Ansiaume, 1821 : Vendre.
J’ai abloqué pour 200 balles de camelotte.
Virmaître, 1894 : Acheter en tas, en bloc. Les brocanteurs bloquent un tas de marchandises les plus disparates (Argot des camelots). V. revidage.
Abloquer
Ansiaume, 1821 : Vendre.
J’ai abloqué pour 200 balles de camelotte.
Virmaître, 1894 : Acheter en tas, en bloc. Les brocanteurs bloquent un tas de marchandises les plus disparates (Argot des camelots). V. revidage.
Bigorniau
Fustier, 1889 : Auvergnat.
France, 1907 : Auvergnat.
Nous gravissons un second étage, puis un autre, puis un autre encore, nous touchons au toit, et partout, dans chaque coin de cette maison, d’une régularité immonde, voulue, nous trouvons une chambre pareille, foyer d’infection suffocante et de misère inouïe.
— Et quels gens habitent ces taudis ? demandons-nous à l’hôtesse.
— Un peu de toutes sortes. Des mendiants, des vagabonds, des lipètes et des bigorniaux, c’est-à-dire des Limousins et des Auvergnats ; ces derniers quelquefois par économie, pour faire un sac qui leur permette de s’établir marchands de ferraille, brocanteurs ou charbonniers.
(Louis Barron, Paris Étrange)
Brobuante
Vidocq, 1837 : s. f. — Bague.
(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)
Delvau, 1866 : s. f. Bague, — dans le même argot [des voleurs].
France, 1907 : Bague ; argot des voleurs qui disent aussi brocante.
Brocante
anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Bague.
Delvau, 1866 : s. f. Chose de peu de valeur, — dans l’argot du peuple.
Rigaud, 1881 : Bague, — dans le jargon des voleurs.
Rigaud, 1881 : Brocantage. — Marchandise sans valeur, — dans le jargon des revendeurs. Toute sorte de petits travaux qui se rattachent plus ou moins à l’art et que l’artiste exécute faute de mieux. Les brocantes des artistes sont les bricoles des ouvriers.
Je vais faire des brocantes, une corbeille de mariage, des groupes en bronze.
(Balzac, La Cousine Bette)
Rigaud, 1881 : Vieux soulier encore bon pour la vente, — dans le jargon des chiffonniers, c’est-à-dire soulier qu’on peut brocanter.
La Rue, 1894 : Bague.
France, 1907 : Marchandise sans valeur, bague.
Je plains les curieux de l’avenir qui, sur la foi d’une signature autrefois estimée, dénicheront l’opuscule paru hier ; je les mets en garde contre cette brocante anecdotique d’un marchand de petits papiers qui ne veut rien laisser perdre et promène son oisiveté à travers les néfastes souvenirs de l’année terrible avec toute la grâce d’un éléphant lâché dans un magasin de porcelaines.
(Mentor, Le Journal)
Brocanter
Delvau, 1866 : v. a. et n. Acheter et vendre toutes sortes de choses, des tableaux et des femmes, son talent et sa conscience. Argot des gens de lettres.
France, 1907 : Acheter ou vendre toute espèce de choses, tableaux neufs ou vieille ferraille.
Brocantes
Larchey, 1865 : Troc de marchandises de hasard.
Je vais faire des brocantes.
(Balzac)
Brocante : Objet sans valeur.
Cambrousier
Halbert, 1849 : Homme de province.
Delvau, 1866 : s. m. Brocanteur, — dans l’argot des revendeurs du Temple.
Rigaud, 1881 : Ouvrier peintre-vitrier attaché à un petit établissement de peinture-vitrerie, dans le jargon des peintres en bâtiment.
Rigaud, 1881 : Revendeur qui tenait un peu de tout, — dans l’ancien argot du Temple. Le cambrousier a été le précurseur du brocanteur.
Rigaud, 1881 : Voleur de campagne, — dans l’ancien argot.
Virmaître, 1894 : Escarpe qui vole tout ce qui lui tombe sous la main en parcourant la France. Ce nom lui vient de ce qu’il opère dans les cambrousses (maison) (Argot des voleurs).
Rossignol, 1901 : Paysan, provincial.
Hayard, 1907 : Charlatan.
France, 1907 : Voleur de campagne ou brocanteur.
Carcagnot
M.D., 1844 : Prisonnier, qui prête de l’argent à ses collègues à intérêt. Avant le système pénitentiaire, cela existait dans les prisons et existe encore dans les bagnes. Le carcagnot prête 2 sous pour 3, et en dix ans de temps, amasse des sommes immenses.
Virmaître, 1894 : Brocanteur, usurier, juif qui achète tout à vil prix sans s’occuper de la provenance (Argot des voleurs). N.
Hayard, 1907 : Brocanteur, usurier.
France, 1907 : Usurier, brocanteur, recéleur au besoin.
Chambre (la)
Rigaud, 1881 : C’est, dans le jargon des revendeurs, la salle qui leur est affectée à l’hôtel Drouot, la salle no 16 où se font les ventes des objets apportés par les brocanteurs. Pour eux, c’est la Chambre par excellence, comme Urbs était la ville, Rome pour les Romains. — Faire vendre à la chambre. — Acheter à la chambre.
Chine
Fustier, 1889 : Sorte de vol.
France, 1907 : Abréviation de chinage. Aller à la chine, crier dans les rues : Vieux habits, vieux galons ! (Rigaud)
Le père Salomon était brocanteur et chineur. Un petit établi, dans un coin, lui servait à pratiquer l’art de la chine, qui consiste principalement à truquer sur les bijoux. On vide l’or d’une bague et on y coule du plomb. Le bijou ainsi dénaturé, on le confie à des camelots qui le revendent à bas prix à des femmes naïves, s’imaginant faire une bonne affaire. Il sert aussi à l’industrie, très répandue à Londres, des ring-droppers (ramasseurs de bagues).
Chiner
Larchey, 1865 : Aller à la recherche de bons marchés.
Remonenq allait chiner dans la banlieue de Paris.
(Balzac)
Les roulants ou chineurs sont des marchand d’habits ambulants qui, après leur ronde, viennent dégorger leur marchandise portative dans le grand réservoir du Temple.
(Mornand)
Delvau, 1866 : v. n. Brocanter, acheter tout ce qu’il y a d’achetable — et surtout de revendable — à l’hôtel Drouot.
Rigaud, 1881 : Crier dans les rues, — dans le jargon des marchands d’habits ambulants. Quand ils parcourent la ville, au cri de : « habits à vendre ! » ils chinent, ils vont à la chine.
Rigaud, 1881 : Critiquer, se moquer de.
Rigaud, 1881 : Porter un paquet sur le dos ; trimballer de la marchandise, — dans le jargon des marchands ambulants : c’est une abréviation de s’échiner.
Merlin, 1888 : Médire de quelqu’un ; le ridiculiser.
Fustier, 1889 : Travailler. (Richepin) — Plaisanter.
La Rue, 1894 : Crier et vendre dans les rues ; Brocanter. Plaisanter.
Virmaître, 1894 : Blaguer quelqu’un. — Il est tellement chineur que tout le monde passe à la chine (Argot du peuple). N.
Virmaître, 1894 : Courir les rues ou les campagnes pour vendre sa camelotte. Chiner est synonyme de fouiner. Comme superlatif on dit chignoler (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Blaguer, plaisanter quelqu’un est le chiner ; celui qui chine est aussi un chineur.
Rossignol, 1901 : Le marchand d’habits qui court les rues pour acheter de vieux vêtements, c’est un chineur, il fait la chine. Le marchand ambulant chine sa camelote de porte en porte. Le marchand de chiffons qui court les rues est aussi un chineur. Il y a aussi le chineur à la reconnaissance du mont-de-piété dont le montant du prêt est toujours surchargé et qui cherche à escroquer un passant, Le camelot qui offre sa marchandise aux abords des cafés est chineur. On remarque encore le chineur au balladage qui vend dans une voiture dite balladeuse ; le chineur à la boîterne, avec une boîte.
Hayard, 1907 : Blaguer, courir les rues et la campagne pour vendre ou acheter.
France, 1907 : Faire le chinage.
France, 1907 : Médire, se moquer.
C’est vrai que j’comprends pas grand’chose
À tout c’qu’y dis’nt les orateurs,
Mais j’sais qu’is parl’nt pour la bonn’ cause
Et qu’i’s tap’nt su’ les exploiteurs.
Pourvu qu’on chine l’ministère,
Qu’on engueul’ d’Aumale et Totor
Et qu’on parl’ de fout’ tout par terre !…
J’applaudis d’achar et d’autor.
(Aristide Bruant)
France, 1907 : Travailler avec ardeur ; abréviation de s’échiner.
Escane (à l’)
La Rue, 1894 : Fuyons !
France, 1907 : Sauvons-nous ! Argot des voleurs.
— Comme j’vas pas à la retape et que j’ai pas d’aminche parmi les aiglefins, j’avais levé une brocante dans une boutanche, pour faire cascader une casinette ; v’là-t’y pas une affaire ! Mais y avait un arnache qui m’reluquait, et comme je sortais de la cambuse parce que la camoufle s’estourbait, v’là-t’y pas qu’y m’dévisage… J’crie à l’escane, et je veux baudrouiller, mais j’avais un caillou et j’m’affale.
(Félix Remo, La Tombeuse)
Faire la révision
Rossignol, 1901 : Tous les brocanteurs, ou autres marchands, dans les ventes par autorité de justice ou du mont-de-piété, font la révision ; il y en a qui ne font absolument que cela et qui gagnent de l’argent sans avoir de marchandises. Ils sont par groupes de cinq ou six, jamais ils ne poussent les enchères et achètent pour leur compte personnel. Ils sont tellement connus par les commissaires-priseurs que lorsqu’un lot est adjugé à l’un d’eux on ne lui demande pas son nom pour le transcrire sur le procès verbal, La vente terminée, on fait la révision et la marchandise reste au plus enchérisseur d’entre eux ; le surplus qu’a produit la surenchère est à partager entre le groupe. Dans les monts-de-piété, notamment dans la salle de vente des bijoux, il y a plusieurs groupes qui sont toujours les mêmes marchands, qui ont une place attitrée ; chacun prend note de l’objet acheté, du prix et de la valeur approximative. La révision se fait ensuite le plus souvent d’une autre façon que les brocanteurs ; chacun inscrit en cachette, sur un morceau de papier qu’il plie, ce qu’il offre de tout le lot ; chacun dépose son papier, on en fait le dépouillement et le lot reste au plus enchérisseur, et alors chacun touche au prorata de ce qu’il a offert. Cela se passe rarement en présence des commissaires-priseurs qui n’interviennent pas, quoique cela constitue une escroquerie.
Ferloque
Rigaud, 1881 : Loque dans toute sa dégradation, — dans le jargon des brocanteurs.
Ah ! je ne m’étonne plus à présent que vous m’apportiez des ferloques.
(Champfleury, La Mascarade de la vie parisienne)
Flanchet
d’Hautel, 1808 : Dérivé de flanc, côté.
Il est sur le flanchet. Se dit d’un homme dangereusement blessé.
On dit aussi en terme de boucherie, un morceau de flanchet, pour un morceau pris sur le côté.
Delvau, 1866 : s. m. Part, lot, — dans l’argot des voleurs.
Rigaud, 1881 : Part, participation, — dans le jargon des voleurs.
La Rue, 1894 : Part dans une affaire.
Virmaître, 1894 : Part de vol. Lot qui échoit à un brocanteur. Morceau de viande qui forme la pointe dans l’intérieur du bœuf (Divers Argots).
France, 1907 : Lot, sort, part de vol.
Tout passe dans la tigne
Et, quoiqu’on en jaspine,
C’est un foutu flanchet
Douz’ longes de tirade
Pour un moment d’attrait.
(Vidocq)
Grue
d’Hautel, 1808 : Faire le pied de grue. S’humilier ; faire des soumissions devant quelqu’un ; monter la garde dans les antichambres d’un homme puissant.
Avoir un cou de grue. Avoir le cou long.
Il est planté là comme une grue. Pour, il ne sait quelle contenance tenir ; il croque le marmot.
Delvau, 1864 : Fille entretenue, parce que les filles de cette espèce sont souvent plus bêtes que belles — ce qui fait qu’on ne s’explique pas les folies que les gandins font pour elles.
Dans certains théâtres, on voit de jeunes aspirantes qui se font des yeux jusqu’aux oreilles et des veines d’azur du corset jusqu’aux tempes ; ce ne sont pas des femmes, ce sont des pastels ; cette première catégorie de grues s’appelle les maquillées.
(Joachim Duflot)
Larchey, 1865 : « Pour qualifier une fille aux jambes maigres aux gros yeux à fleur de tête, à l’intelligence épaisse, on dit : C’est une grue. » — Scholl. — « Mme Croquoison : Nous sommes tous des grues. » — Le Rapatriage, parade du dix-huitième siècle.
Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue, que la Nature a douée d’autant de bêtise que de beauté, et qui abuse de celle-ci pour faire accepter celle-là. C’est un mot heureux que les gens de lettres ont trouvé là pour répondre à l’insolence des filles envers les honnêtes femmes. Bécasses ! disaient-elles. Grues ! leur répond-on. Mais ce mot, dans ce sens péjoratif, n’est pas né d’hier, il y a longtemps que le peuple l’emploie pour désigner un niais, un sot, un prétentieux.
Rigaud, 1881 : Femme sotte et prétentieuse. — Dans le dictionnaire de l’Académie, grue est donné dans le sens de niais. — Dans le jargon des comédiens, c’est une demoiselle qui possède de la beauté, de l’argent et des toilettes en quantité suffisante pour obtenir un bout de rôle où elle montre ses épaules, ses diamants et sa bêtise. Elle lève les gentilshommes de l’orchestre, comme la grue lève les fardeaux ; d’où son surnom.
La Rue, 1894 : Bête. Femme entretenue. V. Biche.
Virmaître, 1894 : Fille publique, jolie mais bête à manger du foin. De cette allusion est né un mauvais calembourg : Les camelots crient : Demandez l’Indicateur des grues de Paris pour rues (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : Fille de bas étage.
Hayard, 1907 : Fille publique.
France, 1907 : « Bête marécageuse qui plume les gros pigeons et nourrit les petits poissons », dit la Vie Parisienne. Fille ou femme de mœurs légères ; nom que donnent les femmes à leurs rivales ou simplement à celles qu’elles n’aiment pas.
D’après Lorédan Larchey, grue viendrait non de l’oiseau à longues jambes, mais du vieux français grus, qui a perdu son orthographe primitive en passant à travers les âges.
J’avais donné précédemment grue avec le sens de marcheuse, dit-il, c’est-à-dire de figurante faisant commerce d’amour à l’ombre du théâtre. Je croyais que le mot était éclos, il y a trente ans, dans les corps de ballet, où les femmes paraissent montées sur des jambes d’autant plus longues que leurs jupes sont plus courtes. Mais le Dictionnaire de Godefroy vient de me donner fort à penser. J’y trouve grus comme mot injurieux, signifiant ribaude au moyen âge. En voici un exemple justificatif daté de 1415… « Ellui Girart appela la suppliante deux ou trois fois grus ! grus ! Et pour ce qu’elle n’entendoit pas ce que c’estoit à dire de telles paroles, demanda audit Girart que c’estoit. Lequel Girart lui dit que c’estoit à dire ribaude, en l’appelant par plusieurs fois : grus : ribaude ! grus : ribaude ! »
— Figure-toi que, sans savoir ni pourquoi ni comment, je m’étais amourachée de lui : ce jour-là, j’ai fait un joli coup ! Pas beau, pas d’esprit, pas d’argent : rien, quoi ! Par-dessus le marché, Monsieur me trompait avec la première grue venue ; on n’a pas idée de ça !
(Jules Noriac, Le Grain de sable)
Gladiola, dans la délicieuse revue de Blondel et Montreau, nous montre avec beaucoup de talent sa superbe poitrine et son dos ensorceleur. Ses admirables jambes, qui ne mesurent pas moins de soixante-dix centimètres vers la région communément appelée cuisse, ont été rappelées quatre fois. C’est un vrai triomphe pour la charmante jeune grue.
(George Auriol, Le Journal)
— Et quand elle a parlé des tableaux vivants… J’ai eu une envie de rire… elle qui a montré ses jambes pendant quinze ans dans toutes les revues : car c’est une ancienne actrice.
— Une actrice ! pas même… une ancienne grue.
(Maurice Donnay, Chère Madame)
La dame : une trentaine d’années, plutôt très jolie, mais l’air un peu grue et surtout très dinde.
(Alphonse Allais, La Vie drôle)
Fille de petits brocanteurs juifs, elle avait l’ambition et la ténacité des femmes de sa race ; jetée à seize ans sur les planches aux figurations et aux féeries, elle avait vite eu honte de ce métier de grue.
(Henry Bauër, Une Comédienne)
— Les jeunes filles nous servent d’éprouvette. On s’apprend à flirter et à aimer avec elles, pour de rire, à blanc, en attendant qu’on s’attaque plus tard sérieusement aux vraies femmes, aux femmes mariées. Comprenez-vous ? Les jeunes filles, pour moi, c’est comme le volontariat de l’amour. Une première étape, avant les grandes manœuvres que vous faisons ensuite avec les grues, et la guerre sanglante avec les dames du monde.
(Henri Lavedan)
Et puis, aussi bien je m’ennuie :
La grue, aux yeux couleur de jais,
Dans laquelle je me plongeais,
Depuis ce matin est enfuie
Et m’a laissé d’autres sujets
De tracas et de rêverie.
(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)
Les frimas remplacent la brise ;
Tombant comme d’un encensoir,
La neige sur la terre grise
Étend son vaste et blanc mouchoir,
Sous le ciel inclément et noir,
Malgré les rafales bourrues,
Des filles vont errant le soir…
L’hiver est rude aux pauvres grues !
Princesses, heureuses d’avoir
Chambre bien close et rentes drues,
Ne condamnez pas sans savoir…
L’hiver est rude aux pauvres grues !
(Georges Gillet)
Madame la Ressource
Delvau, 1866 : s. f. Marchande à la toilette ; revendeuse.
Rigaud, 1881 : Revendeuse à la toilette.
Virmaître, 1894 : La marchande à la toilette, la brocanteuse, le mont-de-piété (ma tante), tous ces rongeurs sont madame la Ressource pour les pauvres gens qui vendent ou engagent leurs dernières nippes (Argot du peuple).
France, 1907 : Marchande à la toilette, brocanteuse.
Pauvres filles ! elles ont commencé à la lueur du gaz, dans les cafés du boulevard, coiffées de chapeaux à panaches et vêtues de robes à traîne, décrochées chez Madame La Ressource.
Où finissent-elles ? Je l’ignore. Un soir, comme au temps où elles guettaient les hommes, elles se perdent dans la nuit, et un matin la police les ramasse, non plus pour les conduire au poste, mais pour les jeter à la fosse commune !
(Louis Davyl)
Nep
Vidocq, 1837 : Nom des voleurs juifs qui exercent le truc dont je vais parler, et qui consiste à vendre très-cher une croix d’ordre, garnie de pierreries fausses. Deux individus s’entendent ensemble pour duper un aubergiste, un épicier ou un marchand de tabac ; et voici comment ils s’y prennent pour atteindre le but qu’ils se sont proposé. L’un d’eux, qui se fait passer pour un marchand joaillier retiré, se met en relation avec la personne qui doit être dupée, et il ne néglige rien pour acquérir sa confiance. Il sonde le terrain et cause beaucoup afin de parvenir à savoir quel est le plus crédule, du mari ou de la femme, quel est celui des deux qui tient les clés de la caisse. Celui des deux fripons qui s’est chargé de ce rôle est liant, communicatif, et son extérieur annonce presque toujours un homme rond et aisé. Quand il n’a plus rien à apprendre, et que la place ne lui paraît pas invulnérable, il avertit son compagnon, et au jour et à l’heure convenus entre eux, un individu, vêtu d’un costume problématique, mais qui peut, à la rigueur, être pris pour celui d’un Russe ou d’un Polonais, se présente chez la dupe en herbe. Il entre d’un air mystérieux et craintif, se fait servir un verre de vin ou de liqueur, qu’il boit en laissant tomber quelques larmes qui arrosent une croûte de pain dur et noir. S’il est remarqué, la moitié de la besogne est faite. Comme la curiosité est le plus commun de tous les défauts, le maître ou la maîtresse de la maison ne manque pas de demander au pauvre homme le sujet de ses peines. Il ne répond que par le silence aux premières interrogations, mais il verse de nouvelles larmes. Le joaillier retiré, qui est doué d’une extrême sensibilité, et ne peut supporter une scène aussi attendrissante, sort pour quelques instans. L’étranger, qui semblait attendre sa sortie pour se montrer plus communicatif, raconte alors son histoire. Son langage est presque inintelligible ; mais grâce à l’attention avec laquelle il l’écoute, son auditeur finit par parfaitement comprendre tout ce qu’il dit. L’étranger est le dernier rejeton d’une illustre famille polonaise. Tous ses parens ont été tués au siège de Varsovie ou à celui de Praga, ad libitum. Pour lui, il fut blessé dangereusement, fait prisonnier et envoyé en Sibérie. Grâce à la force de sa constitution, il fut bientôt guéri. Mais, dans l’espoir de mettre en défaut la vigilance de ses gardes, il feignit d’être toujours malade et souffreteux. Cette ruse eut un plein succès ; ses gardes, croyant qu’il était incapable de faire seulement deux lieues, ne le surveillèrent plus. Cette négligence lui facilita les moyens de s’évader, ce qu’il ne manqua pas de faire à la première occasion. Après avoir supporté toutes les peines et toutes les fatigues possibles, il atteignit enfin la frontière de France ; mais la route longue et pénible qu’il vient de faire l’a beaucoup fatigué, et il se sent incapable d’aller plus loin.
Arrivé à cet endroit de son récit, le polonais dit qu’il aurait pu se procurer quelques soulagemens en vendant un bijou précieux qu’il a sauvé du pillage, au moment où son infortuné père est tombé sous les baïonnettes russes ; mais pour vendre ce bijou il aurait fallu qu’il se découvrit, ce qu’il ne pouvait faire ; mais, ajoute-t-il pour terminer son discours, aujourd’hui que je suis à l’abri de toutes craintes, je suis décidé à me séparer de ce bijou ; mais je n’ose cependant le vendre moi-même, car je ne crains rien tant que d’être forcé de me réunir aux autres réfugiés polonais. Après avoir achevé son discours, le malheureux proscrit baise mille fois le précieux bijou qui vaut, dit-il, 100,000 francs au moins ; 100,000 francs ! ces trois mots éveillent la cupidité de celui ou de celle auquel il parle ; le bijou est examiné avec soin ; c’est, le plus souvent, une étoile de Rose-Croix semblable à celles dont se parent les Francs-Maçons, et qui peut bien valoir 60 à 80 francs. On en est là lorsque le joaillier retiré entre ; on lui présente la croix, il la prend et à peine l’a-t-il entre les mains qu’il jette un cri d’admiration : « Voilà, dit-il, un bijou magnifique ; que ces diamans sont beaux ! ces rubis sont d’une bien belle eau ; ces émeraudes sont parfaites. » La dupe émerveillée lui raconte à l’oreille ce qui vient de se passer entre elle et l’étranger ; alors un nouvel examen a lieu, et il est accompagné de nouvelles exclamations.
Pendant que tout cela se passe, le polonais n’a pas cessé de pleurer ; il prévoit, le malheureux, qu’il est sur le point de se séparer de son bijou chéri ; il baise encore une fois la croix, et enfin il offre de la donner pour 5 ou 6,000 fr. ; nouvel examen du joaillier, qui soutient à la dupe que cet objet vaut au moins 30,000 fr. ; il regrette de n’avoir sur lui que 4 ou 500 fr., et de n’avoir pas le temps d’aller chez lui chercher de l’argent, car il ne manquerait pas une aussi bonne affaire ; il engage alors la dupe à faire cette affaire de compte à demi avec lui, il lui donne à cet effet les 4 ou 500 francs qu’il a dit avoir sur lui. On s’empresse de remettre au Polonais la somme demandée par lui ; le joaillier laisse la croix entre les mains de la dupe et ne revient plus.
Des fermiers, des vignerons, chez lesquels celui des deux fripons qui est chargé de préparer les voies se présente pour acheter de l’avoine ou du vin, sont quelquefois les victimes des Neps ; c’est toujours lorsque le marché vient d’être conclu, et au moment où son compère donne des arrhes aux vendeurs, que le Polonais se présente.
On peut conclure de ce qui précède que l’on ne fait pas toujours une bonne affaire lorsque, cherchant à profiter de la position d’un malheureux, on achète un bijou beaucoup au-dessous de sa valeur.
Larchey, 1865 : Voleur brocantant de fausses décorations (Vidocq).
Virmaître, 1894 : Rastaquouère vendant aux imbéciles des décorations exotiques (Argot des voleurs).
Hayard, 1907 : Intermédiaire pour la vente de décorations.
France, 1907 : Brocanteur de faux bijoux.
Panailleux
Rigaud, 1881 : Marchand de verres cassés, misérable, dénué de tout.
France, 1907 : Petit brocanteur, marchand de chiffons et de ferrailles.
Panne
d’Hautel, 1808 : Il a deux doigts de panne. Se dit en plaisantant d’un homme qui est extrêmement gras.
Larchey, 1865 : Misère.
Il est dans la panne et la maladie.
(Ricard)
Delvau, 1866 : s. f. Misère, gène momentanée, — dans l’argot des bohèmes et des ouvriers, qui savent mieux que personne combien il est dur de manquer de pain.
Delvau, 1866 : s. f. Rôle de deux lignes, — dans l’argot des comédiens qui ont plus de vanité que de talent, et pour qui un petit rôle est un pauvre rôle. Se dit aussi d’un Rôle qui, quoique assez long, ne fait pas suffisamment valoir le talent d’un acteur ou la beauté d’une actrice.
Delvau, 1866 : s. m. Homme qui n’a pas un sou vaillant, — dans l’argot des filles, qui n’aiment pas ces garçons-là.
Rigaud, 1881 : Grande misère ; ruine complète.
Ce fut alors, madame Alcide, que commença votre grande panne.
(Ed. et J. de Goncourt)
Ils sont tournés comme Henri IV sur le Pont-Neuf et m’font l’effet de n’son-ger qu’à faire la noce, au risque d’être dans la panne et de se brosser le ventre après.
(É. de La Bédollière, Les Industriels)
En terme de théâtre, bout de rôle.
Plus de rôles à jambes, et une panne de dix lignes dans ta nouvelle féerie !… Ah ! Ernest, vous ne m’aimez plus.
(J. Pelcoq, Petit journal amusant)
Il faut vous dire que tous mes camarades, étant jaloux de moi, s’arrangeaient de manière à avoir les bons rôles, tandis que moi, on me donnait les pannes… les bouche-trous !…
(P. de Kock, Le Sentier aux prunes)
En terme d’atelier, mauvais tableau.
Qu’est-ce que c’est que cette panne ? C’est assez mal léché ! merci.
(J. Noriac, Têtes d’artistes)
La Rue, 1894 : Gêne, misère. Bout de rôle au théâtre.
France, 1907 : Actrice, où plutôt cabotine à qui l’on ne confie que des bouts de rôle, que des pannes. Georges Ben a fait sur elles une chanson dont voici quelques vers :
Dans les coulisses, d’un pas lent,
Ell’s se promen’nt en somnolant,
Les pannes,
Ou bien ell’s dorm’nt ou bien encore
Ell’s regard’nt poser les décors,
Les pannes.
Ell’s attend’nt, en croquant l’marmot,
L’occasion de placer leur mot,
Les pannes.
France, 1907 : Fanon du bœuf.
France, 1907 : Mauvais tableau vendu bien au delà de sa valeur ; argot des brocanteurs.
Le brocanteur avait groupé un ramassis d’objets tarés, invendables… — Vous m’entendez, vieux, pas de carottes, pas de pannes ! La dame s’y connaît.
(Alphonse Daudet, Les Rois en exil)
France, 1907 : Pauvreté. « Tomber dans la panne. » Du vieux français panne, haillon.
Quand il n’y a plus de son, les ânes se battent, n’est-ce pas ? Lantier flairait la panne ; ça l’exaspérait de sentir la maison déjà mangée.
(Émile Zola, L’Assommoir)
France, 1907 : Rôle insignifiant ; argot théâtral.
Une panne ? Je n’ai jamais très bien compris le sens de ce mot-là. J’ai toujours cru — suis-je assez sot ! — qu’au théâtre il y avait de petits artistes et non pas de petits rôles.
Je me souviens d’un acteur, dont le nom m’échappe en ce moment, qui n’avait que quelques lignes à dire dans la Mort du duc d’Enghien, de M. Hennique. Il eut, en dépit de cette panne, un triomphe le soir de la première représentation.
(Pierre Wolff)
France, 1907 : Situation difficile, comme celle d’un navire qui ne peut plus avancer. Argot des marins. « Être en panne, rester en panne. »
— Amen ! répondit le matelot, mais sans vouloir vous fâcher, la mère, m’est avis que les saints, les anges et le bon Dieu nous laissent joliment en panne depuis quelque temps.
(Jean Richepin, La Glu)
Pendu
Rigaud, 1881 : Professeur adjoint à l’école de Saint-Cyr, — dans le jargon des Saint-Cyriens.
France, 1907 : Instructeur à l’École spéciale militaire ; argot des saint-cyriens.
France, 1907 : Pièce d’étoffe étendue et suspendue ; argot des drapiers.
Les pièces de drap sont étalées dans de vastes couloirs et suspendues dans toute leur longueur. Ce sont ces pièces de drap que l’on nomme des pendus.
(Macé, Mon premier crime)
France, 1907 : Vêtement accroché à l’étalage d’un brocanteur. « Se payer un pendu », s’habiller chez un marchand de vieux habits. Argot populaire.
Pendu (se payer un)
Virmaître, 1894 : On sait que les brocanteurs pendent à leur étalage les vêtements qu’ils ont à vendre. Ils passent les manches dans un bâton, ce qui donne l’aspect des bras. Vu d’un peu loin, on jurerait un pendu. Se payer un pendu, c’est acheter ce vêtement (Argot du peuple).
Point
d’Hautel, 1808 : Un point de côté. Au propre, mal, douleur que l’on ressent à cet endroit ; au figuré, terme satirique qui se dit d’une personne très-à charge, d’une affaire embarassante et pénible.
Mal en point. En mauvais état, mal dans ses affaires.
Tout vient à point, à qui peut attendre. Pour dire qu’avec le temps et la patience, on voit combler ses espérances.
Il faut lui mettre les points sur les ii. Se dit par ironie d’un homme qui a peu d’intelligence, à qui il faut commander les choses avec une grande précision.
Point d’argent, point de Suisse. C’est-à-dire, rien pour rien.
Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner : 1o l’acte vénérien.
Venons au point, au point qu’en n’ose dire.
(Cl. Marot)
Ce pitaud doit valoir pour le point souhaité
Bachelier et docteur ensemble.
(La Fontaine)
2o Le clitoris.
Le traître alors touche d’un doigt perfide
Le point précis où nait la volupté ;
Ce point secret, délicat et timide
Dont le doux nom des Grecs est emprunté.
(Parut)
Delvau, 1866 : s. m. Pièce d’un franc, — dans l’argot des marchands d’habits.
Rigaud, 1881 : Pièce d’un franc, — dans le jargon des brocanteurs.
La Rue, 1894 : Pièce d’un franc.
Rossignol, 1901 : Franc. 2 points, 2 francs.
France, 1907 : Un franc ; ancien argot des marchands du Temple.
Pommadeur
Virmaître, 1894 : Flatteur. Passer de la pommade à quelqu’un, lui trouver toutes les qualités possibles. Dire à un bossu, par exemple, qu’il est droit comme un cierge. On en a fait ce calembour : la louange comme le tonnerre fout droit (Argot du peuple).
Virmaître, 1894 : Préparateur de vieux meubles à qui il donne l’apparence du neuf en les truquant avec de la cire et de la gomme laque (Argot du peuple).
Rossignol, 1901 : C’est un terme d’ouvriers ébénistes qui veut dire vernisseur de meubles. Un pommadeur est aussi un flatteur : il passe à la pommade.
France, 1907 : Brocanteur qui restaure, peint et mastique les vieux meubles.
France, 1907 : Flatteur.
Renard
d’Hautel, 1808 : Un vieux renard. Pour dire un homme adroit, fin, rusé.
Se confesser au renard. Découvrir son secret à quelqu’un qui en tire avantage, qui en fait son profit, et qui est intéressé à empêcher l’affaire dont il s’agit.
Écorcher le renard. Pour dire vomir, rendre les alimens, ou le vin qu’on a pris immodérément.
Le renard cache sa queue. Pour dire que les gens adroits cachent leurs finesses, leurs ruses.
Le renard prêche aux poules. Se dit d’un imposteur, qui cherche à attrapper, par ses discours, des gens simples et crédules.
Le renard a pissé dessus. Se dit en parlant du raisin, que l’ardeur du soleil a rendu roux, et qui est très-mûr.
Larchey, 1865 : « Pour être compagnon, tu seras lapin ou apprenti, plus tard tu passeras renard ou aspirant. » — Biéville. — V. Chien.
Delvau, 1866 : s. m. Aspirant compagnon, — dans l’argot des ouvriers.
Delvau, 1866 : s. m. Pourboire, — dans l’argot des marbriers de cimetière, forcés d’employer toutes les ruses de leur imagination pour en obtenir un des familles inconsolables, mais « dures à la détente ».
Delvau, 1866 : s. m. Résultat d’une indigestion, — dans l’argot du peuple. Piquer un renard. Vomir. Du temps de Rabelais et d’Agrippa d’Aubigné, on disait Écorcher le renard. Les Anglais ont une expression analogue : to shoot the cat (décharger le chat).
Rigaud, 1881 : Aspirant au compagnonnage.
Rigaud, 1881 : Pourboire, — dans l’argot des marbriers de cimetière. (A. Delvau) C’est le résultat prévu du pourboire.
La Rue, 1894 : Pourboire. Vomissement. Trahison. Espion de bagne.
France, 1907 : « Livre rare et curieux déterré par un amateur dans l’étalage d’un brocanteur qui en ignorait le prix. »
(Gustave Fustier)
France, 1907 : Mouchard, espion ; argot des forçats.
Sur ce fond de boue et de sang se détache une troisième physionomie, la physionomie du forçat mouchard ou du renard.
(A. Dauvin)
France, 1907 : Postulant compagnon au temps où les ouvriers faisaient leur tour de France.
— Nous étions dix ou douze renards qui s’étaient donné le mot pour se faire initier. On avait déjà passé une nuit dans la cave de la Mère, à boire et à chanter. Eux nous avaient fait « piquer » et « battre le cordeau », pour vérifier notre savoir.
(Hugues Le Roux)
France, 1907 : Résultat d’une absorption trop copieuse. Voir Renarder.
Revidage
Delvau, 1866 : s. m. Opération qui consiste à se partager, entre brocanteurs, les lots achetés trop cher à l’hôtel Drouot, mais achetés par eux pour les enlever aux bourgeois.
Rigaud, 1881 : Nouvelles enchères faites entre marchands, d’un objet adjugé à l’un d’eux, à l’hôtel des ventes. Le revidage ou revision tombe sous le coup de la loi.
Virmaître, 1894 : Revision des marchandises achetées par les brocanteurs dans les ventes publiques. La revision consiste en ceci :
— Pour ne pas faire monter les enchères et acheter bon marché, un ou deux de la bande noire pousse les enchères. Les objets en vente sont, par ce système, généralement adjugés à vil prix.
La vente terminée, ils se réunissent dans le cabinet d’un marchand de vin voisin et ils procèdent au revidage, c’est-à-dire à de nouvelles enchères.
Chacun prend alors le lot de marchandises qu’il peut écouler dans sa boutique, et la différence entre le total de la vente publique et l’opération du revidage est partagée également.
Cette opération illicite est défendue, c’est pourquoi elle se pratique au grand jour (Argot des brocanteurs).
France, 1907 : Association de brocanteurs qui, dans les salles de vente, s’entendent d’une part pour empêcher les particuliers d’acheter un objet ou pour le lui faire payer bien au-dessus de sa valeur, d’autre part pour faire adjuger à l’un d’eux un objet de prix bien au-dessous de sa valeur. La vente terminée, ils procèdent au revidage ou revision, c’est-à-dire qu’ils partagent la différence en plus ou en moins.
Romamichel
Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Maison où logent ordinairement les saltimbanques, les bohémiens, les voleurs, etc.
Vidocq, 1837 : Bohémien. Les Romamichels, originaires de la Basse-Égypte, forment, comme les juifs, une population errante sur toute la surface du globe, population qui a conservé le type qui la distingue, mais qui diminue tous les jours, et dont bientôt il ne restera plus rien.
Les Romamichels sont donc ces hommes à la physionomie orientale, que l’on nomme en France Bohémiens, en Allemagne Die Egyptens, en Angleterre Gypsès, en Espagne, et dans toutes les contrées du midi de l’Europe, Gitanos.
Après avoir erré long-temps dans les contrées du nord de l’Europe, une troupe nombreuse de ces hommes, auxquels on donna le nom de Bohémiens, sans doute à cause du long séjour qu’ils avaient fait en Bohème, arriva en France en 1427, commandés par un individu auquel ils donnaient le titre de roi, et qui avait pour lieutenans des ducs et des comtes. Comme ils s’étaient, on ne sait comment, procuré un bref du pape qui occupait alors le trône pontifical, bref qui les autorisait à parcourir toute l’Europe, et à solliciter la charité des bonnes âmes, ils furent d’abord assez bien accueillis, et on leur assigna pour résidence la chapelle Saint-Denis. Mais bientôt ils abusèrent de l’hospitalité qui leur avait été si généreusement accordée, et, en 1612, un arrêt du Parlement de Paris leur enjoignit de sortir du royaume dans un délai fixé, s’ils ne voulaient pas aller passer toute leur vie aux galères.
Les Bohémiens n’obéirent pas à cette injonction ; ils ne quittèrent pas la France, et continuèrent à prédire l’avenir aux gens crédules, et à voler lorsqu’ils en trouvaient l’occasion. Mais pour échapper aux poursuites qui alors étaient dirigées contre eux, ils furent forcés de se disperser ; c’est alors qu’ils prirent le nom de Romamichels, nom qui leur est resté, et qui est passé dans le jargon des voleurs.
Il n’y a plus en France, au moment où nous sommes arrivés, beaucoup de Bohémiens, cependant on en rencontre encore quelques-uns, principalement dans nos provinces du nord. Comme jadis, ils n’ont pas de domicile fixe, ils errent continuellement d’un village à l’autre, et les professions qu’ils exercent ostensiblement sont celles de marchands de chevaux, de brocanteurs ou de charlatans. Les Romamichels connaissent beaucoup de simples propres à rendre malades les animaux domestiques, ils savent se procurer les moyens de leur en administrer une certaine dose, ensuite ils viennent offrir leurs services au propriétaire de l’étable dont ils ont empoisonné les habitans, et ils se font payer fort cher les guérisons qu’ils opèrent.
Les Romamichels ont inventé, ou du moins ont exercé avec beaucoup d’habileté le vol à la Carre, dont il a été parlé dans le premier volume de cet ouvrage, et qu’ils nomment Cariben.
Lorsque les Romamichels ne volent pas eux-mêmes, ils servent d’éclaireurs aux voleurs. Les chauffeurs qui, de l’an IV à l’an VI de la République, infestèrent la Belgique, une partie de la Hollande, et la plupart des provinces du nord de la France, avaient des Romamichels dans leurs bandes.
Les Marquises (les Romamichels nomment ainsi leurs femmes) étaient ordinairement chargées d’examiner la position, les alentours, et les moyens de défense des Gernafles ou des Pipés qui devaient être attaqués, ce qu’elles faisaient en examinant la main d’une jeune fille à laquelle elles ne manquaient pas de prédire un sort brillant, et qui souvent devait s’endormir le soir même pour ne plus se réveiller.
Rigaud, 1881 : Bohémien. Tribu de bohémiens. — Vagabond, coureur de grands chemins, diseur de bonne aventure et voleur à l’occasion.
Truquage
Virmaître, 1894 : Se dit d’un meuble, d’un tableau ou d’un objet d’art qui a subi un truquage pour lui donner l’apparence de la vétusté ou le style d’une époque. Il y a des truquages célèbres qui ont trompé les plus grands amateurs. Un des plus souvent mystifiés est M. de Rosthschild. Tout le monde a présent à la mémoire le fameux bouclier acheté 100 000 fr., comme datant du XVe siècle, lequel avait été déniché à Rome chez un brocanteur. Ce bouclier avait été fabriqué de toutes pièces dans une cave de la rue Bourg-Labbé, et ne valait pas cent sous (Argot des artistes peintres). N.
France, 1907 : Voir Trucage.
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