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Absintheur

Delvau, 1866 : s. m. Buveur d’absinthe.

Rigaud, 1881 : Buveur d’absinthe. Privat d’Anglemont, une autorité, donne « absinthier » dans le même sens.

France, 1907 : Buveur d’absinthe.

Entre officiers de différents grades, du lieutenant au colonel, il n’existe que des rapports de camarade à camarade, d’hommes du même monde, ayant reçu la même éducation et sachant qu’il n’est entre eux que des distinctions de hiérarchie militaire cessant hors du terrain de manœuvre et de la caserne. Notre légendaire culotte de peau, le bravache, le capitaine Fracasse, le traîneur de sabre, l’absintheur sont des types inconnus.

(Hector France, L’armée de John Bull)

On dit : s’absinther, pour se griser avec de l’absinthe.

Arcasien ou arcasineur

Delvau, 1866 : s. m. Voleur qui se sert de l’arcat pour escroquer de l’argent aux personnes timides autant que simples. On dit aussi Arcase.

Arnaque

Halbert, 1849 : Agent de sûreté.

Virmaître, 1894 : Nom d’un jeu qui se joue sur la voie publique et sur les boulevards extérieurs ; il est connu également sous le nom de tourne-vire. Ce jeu consiste en une roue posée à plat sur un pivot, la table est composée de trois planches mobiles, supportées par deux tréteaux ; ces planches sont recouvertes d’une toile cirée ; cette toile est divisée en carrés qui forment cases, ces cases se distinguent par des emblèmes différents, les quatre rois : trèfle, cœur, pique et carreau, une ancre, un cœur, un dé et un soleil. Les joueurs misent sur une case, la roue tourne et celui qui gagne reçoit dix fois sa mise. En évidence, sur la table, il y a des paquets de tabac, des cigares, des pipes et autres objets, mais c’est pour la frime, le tenancier du jeu paie le gagnant en monnaie. Ce jeu est un vol. Autour de la table, il y a toujours deux ou trois engayeurs, ils sont de préférence à chaque bout (la table est un carré long) ; au moment ou la plume va s’arrêter sur une case, par un mouvement imperceptible, un des engayeurs s’appuie sur la planche mobile du milieu, la plume dévie et le tour est joué ; si c’est un engayeur qui gagne, il partage avec ses complices (Argot des camelots). N.

Rossignol, 1901 : Veut dire truc. Les jeux de hasard tels que : La boule Orientale, le billard à cheminée, le billard américain, la jarretière, la ratière, le malo ou mal au ventre, sont arnaqués parce qu’il y a des trucs qui empêchent de gagner.

Azor

Larchey, 1865 : Sac d’infanterie. Son pelage lui a fait donner ce nom de chien. — Un fantassin en route dit qu’il part à cheval sur Azor.

Le mauvais drôle avait vendu son havre-sac, qu’il appelait son Azor.

(Vidal, 1833)

Appeler Azor : Siffler un acteur comme un chien.

Dites donc, mame Saint-Phar, il me semble qu’on appelle Azor.

(Couailhac)

Delvau, 1866 : s. m. Nom de chien qui est devenu celui de tous les chiens, — dans le même argot [du peuple]. V. Appeler Azor.

Merlin, 1888 : Autre dénomination du havresac, fait de peau et assimilé plaisamment à un chien. Lorsqu’un troupier recevait son congé de libération, il n’était pas rare autrefois de le voir sortir de la caserne, tenant Azor en laisse, c’est-à-dire traînant à terre son sac attaché à la grande courroie, en signe de parfaite indépendance.

Virmaître, 1894 : V. As de carreau.

Rossignol, 1901 : Havresac de militaire.

France, 1907 : Chien, nommé ainsi, dit Lorédan Larchey, depuis le succès d’un opéra de Grétry : Zémire et Azor. Appeler Azor, siffler un acteur.

France, 1907 : Sac des troupiers, appelé ainsi parce qu’il est en peau de chien.

Je tendis la main au vieillard avec effusion reconnaissante, et je lui dis : « Vous avez été soldat ? — Pendant vingt-cinq ans, mon lieutenant, fit-il, en Afrique, au huitième de l’arme, et malgré ma soixantaine, si je n’étais pas perclus de rhumatismes, croyez bien que j’aurais repris Azor et le flingot pour cogner sur les Prussiens… Je les hais… Je voudrais pouvoir les détruire, comme la vermine, les uns après les autres… »

(René Maizeroy)

À cheval sur Azor, sac au dos. Tenir Azor en laisse, tenir son sac par la courroie.

Baraque

d’Hautel, 1808 : Cahutte, masure, maison en mauvais état et de nulle valeur. Au figuré, terme de dénigrement ; atelier, boutique, maison où les ouvriers sont mal payés, et les domestiques mal nourris.

Delvau, 1866 : s. f. Maison où les maîtres font attention au service, — dans l’argot des domestiques. Journal où l’on est sévère pour la copie, — dans l’argot des aspirants journalistes.

Rigaud, 1881 : Chevron, — dans le jargon du régiment. Par abréviation de baraquement, campement. — Un vieux pied de banc à trois baraques.

Rigaud, 1881 : Pupitre d’écolier.

Sa baraque, en étude, ressemble à ces sacs-bazars qui donnaient tant d’originalité à nos zouaves de l’expédition de Crimée.

(Les Institutions de Paris, 1808)

Rigaud, 1881 : Terme de mépris pour désigner une maison, un magasin, un établissement. Baraque, le magasin dont le patron paye mal ses commis ; baraque, l’administration qui surmène ses employés ; baraque, la maison où les domestiques ne peuvent pas voler à leur aise.

Merlin, 1888 : Chevron ; peut-être en raison de sa forme de V renversé, imitant un toit.

Fustier, 1889 : Sorte de jeu en vogue il y a quelque temps, et dans lequel les filous avaient la partie belle.

Le jeu de la baraque se compose d’une planchette de cuivre casée à l’angle d’un billard et percée de 25 petites cuvettes numérotées de 1 à 25. Vous faites une poule à 2, à 5 ou à 20 francs et, si vous avez la chance, pardon ! l’adresse de pousser votre bille dans la cuvette cotée le plus haut, c’est vous qui touchez les enjeux. Le baraqueur ne prélève que 10 p. 100 sur le montant de chaque poule. C’est pour rien ! Toutefois ce petit impôt me paraît plus dur que le zéro de la roulette.

(Paris-Journal, 1882)

Virmaître, 1894 : Maison construite en plâtre, en torchis, provisoirement. Maison où la patronne va par méfiance au marché avec sa bonne. Maison où l’on enferme le vin et les liqueurs. Maison où l’on chipote sur tout, où l’on rogne même la nourriture.
— Tenez, voilà mon tablier, je n’en veux plus de votre baraque, j’en ai plein le dos (Argot du peuple).

France, 1907 : Nom donné par les domestiques à la maison de leurs maîtres. Chevron que les soldats portaient autrefois sur la manche gauche et qui indiquait un certain temps accompli sous les drapeaux. La première baraque après sept ans de service ; la deuxième après onze ans, et la troisième après quinze. Sorte de jeu qui se compose d’une planchette de cuivre à l’angle d’un billard et percée de 25 cuvettes numérotées.

Bâtir

d’Hautel, 1808 : Une maison bâtie de boue et de crachat. C’est-à-dire, construite à la légère et avec de mauvais matériaux.
Bâtir sur le devant. Devenir gros et gras ; se faire un ventre à la maître d’hôtel.
Qui bâti ment. Calembourg pitoyable, pour exprimer qu’un homme qui fait bâtir, est toujours obligé de dépenser plus qu’il ne se l’étoit d’abord proposé.
Un mal bâti. Bamboche ; homme mal tourné, rempli d’imperfections.

Rigaud, 1881 : Mettre en page. — Bâtir la deux, caser sur la forme les paquets qui constitueront la seconde page d’un journal.

Fustier, 1889 : Terme de couturière ; coudre peu solidement avec du fil blanc, du coton à bâtir, une toilette quelconque, de façon à se rendre compte, à l’essayage, des retouches à opérer.

Deuxième séance ; essayage des toilettes bâties.

(Gaulois, 1881)

France, 1907 : Être enceinte. Bâtir sur le devant, prendre du ventre.

Boîte à vérole

Virmaître, 1894 : Fille de barrières ou rôdeuse de casernes qui s’affranchit de la visite sanitaire et en fait d’eau ne connaît que l’eau d’aff (Argot du peuple).

Bouillante

anon., 1827 : Soupe.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Soupe. Tortiller la bouillante, manger la soupe.

Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : Soupe.

Larchey, 1865 : Soupe. — Soldats, vagabonds ou prisonniers n’ont pas le temps d’attendre qu’elle refroidisse.

Delvau, 1866 : s. f. Soupe, — dans l’argot des soldats.

Merlin, 1888 : Soupe ; par euphémisme, car elle ne l’est guère, bouillante, lorsque vous êtes de garde et qu’un camarade vous l’apporte à une lieue de la caserne.

France, 1907 : Soupe ; argot populaire. « Les soldats donnent aussi ce nom à la soupe qu’ils mangent deux fois par jour. Rien de mieux choisi que cette appellation dans le temps où elle était servie dans des gamelles à cinq ou six hommes, car celui d’entre eux qui aurait attendu qu’elle refroidit risquait de n’en point manger. La soupe est aussi appelée mouillante. » (Lorédan Larchey)

Brisque

Delvau, 1866 : s. f. Année, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Année, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Chevron.

Est-ce que vous attendez un larbin, par hasard, pour ranger votre case ? grommela un vieux sergent à plusieurs brisques.

(R. Maizeroy, La Vie moderne, 2 août 1879)

Rigaud, 1881 : Les dix et les as, au jeu de bezigue.

Merlin, 1888 : Chevron-galon en forme d’angle, indiquant le nombre d’années de service.

La Rue, 1894 : Année. Chevron.

France, 1907 : Galon de laine ou d’or, suivant le grade, que portaient les sous-officiers et soldats, avant la nouvelle loi militaire, et qui indiquait le nombre de rengagements. On avait jusqu’à trois brisques. Année, dans l’argot des voleurs.

Cabochon

Delvau, 1866 : s. m. Coup reçu sur la tête, ou sur toute autre partie du corps.

Rigaud, 1881 : Caractère d’imprimerie très usé ; vignette effacée, détériorée.

Rigaud, 1881 : Taloche, choc, contusion. — Se cabochonner, se battre.

Rossignol, 1901 : Coup ou blessure.

J’ai reçu un cabochon qui m’a fendu la tête.

France, 1907 : Tête.

— Notre Aline, que nous pensions caser si avantageusement, après la superbe instruction qu’elle a reçue, tous les brevets qu’elle a obtenus, elle ne se marie pas ! aucun épouseur n’apparaît !… C’est bizarre tout de même ! Sa sœur Gabrielle, qui ne pouvait rien apprendre, qui avait le cabochon dur comme une pierre, disait-on, la voilà pourvue, elle !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Se dit aussi pour coup à la tête : « J’ai reçu un fameux cabochon »

Case

Delvau, 1864 : La nature de la femme, — dans laquelle se trémousse si agréablement le petit oiseau à longue queue que les savants appellent penis et les ignorants, pine.

Des autres perroquets il diffère pourtant,
Car eux fuient la cage, et lui, il l’aime tant,
Qu’il n’y est jamais mis qu’il n’en pleure de joie.

(Cabinet satyrique)

Elle le prit de sa main blanche,
Et puis dans sa cage le mit.

(Regnard)

Lisette avait dans un endroit
Une cage secrète :
Lucas l’entrouvrit, et tout droit
D’abord l’oiseau s’y jette.

(Collé)

Delvau, 1866 : s. f. Maison, logement quelconque, — dans l’argot du peuple, qui parle latin sans le savoir. Le patron de la case. Le maître de la maison, d’un établissement quelconque ; le locataire d’une boutique, d’un logement.

France, 1907 : Habitation, lieu où l’on demeure : du latin casa. Le patron de la case, le chef de l’établissement.
C’est aussi, au masculin, l’abréviation de casino.

Travaille dans les rups bastringues,
Au case avec tes belles fringues,
Monte vite un chaud reversy…
Pour si peu t’auras pas Poissy…

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Case (la)

Rossignol, 1901 : Domicile.

Caser

Fustier, 1889 : Abrév. de casernement. Argot des élèves de l’École Polytechnique.

France, 1907 : Chambre, argot de l’École Polytechnique ; abréviation de casernement.

Le confortable règne maintenant dans l’École. On y mange mieux que jadis : on y fuit l’exercice du canon et, les jours de pluie, les élèves se promènent à l’aise sous une vaste véranda. Ce sont là des détails insignifiants : les murs de l’École sont neufs, les casers sont meublés de lits éblouissants ; l’esprit de l’École n’a point varié.

(Charles Leser)

France, 1907 : Placer, mettre en case, but du bourgeois qui n’est jamais plus heureux que lorsqu’il met les siens hors des luttes de la vie, c’est-à-dire quand il a fait de ses fils et de ses filles des moules et des oies.

« J’ai casé mon fils, ma fille, » se dit notamment quand la demoiselle est bossue et quand le jeune homme est un sacripant.

(Docteur Grégoire, Dictionnaire humoristique)

Caserne

d’Hautel, 1808 : Au propre, quartier, logement de soldats. Au figuré, terme de mépris qui se dit d’une mauvaise maison, ou les domestiques sont mal payés et mal nourris ; d’un atelier ou les ouvriers ne peuvent retirer leurs journées.

Casque-à-mèche

Rigaud, 1881 : Apprenti commis dans un magasin de bonneterie.

Merlin, 1888 : Bonnet de nuit. Expression usitée dans le langage familier ordinaire, mais qui a évidemment pour lieu d’origine la caserne.

Cassin, cassine

Rigaud, 1881 : Boutique, magasin de dernier ordre. — Terme de mépris pour désigner un établissement quelconque. — Dérivés du vieux mot français case.

Finablement les mena banqueter dans une cassine hors la porte.

(Rabelais, l. IV)

France, 1907 : Maison ou boutique de chétive apparence, logement triste et misérable : de casa, case.

Il était grand comme une grande cour de ferme, une réunion de dix ou douze maisons basses, d’écuries où meuglaient des vaches, d’étables où grognaient des porcs. Toutes les cassines se ressemblaient, celles où entraient les porcs, où entraient les vaches, où entraient les gens. Même hauteur de murs, mêmes portes basses, mêmes toits tombants.

(Gustave Geffroy)

Cassine (une)

Larchey, 1865 : « Ce mot signifiait autrefois une petite maison de campagne ; maintenant, il n’est plus d’usage que pour dire un logement triste et misérable. » — d’Hautel, 1808. — Diminutif de Case.

Chahuteur de macchabées

France, 1907 : Employé des pompes funèbres, vulgairement appelée croque-mort.

Sur l’invitation d’un habitué qui désigna la société de messieurs les croque-morts, en ajoutant : « Ils ne connaissent pas la case, ces chahuteurs de macchabés : apprends-leur de quoi il retourne », le poète salua et commença à déclamer avec un fort accent méridional…

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Chambre à louer (avoir une)

Rigaud, 1881 : Avoir un grain de folie. Allusion à la tête dont les idées saines sont parties.

France, 1907 : Être fou, c’est-à-dire avoir une case vide dans le cerveau.

Champ de navet

Virmaître, 1894 : Cimetière d’Ivry. Il est ainsi nommé parce qu’il est sur l’emplacement de champs dans lesquels jadis les paysans cultivaient des navets. Au Château d’Eau sur l’emplacement de la caserne du prince Eugène (ci-devant) il existait un bal qui se nommait aussi pour les mêmes raisons, vers 1833, le Champ de Navet (Argot du peuple).

Champoreau

Delvau, 1866 : s. m. Café à la mode arabe, concassé et fait à froid, — dans l’argot des faubouriens qui ont été troupiers en Afrique. Pour beaucoup aussi, c’est du café chaud avec du rhum ou de l’absinthe.

Merlin, 1888 : En Afrique, le champoreau est une sorte de café composé d’orge grillé ou de gland doux, additionné de sirop à la gélatine ; en France, dans les casernes, c’est le café froid ou chaud, quand ce n’est pas, comme dans certaines cantines de notre connaissance, un mélange indéfinissable, quelque chose comme du noir de fumée délayé dans l’acide nitrique.

France, 1907 : Boisson en usage en Algérie, d’où elle est passée en France, qui est simplement du café versé sur de l’eau-de-vie ou toute autre liqueur, et non, comme le dit Lorédan Larchey, « sur du café au lait très étendu d’eau ». Le champoreau se distingue du gloria en ce sens qu’il est servi dans un verre au lieu d’une tasse et que le café y est versé sur la liqueur au lieu de la liqueur sur le café, ce qui, d’après les amateurs, n’a pas du tout le même goût.
Il faut ajouter que le champoreau, tel que le prennent actuellement les soldats et les colons d’Afrique, n’est pas le même que celui de l’officier qui lui donna son nom et où l’eau-de-vie était remplacée par l’absinthe.

Le douro, je le gardais précieusement, ayant grand soin de ne pas l’entamer. J’eusse préféré jeûner un long mois de champoreau et d’absinthe.

(Hector France, Sous le Burnous)

Chas ou chasse

Delvau, 1866 : s. m. Œil, — dans l’argot des voleurs, soit parce que les yeux sont les trous du visage, ou parce qu’ils en sont les châssis, ou enfin parce qu’ils ont parfois, et même souvent, la chassie.
Ce mot qui ne se trouve pourtant dans aucun dictionnaire respectable, est plus étymologique qu’on ne serait tenté de le supposer au premier abord. Je m’appuie, pour le dire, de l’autorité de Ménage, qui fait venir chassie de l’espagnol cegajoso, transformé par le patois français en chaceuol, qui voit mal, qui a la vue faible. Et, dans le même sens nos vieux auteurs n’ont-ils pas employé le mot chacius ?
Châsses d’occase. Yeux bigles, ou louches.

Châsse d’occase

Rigaud, 1881 : Œil louche. — Châsse à l’estorgue, œil de verre.

Châsses d’occase

France, 1907 : Yeux louches.

Cheminée (billard à)

France, 1907 : Jeu de hasard.

Vous allez voir ce que peut faire un mathématicien quand la société l’a embêté et qu’il se venge. Ils entrèrent dans une fosse mystérieuse qui avait pour enseigne un monstre à cinq pattes conservé dans l’esprit-de-vin. La baraque était divisée par un rideau de toile. Dans l’arrière-pièce, Panpan avait installé son billard à cheminée. Il déballa l’objet d’une petite caisse qui ressemblait à un banc, afin de donner le change à la police si elle descendait dans la baraque. La forme de l’appareil était d’un billard en plan incliné, à la base duquel on voyait des cases numérotées. Panpan enferma huit billes dans un gobelet, et, par une petite cheminée, les répandit sur le billard. Puis il additionna rapidement le total des chiffres inscrits sur ces cases.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Cheval

d’Hautel, 1808 : Il se tient à cheval comme une pincette sur le dos d’un âne. Se dit par dérision d’un mauvais écuyer ; d’un homme à qui l’art du manège est absolument inconnu.
Monter sur ses grands chevaux. Se fâcher ; prendre un ton menaçant, colère, et quelquefois injurieux.
Faire voir à quelqu’un que son cheval n’est qu’une bête. Convaincre un sot, un présomptueux de son ignorance et de son inhabileté.
C’est un bon cheval de trompette. Se dit d’un homme que les cris et les emportemens ne peuvent émouvoir.
Changer son cheval borgne pour un aveugle. Voy. Aveugle.
Il fait bon tenir son cheval par la bride. C’est à-dire, gouverner son bien par ses propres mains.
Il est aisé d’aller à pied, quand on tient son cheval par la bride. Pour dire qu’on endure bien de petites incommodités, quand on peut s’en délivrer à volonté.
N’avoir ni cheval ni mule. Être dans une condition médiocre ; être contraint d’aller à pied.
C’est un cheval échappé. Se dit d’un jeune homme fougueux qui se laisse aller à de grands déportemens.
L’œil du maître engraisse le cheval. Pour dire que la vigilance du maître ajoute à la valeur de son bien.
À cheval hargneux, étable à part. Signifie qu’il faut écarter les gens querelleurs de la bonne société.
Parler cheval. Pour dire, baragouiner ; s’exprimer d’une manière inintelligible.
Un coup de pied de jument ne fait point de mal au cheval. Pour dire qu’il faut prendre gracieusement tout ce que disent les femmes, quelque piquant que cela soit.
Un cheval de bât. Voy. Bât.
Des hommes et des chevaux, il n’en est point sans défauts. Proverbe que l’expérience n’a point encore démenti.
À jeune cheval vieux cavalier. C’est-à-dire, qu’il faut un cavalier expérimenté pour monter un cheval mutin et indompté.
On dit d’un parasite qui ne sait pas monter à cheval, qu’Il se tient mieux à table qu’à cheval.
Qui a de beaux chevaux, si ce n’est le roi ?
Se dit quand on voit des choses de grand prix dans les mains d’un homme très-opulent.
Une selle à tous chevaux. Chose qui peut servir à plusieurs usages ; remède que les empiriques emploient pour toutes sortes de maladies.
C’est l’ambassade de Viarron, trois chevaux et une mule. Se dit par dérision d’un train en désordre.
Une médecine de cheval. Se dit d’une médecine dont les effets sont très-violens.
Un travail de cheval. C’est-à-dire, très-pénible, très-fatigant, et souvent peu lucratif.
Il est bien temps de fermer l’écurie, quand le cheval est échappé. Se dit à quelqu’un dont la négligence a entraîné quelque malheur, et qui prend des précautions quand il n’y a plus de remède.
Écrire à quelqu’un une lettre à cheval. Lui écrire d’une manière menaçante et injurieuse.
Une fièvre de cheval. Une fièvre dévorante. Voy. Bataille.
Les enfans appellent un cheval un Dada. Voy. Broncher, brider.

Larchey, 1865 : Homme brusque, grossier.

Rigaud, 1881 : Les figures et les dix au jeu de baccarat. — Il n’y a donc que des chevaux au tirage.

France, 1907 : Rustre, brutal, grossier.

France, 1907 : Terme de joueurs de roulette. Un cheval est une mise placée sur deux numéros : l’enjeu est par le fait à cheval c’est-à-dire au milieu de la ligne qui sépare les deux cases Pour un cheval gagnant, la banque paye dix-sept fois la mise.

Cheval de l’adjudant

France, 1907 : Planche servant de lit, qui compose, avec le « goguenot », tout le mobilier des salles de police.

L’adjudant m’a fait monter son cheval durant une huitaine pour avoir oublié pendant vingt-quatre heures le chemin de la caserne : et il a le trot sec ! je vous en réponds… Je ne sais avec quel sapin ils font aujourd’hui les lits de camp des salles de police, mais j’aimerais autant coucher sur un lit de plume rembourré de noyaux de pêches.

(Ch. Dubois de Gennes, Le Troupier tel qu’il est… à cheval)

Chien du quartier

Rigaud, 1881 : Adjudant sous-officier, — dans le jargon du régiment. La variante est : Chien du régiment.

Merlin, 1888 : Adjudant de semaine ; l’homme le plus craint, et, par contre, le plus détesté du quartier. Très bien nommé, du reste, car il est le seul gardien responsable de la caserne.

Clou

d’Hautel, 1808 : Gras comme un cent de clou. Phrase hyperbolique, pour dire maigre, étique, décharné.
Cela ne tient ni à fer ni à clou. Pour est dans un très-mauvais état ; se dit aussi d’un ornement d’une chose mobile qu’on peut emporter en changeant de logis.
Un clou chasse l’autre. Voy. Chasser.
River le clou à quelqu’un. C’est répondre d’une manière fermé et sèche à des paroles choquantes.
Compter les clous d’une porte. Se dit figurément, pour s’ennuyer d’attendre à une porte y planter le piquet.
On dit d’une chose en très bon état, qu’il n’y manque pas un clou.
Je n’en donnerois pas un clou à soufflet.
Se dit d’une chose pour laquelle on n’a aucune estime.
On dit d’un écervelé, d’un homme extravagant, qu’il faut un clou à son armet.

Delvau, 1864 : Le membre viril, avec lequel on fixe la femme sur le dos.

Larchey, 1865 : Mont-de-Piété. — Mot à mot : prison d’objets engagés.

Il avait mis le linge en gage ; on ne disait pas encore au clou.

(Luchet)

Larchey, 1865 : Prison. On ne peut pas en bouger plus que si on y était cloué.

Je vous colle au clou pour vingt-quatre heures.

(Noriac)

Delvau, 1866 : s. m. La salle de police, — dans l’argot des soldats, qui s’y font souvent accrocher par l’adjudant. Coller au clou. Mettre un soldat à la salle de police.

Delvau, 1866 : s. m. Le mont-de-piété, — où l’on va souvent accrocher ses habits ou ses bijoux quand on a un besoin immédiat d’argent. Coller au clou. Engager sa montre ou ses vêtements cher un commissionnaire au mont-de-piété. Grand clou. Le Mont-de-piété de la rue des Blancs-Manteaux, dont tous les autres monts-de-piété ne sont que des succursales.

Delvau, 1866 : s. m. Prison, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Baïonnette, — dans le jargon des soldats.

Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété. — Mot emprunté par le peuple au jargon du régiment où clou signifie prison. Le Mont-de-Piété est la prison aux hardes. — Hospice des Enfants-Trouvés.

Rigaud, 1881 : Objet détérioré ou de peu de valeur, — dans le jargon des marchands de bric-à-brac. Pousser des clous, mettre des enchères sur des objets sans valeur.

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui travaille mal.

Rigaud, 1881 : Prison, — dans le jargon des troupiers.

Vous y êtes pour deux jours de clou.

(Randon, Croquis militaires)

Rigaud, 1881 : Scène à effet, scène capitale, scène où les auteurs comptent accrocher le succès, — dans le jargon du théâtre.

Je lui ai donné la réplique et nous avons répété sa grande scène du deux !… c’est le clou de la pièce.

(Figaro du 6 juillet 1878)

Merlin, 1888 : Salle de police, prison. — Coller au clou, mettre en prison.

La Rue, 1894 : Prison. Mont-de-piété. Mauvais ouvrier. Mauvais outil. Baïonnette. Objet détérioré. Scène à effet au théâtre.

Virmaître, 1894 : Le mont-de-piété. On va, les jours de dèche, y accrocher ses habits. On dit aussi : aller chez ma tante, mon oncle en aura soin. On dit également : au plan (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Un individu bon à rien est un clou. Une mauvaise montre est un clou.

France, 1907 : Baïonnette.

France, 1907 : Mauvais outil, mauvais ouvrier. « Cela ne vaut pas un clou. » « Tu n’es qu’un clou, un rien qui vaille. »

France, 1907 : Mont-de-piété.

France, 1907 : Partie saillante d’une pièce, d’un livre, d’une représentation.

Un jeune auteur dramatique explique à un de ses amis le scenario d’une comédie future :
— Ce n’est pas mauvais, dit l’ami, mais pourquoi as-tu fait dérouler l’action dans un mont-de-piété ?
— Mais, mon cher, tout bonnement parce que le mont-de-piété sera le clou de ma pièce.

Aujourd’hui, au théâtre, il y a souvent plus de clous que de « charpente ». Le contraire nous semblerait préférable.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

M. Hector Pessard vient de publier la première série de ses petits papiers dans la Revue bleue. Le clou de cette intéressante communication est l’histoire de la fondation du Courrier de Paris par M. Clément Duvernois. Le rôle joué par cette feuille éphémère et les rédacteurs qui y ont été attachés, ainsi que le talent de l’auteur, expliquent l’accueil fait à ce récit.

(Gil Blas)

Le livre est un petit bijou,
J’ai note des pages exquises,
Dont une un véritable clou.

(Jacques Redelsperger)

France, 1907 : Prison : on y est, en effet, cloué.

Nos chefs sont remplis d’malice ;
Pour un’ faute, un rien du tout,
V’lan ! à la sall de police !
— Y en a qui nomment ça le Clou ! —

Dès qu’il s’agit d’une corvée,
Vite, dans la cour mal pavée,
On fait appeler à l’instant
Le caporal et le sergent.
Et souvent, comme récompense
(Ça se voit plus qu’on ne le pense),
On flanque au clou, si ça va mal,
Le sergent et le caporal.

(Chanson de caserne)

Consolation

Larchey, 1865 : Eau-de-vie. — Ce mot dit avec une éloquence navrante ce que le pauvre cherche souvent dans un petit verre ; — L’oubli momentané de ses maux, et souvent de sa faim.

Bon, il entre dans le débit de consolation.

(E. Sue)

Delvau, 1866 : s. f. eau-de-vie, — dans l’argot du peuple, qui se console à peu de frais. Débit de consolation. Liquoriste, cabaret.

Rigaud, 1881 : Débit de liqueurs. — L’eau-de-vie est la consolation des ivrognes.

Fustier, 1889 : Jeu de hasard à l’usage des filous.

Au lieu du rendez-vous, on jouait la consolation, partie qui consiste à diviser un tapis vert en cases, au moyen de lignes tracées à la craie, à numéroter chaque compartiment depuis un jusqu’au chiffre maximum que peuvent produire un certain nombre de dés et à payer enfin à chaque individu le montant de la mise qui se trouve dans la case que désigne la somme des points amenés par le coup de dés.

(La Loi, 1882)

La Rue, 1894 : Partie de cartes ou de dés proposée par les bonneteurs en wagon.

Virmaître, 1894 : Jeu qui se joue dans les wagons de chemins de fer au retour des courses. Les bonneteurs offrent la consolation aux joueurs malheureux, qui ont celle de se voir encore dépouillés (Argot des camelots).

Rossignol, 1901 : C’est un jeu de hasard que l’on appelait dans le temps la parfaite égalité, et, comme disait le teneur, « un petit jeu franc et loyal qui ne craint ni la rousse ni le municipal, c’est le petit jeu de la bobinette ; celui qui a peur de perdre, faut pas qu’il y mette. » Le mot consolation date de 1876 ; l’auteur est un nomme Loustelet, marchand de bijoux en chambre, qui importa ce jeu aux courses. Il se jouait en chemin de fer, à l’aller et au retour des courses, puis on s’arrêtait chez un marchand de vin pour y continuer la partie. Lorsque les joueurs étaient décavés, Loustelet faisait tirer gratuitement un bijou entre les perdants, ce qui était la consolation. Voyant que son métier prospérait, Loustelet avait pris plusieurs commis qui tenaient ce jeu séparément et pour lui ; mais ce petit truc fut vite connu et les chemins de fer infestés de teneurs de consolation. À cette époque c’était le petit jeu franc et loyal, les dés à jouer étaient dans un cornet ; depuis, ils se mettent dans une boîte en bois où il y a un avantage pour le teneur et toujours escroquerie (la boîte est arnaquée).

France, 1907 : Eau-de-vie.

France, 1907 : Jeu de filous qui se joue dans les wagons, au retour des courses, appelé ainsi pour soi-disant consoler ceux qui ont perdu. Il se joue avec trois dés et un tableau divisé en six cases. Quelques marchands de vins du voisinage de la gare Saint-Lazare sont connus pour offrir leur bar aux consolateurs.

Après le tirage du gros lot, on a recommencé la partie pour les vice-présidents ; c’est ce que, dans je monde des bonneteurs, on appelle le jeu de la consolation.

(Grosclaude, Gil Blas)

Cuite

Delvau, 1866 : s. f. Ivresse, — dans l’argot du peuple. Avoir sa cuite ou une cuite. Être saoul.

Rigaud, 1881 : Forte ivresse.

Ces bonnes cuites sans façon qu’elle se donnait avec Anatole.

(Huysmans, les Sœurs Vatard)

Cuite sénatoriale, très forte ivresse, cuite présidentielle, le nec plus ultra de l’ivresse, tout ce qu’il y a de mieux dans le genre. — Attraper une cuite, se soûler. Cuver une cuite, chercher dans un sommeil réparateur à dissiper les fumées de l’alcool et les ressentiments d’une nourriture trop copieuse.

Boutmy, 1883 : s. f. Ivresse complète. D’où peut venir ce mot ? Rappelons-nous que Chauffer le four, c’est boire beaucoup, s’enivrer. La cuite ne serait-elle pas tout naturellement le résultat du four chauffé et surchauffé. V. TUITE.

Rossignol, 1901 : Celui qui est saoul a une cuite.

Hayard, 1907 : Ivresse.

France, 1907 : Correction.

France, 1907 : Ivresse. Avoir sa cuite, prendre une cuite.

…C’est drôle, disait le père Trinquefort, quand la rivière a trop d’eau, où appelle ça une crue ; et quand un homme a trop de vin, on appelle ça une cuite.

(Dr Grégoire, Turlutaines)

Subitement, une ombre flottante anima, à moins de vingt pas en avant d’eux, la solitude morne d’une ruelle noyée dans le clair-obscur violâtre du matin ; une silhouette de pochard attardé et regagnant péniblement ses pénates. Le brave homme battait le pavé que c’en était un vrai plaisir, lâché dans de fantastiques diagonales, éperdument lancé et relancé, en travers de l’étroite chaussée, de tribord à bâbord et réciproquement.
Ce fut comme un rayon de soleil dans leur détresse, ils s’arrêtèrent pour rire a l’aise.
— Quelle cuite, bon sang !
— Non, pige-moi l’coup !

(Georges Courteline, La Vie de caserne)

Débagouliner

Rigaud, 1881 : Raconter avec volubilité tout ce qu’on a sur le cœur. — Se répandre en injures, injurier avec bagou. C’est une variante de débagouler.

France, 1907 : Parler à profusion, pérorer en public.

Le tambour, un vieil abruti qui ne rate jamais une occase de se piquer le nez, va d’un roulement : mossieu le maire débagouline un pallas patriotocard ; ensuite, tambour battant, on déboule à la gare prochaine.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Démurger

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : S’en aller.

Rigaud, 1881 : Sortir de prison. — Démurger sans caserne, sortir de prison sans savoir où aller coucher.

Virmaître, 1894 : Fuir. Cette expression est fréquemment employée par les souteneurs au cours d’une bataille :
— Voilà la rousse, démurge ou y vont te faire chouette. La copaille va rendre l’affe, il est saigné au bon coin (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Sortir, s’en aller.

Je ne veux pas de clients comme vous, il faut démurger de chez moi. — Allez, démurgez !

Hayard, 1907 : S’enfuir.

France, 1907 : S’en aller, fuir ; corruption de démarger.

Écuelle

d’Hautel, 1808 : C’est une querelle de gueux, cela se raccommode à l’écuelle. Se dit de légères contestations, de brouilleries, qui s’élèvent parmi les petites gens, et qui disparoissent en buvant un coup ensemble.
Rogner l’écuelle à quelqu’un. Lui retrancher, de son revenu, de sa subsistance.
Propre comme une écuelle à chat. Se dit d’un ustensile de ménage qui est malpropre, mal nettoyé.
Il n’y a ni pot au feu, ni écuelles de lavées. Pour exprimer qu’il règne le plus grand désordre dans une maison.
Il a plu dans son écuelle. Se dit de quelqu’un qui a fait quelque héritage inattendu, dont il avoit grand besoin.
Mettre tout par écuelle. Donner un repas splendide à quelqu’un ; ne rien épargner pour la bâfre.

Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner la nature de la femme.

Les femmes sont comme gueux, elles ne font que tendre leur écuelle.

(Brantôme)

Delvau, 1866 : s. f. Assiette, — dans l’argot du peuple, fidèle à la tradition.

Et doibt, por grace deservir,
Devant le compaignon servir,
Qui doibt mengier en s’escuelle.

dit le Roman de la Rose.

France, 1907 : Nature de la femme. Vieux mot. Nos pères en avaient une quantité plus ou moins imagés ou symboliques pour désigner le même objet ; ainsi, bénitier :

Je crois bien que notre grand vicaire
Aura mis le doigt au bénitier.

(Béranger)

bréviaire d’amour, brèche, brelingot, cage, cacendrier, calibre, callibristi, cas, casemate, chapelle, chapelle ardente, chaudron, cheminée, citadelle :

Depuis longtemps de la donzelle
Il avait pris ville et faubourgs,
Mais elle défendait toujours
Avec vigueur la citadelle.

(Piron)

clapier, cloître, coiffe, coin, coquille, creuset, dè, enclume, évier, feuille de sauge, figue, fournaise, garenne, gaufrier, huître, etc.

Électeur (se mettre en)

Fustier, 1889 : Argot de caserne. C’est, pour le soldat, revêtir des habits civils.

Embauche

Fustier, 1889 : Travail, ouvrage, emploi quelconque. Terme populaire. Pourquoi avoir laissé tomber dans le bas langage ce mot parfaitement usité au XVIIe siècle ?

Viens avec moi ; mon frère a un peu de galette ; nous le taperons de quelques ronds et nous irons chercher de l’embauche.

(Gagne-petit, avril 1886.)

France, 1907 : Engagement d’un salarié pour un travail quelconque ; abréviation d’embauchage.

L’employé n’a pas la ressource de l’ouvrier apte à un métier. Quand celui-ci est mal satisfait de son salaire, quand l’ouvrage ne lui convient pas, si même il a à se plaindre du contremaître ou du patron, il plante carrément soit outil sur le sol et quitte le travail, non sans avoir lâché au nez du contremaître et du patron tout ce qu’il avait sur le cœur. Puis il s’en va, en sifflotant, les mains dans les poches, nullement inquiet du lendemain, un peu content même, se sentant très d’attaque et disant : « Demain, je retournerai à l’embauche ! »
S’il est travailleur et capable, la journée ne s’est pas écoulée qu’il a retrouvé de l’ouvrage. Les jours, les semaines, les mois peuvent se suivre dans leur sinistre queue leu leu sans que l’employé congédié puisse se caser quelque part. Ici on n’a besoin de personne ; là il est trop jeune, plus loin on le trouve trop âgé. Ailleurs on renvoie du monde au lieu d’en prendre, car les affaires ne vont pas. Elles ne vont jamais, les affaires, quand l’employé cherche du travail.

(Edmond Lepelletier)

Emplâtre

d’Hautel, 1808 : Où il n’y a point de mal, il ne faut point d’emplâtre. Signifie que quand on se porte bien, il est inutile de prendre des médicamens.
C’est un vrai emplâtre ; un pauvre emplâtre. Se dit d’une personne sans vigueur, sans capacité, d’un homme valétudinaire et rempli d’infirmités. Le peuple fait ce mot féminin, et dit une emplâtre.

Vidocq, 1837 : s. f. — Empreinte.

Larchey, 1865 : Empreinte (Vidocq). Allusion à la couche de cire molle sur laquelle est prise l’empreinte.

Delvau, 1866 : s. m. Empreinte, — dans l’argot des voleurs, qui se garderaient bien d’en prendre avec du plâtre (comme l’insinue M. Francisque Michel) et qui se servent au contraire de substances molles, ou se malaxant entre les doigts, collant enfin (ένπλάσσω) comme la cire, la gomme-résine, etc.

Delvau, 1866 : s. m. Homme sans énergie, pusillanime, qui reste collé en place, sans pouvoir se décider à bouger. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Empreinte à la cire.

Rigaud, 1881 : Portée de cartes dont se servent les tricheurs. Faire un emplâtre ou placard, placer une série de cartes dans un ordre déterminé. Les grecs cachent l’emplâtre dans une tabatière à double fond, sous l’aisselle. Au lansquenet et au baccarat, choisissant le moment propice, le tricheur place adroitement l’emplâtre sur le paquet de cartes qu’il tient ostensiblement à la main. Il faut se méfier d’un individu qui tire de sa poche soit son mouchoir, soit sa tabatière ou tout autre objet en gardant les cartes à la main. Il faut surveiller également celui qui, ayant posé les cartes sur le tapis, les couvre un instant avec une tabatière. Il y a cent à parier contre un que la tabatière est à double fond. Le double fond recèle un emplâtre que la pression du doigt fera descendre sur le paquet de cartes.

La Rue, 1894 : Empreinte (d’une clé, d’une serrure) à la cire. Portée de cartes à l’usage des grecs.

France, 1907 : Cravate longue.

France, 1907 : Empreinte à la cire d’une serrure ; argot des voleurs.

France, 1907 : Paquet de cartes préparé pour tricher au jeu ; argot des grecs. Plaquer une emplâtre, poser une portée.

Avant de plaquer ton emplâtre,
Tâche au moins qu’elle soit chenâtre.

(Hogier-Grison)

France, 1907 : Propre à rien ; homme sans énergie et mou comme un emplâtre.

— Eh ! dites donc, là-bas, crie le sous-officier au conscrit, votre cheval est donc malade ?
— Je ne sais pas, maréchal des logis.
— Comment, vous ne savez pas… il a pourtant un rude emplâtre sur le dos.

(Facéties de Caserne)

Enquiller

Vidocq, 1837 : v. a. — Entrer.

Larchey, 1865 : Entrer. — Mot à mot : jouer des quilles dans… V. Quille. — Ancien mot, car nous trouvons déquiller : sortir, dans Du Cange. V. Baptême. — Enquilleuse : V. Détourner.

Delvau, 1866 : v. a. Cacher, — dans l’argot des voleurs. Enquiller une thune de camelote. Cacher entre ses cuisses une pièce d’étoffe.

Delvau, 1866 : v. n. Entrer quelque part comme une boule au jeu de quilles, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Caser, pourvoir d’une place. — Cacher entre ses cuisses un objet volé. Enquiller une thune de camelotte, cacher sous ses jupons une pièce d’étoffe. — Arriver, entrer.

Faut espérer que Je démoc enquiller a.

(La Patrie, du 2 mars 1852.)

La Rue, 1894 : Pourvoir d’un emploi. Arriver, entrer. Cacher sous ses jupons un objet volé, comme le fait l’anquilleuse.

Virmaître, 1894 : Entrer.
— Il y a longtemps que je cherche à m’enquiller dans cette boîte (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Entrer.

France, 1907 : Cacher entre ses jambes ou sous ses jupons un objet volé où que l’on veut soustraire aux perquisitions douanières. De quilles, jambes ; mot à mot, mettre entre les quilles.

France, 1907 : Entrer vivement.

J’enquille dans sa cambriole,
Loufa malura dondaine !
Espérant de l’entifler,
Loufa, malura dondé !

(Vidocq)

État-major

Fustier, 1889 : Argot de caserne. Boisson composée de vin, d’eau-de-vie et de sirop de groseille. (P. Ginisty : Manuel du parfait réserviste)

France, 1907 : Vin sucré. Expression rapportée par les soldats d’Afrique.

Étui

d’Hautel, 1808 : Un visage à étui. Pour dire un laid visage qu’il faut cacher.

Delvau, 1864 : La nature de la femme, — dans laquelle l’homme fourre sa grosse aiguille.

Elle ne voulut oncques que le marié le mit en son étui.

(B. Desperriers)

— Se dit aussi du membre viril, à cause de sa forme :

Vous qui, pour charmer vos ennuis,
Empoignez… des aiguilles,
Venez, je fournis des étuis
Qui vont à tout’s les filles…

(Chanson anonyme moderne)

Delvau, 1866 : s. m. La peau du corps, — dans l’argot du peuple, qui a l’honneur de se rencontrer avec Shakespeare (case). Se dit aussi pour Vêtements.

Virmaître, 1894 : V. Cuir.

France, 1907 : Peau.

— C’est bon !… Tu sais que je t’ai dans l’étui et tu voulais te payer ma fiole ! Mais ouvre l’œil, et le bon !…

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Fausse couche

Virmaître, 1894 : Homme petit, chétif, qui n’a pas été terminé. Terme de mépris employé dans les ateliers (Argot du peuple). V. Avorton.

France, 1907 : L’antithèse du bel homme.

— Tonnerre de Dieu ! c’est-y que tu n’es pas un homme ? Qui c’est qui m’a bâti une fausse couche pareille ! Allez, allez, comptez-vous quatre, et en route, hein ! que ça ne traîne pas ! — Pas plan, qu’y dit ? Eh bien ! mon vieux !… nom d’un chien, nous le verrons bien si y a pas plan !

(Georges Courteline, La Vie de caserne)

Fédéré dans la casemate (avoir un)

Fustier, 1889 : Être enceinte.

France, 1907 : Être enceinte. On dit aussi : avoir un polichinelle dans le tiroir. Cette première expression est moderne et date de 1871. Autrefois, fédéré était une sorte d’injure :
« — Bête vous-même, grand fédéré ! » dit Henry Monnier dans un de ses dialogues.

Afin de comprendre, dit Lorédan Larchey, pourquoi ce terme était pris en mauvaise part, il faut se reporter aux mauvais jours de 1815, où les fédérés, armés pour combattre l’étranger, se distinguèrent autant par leur patriotisme que par leur indiscipline dans les environs de Paris.

Fourbi

Vidocq, 1837 : s. m. — Toute espèce de jeu qui cache un piège.

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Clémens, 1840 : Poste, emploi ; on le dit assez aussi quand on a un mauvais jeu : Quel mauvais fourbi !

Delvau, 1866 : s. m. Piège ; malice, — dans l’argot du peuple, qui ne sait pourtant pas que le fourby (le Trompé) était un des 214 jeux de Gargantua. Connaître le fourbi. Être malin. Connaître son fourbi. Être aguerri contre les malices des hommes et des choses.

Rigaud, 1881 : Petite filouterie ; peccadille ; maraudage ; pour fourberie. — Connaître le fourbi, connaître une foule de petites ficelles, de trucs à l’usage des militaires peu scrupuleux, — en terme de troupiers.

Merlin, 1888 : Du vieux mot français fourby, espèce de jeu. Fourbi a deux acceptions : tantôt il veut dire : détournement, gain illicite ; tantôt : choses, travaux, matériel, etc.

La Rue, 1894 : Piège, malice. Métier. Jeu. Ficelle. Truc. Petit bénéfice plus ou moins licite.

Virmaître, 1894 : Piège, malice. A. D. C’est une erreur. Cette expression très usitée vient du régiment, où le caporal chargé de l’ordinaire gratte sur la nourriture des hommes. Fourbi signifie bénéfice (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Ce que l’on possède.

J’ai mis tout mon fourbi dans une malle.

Hayard, 1907 : Voir flambeau et flanche.

France, 1907 : Affaire, travail. Connaître le fourbi, être malin, habile.

Oui, ça prouve, nom de Dieu ! que quoi qu’on dise, les idées ont marché. Le populo en a plein le cul, de turbiner pour les richards, il voudrait à son tour flânocher un brin. Seulement il s’y prend mal ; sale fourbi que celui de huit heures.
Comprends-moi bien, petit : je ne suis pas contre. Foutre non ! moins les pauvres bougres bûcheront, plus il leur restera de temps pour ruminer sur leur sort.

(Père Peinard)

Y en a qui font la mauvais’ tête,
Au régiment ;
I’s tir’ au cul, i’s font la bête
Inutil’ment ;
Quand i’s veul’nt pus fair’ l’exercice
Et tout l’fourbi,
On les envoi’ fair’ leur service
À Biribi.

(Aristide Bruant)

France, 1907 : Petit larcin, volerie, rapine : mot rapporté par les soldats d’Afrique.

— Dans les hospices ils s’entendent bien pour faire du fourbi aux dépens des malades ! dit Peau-de-Zébi sentencieusement, renversant en arrière sa chéchia comme pour accentuer son opinion.

(Edmond Lepelletier)

Les fourriers qui, en faisant la distribution de vin ou d’eau-de-vie, mettent leur pouce dans le quart distributeur, commettent un petit fourbi.
Mais il en est de gros et ils ont des conséquences graves. Je pourrai citer l’exemple des godillots à semelles de carton qu’on donna à plusieurs régiments pendant la malheureuse guerre de 1870 ; mais ces temps sont encore trop proches ; qu’il me suffise de raconter celui que rapporte le Mémorial de Sainte-Hélène pendant la campagne d’Égypte.

C’était l’apothicaire en chef de l’armée. On lui avait accordé cinq chameaux pour apporter du Caire les médicaments nécessaires pendant l’expédition de Syrie. Cet infâme eut la scélératesse de les charger de vin, de sucre, de café, de comestibles qu’il vendit dans le désert à des prix très élevés. Quand le général Bonaparte sut la fraude, il devint furieux, et le misérable fut condamné à être fusillé. C’était beaucoup trop d’honneur, il devait mourir sous la bastonnade pour assassinats prémédités, car il avait spéculé sur la vie des malades. Des centaines d’entre eux ont péri faute de médicaments. On leur donnait une boisson nauséabonde, faite avec des feuilles, pour leur faire croire qu’ils prenaient quelque remède…

(A. Longuet, Méditations de caserne)

Fromage

d’Hautel, 1808 : Manger du fromage. Éprouver un dépit secret, s’impatienter, être extrêmement contrarié ; sans pouvoir faire éclater son mécontentement.
Entre la poire et le fromage, on parle de mariage. Parce qu’au dessert, on est ordinairement plus gai qu’au commencement du repas.

Delvau, 1864 : Sperme de l’homme ou de la femme ; caséum produit par les parties basses, ayant l’aspect du caséum produit par les parties hautes. D’où, à propos d’une fille qui s’est laissé dépuceler, l’expression proverbiale : laisser aller son chat au fromage.

Goguenot

Clémens, 1840 : Pot de nuit, baquet.

Larchey, 1865 : « Grand quart, vase de fer-blanc de la contenance d’un litre dont se munissent les troupiers d’Afrique. Il va au feu, sert à prendre le café, s’utilise comme casserole et comme gobelet. » — De Vauvineux.

Larchey, 1865 : Baquet servant de latrines portatives.

La meilleure place, la plus éloignée de la porte, des vents coulis et du goguenot ou thomas.

(La Bédollière)

Delvau, 1866 : s. m. Baquet-latrine, — dans l’argot des prisons et des casernes. On dit aussi Goguenaux.

Delvau, 1866 : s. m. Vase de fer-blanc, — dans l’argot des troupiers d’Afrique, qui s’en servent comme casserole et comme gobelet.

Merlin, 1888 : Gobelet, marmite en Afrique ; baquet, latrine, en France ; dans l’artillerie, les mortiers.

Virmaître, 1894 : Pot de chambre. Le locataire de la table de nuit (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Pot de chambre.

France, 1907 : Baquet qui sert de latrines. On appelle les balayeuses de rues hirondelles à goguenot.

France, 1907 : Récipient de fer-blanc dont se servent les troupiers d’Afrique pour faire la soupe ou le café.

Greluchon

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; nom que l’on donne à un homme qui se laisse entretenir par une femme qui a plusieurs amans.

Delvau, 1864 : Homme qui tient le milieu entre l’amant de cœur et le monsieur, entre celui qui paie et celui qui est payé.

Delvau, 1866 : s. m. Amant de cœur, — dans l’argot des gens de lettres qui ont lu le Colporteur de Chevrier, et connaissent un peu les mœurs parisiennes du XVIIIe siècle.

Rigaud, 1881 : Jeune niais, oisif ne s’occupant que de toilette et de plaisirs (1855).

Ces créatures attirent nécessairement une nuée de jeunes lions, de greluchons aimables, etc.

(Paris-Faublas)

Autrefois greluchon avait le sens de souteneur, jeune souteneur.

France, 1907 : Amant de cœur d’une fille publique ou d’une femme entretenue par un autre. De grelu, pauvre. Les femmes invoquaient jadis un saint Greluchon pour devenir fécondes, et lui brûlaient des cierges.
On dit à tort guerluchon.

Mon aimable moitié m’aimoit très tendrement,
Et me garda deux mois la foi fidèlement,
Ensuite, me planta fort proprement des cornes :
Sitôt que je le sçus, ma fureur fut sans bornes,
Je voulus la tuer, elle et son greluchon ;
Il n’étoit plus, ma foi, de charmante Michon.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

D’une résurrection de plaisir, elle titilla des paupières, la lèvre moins sèche, la langue, hors des dents, retroussée. Mais, à la fois, tant de subtile expérience n’était pas sans lui causer quelque alarme ; il fallait qu’il lui parût bien homme du monde, pour qu’elle ne le soupçonnât point greluchon.

(Catulle Mendès, Gog)

Je ne sommes pas de ces grisettes
Qu’avont quantité d’amourettes,
Ni de ces donzelles à bichons
Qui soutenont des greluchons !

(Vadé, Le Déjeuner de la Râpée)

Là, chaque soir, accourent tout guillerets les Lovelaces de la garnison et les greluchons des casernes, moustache cirée, cœur en croc, képi sur l’oreille, jasmin dans le mouchoir, poing sur la hanche et l’œil en coulisse.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Grenouille

d’Hautel, 1808 : C’est un bon enfant, il n’est pas cause si les grenouilles manquent de queue. Se dit ironiquement pour exprimer qu’un homme est simple et très-borné ; qu’il n’entend malice en rien.
Grenouille. Apostrophe injurieuse que l’on adresse à une femme perdue de mœurs et de réputation.

Larchey, 1865 : Caisse, trésor.

Il tenait la grenouille.

(Vidal, 1833)

Delvau, 1866 : s. f. Femme, — dans l’argot des faubouriens, qui emploient cette expression injurieuse, probablement à cause du ramage assourdissant que font les femmes en échangeant des caquets.

Delvau, 1866 : s. f. Prêt de la compagnie, — dans l’argot des troupiers. Manger la grenouille. Dissiper le prêt de la compagnie. S’emploie aussi, dans l’argot du peuple, pour signifier : Dépenser l’argent d’une société, en dissiper la caisse.

Rigaud, 1881 : Femme stupide et bavarde, — dans le jargon du peuple.

Des propres à rien Qui ne savent faire que courir la grenouille.

(Le Sans-Culotte, 1879)

Rigaud, 1881 : Somme d’argent d’une certaine importance. — Manger la grenouille, dépenser l’argent confié, soustraire un dépôt d’argent. On a tant mangé de grenouilles, il y a tant eu de mangeurs de grenouilles depuis une vingtaine d’années, que l’expression, toute militaire, d’abord, s’est généralisée. Elle s’applique à tous ceux qui s’approprient un dépôt, et principalement aux caissiers infidèles.

La Rue, 1894 : La caisse. Prostituée vulgaire, coureuse de bals publics. Grenouillage, vol de caissier. Manger la grenouille, voler la caisse.

Virmaître, 1894 : Femme de rien (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Femme.

France, 1907 : Caisse. Manger la grenouille, voler la caisse.

France, 1907 : Fille à soldats. Elle est très souvent atteinte de la maladie diagnostiquée par Alphonse Allais : crapulite vadrouilliforme et pochardoïde. On l’appelle aussi, dans le langage du troupier, limace, bonne de quartier, balai de caserne, paillasse de corps de garde.

Jambes

Merlin, 1888 : Sortir sur les jambes d’un autre. Rester à la caserne, consigné, ou collé au bloc. Autrefois, lorsqu’un vieux brisquard vous punissait, il ne manquait guère de dire : vous sortirez sur mes jambes, c’est-à-dire : je vous consigne et moi j’irai me promener.

Jingoïsme, jingoïste

France, 1907 : Synonymes anglais de chauvinisme et chauvin. Lorsque des menaces de guerre grondèrent entre la Russie et la Grande-Bretagne, il courut dans les cafés-concerts une chanson patriotique qui obtint un grand succès dans l’armée et le peuple. On la chanta longtemps dans les casernes, les rues et les ateliers. By dingo, corruption de by Gingoulph (par Gingoulph), vieux saint saxon, juron ou forme de serment très usité, terminait chaque couplet de l’un desquels nous donnons la traduction :

Nous ne demandons pas à nous battre,
Mais, par Jingo ! si nous nous battons,
Nous avons les vaisseaux,
Nous avons les hommes,
Nous avons l’argent aussi ;
Nous avons battu l’ours une fois
Et nous battrons l’ours encore,
Mais les Russes n’auront pas Constantinople,
Par Jingo !

Jus de chique ou de chapeau

Merlin, 1888 : Café. L’opinion émise par les soldats eux-mêmes sur la qualité de ce liquide dans les casernes vient corroborer celle que nous avons exprimée au mot Champoreau. Il y a, d’ailleurs, trois espèces de café : le zig (1re qualité) que se réservent le cuisinier et le caporal ou brigadier d’ordinaire, charité bien ordonnée… Puis le bitt, destiné au chef ; enfin le jus de chique ou de chapeau (3e et problématique qualité) distribué aux troubades.

Jusqu’à la gauche

France, 1907 : Jusqu’à une grande étendue ; pendant longtemps.

Vous serez consigné jusqu’à la gauche… C’était son mot ce « jusqu’à la gauche », une expression de caserne qui ne signifie pas grand-chose, mais personnifie l’éternité.

(Georges Courteline)

Limace

Ansiaume, 1821 : Chemise.

Il y avoit 2 limaces, 3 blards et 6 loubions.

Vidocq, 1837 : s. f. — Chemise.

Clémens, 1840 / M.D., 1844 / un détenu, 1846 : Chemise.

Delvau, 1864 : Membre viril — qui n’est pas viril ; par exemple, celui des vieillards, qui ne sait plus relever fièrement la tête au premier appel d’une femme, et aspire honteusement a la tombe, comme le nez du père Aubry.

Bien qu’en toi sa limace ait été dégorgée,
Pour toi je bande encore…

(Louis Protat)

Delvau, 1866 : s. f. Chemise, — dans l’argot des voleurs et des vendeurs du Temple.

Delvau, 1866 : s. f. Fille à soldats, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Prostituée du dernier ordre.

Merlin, 1888 : Chemise, — de l’argot parisien.

La Rue, 1894 : Basse prostituée. Chemise.

Virmaître, 1894 : Chemise (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : V. Rôdeuse.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Chemise.

France, 1907 : Chemise ; du vieil argot lime.

Alle avait eun’ robe d’reps noir,
L’matin ça y servait d’peignoir,
La nuit ça y servait d’limace.

(Aristide Bruant)

Par les accrocs de la limace
Qui se donne un air de drapeau,
Le soleil leur chauffe la peau ;Leurs godillots font la grimace.
Il fait bon dehors pour les gueux
Qui battent le pavé des rues,
Sans bidoches et sans morues
À foutre sous leurs doigts rugueux.
Les feuilles servent de limace
Aux va-nu-pieds, aux trottins ;
Est-ce pour vivre de crottins
Que depuis si longtemps on masse ?

(Ed. Bourgeois)

France, 1907 : Fille à soldats. Les Anglais disent haquenée de caserne.

Macabées (case des)

Rigaud, 1881 : Cimetière. Mot à mot : maison des cadavres. — Le clou des macabées, la Morgue ; c’est-à-dire le Mont-de-Piété des cadavres, l’endroit où l’on met les cadavres en dépôt.

Machabée

Larchey, 1865 : « On appelle machabée tout être, homme ou animal, qui est privé de vie, et que l’on rencontre flottant sur un cours d’eau ou échoué sur le rivage. » — Val. Dufour. — Machabée : Juif. — Allusion biblique.

France, 1907 : Cadavre, principalement cadavre de noyé. « Je ne vois d’autre origine à cette expression, dit Francisque Michel, que la lecture du chapitre XII du deuxième livre des Machabées, qui a encore lieu aux messes des morts ; ou plutôt c’est de là que sera venue la danse macabre, dont l’argot a conservé le souvenir. » Machabée, qu’on écrit à tort macchabée, vient simplement de l’arabe magbarah, cimetière, dont on a fait macabre. Machabée est donc une corruption de macabré.

J’avais beaucoup à m’occuper du repêchage des macchabées, comme disent les mariniers de la Seine dans leur argot sinistre. Je ne sais si jadis on payait moins le sauvetage d’un vivant que le repêchage d’un mort, comme le racontent les vieux bateliers, mais ce que je sais bien, c’est que pour toucher la prime, plus forte dans le département de la Seine que dans celui de Seine-et-Oise, j’ai vu des bateliers remonter jusqu’à Neuilly, ayant un cadavre à la remorque. Et je me vois encore sur la berge, obligé souvent de monter dans une barque pour procéder aux constatations, car un préjugé veut que les repêcheurs de cadavres ne les tirent jamais complètement du fleuve et leur laissent tout au moins les pieds dans l’eau. Pourquoi ? Personne ne l’a jamais su. Mais le préjugé persiste toujours.

(Mémoires de M. Goron)

Les sacristains et les abbés
Répètent des cantiques
Pour attirer les machabé’s
Dans leurs sacré’s boutiques.
V’là l’choléra ! V’là l’choléra !

(Aristide Bruant)

Ce mot a donné lieu à un certain nombre d’expressions macabres : case des machabées, cimetière ; clou des machabées, morgue ; mannequin à machabées, cercueil.

France, 1907 : Juif.

France, 1907 : Sobriquet donné aux vignerons d’Issoudun qui ont assez de bien pour s’occuper toujours chez eux. L’emploi de ce sobriquet, dont le sens n’est pas déterminé, ne parait pas remonter plus loin que 1830.

Marchand de puces ou de punaises

France, 1907 : Employé civil préposé à la literie ; argot militaire.

La veille du départ du régiment apparaît un pékin en chapeau à haute forme, flanqué à gauche de l’adjudant de casernement., et à droite d’un fourrier. Le pékin en chapeau à haute forme, c’est le marchand de punaises, le préposé des lits militaires.

(A. Foubert, Le 39e d’artillerie)

Marche oblique individuelle

Merlin, 1888 : Ralliement des soldats consignés pour répondre à l’appel. Ils y arrivent isolément, de points divers : des chambrées, de la cantine, quelquefois même d’un café voisin de la caserne. Il faut user de ruse pour rentrer sans être vu, faire maints détours ; de là, marche oblique.

Marie-couche-toi-là

Delvau, 1866 : s. f. Femme facile, — trop facile.

Virmaître, 1894 : Femme qui se met sur le dos pour un oui ou un non. Rôdeuse de caserne (Argot des troupiers). N.

France, 1907 : Rôdeuse de caserne, dans l’argot des troupiers, toujours prête à exécuter ce commandement.

— Entends-tu, Marie-couche-toi-là, la marguinchon de tous les goujats ?

(Vadé, Catéchisme poissard)

Marie-mange-mon-prêt

Fustier, 1889 : Argot militaire. Maîtresse du soldat.

France, 1907 : Fille à soldat, avec laquelle celui-ci dépense son argent. On dit quelquefois simplement Mange-mon-prêt.

… Dans la famille, toutes les filles aînées étaient fatalement d’incorrigibles gouges, de la chair à soldats et à matelots, des Mange-mon-prêt finies, inévitablement condamnées au parquage infamant des filles soumises.

(Paul Bonnetain, Argot de la caserne)

Marie-pique-rempart

Virmaître, 1894 : Femme qui rôde la nuit sur les remparts, aux environs des postes de soldats. On devine ce qu’elle cherche : un gîte et un restant de soupe. Huit ou dix jours plus tard, le troupier sait ce qu’elle a apporté (Argot des troupiers). N.

France, 1907 : Femme qui rôde la nuit autour des remparts et des casernes à la recherche d’un gîte et le reste ; le souper est rarement compris.

Marie-sac-au-dos

Virmaître, 1894 : Femme toujours prête. Allusion aux troupiers qui, quand le quartier est consigné en vue d’un événement quelconque, campent dans la cour de la caserne sac au dos, prêts à partir (Argot des troupiers). V. Rempardeuses. N.

Mazarot

France, 1907 : Salle de police, mais plus spécialement la prison, et particulièrement la prison militaire de la rue du Cherche-Midi.

Les hôtes habituels de Mazarot sont : les bibassiers, les enflammés et les malastiqués.
Ces derniers, que la négligence dans l’entretien de leurs effets rend tributaires de la sonnerie des consignes, sont les moins nombreux.
Les bibassiers ou gais compaings en fait de haute beuverie, très souvent attardés par leur belle vaillantise à humer le piot et à se gargariser à l’aide de la purée septembrale, tiennent la corde dans le steeple-chase qui aboutit à Mazarot.
Pourtant, ils ne distancent que de bien peu les enflammés, à qui leur passion pour le beau sexe fait souvent oublier le chemin de la caserne, ou tout au moins l’heure inexorable de l’appel.

(Ch. Dubois de Gennes, Le Troupier tel qu’il est… à cheval)

On l’écrit aussi mazaro.

Quand il punit, même guitare ;
On connait bien son numéro ;
C’est un gaillard qu’est pas avare
Des jours de clou, de mazaro,
Avec lui la dose est meilleure,
Et quand les autres, sans discours,
Aligneraient quarante-huit heures…
Le doubl’ vous colle quatre jours.

(Griglet)

Mère d’occase

Rigaud, 1881 : Pseudo-mère d’actrice. Mère de fille galante qui fait la cuisine, cire les bottes et débat les prix.

Mou (se gonfler le)

France, 1907 : S’enorgueillir, faire le fier.

Dans cette caserne, où règne une discipline de maison centrale, une vingtaine de prolos et environ soixante-dix ouvrières y triment dur.
Le silence absolu — tout comme dans les prisons — est le premier article du règlement. Et les amendes grêlent ! Pour la moindre couillonnade, retard ou autre chose, y a une retenue de salaire à la clé.
Et, les bons Lougres, n’allez pas croire que dans cette sale baraque on gagne des mille et des cents : la paye des femmes varie de 7 à 13 francs par semaine.
Nom de Dieu, y a guère de quoi se gonfler le mou !

(Le Père Peinard)

Moussaillon

France, 1907 : Diminutif de mousse. Sobriquet donné aux aspirants de marine.

Tout le temps où il ne dormait pas, où il n’était pas à table, où il ne courait pas derrière les jupes d’une gamine, s’écoulait à dresser ainsi ses oiseaux, à leur enfoncer dans le cerveau des exclamations de caserne, des brailleries de beuglant. Cet élevage difficile lui servait à payer ses frais d’amour, à acquitter ses dettes dans les alcôves nombreuses où il s’attardait de ci de là, comme s’il avait eu encore des reins souples de moussaillon.

(Mora, Gil Blas)

Pour combattre la flotte anglaise
Comme il faut plus d’un moussaillon,
J’en f’rons deux à ma Paimpolaise
En rentrant au pays breton !

(Théodore Botrel, La Paimpolaise)

Museler

Fustier, 1889 : Imposer silence. — Se museler, se taire.

France, 1907 : Fermer la bouche, dans l’argot des polytechniciens, manière d’obliger un camarade à garder le silence : « On lui dit, par exemple : « Musèle-toi, mon cher, tu viens de perdre une belle occasion de te taire ! » À l’inverse, démuseler c’est retrouver la parole après qu’on est longtemps resté muselé… Museler une porte, c’est la fermer ; museler un rosto, c’est l’éteindre ; museler un casert, c’est le barricader de manière à empêcher une invasion des anciens. Museler est encore synonyme de fermer, cacher. On musèle un bouquin en l’enfermant avec soin. »

(Albert Lévy et G. Pinet)

Nib de naze

France, 1907 : Sot, facile à duper.

C’est en dévalisant la case
D’un’ gerce, un’ gironde à rupins,
Qu’on m’a fait avec Nib’ de naze,
Un monte en l’air de mes copains.
Faut y passer, quoi ! c’est not’ rente,
Aussi, bon Dieu ! j’me plaindrais pas
Si j’avais d’quoi m’boucher la fente,
À Mazas.

Nigousse

France, 1907 : Conscrit. Argot militaire ; corruption de nigaud.

Le conscrit pousse la porte.
Et aussitôt il s’arrête, immobile d’étonnement. Une vingtaine d’anciens bondissent à cloche-pied par-dessus les lits, où d’autres, étendus, la tête sous un bras, fumotent, les yeux fermés, de longues pipes noires. Un grand barbu, que les camarades appellent « l’ordonnance », nettoie son fusil et siffle un air de chasseur. Trois jeunes brossent leurs godillots, le pied sur un banc, une serviette sur l’épaule. Il y a dans l’air de cette chambre de la nicotine et des jurons. Le grand barbu voit entrer le conscrit, et pose à terre la gueule de son Lebel.
— Tiens, un nigousse !

(George d’Esparbès)

Les pomm’s de terre pour les cochons,
Les épluchur’s pour les Bretons
À la nigousse, gousse, gousse.

(Chanson de caserne)

Occase

Halbert, 1849 : Occasion, rencontre heureuse.

Larchey, 1865 : Occasion.

Deux francs cinquante de bénef, profitez de l’occase.

(A. Second)

D’occasion : De mince valeur. — Allusion. — On dit : une vertu, un héros d’occasion.

Ces Desgrieux de carton, ces Lucien de Rubempré d’occasion.

(Delvau)

Maria, qui se case, Au mois, Fait sa tête d’occase, Parfois.

Ce couplet, extrait du Prado, de Privat d’Anglemont, 1846, peut se traduire ainsi en langue vulgaire : Maria, à laquelle un amant paie chaque mois son entretien, fait parfois sa tête d’occasion, c’est-à-dire sans avoir de quoi légitimer cet orgueil.

Delvau, 1866 : s. f. Apocope d’Occasion, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Occasion. Un objet d’occase, un objet qui a servi. — Châsse d’occase, œil de verre.

Hayard, 1907 : Aubaine.

France, 1907 : Occasion ; argot des faubouriens.

Les jeunesses qui ont des guibolles d’acier ont gambillé sur les pavés pendant une ou deux nuits.
Cela ne prouve rien, nom de dieu !
Ceux-là ont profité de l’occase et ils ont bougrement bien fait. Dans la garce de société actuelle, on n’a que les plaisirs qu’on se donne or la vie y est si dégueulasse que quand il se présente un brin de jubilation, on aurait tort de cracher dessus…
Oh mais, faut pas croire que la participation du populo aux fêtes des Jean-foutres prouve qu’il ait ces derniers à la bonne. Le populo est peu éplucheur de sa nature : il ne voit dans les fêtes qu’une occase de plaquer le turbin, de foutre les frusques du dimanche, de tordre le cou à quelques chopines, — bref, de se donner du bon temps.

(La Sociale)

Mère d’occase, prétendue mère ; argot populaire. Œil ou chose d’occase, œil de verre.

Œil d’occase

Rigaud, 1881 : Œil de verre.

Omelette

Larchey, 1865 : Mystification militaire en usage à Saint-Cyr.

Voici en quoi consiste le supplice de l’omelette : Au milieu de votre sommeil quatre vigoureux anciens saisissent votre lit et le retournent comme une omelette.

(R. de la Barre)

L’omelette de sac consiste à bouleverser le havre-sac de celui qu’on veut ennuyer.

Delvau, 1866 : s. f. Mystification militaire qui consiste à retourner sens dessus dessous le lit d’un camarade endormi. Omelette du sac. Autre plaisanterie de même farine qui consiste à mettre en désordre tous les objets rangés dans un havre-sac, — ce qui est une façon comme l’autre de casser les œufs et de les brouiller.

France, 1907 : Plaisanterie d’un goût douteux que les anciens font aux conscrits dans les régiments et les écoles militaires et qui consiste à prendre le lit d’un camarade endormi et à le retourner sens dessus dessous.
À l’École polytechnique, c’est le bouleversement complet d’une chambre.

Au milieu du casert, semblable à une immense poêle, tous les meubles ont été renversés ; les lits enchevêtrés les uns dans les autres, les matelas, draps, couvertures, jetés pêle-mêle, tous les ustensiles de toilette, les cuvettes, brisés en mille pièces, les sacs à linge, les boîtes à claque, les bottes, les uniformes en fouillis inextricables, forment une omelette d’un genre tout particulier, sur laquelle toute l’eau de la fontaine a été répandue : telle est l’aimable farce que les anciens se plaisent à faire aux conscrits dans la première semaine de leur arrivée.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

L’omelette du sac est une plaisanterie de même farine consistant à bouleverser tous les effets d’un sac. On en fait ou faisait autant des diverses pièces des armes quelques instants avant l’exercice.

Les omelettes donnèrent plus vite le secret du fusil et de son mécanisme que les meilleurs instructeurs ; on se pressa, on lit mal d’abord, mieux, puis bien, et, pour me servir d’une expression de l’École, en se volatilisant.

(E. Billaudel, Les Hommes d’épée)

Ordonnance (papier qui n’est pas d’)

Merlin, 1888 : Billet de banque. Rare avis dans les casernes !

Paillasse

d’Hautel, 1808 : Un paillasse. Nom que l’on donne par mépris à un mauvais comédien qui charge trop son rôle ; à un homme sans esprit qui fait le bouffon, le plaisant, et qui y réussit mal.

d’Hautel, 1808 : Une paillasse de corps-de-garde. Femme livrée à la débauche la plus crapuleuse, et entièrement adonnée au vice, gourgandine qui fréquente les casernes, les corps-de-garde, et qui sert de divertissement aux soldats.
Serviteur à la paillasse. Pour dire, adieu à l’armée, ou il faut coucher sur la paille.

d’Hautel, 1808 : Pour la bedaine, le ventre.
Il a bien bourré sa paillasse. Pour, il s’est bien repu, il a mangé d’une belle manière.
Il s’est fait crever la paillasse. Pour il s’est fait tuer ; il a été tué en se battant.

Delvau, 1864 : Fille de la dernière catégorie, — la digne femelle du paillasson.

En avant, la femm’ du sergent !
Balancez, la femm’ dm fourrier,
Demi-tour, la femm’ du tambour,
Restez là, paillasse à soldat…

(La Leçon de danse, — chant guerrier)

Eh ! titi ! oh ! èh ! là-bas,
Tiens ! est-c’ que tu déménages ?
— Pourquoi qu’ tu tiens ce langage ?
— C’est qu’ t’as ta paillass’ sous le bras.
— Eh ! non, mon vieux, c’est ma femme…

(Chanson populaire).

Larchey, 1865 : Caméléon politique. — Allusion à la chanson de Béranger : Paillass’, mon ami, N’saut’ pas à demi, Saute pour tout le monde, etc. De là aussi est venu le synonyme de sauteur.

Larchey, 1865 : Ventre. — La paille s’en échappe comme les intestins.

Il s’est fait crever la paillasse, il s’est fait tuer.

(d’Hautel, 1808)

Delvau, 1866 : s. f. Corps humain, — dans l’argot des faubouriens. Se faire crever la paillasse. Se faire tuer en duel, — ou à coups de pied dans le ventre. On dit aussi Paillasse aux légumes.

Delvau, 1866 : s. f. Femme ou fille de mauvaise vie. On dit aussi Paillasse de corps de garde, et Paillasse à soldats.

Delvau, 1866 : s. m. Homme politique qui change d’opinions aussi souvent que de chemises, sans que le gouvernement qu’il quitte soit, pour cela, plus sale que le gouvernement qu’il met. On dit aussi Pitre et Saltimbanque.

Rigaud, 1881 : Fille publique, — dans le jargon des troupiers.

Rigaud, 1881 : Saltimbanque politique dont les opinions sont plutôt à vendre qu’à louer. — Celui qui saute à pieds joints sur ses promesses.

La Rue, 1894 : Fille publique. Saltimbanque. Le corps humain. Se faire crever la paillasse, se faire tuer.

Virmaître, 1894 : Femme. Un homme se promène, sa femme au bras ; il est rencontré par un ami :
— Tiens, tu déménages, Charlot ?
— Pourquoi donc ?
— Puisque t’as ta paillasse sous le bras (Argot du peuple). V. Boulet.

Virmaître, 1894 : Pitre qui fait le boniment devant les baraques de saltimbanques. Paillasses : les hommes politiques qui servent tous les gouvernements, pourvu qu’ils paient.

Paillass’, mon ami,
N’saut’ pas à demi.
Saute pour tout le monde. (Argot du peuple).

France, 1907 : Femme de mauvaise vie, prostituée. Paillasse de corps de garde, fille à soldats. On dit aussi, dans le même sens, paillasse à troufion.

Les nymphes d’alentour ne se laissent pas approcher, ou si par hasard on accroche une jupe à la brune, on est sûr que c’est une vieille paillasse qui a servi à tous les avant-postes du camp.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Du temps qu’elle faisait la noce,
Jamais on n’aurait pu rencontrer — c’est certain,
Paillasse plus cynique et plus rude catin.

(André Gill, La Muse à Bibi)

France, 1907 : Individualité. « S’il s’imagine que je vais me décarcasser pour sa paillasse ! »

France, 1907 : Ventre. Crever la paillasse à quelqu’un, le tuer.

Toujours bonne fille et sans corset, la France prit sur elle, et à ses frais, bien entendu, de mettre en œuvre l’utopie sentimentale du Bohême, et, sous tous les rois susnommés, des milliers de benêts, ses fils et nos pères, se firent crever glorieusement la paillasse pour assurer le droit contre la force et établir le fameux équilibre ! Cette besogne de la monarchie française est ce que l’on définit dans les manuels scolaires par la locution : « abaisser la maison d’Autriche. »
Que fit Louis XI ? — Il commença l’abaissement de la maison d’Autriche. — Que fit François Ier ? — Il continua à abaisser la maison d’Autriche. — Et Henri IV ? — Il abaissa la mais… ! — Et Richelieu ?… Et Louis XIV ?… — Sous leurs règnes, l’abaissement de la… etc., etc., et ainsi de suite, jusqu’au mariage de Napoléon avec Marie-Louise, ce dernier cran de l’abaissement est le coup du lapin aux Habsbourg.

(Émile Bergerat)

Paillasse à soldats

Rigaud, 1881 : Fille à soldats. — Prostituée sans prétention qui rôdaille autour des casernes, quœrens quem devoret.

Merlin, 1888 : Fille publique.

Hayard, 1907 : Fille de garnison.

Pantélégraphie

France, 1907 : Transmission au moyen de l’électricité du fac-similé de toute écriture. Le pantélégraphe fut inventé par l’abbé Caselli.

Pâté

d’Hautel, 1808 : Un gros pâté. Nom que l’on donne familièrement à un enfant gros, gras et bien portant.
Crier les petits pâtés. Se dit par plaisanterie des femmes quand elles sont en mal d’enfant.
Un pâté. Goutte d’encre tombée sur le papier.

Delvau, 1866 : s. m. Mélange des caractères d’une ou plusieurs pages qui ont été renversées, — dans l’argot des typographes. Faire du pâté, c’est distribuer ou remettre en casse ces lettres tombées.

Delvau, 1866 : s. m. Tache d’encre sur le papier, — dans l’argot des écoliers, qui sont de bien sales pâtissiers. On dit aussi Barbeau.

Rigaud, 1881 : Mauvaise besogne, — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : s. m. Caractères mêlés et brouillés qu’on fait trier par les apprentis. Faire du pâté, c’est distribuer ces sortes de caractères.

France, 1907 : Caractères mêlés et brouillés que les apprentis doivent remettre dans leurs cases respectives ; argot des typographes.

Permission de 24 heures

Merlin, 1888 : Garde à monter en dehors de la caserne. Faveur peu enviée.

Pied droit (partir du)

Merlin, 1888 : Contrairement aux principes. Lors de sa libération, le militaire se promet de partir du pied droit de la caserne, c’est-à-dire en narguant cette discipline qui lui est à charge.

Pif

Vidocq, 1837 : s. m. — Nez.

Delvau, 1866 : s. m. Nez, dans l’argot du peuple. N’en déplaise à Francisque Michel qui veut faire ce mot compatriote de Barbey d’Aurevilly, je le crois très parisien. On disait autrefois se piffer de vin, ou seulement se piffer :

On rit, on se piffe, on se gave !

chante Vadé en ses Porcherons. Se piffer de vin, c’est s’empourprer le visage et spécialement le nez, — le pif alors ! On dit aussi Piton.

La Rue, 1894 : Nez. Vin. Se piffer, s’enivrer.

France, 1907 : Nez. Abréviation du vieil argot se piffer, boire. En buvant longtemps et ferme on se culotte le nez, on se fait un pif. Suivant Émile Goujet, auteur de l’Argot musical, ce mot viendrait du vieux français pifre, fifre, en italien piffero ; ce serait alors un jeu de mot sur flûter.

Il y a nez et nez, ceci est incontestable : et le langage imagé du peuple, l’argot des foules et des casernes, nous rappellent par leurs expressions triviales pif, trogne, mufle, piton, que le nez s’écarte quelquefois des règles normales de la plastique. Malgré leur plate vulgarité, ces expressions n’en sont pas moins les reflets d’une saisissante vérité sur laquelle nous tomberons tous d’accord, si nous nous appliquons à observer un peu autour de nous.

(A. Bue, Revue prytanéenne)

La petite n’est pas bégueule,
Elle saurait, comme un chicard,
Avoir des mots gras plein la gueule
Et se tendre d’un grand écart.
Elle pourrai blaguer d’un geste
Les gens en frac, plus droits qu’un pal,
Et faire bondir son pied leste
Jusqu’au pif du municipal.

(Jean Richepin, Les Blasphèmes)

Pif d’occase

France, 1907 : Client de passage d’une fille publique ; argot des prostituées. Faire un pif d’occase.

— J’ai fait que poiroter sous les lansquines en battant mon quart pour faire un pif d’occase qui me donne de quoi que mon marlou ne m’éreinte pas de coups.

(Louise Michel)

Piole

Clémens, 1840 : Boutique.

France, 1907 : Taverne, maison. On écrit aussi piaule et piolle. Il est de nombreux synonymes de ce mot : case, cassine, cambuse, creux, boîte, baraque, bahut, casbah, taule, taudion.

— Veux-tu venir prendre de la morfe et piausser avec mezière en une des pioles que tu m’as rouscaillées ?

(Le Jargon de l’argot)

Piston (coup de)

France, 1907 : Démarche, sollicitation en faveur d’un protégé qui agit sur le dispensateur de l’avancement comme un piston de pompe pour lui en extraire le jet du favoritisme. Combien ne doivent leur fortune rapide qu’à des coups de piston !

Par égard pour des coups de piston, on donne de l’avancement avec autant de justice qu’il y en aurait à payer au négligent qui redoit à sa masse le décompte qui revient au soldat économe et soigneux. C’est encore pis. Le décompte n’est qu’une affaire du moment ; tandis qu’en frustrant un homme des galons qu’il a gagnés, on lui rend odieuse une carrière qu’il a commencée peut-être avec répugnance, et dont il a su vaincre les ennuis et les dégoûts.

(A. Longuet, Méditations de caserne)

De piston, on a fait pistonner.

Polochon

Halbert, 1849 / Merlin, 1888 : Traversin.

Virmaître, 1894 : Le traversin qui complète la fourniture du troupier à la caserne. Quand on a bu un coup de trop, on a reçu un coup de polochon. Allusion à la farce qui se fait dans les chambrées aux jeunes conscrits : on les étourdit à coups de polochon (Argot des troupiers).

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Traversin.

France, 1907 : Traversin ; argot militaire.

Derrièr’ la porte, histoir’ de rire,
J’guignais Bouroit’ pour lui flanquer
Mon polochon sur la tir’lire,
Quand el’ marchel vint à rentrer.
Moi qui croyais qu’c’était Bouroite,
De tout’s mes forc’s j’ai tapé d’dans ;
Ça m’a valu quinz’ jours de boîte,
J’devrais rien fair’, je trinqu’ tout l’temps.

(Th. Aillaud)

Poser un factionnaire

France, 1907 : Laisser un souvenir…

En un lieu écarté
Où, pour se mettre à l’aise, ou à la liberté.

À propos de ce genre de factionnaires, le commandant A. Longuet raconte dans ses Méditations de caserne une crânerie entre des milliers que nos soldats firent pendant la guerre d’Espagne. Il s’agit d’un sous-officier du 6e léger. « Ce régiment passait en vue des avant-postes anglais ; un sergent quitte la colonne, et s’avance à portée de pistolet d’une vedette. Il met sac à terre, tourne le dos à l’ennemi, et prend cette position où les genoux sont plus élevés que la partie sur laquelle on s’assoit. L’Anglais, irrité d’un pareil outrage, arrive au galop, croyant avoir bon marché du provocateur. Celui-ci se redresse, toutes voiles déployées, et, sans bouger un pied, fait face en arrière par le haut du corps, ajuste et couche le cavalier ; puis il continue… son factionnaire. »

Pot-bouillasser (se)

Larchey, 1865 : Se mettre en ménage. — Mot à mot : faire bouillir à deux le pot-au-feu.

Les pontonniers s’organisent aux environs de la caserne un ménage légitime ou illégitime ; ils se potbouillassent, comme disent les soldats.

(La Bédollière)

Delvau, 1866 : Se marier de la main gauche ou de la main droite, — dans l’argot des troupiers.

Poussier

Vidocq, 1837 : s. m. — Argent monnoyé.

Halbert, 1849 : Poudre ou lit.

Larchey, 1865 : Poussière. — Poussier : Lit. — La poussière n’y manque pas.

Je lui paie son garni de la rue Ménilmontant, un poussier de quinze balles par mois.

(Monselet)

Poussier : Monnaie (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Lit d’auberge ou d’hôtel garni de bas étage, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. m. Monnaie, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Lit, — dans le jargon du peuple ; probablement parce qu’il n’est pas fait souvent.

Rigaud, 1881 : Monnaie de cuivre, — dans le jargon des voleurs.

Merlin, 1888 : Lit militaire, méritant fort bien ce nom : poussière dessus, poussière dedans, en guise de paille. On dit aussi plumard et panier.

La Rue, 1894 : Monnaie de cuivre. Lit. Tabac à priser. Fausse monnaie. Poudre. Pouce, main.

Virmaître, 1894 : Lit malpropre. Poussier, chambre pauvre, en désordre.
— Comment peux-tu vivre dans un pareil poussier ?
Synonyme de taudis (Argot du peuple).

France, 1907 : Argent ; argot des voleurs.

France, 1907 : Lit ; argot populaire.

C’est le terme. Au pavé, les gueux. Bon débarras !…
Empile vivement dans la charrette à bras
Ton poussier disloqué, les deux chaises de paille,
Tes poêlons, tes outils, tes guenilles, canaille !

(André Gill)

Passer sur le poussier le temps entre les appels, les pansages et les manœuvres, filer l’amour profane avec les bonnes d’enfants ou les demoiselles de comptoir, faire les yeux en coulisse à toute femme que l’on suppose de bonne volonté, poursuivre dix lièvres à la fois et revenir bredouille, errer à la recherche du camarade qui doit vous rincer la dalle, avoir sans cesse envie de boire sans être pris de la moindre soif, chercher constamment la femme et être saoul d’amour, tuer les heures du soir à jouer son café dans d’interminables parties de rams et les jours où l’on touche le prêt ou le mandat, fruit des épargnes amassées péniblement par la mère pour procurer quelques douceurs au pauvre enfant, rentrer ivre à la caserne et finir la fête au bloc.
Cette vie, toute douce qu’elle soit, devient fatigante à la longue.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Rappliquer

Clémens, 1840 : Revenir.

Larchey, 1865 : Revenir (V. Flacul), Répliquer (V. Suage).

Rigaud, 1881 : Retourner, revenir, rentrer. Rappliquer à la taule, rentrer à la maison.

Merlin, 1888 : Arriver, revenir. — On rapplique à la caserne, à l’exercice, à la soupe, etc.

La Rue, 1894 : Retourner, revenir.

Virmaître, 1894 : Revenir.
— Depuis huit jornes que je suis en bordée, je rapplique à la piaule, mince de suif à la clé (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Venir, aller, se rendre.

Hayard, 1907 : Revenir.

France, 1907 : Revenir, rentrer.

Ratinel marie sa fille au petit de la Rochepurée ; on convient qu’on achètera le mobilier à frais communs. Ils vont chez le tapissier, le beau-père et le gendre : ils discutent, choisissent ce qu’il y a de mieux, se font faire un prix approximatif ; ils s’en vont et, dix minutes après leur départ, le tapissier voit arriver le beau- père qui lui dit : « Ce n’est pas tout ça, je vous ai amené mon gendre » et il demande une commission de vingt mille francs. L’autre est épaté, lorsque, dix minutes après le beau-père, il voit rappliquer le gendre, qui lui dit : « Ce n’est pas tout ça, je vous ai amené mon beau-père et il réclame une commission de trente mille francs. »

(Maurice Donnay)

Réfractaire

Delvau, 1866 : s. m. Bohème, homme de talent qui regimbe à suivre les modes morales de son temps. L’expression n’est pas de Jules Vallès, — comme on serait excusable de le croire, d’après l’intéressant ouvrage qui porte ce mot pour titre, attendu que voilà une quinzaine d’années qu’on appelle Camp des réfractaires un petit café borgne de la rue Vavin, hanté par des rapins littéraires et artistiques. De même, le garni situé à quelques pas de là est appelé par ses hôtes l’Hôtel des refractaire, les chambres ressemblant, paraît-il, à des casemates.

Rempardeuse

Virmaître, 1894 : Fille qui fait les soldats autour des casernes, sur les glacis ou dans les fossés des fortifications (Argot des troupiers).

France, 1907 : Prostituée qui exerce son industrie le long des fortifications, des remparts, autour des casernes.

Renard de liberté

France, 1907 : Postulant compagnon refusé après les épreuves d’initiation :

— Je suis renard de Liberté. Savez-vous ce que c’est ?
J’ouvris les veux très grands.
Il reprit :
— Vous n’êtes point maçon ? J’ai voulu en tâter. Compagnon du Devoir ! Ah ! c’est de belles duperies tout ça ! Faut vous dire que toutes ces façons secrètes des compagnons, leur manière de serrer la main, les mots qu’on surprend, qu’on ne comprend pas, les réunions chez les mères, vous frappent l’esprit quand on est jeune. Puis, on voit que ceux qui refusent d’entrer dans le compagnonnage ne réussissent pas à se caser. C’est beau d’avoir un métier, mais faut encore que le travail vienne. Alors on se dit : « Eh bien ! je serai des Bons-Drilles, comme les autres. » Bons-Drilles, c’est encore un mot à eux. Enfin, il y a la peur. On est un homme, on est fier, on ne veut pas que les gens pensent : « Il a reculé devant les épreuves. »

(Hugues Le Roux)

Robignolle, roubignole

France, 1907 : Jeu de fêtes foraines tenu par des filous. « Sur un carton est tracé un round divisé en huit cases de couleur différente, au centre desquelles se trouve une flèche immobile, mais autour de laquelle tourne le rond. Quand la flèche s’arrête sur la couleur choisie par le joueur, il gagne le double ou le triple de sa mise. Mais, au moyen d’une légère pression, le propriétaire de la robignolle fait dévier à volonté l’aiguille. On se sert aussi d’une petite boule de liège, mais le jeu prend alors une autre disposition. »

Rouler la brouette à Biribi

Fustier, 1889 : Être envoyé dans un régiment de discipline. Argot de caserne.

Il amassa un nombre incalculable de jours de consigne et de salle de police, et vint enfin, comme disent les troupiers, rouler la brouette à biribi, c’est-à-dire qu’il fut envoyé aux compagnies de discipline.

(Triboulet, mars 1884)

France, 1907 : Achever son temps de service aux compagnies de discipline.

Sabotage

France, 1907 : Travail mal exécuté, sans conscience. Nombre d’ouvriers mal payés ne font que du sabotage.

J’ai déjà eu l’occase d’expliquer aux bons bougres ce qu’est le sabotage : c’est le tirage à cul conscient, c’est le ratage d’un boulot, c’est le coulage du patron… Tout ça pratiqué en douce, sans faire de magnes, ni d’épates.
Le sabotage est le petit-cousin du boycottage. Et foutre, dans une kyrielle de cas où la grève est impossible, il peut rendre de sacrés services aux prolos.

(Père Peinard)

Saut de puce

France, 1907 : Petite distance.

Si elle n’a pas envoyé de troubades, c’est uniquement parce qu’il y en a des foultitudes casernées à un saut de puce et, qu’avec le chemin de fer, on peut faire radiner en quelques quarts d’heure.

(Le Père Peinard)

Sauter le bas-flanc

Rigaud, 1881 : Sauter le mur de la caserne pour aller passer la nuit en ville, — dans le jargon des régiments de cavalerie.

Savate

Larchey, 1865 : « La savate, que l’on appelle aujourd’hui chausson par euphémisme, est la boxe française, avec cette différence que la savate se travaille avec les pieds, et la boxe avec les poings. » — Th. Gautier, 1845. — V. Arsouille.
Savate : « Correction militaire appliquée par les soldats entre eux pour certains délits non justiciables d’un conseil. Le patient est étendu sur un banc, la chemise retroussée, et chaque soldat de la compagnie lui applique trois coups d’un soulier neuf et bien ferré. » La Caserne, par Vidal et Delmare, 1833.

Delvau, 1866 : s. f. Boxe française, — « avec cette différence, dit Th. Gautier, que la savate se travaille avec les pieds et la boxe avec les poings. » (V. Chausson.)

Delvau, 1866 : s. f. Correction militaire, qui consiste à fouetter le soldat coupable à tour de bras et de souliers. Le Conseil de guerre, on le devine, n’a rien à voir là dedans : c’est une petite justice de famille et de caserne.

Delvau, 1866 : s. f. Ouvrage mal fait ; chose abîmée, gâchée, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Joueur malhabile. — Mauvais ouvrier. — Jouer comme une savate, jouer mal à un jeu d’adresse, jouer mal aux cartes. — Jouer comme une paire de savates, jouer très mal.

France, 1907 : Correction militaire d’un caractère tout privé infligée par les soldats à l’un d’entre eux qui se conduit en mauvais camarade ou qui a forfait à l’honneur, et qu’on ne veut pas livrer an châtiment trop sévère des chefs. Les hommes de la chambrée se mettent sur deux rangs après avoir au préalable prévenu le chef de chambrée qui s’absente pour ne pas être témoin de cette exécution antiréglementaire. Chacun s’arme d’un soulier ou d’une savate, et le coupable nu doit passer au milieu, recevant sur le dos, les reins et le bas du dos, autant de coups de savate qu’il y a d’hommes dans la chambrée. S’il est récalcitrant, on l’attache sur un banc fesses en l’air, et c’est alors trois coups par tête qu’il reçoit au lieu d’un. Passer à la savate, recevoir cette correction. Ceux qui avaient l’habitude de faire suisse, c’est-à-dire de boire seuls, passaient à la savate.

France, 1907 : Mauvais ouvrier. Travailler comme une savate, ne rien faire de bon.

Singe

d’Hautel, 1808 : Payer en monnoie de singe, en gambades. Se moquer de celui à qui l’on doit, au lieu de le satisfaire. Ce proverbe vient de ce qu’autre fois les bateleurs qui montroient des singes, étoient obligés, pour tout péage, à l’entrée des villes, de faire danser leurs singes. ACAD.
Singe. C’est le nom que les imprimeurs à la presse donnent aux compositeurs qui ne font pour ainsi dire que copier le manuscrit, et pour se venger de ces derniers, qui les appellent ours.
C’est un vrai singe.
Se dit d’un homme qui imite avec trop d’affectation les gestes d’un autre homme.
Adroit comme un singe. Se dit d’un homme agile et industrieux.
Malin comme un singe. Se dit d’un enfant fort espiègle, très-avisé.

Halbert, 1849 : Chef d’atelier, le patron.

Larchey, 1865 : « En revanche, les ours ont nommé les compositeurs des singes à cause du continuel exercice qu’ils font pour attraper les lettres dans les cinquante-deux petites cases où elles sont contenues. » — Balzac.
Monnaie de singe : Grimace. V. Roupie.

Il la payait, comme dit le peuple en son langage énergique, en monnaie de singe.

(Balzac)

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier compositeur, — dans l’argot des imprimeurs.

Delvau, 1866 : s. m. Patron, — dans l’argot des charpentiers, qui, les jours de paye, exigent de lui une autre monnaie que celle de son nom.

Rigaud, 1881 : Apprenti typographe.

Rigaud, 1881 : Patron. Nom donné primitivement par les peintres en bâtiment aux bourgeois qui les employaient, et, par extension, par tous les ouvriers à leurs patrons. Aujourd’hui ce sobriquet est trop connu pour qu’il soit employé en présence du patron ou’ du contre-maître. Dans la plupart des ateliers on choisit un sobriquet qui rappelle soit les mœurs, soit les habitudes, soit une infirmité du patron.

Boutmy, 1883 : s. m. Ouvrier typographe. Ce mot, qui n’est plus guère usité aujourd’hui et qui a été remplacé par l’appellation de typo, vient des mouvements que fait le typographe en travaillant, mouvements comparables à ceux du singe. Une opinion moins accréditée, et que nous rapportons ici sous toutes réserves, attribue cette désignation à la callosité que les compositeurs portent souvent à la partie inférieure et extérieure de la main droite. Cette callosité est due au frottement réitéré de la corde dont ils se servent pour lier leurs paquets.

Les noms d’ours et de singe n’existent que depuis qu’on a fait la première édition de « l’Encyclopédie », et c’est Richelet qui a donné le nom d’ours aux imprimeurs, parce que, étant un jour dans l’imprimerie à examiner sur le banc de la presse les feuilles que l’on tirait, et s’étant approché de trop près de l’imprimeur qui tenait le barreau, ce dernier, en le tirant, attrape l’auteur qui était derrière lui et le renvoie, par une secousse violente et inattendue, à quelques pas de lui. De là, il a plu à l’auteur d’appeler les imprimeurs à la presse des ours, et aux imprimeurs à la presse d’appeler les compositeurs des singes.

(Momoro)

Autrefois MM. les typographes se qualifiaient pompeusement eux-mêmes du titre d’hommes de lettres, et MM. les imprimeurs de celui d’hommes du barreau.

Virmaître, 1894 : Patron. Presque tous les corps de métiers, à l’exception des chapeliers, nomment leur patron un singe. Singe, ouvrier compositeur. Ce n’est pourtant pas dans un atelier de typographie qu’il faut chercher des grimaces (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Patron.

France, 1907 : Dessin d’imitation ; argot des polytechniciens.

Le singe imite tout ce qu’il voit faire, de là le mot singe employé pour désigner le dessin d’imitation… Les uns dessinent d’après les estampes, d’autres le paysage, d’autres des chevaux ; une section occupe un petit amphithéâtre réservé à la bosse ou à l’étude du modèle vivant. Ces différents genres de dessin sont ce qu’on appelle le singe mort, le jodot, les zèbres et le singe vivant.

(Albert Lévy et G. Pinet)

France, 1907 : Patron, directeur, chef, maître quelconque. Ce sobriquet est général, il est passé des ouvriers, des domestiques, aux employés de magasins et de bureaux.

France, 1907 : Petite fille ou femme laide, chétive, disgracieuse.

— Conment ! ce petit laideron que j’ai accueillie par charité, cette horreur que je suis forcé de voir chaque jour à ma table, qui a déjà apporté chez moi une maladie contagieuse… cette petite guenon, amenant le vice chez nous, est la cause de la mort de ce pauvre garçon… L’imbécile ! un singe comme ça !

(A. Bouvier, La Grêlée)

France, 1907 : Sobriquet donné autrefois aux ouvriers typographes à cause des gestes saccadés qu’ils font en levant la lettre. Ce mot a été remplacé par celui de typo.

France, 1907 : Viande de conserve ; argot militaire.

Comme de coutume au régiment le 14 juillet on nous a fait faire ripaille. Les grands chefs avaient ordonné à nos sacrés capitaines de bien nourrir leurs hommes.
Ah ! ils nous ont bien nourris !
Un de ces gradés n’a rien trouvé de mieux que de nous faire bouffer du singe.
Tu dois penser que ça ne doit pas être fameusement ragoûtant. Il s’en faut ! C’est de la bidoche qui a au moins cinq ans de magasin et qui, peut-être, est en conserves depuis six ou huit ans…, sinon plus !

(Le Père Peinard)

anon., 1907 : Patron.

Sommier de caserne

Fustier, 1889 : Fille à soldats.

France, 1907 : Fille à soldats ; synonyme de paillasse de corps de garde.

Soufflant

Vidocq, 1837 : s. m. — Pistolet.

Delvau, 1866 : s. m. Pistolet, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Pistolet, — dans l’ancien argot. Il souffle la mort.

Rigaud, 1881 : Trompette ; également surnommé au régiment : Trompion.

La Rue, 1894 : Pistolet. Soufflante, trompette.

France, 1907 : Pistolet.

France, 1907 : Soldat qui joue de la trompette ; argot militaire.

L’appel aux trompettes vint éveiller les échos qui sommeillaient dans les longs corridors de la caserne. Et un quart d’heure n’était pas écoulé que tous les soufflants appelés dans la cour par la sonnerie de leur camarade de garde, firent résonner en chœur la retentissante fanfare du réveil.

(Ch. Dubois de Gennes, Le troupier tel qu’il est… à cheval)

Souriau

France, 1907 : Vase de nuit ; argot des polytechniciens.

C’est une bonne farce à faire aux conscrits que de percer leurs souriaux avec la pointe d’une épée. La veille de Noël, c’était l’habitude à une certaine époque d’attacher les suriaux deux à deux par une corde solide et de les lancer dans les arbres de la cour. Ces arbres ainsi pavoisés étaient les arbres de Noël. Pendant le bahutage, un ancien passe la revue des caserts ; les conscrits alignés ont chacun leur souriau à la main.

(Albert Lévy et G. Pinet)

J’ai pour meubl’s un’ table boiteuse,
Un bouret, un lit, un souriau ;
J’ai à peine huit pieds de haut ;
Un’ pauvr’ fenêtre malheureuse.
Oui, c’est moi qui suis la prison
Et j’vous en d’mande pardon.

(Complainte des polytechniciens punis)

Suif (prendre un)

France, 1907 : Faire la fête. Cette expression, qui n’est plus guère usitée, l’était sous le second empire et remontait au premier. On disait d’un homme qui s’astiquait pour sortir, se pommadait et cirait sa moustache : « Il va prendre un suif », et celui-ci, malade le lendemain de la débauche du la veille, disait : « Quel suif je me suis donné ! » Le commandant Longuet, dans ses Méditations de caserne, donne l’origine de celte expression d’ailleurs toute militaire : « Dans maints régiments de l’ancienne armée (premier empire), on cirait la moustache et on en tordait les bouts en forme de ficelle. Ces deux bouts avaient la direction horizontale, des malins adoptaient la courbe et leurs moustaches avaient la queue en trompette… Mais la cire était une dépense que beaucoup évitaient en grattant la chandelle de la communauté. Pour n’en rien perdre, ils passaient et repassaient les mains sur les cheveux, afin d’essuyer les unes et de faire briller les autres : ils se donnaient un suif. Le mot s’est étendu à tous les détails d’un toilette un peu soignée. Lorsqu’elle était irréprochable, on disait un fameux suif. » Mais comme lorsque l’on fait toilette au régiment ce n’est pas pour aller chanter des psaumes, il s’en suivait qu’après avoir pris un suif, on s’en donnait généralement un.
De suif on a fait suiffard.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique