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Canter

France, 1907 : Petit galop ; anglicisme. Expression du turf qui désigne le petit galop d’essai auquel s’amusent les jockeys avant de ranger leurs chevaux dans le starter. Par extension, d’un cheval qui a gagné aisément la course, on dit qu’il a gagné « dans un canter », c’est-à-dire comme en un petit galop d’essai.

Castor

Larchey, 1865 : Officier de marine qui évite les embarquements. — Le castor bâtit volontiers sur le rivage.

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau d’homme ou de femme, en feutre ou en soie, en tulle ou en paille, — dans l’argot du peuple, qui n’emploie pas cette expression précisément en bonne part.

France, 1907 : Nom donné vers 1820 aux filles qui fréquentaient les galeries du Palais-Royal. Il y avait, suivant le prix que se cotaient ces dames, les demi-castors et les castors fins.

Vous savez que Paris, comme toutes les grandes villes, renferme un nombre considérable de malheureuses demandant au vice leurs moyens d’existence… je laisse de côté les hautes notoriétés du turf de la galanterie et leurs émules qu’on nomme, dans le langage imagé du boulevard, les « demi-castors »… Nous avons pour ces personnalités attrayantes, j’en contiens, du Paris élégant, des indulgences spéciales…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

France, 1907 : Officier de terre ou de mer qui s’embusque dans un poste pour en bouger le moins possible.

Il faut une longue série de mauvaises fortunes et de vexations intérieures pour que l’officier de marine prenne tout à fait la navigation en horreur et mette son habileté à se ranger dans la classe des castors. L’on qualifie ainsi plaisamment celui qui, une fois parvenu à saisir un poste sédentaire, s’y cramponne de toutes ses forces et renonce pour jamais à l’Océan…

(G. de la Landelle, Les Gens de mer)

Consolette

France, 1907 : Abréviation de consolation.

Mais la cueillette est meilleure dans les trains de banlieue où les bonneteurs offrent aux victimes du turf la petite partie dite la consolette. Cette escroquerie a été expliquée cent fois, ce qui n’empêche pas les naïfs de s’y laisser perpétuellement prendre. On connaît la combinaison. Étant données trois coquilles de noix dont l’une recouvre un pois, où trois cartes dont l’une est gagnante, le bonneteur mélange avec une feinte gaucherie coquilles ou cartes, et offre à mises égales de deviner la bonne. Un spectateur essaye et réussit à tout coup. C’est un compère, un comte, en argot professionnel. Encouragés par ce résultat, d’autres voyageurs parient et perdent. Ce sont les pantes.

(Guy Tomel, Le Bas du Pavé parisien)

Copurchic

Fustier, 1889 : Elégant, homme qui donne le ton à la mode. Ce mot, un des derniers mis en circulation, vient de « pur » et de « chic », le premier indiquante perfection absolue du second. La syllabe co ne vient là que pour l’euphonie.

Le copurchic ne parle plus argot ; il se contente de parler doucement, lentement…

(Figaro, 1886)

Le petit vicomte de X, un de nos plus sémillants copurchics…

(Gil Blas, juillet 1886)

De copurchic est dérivé copurchisme qui désigne l’ensemble des gens asservis à la mode.

Les élégantes de copurchisme veulent, elles aussi, donner une fête au profit des inondés

(Illustration, janvier 1887.)

La Rue, 1894 : L’un des nombreux noms dont on a baptisé les oisifs élégants. On a dit successivement : gommeux, crevé, boudiné, vlan, pschutteux, etc.

France, 1907 : Élégant, à la dernière mode.

Le bal des canotiers de Bougival promet d’être très brillant ce soir, car une bande de copurchics doit l’envahir dans la soirée, en compagnie de quelques horizontales haut cotées sur le turf de la galanterie

(Gil Blas)

Dérober

Fustier, 1889 : Argot de turf. Un cheval se dérobe quand il s’écarte de la piste.

Dérober (se)

France, 1907 : C’est, dans l’argot du turf, un cheval qui s’écarte de la piste.

Descendre

d’Hautel, 1808 : Descendre la garde. Expression plaisante et figurée, qui signifie, parmi le peuple, tomber d’un lieu élevé ; s’en aller dans l’autre monde ; laisser ses os dans une affaire, dans une batterie quelconque.
Descendez, on vous demande en bas. V. Bas.
On dit vulgairement descendre en bas, et monter en haut.
Le génie de la langue allemande et de la langue anglaise peut tolérer ces locutions ; mais la langue française les rejette absolument ; il faut dire simplement sans régime, monter et descendre.

Delvau, 1864 : Aller faire la rue, dans l’argot des filles de bordel, qui descendent le plus souvent qu’elles peuvent, afin d’être montées d’autant.

Va t’êt’ onze heures, j’ descends pus… Nous allons nous coucher, dis, veux-tu ?

(Henry Monnier)

Larchey, 1865 : Tuer, faire tomber.

J’ajuste le Prussien et je le descends.

(M. Saint-Hilaire)

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, abattre d’un coup de fusil, — dans l’argot des soldats et des chasseurs.

Rigaud, 1881 : Faire tomber ; tuer d’un coup de fusil. — Descendre la garde, mourir.

Fustier, 1889 : Expression théâtrale en usage dans les répétitions. C’est aller dans la direction de la rampe. — Terme de turf ; quand un cheval appelé à courir acquiert une plus value, on dit qu’il descend, parce qu’en effet la proportion dans laquelle on pariait contre lui tombe. Ainsi, un cheval qui hier était coté à 7 contre — 1, et qui est aujourd’hui à 5 contre — 1 est un cheval qui descend (Littré.)

La Rue, 1894 : Mourir. Mettre hors de combat. Tuer.

Hayard, 1907 : Assassiner.

France, 1907 : Tuer.

— Prends le reste des spahis et va explorer le sommet des mamelons sur notre gauche, jusqu’à la plaine. Si tu rencontres des Kabyles, descends-les.
— Oui, mon colonel.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Disqualifié

Fustier, 1889 : Argot de turf. Cheval disqualifié, cheval mis hors concours par suite d’une infraction au règlement commise par son propriétaire ou par son jockey. (Littré.)

Engager

Fustier, 1889 : Argot de turf. Prendre inscription pour faire participer à une course publique un cheval dont on est propriétaire.

France, 1907 : Faire inscrire son cheval pour une course publique ; argot du turf.

Entrée

d’Hautel, 1808 : Faire une entrée de ballet dans une compagnie. Voyez Ballet.

Fustier, 1889 : Argot de turf. Somme versée par le propriétaire qui engage un cheval pour une course.

France, 1907 : Prix que paye le propriétaire d’un cheval engagé pour une course.

Gruger

d’Hautel, 1808 : Pour, rapiner, voler, manger ; être aux crocs de quelqu’un ; lui soutirer de l’argent.
Il le gruge d’une belle manière. Pour, il le vole, il le ruine secrètement.

Delvau, 1866 : v. a. Manger le bien de quelqu’un, — dans l’argot du peuple. Les gens de lettres écrivent grue-ger, par allusion aux mœurs des grues, — ces Ruine-maison !

France, 1907 : Manger ; du bas allemand grusen, écraser, broyer avec les dents. Gruger quelqu’un, le piller, lui manger son bien.

Certes, ce monde circonscrit, brillant et mêlé, qui va du turf au Jockey, en passant par les foyers de théâtres, nous montre plus de princes tombés aux maquignonnages louches qu’aspirant aux hautes vertus démocratiques. Plus d’un, parmi ces brillants, à mis son grain air, sa renommée d’élégance au service de quelque cocotte, ambitieuse de gruger de jeunes bourgeois vaniteux.

(Francis Chevassu)

Dans Nos Intimes, Victorien Sardou essaye de faire le dénombrement des variétés d’amis. « Nous avons, dit l’illustre académicien, l’ami despote qui nous fait faire ses commissions, l’ami spirituel qui fait des mots à nos dépens, l’ami indiscret qui raconte aux hommes nos petites faiblesses et aux dames nos petites infirmités !… l’ami gêné qui est encore bien plus gênant, l’ami parasite qui nous mange, l’ami spéculateur qui nous gruge, enfin mille espèces d’amis dont le dénombrement serait éternel, depuis celui qui nous emprunte nos livres … qu’il ne nous rend pas, jusqu’à celui qui nous emprunte notre femme… qu’il nous rend ! »

Horizontale

Fustier, 1889 : Femme galante. Il y a plusieurs sortes d’horizontales. D’abord l’horizontale de haute marque, celle dont certains journaux narrent les faits et gestes et qui fait partie du Tout-Paris où l’on s’amuse ; puis, l’horizontale de moyenne marque, moins haut cotée sur le turf de la galanterie ; enfin l’horizontale de petite marque qui n’a pas su réussir comme ses sœurs.
Le mot horizontale a été bien accueilli et s’est aujourd’hui répandu un peu partout. Il date de 1883 et fut mis à cette époque en circulation par M. Aurélien Scholl. Voici comment, d’après l’auteur même de Denise, les horizontales virent le jour.

Depuis longtemps le baron de Vaux (un rédacteur du Gil Blas) qualifiait du doux nom de tendresse les marchandes de sourire. Il disait « une tendresse » comme on dit un steamer, par abréviation.
Désireux de trouver une formule nouvelle, je cherchais un vocable qui pût détrôner la tendresse. Le Voyage autour de ma chambre, de X. de Maistre consacre un chapitre entier à la position horizontale. J’ai pris le mot de X. de Maistre pour l’appliquer à celles qui sont de son avis. L’horizontale fit fortune. Le baron de Vaux lui servit de parrain… Je n’en ai pas moins le droit de revendiquer ce mot dans l’intérêt des glossateurs…

Cette explication n’a pas été trouvée suffisante par certains étymologistes et d’aucuns veulent que ce mot horizontale soit une réminiscence de ce passage des Reisebilder où Henri Heine parle de la femme qui enseigne à Rauschenwasser la philosophie horizontale. Un abonné de La République française fait remonter jusqu’à Casanova l’emploi de ce mot horizontale dans l’acception spéciale qu’il a ici. Je trouve, en effet, dans le numéro du 10 mars 1887 de ce journal la note suivante : « On a discuté ces jours derniers la paternité du mot horizontale qui désigne les vieilles et jeunes personnes d’accès facile. On ne s’est pas avisé, au milieu de tous ces débats, de rechercher si le mot tant revendiqué n’appartient pas de prime-abord à l’un de nos grands amoureux. Celui-ci est Casanova qui parle deux fois des horizontales. V. à ce sujet l’édition italienne de Périno, à Rome. »

Les grandes dames, les cocodettes et celles que, dans leur langage extraordinaire, les mondains appellent les horizontales de la grande marque…

(Illustration, juin 1883)

D’horizontale est dérivé horizontalisme, désignant les usages, les habitudes, les mœurs des horizontales et aussi l’ensemble de ce monde spécial.

Le vrai monde ma foi, tout ce qu’il y a de plus pschutt… et aussi tout le haut horizontalisme…

(Figaro, juillet 1884)

La Rue, 1894 : Fille galante. V. Biche.

France, 1907 : Qualification inventée par Aurélien Scholl pour désigner les marchandes d’amour d’une certaine catégorie, celles qui vendent cher ce que d’autres plus humbles donnent pour presque rien.

Horizontale plaît aux gens de goût ; horizontale n’évoque des images gracieuses et séduisantes ; horizontale a du chic, de la ligne, et nous ouvre des horizons d’un parallélisme tout à fait aimable.
Mais en pareils sujets rien ne dure et les bons esprits ont toujours dû se torturer à l’extrême pour étiqueter, au gré de la mode, les ravissantes personnes qui veulent bien livrer ce qu’elles ont de plus cher à l’indiscrète volupté de contemporains.
Du plus loin qu’il me souvienne (je ne veux pas remonter au delà, histoire d’éviter de faire de l’histoire), celles que l’Académie qualifie de grenouilles, que Sarcey traite de Babyloniennes et que Bourget considère comme autant de dévoyées furent appelées cocottes.
La fortune de ce mot fut telle qu’il est encore employé dans certaines provinces de l’Ouest.
Belle-petite n’obtint qu’un succès de mésestime ; tendresse se fit apprécier pendant quelques mois seulement et mouquette passa.
De piquants sobriquets d’agenouillées et de pneumatiques avaient le tort d’être un jeu spéciaux.
Divers qualificatifs : momentanées, éphémères, impures, hétaires modernes, tours-de-lac, spongieuses, égarées, n’eurent qu’une notoriété éphémère.
Je ne signalerai que pour mémoire certaines définitions peu courtoises : filles du désert, porte-carres, monte-charge, déraillés, déraillés, paillassons, etc., etc. que, seuls, les gens sans éducation se permirent d’infliger à la courtisane parisienne.

(Maxime Boucheron, Écho de Paris, 1881)

Recherches et fouilles faites, je crois pouvoir affirmer que le mot n’est pas nouveau et que ce n’est, en somme, que du neuf retapé.
Je lis, en effet, dans la Petite Encyclopédie bouffonne, publiée par Passard en l’an de grâce 1853, le dialogue que voici :

Dans un boudoir de Bréda-Street, en attendant Mondor.
Ophélia, rêveuse. — La terre est ronde.
Héloise, idem. — C’est donc pour cela qu’il est si difficile de s’y tenir en équilibre ?
Ophélia. — Et d’y gagner sa vie autrement que penchée d’un côté ou d’un autre…
Héloise. — Le bureaucrate obliquement en avant…
Ophélia. — Le laquais de tilbury obliquement en arrière…
Héloise. — Le fantassin verticalement au port d’armes…
Ensemble. — Et nous ?…
— Serait-ce horizontalement ? fit observer Mondor en entrouvrant la porte…
 

On voit aux horizontales
Et même aux femmes comme il faut,
Des croupières monumentales…
Par ce temps-ci, ça doit t’nir chaud.

(Victor Meusy)

Match

France, 1907 : Pari, compétition, principalement aux jeux athlétiques. Cet anglicisme ne s’employait autrefois que pour les paris sur le turf. Le pluriel est matches.

Notre aristocratie s’effondre. Voyez à quel résultat nous aboutissons, nous : Robert ne fait rien, il ne rêve que matches à bicyclette ou à l’escrime ; Isabelle est une petite folle et Jacqueline presque une révoltée.

(Pierre Salles, Miracle d’amour)

Médaille (avoir la)

Fustier, 1889 : Argot de sport.

Il y a une expression consacrée dans l’argot du turf et qui est très significative : Avoir la médaille. On dit d’un monsieur qu’il a la médaille quand il fait une commission pour le compte du propriétaire. Cela veut dire qu’il est commissionnaire. Il a la médaille. Dès qu’on s’aperçoit qu’un monsieur a la médaille, c’est-à-dire qu’il a reçu mission du propriétaire de parier pour son cheval, il ne reste plus qu’à lui emboîter le pas…

(Paris Illustré, 1884)

Odds

France, 1907 : Terme de courses anglais adopté par les gens du turf pour exprimer les inégalités de rapport qui existent dans un pari, par exemple dix contre six.

Omnium

Fustier, 1889 : Argot du turf. Course réservée aux chevaux de toute provenance âgés de trois ans et au-dessus. L’omnium se court au bois de Boulogne, à la réunion d’automne.

France, 1907 : Nom donné, dans l’argot des courses, au grand handicap d’automne. Les engagements pour cette épreuve importante se font dès le printemps, et pendant toute la saison d’été on discute les chances des chevaux qui s’y trouvent engagés.
L’inconvénient de ces engagements faits de si bonne heure dans la saison sportive, avant que le classement des chevaux soit établi selon leur réelle valeur, a pour conséquence fâcheuse de réduire extrêmement les chances, car il se trouve toujours des animaux favorisés par les poids que le handicapeur ne peut établir, a aussi longue échéance, avec la même sûreté qu’il pourrait le faire quelques semaines plus tard.
Les chevaux de toute provenances âgés de trois ans et au-dessus peuvent prendre part à l’Omnium.

Performance

France, 1907 : Représentation, exhibition, exécution d’une chose. Vieux mot, du latin performare, tombé en désuétude et passé dans la langue anglaise, d’où il nous est revenu par l’argot des théâtres.

Ah ! jeunes gens, vos paroles, vos manifestes, quand nous vous connaissons si bien par les performances de vos pères ! C’est au point que, pour vous évoquer radieux de rêves, pétris d’amour, nous devrions vous supposer bâtards. Hypothèse doublement folle : trop peu de bourgeoises étant dignes des joies de l’adultère, et le nombre des étalons de vertu n’étant pas moins restreint.

(Joseph Caraguel)

Se dit aussi pour la tenue, l’extérieur d’une personne.

— Que cherchez-vous comme ça ? leur demanda la blonde ?
— Une femme, répliqua John.
— Une femme honnête ?
— Non. Nous serions vraiment trop volés.
— Insolent !… Quelle femme alors ?
— Oh ! une perle, un diamant, une femme belle, élégante, spirituelle, de la tenue la plus distinguée, d’une performance parfaite et au besoin d’un entrain endiablé. Nous ne voyons pas ici cet article de luxe. Nous irons le chercher ailleurs.

(Yveling Rambaud, Haine à mort)

Au pluriel. C’est l’ensemble des résultats obtenus par un cheval de course sur le turf.

Performances

Fustier, 1889 : Argot de turf. Manière de courir d’un cheval, de se comporter pendant la course.

Pisteur

Rigaud, 1881 : Homme qui suit les femmes à la piste. Il ne faut pas confondre le pisteur avec le suiveur. Le suiveur est un fantaisiste qui opère à l’aventure. Il emboîte le pas à toutes les femmes qui lui plaisent, ou, mieux, à toutes les jolies jambes. Parmi cent autres, il reconnaîtra un mollet qu’il aura déjà ! chassé. Il va, vient, s’arrête, tourne, retourne, marche devant, derrière, croise, coupe l’objet de sa poursuite, qu’il perd souvent au détour d’une rue. Plus méthodique, le pisteur surveille d’un trottoir à l’autre son gibier. Il suit à une distance respectueuse, pose devant les magasins, sous les fenêtres, se cache derrière une porte, retient le numéro de la maison, fait sentinelle et ne donne de la voix que lorsqu’il est sur du succès. Le pisteur est, ou un tout jeune homme timide, plein d’illusions, ou un homme mûr, plein d’expérience. — Le pisteur d’omnibus est un désœuvré qui suit les femmes en omnibus, leur fait du pied, du genou, du coude, risque un bout de conversation, et n’a d’autre sérieuse occupation que celle de se faire voiturer de la Bastille à la Madeleine et vice versa. Cet amateur du beau sexe est ordinairement un quinquagénaire dont le ventre a, depuis longtemps, tourné au majestueux. Il offre à tout hasard aux ouvrières le classique mobilier en acajou ; les plus entreprenants vont jusqu’au palissandre. Les paroles s’envolent, et acajou et palissandre restent… chez le marchand de meubles. Peut-être est-ce un pisteur qui a trouvé le proverbe : « Promettre et tenir font deux ».

France, 1907 : Admirateur du beau sexe dont la principale occupation est de suivre les femmes.

Il ne faut pas confondre le pisteur avec le suiveur. Le suiveur est un fantaisiste qui opère à l’aventure. Il emboîte le pas à toutes les femmes qui lui plaisent, ou, miëux, à toutes les jolies jambes. Parmi cent autres, il reconnaîtra un imollet qu’il a déjà chassé. Il va, vient, s’arrête, tourne, retourne, marche devant, derrière, croise, coupe l’objet de sa poursuite qu’il perd sonvent au détour d’une rue. Plus méthodique le pisleur surveille d’un trottour à l’autre son gibier. Il suit à une distante respectueuse, pose devant les magasins, sous les fenétres, se cache derrière une porte, retient le numéro de la maison, fait sentinelle et ne donne de la voix que lorsqu’il est sûr du succès. Le pisteur est, ou un tout jeune homme timide, plein d’illusions, ou un homme mûr, plein d’expérience. Le pisteur d’omnibus est un désœuvré qui suit les femmes en omnibus, leur fait du pied, du genou, du coude, risque un bout de conversation, et n’a d’autre sérieuse occupation que celle de se faire voiturer de la Bastille à la Madeleine et vice versa. Cet amateur du beau sexe est ordinairement un quinquagénaire dont le ventre a, depuis longtemps, tourné au majestueux. Il offre à tout hasard aux ouvrières le classique mobilier en acajou ; les plus entreprenants vont jusqu’au palissandre. Les paroles s’envolent, et acajou et palissandre restent… chez le marchand de meubles. Peut-être est-ce un pisteur qui a trouvé le proverbe : « Promettre et tenir fount deux. »

(Lucien Rigaud)

France, 1907 : En terme de turf, le pisteur est un individu décoré d’une pancarte jaune qui s’élance vers la portière de toute voiture s’arrêtant à la porte du pesage. Il prend le numéro de la voiture si l’on accepte ses offres, et, montant sur le siège du cocher, place le véhicule à un endroit déterminé. C’est lui qui est chargé de retrouver et de faire revenir la voiture quand le client sort des courses. Ces pisteurs appartiennent à une corporation.

France, 1907 : Guy Tomel, dans le Bas du pavé parisien, donne l’explication de pisteur ou bagotier :

— Vous avez certainement trop d’instruction pour ne pas savoir ce que c’est qu’un bagotier ou un pisteur, comme disent les agents de police. C’est un pauvre diable qui court derrière les voitures des gares, afin d’aider les voyageurs à monter leurs bagages à domicile. Je veux que vous en ayez pour vos cent sous, et je vais vous détailler le métier.
Nous sommes environ 2.000 bagotiers à Paris, toute une corporation, mais il n’y en a guère que 500 qui s’exercent d’un bout de l’année à l’autre. Le restant de l’effectif est constitué par des ouvriers réduits au chômage, principalement des maçons sans travail.

Placé

Fustier, 1889 : Argot de turf. Un cheval est placé quand il n’est distancé par le gagnant que de quelques longueurs.

Si votre patriotisme vous pousse à prendre un cheval gaulois gagnant, gardez-vous à carreau en prenant en même temps les goddems placés.

(Voltaire, juin 1882)

Prendre

d’Hautel, 1808 : Il y en a qui prennent tout, mais lui ne laisse rien. Jeu de mots populaire. Voyez Laisser.
Vouloir prendre la lune avec les dents. Tenter des choses impossibles.
Prendre quelqu’un par le bec. Le convaincre par ses propres paroles.
Prendre quelqu’un la main dans le sac. Pour dire en flagrant délit, sur le fait.
Je ne sais quel rat lui a pris. Pour dire quel caprice, quelle humeur, qu’elle fantaisie.
Prendre quelqu’un pour un homme de son pays. C’est-à-dire pour un sot, un stupide, un imbécile.
Prendre Saint-Pierre pour Saint-Paul. L’un pour l’autre.
Prendre le tison par où il brûle. Prendre une affaire au rebours.
Prendre quelqu’un sans filet. Pour dire au dépourvu.
Prendre quelqu’un en grippe. Se mal prévenir contre quelqu’un sans pouvoir en donner une juste raison.
Fille qui prend, se vend ; fille qui donne s’abandonne. Signifie qu’une demoiselle doit se tenir sur ses gardes, ne faire aucun présent à un homme, et encore moins en recevoir.
Prenons que cela soit. Pour, supposons.
Prendre de la racine de patience. Faire de grands efforts pour ne pas s’impatienter ; montrer de la retenue dans une conjoncture désagréable.

Fustier, 1889 : Terme de turf. Parier. Prendre un cheval à 6 contre 1 en admettant que le pari soit de 10 louis, signifie : si le cheval perd, je vous donnerai 10 louis, s’il gagne vous me donnerez 60 louis.

Hayard, 1907 : Être frappé, prendre pour son rhume, prendre la pipe, la purge, la piquette, etc.

Race-horse

France, 1907 : Cheval de race ; anglicisme, terme de turf.
Les race-horses étant une gloire nationale et la pureté du sang étant la première qualité chez eux, les Anglais ont apporté une très grande attention dans le peuplement de leurs haras.

Stick

Delvau, 1866 : s. m. Petite canne, — dans l’argot des « young gentlemen », qui mettent cela dans leur bouche comme un sucre d’orge, au lieu d’appuyer leurs mains dessus comme sur un bâton. Ce mot entrera sans peine dans la prochaine édition du Dictionnaire de l’Académie, plus hospitalier pour les mots anglais que pour les mots français. Même observation à propos de derby, turf, studbook, handicap, steeple-chase, match, etc.

France, 1907 : Canne légère ; anglicisme.

Voyez-moi cet étourdi,
Méprisant Phèdre et Sophocle.
Il arbore, en vrai dandy,
Col cassé, stick et monocle,
Et mange à papa ferme, étang, château.
Il se fait plumer comme un dindonneau,
Et sa pauvre mère est sous le boisseau,
Mais il met Phryné sur un socle…
J’en suis convainvu,
Il eût mieux vécu
Si l’on m’eût chargé de cingler son… chut.

Stud-book

France, 1907 : Registre de courses où sont inscrits le nom, la généalogie, les victoires des pur sang. Anglicisme : littéralement livre des haras. Sa création en France date de 1832.

Sans être un fervent des fêtes du turf et des compétitions hippiques, ni même un parfait connaisseur du Stud-Book, j’accorde au cheval de luxe l’admiration qui est due à tout ce qui est beau, fort, noble, fier et élégant dans sa forme, son caractère et ses mouvements.

(Octave Uzanne)

Turf

Larchey, 1865 : Champ de course, arène quelconque.

Un vigoureux coup de jarret a remis Pitt debout sur le turf.

(A. Deriège)

Voilà de quoi faire envahir désormais par toutes les fashions le turf littéraire.

(Aubryet)

Delvau, 1866 : s. m. Champ de course, — dans l’argot des sportsmen. Par extension, Arène quelconque. Le turf littéraire. La littérature ; les journaux.

France, 1907 : Champ de courses ; anglicisme.

Turfiste

Delvau, 1866 : s. m. Habitué des courses, propriétaire de chevaux coureurs, parieur.

France, 1907 : Personne qui s’occupe de courses.

La langue des courses, en France, on l’a cent fois fait remarquer, est un parler purement anglais. Nous appelons lad un garçon d’écurie, steeple-chase (chasse au clocher) une course d’obstacles et crack un cheval de course, comme nous appelons hunter un cheval de chasse. Jockey, qui signifiait autrefois maquignon en Angleterre, et dont nous avons fait d’abord le synonyme de laquais, est devenu le nom de celui qui monte un cheval de course. Comme les Anglais, nous nous servons de l’expression dead head (dède hède) pour désigner une épreuve nulle où deux chevaux arrivent ensemble et tête à tête au poteau marquant le terme de la course. Comme pour les Anglais, le betting est pour nous le lieu où s’exécutent les paris, et pas n’est besoin d’être turfiste pour savoir ce qu’on doit entendre par bookmaker, starter, outsider, performance, etc.

(Pontarmé, Petit Parisien)

Velours (jouer sur le)

Rigaud, 1881 : Jouer avec l’argent du bénéfice.

Fustier, 1889 : Cette expression fait aussi partie de l’argot du turf.

En Angleterre, les grandes écuries ont presque toutes une personne de confiance qui s’occupe spécialement des paris à faire sur leurs chevaux. Ces spécialistes ont besoin d’aides, car si l’on donne de gros ordres, il faut qu’ils soient exécutés simultanément dans les divers cercles de Londres. De cette façon, on écréme le marché dans une matinée et quand le cheval sur lequel on fonde des espérances arrive en bon état au poteau, on peut le rendre à une cote très inférieure et, de cette façon, gagner beaucoup en ne risquant guère. C’est ce qu’on appelle en argot du turf : jouer sur le velours.

(Charivari, avril 1884)

Winning-post

France, 1907 : Poteau d’arrivée ; terme de courses ; anglicisme.

Nous avons accueilli avec l’enthousiasme que mettait les romantiques de 1830 à lire Biron, le waterproof, l’ulster, le carrick, et tout dernièrement le smoking jacket, adoptant du même coup le mot et la chose. Nous buvons solennellement des sherry goblers et des cocktails, nous avons des cabs et des dog-carts, te tout l’argot du turf est passé dans la langue courante des habitués des hippodromes et mêmes des journaux qui jouissent en apparence de leur bon sens éprouvent l’impérieux besoin d’appeler le juge du départ un starter et le poteau d’arrivée le winning-post !

(Léon Millot, La Justice)


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique