d’Hautel, 1808 : Il vit de l’air du temps. Se dit en mauvaise part, d’un intrigant, d’un homme qui, sans état, et sans aucune espèce de fortune, ne laisse pas néanmoins de faire figure et de bien vivre. On se sert aussi de cette locution en plaisantant pour exprimer qu’une personne mange très-peu et rarement.
Avoir l’air de sainte n’y touche. Avoir la mine et le langage d’un patelin, d’un hypocrite fieffé.
Tirer en l’air. Hâbler, enfler, exagérer ; mentir avec audace.
Il fend l’air. Se dit par hyperbole d’un homme vaniteux et hautain, qui prend un ton bien au-dessus de sa condition, et devant lequel il faut que tout plie et s’humilie.
Des contes en l’air. Discours frivoles et mensongers ; gasconnades.
Prendre l’air du bureau. Aller voir où en sont les affaires ; faire acte d’apparition en un lieu, pour examiner ce qui s’y passe.
Avoir tout l’air. Il a tout l’air d’un mauvais sujet ; il en a tout l’air. Pour dire, il prend le genre et la tournure d’un vaurien.
Air
Blaireauter
Larchey, 1865 : Peindre avec trop de fini, faire abus du pinceau de blaireau qu’on a entre les mains.
Aussi sa peinture est-elle fameusement blaireautée.
(La Bédollière)
Delvau, 1866 : v. a. Peindre avec trop de minutie. — dans l’argot des artistes qui n’ont encore pu digérer Meissonnier.
France, 1907 : Abuser du blaireau en peinture, c’est-à-dire peindre avec trop de fini.
Bourrichon
Delvau, 1866 : s. m. La tête, — dans l’argot des faubouriens, qui prennent les imbéciles pour des huîtres. Se monter le bourrichon. Se faire une idée fausse de la vie, s’exagérer les bonheurs qu’on doit y rencontrer, et s’exposer ainsi, de gaieté de cœur, à de cruels mécomptes et à d’amers désenchantements.
Rigaud, 1881 : Tête. — Se monter le bourrichon, se monter la tête.
Capital d’une fille
France, 1907 : « Mot qu’Alexandre Dumas fils a employé pour désigner la virginité de la jeune fille, avec la manière de s’en servir et de s’en faire cent mille livres de rentes. Hélas ! qu’il y a de malheureuses qui se le laissent déflorer. »
(Dr Michel Villemont)
Tu possèdes, mignonne, un gentil capital ;
Ne prends pas un caissier pour gérer ta fortune :
Il palperait tes fonds, et, commis déloyal,
Pourrait bien, comme on dit, faire un trou dans la lune.
Charger
d’Hautel, 1808 : Il est chargé comme un mulet. Pour dire très-chargé, surchargé de travaux et de peines.
Chargé de ganaches. Se dit d’un homme qui a de grosses mâchoires.
Charger. Pour exagérer, folâtrer, faire des bouffonneries, des farces.
Charger un récit, un portrait. En exagérer les détails, les circonstances et les traits.
Delvau, 1866 : v. a. et n. Enlever un décor. Argot des coulisses. C’est la manœuvre contraire à Appuyer.
Rigaud, 1881 : Enlever un décor, — dans le jargon du théâtre.
Chargez là-haut… les bandes d’air… Chargez encore… là… bien.
(Ed. Brisebarre et Eug. Nus, la Route de Brest, 1857)
Rigaud, 1881 : Prendre un voyageur, — dans le jargon des cochers de fiacre. — Avoir trouvé acquéreur, — dans celui des filles.
Merlin, 1888 : Pour les cavaliers, sortir en ville, faire une sortie.
Fustier, 1889 : Verser du vin, remplir un verre de liquide.
Charge-moi vite une gobette de champoreau.
Traduction : Sers-moi un verre de café additionné d’eau-de-vie. (Réveil, 1882)
France, 1907 : Enlever un décor. Placer le décor se dit appuyer.
France, 1907 : Verser à boire.
Chaud
d’Hautel, 1808 : Plâtre-chaud. Sobriquet injurieux que l’on donne à un maçon qui ne sait pas son métier ; à un architecte ignorant.
Jouer à la main chaude. Au propre, mettre une main derrière son dos, comme au jeu de la main chaude. Le peuple, dans les temps orageux de la révolution, disoit, en parlant des nombreuses victimes que l’on conduisoit à la guillotine, les mains liées derrière le dos, ils vont jouer à la main chaude, etc.
C’est tout chaud tout bouillant. Pour dire que quelque chose qui doit être mangé chaud est bon à prendre. On dit aussi d’un homme qui est venu d’un air empressé et triomphant annoncer quelque mauvaise nouvelle, qu’Il est venu tout chaud tout bouillant annoncer cet évènement.
Chaud comme braise. Ardent, bouillant, fougueux et passionné.
Tomber de fièvre en chaud mal. C’est-à-dire, d’un évènement malheureux dans un plus malheureux encore.
Avoir la tête chaude. Être impétueux, et sujet à se laisser emporter à la colère.
On dit, par exagération, d’une chambre ou la chaleur est excessive, qu’Il y fait chaud comme dans un four.
Il fait bon et chaud. Pour dire que la chaleur est très-forte. Voy. Bon.
Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud. C’est-à-dire, pousser vivement une affaire quand l’occasion est favorable.
À la chaude. Dans le premier transport.
Cela ne fait ni chaud ni froid. C’est-à-dire, n’influe en rien, n’importe nullement.
La donner bien chaude. Exagérer un malheur, donner l’alarme pour une un événement de peu d’importance, faire une fausse peur.
Si vous n’avez rien de plus chaud, vous n’avez que faire de souffler. Se dit à quelqu’un qui se flatte de vaines espérances, qui se nourrit d’idées chimériques.
Il n’a rien eu de plus chaud que de venir m’apprendre cet accident. Pour, il est venu avec empressement, d’un air moqueur et joyeux m’annoncer cet accident.
Larchey, 1865 : Coureur de belles, homme ardent et résolu. — Autrefois on disait chaud lancier :
Le chaud lancier a repris Son Altesse royale.
(Courrier burlesque, 2e p., 1650)
Delvau, 1866 : adj. et s. Rusé, habile, — dans l’argot du peuple, assez cautus. Être chaud. Se défier. Il l’a chaud. C’est un malin qui entend bien ses intérêts.
Delvau, 1866 : adj. Cher, d’un prix élevé.
La Rue, 1894 : Dangereux. Passionné. Se tenir chaud, être sur ses gardes.
France, 1907 : Rusé, malin. Se dit aussi pour un homme porté à l’amour ; on ajoute alors souvent : de la pince. Henri IV était très chaud de la pince. Ce n’est jamais un mal, si c’est parfois un danger. Dans le même sens, chaud lancier.
Déballer
Rigaud, 1881 : Déshabiller, enlever l’arsenal des faux-chignons, tournures, soutien des faibles, faux râteliers, et tous les trompe-l’œil de la toilette féminine.
Rigaud, 1881 : Sacrifier à Domange, — dans le jargon des voleurs.
Virmaître, 1894 : Soulager ses entrailles pour quinze centimes, ce que ne pouvait digérer Villemessant qui trouvait exorbitant d’être forcé de donner trois sous pour restituer un petit pain qui n’en coûtait qu’un et encore en laissant la marchandise (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Personne n’en est exempt.
Hayard, 1907 : Soulager ses entrailles.
France, 1907 : Déshabiller ; soulager ses entrailles ; exhiber.
Dégommer
un détenu, 1846 : Mourir, cesser de vivre.
Larchey, 1865 : Destituer.
Réélu ! — Dégommé !
(Gavarni)
Delvau, 1866 : v. a. Destituer, casser d’un grade, — dans l’argot des troupiers. Se dégommer. S’entre-tuer.
Rigaud, 1881 : Surpasser. — Destituer.
Fustier, 1889 : Mourir. Dégommé, mort. Quart des dégommés, commissaire des morts.
France, 1907 : Casser, en argot militaire, un caporal ou un sous-officier de son grade. Destituer un fonctionnaire, lui enlever sa gomme.
La cour, qui en voit de raides cependant, a eu de la peine à digérer celle-là. Toutelois, on n’ose jamais tenir grande rigueur à un premier ministre. Timidement la magistrature lui a posé cette petite question : Mais vous êtes trigame ?
— C’est bien possible, a répondu Crispi, mais je suis aussi ministre. Si vous ne me f… pas la paix, je vous dégomme.
(Le Petit Pioupiou)
N’est-ce pas la gomme qu’on emploie pour donner à une étoffe la roideur, le poli, l’éclat ? Quand cette étoffe est dégommée, elle a perdu son lustre, elle est devenue chiffon. Un homme maladif, souffrant, est, dit-on, dégommé. C’est une expression très juste et qui lait image. Voyez ce préfet, à la démarche roide et fière, au regard olympien. Il fait trembler son département. — Vienne un simple télégramme, trois mots… Il est démissionné — non, il est dégommné. Son œil se voile, sa raideur s’affaisse. (J’en ai connu un qui avait perdu en une nuit dix centimètres de sa taille.) Le frac vulgaire, ou le démocratique paletot-sac, a remplacé l’habit brodé. Dégommé ! oh ! oui, dégommé !
(Baron Piot)
France, 1907 : Mourir.
— Comment ! Le colonel est dégommé ! C’est pour ça qu’on est si joyeux ! C’était pourtant un brave brave homme.
— Brave homme, c’est possible ! mais ça va faire de l’avancement ! de l’avancement, mon bon, de l’avancement…
(Hector France, L’Homme qui tue)
France, 1907 : Surpasser.
Digérer
d’Hautel, 1808 : C’est bien dur à digérer. Se dit d’une offense, d’une insulte, d’une injustice dont on est la victime, et que l’on ne peut oublier,
Il a un estomac d’autruche, il digéreroit du fer. Exagération usitée en parlant d’un grand mangeur, d’un goinfre, d’un glouton à qui rien ne fait mal.
Donner
d’Hautel, 1808 : Se donner du pied au cul. S’émanciper ; faire des siennes ; prendre de grandes libertés.
S’en donner à tire-larigot ; s’en donner à cœur-joie. Se rassasier de plaisir ; en prendre tout son soul.
Donner un pois pour avoir une fève ; un œuf pour avoir un bœuf. Semer pour recueillir ; faire un présent peu considérable dans le dessein d’en retirer un grand profit.
En donner de dures, de belles. Craquer, hâbler, exagérer.
À cheval donné, on ne regarde point à la bride. Voyez Cheval.
Se faire donner sur les doigts. Se faire corriger ; trouver son maître.
S’en donner de garde. Éviter de faire une chose.
On ne donne rien pour rien.
Il n’en donne pas sa part aux chiens. Voyez Chiens.
Se donner à tous les diables. Se dépiter, se dégoûter de quelque chose quand on y trouve de grands obstacles ; se mettre en colère.
Donner de la gabatine. Tenir des propos ambigus ; faire des promesses que l’on ne veut point tenir.
Qui donne au commun ne donne pas à un. Signifie que personne ne vous tient compte de ce que vous donnez au public.
Donner de la tablature. C’est donner de la peine, du fil à retordre à quelqu’un dans une affaire ; mettre de grands obstacles à son succès.
Donner des verges pour se fouetter. Procurer à un ennemi les moyens de vous nuire.
Donner de cul et de tête dans une affaire. Pour dire y employer toute son industrie, tout son savoir.
Se donner du menu. Signifie prendre ses aises ; se divertir ; ne rien ménager à ses plaisirs.
Le peuple dit à l’impératif de ce verbe, donne moi-zen, il faut dire : donne-m’en, ou donne moi de cela.
Il donneroit jusqu’à sa chemise. Se dit d’un homme généreux et libéral à l’excès.
À donner donner ; à vendre vendre. Signifie qu’il ne faut pas faire acheter ce que l’on veut donner, ni user d’une libéralité mal entendue lorsqu’on veut vendre.
Donnant, donnant. Pour dire de la main à la main ; ne livrer la marchandise qu’en en recevant l’argent.
Qui donne tôt, donne deux fois. Proverbe qui signifie que la manière de donner vaut souvent plus que ce que l’on donne.
Il ne faut pas se donner au diable pour deviner cela. Veut dire qu’une chose n’a rien de difficile, qu’on peut aisément la deviner.
Vous nous la donnez belle ! et plus communément encore : vous nous la baillez belle. Voyez Bailler.
Je donnerois ma tête à couper. Serment extravagant pour exprimer que l’on est très-sûr de ce que l’on dit.
Donner du nez en terre. Être ruiné dans ses espérances et dans ses entreprises.
Donner un coup de collier. Voyez Coup.
Delvau, 1866 : v. a. Dénoncer, — dans l’argot des voleurs. Être donné. Être dénoncé.
Rigaud, 1881 : Pour donner dans le piège ; abonder, — dans le jargon des filles.
Vous les retrouverez, si les hommes ne donnent pas, arpentant le terrain jusqu’à deux heures du matin.
(F. d’Urville, Les Ordures de Paris, 1874)
La Rue, 1894 : Dénoncer.
Virmaître, 1894 : Dénoncer. Les nonneurs en dénonçant, mot à mot : donnent (livrent) leurs complices à la justice (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Dénoncer.
Dur
Ansiaume, 1821 : Fer.
Ils m’ont mis des durs aux paturons de 18 plombes.
Vidocq, 1837 : s. m. — Fer.
Larchey, 1865 : Eau-de-vie. V. Chenique.
Pour faire place aux petits verres de dur.
(Th. Gautier)
Larchey, 1865 : Fer (Vidocq).
Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Raide.
Delvau, 1866 : s. m. Fer, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Durin.
Rigaud, 1881 : Eau-de-vie.
Rigaud, 1881 : Fer, — dans le jargon des voleurs.
Rigaud, 1881 : Vente difficile d’un livre, — en terme de libraire. Ce n’est pas un mauvais ouvrage, mais c’est dur.
La Rue, 1894 : Fer. Eau-de-vie. Travaux forcés. Travailler sur le dur. Voler en chemin de fer.
Virmaître, 1894 : Il est au dur : en prison. C’est dur : pénible, difficile. C’est dur à digérer : grosse sottise ou blague impossible à avaler. Dur à cuire : vieux troupier qui ne ressent rien. Dur (être dans son) : être ce jour-là plus courageux qu’à l’ordinaire (Argot des voleurs).
France, 1907 : Eau-de-vie. On dit aussi raide.
France, 1907 : Fer.
France, 1907 : Foie de veau ou de bœuf, par opposition au poumon appelé mou.
France, 1907 : Travaux forcés.
— Un gars, le daron !… Il tire huit longes de dur pour avoir refroidi un ligordeau avec qui il avait eu de la renaude.
(Hugues Le Roux, Les Larrons)
Dur à avaler
Delvau, 1866 : adj. Se dit — dans l’argot du peuple — d’une histoire invraisemblable à laquelle on se refuse à croire, ou d’un accident dont on a de la peine à prendre son parti. On dit aussi, dans le même sens : Dur à digérer.
France, 1907 : Chose difficile à croire.
— Dis donc, ma petite Irma, voilà la troisième fois cette semaine que tu vas poser des sangsues à ta tante, à Montmartre… la semaine dernière, tu as passé deux nuits chez ta cousine de Montrouge, qui venait d’accoucher…
— Eh bien ? qu’est-ce que tu me reproches ?
— Rien… mais c’est dur à avaler.
(Les Propos du Commandeur)
Écharper
d’Hautel, 1808 : Faire une grande blessure avec une arme tranchante ; mettre en pièces, hacher en morceaux.
Il s’est fait écharper dans une batterie. Se dit pour exagérer les blessures de quelqu’un qui a succombé dans une rixe.
Échauder
d’Hautel, 1808 : Chat échaudé craint l’eau froide. Voyez Chat.
Chien échaudé ne revient pas en cuisine. Signifie que quand on a été étrillé dans une entreprise, on se garde de la tenter de nouveau.
Delvau, 1866 : v. a. Surfaire un prix, exagérer le quantum d’une note, — dans l’argot des bourgeois, qui, depuis le temps qu’il y a des marchands et des restaurateurs, doivent avoir l’eau froide en horreur.
Rigaud, 1881 : Surfaire. — Être échaudé, payer un objet au-dessus de sa valeur.
France, 1907 : Surfaire un prix ; exagérer une note. Les restaurateurs du boulevard et de mains autres lieux excellent dans l’art d’échauder leurs clients.
Écorcher
d’Hautel, 1808 : Être écorché. Être rançonné ; payer trop cher ce que l’on achète.
On dit d’un traiteur chez lequel il faut donner beaucoup d’argent pour dîner, qu’on est écorché quand on va chez lui.
Beau parler n’écorche point la langue. Signifie qu’il ne coûte pas plus de parler civilement qu’avec arrogance.
Écorcher un auteur. L’entendre mal, ou le traduire à contre-sens.
Il est brave comme un lapin écorché. Se dit d’un poltron ; d’un homme pusillanime et lâche.
Écorcher le renard. Pour dire, vomir, dégobiller, regorger.
Écorcher les oreilles. Prononcer mal ; parler mal devant quelqu’un qui est instruit.
Autant fait celui qui tient que celui qui écorche. Signifie que le recéleur est aussi coupable que le voleur même.
Il crie comme si on l’écorchoit. Se dit d’une personne délicate, et aimant à crier ; qui fait beaucoup de bruit pour rien.
Faire quelque chose à écorche cul. En rechignant ; de mauvaise grace.
Il faut tondre les brebis, mais non pas les écorcher. Il faut plumer la poule, etc. Voyez Crier.
Delvau, 1866 : v. a. Surfaire un prix, exagérer le quantum d’une addition, de façon à faire crier les consommateurs et à les empêcher de revenir.
Rigaud, 1881 : Faire payer un objet deux ou trois fois sa valeur ; c’est la qualité dominante chez la plupart des boutiquiers de Paris dont les boutiques sont placées, sans doute, sous le patronage de Saint Barthélémy.
France, 1907 : Surfaire un prix ; présenter un compte d’apothicaire. Écorcher une langue, la mal parler. Écorcher les auteurs, les mal traduire.
Pour signer la paix, la Prusse a exigé de la France une indemnité de guerre de cinq milliards.
Ce n’est pas seulement en parlant que les Allemands écorchent le français.
On dit aussi écorcher un rôle.
À cette époque aussi, Albert Glatigny, dégingandé, si long qu’il était sans fin, si souple qu’il était sans consistance, Glatigny écrivait ses poèmes archi-lyriques ; mais il était, en même temps, acteur à un petit théâtre de banlieue, ce qui lui dont à manger à peu près chaque jour. Or, un matin, Théodore de Banville surpris ledit Glatigny en train de répéter le rôle d’Achille dans l’Iphigénie de Racine.
— Eh quoi ! sécria-t-il, tu vas jouer une pièce de ce… monsieur ?
— Parbleu ! répondit Glatigny ; et c’est précisément parce que je l’exècre que je le joue. Car personne, songes-y bien, personne ne lui fit plus de tort que je ne lui en prépare à ce moment.
Alors comme Banville demeurait soupçonneux :
— Théodore, ajouta Glatigny, viens seulement, ce soir, au théâtre de Montmartre : et tu verras comment je le joue, ce polisson, tu verras comment je l’écorche !
Estomac
d’Hautel, 1808 : Il a un estomac d’autruche, il digéreroit le fer. Se dit d’un gourmand à qui rien ne peut faire mal ; et d’un homme qui a l’estomac bien constitué.
Delvau, 1866 : s. m. La gorge de la femme, — dans l’argot du peuple, qui parle comme écrivait Marot :
Quant je voy Barbe en habit bien luisant,
Qui l’estomac blanc et poli desœuvre.
Rigaud, 1881 : Courage, intrépidité, — dans l’argot des joueurs.
Avoir de l’estomac au jeu, c’est poursuivre la veine sans se déconcerter, sans broncher, dans la bonne ou la mauvaise fortune.
(Les Joueuses, 1868)
Peu de joueurs étaient aussi crânes, avaient un pareil estomac !
(Vast-Ricouard, le Tripot, 1880)
Beau joueur, Grandjean, et quel estomac !
(Figaro du 5 mars 1880)
On dit d’un joueur très intrépide qu’il a un estomac d’enfer.
La Rue, 1894 : Courage, audace au jeu.
France, 1907 : Aplomb, audace, sang-froid, effronterie. On dit d’un beau joueur : « Il a de l’estomac. » Se dit aussi d’un politicien roublard et sans vergogne.
Le langage populaire désigne deux sortes d’intrépidité par deux locutions spéciales ; et cette phrase : « Il n’a pas froid aux yeux », ne signifie pas précisément la même chose que : « Il a un rude toupet. » Or nous sommes tellement démoralisés que nous en arrivons à ne plus sentir cette nuance. Combien de fois, devant un coquin qui se carre dans sa mauvaise réputation et porte beau sous l’infamie, n’avez-vous pas entendu dire : « Il est crâne, il a de l’estomac… »
(François Coppée)
Je ne suis certes pas pessimiste, et j’aime la bataille par tempérament, mais j’avoue que le métier de député, accepté d’une certaine manière, est un métier abominablement écœurant.
Il exige, pour quelques-uns, une réelle maîtrise dans la canaillerie familière et dans la roublardise. Il faut de l’estomac, comme on dit, pour bien tenir l’emploi.
(A. Maujan)
Avoir de l’estomac se dit aussi pour avoir une grosse fortune, offrir de sérieuses garanties dans les affaires. « Vous pouvez aller en toute confiance, le patron a de l’estomac. »
Et mèche !
Delvau, 1866 : Formule de l’argot des faubouriens, employée ordinairement pour exagérer un récit : « Combien cette montre a-t-elle coûté ? soixante francs ? — Soixante francs, et mèche ! » c’est-à-dire beaucoup plus de soixante francs.
Faire
d’Hautel, 1808 : Pour tromper, duper, attraper, friponner ; filouter, voler.
Je suis fait. Pour dire attrapé, on m’a trompé.
Faire de l’eau. Pour dire uriner, pisser. Hors de ce cas, c’est un terme de marine qui signifie relâcher en quelqu’endroit pour faire provision d’eau.
Faire de nécessité vertu. Se conformer sans rien dire aux circonstances.
Faire et défaire, c’est toujours travailler. Se dit par ironie à celui qui a mal fait un ouvrage quelconque, et qu’on oblige à le recommencer.
Quand on fait ce qu’on peut, on fait ce qu’on doit. Signifie qu’il faut savoir gré à celui qui marque du zèle et de l’ardeur dans une affaire, lors même qu’elle vient à ne pas réussir.
Paris ne s’est pas fait en un jour. Signifie qu’il faut du temps à un petit établissement pour devenir considérable ; qu’il faut commencer par de petites affaires avant que d’en faire de grandes.
Allez vous faire faire. Pour allez au diable ; allez vous promener, vous m’impatientez. Ce mot couvre un jurement très-grossier.
Le bon oiseau se fait de lui-même. Signifie qu’un bon sujet fait son sort par lui-même.
Faire et dire sont deux. Signifie qu’il est différent de faire les choses en paroles et de les exécuter.
Il n’en fait qu’à sa tête. Se dit d’un homme entier, opiniâtre, qui se dirige absolument d’après sa volonté.
Qui fait le plus fait le moins. Pour dire qu’un homme qui s’adonne à faire de grandes choses, peut sans contredit exécuter les plus petites.
Faire ses orges. S’enrichir aux dépens des autres s’en donner à bride abattue.
Faire le diable à quatre. Signifie faire des siennes, faire des fredaines ; un bruit qui dégénère en tintamare.
Faire les yeux doux. Regarder avec des yeux tendres et passionnés.
Faire son paquet. S’en aller ; sortir précipitamment d’une maison où l’on étoit engagé.
Faire la vie. Mener une vie honteuse et débauchée.
Il en fait métier et marchandise. Se dit en mauvaise part, pour c’est son habitude ; il n’est pas autrement.
Faire la sauce, et plus communément donner une sauce, etc. Signifie faire de vifs reproches à quelqu’un.
Faire d’une mouche un éléphant. Exagérer un malheur ; faire un grand mystère de peu de chose.
L’occasion fait le larron. C’est-à-dire, que l’occasion suffit souvent pour égarer un honnête homme.
Ce qui est fait n’est pas à faire. Signifie que quand on peut faire une chose sur-le-champ, il ne faut pas la remettre au lendemain.
Allez vous faire paître. Pour allez vous promener.
Les première et seconde personnes du pluriel du présent de l’indicatif de ce verbe sont altérées dans le langage du peuple. À la première personne il dit, par une espèce de syncope, nous fons, au lieu de nous faisons ; et à la seconde, vous faisez, au lieu de vous faites.
Larchey, 1865 : Faire la place, commercialement parlant.
De tous les points de Paris, une fille de joie accourait faire son Palais-Royal.
(Balzac)
Je suis heureux d’avoir pris ce jour-ci pour faire la vallée de l’Oise.
(Id.)
Larchey, 1865 : Nouer une intrigue galante.
Est-ce qu’un homme qui a la main large peut prétendre à faire des femmes ?
(Ed. Lemoine)
Dans une bouche féminine, le mot faire indique de plus une arrière-pensée de lucre. C’est l’amour uni au commerce.
Et toi, ma petite, où donc as-tu volé les boutons de diamant que tu as aux oreilles ? As-tu fait un prince indien ?
(Balzac)
Tu as donc fait ton journaliste ? répondit Florine. — Non, ma chère, je l’aime, répliqua Coralie.
(id.)
Larchey, 1865 : Risquer au jeu.
Nous faisions l’absinthe au piquet à trois.
(Noriac)
Faire dans la quincaillerie, l’épicerie, la banque, etc. ; Faire des affaires dans la quincaillerie, etc.
Larchey, 1865 : Voler.
Nous sommes arrivés à faire les montres avec la plus grande facilité.
(Bertall)
Son fils qui fait le foulard à ses moments perdus.
(Commerson)
Delvau, 1866 : s. m. Façon d’écrire ou de peindre, — dans l’argot des gens de lettres et des artistes.
Delvau, 1866 : v. a. Dépecer un animal, — dans l’argot des bouchers, qui font un veau, comme les vaudevillistes un ours.
Delvau, 1866 : v. a. Visiter tel quartier commerçant, telle ville commerçante, pour y offrir des marchandises, — dans l’argot des commis voyageurs et des petits marchands.
Delvau, 1866 : v. a. Voler, et même Tuer, — dans l’argot des prisons. Faire le foulard. Voler des mouchoirs de poche. Faire des poivrots ou des gavés. Voler des gens ivres. Faire une maison entière. En assassiner tous les habitants sans exception et y voler tout ce qui s’y trouve.
Delvau, 1866 : v. n. Cacare, — dans l’argot à moitié chaste des bourgeois. Faire dans ses bas. Se conduire en enfant, ou comme un vieillard en enfance ; ne plus savoir ce qu’on fait.
Delvau, 1866 : v. n. Jouer, — dans l’argot des bohèmes. Faire son absinthe. Jouer son absinthe contre quelqu’un, afin de la boire sans la payer. On fait de même son dîner, son café, le billard, et le reste.
Delvau, 1866 : v. n. Travailler, être ceci ou cela, — dans l’argot des bourgeois. Faire dans l’épicerie. Être épicier. Faire dans la banque. Travailler chez un banquier.
Rigaud, 1881 : Dérober. — Faire le mouchoir, faire la montre. L’expression date de loin. M. Ch. Nisard l’a relevée dans Apulée.
Vous êtes de ces discrets voleurs, bons pour les filouteries domestiques, qui se glissent dans les taudis des vieilles femmes pour faire quelque méchante loque. (Scutariam facitis)
Rigaud, 1881 : Distribuer les cartes, — dans le jargon des joueurs de whist. — Jouer des consommations, soit aux cartes, soit au billard. Faire le café en vingt points, — dans le jargon des piliers de café.
Rigaud, 1881 : Exploiter, duper. — Faire faire, trahir. Il m’a fait faire, — dans le jargon des voleurs.
Rigaud, 1881 : Faire le commerce de ; être employé dans une branche quelconque du commerce. — Faire les huiles, les cafés, les cotons. Mot à mot : faire le commerce des huiles, des cotons, etc.
Rigaud, 1881 : Guillotiner, — dans le langage de l’exécuteur des hautes-œuvres.
M. Roch (le bourreau de Paris) se sert d’une expression très pittoresque pour définir son opération. Les criminels qu’il exécute, il les fait.
(Imbert.)
Rigaud, 1881 : Parcourir un quartier au point de vue de la clientèle, — dans l’argot des filles. Elles font le Boulevard, le Bois, les Champs-Élysées, comme les placières font la place.
Rigaud, 1881 : Séduire.
La puissante étreinte de la misère qui mordait au sang Valérie, le jour où, selon l’expression de Marneffe, elle avait fait Hulot.
(Balzac, La Cousine Bette)
L’artiste qui, la veille, avait voulu faire madame Marneffe.
(Idem)
Faire une femme, c’est mot à mot : faire la conquête d’une femme.
Le temps de faire deux bébés que nous ramènerons souper ; j’ai le sac.
(Jean Rousseau, Paris-Dansant)
Quand une femme dit qu’elle a fait un homme, cela veut dire qu’elle fonde des espérances pécuniaires sur celui qu’elle a séduit, qu’elle a fait une affaire avec un homme. — Les bals publics sont des lieux où les femmes vont faire des hommes, mot à mot : le commerce des hommes.
Rigaud, 1881 : Tuer, — dans le jargon des bouchers : faire un bœuf, tuer un bœuf et le dépecer.
Rigaud, 1881 : Vaincre, terrasser, — dans l’argot des lutteurs.
Il ajouta qu’en se glorifiant d’avoir fait le Crâne-des-Crânes, certains saltimbanques en avaient menti.
(Cladel, Ompdrailles, Le Tombeau des lutteurs.)
Fustier, 1889 : Arrêter. Argot des voleurs. Être fait, être arrêté.
Le lendemain matin, il questionne la Lie-de-Vin… puis il part. Dans l’après-midi il était fait.
(Gil Blas, juin, 1886.)
La Rue, 1894 : Exploiter, duper. Arrêter. Jouer. Trahir. Séduire : faire une femme, faire un homme. Raccrocher. Dérober. Tuer. Vaincre, terrasser. Guillotiner.
Virmaître, 1894 : Les bouchers font un animal à l’abattoir. Faire : tuer, voler. Faire quelqu’un : le lever. Faire : synonyme de fabriquer (Argot du peuple et des voleurs).
France, 1907 : Exploiter.
Elles faisaient les bains de mer et les villes d’eaux, émigrant suivant la saison, comme les bohémiens, comme les hirondelles, des falaises grises de la Manche qu’un gazon plat encapuchonne aux côtes méditerranéennes où la blancheur luit dans l’azur.
(Paul Arène)
France, 1907 : Voler.
Deux filous causent de la future Exposition :
— C’est une bonne affaire pour nous… Ça fournit des occupations…
— Qu’est-ce que tu y faisais en 1869 ?
— Les montres.
(Le Journal)
Il lançait de vastes affaires sur le marché, comme la Caisse d’Algérie, et il ne dédaignait pas de vulgaires filouteries. Ses opérations se trouvèrent ainsi embrasser tous les cercles de la vie de Paris. Il ne dédaignait aucun coup à tenter. Il faisait le million aux riches gogos et le porte-monnaie aux passants.
(Edmond Lepelletier)
Un monsieur, très pressé, court dans la rue.
Un quidam le rejoint, lui frappe sur l’épaule et lui demande impérieusement :
— Où allez-vous ?
— Qu’est-ce que ça peut vous faire ? répond le monsieur furieux.
— Ça me fait beaucoup… on vient de me voler !
— Et vous m’accusez ?
— Oui.
— C’est trop fort !
— N’essayez pas de m’en imposer.
— Mais fouillez-moi, espèce de crétin !
Le quidam fouille le monsieur, et se retire en présentant de plates excuses.
Quand Le monsieur se fouille à son tour, il s’aperçoit qu’on lui a fait sa montre et son porte-monnaie.
(Gil Blas)
À la correctionnelle :
— Alors, dit familièrement le président au prévenu, vous vous vantez de faire la montre aves une remarquable dextérité ?
— Aussi bien que personne ici !
Puis il ajoute courtoisement :
— Soit dit sans vous offenser.
Faire des affaires
Delvau, 1866 : v. a. Faire beaucoup de bruit pour rien, exagérer l’importance des gens et la gravité des choses, — dans l’argot du peuple, qui se gausse volontiers des M. Prudomme. On dit aussi Faire des affaires de rien.
Faire lanterne
France, 1907 : Exagérer en peinture le clair-obscur.
Galants
France, 1907 : Bouffettes et nœuds de rubans que portaient, sous Henri III, les seigneurs de la cour, qui avaient pris cette mode des Espagnols comme l’indique le mot. Galan, joli, mignon, dérivé de gala, fête, resté dans notre langue.
Les nobles seuls avaient le droit de porter des palmes et des galants. Mais les riches bourgeois empiétèrent sur ce droit : ils préféraient payer une amende et se parer de l’attribut des gentilshommes. Ils exagérèrent même tellement la mode que le peuple créa à leur adresse le proverbe : « Quand on prend du galant, on n’en saurait trop prendre. » L’abus amena le ridicule, et les galants disparurent du vêtement civil ; ils furent recueillis par les soldats, qui s’en parèrent à leur tour. Ce fut alors que le mol espagnol galon, diminutif de galan, se substitua au mot galant. Il fit fortune chez nous, et le proverbe resta, avec une légère modification dans son sens primitif : il est probable qu’il vivra aussi longtemps qu’il y aura des hommes amoureux des distinctions extérieures, c’est-à-dire toujours.
(Ch. Ferrand)
Histoires
Delvau, 1866 : s. f. pl. Discussion à propos de quelque chose, — et surtout à propos de rien. Faire des histoires. Se fâcher sans motif raisonnable ; exagérer un événement de peu d’importance.
Rigaud, 1881 : Mensonges, bavardages. — Tout ça, c’est des histoires de femmes, ce sont des commérages.
Histoires (faire des)
France, 1907 : Se fâcher pour des vétilles, exagérer le moindre incident.
Influenza
France, 1907 : Maladie inventée par les médecins à court de malades au commencement de l’hiver de 1889 et qui n’est autre chose qu’une forte grippe. Mais pour la grippe on ne fait guère venir le docteur ; le malade se contente d’ordinaire de garder la chambre, tandis que la grippe, prenant soudain le nom nouveau d’influenza, le terrifie et le fait recourir à la Faculté. Comme pour toutes les maladies à nom nouveau, elle fit tomber un déluge de réclames. L’infatigable Gérandel n’a pas manqué cette bonne occasion de placer ses extraordinaires pastilles.
Depuis que sévit, à Paris, l’épidémie de grippe nommée influenza par les uns, fièvre dengue par les autres, une autre épidémie bien plus terrible s’est subitement déclarée.
Cette épidémie s’est abattue sur les lecteurs de tous les journaux français sous forme de réclames très bien faites, destinées à révéler au public une foule de remèdes contre la grippe, l’influenza, la fièvre dengue, etc.
Du jour au lendemain, des spécialités pharmaceutiques se sont rappelé qu’elles possédaient des propriétés merveilleuses contre ces actions.
Toute la pharmacie moderne y a déjà passé.
Ce serait amusant si la santé publique n’en devait souffrir.
Or, il importe de ne rien exagérer. La grippe où influenza, comme l’on voudra, est toujours la conséquence d’un rhume qui n’a pas été soigné à temps…
À vrai dire, cette épidémie est plus vexatoire que meurtrière et je ne crois pas que le niveau de la mortalité se soit élevé dans des proportions inquiétantes. L’influenza d’aujourd’hui n’est qu’une dilution de l’influenza d’il y a cinq ans qui, sournoisement — un grand médecin nous l’affirmait hier — fit plus de victimes que n’en avait fait le choléra de 1832.
(Grosclaude, Le Journal)
On a découvert, y a quéqu’ temps,
Un mal qu’a bien cent fois cent ans.
Et sous l’nom d’gripp’ qu’il se donnait
Personne ne le soupçonnait.
Or, vite à la mode on l’a mis
Dans l’meilleur monde il est admis.
C’est la fièvre dengue
Et l’influenza.
— Dieu, quell’ drôl’ de langue
On parle avec ça ! —
En l’appelant grippe
Ou rhum’ simplement,
Sitôt ça s’dissipe
Qu’c’est un amus’ment !
(É. Blédort)
Jour de la Saint-Jean-Baptiste (le)
Delvau, 1866 : Le jour de l’exécution, — dans l’argot des prisons. C’est une allusion, comprise même des plus ignorants et des plus païens, à la décollation du Précurseur, dont la belle et cruelle Hérodiade ne pouvait digérer les mercuriales. Les voleurs anglais ont aussi leur allusion à ce jour fatal, qu’ils appellent le Jour du torticolis (wry-neck day).
Virmaître, 1894 : Le jour de l’exécution d’un condamné. À la prison de la Roquette, le jour d’une exécution, les prisonniers ne descendent pas à l’atelier à l’heure réglementaire, ils savent ce que cela veut dire : c’est le jour de la Saint-Jean-Baptiste : on décolle un copain (Argot des voleurs).
Marquer avec une fourchette
Delvau, 1866 : v. a. Exagérer le compte d’un débiteur, en marquant 4 quand il a dépensé 1, — ainsi qu’il arrive à beaucoup de cafetiers, de restaurateurs, de tailleurs, pour se rattraper sur une bonne paye, distraite, des pertes qu’ils ont subies avec une mauvaise, plus distraite encore.
Monter (se)
Rigaud, 1881 : Se passionner, exagérer les choses, s’exalter. Mot à mot : se monter la tête.
France, 1907 : S’enflammer.
Morticole
France, 1907 : Médecin. Le nom, créé par Léon Daudet dans son remarquable roman Les Morticoles, est composé du latin mors (mort) et colere (cultiver), mot à mot : gens vivant sur la mort.
Ces deux tartuffes sont présidents de sociétés similaires, qui donnent aux morticoles l’apparence de la vertu, telles que « l’Éloge conjugal », « la Femme préservée », « la Pudeur laïque » et vingt autres établissements, crèches, maisons de refuge et de retraite pour les jeunes filles, les jeunes femmes, les veuves, sortes de harems qu’entretiennent ces docteurs et où ils trouvent de la chair fraîche, de l’argent, des décorations.
(Léon Daudet, Les Morticoles)
Morticole s’emploie aussi adjectivement :
Un vieil article du code morticole défend aux docteurs d’accepter les legs de leurs clients, tant l’on craint qu’ils ne hâtent l’échéance avec délices ; mais il est des moyens pour tourner cette difficulté. Le plus simple est d’engager les suicidés à laisser leur fortune à une salle déterminée d’hôpital…
Je remarque que les morticoles se plaisent à employer les termes les plus extraordinaires, tirés du grec et du latin, quelquefois de l’hébreu, qui servent à masquer leur ignorance…
Cet énorme succès tenait à la simple connaissance de la femme morticole qui, de vingt à trente ans, a de la vanité ; de trente à quarante, des sens ; de quarante à cinquante, de l’ambition et de l’esprit d’intrigue ; de cinquante à soixante, un tempérament d’entremetteuse…
Les uns étaient allés s’échouer dans une sorte de lazaret, où ils avaient succombé à d’horribles contagions. D’autres étaient tombés aux mains des morticoles, faiseurs d’expériences, les plus redoutables de tous, qui les avaient torturés d’une manière atroce, afin d’attirer sur leurs nullités l’attention des académies.
Il y avait même cinq ou six de ces infortunés qu’on avait laissés mourir de faim, pour observer si leur estomac ne se digérerait pas lui-même.
(Léon Daudet)
Mousser
d’Hautel, 1808 : Faire mousser un succès ; un avantage ; sa réputation. Pour dire, exagérer le mérite d’un succès ; chercher à en hausser la valeur ; vanter sa réputation.
Halbert, 1849 : Satisfaire ses besoins.
Delvau, 1866 : v. n. Alvum deponere.
Delvau, 1866 : v. n. Avoir du succès, — dans l’argot des gens de lettres et des comédiens. Faire mousser. Préparer le succès d’un auteur ou d’une pièce par des éloges exagérés et souvent répétés.
Delvau, 1866 : v. n. S’emporter, être en rage, de dépit ou de colère, — dans l’argot des faubouriens.
Rigaud, 1881 : Être en colère. — Exagérer. — Faire mousser, exagérer les dualités d’une personne, la valeur d’une chose.
France, 1907 : Faire ses besoins.
France, 1907 : S’impatienter.
Ogre
d’Hautel, 1808 : Manger comme un ogre. Pour dire, avec, excès, goulument.
Vidocq, 1837 : s. m. — Agent de remplacement, usurier, escompteur. Depuis que chacun a le droit de payer en argent sa dette à la patrie, des individus officieux se sont chargés de procurer des remplaçans à ceux qui n’ont point de goût pour l’état militaire, et ne se soucient pas de parader le sac sur le dos pour l’instruction et l’amusement des princes de la famille royale. C’est principalement de l’Alsace, de la Lorraine et de la Basse-Bretagne, que ces Messieurs tirent les hommes dont ils ont besoin, hommes qu’ils achètent ordinairement 5 ou 600 francs, et qu’ils vendent au moins deux ou trois fois autant.
Il y a, je veux bien le croire, quelques agens de remplacement qui exercent honorablement leur métier, mais il en est beaucoup plus qui méritent, à tous égards, le nom qu’on leur a donné. Ces Messieurs exploitent en même temps le remplaçant et le remplacé, et très-souvent les tribunaux sont appelés à prononcer sur les différends qui s’élèvent entre les agens de remplacement, et ceux qu’ils ne craignent pas de nommer leurs cliens.
Le père de famille qui a bien voulu accorder sa confiance à un Ogre, doit s’estimer très-heureux lorsqu’après avoir payé très-cher un remplaçant qu’il a long-temps attendu, son fils a enfin obtenu le certificat qui met sa responsabilité à couvert, car tous les agens de remplacement ne remplissent pas les engagemens qu’ils contractent, et plusieurs d’entre eux, parmi lesquels je ne citerai que certain officier de l’ancienne armée, bien connu par ses relations avec certain individu autrefois Grec, et maintenant banquier et usurier, procèdent à-peu-près de cette manière.
Des affiches apposées aux coins de toutes les rues, et des circulaires envoyées dans toutes les localités quelques mois avant l’époque fixée pour le tirage, apprennent à tous que M. un tel, ancien officier, propriétaire ou banquier, vient de fonder une assurance mutuelle en faveur des jeunes gens qui doivent concourir au tirage de l’année. Moyennant une somme de 7 à 800 fr., déposée dans la caisse commune, on peut, quel que soit le numéro que l’on tire de l’urne fatale, acquérir la douce certitude que l’on ne sera pas forcé de quitter ses pénates. Il est bien entendu que la somme versée par celui qui amènera un numéro élevé doit, dans tous les cas, être acquise à l’agent de remplacement, et servir à compléter le paiement du remplaçant de celui qui aurait été moins heureux. L’agent qui procède ainsi a bientôt réuni trente ou quarante souscripteurs ; il n’en désire pas davantage.
Arrive l’époque du tirage. La moitié des jeunes gens assurés tombent au sort. Mais que leur importe, n’y a-t-il pas chez l’agent de remplacement un héros tout prêt à faire pour eux le coup de fusil, ou à brosser le poulet d’Inde, aussi ils dorment tranquilles jusqu’au jour où ils reçoivent la visite d’un monsieur bien obséquieux, qui s’exprime avec élégance, et qui se charge de leur montrer le revers de la médaille dont jusqu’alors ils n’avaient vu que le beau côté.
« Monsieur, leur dit cet officieux entremetteur, qui n’est autre que le compère de l’agent de remplacement, M. un tel, agent de remplacement, auquel vous avez accordé votre confiance, a fait cette année de très-mauvaises affaires, et, pour la première fois de sa vie, lui est impossible de remplir ses engagemens ; mais rassurez-vous, Monsieur, ses cliens ne perdront rien, et je suis chargé de vous remettre la somme que vous avez versée entre ses mains. »
Bien heureux de ne pas tout perdre, les infortunés reprennent leur argent et ne disent mot ; si, contre toute attente, quelques-uns d’entre eux veulent absolument que le contrat qu’ils ont consenti soit rigoureusement exécuté, on s’empresse de les satisfaire, dans la crainte que leurs clameurs n’éveillent l’attention des magistrats. Il est inutile d’ajouter que, quelques jours après le tirage, l’agent a envoyé son intermédiaire à ceux de ses cliens que le sort a favorablement traités, et, qu’en leur faisant une remise, il s’est fait autoriser à retirer les fonds déposés par eux chez un notaire.
Le sieur D***, officier de l’ancienne armée, exerce de cette manière, depuis plusieurs armées, le métier d’agent de remplacement ; il se dit cependant le plus honnête homme du monde, et il n’y a pas long-temps qu’il a traduit à la barre du tribunal de police correctionnelle, et fait condamner à trois mois d’emprisonnement, certain individu qui avait pris la liberté grande de l’appeler fripon.
Je l’ai dit et je le répète, quelques agens de remplacement exercent honorablement leur métier ; c’est à ceux là seuls qu’il faut s’adresser. Les conditions de leurs traités ne sont peut-être pas aussi avantageuses que celles des individus dont nous venons de parler, mais ils ne trompent personne.
Tout le monde a lu dans l’un des deux premiers volumes des Scènes de la vie privée, de Balzac, le portrait de l’usurier Gobsec ; ce portrait n’a d’autres défauts, suivant moi, que celui de n’être pas exact ; le père Gobsec est un type effacé depuis long-temps. Les usuriers de notre époque ne logent pas tous rue des Grés ; ils ne sont ni vieux, ni ridés ; leur costume n’a pas été acheté au Temple : ce sont au contraire des hommes encore jeunes, toujours vêtus avec élégance, et qui ne se refusent aucunes des jouissances de la vie. L’usurier pur sang n’a jamais d’argent comptant lorsqu’on lui propose d’escompter la lettre de change acceptée en blanc par un fils de famille, mais il a toujours en magasin un riche assortiment de marchandises de facile défaite, telles que singes et chameaux, pains à cacheter, bouchons, souricières, voir même des places à l’année au théâtre de M. Comte.
Larchey, 1865 : Agent de remplacement. Allusion à leur trafic de chair humaine. — Ogre : Usurier. — Ogresse : Marchande à la toilette (Vidocq). — Allusion à leur avidité. — Ogre :
Les chiffonniers donnent ce nom à celui qui leur achète le produit de leurs recherches nocturnes, en détail et par hottes, pour les revendre en gros, après un triage minutieux et intelligent. Ordinairement, on ne devient ogre qu’après avoir passé par tous les degrés de l’état de chiffonnier. Il fut un temps, il est vrai, où ce nom était synonyme d’exploiteur et même de receleur. Dans ce but, l’ogre possédait à côté de son établissement d’achat de chiffons un débit de liqueurs qu’il faisait gérer par un affidé ou un compère ; il y recevait clandestinement des malfaiteurs qui apportaient là les produits de leurs rapines.
(Castillon)
Delvau, 1866 : s. m. Agent de remplacement militaire, — dans l’argot des voleurs. Signifie aussi : Usurier, Escompteur.
Delvau, 1866 : s. m. Marchand de chiffons, — dans l’argot des chiffonniers.
Rigaud, 1881 : Chiffonnier en gros, négociant en chiffons, — Recéleur. — Escompteur sans vergogne. — Agent de remplacements militaires mis en disponibilité par la promulgation de la loi sur le service obligatoire.
Rigaud, 1881 : Ouvrier typographe modèle. L’ogre travaille à la journée, il est bon père de famille, bon époux et bon garde national au besoin.
La Rue, 1894 : Chiffonnier en gros. Usurier.
France, 1907 : « Il est une variété de compositeurs dont les mœurs sont tout à fait différentes : immobiles comme des termes devant leurs casses, ils éloignent jusqu’à l’ombre de la dissipation ; ils vivent de peu ; et leur ardeur pour la besogne leur a fait donner le nom d’ogres par leurs confrères, qui les méprisent. Ils font en sorte d’obtenir des places avantageuses, telles que celles de metteurs en pages, hommes de conscience, correcteurs, protes, etc. »
(Jules Ladimir, Le Compositeur typographe)
France, 1907 : On appelait ainsi, du temps de la conscription, les marchands d’hommes qui fournissaient des substituants aux fils de famille.
France, 1907 : Recéleur ; chiffonnier en gros ; il dévore les petits.
Pain sur la fournée (prendre un)
La Rue, 1894 : Prendre des arrhes sur le mariage.
France, 1907 : Avoir des relations intimes avec une fille avant le mariage.
— Laisse-toi faire, va, puisque nous nous marions dans huit jours, c’est un pain pris sur la fournée, voilà tout.
— Non, non. Il ne serait pas cuit et tu ne pourrais le digérer. Il faut que Monsieur le maire allume le four.
Pantoufle
d’Hautel, 1808 : Cet homme raisonne comme une pantoufle. Pour, il parle à tort et à travers ; il ne sait ce qu’il dit.
On iroit en pantoufle. Se dit pour exagérer la proximité d’un lieu ou la beauté d’un chemin, et pour marquer la commodité qu’on a d’y aller.
Il a mis son soulier en pantoufle. Se dit par raillerie de quelqu’un qui croit s’être bien déguisé, et que l’on reconnoit au premier abord.
Delvau, 1866 : Mot que le peuple ajoute ordinairement à Et cœtera, comme pour mieux marquer son dédain d’une énumération fastidieuse. Sert aussi de terme de comparaison péjorative. Bête comme ma pantoufle. Très bête. Raisonner comme une pantoufle. Très mal.
Peine
d’Hautel, 1808 : Il a perdu son temps, aussi sa peine. Pour, il a travaillé inutilement, il a pris des soins inutiles.
Peine de vilain n’est comptée pour rien. Signifie qu’on fait peu d’attention à la peine d’un artisan, tandis qu’au contraire on exalte le plus petit travail, les moindres fatigues, ou démarches d’un homme de qualité.
Elle en vaut bien la peine. Pour dire que quel qu’un mérite les égards, le respect qu’on a pour sa personne. Se dit aussi d’une femme jolie à qui l’on fait la cour.
Ce n’est pas la peine d’en parler. Se dit finement pour exagérer un service, tout en feignant de vouloir en diminuer le prix.
À grand peine. Pour dire aisément, facilement.
Homme de peine. Nom que l’on donne communément à un portefaix, à un crocheteur, et à tout homme dont l’industrie consiste dans la force physique.
Pesant
d’Hautel, 1808 : Il vaut son pesant d’or. Manière d’exagérer le mérite de quelqu’un. On dit dans le sens opposé et par ironie d’un homme sans capacité, qu’il vaut son pesant de plomb.
Pied
d’Hautel, 1808 : Donnez un coup de pied jusqu’à cet endroit. Manière de parler métaphorique, pour engager quelqu’un à se transporter dans un lieu.
Il a un petit pied, mais les grands souliers lui vont bien. Se dit par raillerie d’une personne qui a le pied gros et mal fait, et qui a la prétention de se chausser en pied mignon.
Mettre les pieds dans le plat. Pour, ne plus garder de mesure ; casser les vitres.
J’en ai cent pieds par-dessus la tête. Pour, je suis dégoûté de cette affaire ; je donnerois volontiers tout au diable.
Il a trouvé chaussure à son pied. Pour dire, il a rencontré ce qu’il lui falloit ; et, dans un sens contraire, il a trouvé à qui parler ; quelqu’un qui lui a résisté.
Déferré des quatre pieds. Battu à plattes coutures.
Il se trouvera toujours sur ses pieds. Signifie qu’un homme industrieux et laborieux, quelque chose qui arrive, trouvera toujours de quoi subsister.
Il croit tenir Dieu par les pieds. Se dit pour exagérer le contentement de quelqu’un.
Il a eu un pied de nez. Se dit d’un homme qui a été trompé dans ses espérances ; qui a reçu quelque mortification.
La vache a bon pied. Pour dire qu’un plaideur est riche ; qu’il peut satisfaire aux frais d’un procès.
Elle n’a point de pieds. Se dit d’une chose que l’on attend, et qui n’arrive pas comme on le désire.
Tenir le pied sur la gorge à quelqu’un. Lui faire des propositions déraisonnables ; le tenir avec beaucoup de sévérité.
Il fait cela haut le pied. Pour, d’une manière supérieure, avec habileté, perfection.
Elle sèche sur pied. Se dit d’une personne consumée par le chagrin et la tristesse.
Il voudroit être à cent pieds sous terre. Se dit d’un homme qui est dégoûté de la vie ; qui mène une vie malheureuse.
C’est un pied d’Escaut, un pied plat, un pied poudreux. Se dit d’un misérable, d’un chevalier d’industrie, d’un homme obscur, sans moyens, sans fortune, et qui ne jouit d’aucune considération.
Chercher quelqu’un à pied et à cheval. Le chercher partout.
Faire rage de ses pieds tortus. Intriguer ; se donner beaucoup de mouvement pour la négociation d’une affaire.
Les petits pieds font mal aux grands. Se dit d’une femme qui se trouve souvent mal dans sa grossesse.
Quand on lui donne un pied, il en prend quatre. Se dit d’un homme entreprenant, qui abuse de la liberté qu’on lui a donnée.
Faire le pied de derrière. Saluer avec le pied ; faire des révérences à n’en plus finir.
Faire le pied de grue. C’est-à-dire, le soumis, l’hypocrite, le tartuffe ; s’humilier devant quelqu’un dont on veut tirer parti.
Faire le pied de veau. Flatter, caresser, cajoler quelqu’un qui est puissant ; lui marquer de l’obéissance, de la soumission.
Il ne faut pas lui marcher sur le pied. Se dit d’une personne susceptible qui se pique de la moindre des choses, et que l’on n’offense pas impunément.
Être en pied. Pour dire, être sur ses gardes ; être en mesure ; être en fonds ; être bien dans ses affaires.
Faire pieds neufs. Mettre un enfant au monde ; accoucher.
Mettre quelqu’un au pied du mur. Le réduire au silence ; le confondre ; le mettre hors d’état de répondre.
Au pied de la lettre. Pour dire, à proprement parler.
Des pieds de mouches. On appelle ainsi une écriture mal formée, difficile à lire.
Disputer sur des pieds de mouches. C’est-à dire, sur des bagatelles.
Mettre quelqu’un sur le bon pied. Le contraindre à faire son devoir.
Aller de son pied gaillard. Voyager lestement et sans frais.
Vous êtes encore sur vos pieds. Pour dire, vous êtes encore en état de faire ce qu’il vous plaira.
Vidocq, 1837 : Les Tireurs adroits avaient autrefois l’habitude, en partageant avec les Nonnes et les Coqueurs, de retenir, sur la totalité du chopin, 3 ou 4 francs par louis d’or. Plusieurs Tireurs qui existent encore à Paris, et qui sont devenus sages, avaient l’habitude de prélever cette dime.
Halbert, 1849 : Sol.
Fustier, 1889 : Part. Ce à quoi on a droit.
Mon pied ! ou je casse ! Ma part ou je te dénonce.
(Humbert, Mon bagne)
La Rue, 1894 : Part. En avoir son pied. En avoir suffisamment.
Hayard, 1907 : Partage.
France, 1907 : Part, affaire ; argot faubourien. En avoir son pied, en avoir assez ; ça fait le pied, ça fait l’affaire ; il y a pied, il y a moyen. Mon pied, ou je casse, ma part ou ça va se gâter.
Pistole
d’Hautel, 1808 : Il est cousu de pistoles. Se dit pour exagérer la fortune de quelqu’un.
Pistole de gueux. Liard ; jeton.
Delvau, 1866 : s. f. Cellule à part, — dans l’argot des prisons, où l’on n’obtient cette faveur que moyennant argent. Être à la pistole. Avoir une chambre à part.
Virmaître, 1894 : Pièce de dix francs dans l’argot des maquignons et des bouchers. La pistole, dans les prisons, est une chambre à part où les détenus, par faveur et moyennant une redevance quotidienne, jouissent de quelques douceurs. Sous la Révolution, pour être à la pistole, à la Conciergerie, les prisonniers payaient pour un lit 27 livres 12 sous le premier mois, et 25 livres 10 sous les mois suivants. Sous la Terreur, les prisonniers payaient 15 livres par nuit. Chaque lit rapportait 22 000 livres par mois. Alboize et A. Maquet qui me donnent ces chiffres dans leur Histoire des prisons de l’Europe, ajoutent que la Conciergerie était le premier hôtel garni de Paris. Les détenus qui sont à la pistole s’appellent des pistoliers (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Pièce de dix francs.
France, 1907 : Pièce de dix francs ; c’est l’ancienne pièces de dix livres tournois. Le mot est encore employé en province.
En terme de prison : être à la pistole, c’est avoir une cellule à part où l’on est nourri à ses frais. Le prisonnier traité de la sorte est appelé pistolier.
Prune
d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas pour des prunes. C’est-à-dire, ce n’est pas pour rien, pour peu de chose, etc.
Delvau, 1866 : s. f. Balle ou boulet, — dans l’argot des soldats, qui ne se battent vraiment que pour des prunes. Le mot a des chevrons. Un jour, Sully, accourant pour prévenir Henri IV des manœuvres de l’ennemi, le trouve en train de secouer un beau prunier de damas blanc : « Pardieu ! Sire ! lui cria-t-il du plus loin qu’il l’aperçut, nous venons de voir passer des gens qui semblent avoir dessein de vous préparer une collection de bien autres prunes que celles-ci, et un peu plus dures à digérer. » On dit aussi Pruneau. Gober la prune. Recevoir une blessure mortelle.
Delvau, 1866 : s. f. Griserie, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression depuis la création de rétablissement de la Mère Moreaux, c’est-à-dire depuis 1798. Avoir sa prune. Être saoul.
France, 1907 : Balle ; allusion à la forme des anciennes balles.
Au même moment, un grand juif hollandais accourait armé d’une fourche. Cela donna du cœur au « singe », qui me dit : « Si tu ne te rends pas immédiatement, je te tue. »Je lui répliquai : « Décampe, ou tu es mort. » Il essaya de me saisir. Je lui envoyai alors dans l’épaule une prune qui le roula par terre.
(Hector France, Chez les Indiens)
On dit aussi dragée, pruneau.
Un jeune maréchal des logis du 11e dragons, fils du général Henry, chef d’état-major du 6e corps, a la tête brisée par un éclat d’obus ; l’aide de camp du commandant du 4e corps, le capitaine de la Tour-du-Pin, s’empare du fanion, pendant que tombe le pauvre enfant :
— Permettez-moi, mon général, dit-il, de prendre la place du maréchal des logis.
Et c’est M. de la Tour-du-Pin qui, jusqu’à la fin de la bataille, porta le fanion tricolore, ce qui faisait dire aux soldats qui passaient :
— Pour sûr, en v’là un qui aime les pruneaux.
(Commandant X, La Nation)
Rencœur
Virmaître, 1894 : En avoir gros sur le cœur contre quelqu’un. Ne pouvoir avaler ou digérer une affaire. Synonyme de la locution très populaire :
— Je travaille à contre-cœur.
— Je n’y vais pas de bon cœur, je n’y vais pas avec courage.
Épouser un homme malgré soi, c’est avoir un rencœur (Argot du peuple).
Rosserie
France, 1907 : Méchanceté.
Je te connais, lecteur. La seule critique qui te divertisse est la critique « rosse », et encore tu ne la lis que pour les « rosseries ». Tu ne reconnais plus à personne l’autorité de guider tes lectures et de suggérer tes jugements. Tu as fait ton 89 littéraire : de dieux, ni maîtres.
(Marcel Prévost)
Saler
d’Hautel, 1808 : Saler une marchandise. La mettre à un prix élevé, exorbitant.
Se saler. Terme d’imprimeur ; prendre du salé ; compter à la banque plus d’ouvrage que l’on n’en a réellement fait. Voy. Salé.
Larchey, 1865 : Tancer vertement, faire payer trop cher.
Delvau, 1866 : v. a. Adresser de violents reproches à quelqu’un, — dans l’argot du peuple.
Delvau, 1866 : v. a. Faire payer trop cher. Saler une note. En exagérer les prix. On dit aussi Répandre la salière dessus.
Rigaud, 1881 : Vendre cher. — Réprimander. — Vous allez dîner dans ce gargot ? c’est mauvais et salé.
La Rue, 1894 : Faire payer trop cher. Réprimander. Donner la syphilis.
France, 1907 : Communiquer la syphilis.
France, 1907 : Gronder. Surfaire un prix. Assommer.
— C’est pas qu’on ait le taf : on est moelleux, et on ne craint personne ; mais des roussins qui vous tombent sur vous à l’« improvisse », comme la grêle sur le pauvre monde, ou des ballots qui se mettent à quatre pour saler un gonce, y a-t-il moyen d’parler à ces gens-là ?
(Jean Lorrain)
On dit aussi : saler la gueule.
— Plus souvent qu’on irait s’exposer entre le viaduc et le pont de Sèvres, pour se faire lever par les vaches à Lépine ou saler la gueule par les feignants de Javel-les-Bains, un tas de brutaux qui manient le fer aux usines toute la semaine, et ne font le coup de poing que le lundi et le dimanche !
(Jean Lorrain)
Surmouleur
Delvau, 1866 : s. m. Écrivain qui, volontairement ou à son insu, pastiche d’autres écrivains, et emploie tout son talent à exagérer les mauvais côtés du talent des autres. Argot des gens de lettres.
France, 1907 : Écrivain qui imite les défectuosités du style d’un confrère.
Temps froid
France, 1907 : Silence prolongé sur la scène ; argot théâtral. Dans le même argot, prendre du temps, c’est trop détailler les situations de son rôle, exagérer les gestes de nature à accentuer le débit.
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