Virmaître, 1894 : Faire le le niais, l’imbécile.
— Tu battras entiffe quand le quart te demandera comment tu as rousti la tocante à ta dabe (Argot des voleurs).
Battre entiffe
Casser la croustille
France, 1907 : Manger. Casser le cou à un chat, manger une gibelotte.
Croustillage
Virmaître, 1894 : Nourriture (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Nourriture.
Croustillant
d’Hautel, 1808 : Pour appétissant ; qui croque, qui fait plaisir à manger ; qui émeut les sens.
Virmaître, 1894 : Quelque chose qui croustille sous la dent. Pain appétissant, bien cuit. Jolie fille dont les appâts sont pleins de promesses. Un récit vif, animé, plein de situations égrillardes, est croustillant. Paul de Kock et Pigault Lebrun sont restés les maîtres du genre (Argot du peuple).
France, 1907 : Ce mot s’emploie dans plusieurs sens : un pain croustillant sous la dent ; une conversation, une anecdote croustillante ; une fille aux appas croustillants ; le tout stimulant, excitant l’appétit ou les appétits égrillards.
Croustille
d’Hautel, 1808 : Petite croûte de pain, brimborions
Rossignol, 1901 : Nourriture.
Hayard, 1907 : Aliments.
France, 1907 : Même sens que croustillage. L’heure de la croustille, c’est l’heure du repas.
Nous sommes un peu débordés, et si tous les camarades ne nous venaient pas en aide, nous serions dans l’impossibilité de continuer à assurer la croustille aux mômes et aux copains.
(Le Père Peinard)
Croustiller
d’Hautel, 1808 : Manger de petites croûtes, ou quelques friandises après le repas, afin d’être plus long-temps à table.
Rigaud, 1881 : Manger du pain sec. Avait jadis le sens de manger.
J’étais occupé
À croustiller là-bas le reste du soupé.
(Le Grand.)
La Rue, 1894 / Rossignol, 1901 / France, 1907 : Manger.
Croustilleusement
d’Hautel, 1808 : D’une manière bouffonne et plaisante.
Croustilleux, croustilleuse
d’Hautel, 1808 : Plaisant, drôle, enjoué, qui a l’humeur joviale ; douteux, chanceux, incertain.
Crouter
Virmaître, 1894 : Casser la croûte. Le matin, avant de commencer la journée et à quatre heures, les ouvriers mangent un morceau sur le pouce. Ils cassent une croûte. On dit aussi : l’heure de la croustille (Argot du peuple). N.
Croûter, croustiller
anon., 1907 : Manger.
Débourrer
d’Hautel, 1808 : Il commence à se débourrer. Pour il devient insensiblement plus civil ; il se familiarise avec le ton, les usages du monde et les bienséances sociales.
Delvau, 1866 : v. a. Déniaiser quelqu’un, — dans l’argot du peuple. Se débourrer. S’émanciper, se dégourdir.
Fustier, 1889 : Jargon des maquignons. Cheval débourré, cheval qui a perdu l’embonpoint factice qu’on lui avait donné pour le vendre.
Au bout de quelque temps, les fraudes se découvrent, l’embonpoint factice s’affaisse, les côtes reparaissent, et la bête est ce qu’on appelle débourrée…
(Siècle, 1867. Cité par Littré.)
Rossignol, 1901 : L’empereur n’y allait pas à cheval.
Hayard, 1907 : Aller aux water-closets.
France, 1907 : Déniaiser. Enlever la bourre d’innocence, dégrossir.
… Faites-nous des romans
Remplis de passions et de débordements ;
Qu’ils soient bien croustillants, gonflés de choses sales,
Détritus ramassés aux fanges de nos halles ;
Mettez-y des catins retroussant leur jupon…
Surtout des vieux paillards, au nez plein de roupilles,
Qui s’en vont débourrant toutes les jeunes filles.
(Barrillot, La Mascarade humaine)
Donner (la)
Rigaud, 1881 : Chanter, — dans l’argot des barrières. C’est-à-dire : donner de la voix. — Entends-tu comme le gossier la donne ? entends-tu comme le particulier chante ?
Rigaud, 1881 : Regarder, dans le jargon des voleurs. — Le roublard la donne sur nos fioles, l’agent regarde nos physionomies. — La donne souffle mal, le regard d’un tel n’est pas franc, locution employée par les voleurs lorsqu’ils se sentent devinés soit par un agent, soit par n’importe qui. — La donner sur la croustille, n’avoir que du pain à manger ; c’est-à-dire tomber sur le pain.
Fustier, 1889 : Penser, croire, juger. Argot des voyous.
La Rue, 1894 : Regarder. Le roublard la donne sur nos fioles. L’agent regarde nos visages. Signifie aussi comprendre.
France, 1907 : Regarder. Le « flic donne sur nos fioles. » La donner à la bourbonnaise, regarder d’un mauvais œil.
Faire grenouillard ou croustillant
France, 1907 : Peindre avec audace et brio.
Mastiquer
Delvau, 1866 : v. n. Manger, — dans l’argot du peuple en général, et en particulier des francs-maçons, qui se livrent à la mastication comme de simples profanes.
Rigaud, 1881 : « Cacher ingénieusement les avaries et les voies d’eau d’un soulier, au moyen d’un enduit spécial de graisse noire ou autre drogue équivalente. » (F. Mornand, La Vie de Paris)
Rigaud, 1881 : Manger ; c’est-à-dire se livrer à la mastication.
La Rue, 1894 : Manger.
France, 1907 : Manger. La fréquence des équivalents indique mieux que toutes les statistiques morales la place tenue par certaines passions et les besoins naturels. Nous avons déjà vu quelle place tenait dans les synonymes l’acte qui perpétue les espèces et celui au moyen duquel on s’abreuve, en voici pour le manger une légion : béquiller ; becqueter ; tortiller du bec ; bouffer ; boulotter ; briffer ; brouter ; chiquer ; casser la croustille ; se caler, se calfater le bec ; se coller quelque chose dans le fanal, dans le fusil, dans le tube ; chamailler des dents ; cacher ; se caresser l’angoulême ; clapoter ; croustiller ; charger pour la Guadeloupe ; déchirer la cartouche ; débrider la margoulette ; se l’envoyer ; engouler ; engueuler ; effacer ; friturer ; friper ; se faire le jabot ; gobichonner ; gonfler ; se graisser les balots ; jouer des badigoinces, des dominos, des osanores ; se lester la cale ; mettre de l’huile dans la lampe ; morfailler ; se mettre quelque chose dans le cadavre ; pitancher ; travailler pour Jules ; passer à la tortore ; tortorer, etc.
Papegot
France, 1907 : Individu soumis au pape, dévot, hypocrite ; altération du vieux français papegaut.
Allons, enfants de la croustille,
Le jour de boire est arrivé !
C’est pour nous que le boudin grille,
C’est pour nous qu’il est préparé.
Entendez-vous dans la cuisine
Bouillir les marmites, les pots ?
Ah ! ne serions-nous pas bien sots
Si nous leur faisions triste mine ?
À table, papegots ! Vidons tous ces flacons !
Buvons, buvons !
Qu’un nectar pur abreuve nos poumons !
(La Marseillaise des curés)
Plein le dos (en avoir)
France, 1907 : En être fatigué, en avoir assez comme quelqu’un qui porte sur son dos un poids trop lourd.
Qu’en ce monde vieillot
Requière encor Bulot,
Que, de l’État, Carnot
Gouverne le canot :
Sol, dont j’ai plein le dos,
Tu n’auras pas mes os !
À moi l’air libre ! Ergo,
Je pars pour Chicago !
(Paul Ferrier)
On dit aussi dans le même sens : en avoir son sac.
Sûr que j’en ai soupé du mac !
J’en ai plein l’dos, j’en ai mon sac !
On fout pus qu’nib à la Courtille.
Et faudrait que j’me r’paye un mec,
Que je l’fringu’, que j’y empâte l’bec,
Quand ej’ fais pas pour ma croustille ?
(Aristide Bruant)
Prolo
Fustier, 1889 : Prolétaire, ouvrier.
M. Jules Ferry qui est un riche bourgeois, confie aux gendarmes la garde de sa caisse et la surveillance des prolos.
(Journal de l’Instruction publique, 1882)
Virmaître, 1894 : Abréviation de prolétaire. Travailleur de n’importe quel métier qui n’a d’autres ressources que ses dix doigts pour vivre (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Prolétaire.
Plus on va, malgré que croisse continuellement le gaspillage, ce qui a pour résultat d’augmenter la production des objets de luxe, le nombre des prolos nécessaires pour suffire aux demandes va toujours diminuant.
Pauvre prolo, t’es pas bidard !
Tu as commencé par être esclave — c’est-à-dire bête de somme — propriété d’un maître ; tu as été ensuite serf de la terre ; aujourd’hui on t’a bombardé serf de l’usine et du capital et ton sort est toujours aussi pitoyable :
Pas de liberté et juste assez de croustille pour l’empêcher de crever !
(Le Père Peinard)
Raide
Delvau, 1866 : adj. Complètement gris, — parce que l’homme qui est dans cet état abject fait tous ses efforts pour que cela ne s’aperçoive pas, en se raidissant, en essayant de marcher droit et avec dignité. On dit aussi Raide comme la Justice.
Delvau, 1866 : adj. Invraisemblable, difficile à croire, — c’est-à-dire à avaler. Se dit à propos d’un Mot scabreux, d’une anecdote croustilleuse. La trouver raide. Être étonné ou offensé de quelque chose.
Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Rude.
Rigaud, 1881 : Eau-de-vie de qualité inférieure.
La Rue, 1894 : Eau-de-vie. Ivre. Sans argent. Difficile à croire. Faux rouleau d’or des voleurs à l’américaine.
France, 1907 : Brusquement, vivement.
— Si, dans un mois, nos bans ne sont pas publiés, je te lâche, toi, et raide !…
(Alfred Delvau, Le Fumier d’Ennius)
On dit aussi dans le même sens : raide comme balle.
Alors Clarinette écarquilla les yeux : elle n’aurait jamais cru cette souillon capable de ça : d’ailleurs, quant à elle, ça lui était bien égal : elle était sûre de Jacques. Si jamais il s’avisait de la tromper, elle le cocufierait raide comme balle.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
France, 1907 : Eau-de-vie.
— Donne-moi un verre.
— Du raide ?
— Tiens ! crois-tu donc qu’on m’a changé en rosière ?… Du tord-boyaux et du chenu… j’ai besoin d’avoir la dalle grattée pour avoir la voix plus claire.
(Jules de Gastyne, La Pièce d’or)
France, 1907 : Fort, choquant. En dire, en faire de raides.
Au dessert :
Un des invités parle d’une chanson grivoise, qui fait florès au quartier Latin.
— Oh ! Chantez-nous-la, dit comtesse de Santa-Grue.
— C’est impossible ; elle est vraiment trop raide.
— Eh bien ! reprend la comtesse, dites-nous seulement les paroles !
France, 1907 : Ivre. Raide comme la justice, absolument ivre.
Ces noceurs-là étaient raides comme la justice, et tendres comme des agneaux. Le vin leur sortait par les yeux.
(É. Zola, L’Assommoir)
H’u !… nom de Dieu ! ça va pas mieux ;
C’est c’bon Dieu d’hoquet qui m’tracasse ;
Ej’ vas m’payer eun’ demi d’vieux,
Ça me r’mettra le cœur à sa place,
Eun’ demi d’vieux… c’est pas r’fus,
Dame, ej’ suis raid’ comm’ l’obélisque,
Sûr, ej’ me raidirai pas pus.
H’u ! pis j’m’en fous, moi, qu’est-c’ que j’risque ?
(Aristide Bruant)
France, 1907 : Rouleau de fausses pièces, ou rouleau d’or dont se servent les escrocs dans le vol dit à l’américaine.
France, 1907 : Sans argent ; argot des grecs.
Refileurs de comète
France, 1907 : Vagabonds, gens sans asile.
Le jour où le populo aura soupé de crever la faim, ce jour-là il pourra s’arranger, sinon une vie tout plein heureuse, mais du moins exempte de toute incertitude du lendemain. Plus on va, plus c’est faisable ; à l’heure actuelle, c’est pas la croustille qui manque, — y a à bouffer pour tout le monde ! — Les piôles non plus ne font pas défaut. Y en a des vides et en assez grande quantité, pour y mettre à roupiller tous les refileurs de comète.
(Le Père Peinard)
Roulante
Halbert, 1849 : Charrette.
Rigaud, 1881 : Voiture. Tout ce qui roule, depuis la voiture à bras jusqu’au tramway, est une roulante pour le peuple.
Fustier, 1889 : Fille publique. On dit plus communément rouleuse.
France, 1907 : Charrette. Roulante du tombeau des vaches, voiture cellulaire, autrement dite panier à salade, omnibus des roustis, charrette aux bœufs.
France, 1907 : Prostituée.
Rousti
Rigaud, 1881 : Ruiné ; c’est-à-dire rôti, variante de cuit, flambé, fumé, fricassé.
France, 1907 : Pris, ruiné.
L’homme. — Salaud !
La femme. — Quoi donc ? Qu’est-ce qu’il y a ?
L’homme. — Il y a que nous sommes roustis, que nous sommes floués, que ce cochon-là nous a estampés comme un vieux sale juif qu’il est.
(Maurice Donnay, Les Affaires)
Roustir
Vidocq, 1837 : v. a. — Tromper.
Larchey, 1865 : « La plupart des banquistes, pour me servir de leurs expressions, ont un truc pour roustir les gonzes, c’est-à-dire une supercherie pour attraper les bonnes gens. »
(Avent. de J. Sharp, 1789)
Delvau, 1866 : v. a. Tromper, duper, — dans l’argot des voleurs. Signifie aussi Dévaliser.
Rigaud, 1881 : Tromper ; filouter.
La Rue, 1894 : Tromper. Dévaliser. Rousti, pris, perdu.
Virmaître, 1894 : Prendre, s’approprier le bien d’autrui. Être rousti : être pris (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Prendre, voler.
Il a voulu me roustir mon morlingue.
Hayard, 1907 : Prendre.
France, 1907 : Voler, escroquer, dévaliser.
À l’heure qu’il est, l’entonne est roustie.
(Mémoires de Vidocq)
Roustisseur
Larchey, 1865 : Voleur.
On accuse donc c’te pauvre fille d’être une roustisseuse et d’avoir fait sauter l’argenterie.
(Voizo, Chanson)
Delvau, 1866 : s. m. Voleur.
Rigaud, 1881 : Blagueur doublé d’un escroc. Parasite éhonté.
La Rue, 1894 : Voleur. Parasite.
France, 1907 : Voleur, trompeur ; emprunteur qui ne rend jamais.
Roustisseuse
Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Femme qui pique l’assiette chez des amies, qui emprunte de l’argent, des robes, qui vit aux crochets de ses amies.
France, 1907 : Dame ou demoiselle dépourvue de tout préjugé moral ; argot populaire.
Roustissure
Delvau, 1866 : s. f. Blague peu heureuse, rôle de peu d’importance, — dans l’argot des comédiens, qui sans doute ont voulu faire allusion au mot italien rostita, rôtie, maigre chose.
Delvau, 1866 : s. f. Escroquerie.
Rigaud, 1881 : Mauvaise plaisanterie. — Objet de nulle valeur. — Bout de rôle, — dans le jargon des acteurs.
La Rue, 1894 : Volerie. Chose valant peu ou rien.
Virmaître, 1894 : Mauvaise plaisanterie. A. D. Roustissure, dont par corruption on a fait roustenpanne, veut dire moins que rien (Argot du peuple). V. Rousselette.
France, 1907 : Chose sans valeur ; rôle insignifiant, dans l’argot des coulisses. Individu méprisable, basse prostituée ; argot faubourien.
— Il est à Mazas, pour les saletés de son maître… un comte !… La belle roustissure, vraiment !
(Dubut de Laforest, La Vierge du trottoir)
Trinquer
Fustier, 1889 : Ce verbe, qui, dans l’argot, a le sens propre de être battu, s’emploie aussi au figuré comme synonyme de : être malmené, être tancé.
Il faut que M. B… (qui a fortement trinqué dans cette séance) et les actionnaires résilient leurs baux.
(Intransigeant, sept. 1888)
La Rue, 1894 : Recevoir des coups. Être malmené.
Virmaître, 1894 : Boire en choquant son verre. Trinquer : recevoir une volée (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Recevoir des coups ou des réprimandes.
Hayard, 1907 : Être battu.
France, 1907 : Être battu, recevoir des horions.
— Ah ! tu cherches à me prendre mon amant de cœur et tu viens me faire des propositions malhonnêtes !… Assez, charogne… Hors d’ici ou tu vas trinquer.
(Dubut de Laforest)
France, 1907 : Être l’innocente victime.
C’est presque toujours ainsi que ça se pratique dans les tueries : des pauvres diables qui ont laissé passer l’insurrection sans se mettre pour ou contre, sont choppés par les réacs et fusillés ou assommés sans pitié.
On a vu ça après la Commune ; si on pouvait faire le calcul, on trouverait que parmi les 35.000 victimes de la Semaine Sanglante, la moitié au moins étaient restés chez eux.
Cela prouve que c’est un mauvais calcul de s’abriter sous un bonnet de coton, en temps de guerre civile : on trinque quand même ! Et on n’a pas la satisfaction d’être escoffié pour quelque chose.
(Le Père Peinard)
C’matin, en r’venant d’la corvée
Comm’ j’croustillais mon biscuit,
V’là qu’tout à coup dans la chambrée
Rentre l’adjudant qui me dit :
« Ousqu’il est donc l’margis d’semaine ?
— J’sais pas, que j’réponds, mon leut’nant,
— Sais pas, m’ferez deux jours pour la peine. »
Y a pas, c’est moi que j’trinque tout l’temps.
(Th. Ailllaud)
France, 1907 : Payer pour les autres.
Des fois, je reçois un’ lettre chargée
Avec une pièce de trois francs ;
Alors faut voir á la chambrée
Les copains m’fair’ des boniments,
Pis à la cantine on m’entraîne,
On boit des schnicks, des mazagrans,
Et l’on m’dit : À la tienne, Étienne !
Et pis c’est moi qui trinque tout l’temps.
(Th. Aillaud)
France, 1907 : Perdre.
— Le trèfle gagne. Trop petit, bibi, t’as mal maquillé ton outil. V’là celle qui perd. J’ai trinqué, c’est pas gai. V’là celle qui gagne. La v’là encore. Du carreau, c’est pour ton veau. Du cœur, c’est pour ta sœur. Et v’là la noire !
(Jean Richepin)
Truc
Vidocq, 1837 : s. f. — Une des diverses manières de voler, profession d’un voleur.
un détenu, 1846 : Tout faire. Homme à truc : métier.
Halbert, 1849 : Industrie quelconque.
Larchey, 1865 : Manière de voler (Vidocq). — Du vieux mot truche (V. Roquefort). — La truche était l’art d’exploiter la pitié des gens charitables.
Grand Coësre, dabusche des argotiers et des trucheurs le grand maître, vivent les enfants de la truche ! vivent les enfants de l’argot !
(Vidocq)
Cette juxtaposition de truche et de argot confirme notre pensée sur l’origine de ce dernier mot… Argot n’est qu’une forme d’argue : ruse, subtilité. — Au moyen âge, les mots truffe, trulle et trut avaient le même sens de finesse et d’imposture. Ce dernier, qui ne diffère pas beaucoup de truc, se trouve, dès le quatorzième siècle, dans une chronique rimée du duc de Bretagne, Jean IV (Lobineau, t. II, col.730) :
François prenoient trop divers noms Pour faire paour aux Bretons, Mais ils avoient plus de viel Trut Que vueille truie qui est en rut.
V. Roustir, Lem. Notre société a adapté le mot truc, au théâtre c’est la machine destinée à produire un changement à vue, les féeries sont des pièces à trucs, pour un auteur dramatique, le truc est la science des détails. On dit d’un écrivain qui file la scène avec difficulté, qu’il manque de truc.
Delvau, 1866 : s. m. Ficelle, secret du métier, — dans l’argot des saltimbanques. Débiner le truc. Révéler le secret d’un tour.
Delvau, 1866 : s. m. Machine destinée à produire un changement à vue, — dans l’argot des coulisses. Signifie aussi Entente des détails et de la mise en scène.
Delvau, 1866 : s. m. Tromperie ; malice, — dans l’argot du peuple. Avoir du truc. Avoir un caractère ingénieux. Connaître le truc. Connaître le secret d’une chose.
Le truc était, au commencement du XVIIIe siècle, un billard particulier, plus long que les autres, et pour y jouer proprement il fallait en connaître le secret.
Rigaud, 1881 : Commerce infime en plein air, petit trafic de toute sorte d’objets sans valeur.
Le gamin de Paris fait tous les petits commerces qu’on désigne sous l’appellation de trucs. C’est sa qualité native.
(Ménetier, Les Binettes des cafés-concerts)
Rigaud, 1881 : Machine servant à produire un changement à vue au théâtre. — Le changement à vue lui-même. Les féeries sont des pièces à truc.
Rigaud, 1881 : Métier, — dans l’argot des voleurs. — À la Cour des Miracles le truc était un genre de vol qui consistait à dépouiller celui dont on implorait la charité.
Rigaud, 1881 : Ruse, mensonge ingénieux.
Est-ce que je ne connais pas toutes les couleurs ? J’ai le truc de chaque commerce.
(Balzac, L’Illustre Gaudissart)
Son chef-d’œuvre est l’invention du truc à l’amour.
(Mémoires de Thérésa)
Ce farceur de Mes-Bottes avait eu le truc d’épouser une dame très décatie.
(É. Zola)
Boutmy, 1883 : s. m. Façon d’agir, bonne ou mauvaise ; plus souvent synonyme de ruse, de tromperie : Tu sais, mon vieux, je n’aime pas ces trucs-là. Usité aussi dans d’autres argots. Piger le truc, découvrir la ficelle, la ruse. Rebiffer au truc, recommencer une chose déjà faite, à manger et à boire, par exemple.
La Rue, 1894 : Métier. Ruse, tromperie. Secret d’un métier, d’un tour. Petit commerce. Racolage.
Virmaître, 1894 : Connaître le truc, être malin. Avoir du truc, avoir les moyens de réussir. Truc : machine de théâtre employée dans les féeries pour un changement de décors à vue. Truc : moyen secret que possède un individu de faire quelque chose (Argot des camelots et des saltimbanques).
Hayard, 1907 : Signifie n’importe quoi, comme fourbi.
France, 1907 : Tromperie, ficelle, ruse, secret de métier. On appelait autrefois truc une sorte de billard qu’il fallait étudier et dont il était nécessaire de connaitre le secret pour pouvoir y jouer avec avantage.
— Si jamais Monsieur avait besoin de moi… et de mon associé, nous serions bons, là, pour n’importe quelle besogne… — et nous avons pas mal de trucs dans notre sac… et des fameux… — Il ne s’agit que d’y mettre le prix. — Monsieur nous trouverait à ses ordres.
(Xavier de Montépin, Le Mariage de Léone)
Lorsqu’un de ses protecteurs lui fait une scène et parle de la lâcher, la petite Simonne de L…, qui n’est pas une sotte, a trouvé un bon truc.
Elle se couche, absolument nue, devant la porte de son boudoir, en s’écriant d’une voix dramatique :
— Avant de sortir d’ici, Monsieur, vous me passerez sur le corps.
Ça lui a toujours réussi.
(Le Diable amoureux)
Zanzib
France, 1907 : Abréviation de zanzibar, jeu de dés qui se joue sur le comptoir des marchands de vin.
Allons, viv’ment ! Va croustiller,
T’as une heur’ pour discutailler,
Lir’ ton journal et t’fair’ payer,
Au zanzib’, le coup d’l’étrier
Chez l’bistro q’tu veux engager.
(Paul Paillette, Tablettes d’un lézard)
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