France, 1907 : Descendre ; argot du Borda.
Apiquer un camarade, c’est décrocher le ruban de son hamac et le laisser ainsi prendre de lui-même la position verticale. S’apiquer en police, descendre à la salle de police.
Apiquer
Aspiquerie
Vidocq, 1837 : s. m. — Médisance, calomnie.
France, 1907 : Calomnie.
Asticoter
d’Hautel, 1808 : Contrarier, tracasser, tourmenter quelqu’un sur de petits détails ; chicaner sur la pointe d’une aiguille.
Delvau, 1866 : v. a. Harceler quelqu’un, le contrarier, le piquer par des injures ou seulement par des épigrammes, ce qui est le forcer à un mouvement vermiculaire désagréable. Argot du peuple.
France, 1907 : Harceler quelqu’un, l’ennuyer, le tracasser sans cesse.
La poésie de T… vous connaissez ça : le couplet graveleux qui dilate les faces niaises des Benjamins du parvis de la Bourse, le rondeau où le naturalisme est bafoué, où Zola et Daudet sont asticotés par cet animalcule. Pourtant, la chose paraît à la rampe. Sa stupéfiante bêtise, sa banalité hurlante navrent les honnêtes gens et ravissent le quantum de sots qui compose un public des premières.
(Henry Bauër, Les Grands Guignols)
Le gouvernement a tort de ne pas le ménager, ce public d’artistes qui ne fait pas de politique, et qu’on amène fatalement à en faire en l’asticotant, trois cent soixante-cinq jours par an, dans ses goûts, ses habitudes, dans sa soif du beau, sa faim d’indépendance, dans son adoration de l’idéal.
(Séverine, Gil Blas)
Bannière
d’Hautel, 1808 : Il faut la croix et la bannière pour l’avoir. Se dit de quelqu’un qui se fait beaucoup prier, qui fait le précieux et l’important, en un mot, qui se fait trop valoir ; ou de quelque chose que l’on ne peut se procurer qu’avec beaucoup de peines et de grandes difficultés.
Aller au-devant de quelqu’un avec la croix et la bannière. Signifie lui faire un grand accueil ; se piquer de cérémonies, mettre tout en l’air pour le recevoir.
Rigaud, 1881 : Chemise. Quand tu auras fini de te promener en bannière. On dit également : bannière volante.
Virmaître, 1894 : Sac. On dit de celui qui se promène en chemise : il se trimballe en bannière. Allusion aux pans de la chemise qui flottent au vent. On dit aussi : Se promener en panais (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Chemise.
Brocarder
d’Hautel, 1808 : Railler, persifler, tourner en ridicule ; piquer au vif.
Camp (ficher, foutre le)
France, 1907 : S’en aller. Piquer un romance au camp, dormir.
Camp des six bornes
Delvau, 1866 : s. m. Endroit du cimetière où les marbriers font leur sieste aux jours de grande chaleur. Piquer une romaine au camp. Dormir.
Rigaud, 1881 : Endroit d’un cimetière où les marbriers font la sieste aux jours de grande chaleur. (A. Delvau) Piquer une romance au camp, dormir. — Lever le camp, se réveiller et retourner au travail.
Carte (piquer la)
Rigaud, 1881 : Marquer d’un léger coup d’ongle, d’un signe microscopique les cartes dont on a besoin de se souvenir, et principalement les rois, à l’écarté… lorsqu’on veut corriger le sort et mériter le nom de grec. Ce système est bien démodé aujourd’hui, parce qu’il a été trop pratiqué jadis et qu’il est trop connu. Aux jeux de commerce, les grecs s’en tiennent au télégraphe, et, aux jeux de hasard, ils opèrent à l’aide de la portée.
France, 1907 : Marquer une carte pour la reconnaître. On dit aussi maquiller la carte.
Chien
d’Hautel, 1808 : Il est grand comme un chien assis. Se dit par exagération et en plaisantant, d’un bambin, d’un marmouzet, d’un homme très-petit de taille, qui a la prétention de vouloir paroitre grand.
C’est un chien dont il faut se méfier. Manière incivile de dire qu’un homme est fin, subtil et rusé.
Cela n’est pas si chien. Pour cela n’est pas si mauvais ; se dit de toute chose friande et qui flatte le goût.
Faire le chien couchant. Flatter, carresser bassement quelqu’un, se soumettre à tous ses caprices, à toutes ses volontés.
Qui aime Bertrand, aime son chien. Voyez Aimer.
Chien hargneux a toujours l’oreille arrachée. Signifie qu’un homme querelleur s’attire sans cesse de mauvais traitemens.
Tu n’es pas chien. Expression basse et ignoble qui se dit à un égoïste, à un homme injuste, qui blesse les intérêts d’autrui pour satisfaire les siens propres.
C’est un mauvais chien. Grossièreté qui équivaut à c’est un méchant homme.
C’est un vrai chien de port. Pour c’est un rustre, un grossier personnage, comme le sont ordinairement les gens qui travaillent sur les ports.
Il m’a reçu comme un chien dans un jeu de quilles. Métaphore qui sert à exprimer le mauvais accueil que l’on a reçu de quelqu’un qu’on alloit visiter, consulter ou solliciter. On dit aussi d’un homme indiscret et importun qui vient dans une société sans y avoir été invité, qu’Il vient comme un chien dans un jeu de quilles.
Il mourroit plutôt un bon chien de berger. Se dit méchamment et injurieusement d’une personne dont on désiroit la mort, et qui est revenue de quelque maladie dangereuse.
Un bon os ne tombe jamais d’un bon chien. Signifie qu’un bon mari a rarement une bonne femme, et une bonne femme un bon mari ; et par extension, que la fortune, le bonheur, ne favori sent jamais ceux qui méritent d’être heureux.
Il fait comme les grands chiens, il veut pisser contre les murs. Locution basse et figurée, qui signifie qu’un homme se couvre de ridicule, en prenant des tons au-dessus de sa fortune et de sa condition, et généralement en entreprenant des choses qui surpassent ses moyens et ses forces.
On dit des gens vicieux, et qui ne peuvent se corriger, qu’Ils sont comme les chiens, qu’ils retournent à leurs vomissemens.
Être comme un chien à l’attache. Être retenu par un travail obligatoire et continuel.
Les coups de bâton sont pour les chiens. Réponse que l’on fait ordinairement à ceux qui vous menacent du bâton.
Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il est enragé. Signifie que lorsqu’on veut se débarrasser de quelqu’un, on lui cherche toute sorte de querelle.
On dit d’un écervelé, d’un homme qui court d’une manière extravagante, qu’Il court comme un chien fou.
Un bon chien n’aboie point faux. Signifie qu’un homme habile ne fait jamais de fausses démarches.
Il est fou comme un jeune chien. Comparaison peu honnête, pour dire que quelqu’un est d’une humeur très-folâtre.
Un chien regarde bien un évêque, je peux bien regarder une bête comme toi. Répartie brusque et injurieuse que l’on fait à un homme vain et glorieux qui se fâche de la liberté que l’on prend, de le regarder, de le fixer.
Il ne faut pas se moquer des chiens, qu’on ne soit hors du village. Pour, il ne faut pas choquer quelqu’un dans un lieu où il peut nous nuire.
Jeter un os à la gueule d’un chien, pour le faire taire. Faire un présent à quelqu’un pour l’empêcher de divulguer les secrets d’une affaire.
On dit d’un homme avide qui défend bien ses intérêts dans une affaire, qu’Il n’en jette pas sa part aux chiens.
Chien en vie vaut mieux que lion mort. Pour, il vaut mieux vivre en lâche que mourir en brave. Voy. Lion.
Abandonner quelqu’un comme un pauvre chien. Le laisser dans la misère, ne point le secourir.
Il est comme le chien du jardinier, il ne mange point de choux, et ne veut pas que les autres en mangent. Se dit d’un égoïste, d’un homme envieux des moindres succès.
Mener une vie de chien. Vivre dans la débauche et le libertinage ; dans une dissipation honteuse.
Chien noyé. Terme bas et injurieux que les femmes de la Halle appliquent à un homme, dans un débordement de colère.
Il n’est chasse que de vieux chiens. Signifie que pour les conseils, il faut avoir recours aux vieillards, qui ont reçu les leçons de l’expérience.
Rompre les chiens. Interrompre une conversation dont les suites pourroient être fâcheuses.
Entre chien et loup. Pour dire, à la brune, entre le jour et la nuit.
Tandis que le chien pisse, le loup s’enfuit. C’est-à-dire que l’occasion échappe, si l’on n’est habile à en profiter.
Droit comme la jambe d’un chien. Se dit par dérision d’une jambe, torse et mal faite.
Las comme un chien. Pour dire, très-fatigué. Comparaison dont l’ellipse est un peu forte ; car on ne sait pourquoi le chien dont on parle doit être fatigué, rien n’annonçant qu’il ait pris de mouvement.
Il vit comme un chien. Se dit par mépris d’un homme qui ne remplit aucun des devoirs de sa religion.
Vous pouvez entrer, nos chiens sont liés. Se dit pour encourager des gens timides.
Il est comme le chien de Jean de Nivelle, il s’enfuit quand on l’appelle. Voy. Appeler.
Si vous n’avez pas d’autre sifflet, votre chien est perdu. Se dit à ceux qui se sont fourrés dans une mauvaise affaire, et qui emploient des moyens inefficaces pour s’en retirer.
Ils s’aiment comme chiens et chats. Se dit d’un ménage où l’homme et la femme sont continuellement en querelle.
C’est St.-Roch et son chien. Se dit par raillerie de deux personnes qui vivent dans une grande familiarité ; qui sont inséparables.
C’est un chien au grand collier. Se dit d’une personne qui a de grandes prérogatives dans une maison ; qui y fait la pluie et le beau temps.
Faire un train de chien. Gronder, crier, s’emporter contre quelqu’un.
Un bruit de chien ; une querelle de chien. Un bruit qui dégénère en vacarme ; une querelle qui prend une mauvaise fin.
C’est un bon chien, s’il vouloit mordre. Se dit d’un homme dont les apparences sont favorables, mais trompeuses.
On appelle vulgairement l’eau-de-vie du sacré chien tout pur.
Halbert, 1849 : Secrétaire.
Larchey, 1865 : « Le chef est chien ou bon enfant. Le chien est dur, exigeant, tracassier, méticulier. » — Balzac.
Larchey, 1865 : Avare. — Horace (I. II, sat. 2) emploie le mot canis pour signifier avare.
Chien : Égoïste, homme injuste, qui blesse les intérêts d’autrui.
(d’Hautel, 1808)
N’être pas chien en affaires : Aller grandement, sans chicane.
Larchey, 1865 : Compagnon.
Tu passeras renard ou aspirant, après ça tu deviendras chien ou compagnon.
(Biéville)
Larchey, 1865 : Mot d’amitié. V. Chat.
Delvau, 1866 : s. et adj. Tracassier, méticuleux, avare, exigeant, — dans l’argot du peuple, qui se plaît à calomnier « l’ami de l’homme ». C’est l’expression anglaise : Dog-bolt. Vieux chien. Vieux farceur, — sly dog, disent nos voisins.
Delvau, 1866 : s. m. Caprice de cœur, — dans l’argot des petites dames. Avoir un chien pour un homme. Être folle de lui.
Delvau, 1866 : s. m. Compagnon, — dans l’argot des ouvriers affiliés au Compagnonnage.
Delvau, 1866 : s. m. Entrain, verve, originalité, — dans l’argot des gens de lettres et des artistes ; bagou, impertinence, désinvolture immorale, — dans l’argot des petites dames.
Rigaud, 1881 : Avare.
Dis donc, petite sœur ; il est rien chien ton m’sieur : y m’ prend un cigare et du feu et y m’ donne que deux ronds.
(A. Tauzin, Croquis parisiens)
Rigaud, 1881 : Compagnon du devoir, en terme de compagnonnage.
Rigaud, 1881 : Homme dur, exigeant ; s’emploie principalement en parlant d’un supérieur, — dans le jargon des employés. — Sévère, — dans le jargon des collégiens.
Notre pion est diablement chien.
(Albanès, Mystères du collège, 1845)
Rigaud, 1881 : Lettre tombée sous la forme. — dans le jargon des typographes.
Boutmy, 1883 : s. m. Lettre tombée d’une forme ou qui se trouve sur le marbre au moment où l’on y dépose un châssis. Le chien fait lever le texte quand on desserre, en sorte qu’il est impossible de taquer sans écraser le caractère.
La Rue, 1894 : Galbe, élégance, mordant, chic. Eau-de-vie.
France, 1907 : Ce mot à nombre de significations. Il signifie avare, et cet argot a des lettres de noblesse, car il remonte à Horace : « Il est un homme qui porte et qui mérite le surnom de chien, dit-il, c’est Avidiénus ; des olives, vieilles de cinq ans, et des cornouilles sauvages composent son repas. Il attend que son vin soit tourné pour le verser eu libations ; l’odeur de l’huile qu’il emploie vous causerait un insurmontable dégoût… »
Chien veut dire aussi tracassier, méticuleux, exigeant. Il s’emploie au féminin :
Pour comble, Mlle la doctoresse était chiche de congés, chienne en diable, n’osait jamais accorder plus de deux jours à la fois, plus chienne que tous les docteurs qui avaient passé par l’administration : un truc de cette chipie pour se faire bien venir en haut lieu sûremment !
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
Avoir du chien, c’est avoir de l’originalité, du cachet. Avoir un chien, c’est avoir un caprice pour un homme. Faire du chien, faire un ouvrage payé d’avance ; argot des ouvriers. Faire le chien, suivre Madame avec un panier. Piquer un chien, dormir pendant la journée.
Cingler le blaire (se)
Virmaître, 1894 : Se saouler. Se piquer le nez (Argot du peuple).
Coffre
d’Hautel, 1808 : Coffres à avoine. Au propre, se dit des chevaux ; et, au figuré, des hommes qui mangent d’une manière extraordinaire.
Si elle n’est pas jolie, elle est belle au coffre. Se dit d’une fille qui n’a que la richesse pour tout apanage.
Raisonner comme un coffre. Faire preuve de peu de jugement.
Rire comme un coffre. Rire à gorge déployée.
Piquer le coffre. Attendre long-temps dans l’antichambre d’un prince, d’un grand ; c’est ce que l’on appelle plus communément planter le piquet.
Il s’y entend comme à faire un coffre. Pour, il n’en a aucune teinture ; il ne connoit rien à ce qu’il entreprend.
Coffre. Pour dire le ventre.
Il a un bon coffre. Pour, il a un ventre à la maître d’hôtel.
Delvau, 1866 : s. m. La poitrine, — dans l’argot du peuple, qui a l’honneur de se rencontrer pour ce mot avec Saint-Simon. Avoir le coffre bon. Se bien porter physiquement.
France, 1907 : Corps, estomac. Avoir bon coffre, être fort, avoir un bon estomac.
Cribler à la grive
Halbert, 1849 : Crier, avertir de prendre garde.
Virmaître, 1894 : Crier à la garde. Appeler au secours (Argot des voleurs).
France, 1907 : Crier à la garde.
Par contretemps, ma largue,
Voulant s’piquer d’honneur,
Craignant que je la nargue,
Moi qui n’suis pas taffeur
Pour gonfler ses balades
En caque dans un’ rade,
Sert sigues à foison.
On la crible à la grive,
Je m’la donne et m’esquive :
Elle est paumé’ marron.
(Vidocq)
Débagouliner
Rigaud, 1881 : Raconter avec volubilité tout ce qu’on a sur le cœur. — Se répandre en injures, injurier avec bagou. C’est une variante de débagouler.
France, 1907 : Parler à profusion, pérorer en public.
Le tambour, un vieil abruti qui ne rate jamais une occase de se piquer le nez, va d’un roulement : mossieu le maire débagouline un pallas patriotocard ; ensuite, tambour battant, on déboule à la gare prochaine.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
Désert
France, 1907 : On appelle ainsi, dans l’argot de l’École Polytechnique, un coin de la salle d’études qui échappe au regard du surveillant.
C’est là que se réfugie l’élève qui veut griller une « sèche », c’est-à-dire fumer tranquillement une cigarette sans être vu ; c’est dans le désert qu’on s’allonge sur un lit confectionné à l’aide des cartons à dessin, cherchant dans le sommeil l’oubli momentané des intégrales et de l’arche biaise ; c’est encore là qu’on va piquer le bouquin, c’est-à-dire lire le journal où le roman nouveau, faire un mort ou cuisiner le chocolat du matin.
(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)
Il existe dans chaque salle,
Dans l’coin en entrant, un désert.
C’est là que l’cuisinier s’installe,
Car de cuisine je lui sers.
L’gaz descend par un tub’ flexible,
Depuis le « rosto » jusqu’au fond’ment d’un brûleur,
Er j’rends la marmite invisible
Pour les regards inquisiteurs.
Ça va bien, ça va bien !
Ça va bien, ça va bien !
Grâce à moi, le capitaine
Qui dans le corri s’promène,
Ne s’apercevra de rien.
(J. Dreyfus et Onillon, 1882)
Dragée
d’Hautel, 1808 : Il a reçu la dragée. Locution méchante et railleuse, en parlant d’une personne qui a été atteinte d’une balle, qui a été blessée dans une affaire.
Il a avalé la dragée. Se dit d’une personne à laquelle on a joué quelque tour, sans qu’elle s’en apperçut ; qui est tombée dans le piège qu’on lui tendoit.
Écarter la dragée. Laisser échapper, en parlant à quelqu’un, quelques petites parties de salive ; ce qui est fort désagréable pour celui qui en est atteint.
Larchey, 1865 : Balle. — Allusion à la forme.
Il a reçu la dragée : Il a été atteint d’une balle.
(d’Hautel, 1808)
Delvau, 1866 : s. f. Balle, — dans l’argot des troupiers. Recevoir une dragée. Être atteint d’une balle. On dit aussi Gober la dragée.
Rigaud, 1881 : Balle, — dans le jargon des troupiers. Des dragées qu’on distribue aux baptêmes de feu.
Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voyous. Se piquer la dragée, se griser.
Y li a foutu un va-te-laver sur le mufle qui lui a escarbouillé la dragée et dévissé trois dominos.
Merlin, 1888 : Balle.
France, 1907 : Balle.Gober une dragée, recevoir une balle.
Étrangère (piquer l’)
Larchey, 1865 : Penser à des choses étrangères à celles qui doivent occuper.
Il en est qui ne se font point scrupule de piquer l’étrangère, bouquiner, piquer un chien, c’est-à-dire rêver pendant les classes, lire des livres interlopes ou se pelotonner dans un coin pour dormir.
(La Bédollière)
Rigaud, 1881 : Protester, les armes à la main, contre le livre du docteur Tissot, — dans le jargon des collégiens.
Étrangère (piquer une)
France, 1907 : Être distrait, avoir la pensée ailleurs qu’à la chose présente.
Faire cuire son homard
Delvau, 1866 : v. a. Rougir d’émotion ou d’autre chose, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Faire cuire son écrevisse.
Virmaître, 1894 : Rougir subitement. Synonyme de piquer son fard (Argot du peuple).
France, 1907 : Rougir.
Fard
d’Hautel, 1808 : Le jaune est le fard des brunes. Pour dire que cette couleur convient à leur teint, et les pare agréablement.
Un homme sans fard. Homme franc et sans détour.
Delvau, 1866 : s. m. Mensonge, broderie ajoutée à un récit, — dans l’argot du peuple. Sans fard. De bonne foi.
Delvau, 1866 : s. m. Rougeur naturelle du visage. Avoir un coup de fard. Rougir subitement, sous le coup d’une émotion ou de l’ébriété.
France, 1907 : Mensonge.
France, 1907 : Rougeur. Piquer un fard, avoir un coup de fard, rougir.
Filasse
d’Hautel, 1808 : C’est comme de la filasse. Se dit d’une viande dure et filandreuse.
Vidocq, 1837 : s. m. — Cheveux.
Larchey, 1865 : Chevelure blonde (Vidocq). — Filasse : Matelas. On y trouve souvent plus de filasse que de crins. — Piquer une tête dans la filasse : Dormir.
Delvau, 1866 : s. f. Cheveux trop blonds, — dans l’argot des faubouriens. Saint-Simon a employé cette expression à propos des cheveux de la duchesse d’Harcourt, et, avant Saint-Simon, le poète Rutebeuf.
Au deable soit tel filace,
Fet li vallés, comme la vostre !
Delvau, 1866 : s. f. Matelas, et même lit, — dans l’argot des faubouriens. Se fourrer dans la filasse. Se mettre au lit.
Rigaud, 1881 : Morceau de bœuf bouilli. — La variante est : Balle élastique.
France, 1907 : Matelas, lit. Faire une tête dans la filasse, se mettre au lit.
Grande vie (mener la)
France, 1907 : Mener la grande viee : être exagérément millionnaire ; trouver spirituel de conduire, pour de l’argent, des inconnus en mail-coach ; se piquer de donner le ton à la mode dont on est l’esclave ; porter des cols surprenants, des gilets sans rivaux, des gants inouïs ; saluer avec des mouvements secs qui font honneur à Vaucanson ; avoir des dettes dont les créanciers s’honorent, des maîtresses que des écuyers de cirque vous disputent, être idiot triomphalement et ne pas faire autre chose si ce n’est « faire courir » ; puis, de temps en temps, courir soi-même jusqu’à Monte-Carlo pour se reculer, voilà à peu près toutes les noblesses de la grande vie !
Guerluchon
France, 1907 : Amant de cœur d’une femme galante. C’est à tort que quelques écrivains, entre autres Henry Bauer, emploient cette expression au lieu de greluchon. Voir ce mot.
Le guerluchon n’appartient pas toujours à la dernière classe de la société ; ce n’est pas toujours un cocher ou un palefrenier, c’est parfois même un homme du meilleur monde, aux grandes manières, à l’allure pleine de distinction ; seulement ce qui l’auréole aux yeux de la dame, c’est son absence complète de fonds : c’est un pique-assiette mondain, qui va piquer jusque dans… l’assiette de l’amour, aux frais des autres ; en un mot, il ne casque pas ! Ce guerluchon-là finit souvent par un mariage d’amour avec une rôtisseuse de balais hors d’âge.
(Jules Davray, L’Armée du Vice)
Gueulée
Delvau, 1866 : s. f. Repas. Chercher la gueulée. Piquer l’assiette. Signifie aussi une grosse bouchée.
France, 1907 : Repas.
Hippiquer (s’)
France, 1907 : Voici un mot qui devrait entrer dans la langue, car il remplace à lui seul quantité de périphrases pour dire se tenir bien à cheval. Il est d’Édouard Cavailhou qui, dans un dîner chez M. Paul Chirey, le sportsman bien connu, à improvisé une chanson de circonstance intitulée : Qui s’y frotte s’hippique, dont voici le premier couplet et le refrain :
Si vous voulez, de par la vie,
Gagner bonne position,
Livrez-vous à la folle orgie
De l’ardente équitation.
Au début, la jambe se gerce
Et l’on souffre dans ses dessous,
Mais une volupté vous berce,
Vous chatouille, Vrai Dieu ! c’est doux.
L’on trouve une caresse
Au galop.
L’on n’a de celte ivresse
Jamais trop.
Qui s’y frotte s’hippique,
Eyohé !
Irait-on en bourrique ?
C’est forcé !
Laïus
Larchey, 1865 : Discours.
Dans le dialecte de l’École polytechnique, tout discours est un laïus, depuis la création du cours de composition française en 1804. L’époux de Jocaste, sujet du premier morceau oratoire traité par les élèves, a donné son nom au genre. Les députés à la Chambre, les avocats au barreau, les journalistes dans les premiers-Paris, piquent des laïus.
(La Bédollière)
Pour les officiers sortant de Saint-Cyr, le laïus est un broutta, du nom d’un professeur de l’École, doué d’une certaine facilite d’élocution. Ce qui a fait le verbe broutasser et le substantif broutasseur.
(De Vauvineux)
Delvau, 1866 : s. m. Discours quelconque, — dans l’argot des Polytechniciens, chez qui ce mot est de tradition depuis 1804, époque de la création du cours de composition française, parce que le sujet du premier morceau oratoire à traiter par les élèves avait été l’époux de Jocaste. Piquer un Laïus. Prononcer un discours. Les Saint-Cyriens, eux, disent Brouta (du nom d’un professeur de l’École), broutasser et broutasseur.
France, 1907 : Composition française et, par extension, discours ; argot des Écoles militaires, Polytechnique, Saint-Cyr, La Flèche.
Cette locution vient — disent MM. Albert Lévy et G. Pinet — de la fidélité rare avec laquelle le professeur de littérature Arnault revenait souvent sur Œdipe et sur les malheurs de Laïus, roi de Thèbes. « Allons, bon ! se disait-on, aussitôt que la leçon commençait, roulant toujours sur les tragédies grecques, voilà le Laïus qui recommence. » Et le mot est resté.
Arnault, de l’Académie française, occupait la chaire de littérature à l’École polytechnique, de 1830 à 1834. Le mot ne date donc pas de 1804, comme l’écrivait de La Bédollière.
Ce qu’il marmotte entre ses dents, c’est le petit laïus qu’il a pignoché la veille et qu’il appris par cœur. Mais, comme le brave homme a la mémoire rebelle, il a eu soin de transcrire ledit laïus et, de temps en temps, il tire de sa poche on morceau de papier qu’il examine attentivement.
(La Nation)
Faire un discours, c’est pousser ou piquer un laïus.
Pour mes adieux au fauteuil présidentiel, n’est-il pas convenable que je leur pousse aussi mon petit laïus, à mes chers « pays » ? Que pourrais-je bien leur raconter ?
(Le Journal)
Les députés à la Chambre, les avocats au barreau, les journalistes dans les premiers-Paris, piquent leur laïus.
(Émile de La Bédollière)
Lèche
France, 1907 : Flatterie. Piquer une lèche, flatter.
Maculature (attraper une)
Rigaud, 1881 : Se griser, — dans le jargon des ouvriers pressiers.
France, 1907 : S’enivrer. Les synonymes sont nombreux, ce qui indique la fréquence du vice. En voici les principaux : s’allumer, se cingler le blair, se cardinaliser, se coller une biture, se coaguler, se culotter, s’empoivrer, s’empaffer, écraser un grain, s’émerillonner, s’émécher, s’enluminer, se flanquer une culotte, faire cracher ses soupapes, se farder, se foncer, mettre son nez dans le bleu, partir pour la gloire, se poisser, se pocharder, prendre une barbe, se piquer le nez, se piquer le tasseau, se schniquer, se tuiler, etc.
Mireur
Rigaud, 1881 : Espion, observateur, — dans le jargon des voyous. — Quand ils auront fini de se ballader, tous ces mireurs !
France, 1907 : Employé aux caves des Halles pour y inspecter les provisions.
Deux cents becs de gaz éclairent ces caves gigantesques, où l’on rencontre diverses industries spéciales… Les mireurs qui passent à la chandelle une délicate révision des sujets ; les « préparateurs de fromages » qui font jaunir le chester, pleurer le gruyère, couler le brie, ou piquer le roquefort…
(E. Frébault)
Morphinomanie
France, 1907 : Manie de se piquer à la morphine. Le mot est nouveau comme la chose ; et comme tout ce qui est nouveau, la morphinomanie a pris une extension considérable en peu d’années. Voici une statistique qui montre la diffusion énorme de cette manie toxique, suivant les professions, représentant le nombre des morphinomanes pour 100 dans tous les pays :
Médecins. 40 ; femmes de médecins, 10 ; femmes galantes, 14 ; ouvrières, 13 ; ouvriers, 6 ; négociants, 8 ; militaires, 7 ; pharmaciens, 3 ; étudiants en médecine, 3 ; employés, 3 ; étudiants en droit, 2 ; hommes de lettres, 0.7 ; avocats, 1,07 ; prêtres, 0,3 ; hommes politiques, 0,4 ; artistes, 0,9 ; professeurs, 0,4 ; religieuses, 11 ; infirmières, 2 ; artistes femmes, 1.4 ; jeunes filles, 0,5 ; sages-femmes, 0,5 ; femmes d’officiers, 1,1 ; femmes de négociants, 3,4. Sans profession : hommes, 15,5 ; femmes, 43,1. Les chiffres ont été établis sur 630 hommes et 350 femmes.
Ainsi, les personnes qui se morphinisent le plus, ce sont d’abord les femmes riches sans profession, ensuite les médecins. Les médecins, 40 pour 100, c’est effrayant ! Ils sout bien placés pour abuser de la morphine.
Motif
Delvau, 1866 : s. m. Sujet de paysage, — dans l’argot des artistes.
France, 1907 : Sujet de paysage, de tableau ; argot des peintres.
Par un reste d’habitudes anciennes, quand il allait dans la campagne, il emportait toujours son chevalet, sa boîte à couleurs, une toile et un pliant. Il choisissait un motif, s’asseyait sur le pliant, bourrait sa pipe, se gardait, comme d’un crime, d’ouvrir sa boîte ou de piquer son chevalet dans la terre, et là durant des heures, il regardait… Il regardait les choses, non de cet œil bridé et clignotant qu’ont les peintres, mais de l’œil panthéiste des bêtes, au repos, dans les prairies.
(Octave Mirbeau)
Mouche
d’Hautel, 1808 : Faire d’une mouche un éléphant. Faire du bruit pour rien, faire passer quelque chose de néant pour une merveille.
Faire querelle sur un pied de mouche. Intenter un procès pour une bagatelle, pour la moindre des choses.
Il est bien tendre aux mouches. Signifie, il est sensible aux moindres incommodités, il se choque de peu de chose.
Dru comme mouche. Pour dire, tout un coup, tout à-la-fois.
Il ne faut qu’une mouche pour l’amuser. Se dit d’une personne oiseuse, d’un domestique musard.
Prendre la mouche. Se piquer, se choquer, être d’une grande susceptibilité.
Fine mouche. On appelle ainsi une personne artificieuse, fine, et rusée.
Quelle mouche vous pique ? Pour, qui a pu vous offenser, vous irriter, vous mettre en colère ?
Sentir des mouches, Se dit d’une femme enceinte que les premières atteintes du mal d’enfant tourmentent.
Halbert, 1849 : Vilain.
Larchey, 1865 : « Mouche, pour ceux qui ne comprendraient pas le langage parisien, signifie mauvais. » — Troubat. — Un volume intitulé les Mystères des théâtres, par un vieux comparse, publié en 1844, donne mouche dans le même sens. V. Toc.
Delvau, 1866 : adj. des deux g. Mauvais, laid, désagréable, embêtant comme une mouche, — dans l’argot des faubouriens.
Delvau, 1866 : s. f. Agent de police, — en général et en particulier.
Delvau, 1866 : s. f. Mousseline, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Agent de police.
Fustier, 1889 : On désigne ainsi à Paris les bateaux à vapeur qui font sur la Seine un service de transport à l’usage des voyageurs.
Malgré… les chiens et les chevaux qu’on baigne… les bateaux qu’on décharge, les mouches qui passent en fouettant l’eau de leurs ailes et en la troublant de leur fumée, la Seine largement engraissée par les détritus de la grande ville abonde en poissons.
(Bernadille)
On désigne aussi ces bateaux sous le nom d’hirondelles.
La Rue, 1894 : Mousseline. Mauvais. Laid.
Virmaître, 1894 : Laid, bête, ridicule.
— Elle est rien mouche, la môme à Poil-aux-pattes (Argot du peuple).
France, 1907 : Mauvais, vilain. Abréviation de mouchique.
France, 1907 : Petite rondelle de taffetas noir que les femmes se collaient autrefois sur le visage et même ailleurs pour rehausser la blancheur de leur teint. Voici, à titre de curiosité, le langage des mouches à l’usage des coquettes : « La femme passionnée ou qui veut paraître telle place sa mouche au coin de l’œil ; celle qui vise à la majesté la colle au milieu du front ; l’énjouée, sur le bord de la fossette formée par la joue quand on rit ; la galante, au milieu de la joue ; la sentimentale, au coin de la bouche ; la gaillarde, sur le nez ; la coquette, sur les lèvres : la discrète, au-dessous de la lèvre inférieure, vers le menton. »
France, 1907 : Petite touffe de poils sous la lèvre inférieure.
France, 1907 : Police, policier.
On a été chercher lien loin l’origine de mouche et mouchard, jusqu’à l’attribuer à un certain Mouchy qui remplissait le métier d’agent secret du cardinal de Lorraine, tandis qu’ils viennent tout simplement de l’insupportable insecte dont nous avons tous eu à souffrir. C’est, dit avec raison Charles Nisard, son impudence et son importunité qui ont fait appeler mouchards les curieux, les effrontés qui se fourrent partout, mettent le nez dans tout, et qui, sans s’arrêter à l’épiderme, vont droit aux nerfs de leur victime et la tuent moralement. D’où naturellement ces noms furent donnés à la police les mots mouche, moucher (espion, espionner) sont, observe Ch. Ferrand, très anciens dans notre langue. Le peuple en a fait mouchard, moucharder, par la simple raison que la terminaison ard implique chez nous un sens défavorable, comme on le voit par les mots bavard, vantard, cafard, soudard, pleurard, pendard, communard, etc.
— Oui, oui, il est de la mouche, gare aux coups de casserole.
(Félix Remo, La Tombeuse)
Il vit un espion qui le regardait faire ;
Il fuit ; l’autre le suit de carfour en carfour.
Ils arrivent enfin proche un certain détour ;
Alors, se retournant, l’impatient Cartouche
De la bonne façon rosse la pauvre mouche,
Et, rempli de colère, il l’étrille à souhait.
(Nicolas de Grandval, Le Vice puni, 1726)
France, 1907 : Sobriquet donné vers 1840 aux jeunes femmes que les maîtresses de table d’hôte hébergeaient gratis pour attirer les clients mâles.
Un trait caractéristique de la table d’hôte, c’est la présence d’une ou deux jolies femmes (selon l’importance de l’établissement) qui s’affranchissent régulièrement chaque jour des prosaïques tribulations du quart d’heure de Rabelais. Ces dames sont placées au centre de la table : elles ne doivent pas avoir plus de vingt-cinq ans, être à peu près jolies, mais surtout excessivement aimables. On ne tient pas précisément à la couleur des cheveux, cependant on préfère les brunes : c’est plus piquant et d’un effet plus sûr et plus général. À ces conditions, ces dames sont traitées avec toutes sortes d’égards, exposées à toutes sortes d’hommages, et dînent tous les jours pour l’amour de Dieu et du prochain. Ces parasites femelles, qu’on désigne généralement sous le nom de mouches (soit à cause de la légèreté de leur allure, soit plutôt par analogie avec le rôle qu’elles jouent dans cette circonstance), ne se trouvent néanmoins que dans les tables d’hôte du premier et du dernier degré.
(Auguste de Lacroix)
Mouche (prendre la)
France, 1907 : Se fâcher, se piquer, se formaliser pour peu de chose. On dit d’une personne trop susceptible qu’elle prend souvent la mouche. Les Français passent pour être dans ce cas. Un psychologue allemand s’est demandé quelle était l’attitude d’un homme découvrant qu’on lui a servi une mouche dans son verre de bière. Il a obtenu, à la suite d’observations réitérées, les résultats suivants :
« L’Espagnol paie et sort. Le Français prend d’abord la mouche du bout des doigts et l’écrase puis il prend la mouche — au figuré — et couvre le personnel d’invectives ! L’Anglais répand la bière sur le plancher, s’écrie : « Garçon, encore un bock ! » et parle aussitôt d’autre chose. L’Allemand retire la mouche, puis boit la bière. Le Russe ne s’inquiète pas pour si peu : il avale la mouche et la bière. Enfin de Chinois savoure d’abord la mouche en gourmet, puis hume lentement le bock. »
Je fis un soir la connaissance
D’un aimable petit tendron,
Qu’avait une tell’ redondance
Qu’on aurait dit deux p’tits bidons !…
Ell’ ne fut pas du tout farouche,
Et quand… dans l’cou je l’embrassai,
La belle, au lieu de prendr’ la mouche,
En se pâmant me répétait :
Au temps !…
R’commencez-moi c’mouvement !
Tâchez d’aller plus viv’ment !
(Griolet)
Nez
d’Hautel, 1808 : Nez de betterave. Gros nez enluminé, comme l’est ordinairement celui d’un ivrogne.
Nez fleuri. Pour dire, bourgeonné, plein de boutons, causés par la débauche de vin.
Cela ne paroît pas plus que le nez du milieu du visage. Pour dire qu’une chose est très-ostensible.
Heureux comme un chien qui se casse le nez. Pour dire qu’un homme n’a pas de bonheur ; que rien ne lui réussit.
Ce n’est pas pour ton nez. Pour, ce n’est pas pour toi.
Il a un pied de nez. Pour, il est confus, il est honteux de n’avoir pas réussi.
Saigner du nez. Se dédire, reculer dans une affaire de cœur, lâcher le pied, faire le poltron ; se retirer honteusement.
Tirer les vers du nez. Interroger quelqu’un finement ; sonder sa pensée ; lui faire avouer, ou découvrir son dessein.
Delvau, 1864 : Le vit ; — que l’on juge d’après le nez : plus il est fort, mieux il se fait sentir.
Ah ! quel nez (bis)
Tout l’ monde en est étonné.
(Guinard)
Belles, jamais ne prenez
Ceux qui n’ont pas un grand nez.
(Collé)
Grand nez, grand vit, dit un vieux proverbe.
Œil étincelant,
Doigt vif et galant,
Nez de bon augure
Et bonne figure.
(Dauphin)
Delvau, 1866 : s. m. Finesse, habileté, adresse. Avoir du nez. Flairer les bonnes affaires, deviner les bonnes occasions. Manquer de nez. N’être pas habile en affaires.
Delvau, 1866 : s. m. Mauvaise humeur. Faire son nez. Avoir l’air raide, ennuyé, mécontent.
La Rue, 1894 : Mauvaise humeur. Faire son nez, bouder. Avoir du nez, flairer les bonnes occasions. Se piquer le nez, se griser.
Nez (faire son)
Larchey, 1865 : Montrer son désappointement.
Nous nous sommes payé le billard, j’en ai rendu vingt-cinq de trente à Lahure, qui faisait un nez aussi long que sa queue de billard.
(Voizo, Ch.)
Rigaud, 1881 : Bouder, être désappointé. — Se piquer le nez, se griser. — Avoir quelqu’un dans le nez, détester quelqu’un. Montrer le bout de son nez, faire acte de présence, s’esquiver après une très courte apparition.
France, 1907 : Paraître de mauvaise humeur.
La fille de la mère Baptiste, celte petite rosse d’Irma, faisait son nez toute la semaine parce que la gargotière ne voulait pas la laisser sortir le dimanche avec son galant.
(Les Propos du Commandeur)
Nez (se piquer le)
France, 1907 : S’enivrer.
Lui se piquait le nez proprement, sans qu’on s’en aperçût… Le zingueur, au contraire, devenait dégoûtant, ne pouvait plus boire sans se mettre dans un état ignoble.
(Émile Zola, L’Assommoir)
On dit aussi mettre son nez dans le bleu.
Père des mouches
France, 1907 : Dieu ; argot faubourien.
Dans les temps anciens, le pauvre monde endurait la mistoufle sur terre, et il prenait patience, convaincu qu’un de ces quatre matins le Père des mouches, à califourchon sur les nues, s’amènerait pour chambarder la vieille société et établir le paradis de l’Apocalypse.
Et le populo coupait, se roulant les pouces, croupissant dans la misère et se dispensant d’agir !…
Un jour vint où cette bourde idiote de la révolution opérée, grâce à l’intervention divine, ne fut plus de saison : le populo trouvait enfin la couleuvre trop dure à avaler.
Jusque-là les ratichons et toute l’engeance qui se posait comme représentant Dieu sur la terre y avaient seuls trouvé leur bénef : ces salops avaient fait leurs choux gras de la bêtise humaine.
Hélas, le populo n’avait pas fini de croire !
Il ne sortait d’une erreur que pour piquer la tête dans une autre : désormais toute la puissance, toute la force, tous les espoirs qu’il avait accumulés sur cette vesse-de-loup baptisée « Dieu », il allait les reporter sur une abstraction terrestre, — une sorte de Dieu visible : l’État.
C’est l’État qui allait faire les miracles que le Père des mouches avait été impuissant à réaliser.
(Le père Peinard)
Picotin
Delvau, 1866 : s. m. Déjeuner ou souper, — dans l’argot du peuple, qui travaille en effet comme un cheval. Le slang anglais a le mot équivalent dans le même sens (peck). Gagner son picotin. Travailler avec courage.
France, 1907 : Le devoir qu’on rend aux dames. Vieille expression.
Un gentilhomme grand seigneur, ayant été absent de sa maison pour quelque temps, print le loisir de venir voir sa femme, laquelle estoit jeune, belle et en bon poinct. Et pour y être plus tôt, print la poste environ deux journées de la maison ; là où il arriva sus le tard, et lorsque sa femme estoit couchée, se met auprès d’elle. Incontinent elle fust esveillée, bien joyeuse d’avoir compagnie, s’attendant qu’elle auroit son petit picotin…
(Bonaventure des Perriers, Contes et Nouvelles)
Je trouvais Guillot Martin
Avecque sa nièce Sabine
Qui vouloit pour son butin
Son beau petit picotin,
Non pas d’orge ni d’avoine.
(Clément Marot)
France, 1907 : Repas. Avoir son picotin, gagner son picotin. Argot des ouvriers : du las batin picotinus, petite mesure, suivant Ménage, ou, suivant Charles Nisard, de picoter, piquer à coups redoublés comme fait la volaille qui mange le grain :
Une poule sur un mur
Qui picotait du pain dur,
Picoti
Picota
Trousse la couette
Et puis s’en va.
Pincer
d’Hautel, 1808 : On l’a pincé. Pour dire on s’est saisi de sa personne ; on l’a incarcéré.
Pincer sans rire. Piquer, offenser quelqu’un sans avoir l’air d’y penser.
anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Prendre.
Clémens, 1840 : Arrêter.
Halbert, 1849 : Prendre.
Larchey, 1865 : Arrêter.
Nomme l’coupable, qu’on l’pince
(1813, Désaugiers)
En pincer : Avoir du goût.
Comm’ j’en pince pour le spectacle, j’vas souvent z’à la Gaîté.
(1809, Brazier)
On dit par extension en pincer pour Mme X : Aimer Mme X.
Larchey, 1865 : Exécuter.
En revenant, je pinçais la chansonnette.
(Ricard)
Le professeur nous pinçait une nuance de cancan véritablement inédite.
(L. Reybaud)
Delvau, 1866 : v. a. Exécuter. Pincer le cancan. Le danser. Pincer de la guitare. En jouer. Pincer la chansonnette. Chanter.
Delvau, 1866 : v. a. Prendre sur le fait, arrêter. Pincer au demi-cercle. Arrêter quelqu’un, débiteur ou ennemi, que l’on guettait depuis longtemps.
Delvau, 1866 : v. a. Voler, filouter, — dans l’argot des faubouriens.
Delvau, 1866 : v. n. Être vif, — dans l’argot du peuple. Cela pince dur. Il fait très froid.
Rigaud, 1881 : Filouter. — Exécuter. — Pincer le cancan, danser le cancan. — Pincer de la guitare, pincer de la harpe, être sous les verrous.
La Rue, 1894 : Filouter. Exécuter. Arrêter sur le fait. Pincer de la harpe. Être en prison. V. Harpe.
France, 1907 : Prendre, attraper.
Elle regrettait presque le mariage, cette vie à deux, toujours à deux, comme un verrou tiré sur les occasions de carrousse et de bombance. Mieux valait encore servir à la ville : on avait les dimanches pour rigoler, et quelquefois, avec un peu d’entregent, on pinçait un bourgeois qui vous collait des rentes.
(Camille Lemonnier, Happe-Chair)
Vive le mot à double entente !
Grâce au joyeux sous-entendu,
On ne manque jamais la vente
Et l’on pince le prétendu.
(Jacques Rédelsperger)
Pincer en demi-cercle, surprendre, arrêter au passage.
France, 1907 : S’emploie dans le sens de danser en étant suivi du genre de danse auquel on se livre.
Pincer un cancan.
Chaque dimanche nous fréquentions un bastringue hors barrière, où l’on pinçait des cancans à se dévisser la colonne, sans compter les autres pinçages pendant les entr’actes.
(Les Propos du Commandeur)
Pincer un cavalier.
As-tu vu Geneviève ?
Au milieu des filles d’Ève
Elle pince un cavalier ;
Geneviève,
Geneviève est à Bullier !
(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)
Pincer de la harpe, être en prison.
Pincer un rigodon.
Lorsqu’on sort avec sa belle
Que l’on empoigne sous l’aile,
On pince un p’tit rigodon
Dans l’bal le plus folichon.
(Griolet)
Pincer (en)
Rigaud, 1881 : Faire partie de, en être, — dans le jargon des voleurs.
Quand je vous récidive qu’on en pince et dur.
(P. Mahalin, Les Monstres de Paris)
France, 1907 : Être amoureux.
Monsieur le curé de Fouilly,
En pinçait pour sa bonne,
Il promettait le paradis
À la jeune friponne :
« Un baiser doux comme le miel,
De ta lèvres, ma belle,
Te conduira tout droit au ciel. »
(Léo Lelièvre, La Bonne du curé)
France, 1907 : Locution facétieuse employée dans le Centre, exprimant la prétention de s’entendre à une chose, de connaître un art ou un métier ; synonyme de s’en piquer.
L’expression est vieille. Le comte Jaubert fait observer qu’on la trouve déjà dans le Roman du Renard, à l’entrée en scène du chien qui se vante de pincer le beau français.
Pioncer
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Dormir.
Vidocq, 1837 : v. a. — Dormir.
M.D., 1844 : Dormir.
un détenu, 1846 : Dormir. — Pionçage, sommeil.
Larchey, 1865 : Dormir. — De pieu : lit.
Nous nous sommes mis à pioncer, nous ne pensions plus à l’appel.
(Vidal, 1833) — V. Boc.
Delvau, 1866 : v. n. Dormir.
Rigaud, 1881 / Merlin, 1888 / La Rue, 1894 : Dormir.
Virmaître, 1894 : Dormir à poings fermés (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Dormir.
France, 1907 : Dormir ; argot populaire. Les synonymes sont : casser une canne, compter des pauses, faire le lézard, faire son michaud, mettre le chien au cran de repos, piquer un chien, piquer une romance, roupiller, se recueillir, taper de l’œil.
— Les lits et moi nous sommes brouillés ! Jamais pu pioncer ma mesure. Tout petit et puis plus tard… jamais la grasse matinée. Les ponts, les bancs, le plein air, et par tous les temps. Ah ! mes draps n’ont pas coûté cher de blanchissage !
(Henri Lavedan)
Quoi ? Vrai ! Vous allez m’ramasser ?
Ah ! c’est muf ! Mais quoi qu’on y gagne !
J’m’en vas vous empêcher d’pioncer,
J’ronfle comme un’ toupi’ d’All’magne.
(Richepin, Chanson des gueux)
Pipe (casser sa)
Larchey, 1865 : Mourir. — Ceux qui sont morts ne fument plus.
Papa avait beaucoup de blessures, et un jour il cassa sa pipe, comme on dit au régiment.
(Méry)
Rigaud, 1881 : Mourir. Les morts ne fument plus… que la terre. — Cette expression a, sans doute, été consacrée par le peuple qui a voulu faire une vulgaire allusion à un usage emprunté au cérémonial des funérailles des évêques. D’après le cérémonial, la crosse d’un évêque mort est brisée et figure placée sur un coussin, dans le cortège funèbre.
On place aux pieds du prélat (Mgr Dupanloup), sur un second coussin cramoisi, la crosse brisée en trois tronçons.
(Figaro, du 24 octobre 1878, funérailles de Mgr Dupanloup)
Nous avons prédit cent fois pour une que Dupanloup briserait sa crosse sans être cardinal.
(Tam-Tam, du 20 octobre 1878)
France, 1907 : Mourir. Les synonymes sont aussi nombreux que variés : avaler sa langue, sa gaffe, sa cuiller, ses baguettes ; n’avoir plus mal aux dents ; aller manger les pissenlits par la racine ; avoir son coke ; baiser la camarde ; cracher son âme ; claquer ; cracher ses embouchures ; casser son crachoir ; canner ; camarder ; casser son câble, son fouet ; couper sa mèche ; calancher ; dévisser ou décoller son billard ; déposer ses bouts de manche ; déteindre ; donner son dernier bon à tirer ; descendre la garde ; défiler la parade ; dévider à l’estorgue ; déralinguer ; déchirer son faux col, son habit, son tablier ; dégeler ; éteindre son gaz ; épointer son foret ; être exproprié ; fumer ses terres ; fermer son parapluie ; faire ses petits paquets, sa crevaison ; fuir ; graisser ses bottes ; ingurgiter son bilan ; lâcher la perche, la rampe ; laisser fuir son tonneau ; ; laisser ses bottes quelque part ; mettre la table pour les asticots ; poser sa chique ; péter son lof ; perdre son bâton ; passer l’arme à gauche ; perdre le goût du pain ; piquer sa plaque ; pousser le boum du cygne ; recevoir son décompte ; remercier son boulanger ; rendre sa secousse ; saluer le public ; souffler sa veilleuse ; tourner de l’œil, etc.
Pique
d’Hautel, 1808 : Il a passé par les piques. Se dit lors que quelqu’un s’est trouvé dans des circonstances périlleuses, qu’il a essuyé quelque perte ; qu’il a couru de grands dangers.
Voilà bien rentrée de piques noires. Se dit de celui qui interrompt mal à propos un autre.
C’est un bon as de pique. Se dit par injure d’un stupide, d’un sot.
Pique. Signifie aussi bisbille, mésintelligence, querelle.
Delvau, 1864 : Le membre viril.
Laquelle passa et repassa par les piques de neuf amoureux.
(Brantôme)
Lors la lascive imprudemment applique
Son savoir grec pour redresser ma pique.
(Cabinet satyrique)
Mais voyez ce brave cynique,
Qu’un bougre a mis au rang des chiens,
Se branler gravement la pique
À la barbe des Athéniens.
(Piton)
De vieilles bigornes qui n’épargnent ni or ni argent pour se faire piquer.
(Molière)
Il piquait ses pages au lieu de piquer ses chevaux.
(Agrippa d’Aubigné)
En jouant au piquet,
Ma Philis me disait :
Je me sens tout en feu
De vie voir si beau jeu ;
Mais que me sert, hélas !
Que j’écarte si bien,
Si, dans ce que je porte,
Il n’entre jamais rien.
(Goguette du bon vieux temps)
Delvau, 1866 : s. f. Petite querelle d’amis, petite brouille d’amants, — dans l’argot des bourgeois.
Pique-chien
Rigaud, 1881 : Concierge de l’École polytechnique, — dans le jargon des élèves de cette école.
Merlin, 1888 : Portier consigne.
Fustier, 1889 : Argot des élèves de l’École polytechnique. Le pique-chien n’est point, à proprement parler, comme le dit Rigaud dans son Dictionnaire d’argot moderne, le concierge de l’École. C’est un adjudant chargé de surveiller la sortie et la rentrée des élèves. Comme là se borne presque toutes ses occupations, il a tout le loisir de dormir, de piquer son chien.
France, 1907 : Sobriquet donné aux sergents-majors de l’École polytechnique préposés à la garde des portes par où passent les élèves. On les appelle ainsi parce qu’ils n’ont rien à faire qu’à dormir, c’est-à-dire à piquer un chien.
Pique-prunes
Rossignol, 1901 : Tailleur.
France, 1907 : Sobriquet populaire donné aux tailleurs à qui l’on applique également ceux de gobe-prunes, mangeur de prunes et pique-poux. « Pour l’expression pique-prunes, on est porté à voir là, dit Gustave Fustier dans l’Écho du Public, une comparaison du va-et-vient de l’aiguille au va-et-vient des prunes prises et mangées une à une. » On dit aussi gobe-prunes.
— Je te vaux bien : tu es fille d’un tailleur de Saragosse et moi je suis le petit-fils d’un tailleur d’Arras ; j’ai été moi-même gobe-prunes.
(Supplément aux Mémoires de Vidocq ; citation de Gustave Fustier)
Une autre explication a été donnée par M. Paul Homo : « Le mot pique-prunes, dit-il, s’applique aussi à propos des vêtements usagés, réparés par les taillassons et spécialement pour les pantalons, en admettant que l’on répare une déchirure à l’entre-jambes et sur le client même : l’ouvrier pouvant, accidentellement, piquer les testicules. »
Piquer
d’Hautel, 1808 : Il est piqué comme une courte pointe. Se dit d’un homme très-susceptible, qui a pris de l’humeur, qui s’est offensé pour une frivolité, une bagatelle, et dont le silence et la réserve témoignent le mécontentement.
On ne sait quelle mouche l’a piqué. Pour, on ne connoît point le sujet de sa bourderie, de sa mauvaise humeur.
Se piquer. Se vanter, s’énorgueillir de quelques talens ; faire le fanfaron, marquer de l’arrogance et de l’orgueil, comme le font ordinairement les petits maîtres, les fats, les pédans.
Delvau, 1866 : v. a. Faire quelque chose, — dans l’argot des Polytechniciens. Piquer l’étrangère. S’occuper d’une chose étrangère à la conversation.
Rossignol, 1901 : Chiffonner.
France, 1907 : Donner une note ; argot des écoles militaires. Piquer bas, donner une note faible ; piquer haut, forcer la note. Piquer la constante, donner constamment la même note.
On site des examinateurs qui ne piquent jamais de 20, de 19 ou même de 18. Le célèbre Gérono disait à un élève qui venait de passer en colle d’une manière remarquable : « Si Dieu le Père passait chez moi à la planche, je lui piquerais 19 ; si c’était Jésus-Christ, je piquerais 18 : si c’était M. Chasles, je mettrais 17. Pour vous, Monsieur, je me contenterai de vous piquer 16. »
(Albert Lévy et G. Pinet)
Entre nous, le célèbre Gérono méritait d’être piqué cuistre.
Piquer dans le tas
France, 1907 : Choisir ; argot populaire.
Piquer en victime
Delvau, 1866 : v. n. Plonger dans l’eau, les bras contre le corps, au lieu de plonger les mains en avant au-dessus de la tête.
Rigaud, 1881 : Plonger les pieds en avant, le corps raide, les mains collées aux cuisses.
Piquer l’étrangère
Merlin, 1888 : Rêvasser, être distrait.
Fustier, 1889 : Argot du régiment. Tomber de cheval.
France, 1907 : Avoir la pensée ailleurs qu’à la besogne qu’on fait. Voyager au pays des chimères. Argot de Saint-Cyr et de l’École polytechnique.
J’étais devenu incapable d’aucune application, d’aucun travail sérieux, passant de longues heures à révasser, ou, comme nous disions dans notre argot spécial, à piquer l’étrangère.
(Pompon, Gil Blas)
Pendant les longs pansages, on reconnait l’Alsacien à sa mine affairée. Au milieu de tous ces hommes qui accomplissent ces soins par devoir, mais dont assurément l’esprit voyage, courant après les choses lointaines, et pour me servir d’une charmante expression de l’école militaire, piquent l’étrangère, l’Alsacien est le seul qui soit corps et âme à sa besogne.
(E. Billaudel, Les Hommes d’épée)
Piquer la lèche
France, 1907 : Flatter ; argot des écoles militaires.
Piquer le banc
Rigaud, 1881 : Attendre quelqu’un sur un banc. — Se reposer sur un banc aux Champs-Élysées en attendant un amoureux de rencontre, — dans le jargon des filles.
La Rue, 1894 : Attendre fortune sur un banc public.
France, 1907 : Attendre fortune sur un banc de promenade ou de boulevard ; argot des souteneurs et des filles.
Piquer le bâton d’encouragement
France, 1907 : Terme de moquerie employé par les étudiants pour indiquer qu’on a obtenu que le nombre 1 dans un concours, le maximum étant 20.
Piquer le bouquin
France, 1907 : Lire un roman ; argot de l’École polytechnique.
Le matin, les uns procèdent à leur toilette, les autres continuent le sommeil interrompu, ou bien ils confectionnent le déjeuner… Puis on cause, on joue aux cartes, on pique le bouquin…
(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)
Piquer le nez (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Boire avec excès, à en devenir ivre, — dans l’argot du peuple.
Virmaître, 1894 : Se payer une belle soulographie (Argot du peuple).
France, 1907 : Se griser.
Après un duel à l’épée.
Le vainqueur a fait de sérieuses libations pour célébrer sa victoire.
Un ami le rencontre, le soir même, titubant sur le boulevard :
— Tiens ! tu as réussi à te blesser toi-même…
— Moi, blessé ?
— Dame, tu viens de te piquer le nez !
Piquer le tabouret
France, 1907 : Faire antichambre.
Piquer le tube (se)
France, 1907 : Se griser ; argot faubourien.
Piquer sa plaque
Delvau, 1866 : v. a. Dormir, — dans l’argot des tailleurs. Signifie aussi, par extension, Mourir.
France, 1907 : Dormir, mourir ; argot des marins.
Piquer son chien
Delvau, 1866 : Dormir, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi, Piquer un chien. D’où vient cette expression ? S’il faut en croire M. J. Duflot, elle viendrait de l’argot des comédiens et sortirait de l’Aveugle de Montmorency, une pièce oubliée. Dans cette pièce, l’acteur qui jouait le rôle de l’aveugle, tenant à ne pas s’endormir, avait armé l’extrémité de son bâton d’une pointe de fer qui, par suite du mouvement d’appesantissement de sa main, en cas de sommeil, devait piquer son caniche placé entre ses jambes, et chaque fois que son chien grognait, c’est qu’il avait piqué son chien, c’est-à-dire qu’il s’était laissé aller au sommeil.
Rigaud, 1881 : Dormir pendant le jour. — Les tailleurs disent avec une variante : Piquer sa plaque.
La Rue, 1894 : Dormir pendant le jour.
Piquer son fard
Virmaître, 1894 : Rougir en entendant un propos grossier (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Rougir.
Piquer son fard, piquer un soleil
Rigaud, 1881 : Rougir.
Piquer son moulin
Virmaître, 1894 : Salade trop épicée. Elle vous pique le moulin (la bouche) (Argot du peuple). N.
Piquer sur quatre
France, 1907 : Gagner une partie de cartes sur laquelle l’adversaire a quatre points d’avance.
Piquer un arlequin
France, 1907 : Prendre au hasard de la fourchette un morceau quelconque, côtelette ou tête de poisson. L’arlequin est un plat composé de rogatons de toutes sortes, restes des assiettes des clients des restaurants et que les laveurs de vaisselle vendent par seaux à des gargotiers de misérables. « On y trouve de tout, dit Privat d’Anglemont, depuis le poulet truffé et le gibier, jusqu’au bœuf aux choux. » Chaque coup de fourchette dans la marmite, quel que soit le morceau qu’on ramène, coûtait autrefois un sou. Il est probable que depuis la cherté des vivres le prix est augmenté.
Notre littérature a pris le goût des ragoûts épicés, et nous sommes de ces civilisés qui trouvent un plaisir exquis à aller piquer un arlequin dans un bouge.
(Nestor, Gil Blas)
Piquer un cancan, un chahut
France, 1907 : Danser ; argot populaire.
Piquer un chien
Larchey, 1865 : Dormir. — Rabelais l’écrit dormir en chien dans son livre IV, page 159. C’est, dit le Duchat, son annotateur, Dormir indifféremment à toute heure et en tous lieux.
Lorsque la nuit est sombre, que les voyageurs pioncent ou piquent leur chien.
(Paillet)
Larchey, 1865 : Dormir. On trouve dans Rabelais un exemple de dormir en chien.
Sur l’étude passons. Il n’est qu’un seul moyen de la bien employer, c’est de piquer son chien.
(Souvenirs de Saint-Cyr)
France, 1907 : Dormir. Voir Pioncer. « S’il faut en croire M. J. Duflot, cette expression, dit A. Delvau, viendrait de l’argot des comédiens et sortant de l’Aveugle de Montmorency, une pièce oubliée. Dans cette pièce, l’acteur qui jouait le rôle de l’aveugle, tenant à ne pas s’endormir, avait armé l’extrémité de son bâton d’une pointe de fer qui, par suite du mouvement d’appesantissement de sa main, devait piquer son caniche placé entre ses jambes, et chaque fois que celui-ci grognait, c’est qu’il avait piqué son chien, c’est-à-dire qu’il s’était laissé aller au sommeil. »
Piquer un cinabre
Delvau, 1866 : v. n. Rougir subitement, du front aux oreilles et des oreilles aux mains. Argot des artistes.
France, 1907 : Rougir ; argot des ateliers de peinture.
Piquer un fard ou un soleil
France, 1907 : Rougir.
Piquer un laïus
France, 1907 : Faire un discours ; argot des écoles militaires.
Piquer un Pédé
Clémens, 1840 : Lever un rivette.
Piquer un renard
Larchey, 1865 : Vomir. — V. Renard. — Piquer un soleil : Rougir subitement. — Piquer l’étrangère : V. ce mot. — Piquer une tête : S’élancer ou tomber la tête la première. — Piquer un laïus : V. ce mot. — Piquer une carte :
Lui imprimer certaines marques imperceptibles, et susceptibles de ne les faire connaître a d’autres qu’à vous.
(Mornand)
Piquer sur quatre : Gagner une partie d’écarté presque perdue, lorsque votre adversaire a sur vous quatre points d’avance. — Se piquer le nez : V. ce mot. — Pas piqué des vers, des hannetons : Vigoureux, intact, frais, sain.
C’est qu’il fait un froid qui n’est pas piqué des vers ici !
(Gavarni)
Une jeunesse entre quinze et seize, point piquée des hannetons, un vrai bouton de rose.
(Montépin)
C’est qu’elle n’était pas piquée des vers, Et oui, morbleu ! C’est ce qu’il faut à Mahieu.
(Les amours de Mahieu, ch., 1832)
Rigaud, 1881 : Restituer forcément un bon ou un mauvais repas.
France, 1907 : Vomir.
Piquer un ronflé
France, 1907 : Dormir. Voir Pioncer.
Le vieux. — Mon médecin me l’a dit : « Vous avez besoin de sommeil. »
Le jeune. — T’as un médecin ?
Le vieux. — Je t’écoute ! Le premier de Paris.
Le jeune. — Où ça ?
Le vieux. — À l’hospice.
Le jeune. — Farceur !
Le vieux. — Assez de salive. Graisse tes jarrets, moi je pique un petit ronflé.
(Henri Lavedan)
Piquer un soleil
Delvau, 1866 : v. n. Rougir subitement, — dans l’argot du peuple.
La Rue, 1894 : Rougir.
Piquer une anhydre
France, 1907 : Échouer à un interrogatoire de professeur ou d’examinateur ; argot de l’École navale. Anhydre est un terme de chimie qui signifie privé d’eau.
Piquer une carte
France, 1907 : La marquer de façon à pouvoir la reconnaitre au passage ; argot des grecs.
Piquer une m…
La Rue, 1894 : Rester court, interloqué.
Piquer une merde
France, 1907 : Rester court ; argot des écoliers.
Piquer une muette
Fustier, 1889 : Faire silence. Argot de Saint-Cyr.
Aujourd’hui, il sera piqué une muette au réfectoire.
(Maizeroy, Souvenirs d’un Saint-Cyrien)
France, 1907 : Rester silencieux ; argot de Saint-Cyr.
Piquer une note
Rigaud, 1881 : Pour le professeur, c’est marquer une note à l’élève ; pour l’élève, c’est obtenir une note : piquer un cinq, un dix, un dix-sept, — dans le jargon des élèves du cours de mathématiques spéciales. Piquer le bâton d’encouragement, obtenir la note 1, la plus mauvaise note. Piquer une huître, ne pas savoir répondre au professeur, quand on passe au tableau en colle.
Piquer une plate
Fustier, 1889 : Ne pouvoir, ne savoir répondre aux questions posées à un examen, argon des élèves de l’École navale. Nos lycéens disent : piquer une sèche.
Le timonier apparaît. — M. A…, au cabinet de bâbord ! — M. A… court un grand danger de piquer une plate. Heureusement l’interrogation est remise à huitaine.
(Illustration, octobre 1885)
Piquer une romance
Merlin, 1888 : Dormir, renfler.
Fustier, 1889 : Dormir. Argot militaire.
Virmaître, 1894 : Dormir. Allusion au ronflement du dormeur qui est une sorte de chanson en faux-bourdon (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Dormir.
France, 1907 : Dormir : c’est, au figuré, un sommeil accompagné d’un ronflement.
On a prétendu que Meyerbeer, pour se venger des épigrammes de Rossini, entretenait une troupe de spectateurs bénévoles qui, de temps à autre, allaient piquer une romance à Otello et à Il Barbiere. Un soir, Meyerbeer, assistant dans une loge d’avant-scène à la seconde représentation de Semiramide, se renverse dans son fauteuil, à la fin du premier acte, ferme les yeux et semble plongé dans le plus délicieux sommeil. On le regarde de tous les coins de la salle, on chuchote, ou se le montre scandalisé.
— Ne faites pas attention, dit Jules Sandeau, c’est Meyerbeer ; il économise un dormeur.
(Émile Gouget)
Piquer une sèche
Fustier, 1889 : Argot des lycéens et des élèves des Écoles. Avoir un zéro, c’est-à-dire la note très mal, pour une des parties d’un examen.
Il est constant que tout pipo qui est sorti sans piquer une sèche, de ses examens généraux, se croit parfaitement apte à régenter l’État.
(Gaulois, mars 1881)
V. Delvau : Sec.
France, 1907 : N’obtenir aucun point dans les examens ; argot des écoliers.
Pleurant
Vidocq, 1837 : s. m. — Oignon.
Larchey, 1865 : Oignon (Vidocq). — Il fait pleurer.
Delvau, 1866 : s. m. Ognon, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Oignon. Il pousse aux larmes ni plus ni moins que certains mélodrames.
La Rue, 1894 : Oignon.
France, 1907 : Oignon ; argot des voleurs. Allusion à la propriété des oignons de piquer les yeux quand on les pèle.
Poireau (faire le, piquer son)
Rigaud, 1881 : Attendre, de planton dans la rue. — Se croiser les bras. — Attendre de l’ouvrage, — dans le jargon du peuple.
Police (apiquer en)
France, 1907 : Descendre à la salle de police ; argot du Borda. Apiquer est un terme de marine signifiant descendre.
Pompier
Larchey, 1865 : Ouvrier tailleur travaillant à la journée.
Les pompiers réunis forment la pompe. Il y a la grande et la petite pompe : la grande, pour les habits et redingotes ; la petite, pour les pantalons et gilets.
(Roger de Beauvoir)
Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, — dans l’argot des faubouriens.
Delvau, 1866 : s. m. Mouchoir, — dans l’argot des voyous.
Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier chargé de faire les poignards, — dans l’argot des tailleurs. Pompière. Ouvrière qui a la même spécialité pour les petites pièces.
Delvau, 1866 : s. m. Scie chantée à certaines fêtes de l’École polytechnique. Pompier d’honneur. Scie musicale, spécialement chantée le jour des élections du bureau de bienfaisance de l’École, au commencement du mois de mai.
Rigaud, 1881 : Élève qui se prépare au baccalauréat, — dans le jargon du collège. — Ainsi dénommé à cause de la masse des connaissances que ses examens le forcent d’absorber. (Albanès)
Rigaud, 1881 : Mélange de vermout et de cassis, boisson très appréciée des voyageurs de commerce.
Rigaud, 1881 : Mouchoir. — Pompier de service, mouchoir très sale.
Rigaud, 1881 : Ouvrier tailleur chargé de retoucher les vêtements.
Il y a la grande et la petite pompe : la grande pour les habits et redingotes, la petite pour les pantalons et les gilets.
(R. de Beauvoir, cité par L. Larchey)
Rigaud, 1881 : Tapage organisé et accompagné de chants, — dans l’argot de l’École. Piquer un pompier, se livrer à une bruyante manifestation. (L. Larchey)
Fustier, 1889 : Dans l’argot spécial des marchands de vin le pompier est une boisson apéritive composée de vermouth et de cassis.
Fustier, 1889 : Membre de l’Institut de France.
Des jeunes gens riaient en apercevant là-bas le profil de quelque professeur de l’Institut. Au feu ! au feu ! Voilà un pompier.
(J. Claretie, Le Million)
La Rue, 1894 : Mouchoir. Ivrogne. Bruyante manifestation.
France, 1907 : Ivrogne. Il pompe. Argot populaire.
France, 1907 : Mélange de vermouth et de cassis ; argot des mastroquets.
France, 1907 : Membre de l’Institut.
France, 1907 : Mouchoir de poche.
France, 1907 : Ouvrier tailleur employé aux réparations des vêtements mal confectionnés.
France, 1907 : Peintre de la vieille école académique, appelé ainsi à cause des casques dont sont coiffés les héros de la Grèce et de Rome ; argot des ateliers. Par extension, on appelle ainsi en littérature un auteur attaché aux vieux modèles, un classique.
Je me suis laissé appeler pompier. Pour peu que l’argot des ateliers et du boulevard vous soit familier, il ne vous échappera pas que c’est là un qualificatif accablant. Pompier, dans son énergique concision, signifie que j’aime comme une ganache, et que j’exprime avec un lyrisme de savetier certaines idées vieillottes, dont n’est pas dupe le dilettantisme tout à fait supérieur du penseur qui me traitait ainsi.
(George Duruy, Le Figaro)
On emploie aussi ce mot adjectivement.
Racine, un grand poète ! Ç’a l’air pompier, d’écrire cette vérité. Ce ne l’est pas. Rappelez-vous le jugement frivole et féminin par lequel Mme de Sévigné condamnait Racine à cultiver de peu vivaces caféiers, le mot railleur de La Bruyère : « Racine est un poète et Corneille est Corneille » ; et, sans aller si loin, songez à l’époque où Racine fut déclaré par les poètes romantiques : un « sale polisson ».
(Le Journal)
France, 1907 : Terme injurieux appliqué dans les régiments aux conscrits maladroits et d’un mauvaise tournure ; allusion non aux sapeurs-pompiers de Paris, corps d’élite, mais aux pompiers de Nanterre et autres localités de province où la tenue et la correction laissent à désirer et que la chanson et l’image ont caricaturés.
— Appuyez à droite, appuyez ! hurlait le sous-officier de semaine. Le sept, le huit, le neuf, le dix, le onze et le douze, en arrière ! Et toute la bande, là-bas, demandez-moi ce qu’ils fabriquent. Voulez-vous appuyer, tonnerre ! Encore ! Encore, donc !… Pompiers, va ! Là ! c’est bien ! Assez ! ne bougez plus.
(Georges Courteline)
Poquer (se)
France, 1907 : Se heurter, se piquer.
Pousser sa pointe
Delvau, 1864 : Baiser une femme, la piquer de son fleuret démoucheté.
Vien,
Chien, Foutu vaurien,
Cess’ ta plainte
Et pouss’ ta pointe.
(Parnasse satyrique)
Delvau, 1866 : v. a. S’avancer dans une affaire quelconque, — mais surtout dans une entreprise amoureuse.
Que de projets ma tête avorte tour à tour !
Poussons toujours ma pointe et celle de l’amour.
dit une comédie-parade du XVIIIe siècle (le Rapatriage).
France, 1907 : S’avancer, explorer un endroit.
Rapiquer
Delvau, 1866 : v. n. Revenir quelque part, retourner à quelque chose. Argot des faubouriens. On dit aussi et mieux Rappliquer.
France, 1907 : Revenir, rentrer. Déformation populaire de rappliquer.
Rappliquer, repiquer au tas
France, 1907 : Recommencer.
Mais pourquoi qu’a m’fait des ch’veux gris ?
Faudrait qu’j’y fout’ l’argent d’mes s’maines.
J’ai beau y coller des châtai’nes.
A r’pique au tas tous les sam’dis.
(André Gill, La Muse à Bibi)
Renard
d’Hautel, 1808 : Un vieux renard. Pour dire un homme adroit, fin, rusé.
Se confesser au renard. Découvrir son secret à quelqu’un qui en tire avantage, qui en fait son profit, et qui est intéressé à empêcher l’affaire dont il s’agit.
Écorcher le renard. Pour dire vomir, rendre les alimens, ou le vin qu’on a pris immodérément.
Le renard cache sa queue. Pour dire que les gens adroits cachent leurs finesses, leurs ruses.
Le renard prêche aux poules. Se dit d’un imposteur, qui cherche à attrapper, par ses discours, des gens simples et crédules.
Le renard a pissé dessus. Se dit en parlant du raisin, que l’ardeur du soleil a rendu roux, et qui est très-mûr.
Larchey, 1865 : « Pour être compagnon, tu seras lapin ou apprenti, plus tard tu passeras renard ou aspirant. » — Biéville. — V. Chien.
Delvau, 1866 : s. m. Aspirant compagnon, — dans l’argot des ouvriers.
Delvau, 1866 : s. m. Pourboire, — dans l’argot des marbriers de cimetière, forcés d’employer toutes les ruses de leur imagination pour en obtenir un des familles inconsolables, mais « dures à la détente ».
Delvau, 1866 : s. m. Résultat d’une indigestion, — dans l’argot du peuple. Piquer un renard. Vomir. Du temps de Rabelais et d’Agrippa d’Aubigné, on disait Écorcher le renard. Les Anglais ont une expression analogue : to shoot the cat (décharger le chat).
Rigaud, 1881 : Aspirant au compagnonnage.
Rigaud, 1881 : Pourboire, — dans l’argot des marbriers de cimetière. (A. Delvau) C’est le résultat prévu du pourboire.
La Rue, 1894 : Pourboire. Vomissement. Trahison. Espion de bagne.
France, 1907 : « Livre rare et curieux déterré par un amateur dans l’étalage d’un brocanteur qui en ignorait le prix. »
(Gustave Fustier)
France, 1907 : Mouchard, espion ; argot des forçats.
Sur ce fond de boue et de sang se détache une troisième physionomie, la physionomie du forçat mouchard ou du renard.
(A. Dauvin)
France, 1907 : Postulant compagnon au temps où les ouvriers faisaient leur tour de France.
— Nous étions dix ou douze renards qui s’étaient donné le mot pour se faire initier. On avait déjà passé une nuit dans la cave de la Mère, à boire et à chanter. Eux nous avaient fait « piquer » et « battre le cordeau », pour vérifier notre savoir.
(Hugues Le Roux)
France, 1907 : Résultat d’une absorption trop copieuse. Voir Renarder.
Renard (piquer un)
Larchey, 1865 : Vomir. — On a commencé par dire écorcher le renard. — Le renard est une bête si puante qu’on s’expose à vomir de dégoût en voulant l’écorcher. V. Gaz.
Et tous ces bonnes gens rendoient leurs gorges devant tout le monde, comme s’ils eussent escorché le regnard.
(Rabelais)
Le voyageur Jacques Lesaige dit en faisant allusion aux effets du mal de mer :
Loué soit Dieu ! Javons bon apétit car je n’avois fait que escorchier le regnart. (1518)
Renarder
d’Hautel, 1808 : Pour dire vomir, rendre le superflu des alimens.
Larchey, 1865 : Vomir.
Je suis gris… Vous me permettrez de renarder dans le kiosque.
(Balzac)
On disait autrefois renauder. V. Roquefort.
Delvau, 1866 : v. n. Rendre le vin bu ou la nourriture ingérée avec excès ou dans de mauvaises dispositions d’estomac.
France, 1907 : Vomir. On dit aussi piquer un renard, écorcher de renard, dégobiller. Sur l’origine de ces expressions, Le Duchat s’exprime ainsi : « Pour retourner la peau d’un renard, il faudrait que la queue lui passât par la gueule. Or, comme les fusées que fait un ivrogne qui vomit ont quelque rapport avec la grosse et longue queue d’un renard, de là est venu qu’on a appelé renarder et écorcher le renard le vomir des ivrognes… Peut-être que, comme de vulpes nous avons fait goupil, de goupil sera venu dégobiller qui est la même chose qu’écorcher le renard. »
Repiquer
Larchey, 1865 : Recommencer, reprendre le dessus, se tirer d’une mauvaise passe.
On repique son chaste cancan.
(1846, Privat d’Anglemont)
Delvau, 1866 : v. n. Reprendre courage, se tirer d’embarras. Signifie aussi : Revenir à la charge ; retourner à une chose. Repiquer sur le rôti. En demander une nouvelle tranche.
Rigaud, 1881 : Redoubler. — Repiquer sur le rôti ; renouveler une consommation. — Nous avons bu trois bocks : si nous repiquions ? — Redoubler d’ardeur à l’ouvrage après un moment de repos. — Rétablir ses affaires, recouvrer la santé.
Rigaud, 1881 : Se rendormir. C’est-à-dire piquer de nouveau son chien.
La Rue, 1894 : Revenir à la charge. Reprendre son travail. Se rendormir. Reprendre faveur.
Virmaître, 1894 : Deux joueurs font une partie ; l’un joue pique, l’autre répond : repique. Repiquer de riffe : rappliquer d’autorité (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Recommencer.
Je t’ai défendu de faire telle chose, tâche de ne pas repiquer.
Hayard, 1907 : Recommencer.
France, 1907 : Recommencer, se rengager.
On le vit pendant ses sept premières années toujours maugréant, rechignant et tempêtant, mais, en définitive, faisant assez bien son service tout en disant chaque jour : Chien de métier ! Quand mon congé viendra-t-il ? Mais le dernier jour de la septième année, il repiqua pour trois ans, à la grande déception des brigadiers de son escadron qui comptaient sur ses galons de maréchal des logis.
(Hector France, L’Homme qui tue)
France, 1907 : Répondre.
— Des gens chouettes, t’en connais, toi, des gens chouettes ? Regarde un peu à Saint-Eustache, c’était ouvert dès le matin et on pouvait aller s’y chauffer en sortant d’ici. Ben maintenant, on nous fiche à la porte. Même que, jeudi, j’étais sur le calorifère, le sacristain rapplique. « Qu’est-ce que vous faites ? — Je me chauffe. — C’est pas un chauffoir ici, c’est la maison du bon Dieu, faut vous en aller. — Mon vieux, que j’y réponds, vous saurez qu’au moyen âge les églises étaient des lieux d’asile. » Il en est resté bleu ! « Mâtin ! qu’y repique, vous avez de l’instruction, vous ! — Sûr ! que je réponds, c’est pas parce que j’ai froid que j’ai pas été à l’école. »
(Guy Tomel, Le Bas du pavé parisien)
Repiquer au truc
Virmaître, 1894 : Revenir à la charge. Avoir été chassé par la porte et rentrer par la fenêtre. Demander à crédit et se le voir refuser, le redemander à nouveau, c’est repiquer au truc (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Recommencer. On dit aussi repiquer sur de rôti.
Un chasseur, guignard, se baguenaudait sur le tard sans avoir tiré un coup de fusil depuis le matin. Voilà qu’il découvre des canards barbotant dans une mare. Les baptiser « sauvages » ne lui répugnait pas, n’eût été un paysan aux quinquets matois qui le reluquait.
— Dites donc, mon brave, laissez-moi tirer un canard ?
Et, en même temps, le chasseur glisse la pièce au cul-terreux.
— Tirez, mon bon Mossieu !
Le Nemrod n’en exige pas plus : il déquille une bestiole et, tout guilleret, il aboule une nouvelle pièce de quarante sous au campluchard, pour être autorisé à repiquer au truc… Et un deuxième canard vient meubler sa carnassière.
Comme le type s’esbignait, fier de ne pas rentrer bredouille, le pétrousquin lui susurre :
— Les canards ne sont pas à moi !…
(Le Père Peinard)
Lorsque j’ai touché ma quinzaine,
I’ m’arriv’ qué’qu’fois d’rentrer plein.
Mon épous’ commenc’ son antienne :
« Fainéant ! Poivrot ! Sac à vin ! »
Pour clouer l’bec à la commère,
J’la cogn’, comm’ si a s’rait en stuc ;
Si, malgré ça, a veut pas s’taire,
Je r’pique au truc.
(Jules Jouy)
Romance (piquer une)
France, 1907 : Dormir. Voir Pioncer.
Rose ne naît pas sans piquerons
France, 1907 : Vieil adage modernisé par celui-ci : Nulle rose sans épines, c’est-à-dire aucun plaisir qui ne soit suivi de peine, ce que Corneille a exprimé en ces vers :
Jamais nous ne goûtons de parfaite allégresse,
Nos plus heureux succès sont mêlés de tristesse.
Et La Fontaine :
Tout au monde est mêlé d’amertume et de charmes.
Rougir la trogne (se)
France, 1907 : Boire avec excès. Synonyme de se piquer le nez.
Le Lock, l’Île-aux-moutons, le fort Sygogue,
Un peu plus bas
Se trouv’ Saint-Nicolas,
C’est là ousque l’on va s’rougir la trogne.
(Chanson du Glenans)
Scionner
un détenu, 1846 : Assassiner avec un couteau.
Delvau, 1866 : v. a. Battre quelqu’un, le bâtonner.
Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Tuer à coups de couteau.
Nous ferons joliment notre beurre et tu pourras le scionner après.
(F. du Boisgobey)
La Rue, 1894 : Tuer à coups de scion (couteau).
Virmaître, 1894 : Tuer quelqu’un avec un couteau (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Frapper à coups de couteau.
France, 1907 : Tuer à coups de couteau.
Et quand i’veut r’piquer au tas
Ou quand i’veut gueuler je l’scionne…
J’y crèv’ la peau, je l’fous en bas ;
Des fois, pour m’amuser, je l’sonne…
Ben oui, je l’sonne ! Et pis après ?
J’attrap’ les deux oreill’s du gonce
Et pis j’y cogn’ la têt’ su’l’grès,
Pas su’l’pavé d’bois… ça s’enfonce.
(Aristide Bruant, Dans la Rue)
Se piquer le nez
Rossignol, 1901 : S’enivrer.
Se rougir, se piquer le nez
Larchey, 1865 : S’enivrer. — Un nez piqué rougit, et on sait qu’un nez rouge pronostique souvent l’ivresse.
Elle prend sa volée Pour se rougir le nez. De la Californie elle revient pompette.
(Chansons, Guéret, 1851)
Qui ne s’est pas piqué le nez une pauvre fois dans sa vie ?
(Grévin)
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