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Billard (dévisser son)

France, 1907 : Mourir.

— Et toi, Toto, demande le vieil oncle à héritage, que me donneras-tu pour ma fête ?
— Moi, répond l’enfant terrible, ze veux te donner un beau tournevis pour ton billard ; papa dit chaque jour qu’il languit que tu dévisses !

(Mot d’Ordre)

Bonbon à liqueur

Rigaud, 1881 : Furoncle, bouton pustuleux. — Bonbon anglais, petit bouton sec, — dans le jargon des voyous.

Boule de neige

Delvau, 1866 : s. f. Nègre, — par une antiphrase empruntée à nos voisins d’outre-Manche, qui disent de tout oncle Tom : Snow-ball, — quand ils n’en disent pas : lily-white (blanc de lis).

Rigaud, 1881 : Nègre, moricaud, — dans le jargon du peuple. Il est rare qu’un voyou en belle humeur ne salue pas un nègre du sacramentel :

Ohé ! boule de neige !

Rossignol, 1901 : Nègre.

Cartonner

Rigaud, 1881 : Jouer aux cartes. Passer sa vie à cartonner.

France, 1907 : Jouer aux cartes.

Après avoir fait ses adieux à la belle enfant, qui s’était montrée vraiment très… expansive, il était allé au cercle où il avait passé la nuit à cartonner.

(Gil Blas)

Tout en cartonnant dans ton claque,
Rabats un douillard à ta marque.

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Moi, je connais tous les jeux ! Répondit Mon Oncle… j’enseigne même à ceux qui aiment à cartonner tous les moyens de défense possible coutre les trucs, suiffages et biscuits des philosophes les plus émérites… à votre disposition, monsieur !…

(Ed. Lepelletier)

Cascadeur

Rigaud, 1881 : Farceur qui professe la cascade.

France, 1907 : Faiseur de cascades.

Il y a une dizaine d’années, mon oncle de Châlons-sur-Marne… voulait me céder son magasin de corsets plastiques. Que n’ai-je accepté ? Au lieu de lasser mes lecteurs, j’aurais lacé bien des petites dames qui m’auraient remercié le sourire aux lèvres, tandis que mes lecteurs, mes idiots de lecteurs, épluchant mes phrases, scrutant ma pensée ne s’écrient que ceci chaque dimanche : Quel cascadeur que ce Rossignol !

(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais jeune homme à sa Nini)

Clou

d’Hautel, 1808 : Gras comme un cent de clou. Phrase hyperbolique, pour dire maigre, étique, décharné.
Cela ne tient ni à fer ni à clou. Pour est dans un très-mauvais état ; se dit aussi d’un ornement d’une chose mobile qu’on peut emporter en changeant de logis.
Un clou chasse l’autre. Voy. Chasser.
River le clou à quelqu’un. C’est répondre d’une manière fermé et sèche à des paroles choquantes.
Compter les clous d’une porte. Se dit figurément, pour s’ennuyer d’attendre à une porte y planter le piquet.
On dit d’une chose en très bon état, qu’il n’y manque pas un clou.
Je n’en donnerois pas un clou à soufflet.
Se dit d’une chose pour laquelle on n’a aucune estime.
On dit d’un écervelé, d’un homme extravagant, qu’il faut un clou à son armet.

Delvau, 1864 : Le membre viril, avec lequel on fixe la femme sur le dos.

Larchey, 1865 : Mont-de-Piété. — Mot à mot : prison d’objets engagés.

Il avait mis le linge en gage ; on ne disait pas encore au clou.

(Luchet)

Larchey, 1865 : Prison. On ne peut pas en bouger plus que si on y était cloué.

Je vous colle au clou pour vingt-quatre heures.

(Noriac)

Delvau, 1866 : s. m. La salle de police, — dans l’argot des soldats, qui s’y font souvent accrocher par l’adjudant. Coller au clou. Mettre un soldat à la salle de police.

Delvau, 1866 : s. m. Le mont-de-piété, — où l’on va souvent accrocher ses habits ou ses bijoux quand on a un besoin immédiat d’argent. Coller au clou. Engager sa montre ou ses vêtements cher un commissionnaire au mont-de-piété. Grand clou. Le Mont-de-piété de la rue des Blancs-Manteaux, dont tous les autres monts-de-piété ne sont que des succursales.

Delvau, 1866 : s. m. Prison, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Baïonnette, — dans le jargon des soldats.

Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété. — Mot emprunté par le peuple au jargon du régiment où clou signifie prison. Le Mont-de-Piété est la prison aux hardes. — Hospice des Enfants-Trouvés.

Rigaud, 1881 : Objet détérioré ou de peu de valeur, — dans le jargon des marchands de bric-à-brac. Pousser des clous, mettre des enchères sur des objets sans valeur.

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui travaille mal.

Rigaud, 1881 : Prison, — dans le jargon des troupiers.

Vous y êtes pour deux jours de clou.

(Randon, Croquis militaires)

Rigaud, 1881 : Scène à effet, scène capitale, scène où les auteurs comptent accrocher le succès, — dans le jargon du théâtre.

Je lui ai donné la réplique et nous avons répété sa grande scène du deux !… c’est le clou de la pièce.

(Figaro du 6 juillet 1878)

Merlin, 1888 : Salle de police, prison. — Coller au clou, mettre en prison.

La Rue, 1894 : Prison. Mont-de-piété. Mauvais ouvrier. Mauvais outil. Baïonnette. Objet détérioré. Scène à effet au théâtre.

Virmaître, 1894 : Le mont-de-piété. On va, les jours de dèche, y accrocher ses habits. On dit aussi : aller chez ma tante, mon oncle en aura soin. On dit également : au plan (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Un individu bon à rien est un clou. Une mauvaise montre est un clou.

France, 1907 : Baïonnette.

France, 1907 : Mauvais outil, mauvais ouvrier. « Cela ne vaut pas un clou. » « Tu n’es qu’un clou, un rien qui vaille. »

France, 1907 : Mont-de-piété.

France, 1907 : Partie saillante d’une pièce, d’un livre, d’une représentation.

Un jeune auteur dramatique explique à un de ses amis le scenario d’une comédie future :
— Ce n’est pas mauvais, dit l’ami, mais pourquoi as-tu fait dérouler l’action dans un mont-de-piété ?
— Mais, mon cher, tout bonnement parce que le mont-de-piété sera le clou de ma pièce.

Aujourd’hui, au théâtre, il y a souvent plus de clous que de « charpente ». Le contraire nous semblerait préférable.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

M. Hector Pessard vient de publier la première série de ses petits papiers dans la Revue bleue. Le clou de cette intéressante communication est l’histoire de la fondation du Courrier de Paris par M. Clément Duvernois. Le rôle joué par cette feuille éphémère et les rédacteurs qui y ont été attachés, ainsi que le talent de l’auteur, expliquent l’accueil fait à ce récit.

(Gil Blas)

Le livre est un petit bijou,
J’ai note des pages exquises,
Dont une un véritable clou.

(Jacques Redelsperger)

France, 1907 : Prison : on y est, en effet, cloué.

Nos chefs sont remplis d’malice ;
Pour un’ faute, un rien du tout,
V’lan ! à la sall de police !
— Y en a qui nomment ça le Clou ! —

Dès qu’il s’agit d’une corvée,
Vite, dans la cour mal pavée,
On fait appeler à l’instant
Le caporal et le sergent.
Et souvent, comme récompense
(Ça se voit plus qu’on ne le pense),
On flanque au clou, si ça va mal,
Le sergent et le caporal.

(Chanson de caserne)

Comemensal (vol au)

Vidocq, 1837 : Il est de ces vérités qui sont devenues triviales à force d’être répétées ; et parmi elles, il faut citer le vieux proverbe qui dit que : Pour n’être jamais trompé, il faut se défier de tout le monde. Les exigences du proverbe sont, comme on le voit, un peu grandes ; aussi n’est-ce que pour prouver à mes lecteurs que je n’oublie rien, que je me détermine à parler du vol au commensal ; seulement, je me bornerai à rapporter un fait récemment arrivé à Saint-Cloud.
Paris est environné d’une grande quantité de maisons bourgeoises habitées par leurs propriétaires ; ces propriétaires, durant la belle saison, louent en garni les appartemens dont ils ne se servent pas, et si le locataire paie cher et exactement, si son éducation et ses manières sont celles d’un homme de bonne compagnie, il est bientôt un des commensaux de la famille. Bon nombre de vols et d’escroqueries commis par ces hommes distingués, devraient cependant avoir appris depuis long-temps aux gens trop faciles, le danger des liaisons impromptu, mais quelques pièces d’or étalées à propos font oublier les mésaventures du voisin, surtout à ceux qui sont doués d’une certaine dose d’amour-propre, qualité ou défaut assez commun par le temps qui court.
Dans le courant du mois d’avril 1836, un individu qui prétendait être un comte allemand (ce qui au reste peut bien être vrai, car tout le monde sait que rien, en Germanie, n’est plus commun que les comtes et les barons), arriva à Saint-Cloud et prit le logement le plus confortable du meilleur hôtel de la ville ; cela fait, il visita un grand nombre d’appartements garnis, mais aucun ne lui plaisait ; enfin il en trouva un qui parut lui convenir : c’était celui que voulait louer un vieux propriétaire, père d’une jeune et jolie fille ; le prix de location convenu, le noble étranger arrête l’appartement ; il paie, suivant l’usage, un trimestre d’avance, et s’installe dans la maison.
Le comte se levait tard, déjeunait, lisait, dînait à cinq heures, il faisait quelques tours de jardin, puis ensuite il rentrait chez lui pour lire et méditer de nouveau ; cette conduite dura quelques jours, mais ayant par hasard rencontré dans le jardin Mme L… et sa fille, il adressa quelques compliments à la mère, et salua respectueusement la demoiselle : la connaissance était faite. Bientôt il fut au mieux avec ses hôtes, et il leur apprit ce que sans doute ils désiraient beaucoup savoir : il était le neveu, et l’unique héritier, d’un vieillard qui, par suite de malheurs imprévus, ne possédait plus que soixante et quelques mille francs de rente.
« On ne saurait trop faire pour un homme qui doit posséder une fortune aussi considérable, se dit un jour M. L…, monsieur le comte est toujours seul, il ne sort presque jamais, il doit beaucoup s’ennuyer ; tâchons de le distraire. » Cette belle résolution une fois prise, M. L… invita le comte à un grand dîner offert à un ancien marchand d’écus retiré, qui avait conservé les traditions de son métier, et qui savait mieux que personne ce que peut rapporter un écu dépensé à propos. Cette réunion fut suivie de plusieurs autres, et bientôt le comte, grâce à ses manières empressées, à son extrême politesse, devint l’intime ami de son propriétaire. Le comte avait dit qu’il attendait son oncle, et des lettres qu’il recevait journellement de Francfort, annonçaient l’arrivée prochaine de ce dernier ; l’oncle priait son neveu de lui envoyer la meilleure dormeuse qu’il pourrait trouver, de lui choisir un logement, etc. Comme on le pense bien, le gîte de l’oncle fut choisi dans la maison de M. L…, l’époque de son arrivée étant prochaine. Le comte, sur ces entrefaites, demande la jeune personne en mariage, les parens sont enchantés, et la jeune fille partage leur ravissement.
M. R***, l’ami de la famille, est mis dans la confidence ; le comte lui demande des conseils, et parle d’acheter des diamans qu’il destine à sa future ; mais comme il ne connaît personne à Paris, il craint d’être trompé, M. R*** conduit lui-même le comte chez un bijoutier de ses amis, auquel il le recommande. Un comte présenté par M. R***, qui a été payeur de rentes trente-six à quarante ans, et qui doit certainement connaître les hommes, devait inspirer de la confiance, enfin M. le comte achette des boucles d’oreilles superbes, qu’il remet à sa prétendue ; il fait tant et si bien, qu’il obtient pour 16 à 18,000 fr. de diamans sans argent ; le bijoutier, qui croyait voir dans M. le comte une ancienne connaissance de M. R***, livra aveuglément. Mais il fallait reprendre les boucles d’oreilles données à la prétendue. Le comte dit à la demoiselle : « Il me semble que les boucles d’oreilles qu’on vous a remises ne sont pas aussi belles, à beaucoup près, que celles que je vous destinais. » Il les examine : « C’est infâme, dit-il, d’avoir ainsi changé les diamans ; il y a plus de 1,500 fr. de différence ; je ne puis souffrir cela, etc. »
Il doit aller au-devant de son oncle, il emprunte 7 à 800 fr. au beau-père, qui, pour ne pas fatiguer M. le comte, porte les 800 fr. dans ses poches ; mais, arrivé à Paris, le comte prit la peine de le décharger de ce fardeau, et ne revint plus.
Il emporta 16 à 18,000 fr. au bijoutier, 800 fr. à son beau-père en herbe, et 800 fr. au traiteur.
Il est inutile d’ajouter que l’oncle d’Allemagne n’était qu’un compère qui s’est prêté à cette manœuvre.

Connaissance

Delvau, 1864 : Maîtresse, concubine.

Ah ! vous avez une connaissance, monsieur !

(De Leuven)

Larchey, 1865 : Maîtresse.

Ah ! vous avez une connaissance, monsieur !

(De Leuven)

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des ouvriers, qui veulent connaître une fille avant de la prendre pour femme.

Rigaud, 1881 : Amant, maîtresse ; fiancé, fiancée, — dans le jargon des ouvriers, des militaires et des bonnes d’enfants.

T’nez M’sieu, j’aime mieux vous dire tout d’ suite, j’ai z’une connaissance.

(Grévin)

France, 1907 : Bonne amie, maîtresse.

— Tu l’aim’s donc bien, c’te connaissance ?
— N’m’en parl’ donc pas, j’m’en frais crever !

(Chant d’atelier)

La connaissance est la compagne obligatoire du pioupiou et même du cavalier et du pompier. C’est elle qui vous fait passer agréablement les heures de promenade entre la soupe et la retraite ; elle qui vous refile une petite fiole de fine et de la bonne, prélevée sur la bouteille du bourgeois ; elle qui vous fait pénétrer dans la boîte par l’escalier de service, afin de vous donner le tendre bécot qu’elles n’a pas épanché sur votre joue aux Tuileries ; elle qui vous nourrit du quartier de poulet qu’elle mis en réserve à votre intention et qu’elle arrose, la chère amie, d’une bouteille de vin cacheté et de ses plus ineffables tendresses ; elle qui vous donne la clé de sa chambre lorsque vous avez la permission de la nuit ; elle qui vous paye de bons cigares avec son sou du franc, si toutefois son singe ne fume pas ; elle encore que vous verrez au premier rang de la foule, derrière le cipal, aux jours de revue, fière de vous voir si beau sous l’uniforme, admirant votre air crâne et martial, et vous électrisant avec ses œillades pleines de promesses.

(Traité de civilité militaire et d’honnêteté, enseignée par Dache)

Le boursier X…, l’homme le plus riche, mais le plus connu pour sa paillardise, allait rendre le dernier soupir.
Son neveu arrive en toute hâte de Nice pour le voir une dernière fois.
— Savez-vous, demande-t-il au valet de chambre, si mon oncle a encore sa connaissance ?
— Certainement, monsieur, ils sont même ensemble depuis ce matin.

(Tintamarre)

— Laisse-moi parler ; tu vois bien que c’est la dernière fois que j’t’embête… Dis donc, Albert, comment que ça se fait que tu parles toujours de tes connaissances, et qu’j’aurais pas eu l’droit d’aimer aussi, moi…

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

Conte

d’Hautel, 1808 : Des contes à Robert mon oncle. Fariboles, bourdes, menteries, gasconnades.

Coquille

d’Hautel, 1808 : Vendre bien ses coquilles. Être avare, intéressé ; faire trop valoir son travail ; vendre tout au poids de l’or.
Rentrer dans sa coquille. Se retirer prudemment d’une mauvaise affaire.
On dit aussi d’un homme dont on a réprimé le caquet et les mauvais propos, qu’on l’a fait rentrer dans sa coquille.
Qui a de l’argent a des coquilles.
Pour dire qu’avec de l’argent, on se procure tout ce qui peut faire plaisir.
À qui vendez-vous vos coquilles ? Locution usitée, en parlant à des marchands, pour leur faire entendre qu’on n’est pas leurs dupes ; que l’on sait apprécier la valeur de leurs marchandises.
À peine s’il est sorti de sa coquille. Espèce de reproche que l’on adresse à un jeune rodomont, qui prend trop de familiarité avec des gens plus âgés et plus expérimentés que lui.

Delvau, 1864 : La nature de la femme — dans laquelle l’homme aime à faire entrer son petit limaçon, qui y bave tout à son aise. Con, cha ? demanderait un Auvergnat.

Et Laurette, à qui la coquille démangeait beaucoup, s’y accorda facilement.

(Ch. Sorel)

Delvau, 1866 : s. f. Lettre mise à la place d’une autre, — dans l’argot des typographes.

La Rue, 1894 / France, 1907 : Assiette.

France, 1907 : Lettre ou mot mis à la place d’un autre. Il est des mots curieux, et d’autres fort désagréables pour les auteurs, qui voient leurs articles non seulement défigurés, mais rendus incompréhensibles et souvent ridicules. Un ouvrier compositeur s’est amusé, dans le Paris Vivant, à énumérer quelques-unes des espiègleries de la coquille.

Toi qu’à bon droit je qualifie
Fléau de la typographie,
Pour flétrir tes nombreux méfaits,
Ou, pour mieux dire, tes forfaits,
Il faudrait un trop gros volume,
Et qu’un Despréaux tint la plume,
S’agit-il d’un homme de bien,
Tu m’en fais un homme de rien ;
Fait-il quelque action insigne,
Ta malice la rend indigne,
Et, par toi, sa capacité
Se transforme en rapacité ;
Un cirque à de nombreux gradins,
Et tu Ie peuples de gredins ;
Parle-t-on d’un pouvoir unique,
Tu m’en fais un pouvoir inique,
Dont toutes les prescriptions
Deviennent des proscriptions…
Certain oncle hésitait à faire
Un sien neveu son légataire :
Mais il est enfin décidé…
Décidé devient décédé…
À ce prompt trésor, pour sa gloire,
Ce neveu hésite de croire,
Et même il est fier d’hésiter,
Mais tu le fais fier… d’hériter ;
A ce quiproquo qui l’outrage,
C’est vainement que son visage
S’empreint d’une vive douleur,
Je dis par toi : vive couleur ;
Plus, son émotion visible
Devient émotion risible,
Et si allait s’évanoir,
Tu le ferais s’épanouir…
Te voilà, coquille effrontée !
Ton allure devergondée
Ne respecte raison ni sens…

Dans la constitution Exurge, Domine, donnée par le pape Léon X en 1520, se trouve une coquille qui a fait bondir de nombreuses générations de dévots. Au lieu de Sauveur, Jésus-Christ y est traitée de sauteur ! Le mot saltator est imprimé dans le texte, au lieu de salvator.

Coucou

Bras-de-Fer, 1829 : Montre.

Vidocq, 1837 : s. f. — Montre. Terme des Floueurs.

Delvau, 1864 : Oiseau jaune, de la race des cocus, aussi féconde que celle des mirmidons.

Les coucous sont gras,
Mais on n’en tue guère ;
Les coucous sont gras,
Mais on n’en tue pas ;
La crainte qu’on a de manger son père,
Son cousin germain, son oncle ou son frère.
Fait qu’on n’en tue guère,
Fait qu’on n’en tue pas.

(Vieille chanson)

Larchey, 1865 : Cocu.

Une simple amourette Rend un mari coucou.

(Chansons. impr. Chassaignon, 1851)

En 1350, un mari trompé s’appelait déjà en bas latin cucullus (prononcez coucoullous), et, en langue romane, cous. V. Du Cange.

Delvau, 1866 : s. m. Cocu, — par antiphrase. Faire coucou. Tromper un homme avec sa femme. On dit aussi Faire cornette, quand c’est la femme qui est trompée.

Delvau, 1866 : s. m. Montre, — dans l’argot des voleurs, qui confondent à dessein avec les horloges de la Forêt-Noire. Ils disent mieux Bogue.

France, 1907 : Ancienne voiture des environs de Paris où grisettes et commis se faisaient véhiculer à la campagne, le dimanche, au bon temps des romans de Paul de Kock, L. Couailhac, dans Les Français peints par eux-mêmes, a ainsi décrit cette humble boîte à compartiments que trainait un cheval poussif :

On y est si bien pressé, si bien serré, si bien étouffé ! Elle rappelle si bien l’époque où les Des Grieux des gardes françaises et de la basoche allaient manger une matelote à la Râpée avec les Manon Lescaut des piliers des Halles. Comme tout ce bon attirail de cheval et de voiture unis ensemble respire le parfum de la galanterie joyeuse, vive et folle du bon temps, du temps ou les grisettes portaient les jupes courtes, faisaient gaiement claquer leurs galoches sur le pavé, se décolletaient comme des marquises et se moquaient de tout avec Madelon Friquet ! Oh ! la charmante voiture ! comme le coude touche le coude, comme le genou presse le genou, comme la taille des jeunes filles est abandonnée sans défense aux entreprises des audacieux !

On appelle aussi coucou, par ironie, la machine à vapeur.

France, 1907 : Cocu. Faire coucou, tromper un mari avec sa femme.

Il y a des syllabes qui portent en elles une vertu magique de rire ou de larmes, comme les plantes que les nécromanciens recueillent au clair de lune empoisonnent où guérissent. Ce petit mot de cocu, plein et sonore comme une tierce de clairon, sonne pour notre race une fanfare toujours joyeuse.

(Hugues Le Roux)

France, 1907 : Montre. Allusion aux horloges de bois fabriquées en Suisse et appelées ainsi à cause du petit oiseau qui les surmonte et chante coucou à toutes les heures.

Dab, dabe

Rigaud, 1881 : Dieu, père, maître, roi. — Frangin dab, oncle.

Douce (aller à la)

Rigaud, 1881 : Aller doucement, se porter assez bien.

ALINE : Et mon oncle comment va-t-il ?
L’HOMME : À la douce, à la douce.

(Jean Rousseau, Paris-Dansant)

Faire quelque chose à la douce, ne pas se presser.

Dur à cuire

d’Hautel, 1808 : Un dur à cuire. Nom baroque et de mépris que les ouvriers donnent à leur maître, quand il montre de la résistance à leurs volontés ; qu’il sait se faire obéir et respecter.
Dur à la desserre. Voyez Desserre.
Il est dur comme du fer. Se dit d’un homme raisonnable que rien ne peut attendrir.
Quand l’un veut du mou, l’autre veut du dur. Se dit par comparaison de deux personnes qui sont continuellement en opposition.
Avoir l’oreille dure. Pour dire être un peu sourd.
On dit figurément d’un homme intéressé et parcimonieux, qui ne prête pas facilement de l’argent, qu’Il a l’oreille dure.

Larchey, 1865 : Homme solide, sévère, ne mollissant pas. V. d’Hautel.

En voilà un qui ne plaisante pas, en voilà un de dur à cuire.

(L. Reybaud)

Rigaud, 1881 : Individu qui ne se laisse ni attendrir, ni intimider facilement. — Vieux dur à cuire ; par allusion aux légumes secs qui ne cuisent pas facilement.

France, 1907 : Homme qui en a vu de toutes les couleurs. Vieux troupier dont le corps s’est endurci dans les fatigues et qui a passé par toutes sortes d’épreuves.

Les durs à cuire avaient raison : ce n’était pas juste que le bénéfice fût seulement pour quelques-uns et la peine, la ruine, la misère pour les autres. Un levain de colère fermentait enfin en lui, toujours si raisonnable, contre les iniquités d’un état social qui faisait éternellement pencher d’un même côté le plateau des douleurs et des humiliations.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Au four crématoire :
Premier neveu. — Sapristi ! c’est dur à tirer. Cette incinération n’en finira donc pas ?
Second neveu. — Dame ! il faut patienter. Tu sais bien que notre baderne d’oncle étant un vieux

Flirtation

Rigaud, 1881 : Action de filer, ou mieux de filtrer le sentiment, de raffiner l’art de faire la cour.

Dans les affaires de cœur, les Françaises ne connaissent pas de milieu entre l’amour et l’indifférence ; elles peuvent avoir des hommes pour amis, mais la flirtation leur est inconnue.

(Lady Morgan, la France, 1817)

Le mot n’est guère répandu que depuis 1875. C’est M. Sardou qui l’a lancé dans la circulation parisienne :

ROBERT : — Ah !… je la connais maintenant leur flirtation ; mais pour la pratiquer sans s’y brûler… juste Dieu ! ces Américaines… en quoi sont-elles ?

(L’Oncle Sam, acte III, sc. VII.)

Frangin

Ansiaume, 1821 : Frère.

Le frangin quimpe à la couleur, il sera le bon.

M.D., 1844 : Le frère.

Delvau, 1866 : s. m. Frère, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi fralin. Frangin-Dab. Oncle.

Boutmy, 1883 : s. m. Altération et synonyme du mot frère, pris au sens naturel. Cette expression est usitée dans d’autres argots parisiens.

Virmaître, 1894 : Frère (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Frère.

Frangin dab

France, 1907 : Oncle.

Frangin dabe

Vidocq, 1837 : s. m. — Oncle.

Frangin, frangine

Larchey, 1865 : Frère, sœur. V. Servir, Altèque. — Frangin dabe : Oncle. — Frangine dabusche : Tante. — Mot à mot : frère, père, sœur, mère.

Rigaud, 1881 : Frère, sœur. — Frangine, sœur de charité, — dans le jargon des détenues qui les appellent encore : « Nonnes ». — Frangin dab, oncle ; frangine dabesse, dabusche, tante.

Merlin, 1888 : Frère, camarade, sœur (argot parisien).

La Rue, 1894 : Frère, sœur. Frangin dabe, oncle.

Hayard, 1907 / anon., 1907 : Frère, sœur.

Gigolette

Delvau, 1864 : Drôlesse de quinze à seize ans qui débute dans la vie en même temps que dans le vice et qui est du bois — pourri — dont on fait les putains.

La gigolette est une adolescente, une muliérocule… qui tient le milieu entre la grisette et la gandine, — moitié ouvrière et moitié-fille.

(A. Delvau)

Delvau, 1866 : s. f. Jeune fille qui a jeté sa pudeur et son bonnet pardessus les moulins, et qui fait consister son bonheur à aller jouer des gigues dans les bals publics, — surtout les bals de barrière.
Je crois avoir été un des premiers, sinon le premier, à employer ce mot, fort en usage dans le peuple depuis une quinzaine d’années. J’en ai dit ailleurs (Les Cythères parisiennes) ; « La gigolette est une adolescente, une muliéricule. Elle tient le milieu entre la grisette et la gandine, — moitié ouvrière et moitié fille. Ignorante comme une carpe, elle n’est pas fâchée de pouvoir babiller tout à son aise avec. le gigolo, tout aussi ignorant qu’elle, sans redouter ses sourires et ses leçons. »

Rigaud, 1881 : Apprentie ouvrière doublée d’une danseuse de bals publics. Comme son mâle, le gigolo, type éteint, la gigolette est venue à l’époque du succès des Mystères de Paris. C’est Rigolette encanaillée, bastringueuse, avec changement de la première lettre.

Virmaître, 1894 : Fille des faubourgs qui, à l’âge ou les autres vont encore à l’école, a déjà jeté son bonnet par dessus la Tour Eiffel. La gigolette travaille pour l’amour de l’art. Comme elle fréquente les bals publics où elle gigotte avec frénésie, l’expression gigolette est indiquée (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Femme légère, au point de vue mœurs.

France, 1907 : Grisette, coureuse de bals publics, maîtresse de souteneur.
D’après Jean Richepin, autorité en la matière, gigolette viendrait de gigue qui signifie non seulement en argot, mais en français, jambe. Une gigolette est donc une femme qui joue des jambes, c’est-à-dire qui danse. Mais dans le sens attaché à ce mot, une gigolelte n’est pas seulement une danseuse, c’est surtout une gourgandine, la maîtresse d’un gigolo, une raccrocheuse enfin. Nous trouvons alors son étymologie en anglais dans les mots giglot et gigglett signifiant tous deux coureuse, fille lascive, impudique, ce qui répond à notre cas. Giglot et gigglett dérivent du saxon geagl, folâtre, gai, bruyant, peu scrupuleux en matière de morale.
Cette origine nous semble plus naturelle que celle donnée par Berey, connu comme poète argotique sous le pseudonyme de Blédort :
« Ce mot, dit-il, avec l’acceptation actuelle, existe en argot depuis une quinzaine d’années. Dans le numéro 36 du Chat Noir (sept. 1882), on trouve ce vers :

… En f’sant masser ma gigolette.

Gigolo, dont c’est le féminin, vient des pronoms personnels moi, toi, soi ; en patois, mé, té, sé ; en argot, mézigo, tésigo, sézigo ou mézig, tésig, sézig. L’argot déforme les mots par addition ou suppression ; ainsi s’est formé le mot zig, devenu par altérations successives : zigoyo, gigoyo, et enfin gigolo. »
M. François Deloncle, qui se rallie à l’opinion de Jean Richepin, a trouvé dans différents textes du XVIIe et du XVIIIe siècle les mots gigole, gigolan et gigolard, danse, dansant et danseur. Gigolette, d’après lui, n’a paru qu’en 1836.
Tout cela ne fait que confirmer l’étymologie anglaise de giglot et gigglett, femme qui aime à lever la jambe.

Autrefois, femme de rapport,
D’un’ Terreur d’la Villette
J’étais l’unique et cher trésor ;
J’étais la gigolette
À Totor,
J’étais sa gigolette…

(L’Imagier : L. D)

Dire que pendant qu’à Nanterre
Les couples se roulent à terre,
Avec des gestes immoraux
À la Morgue les gigolettes,
En voyant nos tristes binettes,
Rigolent devant les carreaux !!!

(Georges Prud’homme)

Lâchage

Rigaud, 1881 : Abandon.

France, 1907 : Abandon.

— Mais je ne vous conte pas le plus joli. M’sieu Porphyre ! C’est qu’en même temps que la petite Lemeslier était plaquée par son amant, la grande Ancelin l’était par le sien, par « mon oncle ». Oui, double lâchage !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

— Si tu savais ce qu’il faut de mensonges, de ruses, pour te donner de temps en temps deux ou trois heures. Je t’assure que c’est nous, les femmes honnêtes, qui savons aimer. Et dire qu’après ces rendez-vous périlleux, ces déshabillages et ces rhabillages clownesques, qu’est-ce qui nous attend ? Le lâchage, le scandale ou la mort.

(Maurice Donnay)

Loriot (compère)

France, 1907 : Furoncle à l’œil. Appelé ainsi à cause de sa couleur qui tire sur le jaune, du latin aureolus, couleur d’or ; l’article s’est agglutiné avec le substantif, l’oriot est devenu loriot.
On disait autrefois leurieul. On trouve dans l’Évangile des grenouilles, XVe siècle :

Pour pissier entre deux maisons ou contre le soleil, on en gaigne le mal des yeulx qu’on appelle le leurieul.

L…, un artiste très pauvre, a été indisposé.
Il est rétabli et se retrouve au milieu de ses amis.
Quand on lui demande ce qu’il a eu, il répond avec un sourire tristement philosophique :
Le seul mal que l’état de ma fortune me permette sans ironie, un compère-loriot… on a ça à l’œil.

(Ange Pitou)

Marcheur

France, 1907 : Coureur de jupes, débauché, viveur. On dit plus généralement vieux marcheur.

Le petit vicomte, nouvellement marié, a présenté sa jeune femme au vieux marcheur, son oncle.
— Eh bien ! vous plait-elle ? demande-t-il.
— Si elle me plaît ? Répond le vieux marcheur, tous mes compliments ! Je t’en souhaite beaucoup comme ça…

(Le Journal)

Gobé seul’ment pour sa galette,
Un vieux marcheur, lundi dernier,
Rigolait avec un’ poulette
En cabinet particulier.

(Muffat et Desmarets)

Marie-jabotte

France, 1907 : Bavarde.

J’ai déjà dit que l’oncle Paul était né vieux garçon. Il avait, dès ce temps-là, une foule d’innocentes manies. Il ne supportait pas que les gens de service touchassent aux couteaux à découper. Il voulait qu’on servit les pièces de viande et de gibier tout entières sur la table. En même temps qu’il les découpait, à la mode d’autrefois, il aimait à conter des anecdotes. Il s’arrêtait en l’air, une aiguillette au bout du couteau, quelque carcasse de dindon suspendue.
Alors, Paparel battait la chamade avec sa tabatière d’argent.
— Paul… Paul… sacré Paul !… m’entends-tu ?… Il ne m’entend pas ! Marie-jabotte !… Saint Lambin !… C’est sa faute si les enfants s’endorment sur leurs chaises avant la salade !

(Hugues Le Roux, Mémoires d’un enfant)

Mec de la guiche

France, 1907 : Souteneur.

Paraît qu’dans l’temps, chez Charles dix,
L’oncle d’son oncle était cocher.
Ça fait qu’il est légitimisse,
La République all’ le fait chier,
J’lui dis quéqu’fois : t’as donc z’un titre ?
Tu m’l’as jamais dit, mais pourquoi ?
Y m’répond toujours : Paye un litre
En attendant l’retour du roi.
Lui seul peut rendr’ la France heureuse,
Mais t’es trop bêt’ pour parler d’ça.
C’est tout d’mêm’ chouett’ pour un’ pierreuse
D’avoir un mec comm’ celui-là !

(André Gill)

Microbe

France, 1907 : Du grec micros, petit, et bios, vie. Mot créé vers 1878 par Sédillot, chirurgien de Strasbourg, pour désigner les plus petits représentants de la nature vivante. Ces êtres se mesurent par millièmes ou dixièmes de millième de millimètre. Les microbes se reproduisent avec une vitesse prodigieuse. En 24 heures, 16 millions d’individus peuvent provenir d’un seul. Un millimètre cube de sang corrompu donne en un jour le nombre de 5,000 milliards de micro-organismes. La doctrine microbienne, dite théorie parasitaire ou doctrine du contage animé, explique les phénomènes de la contagion et de l’épidémicité des maladies infectieuses. Les fièvres éruptives, la fièvre typhoïde, les pneumonies, les abcès, les furoncles, la tuberculose, etc., sont causés par la pénétration du microbe dans l’organisme.
On dit « ensemencer » ou « cultiver » les microbes parce que, par une suite de gradations insensibles, ils se rattachent aux moisissures et aux algues, ce qui les a fait considérer à tort comme des végétaux.

France, 1907 : Injure signifiant avorton, être sans aucune valeur.

On se prend à douter si l’avenir, au lieu de désigner notre siècle par le nom de quelque rare génie, ne l’appellera pas le siècle de microbes ; nul mot ne rendrait mieux notre physionomie et le sens de notre passage à travers les générations.

(M. de Vogüé)

Mon oncle

France, 1907 : Nom donné au sergent-major gardien de la porte d’entrée à l’École polytechnique.

Un colonel commandant en second l’École avait l’habitude, en s’adressant aux élèves, de leur dire « Mes enfants » et ceux-ci, tout naturellement, l’avaient surnommé « Papa » ; or, le sergent-major ressemblait d’une manière frappante au colonel : tout naturellement aussi on l’appelait « mon oncle » et le nom est resté à ses successeurs.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Mots à queue

Virmaître, 1894 : C’est une plaisanterie d’atelier fort amusante. C’est un homme de l’artichaud Colas. On en a fait des à-peu-près tout aussi drôles sur les heures. Il est une heure, (teneur) de livres. Deux heures, (deux sœurs) de charité. Trois heures, (toiseur) vérificateur. Quatre heures, (cardeur) de matelas. Cinq heures, (zingueur) plombier. Six heures, (ciseleur) sur métaux. Sept heures, (cette heure) est la mienne. Huit heures, (huîtres) d’Ostende. Neuf heures, (neveu) de son oncle. Dix heures, (diseur) de bonne aventure. Onze heures, (on se) réunira à la maison mortuaire pour midi (Argot des ateliers).

Oncle

d’Hautel, 1808 : Des contes à Robert mon oncle. Des contes en l’air, des bourdes, des gausses.

Ansiaume, 1821 : Concierge de prison.

Mon oncle est un lofia : tandis qu’il roupille, on rivauche ma tante.

Vidocq, 1837 : s. m. — Concierge de prison.

Larchey, 1865 : Où prendras-tu de l’argent ? dit elle. — Chez mon oncle, répondit Raoul. — Florine connaissait l’oncle de Raoul. Ce mot symbolisait l’usure, comme dans la langue populaire ma tante signifie le prêt sur gage.

(Balzac)

Delvau, 1866 : s. m. Guichetier, — dans le même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : s. m. Usurier, — dans l’argot des fils de famille, qui ont voulu marier leur tante à quelqu’un.

Rigaud, 1881 : Concierge de prison. Sous les verrous, les voleurs, qui ont de l’imagination, s’assimilent aux objets mis en gage. La prison pour eux est comme un Mont-de-Piété, tante, où ils sont accrochés. Celui qui garde la porte de ma tante, devient le mari de ma tante « mon oncle ». Au XVIIe siècle « oncle » désignait un usurier. — Avoir un oncle sur la planche, être héritier d’un oncle. — Manger son oncle, manger l’héritage laissé par son oncle. — Rubis sur l’oncle, calembour par à peu près pour dire qu’il ne reste plus rien de l’héritage avunculaire.

La Rue, 1894 : Guichetier. Usurier.

Virmaître, 1894 : Le guichetier qui garde la première porte d’entrée d’une prison. Je ne vois pas trop pourquoi on l’appelle mon oncle car il n’a guère de tendresse pour les visiteurs, à moins que ce ne soit un à peu près. Quand on va au clou, mon oncle prend soin dos objets déposés (Argot des prisons).

Hayard, 1907 : Guichetier de prison.

France, 1907 : Guichetier.

France, 1907 : Usurier. « Ce mot, dit Balzac, symbolise l’usure, comme dans la langue populaire ma tante signifie le prêt sur gage. » Il est a noter que les Anglais emploient le même mot pour désigner le prêteur sur gages. Dans l’argot des voleurs, oncle est synonyme de joaillier ; onclesse, femme du joaillier.
Disons en passant que notre institution le Mont-de-Piété n’a aucun rapport avec une montagne, Mont vient de l’italien monte, qui signitie amas, masse, pile de fonds et, par extension, banque, c’est-à-dire, en ce cas, banque de piété, monte di pieta. Le premier mont-de-piété établi à Paris date de 1777. Mais, dès 1468, on établit à Rome des établissements de prêts sur gage pour combattre les prêts usuraires et les honteuses extorsions des juifs. Ils furent appelés monti di pieta. Il existe également en Italie nombre d’endroits où l’on fait des avances de grains et qu’on appelle monti di grano.

Oncle du prêt (mon)

Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété, — dans le jargon des ouvriers qui sont fatigués d’appeler « ma tante, ma tante Dumont » cet établissement philanthropique à onze pour cent.

Onclesse

Rigaud, 1881 : Concierge femelle d’une prison, — dans l’argot des voleurs, qui appellent le concierge mâle « leur oncle ».

Parler papier

Larchey, 1865 : Écrire.

C’est lui qui parle papier pour moi à mon oncle.

(Vidal, 1833)

Delvau, 1866 : v. n. Écrire, — dans l’argot des troupiers.

France, 1907 : Écrire ; argot des faubouriens.

Passé-singe

Delvau, 1866 : s. m. Roué, roublard, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Roué. A. D. Singe ne doit pas ici être pris dans le sens de patron ; singe est l’animal de ce nom. Passé-singe, passé maître dans l’art de faire des grimaces et de se contorsionner. Synonyme de souplesse et d’agilité.
— Il est donc passé-singe qu’il a pu cromper la tante, malgré l’oncle et les barbauttiers (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Malin, rusé.

Pigeon

d’Hautel, 1808 : Un niais, un sot, un homme simple et crédule, que les fripons attirent dans un piège pour le duper ; l’escroquer.
Plumer le pigeon. Filouter, duper, tromper un homme simple et naturel.
Il ne faut pas laisser de semer, par la crainte des pigeons. Signifie qu’il ne faut abandonner une affaire, pour quelque léger inconvénient qu’on y rencontre ; ni se laisser décourager par les clameurs des sots et des ignorans.

Clémens, 1840 : Facile à gagner au jeu.

Delvau, 1864 : Jeune homme innocent, ou vieillard crédule, dont les filles se moquent volontiers, prenant son argent et ne lui laissant pas prendre leur cul, et le renvoyant, plumé a vif, au colombier paternel ou conjugal.

Près de là je vois un pigeon,
Qui se tenait droit comme un jonc,
Le nez au vent et l’âme en peine,
Il regardait d’un air vainqueur,
Ma nymphe qu’avait mal au cœur :
Pour un cœur vierge, quelle aubaine !

(Ant. Watripon)

J’lui dit : Ma fille, allons, n’fais pas d’ manière. Et j’ la conduit moi-même au pigeonnier.

(Chanson nouvelle)

J’ai ma colombe.
— Moi, je tiens mon pigeon.

(les Bohémiens de Paris)

Delvau, 1866 : s. m. Acompte sur une pièce à moitié faite, — dans l’argot des vaudevillistes.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui se laisse volontiers duper par les hommes au jeu et par les femmes en amour. Avoir son pigeon. Avoir fait un amant, — dans l’argot des petites dames. Plumer un pigeon. Voler ou ruiner un homme assez candide pour croire à l’honnêteté des hommes et à celle des femmes. On dit aussi Pigeonneau. Le mot est vieux, — comme le vice. Sarrazin (Testament d’une fille d’amour mourante, 1768), dit à propos des amants de son héroïne, Rose Belvue :

…De mes pigeonneaux
Conduisant l’inexpérience,
Je sus, dans le feu des désirs,
Gagner par mes supercheries
Montres, bijoux et pierreries,
Monuments de leurs repentirs.

Rigaud, 1881 : Avance sur un livre, sur une pièce de théâtre, — dans le jargon des libraires.

La Rue, 1894 : Dupe. Acompte. Pigeon voyageur, prostituée exploitant les trains de banlieue.

Virmaître, 1894 : Homme facile à plumer. Plumer un pigeon, c’est plumer un individu qui a un béguin pour une fille.
— Je tiens mon pigeon, il laissera sa dernière plume dans mon alcôve (Argot des filles).

France, 1907 :

Qui veut tenir nette sa maison
N’y mette prêtre ni pigeon.

(Vieux dicton)

France, 1907 : Dupe, simple, naïf, facile à attraper. Élever des pigeons, engager des dupes à jouer pour les tricher et leur vider les poches.

Il est malheureusement avéré qu’une partie de la population des grandes villes sert de pâture a l’autre, mais il faut avouer aussi que l’étourderie et la distraction de certains pigeons font la partie trop belle aux exploiteurs.

(Charles Reboux, Les Ficelles de Paris)

Au salon — quelques bambins absorbés par l’innocent jeu de « pigeon vole », les yeux fixés sur la jeune fille qui parle :
— Hanneton vole !
Une douzaine de petits doigts montrent le plafond.
— Mon oncle Charles vole !
Personne ne bouge.
— Tout le monde un gage, dit Bébé.
Récriminations sur toute la ligne ; intervention de l’oncle Charles qui demande une explication.
— Mais oui, que tu voles, faut l’espiègle, parce que petite mère a dit que pour te faire plumer comme ça tous les jours à la Bourse, il fallait que tu sois un fameux pigeon.

(Aladin, Germinal)

France, 1907 : Part des recettes dues à un auteur par un directeur de théâtre ou acompte que reçoit l’auteur sur une pièce à l’étude.

Propre à rien

France, 1907 : Fainéant.

Cette loi qui crée la fortune injuste par l’héritage collatéral, qui fait du propre à rien un grand seigneur, parce qu’il a un oncle d’Amérique, fait du paysan un prolétaire parce qu’il 1e peut aménager sa terre pour qu’elle reste productive.

(Camille Dreyfus, La Nation)

Rampe (lâcher la)

Larchey, 1865 : Mourir. — Mot à mot : dégringoler l’escalier de la vie.

Ton oncle s’est laissé mourir ? — Le pauvre cher homme ! Il vient de lâcher la rampe.

(Tintamarre)

France, 1907 : Mourir.

Retape

Larchey, 1865 : Mis proprement.

Elle est joliment retapée et requinquée le dimanche.

(Vidal)

Delvau, 1866 : s. f. Raccrochage, — dans l’argot des filles et de leurs souteneurs. Aller à la retape. Raccrocher. On dit aussi Faire la retape.

La Rue, 1894 : Raccrochage sur le trottoir.

Virmaître, 1894 : On retape un vieux chapeau pour lui donner l’aspect d’un neuf. On retape une seconde fois un ami déjà tapé une première. Les filles du trottoir retapent les hommes, mais pas pour les rendre neufs, car quelquefois elles laissent des souvenirs qui ne sont pas tapés. Mot à mot : retaper, raccrocher (Argot des souteneurs).

France, 1907 : Guet, surveillance.

Il faut classer à part une variété d’hommes entretenus qui se livrent à une industrie qu’on nomme la retape. Ceux-là ne disparaitront pas avec la suppression de la police des mœurs ; car ils ne sont pas là pour assister les femmes dans leurs démêlés avec la prélecture, mais pour leur servir d’enseigne aux yeux du public. Ce sont ceux qui jouent le rôle d’amants en titre, d’entreteneurs opulents ou même d’oncles millionnaires ; ils servent de chaperons. Tout chamarrés de cordons et de croix, ils sont presque toujours âgés, ont souvent occupé un rôle élevé dans la société qui les a expulsés de son sein, ont conservé des manières distinguées, et sont, grâce à leurs protectrices, mis avec bon goût et recherche. Leur prétendue maîtresse ou leur soi-disant nièce est censée tromper leur surveillance jalouses ; c’est du moins ce qu’elle affirme au naïf qu’elle reçoit avec un certain mystère et à qui elle fait payer d’autant plus cher les quelques moments qu’elle lui accorde.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

France, 1907 : Racolement des passants, en parlant des prostituées. Faire la retape, arrêter et racoler les hommes.

J’en foutrai jamai’ eun’ secousse,
Mêm’ pas dans la rousse
Ni dans rien,
Pendant que l’soir ej’ fais ma frape,
Ma sœur fait la r’tape
Et c’est bien.

(Aristide Bruant)

Rosser

Delvau, 1866 : v. a. Frapper, battre, étriller à coups de poing ou de bâton.

France, 1907 : Battre, frapper comme sur un mauvais cheval, une rosse.

Gaston. — Non. Je suis bon et j’adore les bêtes. Mais il faut les rosser. Il n’y a qu’á cette condition, d’ailleurs, qu’elles vous craignent un peu et vous aiment.
Pierre. — Mais oui, Je ne vais pas si loin que lui. Pourtant, il n’a pas tort. Les bêtes, c’est comme les femmes, ça ne vous lèche que quand c’est rossé !

(Henri Lavedan)

France, 1907 : Commettre des méchancetés, agir en rosse. Voir ce mot.

— La prochaine fois, si elle se met encore à rosser, je te promets que je ne me gênerai pas. Elle a été la maîtresse de l’oncle de mon mari et j’ai des tuyaux sur elle, ma chère, épatants.

(Maurice Donnay, Chère Madame)

Rouscailler

anon., 1827 : Parler.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Parler argot.

Bras-de-Fer, 1829 : Parler.

Delvau, 1864 : Besogner du membre avec une femme qui en meurt d’envie.

Un pareil état m’excite et m’offense :
Descends de mon lit, ou bien rouscaillons !

Delvau, 1866 : v. a. Aimer, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Sacrifier sur l’autel de Vénus. — Parler. Rouscailler bigorne, parler argot.

La Rue, 1894 : Aimer. Parler. Rouscailler bigorne, parler argot.

Virmaître, 1894 : Voulait dire autrefois parler. Les voleurs en ont fait le synonyme d’aimer, mais pas dans le sens platonique (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Semer pour récolter. Tous les bipèdes et les quadrupèdes rouscaillent, à l’exception cependant du mulet.

France, 1907 : Coïter. Se faire rouscailler, se livrer à un homme.

Faute de grives, on prend des merles ; un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, et moineau en main est préférable à perdrix qui vole. C’est peut-être en raison de ces divers axiomes de la sagesse des nations qu’un beau matin la maman Étienne trouva l’oncle et la nièce en une conversation intime qui ne laissait aucun doute sur la nature de l’objet traité. Cette découverte fut suivie d’un tapage horrible et d’une affreuse batterie. Mélie, rouée de coups, fut réexpédiée par le train le plus proche avec l’autorisation verbale d’aller se faire… rouscailler ailleurs.

(Hector France, Sabre au fourreau)

France, 1907 : Parler. Rouscailler bigorne, parler argot.

France, 1907 : Prier : argot des voleurs.

— Ah ! le Havre garde mézière, je ne fus jamais ni fourgue ni doubleux.
— Ni mézière non plus, je rouscaille tous les luisans au grand hâvre de l’oraison.

(Dialogue de deux argotiers, XVIIe siècle)

Rue de la Plume (malin de la)

France, 1907 : Individu qui possède une belle écriture ; argot militaire.

L’oncle Émile passait pour un brillant causeur. Nul n’employait plus à propos des locutions comme : « Ça fait la rue Michel » ou : « Le malin de la rue de la Plume. » Et c’est lui qui, deux mois à peine après qu’elle eut été lancée, apporta dans la famille l’expression : « On dirait du veau », qui y fut conservée très longtemps après qu’elle fut tombée, partout ailleurs, en désuétude.

(Tristan Bernard, Mémoires d’un Jeune homme rangé)

Sam (oncle)

France, 1907 : Sobriquet donné aux habitants des États-Unis de l’Amérique ; personnification du gouvernement fédéral. D’après Joliet, ce nom, qui s’écrit en anglais uncle Sam, serait une traduction populaire de U.S. AM, abréviation d’United States (of) America. D’un autre côté, Émile Tandel, dans l’Intermédiaire du 10 novembre 1898, donne, d’après l’éditeur des œuvres de Fenimore Couper, une explication qui confirmerait celle de Joliet :

Les troupes des États-Unis portent sur leur havresac Les initiales U. S. (United States). On dit qu’un plaisant du pays, voyant passer un soldat dont le havresac portait les lettres U. S. L. D., c’est-à-dire United States light dragons, États-Unis, dragons légers, s’est écrié : Uncle Sam’s lazy dogs, chiens fainéants d’oncle Sam. Peut-être n’en a-t-il pas fallu davantage pour que le sobriquet en soit resté au gouvernement. Les Indiens rapprochés des villes, ceux qui voient le plus de soldats en uniforme, appellent souvent le président des Etats-Unis (U. S.) Uncle Sam.

Enfin, troisième version donnée par le Reader’s Handbook of references, Londres 1890 :

Uncle Sam vient de Samuel Wilson qui était un des inspecteurs des provisions pendant la guerre de l’indépendance aux États-Unis. Samuel Wilson fut appelé, par ses employés et autres, Uncle Sam. On voyait sur les marchandises qui lui étaient consignées la marque de l’entrepreneur E. A. U. S. (signifiant Elbert Anderson, United States) qu’on interprétait Elbert Anderson et Uncle Sam. Le jeu de mots était trop bon pour disparaître et Uncle Sam est devenu synonyme de U. S. (United States).

Tante

Ansiaume, 1821 : Femme concierge de prison.

Ma tante est encore girofle, ma foi, si elle m’ouvroit la lourde.

Vidocq, 1837 : s. m. — Homme qui a les goûts des femmes, la femme des prisons d’hommes. Je dois l’avouer, ce n’est pas sans éprouver un vif sentiment de crainte que je me suis déterminé à donner place dans cet ouvrage, à ce mot que l’ordre alphabétique amène sous ma plume ; mais cet ouvrage n’est destiné ni aux filles, ni aux femmes ; on le trouvera peut-être entre les mains de celles qui assistent, parées comme pour le bal, aux audiences de la cour d’assises lorsque l’acte d’accusation promet des détails sanglans ou critiques, ou qui sont allées par une froide matinée d’hiver, enveloppées de fourrures et nonchalamment étendues sur les coussins moelleux de leur landeau, acheter bien cher une place de laquelle elles pussent voir commodément tomber les têtes de Lacenaire et d’Avril ; mais à celles-là je n’apprendrais rien qu’elles ne sachent déjà, elles savent ce que c’était que la Tante Chardon, c’est tout au plus si la pile galvanique pourrait agacer leurs nerfs, et peut-être que si l’on cherchait sous leur oreiller on y trouverait les ouvrages du marquis de Sade.
Cependant ce n’est point pour -elles que j’écris ; aussi je d’aurais pas publié ces quelques lignes si je n’avais pas cru qu’il en dût résulter quelque bien.
Il ne faut pas croire que la pédérastie soit toujours le résultat d’une organisation vicieuse ; les phrénologistes qui ont trouvé sur notre crâne la bosse propre à chaque amour, n’y ont point trouvé celle de l’amour socratique ; la pédérastie n’est autre chose que le vice de toutes les corporations d’hommes qui vivent en dehors de la société ; les quelques hommes vivant dans le monde que l’on pourrait me citer, sont des êtres anormals qui ne doivent pas plus prouver contre ce que j’avance, que les boiteux, les bossus, les culs de jatte, ne prouvent que la nature de l’homme est d’être boiteux, bossu, ou cul de jatte ; ainsi donc quelques soldats, un peu plus de matelots, et beaucoup de prisonniers, seront atteints de ce vice, et cela, du reste, est facile à concevoir : tous les besoins de la nature sont impérieux, il faut que l’on trompe ceux qu’on ne peut satisfaire.
Il serait souvent plus juste de plaindre que de blâmer celui que l’on voit mal faire, car il est fort rare que l’homme succombe sans avoir combattu ; c’est presque toujours la nécessité qui conduit la main de celui qui commet un premier crime, et peut-être que si à côté des lois répressives de notre Code, le législateur avait placé quelques lois préventives, tel individu qui languit dans un bagne ou dans une maison centrale, posséderait la somme de bien-être à laquelle tous les hommes ont le droit de prétendre, et qui doit être le prix de toutes facultés utilement employées.
Je-ne me suis pas éloigné de mon sujet, ce que je viens de dire doit me servir à constater un fait qui malheureusement n’est que trop prouvé, et qui déjà a été signalé par des hommes vraiment recommandables : c’est que la pédérastie est la lèpre des prisons ; ce vice ignoble, que l’imagination ne peut que difficilement concevoir, est le plus saillant de tous ceux qui infestent des lieux placés aous la surveillance immédiate de l’autorité ; cependant les hommes dont la mission est d’améliorer le régime pénitenciaire, ne daignent pas seulement chercher les moyens de l’extirper.
Il y a plus même, dans les bagnes et dans les prisons, on voit souvent sans peine les voleurs audacieux s’attacher à de jeunes pédérastes, car alors ils ne cherchent plus à s’évader ; les directeurs et surveillans de maison centrale ont même quelquefois souffert que des mariages* fussent célébrés avec une certaine pompe ; cet abus n’existe plus, il est vrai, on se cache aujourd’hui pour faire ce qu’autrefois on faisait ouvertement, mais le mal existe toujours.

* Les prisonniers qui contractaient de semblables mariages ne faisaient, au reste, que ce que fit Henri III qui passa avec Maugiron, celui de ses mignons qu’il aimait le plus, un contrat de mariage que tous ses favoris signèrent, et qui donna naissance à un pamphlet intitulé : La Pétarade Maugiron. J’ai extrait de cet ouvrage le quatrain suivant, destiné à servir d’épitaphe à un des seigneurs de la cour de ce monarque, ainsi qu’à sa famille :
Ci gist Tircis, son fils, sa femme,
Juge passant qui fis le pis,
Tircis prit son fils pour sa femme,
Sa femme eut pour mari son fils.

Comme je l’ai dit plus haut, ce n’est pas sans avoir combattu que l’homme succombe ; mais, comme les mauvaises habitudes ont plus de force que les bonnes, il ne s’est pas plus tôt laissé séduire par l’exemple, qu’il aime ce que d’abord à ne pouvait concevoir, et bientôt son esprit affaibli, du reste, par une nourriture malsaine et insuffisante, et par une tension continuelle, ne lui permet plus de discerner les objets ; alors il croit avoir trouvé ce qu’il désire ; il flatte, il adule, il courtise les malheureux qu’il convoite, et qui, eux aussi, croient souvent être ce que l’autre cherche.
Oh ! il est de ces spectacles qu’il faut avoir vu, pour savoir jusqu’où peut descendre l’homme ; il faut être doué d’une organisation bien vigoureuse, et ne jamais s’être arrêté aux surfaces pour ne pas dire ruca à ses frères, lorsque l’on s’est couché sur le banc d’un bagne ou dans la galiote d’une maison centrale ; car n’est-ce pas un spectacle à dégoûter l’humanité toute entière, que de voir des hommes renoncer aux attributs, aux privilèges de leur sexe, pour prendre le ton et les manières de ces malheureuses créatures qui se vendent au premier venu, de les voir lècher la main de celui qui les frappe, et sourire à celui qui leur dit des injures ? et cela cependant se passe tous les jours, et dans toutes les prisons, sous les yeux de l’autorité qui, disent ses agens, ne peut rien y faire. Vous ne pouvez rien y faire ? dites-vous. Pourquoi donc le peuple paie-t-il grassement des philantropes et des inspecteurs-généraux ? Vous ne pouvez rien, mais il faut pouvoir ; le prisonnier est toujours un membre de la famille : la société qui vous a chargé de le punir, vous a en même temps donné la mission de le rendre meilleur, car s’il n’en était pas ainsi, le recueil de vos lois ne serait qu’un recueil d’absurdités ; la peine qui ne répare rien est une peine inutile. Rendez meilleurs les hommes vicieux, voilà la réparation que la société vous demande.
Les pédérastes, à la ville, ont un signe pour se reconnaître ; il consiste à prendre le revers de l’habit ou de la redingotte avec la main droite, le hausser à la hauteur du menton, et à faire une révérence imperceptible.

Delvau, 1864 : Homme qui sert de femme aux pédérastes actifs.

Enfants, on les appelle mômes ou gosselins ; adolescents, ce sont des cousines ; plus âgés, ce sont des tantes.

(Christophe)

Larchey, 1865 : « Homme qui a des goûts de femmes, la femme des prisons d’hommes. »

(1837, Vidocq)

Pour donner une vague idée du personnage qu’on appelle une tante, il suffira de rapporter ce mot magnifique du directeur d’une maison centrale a feu lord Durham qui visita toutes les prisons pendant son séjour à Paris. Le directeur, après avoir montré toute la prison, désigne du doigt un local en faisant un geste de dégoût : Je ne mène pas là Votre Seigneurie, dit-il, car c’est le quartier des tantes. — Hao ! fit lord Durham, et qu’est-ce ? — C’est le troisième sexe, milord.

(Balzac)

Enfants, on les appelle mômes ou gosselins ; adolescents, ce sont des cousines ; plus âgés, ce sont des tantes.

(Moreau Christophe)

Dans le chapitre détaillé qu’il a consacré à cette espèce de gens, M. Canler reconnaît quatre catégories appartenant à diverses classes sociales : persilleuses, honteuses, travailleuses et rivettes. Cette dernière est seule exploitée par les chanteurs.

Larchey, 1865 : « Tous mes bijoux sont chez ma tante, comme disent mes camarades lorsqu’elles parlent du Mont de Piété. » — Achard. — C’est, comme oncle, un terme ironique à l’adresse de ceux qui croient déguiser la source d’un emprunt en disant qu’ils ont eu recours à leur famille.

Delvau, 1866 : s. f. Individu du troisième sexe, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Tapette.

Rigaud, 1881 : Être hybride que Balzac a nommé le troisième sexe, et Vidocq la femme des prisons d’hommes. — Toutes les tantes ne sont pas des assassins, mais tous les assassins sont des tantes.

Homme ou femme ? On ne sait. Ça rôde, chaque soir,
En tous lieux où le gaz épargne un peu de noir,
Et ça répond au nom de : La Belle Guguste.

(J. Dementhe)

La Rue, 1894 : Individu ignoble. Le troisième sexe. Signifie aussi dénonciateur.

Virmaître, 1894 : Le Mont-de-Piété
— Je porte ma toquante chez ma tante, mon oncle en aura soin (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Pédéraste, homme à double face qui retourne volontiers la tête du côté du mur (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Voir chatte.

Hayard, 1907 : Pédéraste.

France, 1907 : Faux frère ; dénonciateur ; lâche.

Et quand faut suriner un pante
Ej’ reste là… les bras ballants…
I’s ont beau m’dir’ : Va donc… eh ! Tante !
Ej’ marche pas… j’ai les foies blancs.

(Aristide Bruant)

France, 1907 : Individu appartenant au troisième sexe dont était exclusivement composée la légion thébaine. On dit aussi tapette.

Il suffira, dit Balzac, de rapporter ce mot du directeur d’une maison centrale à feu lord Durham, qui visita toutes les prisons pendant son séjour à Paris. Le directeur, après avoir montré toute la prison, désigne du doigt un local en faisant un geste de dégoût : « Je ne mène pas là votre Seigneurie, dit-il, car c’est le quartier des tantes. — Aaoh ! fit lord Durham, et qu’est-ce ? — Le troisième sexe, milord. »

 

Alfred Tennyson, le barde national, étant mort, et sa succession ouverte, Oscar Wilde passait pour l’un de ceux qui devaient y prétendre et pouvaient y appéter. Pour qu’il soit devenu le chantre subventionné de la Grande-Bretagne et des Indes, il ne s’en est fallu peut-être que du lapin trop fort posé à un grand-oncle, je veux dire au père d’une jeune tante. Londres ne demandait au divin que de ne pas étaler sa « divinité », et, pour le reste, elle lui faisait crédit, sur la foi des aèdes antiques, ses maîtres et ses modèles.

(Émile Bergerat)

Tante (ma)

anon., 1827 : Mont-de-piété.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Mont-de-Piété.

Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Mont-de-piété.

Delvau, 1866 : Mont-de-Piété, — dans l’argot des petites dames et des bohèmes qui croient avoir inventé la une expression bien ingénieuse, et qui se sont contentés de contrefaire une expression belge : car au XIIe siècle, dans le pays wallon, on appelait un usurier mon oncle. On dit aussi Casino.

Rigaud, 1881 : Nom donné, plus particulièrement, par les étudiants et les commis, au Mont-de-Piété. Comme l’argent qu’ils retirent d’un gage est presque toujours destiné à une partie de plaisir, c’est ma tante, la femme à mon oncle, qui est censée l’avoir fourni. Les ouvriers qui ne s’adressent à cet établissement que pour pouvoir subvenir aux besoins les plus impérieux, lui ont donné le sombre nom de « clou ».

La Rue, 1894 : Le Mont-de-Piété.

France, 1907 : Le Mont-de-Piété.

— Oui, tout cavale, et moi avec ; les meubles retournent au tapissier qui les reprend pour le dixième de leur valeur ; les robes, sauf une ou deux indispensables, s’en vont chez la marchande à la toilette ; les bijoux en vrai sont placés en famille, chez ma tante, et la reconnaissance est bientôt vendue.

(Jules Davray, L’Amour à Paris)

En somm’, pour un seul créancier
Qui possédait un bon huissier,
Tous deux n’étant guère endurants,
J’dépensai deux cents francs.
Après l’protet, l’assignation,
Pour un dett’ de cinq francs cinquante,
M’fir’nt engager tout Chez Ma Tante,
Après la signification.

(É. Blédort, Chansons du faubourg)

En Angleterre on dit mon oncle (my uncle).

Tonton

Delvau, 1866 : s. m. Oncle, — dans l’argot des enfants.

France, 1907 : Oncle ; expression enfantine. Se disait autrefois pour maîtresse, amante.

C’est sa tonton qu’on marie.

(La Fontaine)

Tuile

d’Hautel, 1808 : Il ne trouveroit pas du feu sur une tuile. Se dit d’un homme mal famé, qui n’inspire aucune confiance, et auquel on ne rendroit pas le moindre service.

M.D., 1844 : Une assiette.

Larchey, 1865 : Accident. — Allusion à la tuile qui tombe d’un toit sur la tête du premier passant venu.

La tuile est forte, Mais on peut s’en relever.

(L. Reybaud)

Delvau, 1866 : s. f. Accident, événement désagréable, visite inattendue, qui tombe dans votre existence comme une tuile sur votre tête. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Assiette, — dans l’argot des francs-maçons. Ils disent aussi Platine.

Delvau, 1866 : s. f. Chapeau, — dans l’argot des voyous, qui prennent la tête pour le toit du corps humain. Les voyous anglais ont le même mot : Tile.

Rigaud, 1881 : Chapeau. — Assiette, — dans l’argot des francs-maçons. — Tuileau, casquette.

Rigaud, 1881 : Contre-temps, événement fâcheux.

La Rue, 1894 : Accident, événement fâcheux. Chapeau. Assiette.

Virmaître, 1894 : Malheur qui arrive à quelqu’un.
— J’ai perdu mon porte-monnaie, quelle tuile !
Quand il arrive inopinément une douzaine de personnes à dîner, lorsqu’il n’y en a que pour deux, la ménagère dit :
— Quelle tuile nous tombe sur la tête (Argot du peuple).

France, 1907 : Accident, obstacle, chose imprévue. Il y a tuiles et tuiles. On nomme tuile, par exemple, un gros lot qui tombe du ciel ou un oncle d’Amérique qui arrive au moment où l’on y pense le moins.
Un ennui qui vous arrive, s’appelle tuile aussi. Un fâcheux, quelle tuile !!!
Ces tuiles-là sont bien distinctes ; on les nomme, au figuré, bonnes ou mauvaises tuiles.

La Providence, que vous n’attendiez pas là sans doute, mais qui est partout et qui nous aime encore plus que nous ne nous aimons nous-mêmes, ne manque pas pourtant de nous gratifier d’une foule de désagréments subits, vulgairement appelés tuiles.

(P. Bernard, L’Homme à tout faire)

Tuyau

d’Hautel, 1808 : Il m’a conté cela dans le tuyau de l’oreille. Pour dire mystérieusement, à voix basse, en cachette.

Delvau, 1866 : s. m. Gorge, gosier, — dans l’argot des faubouriens. Se jeter quelque chose dans le tuyau. Manger ou boire. Le tuyau est bouché. Quand on est enrhumé. Se dit aussi pour Oreille.

Fustier, 1889 : Argot de sport. Renseignement.

De plus, sportwoman passionnée et renseignée admirablement. Elle possède, comme on dit, les meilleurs tuyaux.

(Gazette de Cythère, journal, 1882)

En argot financier, avoir un tuyau signifie avoir reçu confidence d’un mouvement préparé par les banquiers, maîtres du parquet.

Rachetons, avait dit Léontin. — Pas encore, avait répondu le fils Marleroi. Ça n’est pas fini. La panique gagne les départements. J’ai un tuyau. Nous pouvons racheter plus bas encore.

(Cadol, La colonie étrangère)

La Rue, 1894 : Communication confidentielle.

Virmaître, 1894 : Le gosier. Le tuyau est bouché, pas mèche de boulotter (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Renseignement.

France, 1907 : Botte, soulier percé ; argot populaire.

France, 1907 : Gosier. Se rincer le tuyau, boire. Argot populaire.

France, 1907 : Renseignement confidentiel, de bonne source, sur l’état d’entrainement des chevaux qui doivent courir, les intentions de leurs propriétaires, le gagnant probable. Terme de course appelé ainsi parce qu’on se le glisse dans le tuyau de l’oreille.

Le samedi, veille de Grand Prix, mon patron, qui est notaire à Pontoise, me confie trois mille francs, avec mission de les déposer au Crédit lyonnais. J’arrive à Paris, j’entre chez un coiffeur pour me faire raser. Clients et garçons ne parlaient que de la course du lendemain. Il y avait des millions à brasser, une fortune à faire avec quelques louis, un rien, et ils le prouvaient par des calculs infaillibles, avec une certitude contagieuse, convaincante. Alors le garçon qui me rasait, une bonne figure sympathique, me dit à l’oreille :
— Monsieur veut-il un tuyau pour demain ? Une affaire d’or, mais nous partagerons les bénéfices.
Qu’est-ce que je risquais ? Je réponds :
— Dites toujours.
Alors il m’explique qu’il est le cousin du valet de chambre d’un gros entraineur de Chantilly, qu’il a une certitude pour le lendemain, et finalement il me donne rendez-vous jour le soir même dans un bar de la rue d’Amsterdam.
Plus souvent que j’y aurais manqué !

(Saint-Yrieix)

Comme je n’suis pas trop mal faite,
Dans un bar anglais je m’rends,
Et j’essaye la conquête
D’un garçon d’entrainement ;
Lui, pas fier, me dit de suite :
C’est un gagnant qu’il vous faut,
V’nez m’voir à Maisons-Lafitte,
Je vous donn’rai un tuyau.

(Puce)

Du monde des sports, tuyau est passé sur le boulevard et se dit maintenant pour toute information confidentielle concernant les personnes, les affaires.

Mme de Vizavih. — C’est une vieille catin ! Non, ça me met en colère qu’une femme comme ça vienne vous faire de la morale. Si on avait autant de toupet qu’elle, ça serait rudement facile de lui répondre, de lui river son clou. Mais la prochaine fois, si elle se met encore à rosser, je te promets que je ne me gênerai pas. Elle a été la maîtresse de l’oncle de mon mari et j’ai des tuyaux sur elle, ma chère, épatants. Ah ! elle trouve les femmes d’à-présent détraquées… et de son temps, c’était bien autre chose. Figure-toi qu’en 1840.

(Maurice Donnay)

Et nos frères, qui, au mépris de nos chastes oreilles, — tante Félicie, j’emprunte votre style ! — osent chanter devant nous les refrains à la mode, qu’ils rapportent de leurs cafés-concerts ! Et nos cousins, donc : en voilà qui fournissent de précieux tuyaux !

(Fernand Berolend)

Vadrouillant, vadrouillard

France, 1907 : Flâneur allant de cabaret en cabaret, de taverne en lupanar.

Certainement, en quittant le service, vous ne serez pas embarrassés pour gagner votre pain, si votre père ou un oncle d’Amérique ne vous en a pas mis déjà sur la planche ; mais que de fois, plus tard, les chemineaux, les rouleurs, les loupeurs, les vadrouillards, tous ceux qui se seront enquillés dans la grande armée des mendigots et des greffeurs — et il y en aura plus de quatre parmi vous, quelle que soit leur condition sociale actuelle en dehors de la caserne — que de fois tous ces vagabonds, tous ces miséreux regretteront, sainte Gamelle ! ton parfum et ta clémente température, qui réchauffe les mains en hiver et les sentiments en été !

(Marc Mario, La Vie au régiment)

Vigne à mon oncle (c’est la)

France, 1907 : Réponse ironique à ceux qui donnent une mauvaise excuse, comme les enfants que l’on surprend, au temps des vendanges, revenant avec des raisins volés et qui disent qu’ils les ont pris dans la vigne à leur oncle.

Voyageur (vol au)

Vidocq, 1837 : Les vols au Voyageur se commettent tous les jours à Paris ou aux environs. Voici comment procèdent les voleurs qui emploient ce truc.
L’un d’eux se met en embuscade sur l’une des grandes routes qui conduisent à Paris, et il reste au poste qu’il s’est assigné jusqu’à ce qu’il avise un voyageur doué d’une physionomie convenable, et porteur d’un sac qui paraisse lourd et bien garni. Lorsqu’il a trouvé ce qu’il cherchait, le voleur s’approche. Tout le monde sait que rien n’est plus facile que de lier conversation sur la grande route. « Eh bien ! camarade, dit-il au pauvre diable qui chemine vers la capitale, courbé sous le poids de son hâvre-sac, vous allez à Paris, sans doute. — Oui, monsieur, répond le voyageur. — Il est, dit-on, bien facile d’y faire fortune, aussi je fais comme vous. Connaissez-vous Paris ? — Ma foi non, je n’y suis jamais venu. — Absolument comme moi, je ne connais ni la ville ni ses habitans ; aussi, comme il n’est pas très-agréable de vivre tout-à fait seul, nous nous logerons dans le même hôtel. » Cette proposition, faite par un étranger, ne surprend pas un étranger, aussi, elle est ordinairement acceptée avec empressement. Les deux nouveaux camarades s’arrêtent au premier cabaret qui se trouve sur leur chemin, boivent une bouteille de vin, que le voleur veut absolument payer, et continuent à marcher de compagnie. « Vous avez un sac qui paraît diablement lourd, dit le voleur. — Il n’est effectivement pas léger, répond le voyageur ; il contient tous mes effets et une petite somme d’argent. — J’ai mis mon bagage au roulage ; on voyage plus commodément lorsque l’on n’est pas chargé. — J’aurais dû faire comme vous, répond le voyageur à cette observation, en donnant un léger coup d’épaule. — Vous paraissez fatigué, permettez-moi de porter votre sac un bout de chemin. — Vous êtes trop bon. — Donnez donc. » Le voyageur, charmé de pouvoir alléger un peu ses épaules, quitte son sac, qui passe sur celles du voleur, qui paraît ne pas s’apercevoir du poids qui les surcharge. Enfin, on arrive à Paris ; on ne sait où descendre, mais avec une langue on arriverait à Rome. Aussi les deux nouveaux habitans de la capitale ont bientôt trouvé une hôtellerie. Le voleur y dépose le sac qu’il n’a pas quitté, et, comme il faut, dit-il, qu’il aille chercher de l’argent chez un parent ou un ami de sa famille, il sort et prie le voyageur de l’accompagner. Le voleur, qui connaît parfaitement Paris, fait faire à son compagnon mille tours et détours, de sorte que celui-ci croit être à une lieue au moins de l’hôtellerie lorsqu’il n’en est qu’à cent ou cent-cinquante pas. « Je viens enfin de trouver mon oncle, lui dit enfin le voleur, ayez la bonté de m’attendre dans ce cabaret, je ne fais que monter et descendre. » Lorsque le voyageur est installé devant une bouteille à quinze, le voleur, au lieu de monter chez son oncle, court bien vite à l’auberge, s’excuse auprès de l’aubergiste de ce qu’il ne loge pas chez lui, et demande le sac, qu’on lui remet sans difficulté, puisque c’est lui qui l’a apporté.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique