Rigaud, 1881 : Bien manger, bien jouer des mâchoires. Les meules sont les dents qui servent à broyer les aliments. Chez les misérables, elles broient trop souvent dans le vide. La variante est : Graisser ses meules.
Affûter ses meules
Balots
France, 1907 : Lèvres ; se graisser les balots. Mot venant du patois poitevin.
Botte
d’Hautel, 1808 : Il est haut comme la botte d’un cavalier. Se dit pour choquer un homme de petite taille qui veut faire l’important, le fanfaron, le pédant.
À propos de botte. Manière d’entrer en conversation, et de raconter quelque chose de semblable à ce que l’on y dit.
Laisser ses bottes en un lieu. Y mourir.
Graisser ses bottes. Se préparer à un long voyage ; se disposer à la mort.
Graissez les bottes d’un vilain, il dira qu’on les lui brûle. Se dit d’un homme sans gratitude ; sans reconnoissance ; qui acquitte les bienfaits qu’il a reçus par de mauvais procédés.
Je ne m’en soucie non plus que de mes vieilles bottes. Se dit pour témoigner le mépris que l’on fait de quelqu’un.
Il a du foin dans ses bottes. Se dit d’un homme qui, sans jouer un grand rôle, ne laisse pas que d’être très-fortuné.
S’en donner une botte. Pour dire faire de fausses spéculations ; faire de grosses pertes.
Aller à la botte. Faire des réponses piquantes.
Ne vous jouez pas de cet homme, il va tout d’abord à la botte. Pour, il est aigre et piquant.
Chercher une aiguille dans une botte de foin. Chercher une chose dans un lieu où l’on ne peut espérer de la trouver.
Mettre du foin dans ses bottes. Amasser du bien, de la fortune dans une place, un emploi quelconque. Cette locution se prend ordinairement en mauvaise part, et se dit pour faire entendre qu’un homme s’est enrichi d’une manière illicite.
Bottes (graisser ses)
Rigaud, 1881 : S’apprêter à faire le grand voyage de l’autre monde.
Cagnotte
Larchey, 1865 : « Espèce de tirelire d’osier recevant les rétributions des joueurs. »
(Montépin)
Delvau, 1866 : s. f. Rétribution tacitement convenue qu’on place sous le chandelier de la demoiselle de la maison. Argot des joueurs du demi-monde.
France, 1907 : Argent prélevé sur les joueurs pour couvrir les frais du jeu.
Et on lui explique complaisamment de quelle façon on entendait faire marcher le cercle ; comment on y attirerait les joueurs, comment on les pousserait à se ruiner, et comment la cagnotte s’engraisserait à leurs dépens.
(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)
— La cagnotte !… Voilà le plus clair du baccara… Oh ! la belle et bonne nourrice qu’une cagnotte !… Elle produit ici, petit cercle, partie moyenne, de dix-huit cents à quatre mille francs par soirée… Chez les frères Benoit, c’est le double, le triple… et encore, comme les directeurs trouvent que ce rendement n’est pas suffisant, les croupiers ont la consigne de l’augmenter le plus qu’ils peuvent.
(E. Lepelletier)
Faire une cagnotte, mettre en réserve les gains ou une partie des gains pour une dépense commune.
Carton
Larchey, 1865 : Carte à jouer.
Je n’ai pas parlé des tables d’hôte où on donne le carton, c’est-à-dire où l’on fait jouer.
(Lespès)
Lorsqu’on a dîné entre amis, il faut bien remuer des cartons peints pour se dégriser.
(About)
Delvau, 1866 : s. m. Carte à jouer, — dans l’argot de Breda-Street, où fleurit le lansquenet. Manier le carton. Jouer aux cartes. — On dit aussi Graisser le carton et Tripoter le carton. Maquiller le carton. Faire sauter la coupe.
Rigaud, 1881 : Carte à jouer. Manier, patiner, tripoter le carton, jouer aux cartes.
Hayard, 1907 : Sans argent ; (être) être refait.
France, 1907 : Carte à jouer. Manier, tripoter, graisser, patiner le carton se disent pour jouer aux cartes. Maquiller le carton, c’est tricher an jeu.
Coco
d’Hautel, 1808 : Nom d’amitié que l’on donne aux petits garçons.
C’est aussi un terme mignard et cajoleur dont les femmes gratifient leurs maris ou leurs bien aimés, pour en obtenir ce qu’elles désirent.
d’Hautel, 1808 : Tisanne rafraîchissante, faite de chiendent, de réglisse et de citron, que l’on vend à Paris dans les promenades publiques. Boire un verre de coco.
Coco signifie aussi eau-de-vie, rogome, brande-vin.
Boire le coco. C’est boire l’eau-de-vie le matin à jeun, suivant l’usage des journaliers de Paris.
Larchey, 1865 : Cheval.
Ce grossier animal qu’on nomme vulgairement coco.
(Aubryet)
Larchey, 1865 : Homme peu digne de considération.
Joli Coco pour vouloir me faire aller.
(Balzac)
Larchey, 1865 : Nom d’amitié.
J’vais te donner un petit becquau. Viens, mon coco.
(Dialogue entre Zuzon et Eustache, chanson, 1836)
Delvau, 1866 : s. m. Boisson rafraîchissante composée d’un peu de bois de réglisse et de beaucoup d’eau. Cela ne coûtait autrefois qu’un liard le verre et les verres étaient grands ; aujourd’hui cela coûte deux centimes, mais les verres sont plus petits. O progrès !
Delvau, 1866 : s. m. Cheval, — dans l’argot du peuple. Il a graissé la patte à coco. Se dit ironiquement d’un homme qui s’est mal tiré d’une affaire, qui a mal rempli une commission.
Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie, — dans l’argot des faubouriens.
Delvau, 1866 : s. m. Gorge, gosier, — dans le même argot [des faubouriens]. Se passer par le coco. Avaler, boire, manger.
Delvau, 1866 : s. m. Homme singulier, original, — dans le même argot [des faubouriens]. Joli coco. Se dit ironiquement de quelqu’un qui se trouve dans une position ennuyeuse, ou qui fait une farce, désagréable. Drôle de coco. Homme qui ne fait rien comme un autre.
Delvau, 1866 : s. m. Œuf, — dans l’argot des enfants, pour qui les poules sont des cocottes.
Delvau, 1866 : s. m. Tête, — dans l’argot des faubouriens, qui prennent l’homme pour un Coco nucifera. Coco déplumé. Tête sans cheveux. Redresser le coco. Porter la tête haute. Monter le coco. Exciter le désir, échauffer l’imagination.
Rigaud, 1881 : Gosier. — Se passer quelque chose par le coco, manger, boire.
Rigaud, 1881 : Individu, particulier. Ne s’emploie guère qu’accolé au mot joli, dans un sens ironique : C’est un joli coco.
Rigaud, 1881 : Pour eau-de-vie, avait déjà cours au siècle dernier.
Elle lui fit payer du coco.
(Cabinet satirique)
Aujourd’hui on entend par coco, de la mauvaise eau-de-vie, de l’eau-de-vie fortement additionnée d’eau. — Marchand de coco, marchand de vin. Allusion à l’eau que le débitant met dans le vin et les liqueurs.
Rigaud, 1881 : Tête ; allusion de forme. Se monter le coco, s’illusionner, se monter la tête.
France, 1907 : Cheval. Ce mot est employé surtout dans la langue du troupier.
Pour faire un vrai soldat, et devenir par la suite un bon officier, il faut avoir tiré toutes les ficelles du métier et savoir : balayer la chambrée ; cirer la planche à pain ; bichonner Coco…
(Hector France, L’Homme qui tue)
France, 1907 : Gosier ; argot populaire. Colle-toi ça ou passe-toi ça dans le coco.
France, 1907 : Mauvais vin on mauvaise eau-de-vie. Allusion à la fade boisson que vendent les marchands de coco.
France, 1907 : Tête. Avoir de coco déplumé, être chauve ; avoir le coco fêlé, être fou. Dévisser le coco, étrangler. Se monter de coco, s’exciter.
Jean Richepin, dans ses compliments de nouvelle année, souhaite, entre autres :
À Barbier, de trouver l’écho
De la voix qui cria les lambes,
Et, pour lui monter le coco,
Du poil à gratter dans les jambes.
Graisser la patte à Coco, gagner quelqu’un en lui donnant de l’argent. S’emploie aussi dans un mauvais sens, précédé de vilain ou de joli : Vilain coco ! joli chien ! ou bien il signifie simplement un individu.
Parmi les socialos politicards, il peut y avoir des cocos qui ont de l’honnêteté, mais qué que ça prouve ? Rien, sinon qu’ils manquent de flair.
(Almanach du Père Peinard, 1894)
France, 1907 : Triste sire, homme méprisable ou, tout simplement, dont on n’est pas satisfait. Le mot est généralement précédé des adjectifs joli, fameux, ou vilain.
— Ah ! vous êtes un fameux gaillard ! un joli coco ! Vous arrivez comme le marquis de Chose-verte, trois heures après la bataille. Vous pouvez bien tourner les talons, et remporter votre lard pourri. Avez-vous du liquide, au moins ?
(Hector France, Sous le Burnous)
— Et v’là qu’elle est lâchée salement par un vilain coco Il est vrai que des filles qui n’ont pas le sou et qui ne savent même pas éplucher une salade, ne sont pas d’un placement avantageux, ni facile, par conséquent !
(Albert Cim, Demoiselles à marier)
C’est aussi un nom d’amitié :
J’vais te donner un p’tit bécot,
Viens, mon coco !
Colophane
d’Hautel, 1808 : Sorte de résine dont se servent les joueurs d’instrumens pour graisser leur archet, et non colaphane, comme beaucoup le disent continuellement.
Couteau
d’Hautel, 1808 : On dit d’un couteau mal aiguisé ou qui n’a pas le fil : Il coupe comme les genoux de ma grand’mère.
On t’en donnera des petits couteaux pour les perdre. Se dit en plaisantant et par refus à celui qui manifeste des désirs au-dessus de sa condition, ou par reproche à celui qui a fait un mauvais usage d’un objet qu’on lui avoit confié.
Graisser le couteau. Déjeuner avec de la viande, ce que l’on appelle un déjeûner froid.
Être à couteau tiré avec quelqu’un. Être excités l’un contre l’autre ; être en haine, en inimitié perpétuelle.
On dit d’un homme qui en accompagne toujours un autre, dans le dessein de lui faire la cour : que c’est un couteau pendant.
Un couteau de tripière, un couteau à deux tranchans. Pour dire un hypocrite, un homme à deux faces, qui souffle le chaud et le froid.
Dégraisser
d’Hautel, 1808 : On dit figurément d’un homme que l’on a dépouillé d’une grande partie des biens qu’il avoit mal acquis, qu’on l’a bien dégraissé.
Rigaud, 1881 : Faire perdre de l’argent. — Dégraisser le hausse, faire perdre de l’argent au patron.
La Rue, 1894 : Voler.
France, 1907 : Voler, l’argent étant considéré comme une graisse. Se dit aussi pour toucher de l’argent chez un débiteur. Dans l’argot des filles dégraisser un homme, c’est de ruiner.
Dégraisser (se)
Delvau, 1866 : Maigrir, — dans l’argot du peuple.
Dégraisser un homme
Delvau, 1866 : v. a. Le ruiner, — dans l’argot des petites dames, qui trouvent alors qu’il n’y a pas gras dans ses poches.
Dégraisseur
Rigaud, 1881 : Filou, usurier, — dans le jargon des voyous. Envoyer une bobine chez le dégraisseur, voler une montre.
Virmaître, 1894 : Le garçon de banque qui à chaque échéance vient dégraisser les débiteurs (Argot du peuple). N.
Hayard, 1907 : Garçon de recettes.
France, 1907 : Garçon de banque qui passe à chaque échéance chez le débiteur pour le dégraisser.
Enfilage
Rigaud, 1881 : Arrestation en flagrant délit. — Avoir écopé à l’enfilage. Enfilé, pris en flagrant délit de vol. Enfilé par les roublards au moment de dégraisser une bobine en jonc. Se faire enfiler, être arrêté. Pas d’chance, v’là trois fois c’tte année que je m’fais enfiler.
Rigaud, 1881 : Pertes successives au jeu. — Celui qui court après son argent risque l’enfilage.
La Rue, 1894 : Arrestation en flagrant délit.
France, 1907 : Arrestation d’un individu pris sur le fait ; argot des voleurs.
Engraisser
d’Hautel, 1808 : On n’engraisse pas les cochons avec de l’eau claire. Se dit à quelqu’un de basse condition, qui fait le délicat, le difficile sur le manger, ou qui est d’une propreté précieuse et ridicule.
Il engraisse de mal avoir, de malédictions. Pour dire, malgré le mal et les fatigues, il devient gras ; il prospère malgré les imprécations que l’on fait contre lui.
On ne sauroit manier le beurre, qu’on ne s’engraisse les doigts. Voy. Manier.
L’œil du maître engraisse le cheval. Signifie que l’œil du maître donne une grande valeur à ses possessions.
France, 1907 : Donner l’argent que l’on gagne à son souteneur.
La gaupe a de la retourne, elle n’engraisse pas.
Engraisser un poupard
France, 1907 : Préparer un vol.
Entraînement
Delvau, 1866 : s. m. Méthode anglaise, devenue française qui s’applique aux hommes aussi bien qu’aux chevaux, et qui consiste à faire maigrir, ou plutôt à dégraisser les uns et les autres pour leur donner une plus grande légèreté et une plus grande vigueur.
Faire dégraisser (se)
Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien. Les bons coqs sont maigres, en effet.
Faire du lard
Delvau, 1866 : v. a. Dormir ; se prélasser au lit, — dans l’argot du peuple, à qui les exigences du travail ne permettront jamais d’engraisser. Aller faire du lard. Aller se coucher.
France, 1907 : S’engraisser, faire la grasse matinée, « être, comme dit Rabelais, flegmatique des fesses ».
— Moi, je propose de voter un blâme à notre amphitryon. Nous sommes ici, non pour faire de l’art, mais pour faire du lard, ou du bon sang.
(Paul Pourot)
Faire ses orges
Delvau, 1866 : v. a. Faire des profits illicites, — dans l’argot du peuple.
Virmaître, 1894 : Gratter. Faire danser l’anse du panier. Engraisser ses poches aux dépens de celles des autres (Argot du peuple).
France, 1907 : Voler ; détourner des marchandises ou des denrées ; s’engraisser du bien d’autrui.
Forcir
Delvau, 1866 : v. n. Engraisser, devenir fort et grand, — dans l’argot des bourgeois, qui disent cela surtout à propos des enfants.
Rigaud, 1881 : Grandir, se renforcer, — en parlant d’un enfant, — dans le jargon du peuple. Il forcit à vue d’œil.
France, 1907 : Croître, engraisser.
Goyes
France, 1907 : Pâte en longs morceaux servant à engraisser les dindons.
Graisser
d’Hautel, 1808 : Graisser la patte à quelqu’un. Le corrompre, le gagner à force d’argent.
Graisser ses bottes. Se disposer à partir ; à voyager dans l’autre monde.
d’Hautel, 1808 : Graisser le couteau. Manger de la viande au déjeûner, ce que l’on ne fait ordinairement qu’au dîner.
Graisser les épaules, ou la peau à quelqu’un. Le battre, lui donner une volée de coups de bâton.
Graisser le marteau d’une porte. Soudoyer, gagner un portier à force d’argent.
Graissez les bottes d’un vilain, il dira qu’on les lui brûle. Vieux proverbe qui signifie que l’on ne gagne rien à obliger un méchant homme.
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Donner, contribuer, fournir, gratifier.
Halbert, 1849 : Gratter.
Delvau, 1866 : v. a. Gratter, — dans l’argot des voleurs.
Virmaître, 1894 : Je vais te graisser, te battre. Graisser les poches de quelqu’un : y mettre de l’argent. Graisser sa femme : allusion au graissage de l’essieu pour que la voiture roule mieux (Argot des souteneurs).
Rossignol, 1901 : Celui qui, enjouant, arrange les cartes de façon à avoir tout le jeu pour lui, fait de la graisse ; c’est un graisseur. On dit aussi faire du suif. Quand on dit à quelqu’un : J’te vas graisser, c’est lui dire : Je vais te flanquer des coups.
Graisser la marmite
Larchey, 1865 : Payer sa bienvenue.
À mon régiment, M’fallut graisser la marmite, Et j’n’ai plus d’argent.
(Vachelot, Chansons, 1855)
Rigaud, 1881 : Payer sa bienvenue, — dans le jargon des troupiers. — Battre sa maîtresse, — dans le jargon des souteneurs.
France, 1907 : Payer sa bienvenue.
Graisser la patte
Larchey, 1865 : Remettre une somme de la main à la main, corrompre.
Delvau, 1866 : v. a. Acheter la discrétion de quelqu’un, principalement des inférieurs, employés, concierges ou valets. On dit aussi graisser le marteau, — mais plus spécialement en parlant des concierges.
France, 1907 : Donner de l’argent à quelqu’un pour le gagner, le mettre dans ses intérêts. Cette expression remonte au moyen âge : on la trouve dans un fabliau du XIIIe siècle, mais elle doit dater de beaucoup plus haut, de l’époque où le clergé s arrogea le droit de percevoir la dîme sur le produit de la vente des chairs de porc. Afin de rendre les agents du clergé moins rigides, les marchands de cochons leur mettaient dans la main un morceau de lard qui, naturellement, la leur graissait. Mais le lard étant pièce à conviction compromettante, on le remplaça par de l’argent. C’était pour percevoir plus facilement cette redevance que la foire aux jambons se tint longtemps sur le parvis Notre-Dame.
Au diable même il faut graisser la patte.
(Béranger)
« – Au galop, cocher ! » Et celui-ci dont la patte avait été préalablement graissée, fouetta. Vingt-cinq minutes plus tard, ayant débarqué dans un lit inaccessible aux bêtes de proies ailées ou non, ils y roucoulaient, ces deux pigeons, à l’abri des loups et des renards, des milans et des buses de la race humaine.
(Léon Cladel, Tragi-comédies)
Le directeur de la colonie était alors un raté de la politique, qui, jadis au quartier Latin, avait bu d’innombrables bocks avec deux ou trois futurs ministres. Ils l’avaient plus tard placé là, comme dans une sinécure. Ce fruit sec était un peu fripon. Il se laissa graisser la patte par les soumissionnaires des travaux exécutés à la colonie, et aussi par les fournisseurs. Les enfants mangèrent de la carne, ce dont personne ne se soucia ; mais l’État fut par trop volé et finit par s’en émouvoir.
(François Coppée, Le Coupable)
L’expression graisser le marteau est plus récente. C’est donner de l’argent an portier d’une maison pour s’en faciliter l’entrée.
Racine, dans les Plaideurs, fait dire à Petit-Jean :
Ma foi ! j’étais un franc portier de comédie :
On avait beau heurter et m’ôter son chapeau,
On n’entrait point chez nous sans graisser le marteau,
Point d’argent, point de Suisse ; et ma porte était close.
Graisser le train
Rigaud, 1881 : Battre, donner des coups de pied au derrière. Mot à mot : graisser le train de derrière, — dans le jargon des voyous.
Graisser le train de derrière
France, 1907 : Donner un coup de pied dans le bas du dos.
Graisser le vagin (se)
Delvau, 1864 : Se faire baiser, s’oindre le con de sperme.
C’était ma femme au retour d’un voyage,
Et qui devait n’arriver que demain ;
Elle venait consoler mon veuvage,
Et pour cela se graissait le vagin.
(Anonyme)
Graisser les bottes
Delvau, 1866 : v. a. Donner des coups à quelqu’un, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi : Faire des compliments à quelqu’un, le combler d’aise en nattant sa vanité.
Virmaître, 1894 : Mourir. L. L. Graisser les bottes : l’extrême-onction. Mot à mot : graisser les bottes pour le voyage lointain (Argot du peuple). N.
France, 1907 : Flatter bassement.
France, 1907 : Se préparer au départ, allusion à la coutume de graisser les bottes pour en rendre le cuir plus souple, ce que nos pères ne manquaient jamais de faire avant de se mettre en route. Se dit aussi pour donner l’extrême-onction, le prêtre oignant d’un peu d’huile les pieds du moribond.
Un prêtre qui psalmodie quelques phrases banales, la prière commune, qui vous graisse les bottes ; un infirmier qui attend dans un coin que l’homme ait fini pour l’enlever aussitôt, car la place est promise. Un autre râle sur un brancard à la porte.
(Ch. Virmaître, Paris oublié)
Quand la mort viendra graisser nos bottes pour le dernier voyage.
(Noëls bourguignons)
Graisser les roues
Rigaud, 1881 : Boire, — dans le jargon du peuple. Quand on graisse les roues, ça accélère le mouvement… des ivrognes.
France, 1907 : Boire ; se dit de quelqu’un qui boit avant de se mettre en route.
Graisser sa punaise
Delvau, 1864 : Baiser sa maîtresse.
Je lui en veux : il a graissé ma punaise.
(A. Pothey)
Graisser ses bottes
Larchey, 1865 : Se préparer au départ, et au figuré : Être près de mourir.
Delvau, 1866 : v. a. Recevoir l’Extrême-Onction, être en état de faire le grand voyage d’où l’on ne revient jamais.
Rigaud, 1881 : Être à l’article de la mort. Mot à mot : graisser ses bottes pour accomplir le grand voyage.
La Rue, 1894 : Mourir.
Grécer, graisser
Rigaud, 1881 : Tricher. Être grécé, être volé au jeu.
Huile de bras
Larchey, 1865 : Vigueur corporelle. — Huile de cotterets : Coup de bâtons (d’Hautel, 1808).
Delvau, 1866 : s. f. Vigueur physique, volonté de bien faire, qui remplace avantageusement l’huile pour graisser les ressorts de notre machine. Argot du peuple. On dit aussi Huile de poignet.
France, 1907 : Force physique, énergie au travail. On dit aussi huile de coude.
Les beaux jours arrivés, plus de jeu, plus de veille ;
Embrasse en te levant ta femme et ta bouteille.
Derrière ta charrue avec tes bœufs bien gras,
Munis-toi dans les champs de bonne huile de bras.
(Alfred L. Marquiset, Rasures et Ramandons)
Joues (se faire des)
Rigaud, 1881 : Manger avec appétit, engraisser.
Lard (faire du)
Larchey, 1865 : Engraisser.
La femme ronfle et fait du lard.
(Festeau)
France, 1907 : Se lever tard, ce que Rabelais appelait être flegmatique des fesses.
Marteau
d’Hautel, 1808 : Être entre l’enclume et le marteau. Voyez Enclume.
Graisser le marteau. Soudoyer le concierge d’un hôtel, ou le portier d’une maison, pour s’en faciliter l’entrée.
N’être pas sujet au marteau. Signifie, n’être pas assujetti à se rendre à une heure fixe au travail, ou à ses repas.
Rossignol, 1901 : Fou.
Mastiquer
Delvau, 1866 : v. n. Manger, — dans l’argot du peuple en général, et en particulier des francs-maçons, qui se livrent à la mastication comme de simples profanes.
Rigaud, 1881 : « Cacher ingénieusement les avaries et les voies d’eau d’un soulier, au moyen d’un enduit spécial de graisse noire ou autre drogue équivalente. » (F. Mornand, La Vie de Paris)
Rigaud, 1881 : Manger ; c’est-à-dire se livrer à la mastication.
La Rue, 1894 : Manger.
France, 1907 : Manger. La fréquence des équivalents indique mieux que toutes les statistiques morales la place tenue par certaines passions et les besoins naturels. Nous avons déjà vu quelle place tenait dans les synonymes l’acte qui perpétue les espèces et celui au moyen duquel on s’abreuve, en voici pour le manger une légion : béquiller ; becqueter ; tortiller du bec ; bouffer ; boulotter ; briffer ; brouter ; chiquer ; casser la croustille ; se caler, se calfater le bec ; se coller quelque chose dans le fanal, dans le fusil, dans le tube ; chamailler des dents ; cacher ; se caresser l’angoulême ; clapoter ; croustiller ; charger pour la Guadeloupe ; déchirer la cartouche ; débrider la margoulette ; se l’envoyer ; engouler ; engueuler ; effacer ; friturer ; friper ; se faire le jabot ; gobichonner ; gonfler ; se graisser les balots ; jouer des badigoinces, des dominos, des osanores ; se lester la cale ; mettre de l’huile dans la lampe ; morfailler ; se mettre quelque chose dans le cadavre ; pitancher ; travailler pour Jules ; passer à la tortore ; tortorer, etc.
Mastoquer
un détenu, 1846 : Manger, engraisser.
Mèche
d’Hautel, 1808 : Découvrir la mèche. Éventer un complot, un dessein, une entreprise, que l’on tenoit secrète.
En terme typographique, lorsque les ouvriers viennent proposer leurs services au prote de l’imprimerie, ils demandent, s’il y a mèche, c’est-à-dire, si on peut les occuper. Les compositeurs demandent s’il y a mèche pour la casse ; et les pressiers, s’il y a mèche pour la presse.
Bras-de-Fer, 1829 : Demi-heure.
Halbert, 1849 : Moitié, demi-heure.
Larchey, 1865 : Moitié. — À six plombes et mèche : À six heures et demie. V. Momir. — Être de mèche : Être de moitié (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. f. Intrigue, secret. Découvrir la mèche. Tenir les fils d’une intrigue, connaître à temps un dessein fâcheux.
Delvau, 1866 : s. f. Moitié, demi, — dans l’argot des voleurs. Être de mèche. Partager un butin avec celui qui l’a fait. Signifie aussi Demi-heure. D’où, sans doute, l’expression des faubouriens : Et mèche.
Delvau, 1866 : s. f. Possibilité de faire une chose. Il y a mèche. Il y a moyen. Il n’y a pas mèche. Cela n’est pas possible. On dit aussi elliptiquement : Mèche !
Delvau, 1866 : s. m. Travail, ouvrage à faire, — dans l’argot des typographes. Chercher mèche. Chercher de l’ouvrage.
Rigaud, 1881 : Complicité ; de moitié. Être de mèche, être complice, partager, — dans le jargon des voleurs.
Rigaud, 1881 : Moyen. — Y a-t-il mèche, y a-t-il moyen ? — Il n’y a pas mèche. Beaucoup d’ouvriers, quand ils demandent à un patron s’il a de l’ouvrage à leur donner, disent :
Y a-t-il mèche ?
J’ n’ai plus un rond de c’ que j’avais d’ pécune,
Tu vois, ma fille, n’y a plus mèch’ de lamper.
(Sénéchal, Le Retour de Croquignet, chans.)
Rigaud, 1881 : Plus, davantage. — Combien avez-vous perdu, au moins vingt francs ? — Et mèche. Par allusion à la mèche d’un fouet.
La Rue, 1894 : Plus, davantage. Moyen, possibilité de faire : Y a-t-il mèche ? Intrigue, secret : Découvrir la mèche. Travail : Chercher mèche. Complicité, de moitié : Être de mèche. Signifie aussi un quart d’heure.
Virmaître, 1894 : Les mauvais ouvriers qui voyagent sans cesse demandent mèche dans les ateliers qu’ils rencontrent sur leur route :
— Y a-t-il mèche de travailler ?
Mèche pour moyen (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Moyen, possibilité.
Y a-t-il mèche d’aller au théâtre a l’œil. — Non, il n’y a pas mèche.
Hayard, 1907 : Moyen (pas mèche : pas moyen); de mèche, de connivence.
Hayard, 1907 : Quart, être de moitié.
France, 1907 : Cordage embrasé suspendu au plafond dans un récipient en cuivre, qui sert à allumer les pipes et les cigares ; argot de l’École navale.
France, 1907 : Possibilité de faire une chose. Il y a mèche, c’est possible ; il n’y a pas mèche, c’est impossible.
Toutes les vieilles étiquettes, c’est de la gnolerie : boulangistes, badinguistes, royalistes, républicains… fumisterie que tout ça. Y a qu’une chose, c’est que nous sommes tous des richards et des patrons : conséquemment, nous tenons l’assiette au beurre et nous voulons la garder. Faut être à l’œil pour que le populo ne la casse pas… Donc y a mèche de s’entendre !…
(Le Père Peinard)
Quoi ! j’verrais les mecs d’la finance
S’engraisser avec not’ argent,
Quand y’en a d’aut qu’ont pas d’pitance
Et s’cal’nt des briqu’s de longs mois d’temps !
J’verrais passer dans leurs calèches
Tous ces salauds, ces abrutis,
Quand el’ purotin y a pas mèche
Qu’i’ fass’ boustifailler ses petits…
France, 1907 : Travail. Chercher mèche, chercher de l’ouvrage.
Nourrisson
Fustier, 1889 : Argot des employés de la Banque de France qui désignent ainsi le négociant gêné qui ne demande que du temps pour rétablir son crédit et auquel un banquier a prêté de l’argent.
Rossignol, 1901 : C’est un diamant que l’ouvrier sertisseur engraisse au dépend de son patron ou des clients. Il achète un diamant du poids d’un grain et même plus petit ; lorsque l’occasion s’en présente il met son diamant à la place d’un autre plus gros et de plus belle eau qu’on lui donne à monter. Cela renouvèle souvent, son nourrisson d’un grain finit par engraisser et peser un carat et quelquefois plus.
Onguent
d’Hautel, 1808 : C’est de l’onguent miton mitaine. Se dit d’un remède sans efficacité, qui ne fait ni bien ni mal.
Je vous conseille d’avoir de l’onguent pour la brûlure. Se dit à un méchant homme, pour lui faire entendre qu’il ne peut aller qu’en enfer.
Dans les petites boîtes les bons onguents. Manière honnête et joviale de flatter les personnes de petite stature.
Il n’y a point d’onguent qui la puisse guérir. Se dit d’une personne désolée, désespérée, ou qui a un mal incurable.
Delvau, 1866 : s. m. Argent, — dans l’argot des voleurs, qui savent que l’on guérit tout, ou presque tout, avec cela.
Rigaud, 1881 : Argent, — dans l’ancien argot.
France, 1907 : Argent. Il sert à graisser la patte. Vieil argot.
Panama
Larchey, 1865 : Chapeau tressé avec des joncs que nos fabriques vont chercher à Panama.
J’ai dû chanter contre la crinoline et m’égayer aux frais du panama.
(J. Choux)
De 1858 à 1860, le panama fut à la mode. Une société dite des Moyabambines se forma pour l’exploiter, ce qu’il faut savoir pour comprendre cet exemple :
Que de coquins coiffés de moyambines (sic).
(Id.)
Delvau, 1866 : s. m. Écorce d’arbre exotique qui sert à dégraisser les étoffes.
Delvau, 1866 : s. m. Gandin, — dans l’argot du peuple, qui dit cela par allusion à la mode des chapeaux de Panama, prise au sérieux par les élégants. Le mot s’applique depuis aux chapeaux de paille quelconques.
Rigaud, 1881 : Bévue énorme, dans la composition, l’imposition ou le tirage. (Jargon des typographes, Boutmy.) Allusion aux larges bords des chapeaux dits panama.
Boutmy, 1883 : s. m. Bévue énorme dans la composition, l’imposition ou le tirage, et qui nécessite un carton ou un nouveau tirage, ce qui occasionne une perte plus ou moins considérable. D’où chez le patron, bœuf pyramidal qui se propage quelquefois de proche en proche jusqu’à l’apprenti.
France, 1907 : Dandy, petit jeune homme tiré à quatre épingles. Cette expression s’est employée au moment où les chapeaux tressés avec des joncs et fabriqués à Panama commencèrent à être à la mode et portés par la jeunesse prétentieuse. C’était vers 1860, où le prix des vrais panamas était hors de la portée des bourses moyennes.
France, 1907 : Grossière erreur dans la composition, l’imposition ou le tirage ; argot des typographes.
Pate
d’Hautel, 1808 : Des pates de mouche. C’est ainsi que l’on appelle une écriture très-fine et mal formée.
Faire patte de velours. Faire l’hypocrite, déguiser sous des dehors caressans, une ame noire et le dessein de nuire.
Pate. Se prend aussi pour main.
Une pate d’arraignée. Se dit d’une main sèche et décharnée.
Il a de grosses vilaines pates. Se dit par raillerie de quelqu’un qui a les mains fortes et rudes.
Marcher à quatre pates. Marcher sur les pieds et sur les mains
Il ne peut remuer ni pied ni pate. Se dit de quelqu’un qu’une grande lassitude, ou une grande fatigue empêche de marcher.
Mettre la pate sur quelqu’un. Le battre, le maltraiter.
Si jamais il tombe sous ma pate, gare à lui. Espèce de menace que l’on fait à quelqu’un pour dire, qu’on ne l’épargnera pas, quand on en trouvera l’occasion.
Être entre les pates de quelqu’un. Être soumis à sa censure ; se dit en mauvaise part d’un homme dont on a sujet de craindre la sévérité.
Donner un coup de pate. Lâcher un trait malin et piquant.
Graisser la pate à quelqu’un. Le corrompre, le gagner par argent.
Bras-de-Fer, 1829 : Lime.
Delvau, 1866 : s. m. Apocope de patron, — dans l’argot des graveurs sur bois.
Rigaud, 1881 : Lime. — Patron.
France, 1907 : Abréviation de patron.
Perdre son temps et sa lessive (à dégraisser un vilain c’est)
France, 1907 : On a tort de se donner du mal pour essayer d’éduquer un sot ou un rustre ; non seulement on sème sur le sable, mais on ne récolte que désagréments.
Mais ma candeur est excessive ;
Je perds mon temps et ma lessive
Avec toi, Rommel. Dors en paix.
Je perds également des rimes
Excellentes, et pour des frimes :
Chante à l’âne, il te fait des pets.
(Raoul Ponchon)
Petit cochon
Delvau, 1866 : s. m. Dame qu’on n’a pu rentrer assez vite et qui se trouve bloquée dans le camp de l’adversaire. Argot des joueurs de jacquet. Engraisser des petits cochons. Avoir plusieurs dames bloquées.
France, 1907 : Terme du jeu de jaquet, pour désigner une dame bloquée. « Engraisser des petits cochons », avoir plusieurs dames bloquées.
Pierrot
Larchey, 1865 : Collerette à grands plis comme celle du pierrot des Funambules.
Mme Pochard a vu les doigts mignons d’Anne aplatir sur son corsage les mille plis d’un pierrot taillé dans le dernier goût.
(Ricard, 1820)
Larchey, 1865 : Niais. — Même allusion funambulesque.
Le valet de cantine se fait rincer l’bec par les pierrots.
(Wado, Chansons)
Delvau, 1866 : s. m. Collerette à larges plis, du genre de celle que Debureau a rendue classique.
Delvau, 1866 : s. m. Couche de savon appliquée à l’aide du blaireau sur la figure de quelqu’un, — dans l’argot des coiffeurs, qui emploient ce moyen pour débarbouiller un peu leurs pratiques malpropres, auxquelles ils veulent éviter le masque de crasse que laisserait le passage du rasoir. Le pierrot n’est en usage que dans les faubourgs, où la propreté est une sainte que l’on ne fête pas souvent.
Delvau, 1866 : s. m. Vin blanc, — dans l’argot des faubouriens. Asphyxier le pierrot. Boire un canon de vin blanc.
Rigaud, 1881 : Au bout d’une année de présence sous les drapeaux, de « bleu » qu’il était, le soldat reçoit le sobriquet de pierrot, qu’il conservera jusqu’à la quatrième année, époque à laquelle il obtient le surnom de « la classe ».
Rigaud, 1881 : Le mâle de la pierrette, personnage de carnaval.
Merlin, 1888 : Terme injurieux et méprisant ; épithète donnée au mauvais soldat.
Fustier, 1889 : Argot d’école. Dans les écoles d’arts et métiers on désigne ainsi l’élève de première année.
Les anciens ont tous démissionné. Nous ne sommes plus que des pierrots et des conscrits.
(Univers, 1886)
France, 1907 : Collerette à larges plis.
France, 1907 : Conscrit ; argot militaire.
Quand les loustics d’une chambrée out affaire à un pierrot dont la physionomie offre tous les caractères du parfait du Jean-Jean, ils s’empressent de le rendre victime d’un certain nombre de plaisanteries, pas bien méchantes, pas bien spirituelles, mais qui prennent toujours. Elles consistent à l’envoyer chercher un objet quelconque qui n’existe que dans leur imagination et paré d’un nom plus ou moins abracadabrant. Le pauvre pierrot s’en va en répétant le nom, crainte de l’oublier, et il erre de chambre en chambre, de peloton en peloton, toujours renvoyé plus loin, faisant balle parfois, jusqu’au moment où il revient à son point de départ, bredouille naturellement, et salué à sa rentrée par les rires homériques de ses mystificateurs.
C’est ainsi qu’il part à la recherche :
De la boite à guillemets ;
De la boite à matriculer les pompons ;
Du moulin à rata ;
Du parapluie de l’escadron ;
De la clé du terrain de manœuvre ;
De la selle de la cantinière ;
Du surfaix de voltige du cheval de bois ;
De la croupière de la cantinière, etc.
France, 1907 : Couche de savon que le coiffeur applique sur le visage d’un client malpropre qui a oublié de se le laver en venant se faire faire la barbe, afin de ne pas laisser par le passage du rasoir une marque de crasse. « Le pierrot, dit Alfred Delvau, n’est en usage que dans les faubourgs, où la propreté est une sainte que l’on ne fête pas souvent. »
France, 1907 : Individu quelconque. Terme de mépris.
Les opportunards ont eu le pouvoir et ils n’ont fait rien de rien, — à part s’engraisser.
Après eux, la radicaille s’est assise autour de l’assiette au beurre — et ça a été le même fourbi : l’emplissage des poches par toute la racaille dirigeante.
Et on a eu de grands et fantastiques tripotages : le Tonkin, les Conventions scélérates, le Panama… Et des pierrots qui, la veille, s’en allaient le cul à l’air, se sont retrouvées millionnaires !…
(Le Père Peinard)
France, 1907 : Nom vulgaire du moineau franc. Georges d’Esparbès à fait une comparaison charmante entre le pierrot oiseau et le pierrot conscrit, au moment de l’appel.
Ce sont des voix niaises, des voix lestes qui me répondent, et d’escouade en escouade, ces cris voltigent par-dessus nos sacs, au ras des fusils, comme un essaim d’alouettes. Ha, ces petits noms ! ils arrivent du chaume et de l’impasse, et lorsqu’ils éclatent, lancés dans le silence des rangs, toute la joie libre des plaines et la gaminerie des squares chante en eux ! Ce sont les oiseaux des villes en cage avec ceux des bois. Ils se tiennent serrés, l’aile contre leur Lebel, hardis et frileux, avec du grain et des cartouches dans leur sac, de quoi picorer, de quoi se battre, et pendant que l’oiseleur au képi d’or attend l’appel, pour voir si les pierrots sont là, prêts à voler en campagne, la bande entière secoue ses plumes, raidit ses pattes rouges, et finalement s’immobilise, impatiente, le bec ouvert.
France, 1907 : Petit verre de vin blanc pris le matin à jeun ; argot militaire. Asphyxier un pierrot, boire un verre de vin blanc.
France, 1907 : Sobriquet donné autrefois par les régiments de ligne aux soldats des gardes.
On choisit huit compagnies de grenadiers, tant du régiment du roi que d’autres régiments, qui tous méprisent fort les soldats des gardes qu’ils appellent pierrots.
(Lettre de Racine à Boileau, 1691)
Pipe (casser sa)
Larchey, 1865 : Mourir. — Ceux qui sont morts ne fument plus.
Papa avait beaucoup de blessures, et un jour il cassa sa pipe, comme on dit au régiment.
(Méry)
Rigaud, 1881 : Mourir. Les morts ne fument plus… que la terre. — Cette expression a, sans doute, été consacrée par le peuple qui a voulu faire une vulgaire allusion à un usage emprunté au cérémonial des funérailles des évêques. D’après le cérémonial, la crosse d’un évêque mort est brisée et figure placée sur un coussin, dans le cortège funèbre.
On place aux pieds du prélat (Mgr Dupanloup), sur un second coussin cramoisi, la crosse brisée en trois tronçons.
(Figaro, du 24 octobre 1878, funérailles de Mgr Dupanloup)
Nous avons prédit cent fois pour une que Dupanloup briserait sa crosse sans être cardinal.
(Tam-Tam, du 20 octobre 1878)
France, 1907 : Mourir. Les synonymes sont aussi nombreux que variés : avaler sa langue, sa gaffe, sa cuiller, ses baguettes ; n’avoir plus mal aux dents ; aller manger les pissenlits par la racine ; avoir son coke ; baiser la camarde ; cracher son âme ; claquer ; cracher ses embouchures ; casser son crachoir ; canner ; camarder ; casser son câble, son fouet ; couper sa mèche ; calancher ; dévisser ou décoller son billard ; déposer ses bouts de manche ; déteindre ; donner son dernier bon à tirer ; descendre la garde ; défiler la parade ; dévider à l’estorgue ; déralinguer ; déchirer son faux col, son habit, son tablier ; dégeler ; éteindre son gaz ; épointer son foret ; être exproprié ; fumer ses terres ; fermer son parapluie ; faire ses petits paquets, sa crevaison ; fuir ; graisser ses bottes ; ingurgiter son bilan ; lâcher la perche, la rampe ; laisser fuir son tonneau ; ; laisser ses bottes quelque part ; mettre la table pour les asticots ; poser sa chique ; péter son lof ; perdre son bâton ; passer l’arme à gauche ; perdre le goût du pain ; piquer sa plaque ; pousser le boum du cygne ; recevoir son décompte ; remercier son boulanger ; rendre sa secousse ; saluer le public ; souffler sa veilleuse ; tourner de l’œil, etc.
Piquepoux
France, 1907 : Tailleur. « Cette expression, dit M. Paul Homo, doit venir de l’habitude qu’ont certains ouvriers tailleurs, dits appiéceurs, de passer souvent l’aiguille dans leurs cheveux, pour la graisser un peu lorsqu’elle doit traverser un drap épais ou double : d’autre part, il se peut que ce sobriquet vienne des réparations à faire dans de vieux vêtements qui peuvent contenir de la vermine. » Voir Pique-prunes.
Rangraisser, rengracier
Halbert, 1849 : Se taire, renoncer.
Remplumer (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Engraisser, s’enrichir, — dans l’argot des faubouriens.
France, 1907 : Reprendre des forces ou se refaire une situation.
Renquiller (se)
Delvau, 1866 : v. réfl. Réussir ; engraisser ; s’enrichir, — dans l’argot des typographes.
Rigaud, 1881 : Se rétablir. — S’enrichir.
France, 1907 : Se refaire, regagner après avoir perdu.
Rond (avoir le)
Merlin, 1888 : Avoir de l’argent, — rond est pris pour pièce de monnaie.
France, 1907 : Avoir de l’argent, être riche. N’avoir pas le rond, être sans le sou.
— Eh bien, ma petite, c’est moi qui le lâcherais, ton Monsieur, et plus vite que ça. Trop de veine, ce type-là : une femme gratis ! Jolie comme tu l’es ! En voilà une chose qui dépasse, par exemple : rester avec un homme qui n’a pas le rond !
(L.-V, Meunier, Chair à plaisir)
Sûr que nom… i’s peuv’nt tous crampser,
Si n’ya qu’moi pour les engraisser,
J’en veux pus d’marlou !… ça vous croûte
Tout c’qu’on gagne et tout c’qu’on gagn’ pas…
On n’a jamais l’rond dans son bas…
Ah ! nom de Dieu ! j’sais c’que ça m’coûte !
(Aristide Bruant)
Suisse (point d’argent, point de)
France, 1907 : Sans argent, on ne peut rien avoir. Ce dicton, injurieux pour nos voisins qu’il fait considérer comme des mercenaires, est cependant à leur honneur. On sait que, sous l’ancien régime et pendant le moyen âge, les Suisses fournissaient pour les guerres de nombreux contingents. De Charles VII à Louis XVIII les rois de France entretinrent des compagnies appelées les Cent-Suisses, et des régiments entiers composés de Suisses. Pendant les guerres du Milanais, vers la fin du XVe siècle, et au commencement du XVIe siècle, ces régiments se retirèrent plusieurs fois faute de solde. — « Payez-vous sur l’ennemi », disaient les généraux, en d’autres termes « Pillez. » Mais leurs chefs refusaient, disant : « Nous ne sommes pas des brigands, nous sommes des soldats. » Étant pauvres et leur pays n’offrant alors que peu de ressources, ils se faisaient soldats, mais entendaient qu’on les payât, ou point d’argent, point de Suisse. Et ils tenaient bon, car d’après un proverbe du XVIIe siècle, ils avaient une réputation d’entêtés :
D’un Suisse n’entends point raison,
Ni d’un bigot en oraison,
Ou d’une femme en sa maison
Quand elle crie hors de saison.
Racine, dans les Plaideurs, fait dire à Petit-Jean :
On n’entrait pas chez nous sans graisser le marteau
Point d’argent, point de suisse ; et la porte était close.
Travailler, tripoter, graisser le carton
Larchey, 1865 : Jouer aux cartes. — Maquiller le carton : Faire sauter la coupe.
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