Rigaud, 1881 : Gagner sur la dépense du ménage. L’expression remonte à l’an 1636. (La Response des servantes) Faire danser est pris dans le sens de faire sauter, voler. C’est donc mot à mot : faire sauter une partie de l’argent destiné à l’achat des provisions que protège l’anse du panier.
Anse du panier (faire danser l’)
Bat-flancs (sauter le)
Merlin, 1888 : Sauter les murs du quartier, après l’appel du soir.
Bataille des Jésuites
Rigaud, 1881 : Exercice de l’onanisme. La variante est : Cinq contre un.
Virmaître, 1894 : Habitudes de masturbation. Dans les ateliers, quand un apprenti reste trop longtemps au cabinet, un ouvrier dit à un autre apprenti :
— Vas donc voir s’il ne se fait pas sauter la cervelle.
L’allusion est transparente (Argot du peuple).
France, 1907 : ou cinq contre un. Habitude invétérée dans les maisons d’éducation aussi bien religieuses que laïques.
Berner
d’Hautel, 1808 : Berner quelqu’un. Au propre le faire sauter dans une couverture ; au figuré, ridiculiser une personne, la faire servir de jouet et de passe-temps à la société.
Blafard
Rigaud, 1881 : Matière d’argent : Une toquante en blafard, une montre d’argent. — Monnaie d’argent : Un blafard de vingt ronds, une pièce d’un franc.
France, 1907 : Pièce d’argent.
Il avait vu sauter un’ pièce de cent sous,
Se cognant au trottoir dans un bruit de cymbales,
Un écu flambant neuf, un blafard de cinq balles.
(Richepin, Chanson des gueux)
Bouchon
d’Hautel, 1808 : Faire sauter le bouchon. Pour dire boire dru et sec, sans se griser.
On appelle un petit cabaret un bouchon ; et l’on dit À bon vin, il ne faut point de bouchon, parce qu’un cabaret, ou tout autre lieu en bonne renommée n’a pas besoin d’enseigne.
Vidocq, 1837 : s. f. — Bourse.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Delvau, 1864 : Le membre viril, que la nature a destiné à fermer hermétiquement le goulot de la femme.
Larchey, 1865 : Qualité, genre. — Allusion aux produits sortant des débits de vins appelés bouchons. On a dit ironiquement : Ceci est d’un bon bouchon, comme : Ceci est d’un bon tonneau, — ou : Ceci est du bon coin.
Delvau, 1866 : s. m. Acabit, genre, — dans l’argot du peuple. Être d’un bon bouchon. Être singulier, plaisant, cocasse.
Delvau, 1866 : s. m. Bourse, — dans l’argot des voleurs, dont les ancêtres prononçaient bourçon.
Delvau, 1866 : s. m. Cabaret. On sait que les cabarets de campagne, et quelques-uns aussi à Paris, sont ornés d’un rameau de verdure, — boscus.
Rigaud, 1881 : Bourse, — dans le jargon des voleurs.
Fustier, 1889 : Bouteille de vin cacheté. (Richepin)
Virmaître, 1894 : Bourse. Allusion à l’argent qu’elle contient, qui sert à boucher des trous. Pour payer une dette, on dit : boucher un trou (Argot du peuple).
Virmaître, 1894 : Mauvaise gargote où l’on vend du vin sans raisin. Allusion à l’usage ancien de placer comme enseigne, au-dessus de la porte d’entrée, une branche de sapin ou de houx ; cela se nomme un bouchon (Argot du peuple).
France, 1907 : Bourse, argot des voleurs, corruption de pouchon, pochon, poche. On disait aussi bourçon. — Bouteille de vin cachetée et, par métonymie, cabaret. — S’emploie aussi pour acabit, qualité : Être d’un bon bouchon, être amusant, de bonne humeur, gai compagnon. S’asseoir sur le bouchon, s’entendre condamner à la prison ; argot des voleurs.
Bouliner
d’Hautel, 1808 : Filouter, dérober furtivement.
On lui a bouliné tous ses effets. Pour, on lui a tout emporté.
Ansiaume, 1821 : Faire un trou.
Il a fallu décarrer après avoir bouliné deux heures.
anon., 1827 : Voler.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voler. (Voyez Grincher, Sauter, Rincer, Effaroucher.)
Vidocq, 1837 : v. a. — Trouer la muraille.
Halbert, 1849 : Voler.
Larchey, 1865 : Faire un trou ou boulin à la muraille (Vidocq). — C’est pour la même raison qu’on appelle un villebrequin une boulinoire, à cause du mouvement circulaire imprimé à cet instrument.
Delvau, 1866 : v. a. Voler, — quand cela exige qu’on fasse des boulins (ou trous) aux murs d’une maison ou aux volets d’une boutique. Les escrocs des siècles passés disaient bouler.
Rigaud, 1881 : Feindre une quête pour entraîner le public, — dans le jargon des saltimbanques.
Rigaud, 1881 : Voler en pratiquant un trou à l’aide du vilebrequin, boulinoire, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Percer, voler en pratiquant un trou à l’aide du vilebrequin ou boulinoire.
France, 1907 : Caler des boulins aux lourdes, faire des trous dans une porte ; argot des voleurs.
Butté (être)
anon., 1827 : Être guillotiné.
France, 1907 : Être guillotiné, être assassiné.
Il suppute les heures, maintenant, comme il comptait les jours sur ses doigts, calculant qu’il cause de l’exécution d’Albi, les « bois » n’arriveraient qu’à telle date et que ce serait pour tel matin. Alors à sa mère, à son avocat, il disait : « Je serai butté ; soyez donc calmes ! et laissez-moi me préparer à sauter le pas sans trop me faire de bile ! »
(Le Voltaire)
Le patron de l’hôtel accourut, furieux, gesticulant.
— Encore un homme buté chez moi ! cria-t-il. Qui a fait le coup ? On fermera l’hôtel, sûr !
(Félix Pyat)
Cabrioler
d’Hautel, 1808 : Sauter, faire des gambades, des cabrioles ; danser en fou
Caisson
Delvau, 1866 : s. m. Tête, — dans l’argot des soldats. Se faire sauter le caisson. Se brûler la cervelle.
Rigaud, 1881 : Tête. — Se faire sauter le caisson, se faire sauter la cervelle avec une arme à feu.
France, 1907 : Tête. Se faire sauter le caisson, se brûler la cervelle.
Ce gendre exceptionnel proposa carrément à la matrone de remplacer sa fille dans le lit conjugal où une place demeurait vide et froide. La belle-maman refusa. Alors, le gendre prit un revolver, lui logea trois balles dans la tête et se fit ensuite sauter le caisson.
(E. Lepelletier)
Caisson (faire sauter le)
Larchey, 1865 : Faire sauter la cervelle.
Quelle mort préférez-vous ? — Faites-moi sauter le caisson.
(P. Borel, 1833)
Caisson (se faire sauter le)
Merlin, 1888 : Se brûler la cervelle.
Cambriolleur, -euse
Vidocq, 1837 : s. — On reconnaît un soldat, même lorsque qu’il a quitté l’uniforme pour endosser l’habit bourgeois, on peut se mettre à sa fenêtre, regarder ceux qui passent dans la rue et dire, sans craindre de se tromper, celui-ci est un tailleur, cet autre et un cordonnier ; il y a dans les habitudes du corps de chaque homme un certain je ne sais quoi qui décèle la profession qu’il exerce, et que seulement ceux qui ne savent pas voir ce qui frappe les yeux de tout le monde ne peuvent pas saisir ; eh bien, si l’on voulait s’en donner la peine, il ne serait guère plus difficile de reconnaître un voleur qu’un soldat, un tailleur ou un cordonnier. Comme il faut que ce livre soit pour les honnêtes gens le fil d’Ariane destiné à les conduire à travers les sinuosités du labyrinthe, j’indique les diagnostics propres à faire reconnaître chaque genre ; si après cela ceux auxquels il est destiné ne savent pas se conduire, tant pis pour eux.
Les Cambriolleurs sont les voleurs de chambre soit à l’aide de fausses clés soit à l’aide d’effraction. Ce sont pour la plupart des hommes jeunes encore, presque toujours ils sont proprement vêtus, mais quel que soit le costume qu’ils aient adopté, que ce soit celui d’un ouvrier ou celui d’un dandy, le bout de l’oreille perce toujours. Les couleurs voyantes, rouge, bleu ou jaune, sont celles qu’ils affectionnent le plus ; ils auront de petits anneaux d’or aux oreilles ; des colliers en cheveux, trophées d’amour dont ils aimeront à se parer ; s’ils portent des gants ils seront d’une qualité inférieure ; si d’aventure l’un d’eux ne se fait pas remarquer par l’étrangeté de son costume il y aura dans ses manières quelque chose de contraint qui ne se remarque pas dans l’honnête homme ; ce ne sera point de la timidité, ce sera une gêne, résultat de l’appréhension de se trahir. Ces diverses observations ne sont pas propres seulement aux Cambriolleurs, elles peuvent s’appliquer à tous les membres de la grande famille des trompeurs. Les escrocs, les faiseurs, les chevaliers d’industrie, sont les seuls qui se soient fait un front qui ne rougit jamais.
Les Cambriolleurs travaillent rarement seuls ; lorsqu’ils préméditent un coup, ils s’introduisent trois ou quatre dans une maison, et montent successivement ; l’un d’eux frappe aux portes, si personne ne répond, c’est bon signe, et l’on se dispose à opérer ; aussitôt, pour se mettre en garde contre toute surprise, pendant que l’un des associés fait sauter la gâche ou jouer le rossignol, un autre va se poster à l’étage supérieur, et un troisième à l’étage au-dessous.
Lorsque l’affaire est donnée ou nourrie, l’un des voleurs se charge de filer (suivre) la personne qui doit être volée, dans la crainte qu’un oubli ne la force à revenir au logis ; s’il en est ainsi, celui qui est chargé de cette mission la devance, et vient prévenir ses camarades, qui peuvent alors s’évader avant le retour du mézière.
Si, tandis que les Cambriolleurs travaillent, quelqu’un monte ou descend, et qu’il désire savoir ce que font dans l’escalier ces individus qu’il ne connaît pas, on lui demande un nom en l’air : une blanchisseuse, une sage-femme, une garde malade ; dans ce cas, le voleur interrogé balbutie plutôt qu’il ne parle, il ne regarde pas l’interrogateur, et empressé de lui livrer le passage, il se range contre la muraille, et tourne le dos à la rampe.
Si les voleurs savent que le portier est vigilant, et s’ils présument que le vol consommé ils auront de gros paquets à sortir, l’un d’eux entre tenant un paquet sous le bras ; ce paquet, comme on le pense bien, ne contient que du foin, qui est remplacé, lorsqu’il s’agit de sortir, par les objets volés.
Quelques Cambriolleurs se font accompagner, dans leurs expéditions, par des femmes portant une hotte ou un panier de blanchisseuse, dans lesquels les objets volés peuvent être facilement déposés ; la présence d’une femme sortant d’une maison, et surtout d’une maison sans portier, avec un semblable attirail, est donc une circonstance qu’il est important de remarquer, si, surtout, l’on croit voir cette femme pour la première fois.
Il y a aussi les Cambriolleurs à la flan (voleurs de chambre au hasard) qui s’introduisent dans une maison sans auparavant avoir jeté leur dévolu ; ces improvisateurs ne sont sûrs de rien, ils vont de porte en porte, où il y a ils prennent, où il n’y a rien, le voleur, comme le roi, perd ses droits. Le métier de Cambriolleur à la flan, qui n’est exercé que par ceux qui débutent dans la carrière, est très-périlleux et très-peu lucratif.
Les voleurs ont des habitudes qu’ils conservent durant tout le temps de leur exercice ; à une époque déjà éloignée, ils se faisaient tous chausser chez une cordonnière que l’on nommait la mère Rousselle, et qui demeurait rue de la Vannerie ; à la même époque, Gravès, rue de la Verrerie, et Tormel, rue Culture-Sainte-Catherine, étaient les seuls tailleurs qui eussent le privilège d’habiller ces messieurs. Le contact a corrompu les deux tailleurs, pères et fils sont à la fin devenus voleurs, et ont été condamnés ; la cordonnière, du moins je le pense, a été plus ferme ; mais, quoiqu’il en soit, sa réputation était si bien faite et ses chaussures si remarquables, que lorsqu’un individu était arrêté et conduit à M. Limodin, interrogateur, il était sans miséricorde envoyé à Bicêtre si pour son malheur il portait des souliers sortis des magasins de la mère Rousselle. Une semblable mesure était arbitraire sans doute, mais cependant l’expérience avait prouvé son utilité.
Les voleuses, de leur côté, avaient pour couturière une certaine femme nommée Mulot ; elle seule, disaient-elles, savait avantager la taille, et faire sur les coutures ce qu’elles nommaient des nervures.
Les nuances, aujourd’hui, ne sont peut-être pas aussi tranchées ; mais cependant, si un voleur en renom adopte un costume, tous les autres cherchent à l’imiter.
Je me suis un peu éloigné des Cambriolleurs, auxquels je me hâte de revenir ; ces messieurs, avant de tenter une entreprise, savent prendre toutes les précautions propres à en assurer le succès ; ils connaissent les habitudes de la personne qui habite l’appartement qu’ils veulent dévaliser ; ils savent quand elle sera absente, et si chez elle il y a du butin à faire.
Le meilleur moyen à employer pour mettre les Cambriolleurs dans impossibilité de nuire, est de toujours tenir la clé de son appartement dans un lieu sûr ; ne la laissez jamais à votre porte, ne l’accrochez nulle part, ne la prêtez à personne, même pour arrêter un saignement de nez ; si vous sortez, et que vous ne vouliez pas la porter sur vous, cachez-la le mieux qu’il vous sera possible. Cachez aussi vos objets les plus précieux ; cela fait, laissez à vos meubles toutes vos autres clés : vous épargnerez aux voleurs la peine d’une effraction qui ne les arrêterait pas, et à vous le soin de faire réparer le dégât que sans cela ils ne manqueraient pas de commettre.
es plus dangereux Cambriolleurs sont, sans contredit, les Nourrisseurs ; on les nomme ainsi parce qu’ils nourrissent des affaires. Nourrir une affaire, c’est l’avoir toujours en perspective, en attendant le moment le plus propice pour l’exécution ; les Nourrisseurs, qui n’agissent que lorsqu’ils ont la certitude de ne point faire coup fourré, sont ordinairement de vieux routiers qui connaissent plus d’un tour ; ils savent se ménager des intelligences où ils veulent voler ; au besoin même, l’un d’eux vient s’y loger, et attend, pour commettre le vol, qu’il ait acquis dans le quartier qu’il habite une considération qui ne permette pas aux soupçons de s’arrêter sur lui. Ce dernier n’exécute presque jamais, il se borne seulement à fournir aux exécutans tous les indices qui peuvent leur être nécessaires. Souvent même il a la précaution de se mettre en évidence lors de l’exécution, afin que sa présence puisse, en temps opportun, servir à établir un alibi incontestable.
Ce sont ordinairement de vieux voleurs qui travaillent de cette manière ; parmi eux on cite le nommé Godé, dit Marquis, dit Capdeville ; après s’être évadé du bagne, il y a plus de quarante ans, il vint s’établir aux environs de Paris, où il commit deux vols très-considérables, l’un à Saint-Germain en Laye, l’autre à Belleville ; cet individu est aujourd’hui au bagne de Brest, où il subit une condamnation à perpétuité.
Les vols de chambre sont ordinairement commis les dimanches et jours de fête.
Caprice
d’Hautel, 1808 : Il a autant de caprices qu’un chien a de puces. Locution burlesque, pour exprimer les nombreuses fantaisies qu’ont les enfans mal élevés.
Delvau, 1864 : Amant ou maîtresse.
Mon dernier caprice m’a cassé trois dents.
(Gavarni)
Larchey, 1865 : Objet d’une vive et subite affection.
Tu es mon caprice, et puisqu’il faut sauter le pas, que du moins j’y trouve du plaisir.
(Rétif, 1776)
Delvau, 1866 : s. m. Amant de cœur, — dans l’argot de Breda-Street, où l’on a l’imagination très capricante. Caprice sérieux. Entreteneur.
Carton
Larchey, 1865 : Carte à jouer.
Je n’ai pas parlé des tables d’hôte où on donne le carton, c’est-à-dire où l’on fait jouer.
(Lespès)
Lorsqu’on a dîné entre amis, il faut bien remuer des cartons peints pour se dégriser.
(About)
Delvau, 1866 : s. m. Carte à jouer, — dans l’argot de Breda-Street, où fleurit le lansquenet. Manier le carton. Jouer aux cartes. — On dit aussi Graisser le carton et Tripoter le carton. Maquiller le carton. Faire sauter la coupe.
Rigaud, 1881 : Carte à jouer. Manier, patiner, tripoter le carton, jouer aux cartes.
Hayard, 1907 : Sans argent ; (être) être refait.
France, 1907 : Carte à jouer. Manier, tripoter, graisser, patiner le carton se disent pour jouer aux cartes. Maquiller le carton, c’est tricher an jeu.
Casaquin
d’Hautel, 1808 : Diminutif de casaque, pour dire le derrière de la poitrine, le dos.
On lui a donné sur le casaquin. C’est-à-dire, il a reçu une volée de coups de bâton.
Traîner son casaquin. Mener une vie disetteuse et pénible.
Larchey, 1865 : Corps (d’Hautel 1808).
Je te tombe sur la bosse, je te tanne le casaquin.
(Paillet)
Delvau, 1866 : s. m. Le corps humain, — dans l’argot du peuple. Sauter ou tomber sur le casaquin à quelqu’un. Battre quelqu’un, le rouer de coups. Avoir quelque chose dans le casaquin. Être inquiet, tourmenté par un projet ou par la maladie.
France, 1907 : Le corps humain. Avoir quelque chose dans le casaquin, être mal à son aise. Tomber sur le casaquin de quelqu’un, le battre.
Un de ces quatre matins, le populo tombera sur le casaquin de toute cette vermine, et la foutra en capilotade.
(Père Peinard)
Se faite crever le casaquin, se faire tuer.
Si s’rait parti pour el’ Tonkin,
L’s’rait fait crever l’casaquin
Comm’ Rivière…
(Aristide Bruant)
Se faire crever le casaquin se dit aussi pour se fatiguer.
Chasse-cousin
d’Hautel, 1808 : Ripopée, vin qui n’est pas potable ; qui, comme on dit, fait sauter les chèvres
Delvau, 1866 : s. m. Mauvais vin, — dans l’argot des bourgeois, qui emploient volontiers ce remède héroïque, quand ils « traitent » des parents importuns, pour se débarrassera jamais d’eux.
France, 1907 : Mauvais vin. C’est, en effet, un moyen employé par le bourgeois de Paris, généralement lésinard, pour se débarrasser de parents ou d’amis non moins pingres qui ont coutume d’arriver à l’heure du potage, enfin des chasse-au-plat.
Ciboulot
Fustier, 1889 : Tête. Argot du peuple.
Virmaître, 1894 : La tête. Perdre le ciboulot : perdre la tête. Se faire sauter le ciboulot : se brûler la cervelle.
— Son ciboulot est vidé (Argot du peuple). N.
Rossignol, 1901 : La tête.
France, 1907 : Tête.
Le bonheur, sur la terre,
N’peut pas toujours durer,
Pour une sale affaire
Ils se font emballer,
Et Deibler, par la suite,
Leur coup’ le ciboulot,
Pendant que les marmites
Pleurent comme des veaux !…
(Léo Lelièvre, Les Gigolos parisiens)
Conduleuse
France, 1907 : Serrure. Dinguer la conduleuse, faire sauter la serrure.
Contre-Basse
Rigaud, 1881 : Derrière, — dans le jargon des voyous. — Travailler la contre-basse, porter des coups de pied au derrière. Sauter sur la contre-basse, même signification.
Contrebasse
France, 1907 : Pantalon. Sauter sur la contrebasse, donner un coup de pied au derrière.
Coupe (saut de)
Rigaud, 1881 : Action mécanique, exécutée avec les doigts, laquelle a pour résultat de replacer un jeu comme il était avant la coupe de l’adversaire.
L’on parle de l’adresse des grecs à faire sauter la coupe, mais il n’y en a pas un sur cent qui sache et surtout qui ose la faire sauter.
(A. de Caston, Les Tricheurs)
Couper, couper dans le pont
Larchey, 1865 : Donner dans le panneau.
Laisse-la couper dans le pont.
(Balzac)
Ah ! ! dit Marlot en faisant sauter l’or dans sa main, elle a donc coupé dans le mariage ?
(Champfleury)
Vient du terme : faire le pont : plier légèrement les cartes a un endroit déterminé, de façon à guider la main de l’adversaire dans la portion du jeu où elle doit couper innocemment, secondant ainsi les vues de l’aventurier. L’expression est pittoresque.
(Mornand)
Couverte (battre la)
Merlin, 1888 : Dormir ; se coucher. Faire une heure de couverte.
France, 1907 : Dormir. Faire passer à la couverte, brimade militaire, consistant à faire sauter un homme dans une couverture ont chaque coin est tenu par un troupier.
Crapaud
d’Hautel, 1808 : Saute crapaud, nous aurons de l’eau. Phrase badine dont on se sert en parlant à un enfant qui danse à tout moment sans sujet ni raison, pour lui faire entendre que cette joie est le pronostic de quelque chagrin ou déplaisir non éloigné, et par allusion avec les crapauds, qui sautent à l’approche des temps pluvieux.
Laid comme un crapaud. Un vilain crapaud. D’une laideur difficile à peindre.
Ce crapaud-là, ce vilain crapaud cessera-t-il de me tourmenter ? Espèce d’imprécation que l’on adresse à quelqu’un contre lequel on est en colère.
Sauter comme un crapaud. Faire le léger, et le dispos, lorsqu’on n’est rien moins que propre à cela. Voy. Argent.
Ansiaume, 1821 : Cadenas.
Pour brider la malouse il y avoit 3 crapauds.
Vidocq, 1837 : s. m. — Cadenas.
Larchey, 1865 : Bourse de soldat. Simple poche de cuir dont l’aspect roussâtre et aplati peut à la rigueur rappeler l’ovipare en question. On appelle grenouille le contenu du crapaud. — Les deux mots doivent être reliés l’un à l’autre par quelque affinité mystérieuse.
Larchey, 1865 : Cadenas (Vidocq).
Larchey, 1865 : Fauteuil bas.
Une bergère… Avancez plutôt un crapaud !
(El. Jourdain)
Larchey, 1865 : Homme petit et laid. — Crapoussin, qui a le même sens, est son diminutif. — Usité dès 1808.
Tiens ! Potier, je l’ai vu du temps qu’il était à la Porte-Saint-Martin. Dieux ! que c’crapaud-là m’a fait rire !
(H. Monnier)
Delvau, 1866 : s. m. Apprenti, petit garçon, — dans l’argot des faubouriens.
Delvau, 1866 : s. m. Bourse, — dans l’argot des soldats.
Delvau, 1866 : s. m. Cadenas, — dans l’argot des voleurs, qui ont trouvé là une image juste.
Delvau, 1866 : s. m. Mucosité sèche du nez, — dans l’argot des voyous.
Delvau, 1866 : s. m. Petit fauteuil bas, — dans l’argot des tapissiers.
Rigaud, 1881 : Cadenas, — dans le jargon des voleurs. — Enfant, — dans celui des ouvriers, qui disent aussi : crapoussin. — Bourse, — dans celui des troupiers :
Mon crapaud est percé, il aura filé dans mes guêtres.
(A. Arnault, Les Zouaves, act 1. 1856.)
La Rue, 1894 : Cadenas.
Virmaître, 1894 : Cadenas (Argot des voleurs).
Virmaître, 1894 : Moutard (Argot du peuple).
Hayard, 1907 : Cadenas, porte-monnaie, enfant.
France, 1907 : Apprenti, petit garçon. Se dit aussi d’un homme de petite taille.
— Pourquoi qu’tu y as pas demandé, quand j’te recommande de le faire ? Tu pouvais pas y prendre, bougre de cochonne… Comme si qu’on pouvait
France, 1907 : Cadenas. Allusion à sa forme.
France, 1907 : Mucosité sèche du nez, que nombre de gens out la dégoûtante habitude de tirer avec les doigts.
France, 1907 : Petit fauteuil, bas de forme.
France, 1907 : Porte-monnaie où l’on cache les petites économies qui ne doivent en sortir qu’aux grandes occasions. Il est toujours bon d’avoir un crapaud, surtout pour un comptable : cela l’empêche de manger la grenouille.
Déboutonnant son dolman, il entr’ouvrit sa chemise à la hauteur de la poitrine, et fit voir, à nu sur celle-ci, un petit sachet de cuir, appendu autour du cou par un cordon de même espèce. C’est ce que les troupiers appellent leur crapaud.
(Ch. Dubois de Gennes, Le troupier tel qu’il est… à cheval)
D’abord deux heures trimeras,
Et de l’appétit tu prendras !
Au repos tu l’assouviras
Avec du pain, du cervelas,
Ou d’air pur tu te rempliras,
Si dans ton crapaud n’y a pas gras !
Par ce moyen éviteras
Des indigestions l’embarras…
(Les Litanies du cavalier)
Croqueur de poulettes
France, 1907 : Coureur de tendrons, généralement un homme mûr.
Grand croqueur de poulettes, qui avait mis à mal déjà trois ou quatre filles et que les autres se disputaient aux sauteries de la fête paroissiale, toutes férues de ses yeux noirs comme des puits.
(Camille Lemonnier, Happe-chair)
Danse du panier
Delvau, 1866 : s. f. Bénéfice illicite de la cuisinière. Argot du peuple. On dit aussi : Faire danser l’anse du panier. Quand une cuisinière, revenue du marché, a vidé les provisions que contenait tout à l’heure son panier, elle prend celui-ci par l’anse et le secoue joyeusement pour faire sauter l’argent épargné par elle à son profit, et non à celui de sa maîtresse.
La Rue, 1894 : Bénéfices illicites de la cuisinière.
Débanquer
France, 1907 : Faire sauter la banque.
Dru
d’Hautel, 1808 : Boire dru. Pour dire avec intrépidité ; faire sauter quelques bouchons sans aller de travers.
Avaler quelque chose dru comme mouche. Se dit d’un gourmand, d’un glouton qui mange avidement, et qui, comme on dit, ne fait que tordre et avaler.
Dru. Pour gai, joyeux.
C’est un dru. Se dit d’un compagnon gaillard, et toujours en belle humeur.
Effaroucher
anon., 1827 : Voler.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voler (Voyer Grincher, Sauter, Rincer, Bouliner).
Halbert, 1849 : Voler.
Delvau, 1866 : v. a. Voler, — dans l’argot des voleurs, qui sont si adroits qu’en effet la chose qu’ils dérobent a l’air de s’enfuir, effarouchée, de la poche du volé dans la leur.
Rigaud, 1881 : Chiper ; par altération du vieux verbe français frogier, frouger, profiter, gagner.
Qu’est-ce qu’a effarouché ma veste ?
(H. Monnier, Scènes populaires)
Virmaître, 1894 : Prendre, s’évanouir sur la monnaie. Cela arrive fréquemment dans les cercles, où l’on a remplacé l’expression effaroucher par celle d’apprivoiser.
— J’ai apprivoisé un sigue.
Rossignol, 1901 : Prendre.
On m’a effarouché ma cigarette.
France, 1907 : Voler.
Émoustiller
d’Hautel, 1808 : Émoucher, chasser les mouches.
S’émoustiller. S’agiter, se remuer, sauter, danser ; se jeter à corps perdu dans les plaisirs ; rappeler en soi les idées de bravoure, de fermeté et de courage.
Delvau, 1866 : adj. Aiguillonné, égayé, éveillé, — dans l’argot du peuple, qui connaît l’effet du vin doux, du moût (mustum).
Escousse
Delvau, 1866 : s. f. Élan, — dans l’argot des écoliers. Prendre son escousse. Reculer de quelques pas en arrière pour sauter plus loin en avant.
France, 1907 : Élan. Prendre son escousse, reculer de quelques pas pour s’élancer.
Faire danser l’anse du panier
Rossignol, 1901 : Une bonne qui compte 5 francs à ses maîtres ce qui lui coûte 4 fr. 50, fait danser l’anse du panier.
France, 1907 : Se dit des rapines d’une servante on d’une cuisinière. Suivant Alfred Delvau, « quand une cuisinière revenue du marché a vidé les provisions que contenait tout à l’heure son panier, elle prend celui-ci par l’anse et le secoue joyeusement pour faire sauter l’argent épargné à son profit et non à celui de sa maîtresse ». Je crois qu’elle ne fait pas tant de démonstrations et qu’elle a soin de mettre son argent dans sa poche avant de rentrer chez ses maîtres.
Faire du ressaut
Rossignol, 1901 : Faire de la résistance, se gendarmer, se fâcher. Le voleur que l’agent arrête, s’il se fâche ou résiste, fait du ressaut. Celui qui se fâche fait du ressaut. Celui qui dit à un créancier qu’il ne le payera jamais, le fait ressauter.
Faire sauter la coupe
Larchey, 1865 : Battre à l’écarté de façon à retourner le roi, en neutralisant la coupe.
Delvau, 1866 : Battre les cartes de façon à toujours amener le roi, — dans l’argot des grecs.
France, 1907 : Placer, à l’aide d’une manipulation habile, la carte coupée au-dessus ou au-dessous du paquet.
Faire sauter le bouchon
Delvau, 1864 : Branler un homme, ou baiser avec lui, — ce qui, naturellement, provoque l’éjaculation du sperme.
Il se sent déjà des velléités pour cette friponne de Célestine, dont il est voisin, et qui joue avec lui de la prunelle à faire sauter le bouchon.
(A. de Nerciat)
Vous êtes gai comme un sermon,
L’abbé, le diable vous conseille ;
Faites sauter votre bouchon
Sans ma bouteille.
(H. Cantel)
Faire sauter le système (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Se brûler la cervelle, — dans l’argot des faubouriens.
Faire suisse
Virmaître, 1894 : Ouvrier qui boit seul et ne fraternise jamais avec ses camarades (Argot du peuple). V. Ours.
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Boire seul.
France, 1907 : Boire ou manger seul, dépenser son argent en égoïste sans inviter un camarade. Ce délit de lèse-camaraderie était sévèrement puni dans l’ancienne armée, — je parle de celle où l’on faisait sept ans de service. Généralement, quand le coupable était surpris, on lui enlevait son verre qu’on vidait à sa santé ; la seconde fois, on lui en jetait le contenu au visage, et, s’il y avait récidive, on faisait sauter le lascar en couverte.
— Ah ! vous n’en savez rien ? continua Hurluret ; eh bien, moi, je m’en vais vous le dire. Ça signifie purement et simplement que vous êtes un goinfre et un porc, qui cachez vos provisions dans un lit qui n’est même pas le vôtre, pour les dévorer sournoisement, à l’insu de vos camarades !
À ces mots, un murmure s’éleva :
— Hou ! Hou ! Il fait suisse !l Il fait suisse !
— Parfaitement, reprit Hurluret, vous vous conduisez d’une façon ignoble, et si vos camarades vous passaient en couverte, ce n’est fichtre pas moi qui les en empêcherais.
(G. Courteline, Les Gaietés de l’escadron)
Dans son Dictionnaire d’argot, Lorédan Larchey fait dériver cette expression de boire avec son suisse. S’appuyant sur une citation extraite de Vidal : « Le soldat a le point d’honneur de ne jamais manger ou boire seul. Cette loi est tellement sacrée que celui qui passerait pour la violer serait rejeté de la société militaire ; on dirait de lui : « Il boit avec son suisse », et le mot est une proscription. Le soldat, dit Lorédan Larchey, ne peut boire avec son suisse (concierge) puisqu’il n’en a pas : donc il boit seul. Ironie inventée pour rappeler quelque engagé d’opulente famille aux règles de la fraternité. » Je ne partage pas l’avis de l’auteur précité quant à l’origine de cette expression. On ne dit pas d’ailleurs boire avec son suisse, mais faire suisse, c’est-à-dire faire comme un Suisse. Il faut se rappeler que les Suisses ont eu de tous temps une réputation de lésinerie et d’avarice que l’avidité de leurs aubergistes n’a pas contribué à détruire : « Il était Suisse de nation, empoisonneur de profession et voleur par habitude. » Cette épigramme du marquis de Grammont dans ses Mémoires a été appliquée bien souvent aux Suisses, et, il faut l’avouer, avec quelque raison.
L’expression viendrait de la coutume des soldats des anciens régiments suisses de tirer chacun de leur côté et d’aller boire seuls.
— Allons, descends, j’aim’ pas fair’ suisse,
T’as l’temps… Y n’est qu’ménuit un quart
Et pis tu m’plais… T’as l’air jocrisse…
Les femm’s faut pas qu’ça soit roublard…
(Fulbert Mayrat)
Gambille
Rigaud, 1881 : Jambe.
La Rue, 1894 : Jambe. Gambiller, sauter, danser. Gambillade, cancan, danse.
France, 1907 : Jambe ; vieux français encore usité dans les campagnes du nord-est.
Gambiller
d’Hautel, 1808 : Remuer les jambes ; se démener, se trémousser.
Ansiaume, 1821 : Danser.
Les voilà tous à gambiller, il n’y a même pas de lubins à la turne.
Vidocq, 1837 : v. a. — Danser.
M.D., 1844 : Danser.
Larchey, 1865 : Danser. — Mot de langue romane. V. Roquefort. — Tout récemment une danseuse du Casino portait le sobriquet de Gambilmuche. V. Coquer. — Gambille : Jambe. Diminutif du vieux mot gambe.
Delvau, 1866 : v. n. Danser, remuer les jambes. Il est tout simple qu’on dise gambiller, la première forme de jambe ayant été gambe.
Si souslevas ton train
Et ton peliçon ermin,
Ta cemisse de blan lin,
Tant que ta gambete vitz.
dit le roman d’Aucassin et Nicolette.
Rigaud, 1881 : Danser ; sauter. — Gambilleur, gambilleuse, danseur, danseuse. — Gambilleur, gambilleuse de tourtouse, danseur, danseuse de corde.
Virmaître, 1894 : Danser. Mot à mot : faire marcher ses gambettes (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Danser.
France, 1907 : Danser, courir ; jouer des jambes ; du vieux français gambille, diminutif de gambe, latin gamba.
Le vertige noir les invite
À gambiller sur le chemin.
Les fous vont vite, vite, vite !…
Sait-on qui sera fou demain ?
(Émile Bergerat)
Houp ! la Mort au nez ridicule
Les fait sauter comme des chats ;
Tout ça gambille, gesticule,
Dans de suprêmes entrechats.
(Jean Richepin)
Aussitôt Phrasie et Dédèle, qui, entre deux contredanses au bastringue, étaient venues se faire régaler de grenadine par leurs amants, deux clampins plus jeunes qu’elles, se mirent à gambiller sous la table.ve :
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Gipe
France, 1907 : Sorte de souquenille que les palefreniers, paysans, vignerons et autres gens de peine portaient autrefois par-dessus leur pourpoint ; de l’espagnol gipo, jupon.
Comme la gipe était large et de grosse toile, le pourpoint, au contraire, étroit et ordinairement de drap, la coutume de ces gens-là, quand ils voulaient danser, sauter, folâtrer à leur aise, était de se mettre en simple gipe, d’où sont venus les noms de gipai et de gipailler.
(Guy Barozal, Noël bourguignon, 1720)
Greffier
d’Hautel, 1808 : Il est comme le greffier de Vaugirard, il ne peut écrire quand on le regarde.
Ce proverbe vient de ce que le greffier de Vaugirard tenoit son gref dans un lieu obscur, qui n’étoit éclairé que par un œil de bœuf, de sorte qu’on ne pouvoit le regarder sans lui intercepter tout le jour.
Ansiaume, 1821 : Chat.
Ébobi ce greffier-là, nous le sauterons dans une bassine.
un détenu, 1846 / Halbert, 1849 : Chat.
Delvau, 1866 : s. m. Chat, — dans l’argot des faubouriens, qui n’aiment pas les gens à robe noire, et emploient à dessein ce mot à double compartiment où l’on sent la griffe.
Virmaître, 1894 : Chat (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Chat.
France, 1907 : Chat ; corruption de griffier.
C’est la dabuche Michelon
Qu’a pomaqué son greffier
Qui jacte par la venterne
Qui le lui refilera.
Le dabe Lustucru
Lui dit : Dabuch’ Mich’ton,
Votre greffier n’est pas pomaqué ;
Il est dans le roulon
Qui fait la chasse aux tretons,
Avec un bagaffre de fertange
Et un fauchon de satou.
(Chanson argotique de la Mère Michel, citée par V. Michel)
anon., 1907 : Chat.
Guitare (avoir une sauterelle dans la)
Boutmy, 1883 : v. Avoir le cerveau un peu détraqué. V. hanneton.
Habit rouge
Larchey, 1865 : Anglais. — Allusion d’uniforme.
Les habits rouges voulaient danser, Mais nous les avons fait sauter. Vivent les sans-culottes !
(Mauricault, Chanson, 1793)
France, 1907 : Soldat anglais. L’infanterie de ligne anglaise, et quelques régiments de cavalerie, portent la tunique et le veston rouge.
Hanneton
d’Hautel, 1808 : (l’h s’aspire).
Ils se tiennent par le cul comme des hannetons. Se dit des gens qui font clique et coterie ; qui sont toujours ensemble.
Il est étourdi comme un hanneton. Se dit d’un jeune écervelé, d’un homme qui agit inconsidérément.
Le peuple n’aspire point l’h, et dit au pluriel, des zannetons.
Delvau, 1866 : s. m. Manie quelconque, idée fixe, — dans l’argot de Breda-Street, où les hannetons hommes viennent d’eux-mêmes s’attacher le fil à la patte. Avoir un hanneton dans le plafond. Être fou de quelqu’un ou de quelque chose. Les voyous anglais ont une expression analogue : To have a bee in his bonnet (avoir une abeille dans son chapeau), disent-ils.
Rigaud, 1881 : Monomanie, idée fixe. On dit de quelqu’un qui est tourmenté d’une idée aussi fixe que saugrenue : « Encore son hanneton qui le travaille ». Celui qui a un hanneton dans le plafond est hannetonné, c’est-à-dire qu’il a la tête fêlée.
Boutmy, 1883 : s. m. Idée fixe et quelquefois saugrenue. Avoir un hanneton dans le plafond, c’est avoir le cerveau un peu détraqué. On dit aussi, mais plus rarement Avoir une sauterelle dans la guitare et une araignée dans la coloquinte. Le hanneton le plus répandu parmi les typographes c’est, nous l’avons déjà dit, la passion de l’art dramatique. Dans chaque compositeur il y a un acteur. Ce hanneton-là, il ne faut ni le blâmer ni même plaisanter à son sujet ; car il tourne au profit de l’humanité. Combien de veuves, combien d’orphelins, combien de pauvres vieillards ou d’infirmes doivent au hanneton dramatique quelque bien-être et un adoucissement à leurs maux ! Mais il en est d’autres dont il est permis de rire. Ils sont si nombreux et si variés, qu’il serait impossible de les décrire ou même de les énumérer ; comme la fantaisie, ils échappent à toute analyse. On peut seulement en prendre quelques-uns sur le fait. Citons, par exemple, celui-ci : Un bon typographe, connu de tout Paris, d’humeur égale, de mœurs douces, avait le hanneton de l’improvisation. Quand il était pris d’un coup de feu, sa manie le talonnant, il improvisait des vers de toute mesure, de rimes plus ou moins riches, et quels vers ! Mais la pièce était toujours pathétique et l’aventure tragique ; il ne manquait jamais de terminer par un coup de poignard, à la suite duquel il s’étendait lourdement sur le parquet. Un jour qu’il avait improvisé de cette façon et qu’il était tombé mort au milieu de la galerie de composition, un frère, peu touché, se saisit d’une bouteille pleine d’eau et en versa le contenu sur la tête du pseudo Pradel. Le pauvre poète se releva tout ruisselant et prétendit à juste raison que « la sorte était mauvaise ». C’est le hanneton le plus corsé que nous ayons rencontré et on avouera qu’il frise le coup de marteau. Un autre a le hanneton de l’agriculture : tout en composant, il rêve qu’il vit au milieu des champs ; il soigne ses vergers, échenille ses arbres, émonde, sarcle, arrache, bêche, plante, récolte. Le O rus, quando ego te aspiciam ? d’Horace est sa devise. Parmi les livres, ceux qu’il préfère sont la Maison rustique et le Parfait Jardinier. Il a d’ailleurs réalisé en partie ses désirs. Sa conduite rangée lui a permis de faire quelques économies, et il a acquis, en dehors des fortifications, un terrain qu’il cultive ; malheureusement ce terrain, soumis à la servitude militaire, a été saccagé par le génie à l’approche du siège de Paris. Vous voyez d’ici la chèvre ! Un troisième a une singulière manie. Quand il se trouve un peu en barbe, il s’en va, et, s’arrêtant à un endroit convenable, se parangonne à l’angle d’un mur ; puis, d’une voix caverneuse, il se contente de répéter de minute en minute : « Une voiture ! une voiture ! » jusqu’à ce qu’un passant charitable, comprenant son désir, ait fait approcher le véhicule demandé. Autre hanneton. Celui-ci se croit malade, consulte les ouvrages de médecine et expérimente in anima sua les méthodes qu’il croit applicables à son affection. Nous l’avons vu se promener en plein soleil, au mois de juillet, la tête nue, et s’exposer à une insolation pour guérir des rhumatismes imaginaires. — Actuellement, son rêve est de devenir… cocher. Un de nos confrères, un correcteur celui-là, a le hanneton de la pêche à la ligne. Pour lui, le dimanche n’a été inventé qu’en vue de ce passe-temps innocent, et on le voit dès le matin de ce jour se diriger vers la Seine, muni de ses engins. Il passe là de longues heures, surveillant le bouchon indicateur. On ne dit pas qu’il ait jamais pris un poisson. En revanche, il a gagné, sur les humides bords des royaumes du Vent, de nombreux rhumes de cerveau.
France, 1907 : Idée baroque, saugrenue on simplement idée fixe, dans l’argot des typographes. Le hanneton est ce que, dans l’argot de tout le monde, on appelle le dada.
À la suite de l’exposé de ce hanneton qui a produit le plus grand effet, une discussion bruyante, raisonnée, mais peu raisonnable, s’engage entre les diverses parties de l’atelier.
(Décembre-Alonnier, Typographes et gens de lettres)
France, 1907 : Personne étourdie, qui va donner tête baissée et sans réfléchir dans tous les potins et toutes les aventures. Maladroit sans réflexion.
Nous disons volontiers de certaines personnes dont les façons étourdies ne nous agréent pas : « C’est un hanneton ! Ce n’est qu’un hanneton ! » En politique, cette espèce de hanneton est très répandue. Les moins mauvais parmi les boulangistes étaient des hannetons. Que de fois on a dit, en parlant de MM. Turquet et Laur : « Pas méchants, mais quels hannetons ! »
(Léon Bernard-Derosne, Gil Blas)
Avoir un hanneton dans le plafond, être un peu timbré.
Harpe (jouer de la)
France, 1907 : Tricher au jeu ; faire sauter la coupe. Allusion à la dextérité des doigts. Cette expression a aussi une autre signification donnée dans le Dictionnaire Comique de J. Leroux : « Jouer de la harpe signifie jouer des mains auprès d’une femme, la patiner… la farfouiller… la chatouiller avec les doigts. »
Jigler
Delvau, 1866 : v. a. et n. Sauter en s’éparpillant. Ne s’emploie qu’à propos des liquides, vin, boue ou sang.
France, 1907 : Se dit des liquides qui s’échappent violemment d’un ordre.
Laisser pisser le mérinos ou le mouton
France, 1907 : Attendre patiemment le résultat d’une affaire.
Il ne faut qu’un rien pour faire sortir le populo de ses gonds !
Qui nous dit que ce que certains qualifient d’avachissement et d’abrutissement n’est pas du recueillement ?
Quand le lion, avant de sauter sur sa proie, s’aplatit et rase le sol, celui qui ne le verrait qu’ainsi conclurait que cet animal est un taffeur, qu’il se fait petit pour s’effacer et se cacher…
Il n’en est rien, pourtant !
Done, que les écœurements de l’heure présente ne nous découragent pas ; faisons notre turbin de propagande, éparpillons les idées aux quatre vents et laissons pisser le mouton.
(Père Peinard)
Lingue, lingre
France, 1907 : Couteau. Déformation de la ville de Langres, renommée pour sa coutellerie. On dit aussi linve, surin, scion, pliant, coupe-sifflet, trente-deux ou vingt-deux, allusion au prix. Jouer du lingue, donner des coups de couteau.
— Nom de Dieu ! j’y touche presque ! Attends ! Ça n’y est pas ! Passez-moi un lingue.
Orlando tira de sa poche un de ces longs couteaux qu’une virole change en poignard et dont ne se sépare jamais l’Italien du peuple.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
S’i’ veut ben s’laisser faire, on fait pas d’mal au pantre,
Mais quand i’ veut r’ssauter où ben fair du potin. Cu y fout génliinent un puit coup dlingu dans l’ventre, Pour y approndre à gueuler à deux heur’s du matin.
(Aristide Bruant)
— Comment voulez-vous qu’on ait le cœur de ficher un coup de lingue, me disait un jour une « terreur » de la « Butte », quand on n’a rien mangé depuis trois jours ?
Il parait qu’il est plus facile de donner un coup de pioche qu’un coup de lingue, car mes casseurs de glace piochaient à jeun dans le ruisseau ; ils piochaient lentement ; ils piochaient tout de même.
(Hugues Le Roux)
… Les bandits avaient repris leur vie en commun de maraudes, de pillages, de pardessus volés, et au besoin d’appartements visités et de villas escaladées, sans parler du casuel, un bon coup de lingue servi au pantre qui s’amusait à crier quand on le barbottait au détour d’une rue déserte.
(Edmond Lepelletier)
Manger ou faire sauter la grenouille
Larchey, 1865 : Dissiper les fonds dont on est dépositaire. V. Crapaud.
Il a fait sauter la grenouille de la société.
(L. Reybaud)
Manger, manger le morceau, Manger sur, Manger du lard
Rigaud, 1881 : Dénoncer un complice, révéler un secret. — Manger dans la main, être très familier, ne pas observer les distances sociales. — Manger de la misère, manger de la prison, subir la misère, la prison. — Manger de la vache enragée, être misérable. — Manger de la merde, être dans le dénûment le plus profond, être abreuvé de souffrances physiques et morales. — Manger sur le pouce, manger à la hâte. — Manger du drap, jouer au billard. — Manger du pavé, chercher en vain de l’ouvrage. — Manger la laine sur le dos de quelqu’un, vivre aux dépens de quelqu’un, le ruiner sans le faire crier. — Manger du pain rouge, dépenser l’argent provenant d’un assassinat. — Manger à tous les râteliers, accepter de tous les côtés, sans scrupules. — Manger le Bon Dieu, communier. — Manger du sucre, être applaudi au théâtre. — Manger le poulet, partager un pot de vin, partager un bénéfice illicite. — Manger le gibier, faire sauter l’anse du panier de la prostitution, — dans le jargon des souteneurs qui n’entendent pas la plaisanterie sur ce chapitre. — Manger le pain hardi, être domestique. — Manger son pain blanc le premier, dépenser sans compter avec la misère à venir. — Manger l’herbe par la racine, être mort depuis longtemps. — Manger ses mots, parler vite et d’une manière incompréhensible. — Manger la consigne, oublier un ordre qu’on vous a donné. — Avoir mangé la bouillie avec un sabre, avoir une très, grande bouche. — Se manger, se manger le nez, se disputer vivement de très près, se menacer d’en venir aux mains. — Se manger les sangs, s’inquiéter. — Se manger les pouces, s’impatienter.
Marmite anarchiste
Virmaître, 1894 : Comme la précédente, celle-là ne rapporte pas ; elle fait sauter — pas les écus, mais les maisons. C’est une marmite qui n’est guère en faveur, car elle fait perdre la tête (Argot du peuple). N.
Martingalier
France, 1907 : Joueur qui croit avoir découvert un système infaillible pour gagner aux jeux de hasard, tels que la roulette et le trente et quarante.
C’est un martingalier. C’est un des abstracteurs de quintessence moderne, qui s’imaginent avoir trouvé la marche infaillible pour faire sauter les banques.
(Jean Richepin)
Masse
d’Hautel, 1808 : C’est une grosse masse. Se dit par mépris d’une femme toute ronde, sans grace ni tournure.
Delvau, 1866 : s. f. Grande quantité de gens ou de choses, — dans l’argot du peuple. En masse. En grand nombre, en grande quantité.
La Rue, 1894 : Travail. Masser, travailler dur.
France, 1907 : Produit du travail d’un condamné qu’on lui remet à sa sortie de prison.
Avec les quelques louis de sa masse, il s’acheta des vêtements convenables, — pas de luxe inutile, des habits qui passent sans qu’on les voie, — partit pour l’Allemagne, se trouva, quatre jours après le levé d’écrou, aux environs d’Ober-Ursel, attendit le soir dans une auberge de la route.
(Catulle Mendès, La Vie et la Mort d’un clown)
France, 1907 : Somme placée par un joueur sur le tapis.
Quatre coups, masse en avant, il gagna, et fit sauter la banque qui, d’ailleurs, n’était pas considérable. Sans plus attendre, il se leva, empocha son gain et prit la porte : mais, sur son passage, il eut le temps d’entendre Philippe Marnier, le banquier décavé, qui murmurait rageusement : « Il est cocu, cet oiseau-là ! »
(Maurice Montégut)
Croupier, au lieu d’bourrer ta pipe,
Si le banquier est un bon type,
Bourre le trou, ta valade aussi,
Surtout sans fair’ bonnir un cri…
Si ton voisin battait morasse,
Plaque-lui deux sigs dans sa masse,
S’y r’naude envoie-le lascailler,
Cesse d’bourrer pour… étouffer.
(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)
France, 1907 : Somme versée autrefois au compte du soldat. Avoir la masse complète, posséder une bourse bien garnie ; expression militaire.
Miette
d’Hautel, 1808 : Faire sauter les miettes. Manger avec un grand appétit, avidement ; mettre les morceaux doubles, comme il arrive lorsqu’on a pris beaucoup d’exercice, ou que l’on s’est appliqué à un travail pénible.
Rendre les miettes. Pour vomir, rendre les alimens que l’on a pris avec excès.
Milord
Delvau, 1864 : L’entreteneur — anglais ou toulousain — d’une femme galante.
Le notaire est son milord.
(H. de Balzac)
J’allons fair’ sauter les sacoches
De ce bon mossieu, son milord.
(L. Festeau)
Une demoiselle entretenue ne se contente pas de son seul entreteneur appelé ordinairement Mylord Pot-au-feu. Elle a un amant en titre, qui ne paye que les chiffons ; un Guerluchon, c’est un amant qu’elle paye ; un Farfadet, c’est un complaisant ; et un Qu’importe est une personne qui vient de temps en temps, qui est sans conséquence ! et paye au besoin les petites dettes criardes.
(Correspondance d’Eutylie, 1,132)
Larchey, 1865 : Cabriolet à quatre roues.
On vote vingt-deux sous à Clémence pour un cabriolet milord.
(Méry)
Larchey, 1865 : On donne moins ce nom aux Anglais qu’à ceux dont les largesses rappellent l’opulence britannique. Au moyen âge, milourt avait déjà le même sens, avec une acception plus ironique encore. C’est, comme Anglais, un fruit de nos anciennes guerres.
Ce sont milourdz qui ne voulsissent point d’hostes avoir.
(Cretin, Épitre à Charles VIII)
Et je vous attise un beau feu au dessoubs et vous flambois mon milourt comme on faict les harencs sorets à la cheminée.
(Rabelais, Ch., 14)
Le gros tailleur se dit négociant. À sa tournure il n’est pas milord russe.
(Sénéchal, Ch., 1852)
Être sur le boulevard de Gand, se donner un air milord.
(Ed. Lemoine)
Milord est souvent synonyme du miché sérieux décrit plus haut. exemple :
Le notaire est son milord.
(Balzac)
Delvau, 1866 : s. m. Cabriolet à quatre roues, — dans l’argot des cochers.
Delvau, 1866 : s. m. Entreteneur, — dans l’argot des petites dames. Leurs mères, plus prosaïques et moins vaniteuses, disaient Milord pot-au-feu, comme en témoigne ce couplet de Désaugiers :
Lorsque nous aimons,
Nous finançons
Afin de plaire.
D’où vient qu’en tout lieu
On dit : « Un milord pot-au-feu. »
Delvau, 1866 : s. m. Homme riche, en apparence du moins, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression depuis l’occupation de Paris par les Anglais.
Rigaud, 1881 : Entreteneur, à l’époque où les Anglais passaient our être généreux avec les dames qui vivent de la générosité publique.
France, 1907 : Cabriolet à quatre roues
France, 1907 : Entreteneur d’une petite dame.
J’allons faire sauter les sacoches
De ce bon monsieur, ton milord.
(Festeau)
On disait autrefois de l’entreteneur : Milord Pot-au-feu ; c’est en effet lui qui fait bouillir la marmite.
Lorsque nous aimons,
Nous finançons
Afin de plaire ;
D’où vient qu’en tout lieu
On dit : Um milord Pot-au-feu.
(Désaugiers)
France, 1907 : Nom que les voyous donnent à tout Anglais ou tout Américain qui paraît riche.
Momignard
Delvau, 1866 : s. m. Petit garçon, plus petit encore que le môme. On dit au féminin Momignarde.
Virmaître, 1894 : Diminutif de môme. Petit enfant (Argot des voleurs). V. Abéqueuse.
Rossignol, 1901 : Petit enfant.
France, 1907 : Diminutif de môme.
Pauvre momignarde ! à l’âge où tous les gosses devraient jouer, courir, sauter, offrir aux baisers du soleil leur front en liberté, être déjà maman ; remplacer, qui sait ! la mère partie, peut-être pour le tombeau.
… Aussi nul enjouement, nulle gaieté, un sourire grave, un regard lent, comme en ont les vieux. Déjà « grande personne », déjà expérimentée, déjà mère de famille, l’aspect connu de la femme « qui à souffert » — à huit ans !
(Montfermeil, La Nation)
Mousmé
France, 1907 : Japonaise.
M. Victor Orban a donné dans le sonnet suivant une jolie description de la mousmé.
Les fleurons argentés d’épingles en fuseaux
Ornent ses cheveux noirs d’un vol d’aiglette blanche,
Et ses vêtements bleus, resserrés sur la hanche,
Sont brodés d’éclatants dragons d’or et d’oiseaux.
Sous la véranda haute, au bruit lointain des eaux,
Tout le jour elle songe et s’accoude et se penche
Et, parfois, fait vibrer sa guitare à long manche
Qui rend le son plaintif du vent dans les roseaux.
À travers les bambous, parmi les berbes grêles,
Sans fin monte le cri strident des sauterelles
Qu’enivrent les parfums de l’air lourd et brûlant.
Et la mousmé bercée, et souriant, dilate
Et laisse errer son œil oblique et somnolent
Vers le ciel jaune où meurt le soleil écarlate.
(L’Orient et les tropiques)
Ils avaient (les Japonais) alors des costumes éclatants, de belles armes chimériques faites pour orner, non pour tuer, et dans leurs maisons en bambou égayées de vives aquarelles, leurs mousmées, mignonnes femmes fleurs, peintes commes des fleurs et comme elles fragiles, lesquelles ne connaissaient d’autre vertu que d’être belles, et d’autre devoir que d’aimer.
Laissant les hommes s’enlaidir, elles restaient fidèles à leur costume et continuaient au Japon, comme dans les escales fréquentées par les marins d’Europe, à exercer leur doux ministère de prêtresses de la beauté.
Va-t-on nous gâter les mousmées ?
(Paul Arène)
Mouton de Panurge
France, 1907 : Sauter l’un après l’autre comme les moutons de Panurge, faire comme tout le monde, imiter sottement ses voisins.
Cette expression est tirée de Rabelais. « Panurge, retournant du pays de Lanternois, se trouva sur le bateau avec Dindenault, le marchand de moutons. Après de longs débats, il lui en achète un, le paye, choisit de tout le troupeau un beau et grand mouton, et l’emportoit criant et beslant, oyant tous les aultres et ensemblement beslants et regardants quelle part on menoit leur compagnon… Soubdain, je ne sçai comment, Panurge, sans aultre chose dire, jecte en pleine mer son mouton criant et beslant ». Tous les autres moutons criant et bêlant se jettent en mer à la file. « La foule estoit à qui premier y sauteroit après leur compagnon. Possible n’estoit les en garder. Comme vous sçavez estre du mouton le naturel, tousjours suivre le premier, quelque part qu’il aille. Le marchand, tout effrayé de ce que devant ses yeux périr voyoit et noyer ses moutons, s’efforçoit de les empescher et retenir de tout son pouvoir. Mais c’estoit en vain. Tous à la file saultoient dedans la mer et périssoient. Finablement il en print un grand et fort, par la toison sur le tillac, cuidant ainsi le retenir et sauver le reste aussi conséquemment. Le mouton fut si puissant qu’il emporta en mer avec soi le marchand, et fut noyé… Autant en firent les aultres bergers et moutonniers, les prenants uns par les cornes, aultres par les jambes, aultres par la toison. Lesquels tous feurent pareillement en mer portés et noyés misérablement. »
À partir de ce moment, j’eus mes admirateurs. Ils se recrutèrent, d’abord, parmi les fruits secs qui seraient bien aises d’écraser les supériorités réelles sous certaines célébrités excentriques et d’une valeur discutable. L’admiration pour la médiocrité qui se déguise en bizarrerie est une des formes les plus fréquentes de la jalousie littéraire. Puis, vint se mettre à la suite de mes thuriféraires une bonne partie du troupeau des moutons de Panurge. Aujourd’hui, la foule ne veut plus être avec la foule. Bien des gens, pour éviter la banalité, se jettent à corps perdu dans l’océan de l’absurde. Comme, de temps à autre, parmi les insanités que je publie, j’intercale certaines des choses raisonnables que l’on me refusait autrefois, les critiques s’occupent de mes œuvres et me regardent comme un génie égaré qui eût pu monter très haut s’il n’eût été entraîné par les désordres d’une vie anormale et les chimères d’un esprit exalté.
(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)
Muf (faire sauter le)
Merlin, 1888 : Faire du café avec le marc de la veille.
Négresse
Vidocq, 1837 : s. m. — Paquet de marchandise enveloppé d’une toile cirée.
Halbert, 1849 : Ballot recouvert de toile cirée.
Larchey, 1865 : Paquet couvert de toile cirée (Vidocq, 1837). — La toile est noire.
Larchey, 1865 : Punaise.
Je sentis bien, quand nous étions couchés, Qu’i ne manquait pas de négresses, Et même de grenadiers.
(Lecart, Ch., 1851)
Allusion à la couleur foncée de la punaise. Quant aux grenadiers, qui représentent les poux de la plus forte taille, il faut se rappeler qu’on appelle grenadiers des soldats d’élite et garnison la vermine qui couvre une tête. Les gros poux sont donc les grenadiers de la garnison.
Delvau, 1866 : s. f. Litre ou bouteille de vin, — dans l’argot des faubouriens. Étouffer ou Éventrer une négresse. Boire une bouteille. On dit aussi Éternuer sur une négresse.
Delvau, 1866 : s. f. Punaise.
Delvau, 1866 : s. f. Toile cirée, — dans l’argot des voyous.
Rigaud, 1881 : Bouteille de vin rouge. — Étouffer, éreinter une négresse, éternuer sur une négresse, boire une bouteille de vin rouge.
Rigaud, 1881 : Ceinturon, — dans l’argot des marins.
Rigaud, 1881 : Paquet recouvert de toile cirée noire.
Rigaud, 1881 : Puce.
J’ sentis bien quand nous étions couchés
Qui n’ manquait pas d’négresses
Et même de grenadiers.
(E. Lecart, Une conquête au Prado, chans)
Qu’il s’ra content le vieux propriétaire
Quand il viendra pour toucher sonloyer,
D’voir en entrant toute la paill’par terre
Et les négress’s à ses jamb’s sautiller.
(Le Déménagement à la sonnette de bois, chans.)
La Rue, 1894 : Paquet enveloppé de toile cirée noire. Bouteille de vin. Punaise. Puce.
Virmaître, 1894 : Bouteille.
— Allons-nous étouffer une négresse de ginglard à Argenteuil ? (Argot du peuple).
Virmaître, 1894 : Puce. Allusion de couleur (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Puce.
Hayard, 1907 : Bouteille de vin.
Hayard, 1907 : Puce.
France, 1907 : Bouteille de vin rouge. Allusion à la couleur foncée de la bouteille.
— Allons, la mère, du piccolo ! et deux négresses à la fois, s’il vous plaît !
(Ch. Dubois de Gennes)
Une négresse morte, une bouteille vide.
Le tas de négresses mortes grandissait. Un cimetière de bouteilles.
(Émile Zola, L’Assommoir)
Étouffer une négresse, boire une bouteille de vin.
France, 1907 : Ceinture ; argot des marins.
France, 1907 : Paquet enveloppé d’une toile cirée.
France, 1907 : Puce, Allusion à la couleur noire.
Qu’il s’ra content le vieux propriétaire,
Quand il viendra pour toucher son loyer,
D’voir en entrant toute la paill’ par terre
Et les négress’s à ses jambes sauter !
(La Cloche de bois)
Nue
d’Hautel, 1808 : Tomber des nues. Être étonné, ébloui, surpris, embarrassé, hors de soi-même, comme si l’on vivoit dans un pays inconnu.
Faire sauter quelqu’un aux nues. Le mettre en colère ; l’impatienter, le mettre hors de lui même.
Pas (sauter le)
Larchey, 1865 : Mourir (d’Hautel, 1808). — V. Arnant.
Un étudiant dans sa mansarde, Disposait de sa dernière harde, Puis après, voulait sauter le pas.
(Chanson)
Passer à la couverte
France, 1907 : Brimade militaire qui consiste à faire sauter un homme dans une couverture, à le berner.
À peine le Suisse venait-il de fermer l’œil que ses camarades de chambrée l’empoignèrent, lui jetèrent dans une couverture en compagnie d’une paire de bottes éperonnées, de deux pistolets et de deux étrilles, et bientôt, au commandement trois, le malheureux fut lancé dans l’espace à l’aide d’une savante et méthodique secousse imprimée à la couverture par huit vigoureuses poignes. C’est ce que s’appelle sauter en couverte. Le brigadier faisait mine de ronfler.
(Les Joyeusetés du régiment)
Péter plus haut que le cul
Delvau, 1866 : v. n. Faire le glorieux ; entreprendre une chose au-dessus de ses forces ou de ses moyens ; avoir un train de maison exagéré, ruineux. Faire le pet plus haut que le cul, c’est ce que Henry Monnier, par un euphémisme très clair, appelle Sauter plus haut que les jambes.
Rigaud, 1881 : Faire plus de dépense que n’en comporte la position de fortune.
Virmaître, 1894 : Faire de l’embarras, de l’esbrouffe, vouloir prouver que l’on est riche lorsque l’on n’a pas le sou. Homme ou femme qui s’habille élégamment en se privant sur la nourriture :
— Ils veulent péter plus haut qu’ils n’ont le cul.
C’est le cas des filles de boutique et des commis de magasins. Dans le peuple, par ironie, on les appelle :
Tout sur le dos, rien dans l’estomac (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Faire ses embarras, vouloir passer pour un seigneur quand on n’est qu’un gueux.
Vous que cet exemple touche
Ça vous fait ben voir
Que fille qu’est sur sa bouche
Manque à son devoir ;
Et par cette historiette,
On s’est convaincu
Qu’il ne faut pas que l’on pète
Plus haut que le cul.
(Vadé, Histoire de Manon Giroux)
Pigler
France, 1907 : Sauter.
Pigoche
Delvau, 1866 : s. f. Morceau de cuivre, et ordinairement Écrou avec lequel les gamins font sauter un sou placé par terre, en le frappant sur les bords. Jouer à la pigoche. Faire sauter un sou en l’air. C’est l’enfant qui le fait sauter le plus loin qui a gagné.
France, 1907 : Jeu de sous. La pigoche est un morceau de cuivre ou un bouton de métal avec lequel on fait sauter un sou posé par terre en le frappant sur les bords.
Nous arrachons tout, les boutons
Des portes et des pantalons,
Pour la pigoche.
(De Chatillon)
Poincelets
Virmaître, 1894 : Clés fabriquées d’une certaine manière. Au lieu d’avoir un anneau à son extrémité comme les clés ordinaires, le poincelet se termine en pointe et peut servir à deux usages : à caroubler les portes ou à pratiquer une pesée pour faire sauter les gâches des serrures (Argot des voleurs).
Reculer
d’Hautel, 1808 : Reculer pour mieux sauter. Différer de faire une chose à laquelle on sera contraint tôt ou tard ; retarder l’exécution d’une affaire pour la poursuivre après avec plus de vigueur.
Ressaut (avoir du)
Virmaître, 1894 : Être surpris à en ressauter. Une proposition saugrenue fait ressauter d’étonnement celui à qui elle est faite. On ressaute à la pensée de faire une chose qui ne plaît pas (Argot des souteneurs). N.
Ressauter
Rossignol, 1901 : Se fâcher, se mettre en colère.
J’ai fait ressauter mon propriétaire, parce qui je ne lui ai pas payé mon loyer.
Roustisseur
Larchey, 1865 : Voleur.
On accuse donc c’te pauvre fille d’être une roustisseuse et d’avoir fait sauter l’argenterie.
(Voizo, Chanson)
Delvau, 1866 : s. m. Voleur.
Rigaud, 1881 : Blagueur doublé d’un escroc. Parasite éhonté.
La Rue, 1894 : Voleur. Parasite.
France, 1907 : Voleur, trompeur ; emprunteur qui ne rend jamais.
Sangler
d’Hautel, 1808 : Serrer quelqu’un avec une sangle ; le comprimer à lui faire perdre la respiration. Signifie aussi flanquer, appliquer.
Sangler des coups de fouet à quelqu’un. Le fustiger violemment.
On dit aussi d’un homme qui a perdu son procès, ou qui a essuyé quelque grand dommage, qu’Il a été sanglé d’importance.
Delvau, 1866 : v. a. Permolere uxorem quamlibet aliam, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Sauter.
Delvau, 1866 : v. a. Réprimander vertement, et même Battre.
France, 1907 : Punir ; argot militaire. Sangler serré, punir sévèrement.
Le colonel aime à se dire le père du soldat, sans prétendre que « qui aime bien châtie bien ». Il a les punitions en horreur et exècre les punisseurs. Il punit rarement lui-même, mais alors il sangle serré.
(Émile Gaboriau, Le 13e hussards)
Saoul comme un Polonais
France, 1907 : Complétement ivre. L’Écho du Public donne deux versions de ce dicton dont la première me parait être la bonne.
« Saoul comme un Polonais » ne s’explique pas, car on ne boit pas plus en Pologne que partout ailleurs. En Russie et en Norvège, on boit beaucoup plus qu’en Pologne. Il faudrait en chercher l’explication dans le passé. Les rois de Pologne de la dynastie saxonne buvaient beaucoup, surtout Auguste le Fort ; son fils, le roi Auguste III, buvait moins, mais cependant il buvait ferme. Les courtisans, pour plaire aux maîtres, faisaient comme eux. — Boire, disons même s’enivrer, était devenu à la mode, et comme cette mode n’avait rien que d’agréable, elle s’est maintenue pendant longtemps ; elle a passé depuis. D’ailleurs, dans les climats du Nord, cela n’a pas la même importance, et l’emploi du vin et des spiritueux y est un besoin d’hygiène absolu.
Je tiens de mon père, dit le second correspondant, émigré polonais de 1831, l’explication suivante de l’expression « saoul comme un Polonais » :
Au cours de la guerre d’Espagne, en 1808, un détachement mi-français, mi-polonais, ayant, à la suite d’une longue étape, campé dans un village de la zone ennemie, les Français burent plus que de raison, alors que leurs compagnons s’abstinrent de suivre leur exemple, pour la raison fort simple, qu’habitués dans leur pays à n’user, comme boissons fermentées, que de bière et surtout d’hydromel, le vin, à cette époque, leur offrait peu d’attraits.
Attaqués à l’improviste, au milieu de la nuit, par les partisans espagnols, les Polonais, qui « ne dormaient que d’un œil », sautèrent sur leurs armes et, après un combat de courte durée, mirent en fuite l’ennemi, sauvant ainsi la vie à leurs compagnons d’armes.
L’empereur, instruit du fait, félicita, dit-on, publiquement les Polonais et, s’adressant aux autres soldats, s’écria : « Saoulez-vous, si bon vous semble, mais que ce soit dorénavant comme des Polonais ! »
On donne aussi comme origine à cette expression, malencontreuse ainsi que tant d’autres, le fameux vers de Frédéric II :
Quand Auguste avait bu, la Pologne était ivre.
Sautage (faire le)
Ansiaume, 1821 : Voler et sauter à terre.
Ils font le sautage sur le grand trimard pendant la sorgue.
Saute-au-poil
France, 1907 : Personne emportée, irascible, toujours prête à sauter sur vous comme un chat en colère. Expression méridionale.
Saute-foin
France, 1907 : Sauterelle des prés.
Saute-mouton
Delvau, 1866 : s. m. Jeu d’enfants qui consiste à sauter les uns par-dessus les autres. On dit aussi Faire un saute-mouton ou Jouer à saute-mouton.
Sauter
d’Hautel, 1808 : Faire sauter les miettes. Manger avec un grand appétit, avec avidité, mettre les morceaux doubles.
Reculer pour mieux sauter. Temporiser, éviter momentanément un malheur qu’on ne peut fuir, et dont tôt ou tard on doit être victime.
Cela le fera sauter au plancher, le fera sauter comme un crapaud. Pour exprimer le mécontentement que quelqu’un manifestera, en apprenant une nouvelle.
Faire sauter quelqu’un. Pour dire le supplanter, lui ravir son emploi, ou le bénéfice qu’il attendoit ; son salaire.
anon., 1827 : v. a. Voler.
anon., 1827 : v. n. Puer.
Bras-de-Fer, 1829 : v. a. Voler.
Bras-de-Fer, 1829 : v. n. Puer.
Vidocq, 1837 : v. a. — Cacher à ses camarades une partie du vol qui vient d’être commis. Lorsque les voleurs se disposent à commettre un vol d’une certaine importance, ceux d’entre eux qui doivent rester en gafe, c’est-à-dire veiller, afin que ceux qui opèrent ne soient pas inquiétés, doivent craindre que ceux qui entolent (qui entrent), ne gardent pour eux la plus grande partie des objets précieux ; aussi ils se fouillent mutuellement après la consommation du vol, quelquefois cependant des billets de banque, des pierres précieuses, cachés dans le collet d’un habit ou dans quelqu’autre lieu secret, échappent aux plus minutieuses recherches ; c’est ce que les voleurs appellent faire le Saut.
Un vol, indiqué par la femme de chambre, devait être commis dans une maison sise place des Italiens. ; les voleurs convinrent entre eux que pour que l’esgard ne fût pas fait, les vêtemens de tous les opérateurs seraient brûlés aussitôt après la consommation du vol, ce qui fut exécuté ; cependant un individu nommé Dubois, ancien marinier, esgara vingt billets de 1,000 francs, en les cachant dans sa queue.
On a vu souvent des Tireurs voler une montre d’or et ne passer au Coqueur qu’une montre de crisocal.
Halbert, 1849 : v. a. Voler.
Halbert, 1849 : v. n. Puer.
Larchey, 1865 : Cacher un produit de vol à ses complices. — Sauter à la capahut : Assassiner un complice pour enlever sa part (Vidocq). V. Capahuter, Pas.
Sauterelle : Puce (id.). — Ses sauts sont connus.
Delvau, 1866 : v. n. Cacher le produit d’un vol à ses complices, — dans l’argot des prisons. Sauter à la capahut. Assassiner un complice pour lui enlever son fade.
Rigaud, 1881 : Sentir mauvais.
France, 1907 : Coïter.
France, 1907 : Sentir mauvais, augmentatif de danser.
Sauter (faire)
Delvau, 1866 : Dérober, chiper et même Voler. Argot des faubouriens. D’où Faire sauter la coupe au jeu.
Sauter à la capahut
Vidocq, 1837 : Assassiner son complice pour lui enlever sa part de butin. L’origine de ce terme est assez curieuse. Un voleur, nommé Capahut, qui a désolé fort long-temps Paris et les environs, et qui a terminé sa carrière sur la place de l’Hôtel-de-Ville, avait l’habitude de ne jamais voyager qu’à cheval.
Lorsqu’il revenait du travail (de voler), et qu’il était accompagné d’un de ses complices, malheur à celui-ci si les partages étaient faits ; lorsque Capahut et son complice étaient arrivés dans un lieu écarté, le premier laissait tomber quelque chose sur la route, puis il piquait son cheval de manière à le faire caracoler, ce qui le mettait dans l’impossibilité de ramasser l’objet qu’il avait fait tomber ; son camarade se baissait pour lui éviter la peine de descendre de cheval, Capahut saisissait un pistolet, et son complice avait cessé de vivre ; l’assassin s’emparaît de tout ce qu’il avait sur lui ; puis, s’il en avait la possibilité, il jetait le corps dans la rivière.
Virmaître, 1894 : Tuer un complice pour ne pas lui donner sa part de vol. C’est un fait assez rare, car chez les voleurs il existe une sorte de probité que l’on ne trouve pas chez certains qui se disent honnêtes gens (Argot des voleurs).
Sauter à la perche
Delvau, 1866 : v. n. Ne pas savoir où manger, — dans l’argot des faubouriens, par allusion aux efforts souvent vains des singes de bateleurs pour atteindre les friandises placées à l’extrémité d’un bâton.
Virmaître, 1894 : Avoir très faim. En ce cas on est plus léger que de coutume et on peut sauter facilement. Synonyme de : je m’enlève (Argot du peuple). N.
Sauter la banque (faire)
Rigaud, 1881 : Gagner l’enjeu qui constitue la banque, soit au baccarat, soit à la roulette ou au trente-et-quarante ; c’est le rêve de tous les joueurs.
Sauter la cervelle au plafond (se faire)
Rigaud, 1881 : Se livrer à l’onanisme.
Sauter le bas-flanc
Rigaud, 1881 : Sauter le mur de la caserne pour aller passer la nuit en ville, — dans le jargon des régiments de cavalerie.
Sauter le caisson (se faire)
France, 1907 : Se brûler la cervelle.
On traîne de cabaret en cabaret, on lézarde à cœur de jour faute d’avoir de la besogne, et on ne peut plus trouver une minute de courage pour se faire sauter le caisson.
(Charles Mérouvel)
Sauter le fossé
France, 1907 : Se marier.
Sauter le pas
Delvau, 1866 : v. a. Faire faillite et, par extension, Mourir, — dans l’argot des bourgeois. Signifie aussi Faire banqueroute à la vertu, — en parlant d’une jeune fille qui se laisse séduire. On dit aussi La sauter.
Delvau, 1866 : v. a. Se décider à faire une chose, sans se préoccuper de ses conséquences. Argot du peuple.
La Rue, 1894 : Faire faillite. Mourir. Dire adieu à la vertu.
France, 1907 : Mourir.
Cadet Roussell’ ne mourra pas,
Car avant de sauter le pas,
On dit qu’il apprend l’orthographe
Pour fair’ lui-mêm’ son épitaphe,
Ah ! ah ! ah ! mais vraiment
Cadet Rousselle est bon enfant.
(Vieille chanson)
France, 1907 : Perdre sa virginité.
Le drôle ! En lui, tout criait sa victoire si difficilement remportée, et je lus clairement en ses prunelles gouailleuses tout ce qu’il pensait et n’osait dire : « Elle a sauté le pas, enfin, et demain, sinon aujourd’hui, c’est elle qui me harcèlera. Ses contusions, elle ne s’en ressentira plus bientôt, et quand les égratignures que je lui fis seront cicatrisées, elle me suppliera de lui en faire d’autres plus profondes. »
(Léon Cladel, La Juive errante)
Sauter le pas, faire le saut
Rigaud, 1881 : Faire faillite. — S’enfuir. — Mourir.
Sauter sur le casaquin
Rigaud, 1881 : Tomber à l’improviste à coups de poing sur quelqu’un.
Sauter, faire le saut
Rigaud, 1881 : Faire danser l’anse du panier au vol, — dans le jargon des voleurs. — S’approprier les droits d’auteur d’un vol fait en collaboration. — Filouter ; l’expression, prise dans ce dernier sens, date du XVIIe siècle. — Pour une jeune fille, faire le saut, c’est sauter à pieds joints sur la vertu, c’est prendre un amant ; allusion au saut de Leucade d’où s’élançaient les femmes tourmentées par l’amour.
Sauterelle
Vidocq, 1837 : s. f. — Puce.
Delvau, 1866 : s. f. Petite dame, — dans l’argot des gens de lettres qui ont emprunté ce mot à N. Roqueplan. C’est un des plus heureux qu’on ait inventés jusqu’ici pour désigner ces femmes maigres qui s’abattent chaque jour, par nuées, sur les boulevards, dont elles sont la plaie.
Delvau, 1866 : s. f. Puce, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : « On appelle ainsi (dans les magasins de nouveautés) les femmes qui font plier et déplier vingt ballots sans acheter. » (L. Noir.) — Exécuter une sauterelle, se débarrasser d’une femme qui n’a envie de rien acheter.
Rigaud, 1881 : Sauteuse. Puce.
Merlin, 1888 : Caleçon.
France, 1907 : Femme qui va dans les magasins, fait plier et déplier quantité de ballots sans rien acheter ; argot des commis de nouveautés. Exécuter une sauterelle, se débarrasser d’une façon quelconque de la dite cliente.
France, 1907 : Prostituée.
France, 1907 : Puce ; argot des voleurs.
Sauterelle dans la guitare (avoir une)
France, 1907 : Même sens qu’avoir une araignée dans le plafond, être un peu toqué.
Sauterie
Delvau, 1866 : s. f. Danse, — dans l’argot du peuple.
Sauteron
Rigaud, 1881 : Banquier, changeur, — dans le jargon des voleurs qui savent que certains banquiers, certains changeurs, exécutent des sauts prodigieux sur la route de Belgique.
Sauteronds, sauterolle, sauterondolles
France, 1907 : Banquier, changeur ; argot des voleurs.
Sentir mauvais
Delvau, 1866 : v. n. Devenir grave, sérieux ; se gâter, — en parlant des choses. Cela sent mauvais est une phrase de la même famille que Le torchon brûle.
Virmaître, 1894 : Quand un voleur est sur le point d’être pris, quand on éveille un condamné à mort pour sauter le pas, quand on est embarqué dans une sale affaire, cela sent mauvais (Argot du peuple). N.
Sorlot
Rigaud, 1881 : Soulier, — dans le jargon des voleurs. — Foutre un coup de sorlot dans le tabernacle à faire sauter le saint ciboire, donner un coup de pied dans le ventre à décrocher le cœur.
La Rue, 1894 : Soulier.
France, 1907 : Soulier ; argot des faubouriens, du vieux français solerot.
Ah ! nom de Dieu, v’là que tout r’commence.
L’Amour, y gonfle tous les cœurs,
D’après l’chi-chi des chroniqueurs :
Quand c’est qu’y m’gonflera… la panse ?
Quand c’est qui m’foutra eun’ pelure,
Eun’ liquette, un tub’, des sorlots.
Si qu’a fait peau neuv’ la Nature,
Moi, j’suis cor’ mis comme un salaud !
(Jehan Rictus)
Suisse (faire)
Larchey, 1865 : « Le soldat a le point d’honneur de ne jamais manger ou boire seul. Cette loi est tellement sacrée, que celui qui passerait pour la violer serait rejeté de la société militaire, et on dirait de lui : Il boit avec son suisse, et le mot est une proscription. » — Vidal, 1833.
Un soldat français ne doit pas faire suisse, ne boit jamais seul.
(La Bédollière)
Le premier exemple donne la clé du mot. Le soldat, n’ayant pas de suisse, ne peut boire avec lui, donc il boit seul. Cette ironie a dû être inventée pour rappeler quelque engagé de bonne compagnie aux règles de la fraternité.
Rigaud, 1881 : « Ce mot, à la caserne, équivaut à une injure indélébile. — Faire suisse, c’est vivre seul, mesquinement, sans relations amicales et sans appui ; c’est entasser son prêt, lésiner, thésauriser, s’imposer des privations volontaires ou dépenser sournoisement son argent loin des autres. » (A. Camus)
Merlin, 1888 : Dans le langage ordinaire, on dit soûl comme un Polonais et boire comme un Suisse ; dans l’argot militaire, faire Suisse veut dire boire seul.
La Rue, 1894 : Boire seul.
France, 1907 : Boire seul. Cette expression viendrait de l’habitude qu’avaient les Cent-Suisses au service des rois de France de manger isolément. Dans l’ancienne armée, l’on faisait sauter en couverte les soldats qui faisaient suisse.
Le capitaine. — T’as beau bien te conduire, je sens qui t’as pas l’esprit de corps… l’amour de l’armée ? C’est une famille, l’armée ! Suffit pas d’être irréprochable… faut l’aimer, et puis être fier d’en faire partie, sacrebleu ! Avoir l’air gai-z-et content. Or, je me rappelle qu’on ne te voit jamais fricoter avec tes camarades… tu ne vas pas à la cantine…., tu ne jures point… jamais de salle de police… tu ne ris pas souvent… tu ne te saoules pas… tu ne chantes pas les chansons de route… t’es tout le temps tout seul à faire suisse et bande à part dans les coins. Ah, çà ! Ah çà ! Et puis, par dessus le marché… le dimanche… quand tous gueulent pour avoir des permissions, toi seul t’en demandes pas ? Et quand je t’en donne, malgré toi, espèce de caillou, tu refuses ! Qu’est-ce qui m’a foutu un pareil phénomène ? J’aime pas ça, les phénomènes… j’en veux pas dans mon bataillon. Allons, réponds à l’ordre, et lève les yeux…
(Henri Lavedan)
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