. Baiser Cadet, faire des actions basses, se mettre à plat ventre devant un chef, ce que les faubouriens appellent lécher le cul.
France, 1907 : Pince de voleurs ; paquet d’objets volés.
Cagoux, archi-suppôt de l’argot
Vidocq, 1837 : S’il faut croire les historiens du temps, et particulièrement Sauval, le royaume argotique était mieux organisé que beaucoup d’autres, car le grand Coësré n’accordait les dignités de l’empire qu’à ceux de ses sujets qui s’en étaient montrés dignes, soit par leurs capacités, soit par les services qu’ils avaient rendus ; aussi n’était-ce que très-difficilement que les argotiers obtenaient le titre de Cagoux, ou Archi-Suppôt de l’Argot.
Les Cagoux étaient, pour la plupart, des écoliers chassés des divers collèges de Paris, des moines qui avaient jeté le froc aux orties, et des prêtres débauchés. Le nom de Cagoux vient probablement de la cagoule, espèce de capuchon adapté à leur juste-au-corps, et dont ils avaient l’habitude de se couvrir la tête lorsqu’ils ne voulaient pas être connus.
Les Cagoux se faisaient passer pour des personnes de condition ruinées par quelque malheur imprévu, et leur éloquence leur donnait les moyens d’extorquer aux bonnes âmes des aumônes quelquefois considérables.
Les Cagoux étaient chargés, par le grand Coësré, de la conduite des novices, auxquels ils devaient apprendre le langage argotique et les diverses ruses du métier d’argotier.
Ce n’était qu’après un noviciat de quelques semaines, durant lesquelles il était rudement battu, afin que son corps se fit aux coups, que le novice était admis à fournir aux argotiers réunis sous la présidence de leur monarque, le premier des deux chefs-d’œuvre qui devaient lui valoir l’accolade fraternelle ; à cet effet, une longue corde, à laquelle étaient attachées une bourse et une multitude de petites clochettes, descendait du plafond d’une vaste salle ; le novice, les yeux bandés, et se tenant seulement sur une jambe, devait tourner autour de la corde et couper la bourse, sans que les clochettes tintassent ; s’il réussissait, il était admis à faire le second chef-d’œuvre ; dans le cas contraire, il était roué de coups et remis aux Cagoux jusqu’à ce qu’il fût devenu plus adroit.
Le lendemain les Cagoux accompagnaient dans un lieu de réunion publique celui qui était sorti victorieux de la première épreuve, et lorsqu’ils avaient avisé un bourgeois portant, suivant la coutume du temps, sa bourse suspendue à sa ceinture, ils lui ordonnaient d’aller la couper ; puis, s’adressant à ceux qui se trouvaient là : Voilà, disaient-ils, un homme qui va voler la bourse de ce bourgeois, ce qui avait lieu en effet. Le pauvre novice alors était encore battu, non-seulement par les spectateurs désintéressés, mais encore par ses compagnons, qui, cependant, trouvaient le moyen de protéger sa fuite lorsqu’à la faveur du tumulte qu’ils avaient fait naître, ils avaient fait une ample moisson dans les poches des bons habitans de Paris. (Voir le premier volume de l’excellent roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris.)
Caillette
d’Hautel, 1808 : Nom injurieux que l’on donne à une commère, à une méchante langue.
France, 1907 : Petite femme, aimable et de mœurs légères.
Je vis une de ces caillettes tout récemment aux fêtes de Rome.
Elle a la savoureuse maturité, l’éclat d’un fruit automnal, de petites dents nacrées dans une bouche qui ressemble à l’arc symbolique d’Éros, qui est comme une cible à baisers, des bouclettes soyeuses qui lui dorent toute la nuque et des yeux où l’on croirait qu’un ciel pâle de neige s’est reflété. Elle fut élevée avant d’être levée, comme disent les gamins du club, figura en bonne place je ne sais plus dans quelle cour du Nord ; sait tout l’alphabet du vice sur le bout du doigt et aurait, rien qu’avec ses souvenirs, fourni à ce libertin de Casanova la matière de sept ou huit volumes ad usum senectutis.
(Champaubert)
Calicot
Larchey, 1865 : Commis marchand. Mot à mot : vendeur de calicot.
Triple escadron ! le calicot s’insurrectionne.
(P. Borel, 1833)
Delvau, 1866 : s. m. Commis d’un magasin de nouveautés, — dans l’argot du peuple. Le mot date de la Restauration, de l’époque où les messieurs de l’aune et du rayon portaient des éperons partout, aux talons, au menton et dans les yeux, et où ils étaient si ridicules enfin avec leurs allures militaires, qu’on éprouva le besoin de les mettre au théâtre pour les corriger.
France, 1907 : Commis de nouveauté. Cette qualification fut donnée, vers 1816, aux commis marchands de Paris, qui se faisaient remarquer par leur tenue militaire et leurs prétentions. Il parait, en effet, qu’ils portaient des éperons, des bottes à l’écuyère et qu’ils se rendaient de cette façon si ridicules que, dans un vaudeville, Le Combat des montagnes, ils furent mis en scène sous un personnage grotesque, appelé Calicot. Les commis eux-mêmes ont adopté gaiment ce surnom.
Une troupe de calicots
Va pêcher sous le pont d’Asnière ;
Les femmes — robes printanières —
Se parent de coquelicots.
Avec des boîtes d’asticots
Qu’ils portent à leur boutonnières,
Une troupe de calicot
Va pêcher sous le pont d’Asnière.
Eux, poussent des coquericos —
Qu’elles imitent — garçonnières,
Et que répètent, moutonnières,
Des voix répondant en échos…
Une troupe de calicots
Va pêcher sous le pont d’Asnières.
(Jean Ajalbert)
Callots (les)
Hayard, 1907 : Les yeux.
Calot
Larchey, 1865 : Dé à coudre, coquille de noix (Vidocq). — Comparaison de ces objets à la calotte qui est de même forme. — Calot : Teigneux. Mot à mot : ayant une calotte de teigne.
Delvau, 1866 : s. m. Dé à coudre, — dans l’argot des voleurs. Signifie aussi coquille de noix.
Delvau, 1866 : s. m. Grosse bille avec laquelle on cale en jouant, — dans l’argot des enfants.
Rigaud, 1881 : Dé à coudre, parce qu’il a la forme d’une calotte microscopique.
Rigaud, 1881 : Képi, — dans le jargon de Saint-Cyr.
Récompense honnête à qui rapportera le calot 3118.
(La Vie moderne, 30 août 1879)
Rigaud, 1881 : Vieillard, vieille femme ridicule, — dans l’ancien jargon des clercs de notaire.
Quant aux farces d’étude, c’est ordinairement sur de vieilles ganaches, sur ce que les clercs appellent des calots, qu’ils les exercent.
(Le Peintre des coulisses, 1822)
Dans le jargon moderne des commis de la nouveauté, un calot désigne un acheteur qui borne ses achats à un objet de peu d’importance, à une paire de gants à 29 sous par exemple.
Fustier, 1889 : Argot des commis de nouveautés : acheteur difficile, ennuyeux à servir.
Dans notre argot, nous appelons la femme qui nous énerve, un calot.
(P. Giffard)
V. Delvau. Suppl. Madame Canivet.
La Rue, 1894 : Dé à coudre. Coquille de noix. Œil saillant. Officier supérieur.
Virmaître, 1894 : Grosse bille avec laquelle les enfants jouent à la poucette (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Synonyme de jeu de biribi.
France, 1907 : Dé à coudre, coquille de noix ; diminutif de calotte. Se dit aussi pour la calotte d’écurie que portent les militaires.
France, 1907 : Œil. Boiter des calots, loucher. Reluquer des calots, regarder.
France, 1907 : Sorte de jeu où le joueur est toujours volé. En voici l’explication par Hogier-Grison :
Le bonneteau n’est pas le seul jeu tenu par les croupiers de barrières. Ils en ont une série d’autres dont le fonctionnement ostensible est aussi simple et dont le truc caché est aussi dangereux.
Voici, par exemple, le calot, plus terrible encore que le bonneteau. Il se compose de trois quilles creuses, sous l’une desquelles le teneur place une petite boule appelée le mouton.
Il exige un personnel de quatre comtes ou compères, parmi lesquels un comte en blanc qui ne joue jamais, mais qui est chargé du rapport.
C’est un peu le jeu des gobelets et de la muscade ; le teneur s’installe ; il met le mouton sur une petite table, et le recouvre d’une quille :
— La boulette ! dit-il, elle passe, la boulette’… la boulette’… la boulette… Et, en même temps, il change les quilles de place, les faisant passer tour à tour à droite, à gauche, au milieu, en les glissant sur la table de telle sorte que la boulette ne puisse sortir. Il s’arrête :
— Un louis à qui désigne la quille où se trouve la boulette ! crie-t-il.
Un des « comtes » montre un des calots :
— Elle est là, répond-il.
Le teneur soulève la quille, la boulette n’y est pas.
— Farceur, dit un autre « comte », la voici.
Et il soulève le calot sous lequel est le mouton.
— C’est bien simple, ajoute-t-il ; vous n’avez donc pas suivi le mouvement du joueur ? la boulette est toujours sous la même quille ; il y a qu’à ne pas perdre la quille de vue…
Bientôt le public s’en mêle ; le jeu change. Le teneur pose la boulette sur la table, la recouvre d’une quille, fait passer les deux autres, et tout en faisant ce double mouvement, il roule la boulette jusque dans ses doigts, où elle reste cachée, de façon qu’il n’y a plus de boulette du tout. Le pigeon peut ponter sur n’importe quelle quille, il a toujours perdu.
(Le Monde où l’on triche)
Calots
Vidocq, 1837 : s. m. — Coquilles de noix ; au singulier, dé à coudre.
un détenu, 1846 : Yeux.
Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux ronds comme des billes, — dans l’argot des faubouriens. Boiter des calots. Loucher.
Rigaud, 1881 : Coquilles de noix. — Gros yeux à fleur de tête, — dans le jargon des voleurs.
Virmaître, 1894 : Les yeux mauvais. Calots à la manque (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Yeux. De grands yeux sont de grands calots.
anon., 1907 : Yeux.
Calots (ribouler des)
Rigaud, 1881 : Regarder avidement, ouvrir de grands yeux étonnés, écarquiller les yeux, — dans le jargon des voyous.
Riboulant des calots à chaque devanture de boulanger.
(Le sans-culotte, 1878)
Cambriolleur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — On reconnaît un soldat, même lorsque qu’il a quitté l’uniforme pour endosser l’habit bourgeois, on peut se mettre à sa fenêtre, regarder ceux qui passent dans la rue et dire, sans craindre de se tromper, celui-ci est un tailleur, cet autre et un cordonnier ; il y a dans les habitudes du corps de chaque homme un certain je ne sais quoi qui décèle la profession qu’il exerce, et que seulement ceux qui ne savent pas voir ce qui frappe les yeux de tout le monde ne peuvent pas saisir ; eh bien, si l’on voulait s’en donner la peine, il ne serait guère plus difficile de reconnaître un voleur qu’un soldat, un tailleur ou un cordonnier. Comme il faut que ce livre soit pour les honnêtes gens le fil d’Ariane destiné à les conduire à travers les sinuosités du labyrinthe, j’indique les diagnostics propres à faire reconnaître chaque genre ; si après cela ceux auxquels il est destiné ne savent pas se conduire, tant pis pour eux.
Les Cambriolleurs sont les voleurs de chambre soit à l’aide de fausses clés soit à l’aide d’effraction. Ce sont pour la plupart des hommes jeunes encore, presque toujours ils sont proprement vêtus, mais quel que soit le costume qu’ils aient adopté, que ce soit celui d’un ouvrier ou celui d’un dandy, le bout de l’oreille perce toujours. Les couleurs voyantes, rouge, bleu ou jaune, sont celles qu’ils affectionnent le plus ; ils auront de petits anneaux d’or aux oreilles ; des colliers en cheveux, trophées d’amour dont ils aimeront à se parer ; s’ils portent des gants ils seront d’une qualité inférieure ; si d’aventure l’un d’eux ne se fait pas remarquer par l’étrangeté de son costume il y aura dans ses manières quelque chose de contraint qui ne se remarque pas dans l’honnête homme ; ce ne sera point de la timidité, ce sera une gêne, résultat de l’appréhension de se trahir. Ces diverses observations ne sont pas propres seulement aux Cambriolleurs, elles peuvent s’appliquer à tous les membres de la grande famille des trompeurs. Les escrocs, les faiseurs, les chevaliers d’industrie, sont les seuls qui se soient fait un front qui ne rougit jamais.
Les Cambriolleurs travaillent rarement seuls ; lorsqu’ils préméditent un coup, ils s’introduisent trois ou quatre dans une maison, et montent successivement ; l’un d’eux frappe aux portes, si personne ne répond, c’est bon signe, et l’on se dispose à opérer ; aussitôt, pour se mettre en garde contre toute surprise, pendant que l’un des associés fait sauter la gâche ou jouer le rossignol, un autre va se poster à l’étage supérieur, et un troisième à l’étage au-dessous.
Lorsque l’affaire est donnée ou nourrie, l’un des voleurs se charge de filer (suivre) la personne qui doit être volée, dans la crainte qu’un oubli ne la force à revenir au logis ; s’il en est ainsi, celui qui est chargé de cette mission la devance, et vient prévenir ses camarades, qui peuvent alors s’évader avant le retour du mézière.
Si, tandis que les Cambriolleurs travaillent, quelqu’un monte ou descend, et qu’il désire savoir ce que font dans l’escalier ces individus qu’il ne connaît pas, on lui demande un nom en l’air : une blanchisseuse, une sage-femme, une garde malade ; dans ce cas, le voleur interrogé balbutie plutôt qu’il ne parle, il ne regarde pas l’interrogateur, et empressé de lui livrer le passage, il se range contre la muraille, et tourne le dos à la rampe.
Si les voleurs savent que le portier est vigilant, et s’ils présument que le vol consommé ils auront de gros paquets à sortir, l’un d’eux entre tenant un paquet sous le bras ; ce paquet, comme on le pense bien, ne contient que du foin, qui est remplacé, lorsqu’il s’agit de sortir, par les objets volés.
Quelques Cambriolleurs se font accompagner, dans leurs expéditions, par des femmes portant une hotte ou un panier de blanchisseuse, dans lesquels les objets volés peuvent être facilement déposés ; la présence d’une femme sortant d’une maison, et surtout d’une maison sans portier, avec un semblable attirail, est donc une circonstance qu’il est important de remarquer, si, surtout, l’on croit voir cette femme pour la première fois.
Il y a aussi les Cambriolleurs à la flan (voleurs de chambre au hasard) qui s’introduisent dans une maison sans auparavant avoir jeté leur dévolu ; ces improvisateurs ne sont sûrs de rien, ils vont de porte en porte, où il y a ils prennent, où il n’y a rien, le voleur, comme le roi, perd ses droits. Le métier de Cambriolleur à la flan, qui n’est exercé que par ceux qui débutent dans la carrière, est très-périlleux et très-peu lucratif.
Les voleurs ont des habitudes qu’ils conservent durant tout le temps de leur exercice ; à une époque déjà éloignée, ils se faisaient tous chausser chez une cordonnière que l’on nommait la mère Rousselle, et qui demeurait rue de la Vannerie ; à la même époque, Gravès, rue de la Verrerie, et Tormel, rue Culture-Sainte-Catherine, étaient les seuls tailleurs qui eussent le privilège d’habiller ces messieurs. Le contact a corrompu les deux tailleurs, pères et fils sont à la fin devenus voleurs, et ont été condamnés ; la cordonnière, du moins je le pense, a été plus ferme ; mais, quoiqu’il en soit, sa réputation était si bien faite et ses chaussures si remarquables, que lorsqu’un individu était arrêté et conduit à M. Limodin, interrogateur, il était sans miséricorde envoyé à Bicêtre si pour son malheur il portait des souliers sortis des magasins de la mère Rousselle. Une semblable mesure était arbitraire sans doute, mais cependant l’expérience avait prouvé son utilité.
Les voleuses, de leur côté, avaient pour couturière une certaine femme nommée Mulot ; elle seule, disaient-elles, savait avantager la taille, et faire sur les coutures ce qu’elles nommaient des nervures.
Les nuances, aujourd’hui, ne sont peut-être pas aussi tranchées ; mais cependant, si un voleur en renom adopte un costume, tous les autres cherchent à l’imiter.
Je me suis un peu éloigné des Cambriolleurs, auxquels je me hâte de revenir ; ces messieurs, avant de tenter une entreprise, savent prendre toutes les précautions propres à en assurer le succès ; ils connaissent les habitudes de la personne qui habite l’appartement qu’ils veulent dévaliser ; ils savent quand elle sera absente, et si chez elle il y a du butin à faire.
Le meilleur moyen à employer pour mettre les Cambriolleurs dans impossibilité de nuire, est de toujours tenir la clé de son appartement dans un lieu sûr ; ne la laissez jamais à votre porte, ne l’accrochez nulle part, ne la prêtez à personne, même pour arrêter un saignement de nez ; si vous sortez, et que vous ne vouliez pas la porter sur vous, cachez-la le mieux qu’il vous sera possible. Cachez aussi vos objets les plus précieux ; cela fait, laissez à vos meubles toutes vos autres clés : vous épargnerez aux voleurs la peine d’une effraction qui ne les arrêterait pas, et à vous le soin de faire réparer le dégât que sans cela ils ne manqueraient pas de commettre.
es plus dangereux Cambriolleurs sont, sans contredit, les Nourrisseurs ; on les nomme ainsi parce qu’ils nourrissent des affaires. Nourrir une affaire, c’est l’avoir toujours en perspective, en attendant le moment le plus propice pour l’exécution ; les Nourrisseurs, qui n’agissent que lorsqu’ils ont la certitude de ne point faire coup fourré, sont ordinairement de vieux routiers qui connaissent plus d’un tour ; ils savent se ménager des intelligences où ils veulent voler ; au besoin même, l’un d’eux vient s’y loger, et attend, pour commettre le vol, qu’il ait acquis dans le quartier qu’il habite une considération qui ne permette pas aux soupçons de s’arrêter sur lui. Ce dernier n’exécute presque jamais, il se borne seulement à fournir aux exécutans tous les indices qui peuvent leur être nécessaires. Souvent même il a la précaution de se mettre en évidence lors de l’exécution, afin que sa présence puisse, en temps opportun, servir à établir un alibi incontestable.
Ce sont ordinairement de vieux voleurs qui travaillent de cette manière ; parmi eux on cite le nommé Godé, dit Marquis, dit Capdeville ; après s’être évadé du bagne, il y a plus de quarante ans, il vint s’établir aux environs de Paris, où il commit deux vols très-considérables, l’un à Saint-Germain en Laye, l’autre à Belleville ; cet individu est aujourd’hui au bagne de Brest, où il subit une condamnation à perpétuité.
Les vols de chambre sont ordinairement commis les dimanches et jours de fête.
Camuset
France, 1907 : Relevé, comme un nez camus.
Aussi bien avait-elle une tournure plus mignonne que les autres jeunesses de l’endroit, les seins camusets, les dents éclatantes, les yeux bien noirs, les cheveux lisses sous son bonnet de Morvandiote, ruché des ailes, plat par devant. Le rose montait pour des riens dans sa figure un peu niaise.
(Hugues Le Roux)
Canapé
Vidocq, 1837 : s. m. — On trouve dans le langage des voleurs, dix, vingt mots même, pour exprimer telle action répréhensible, ou tel vice honteux ; on n’en trouve pas un seul pour remplacer ceux de la langue usuelle, qui expriment des idées d’ordre ou de vertu ; aussi doit-on s’attendre à trouver, dans un livre destiné à faire connaître leurs mœurs et leur langage, des récits peu édifians. J’ai réfléchi long-temps avant de me déterminer à leur donner place dans cet ouvrage ; je craignais que quelques censeurs sévères ne m’accusassent d’avoir outragé la pudeur, mais après j’ai pensé que le vice n’était dangereux que lorsqu’on le peignait revêtu d’un élégant habit, mais que, nu, sa laideur devait faire reculer les moins délicats ; voilà pourquoi cet article et quelques autres semblables se trouveront sous les yeux du lecteur ; voilà pourquoi je n’ai pas employé des périphrases pour exprimer ma pensée ; voilà pourquoi le mot propre est toujours celui qui se trouve sous ma plume. Je laisse au lecteur le soin de m’apprendre si la méthode que j’ai adoptée est la meilleure.
Le Canapé est le rendez-vous ordinaire des pédérastes ; les Tantes (voir ce mot), s’y réunissent pour procurer à ces libertins blasés, qui appartiennent presque tous aux classes éminentes de la société, les objets qu’ils convoitent ; les quais, depuis le Louvre jusqu’au Pont-Royal, la rue Saint-Fiacre, le boulevard entre les rues Neuve-du-Luxembourg et Duphot, sont des Canapés très-dangereux. On conçoit, jusques à un certain point, que la surveillance de la police ne s’exerce sur ces lieux que d’une manière imparfaite ; mais ce que l’on ne comprend pas, c’est que l’existence de certaines maisons, entièrement dévolues aux descendans des Gomorrhéens, soient tolérées ; parmi ces maisons, je dois signaler celle que tient le nommé, ou plutôt (pour conserver à cet être amphibie la qualification qu’il ou elle se donne), la nommée Cottin, rue de Grenelle Saint-Honoré, no 3 ; la police a déjà plusieurs fois fait fermer cette maison, réceptacle immonde de tout ce que Paris renferme de fangeux, et toujours elle a été rouverte ; pourquoi ? je m’adresse cette interrogation, sans pouvoir y trouver une réponse convenable ; est-ce parce que quelquefois on a pu y saisir quelques individus brouillés avec la justice ; je ne puis croire que ce soit cette considération qui ait arrêté l’autorité, on sait maintenant apprécier l’utilité de ces établissemens où les gens vicieux se rassemblent pour corrompre les honnêtes gens qu’un hasard malheureux y amène.
Larchey, 1865 : Lieu public fréquenté par les pédérastes (Vidocq). — Ironique, car les parapets des quais et les bancs de certains boulevards sont de tristes canapés.
Delvau, 1866 : s. m. Lieu où Bathylle aurait reçu Anacréon, — dans l’argot des voleurs, qui ont toutes les corruptions.
Rigaud, 1881 : Lieu de promenade ordinaire, sorte de petite Bourse des émigrés de Gomorrhe et des Éphestions de trottoir. — Sous la Restauration et sous le gouvernement de Juillet, les quais, depuis le Louvre jusqu’au Pont-Royal, la rue Saint-Fiacre, le boulevard entre les rues Neuve-du-Luxembourg et Duphot étaient, d’après Vidocq, des canapés très dangereux. Aujourd’hui le passage Jouffroy et les Champs-Élysées sont devenus les lieux de prédilection de ces misérables dévoyés.
La Rue, 1894 : Lieu où se réunissent les individus de mœurs innommables.
Virmaître, 1894 : Femme copieusement douée du côté des fesses. Le mot est en usage chez les pédérastes qui ne recherchent pas cet avantage du côté féminin (Argot des voleurs).
France, 1907 : Femme copieusement douée du côté des fesses.
Cancan
Larchey, 1865 : Danse. — Du vieux mot caquehan : tumulte (Littré).
Messieurs les étudiants,
Montez à la Chaumière,
Pour y danser le cancan
Et la Robert Macaire.
(Letellier, 1836)
Nous ne nous sentons pas la force de blâmer le pays latin, car, après tout, le cancan est une danse fort amusante.
(L. Huart, 1840)
M. Littré n’est pas aussi indulgent.
Cancan : Sorte de danse inconvenante des bals publics avec des sauts exagérés et des gestes impudents, moqueurs et de mauvais ton. Mot très-familier et même de mauvais ton.
(Littré, 1864)
Delvau, 1866 : s. m. Fandango parisien, qui a été fort en honneur il y a trente ans, et qui a été remplacé par d’autres danses aussi décolletées.
Delvau, 1866 : s. m. Médisance à l’usage des portières et des femmes de chambre. Argot du peuple.
Rigaud, 1881 : La charge de la danse, une charge à fond de train… de derrière.
La Rue, 1894 : Danse excentrique, un degré de moins que le chahut et la tulipe orageuse.
France, 1907 : Danse de fantaisie des bals publics, particulière à la jeunesse parisienne, et qui n’a d’équivalent dans aucun pays, composée de sauts exagérés, de gestes impudents, grotesques et manquant de décence. Ce fut le fameux Chicard, auquel Jules Janin fit l’honneur d’une biographie, l’inventeur de cette contredanse échevelée, qu’il dans pour la première fois dans le jardin de Mabille, sous Louis-Philippe. Il eut pour rival Balochard, et ces deux noms sont restés célèbres dans la chorégraphie extravagante. Nombre de jolies filles s’illustrèrent dans le cancan ; Nadaud les a chantées dans ces vers :
Pomaré, Maria,
Mogador et Clara,
À mes yeux enchantés
Apparaissez, chastes divinités.
Le samedi, dans le jardin de Mabille,
Vous vous livrez à de joyeux ébats ;
C’est là qu’on trouve une gaité tranquille,
Et des vertus qui ne se donnent pas.
Il faut ajouter à ces reines de Mabille, Pritchard, Mercier, Rose Pompon et l’étonnante Rigolboche, qui, toutes, eurent leur heure de célébrité. Parmi les plus fameuses, on cite Céleste Venard, surnommée Mogador, qui devint comtesse de Chabrillan, et Pomaré, surnommée la reine Pomaré, dont Théophile Gautier a tracé ce portrait :
C’est ainsi qu’on nomme, à cause de ses opulents cheveux noirs, de son teint bistré de créole et de ses sourcils qui se joignent la polkiste la plus transcendante qui ait jamais frappé du talon le sol battu d’un bal public, au feu des lanternes et des étoiles.
La reine Pomaré est habituellement vêtue de bleu et de noir. Les poignets chargés de hochets bizarres, le col entouré de bijoux fantastiques, elle porte dans sa toilette un goût sauvage qui justifie le nom qu’on lui a donné. Quand elle danse, les polkistes les plus effrénés s’arrêtent et admirent en silence, car la reine Pomaré ne fait jamais vis-à-vis, comme nous le lui avons entendu dire d’un ton d’ineffable majesté à un audacieux qui lui proposait de figurer en face d’elle.
Pomaré a eu les honneurs de plusieurs biographies. La plus curieuse est celle qui a pour titre :
VOVAGE AUTOUR DE POMARÉ
Reine de Mabille, princesse de Ranelagh,
grande-duchesse de la Chaumière,
par la grâce du cancan et autres cachuchas.
Le volume est illustré du portrait de Pomaré, d’une approbation autographe de sa main, de son cachet… et de sa jarretière — une jarretière à devise.
Le mot cancan est beaucoup plus ancien que la danse, car on le trouve ainsi expliqué dans le Dictionnaire du vieux langage de Lacombe (1766) : « Grand tumulte ou bruit dans une compagnie d’hommes et de femmes. »
La génération qui précède celle-ci, connaît, au moins pour l’avoir entendu, ce vieux refrain de 1836 :
Messieurs les étudiants
S’en vont à la Chaumière
Pour y danser l’cancan
Et la Robert-Macaire.
Nestor Roqueplan, dans des Nouvelles à la main (1841), a fait la description du cancan :
L’étudiant se met en place, les quadrilles sont formés. Dès la première figure se manifestent chez tous une frénésie de plaisir, une sorte de bonheur gymnastique. Le danseur se balance la tête sur l’épaule ; ses pieds frétillent sur le terrain salpêtré : à l’avant-deux, il déploie tous ses moyens : ce sont de petits pas serrés et marqués par le choc des talons de bottes, puis deux écarts terminés par une lançade de côté. Pendant ce temps, la tête penchée en avant se reporte d’une épaule à l’autre, à mesure que les bras s’élèvent en sens contraire de la jambe. Le [beau] sexe ne reste pas en arrière de toutes ces gentillesses ; les épaules arrondies et dessinées par un châle très serré par le haut et trainant fort bas, les mains rapprochées et tenant le devant de sa robe, il tricote gracieusement sous les petits coups de pied réitérés ; tourne fréquemment sur lui-même, et exécute des reculades saccadées qui détachent sa cambrure. Toutes les figures sont modifiées par les professeurs du lieu, de manière à multiplier le nombre des « En avant quatre ». À tous ces signes, il n’est pas possible de méconnaître qu’on danse à la Chaumière le… cancan.
Caneter
France, 1907 : Marcher d’une façon lasse, en appuyant sur l’une et l’autre hanche, à la façon des canes.
Magdelon, je suis bien malade,
J’ai les yeux caves et battus,
La face terreuse et maussade,
Les genoux maigres et pointus ;
Ceux qui me voient par la rue
Jaune comme une vieille morue,
Caneter en avant fourbu,
Estiment que c’est la vérole
Qui me fait aller en bricole
Et m’enivre sans avoir bu.
(Cyrano de Bergerac, Le Pauvre malade)
Canulant
Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, importun, insupportable, — dans l’argot du peuple, qui a une sainte horreur des matassins, armés comme l’on sait, qui poursuivent M. de Pourceaugnac.
Rigaud, 1881 : Tannant.
France, 1907 : Ennuyeux, insupportable comme le bouillon que l’on reçoit à l’aide d’une canule.
Minuit. Un grand brun et une petite blonde roucoulent sur le boulevard.
— Où allons-nous ? demande tout à coup le grand brun.
Alors, de sa voix la plus innocente :
— Si ça t’était égal, fait la petite blonde, mon mignon, nous irions chez toi… Quand j’emmène un m’sieur chez moi, c’est canulant… Mon mari vient toujours voir combien ce m’sieur me donne !
(Écho de Paris)
Canule
Larchey, 1865 : Homme canulant. — Canuler : importuner.
C’est canulant.
(H. Monnier)
Mot inventé par les ennemis du clystère.
Delvau, 1866 : s. f. Homme ennuyeux, obsédant.
Rigaud, 1881 : Personnage ennuyeux, celui qui obsède son semblable et cherche à s’insinuer.
Virmaître, 1894 : Petit instrument placé au bout d’une seringue, d’un irrigateur. Canule : Être ennuyeux.
— Ah ! lâche-nous, voilà une heure que tu nous canules (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Personne ennuyeuse.
France, 1907 : Homme ennuyeux comme un clystère.
Canuleur
Carfouiller
Fustier, 1889 : Fouiller jusqu’au fond, dans tous les sens.
Il délibéra longtemps avec lui-même pour savoir… s’il lui carfouillerait le cœur avec son épée ou s’il se bornerait à lui crever les yeux.
(Figaro, 1882)
France, 1907 : Percer profondément. Carfouiller un pante d’un coup de surin.
Carotteur, carottier
Larchey, 1865 : Tireur de carottes.
Allons, adieu, carotteur !
(Balzac)
Joyeux vivant, mais point grugeur et carottier.
(Vidal, 1833)
Carpe (faire la)
Fustier, 1889 : S’évanouir, se pâmer.
France, 1907 : Tomber en syncope ; se pâmer comme une carpe qu’on tire de l’eau. Faire des yeux de carpe, ouvrir des yeux mourant et sans expression.
— Dis donc, Mélie ? Lui qu’aimait tant à ét’ dehors, combien qui doit ét’ privé, pauvr’ chéri… Eh ben ! quoi que t’as à présent… v’là qu’tu fais la carpe, tu restes en route… voyons, arrive !
— J’sais pas, mais j’sens mon cœur qui s’en va : j’ai pas tant seulement la force d’mett’ au pied d’vant l’aut’.
(Henry Monnier, Les Bas-fonds de la société)
Carreaux
Virmaître, 1894 : Fer à repasser dont se servent les tailleurs pour aplatir les coutures (Argot du peuple).
Virmaître, 1894 : Les yeux (Argot des voleurs).
Virmaître, 1894 : Outils spéciaux des malfaiteurs (Argot des voleurs). V. Tateuse.
Rossignol, 1901 : Outils de voleurs.
Rossignol, 1901 : Yeux.
Cartes transparentes
Delvau, 1864 : Cartes à jouer qui, au premier abord, ressemblent à d’innocentes cartes, mais qui, lorsqu’on les regarde avec attention, entre le soleil et les yeux, sont autant de conpulsamenti à fouterie.
Elle fait défiler devant ses yeux une foule de cartes transparentes, qui sont autant des outrages au bon goût qu’aux bonnes mœurs.
(Lemercier de Neuville)
Casse-cou
d’Hautel, 1808 : On appelle ainsi un escalier roide et étroit, un lieu obscur, où l’on risque de tomber à chaque pas que l’on fait.
On donne aussi ce nom dans les manèges aux gens employés à monter les chevaux jeunes et vicieux.
Casse-cou ! Cri d’avertissement au jeu de colin-maillard, lorsque la personne qui a les yeux bandés est sur le point de se heurter contre un corps quelconque.
Delvau, 1866 : s. m. Homme hardi jusqu’à l’audace, audacieux jusqu’à l’imprudence, jusqu’à la folie. Argot du peuple.
France, 1907 : Homme téméraire qui se jette sans réfléchir dans les aventures les plus périlleuses.
Casser sa pipe
Delvau, 1866 : v. a. Mourir, dans l’argot des faubouriens et des rapins.
Boutmy, 1883 : v. Mourir. Cette expression est passée dans le langage du peuple parisien.
La Rue, 1894 : Mourir.
Virmaître, 1894 : Mourir. On donne pour origine à cette expression qu’un fumeur, attablé dans un cabaret, mourut subitement. Sa pipe lui tomba des lèvres et se cassa. Quand on le releva, un des assistants s’écria :
— Tiens il a cassé sa pipe (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Mourir.
France, 1907 : Mourir.
Mais voilà que le vieux a cassé sa pipe, lui aussi. Ce matin on l’a cloué entre six planches et on l’a placé sur le char funèbre pour le voiturer au lieu du repos. Les petits ont beaucoup pleuré en voyant leur grand-père ne plus leur sourire, et en le sentant froid comme la glace. Ils ont crié, la frimousse rougie et ruisselante de larmes : « Grand-père, réveille-toi donc ! Grand-père, réveille-toi donc ! »
(Jacques d’Aurélle)
Quand Mirecourt sentit venir sa fin prochaine,
Tournant ses yeux mourants, pleins d’une sombre haine,
Vers le clan des écrivassiers,
Il s’écria : « Je vais casser ma pipe ! Était-ce
La peine d’amasser tant d’amers tristesse,
Et de dechaîner tant d’huissiers ! »
(A. Glatigny)
L’argot populaire est riche en expressions de ce genre, tant il parait plaisant de mêler le grotesque au lugubre : on dit : casser son câble, sa canne, son crachoir, son fouet.
Bob, sur les genoux de grand-père, joue avec la montre du vieillard. Il en écoute le mouvement, s’extasie sur la richesse de la boîte.
— Quand je serai mort, elle sera pour toi, dit le grand-père.
Quelques jours après, Bob s’amuse de nouveau avec le chronomètre. Puis, soudain :
— Dis donc, grand-papa, est-ce que tu ne vas pas bientôt casser ton crachoir ?
Cauchemar
d’Hautel, 1808 : Cet homme donne le cauchemar. Se dit d’un bavard, d’un ennuyeux dont on évite la rencontre et la société.
France, 1907 : Homme ennuyeux, assommant, bavard.
Cauchemardant
Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, importun, — dans l’argot des faubouriens.
Cercleux
France, 1907 : Habitué de cercle : vulgairement, propre à rien.
Le plus comique, c’est que vous entendrez tous les gens de la bonne société — de la haute — car ce n’est ni vous ni moi, simples truands, qui abusons de cet exercice aussi fatigant qu’ennuyeux — tous les cercleux, tous les ra sinon, tous les raouteux vous disant, avec un petit air dédaigneux :
— Rien ne va sous votre République !
(Mot d’Ordre)
Elle suivit un jour le cercleux au monocle impertinent qui, tous les soirs, quand elle sortait de son magasin, lui proposait des dîners et des escapades joyeuses.
(Aug. Marin)
Cerner les yeux (se)
Delvau, 1864 : Se masturber, ce qui culotte furieusement les yeux, en effet.
Voilà que j’bande… Ah ! n’craignez rien… j’n’ai jamais eu c’défaut-là… Et puis… ça cerne les yeux.
(Tisserand)
Certain bobo
Delvau, 1864 : La vérole, qui est un mal certain. Piron l’appelait un petit mal gaillard.
Un jeune élève d’Esculape
Me guérit de certain bobo…
Un beau jour, il me dit : Ma chère,
En moi, vos yeux ont excité
Certain feu. Je le laissai faire,
Pour m’assurer de ma santé.
(Gaudriole de 1834)
Champêtre
France, 1907 : Comique, un campagnard étant toujours comique aux yeux des citadins.
Chandelle
d’Hautel, 1808 : Trente-six, chandelles et le nez dessus, il n’y verroit pas plus clair. Se dit par exagération d’un homme sans intelligence, sans perspicacité, pour lequel les choses les plus claires et les plus simples deviennent obscures et embrouillées.
Il a passé comme une chandelle. Pour exprimer qu’une personne est morte sans crises, qu’elle a terminé doucement sa carrière ; ou qu’un malade a expiré au moment où l’on s’y attendoit le moins.
Ses cheveux frisent comme des chandelles. Se dit figurément d’une personne dont les cheveux sont plats, roides, et ne bouclent pas naturellement.
C’est un bon enfant qui ne mange pas de chandelle. Locution basse et triviale, pour faire entendre qu’un homme n’a pas l’humeur facile ; qu’il n’est pas aisé à mener ; qu’il ne se laisse pas marcher sur le pied.
Ses yeux brillent comme des chandelles. C’est-à-dire sont vifs, sémillans, pleins de feu.
Donner une chandelle à Dieu et une autre au diable. Ménager les deux partis, profiter de la mésintelligence qui règne entre plusieurs personnes.
À chaque Saint sa chandelle. Signifie qu’il faut faire des présens à chacun de ceux dont on peut avoir besoin dans une affaire.
Le jeu ne vaut pas la chandelle. Pour dire qu’une chose ne vaut pas la dépense, les frais qu’elle occasionne.
Il doit une belle chandelle au bon Dieu. Se dit de celui qui a échappé à un péril imminent, qui est revenu d’une dangereuse maladie.
On lui a fait voir mille chandelles. Se dit de quelqu’un à qui l’on a causé un grand éblouissement en le frappant rudement proche les yeux.
Cacher la chandelle sous le boisseau. Dissimuler ses opinions ; cacher son savoir faire.
Il a toujours deux chandelles qui lui pendent au nez. Se dit d’un enfant morveux ; d’un homme malpropre qui n’ayant pas soin de se moucher a continuellement des roupies au nez.
La chandelle se brûle. Se dit pour avertir quel qu’un qui perd inutilement un temps précieux.
La chandelle s’éteint. Manière figurée de dire qu’un homme approche du terme de sa carrière, qu’il s’en va mourant.
La chandelle qui va devant éclaire mieux que celle qui va derrière. Se dit de ces égoïstes : qui ne font aucun bien pendant leur vie, et se contentent seulement de faire espérer quelque chose après leur mort.
Il est bariolé comme la chandelle des rois. Voyez Barioler.
Ansiaume, 1821 : Mousquet, fusil.
Les griviers s’ont ébobis à grands coups de leurs chandelles.
Delvau, 1864 : Le membre viril, qui fond et coule trop souvent — au feu du vagin de la femme.
Voici maître curé qui vient pour allumer sa chandelle, ou pour mieux dire l’éteindre.
(Les Cent Nouvelles nouvelles)
De femmes qui montrent leurs seins,
Leurs tétins, leurs poitrines froides,
On doit présumer que tels saincts
Ne demandent que chandelles roides.
(G Coquillart)
Delvau, 1866 : s. f. Mucosité qui forme stalactite au-dessous u nez, — dans le même argot [des faubouriens].
Delvau, 1866 : s. f. Soldat en faction. Même argot [des faubouriens]. Être entre quatre chandelles. Être conduit au poste entre quatre fusiliers.
Rigaud, 1881 : Baïonnette. — Se ballader entre quatre chandelles, marcher entre quatre soldats qui vous mènent au poste.
Rigaud, 1881 : Litre de vin, bouteille. Elle est chargée d’allumer l’ivrogne.
Rigaud, 1881 : Mucosité nasale trop indépendante embrouillée avec le mouchoir. Souffler sa chandelle, se moucher avec les doigts, après reniflement.
La Rue, 1894 : Agent de police. Bouteille.
France, 1907 : Bouteille de vin. Faire fondre une chandelle, boire une bouteille de vin.
France, 1907 : Factionnaire. Soldat qui conduit quelqu’un au poste. « Être mené entre deux ou quatre chandelles. »
Le poste était à deux pas. Les soldats accoururent.
Pour la deuxième fois de la journée, voici Jean-Louis et Lapierre placés entre deux rangées de ces chandelles de Maubeuge, dont la mèche sent la poudre à canon.
(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)
Se dit aussi de l’agent de police.
France, 1907 : Le membre viril.
Allez donc, on vous appelle,
Votre ami tient la chandelle
Dont il veut vous éclairer.
(Gavette)
On dit éteindre sa chandelle, image parlante.
France, 1907 : Mucosité que les enfants laissent sortir de leur nez.
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