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Badaud de Paris

France, 1907 : Niais qui s’amuse de tout, s’arrête à tout, comme s’il n’avait jamais rien vu.
Un jésuite du siècle dernier, le père Labbe, dit que cette expression de badaud vient peut-être de ce que les Parisiens ont été battus au dos par les Normands, à moins qu’elle ne dérive de l’ancienne porte de Bandage ou Badage. Il faut avoir la manie des étymologies pour en trouver d’aussi ridicules.
Celle que donne Littré et qu’il a prise de Voltaire est plus vraisemblable. Badaud vient du provençal badau (niaiserie), dérivé lui-même du mot latin badare (bâiller). Le badaud, en effet, est celui qui ouvre la bouche en regardant niaisement, comme s’il bâillait, qui baye aux corneilles, enfin.
Mais pourquoi gratifier les Parisiens de cette spécialité ? C’est qu’à Paris, comme dans toute grande ville, une foule d’oisifs cherchent sans cesse des sujets de distraction et s’arrêtent aux moindres vétilles. « Car le peuple de Paris, dit Rabelais, est tant sot, tant badault, et tant inepte de nature, qu’un basteleur, un porteur de rogatons, un mulet avec ses cymbales, un vieilleux au milieu d’un carrefour assemblera plus de gents que ne feroit un bon prescheur évangélicque. »
Et plus loin : « Tout le monde sortit hors pour le voir (Pantagruel) comme vous savez bien que le peuple de Paris est sot par nature, par béquarre et par bémol, et le regardoient en grand ébahissement… »
Avant lui, les proverbes en rimes du XVIIe siècle disent déjà :

Testes longues, enfans de Paris
Ou tous sots ou grands esprits.

Ces badauds prétendus de Paris sont surtout des campagnards et des gens de province. Le badaud se trouve partout où affluent les étrangers, aussi bien à Londres qu’à Rome et à Berlin.
Corneille dit :

Paris est un grand lieu plein de marchands mêlés… Il y croit des badauds autant et plus qu’ailleurs.

Et Voltaire :

Et la vieille badaude, au fond de son quartier,
Dans ses voisins badauds vois l’univers entier.

Et enfin Béranger :

L’espoir qui le domine,
C’est, chez un vieux portier,
De parler de la Chine
Aux badauds du quartier.

(Jean de Paris)

Toute grande ville a sa collection d’imbéciles, car il ne suffit pas à un idiot de Quimper-Corentin ou de Pézenas de vivre à Paris pour devenir spirituel : sa bêtise, au contraire, ne s’y étale que mieux.

Bailler

d’Hautel, 1808 : Vous nous la baillez belle. Pour vous moquez-vous de nous ? quel conte nous faites-vous là ?
En bailler d’une. Mentir, bourder, débiter des gasconnades et des fagots ; surprendre la bonne foi de quelqu’un.

Bâiller

d’Hautel, 1808 : Bâiller après quelqu’un, c’est signe qu’on l’aime. Dicton chimérique sous le rapport moral.

Bailler au tableau

Rigaud, 1881 : « Terme de coulisses qui s’applique à un acteur, qui voit au tableau la mise en répétition d’une pièce dans laquelle il n’a qu’un bout de rôle. »

(A. Bouchard, La Langue théâtrale, 1878)

France, 1907 : Se dit, en argot des coulisses, d’un acteur qui, n’ayant qu’un rôle insignifiant dans une pièce, a tout le loisir de bailler devant les tableaux.

Bailler le colas (faire)

France, 1907 : Couper le coup à quelqu’un, argot des voleurs : colas pour cou.

Bailler une cotte rouge à une fille

France, 1907 : Lui prendre sa virginité. Cette expression, qui date du XVIe siècle, s’est conservée dans quelques provinces. Bailler une cotte verte, c’était jeter une fille sur l’herbe.

Jaques au lieu de bailler la cotte verte à s’amie, luy bailla la cotte rouge.

(Heptaméron)

Dans le patois d’Auvergne, on dit d’une fille séduite : O toumbat un fer. La paysanne dépucelée, honteuse et croyant que tous l’observent, a en effet l’allure fausse d’un cheval qui a perdu un fer.

Bâilleur

d’Hautel, 1808 : Un bon bâilleur en fait bâiller deux. Pour dire que l’on bâille en voyant bâiller quelqu’un.

Barder

un détenu, 1846 : Bâiller, entrebâiller. Exemple : Une poche barde quand elle est pleine de quelques objets.

Rossignol, 1901 : Être lourd.

J’ai coltiné toute la journée des colis qui bardaient.

Bleu

Vidocq, 1837 : s. m. — Manteau.

Larchey, 1865 : Conscrit. — Allusion à la blouse bleue de la plupart des recrues.

Celui des bleus qui est le plus jobard.

(La Barre)

Bleu : Gros vin dont les gouttes laissent des taches bleues sur la table.

La franchise, arrosée par les libations d’un petit bleu, les avait poussés l’un l’autre à se faire leur biographie.

(Murger)

Delvau, 1866 : adj. Surprenant, excessif, invraisemblable. C’est bleu. C’est incroyable. En être bleu. Être stupéfait d’une chose, n’en pas revenir, se congestionner en apprenant une nouvelle. Être bleu. Être étonnamment mauvais, — dans l’argot des coulisses.
On disait autrefois : C’est vert ! Les couleurs changent, non les mœurs.

Delvau, 1866 : s. m. Bonapartiste, — dans l’argot du peuple, rendant ainsi à ses adversaires qui l’appellent rouge, la monnaie de leur couleur. Les chouans appelaient Bleus les soldats de la République, qui les appelaient Blancs.

Delvau, 1866 : s. m. Conscrit, — dans l’argot des troupiers ; cavalier nouvellement arrivé, — dans l’argot des élèves de Saumur.

Delvau, 1866 : s. m. Manteau, — dans l’argot des voyous, qui ont voulu consacrer à leur façon la mémoire de Champion.

Delvau, 1866 : s. m. Marque d’un coup de poing sur la chair. Faire des bleus. Donner des coups.

Delvau, 1866 : s. m. Vin de barrière, — dans l’argot du peuple, qui a remarqué que ce Bourgogne apocryphe tachait de bleu les nappes des cabarets. On dit aussi Petit bleu.

Rigaud, 1881 : « C’est le conscrit qui a reçu la clarinette de six pieds ; les plus malins (au régiment) ne le nomment plus recrue ; il devient un bleu. Le bleu est une espérance qui se réalise au bruit du canon. »

(A. Camus)

En souvenir des habits bleus qui, sous la Révolution, remplacèrent les habits blancs des soldats. (L. Larchey)

Rigaud, 1881 : Manteau ; à l’époque où l’homme au petit manteau-bleu était populaire.

Merlin, 1888 : Conscrit.

La Rue, 1894 : Conscrit. Vin. Manteau. C’est bleu ! c’est surprenant.

Virmaître, 1894 : Jeune soldat. Se dit de tous les hommes qui arrivent au régiment. Ils sont bleu jusqu’à ce qu’ils soient passés à l’école de peloton (Argot des troupiers).

Rossignol, 1901 : Soldat nouvellement incorporé. À l’époque où on ne recrutait pas dans le régiment de zouaves, celui qui y était admis après un congé de sept ans était encore un bleu ; les temps sont changés.

Hayard, 1907 : Jeune soldat.

France, 1907 : Conscrit. Ce terme remonte à 1793, où l’on donna des habits bleus aux volontaires de la République. L’ancienne infanterie, jusqu’à la formation des brigades, portait l’habit blanc. Bleu, stupéfait, le conscrit étant, à son arrivée au régiment, étonné et ahuri de ce qu’il voit et de ce qu’il entend ; cette expression ne viendrait-elle pas de là, plutôt que de « congestionné de stupéfaction », comme le suppose Lorédan Larchey ? J’en suis resté bleu signifierait donc : J’en suis resté stupéfait comme un bleu. On dit, dans le même sens, en bailler tout bleu. On sait que les chouans désignaient les soldats républicains sous le sobriquet de bleus.

Bourde

d’Hautel, 1808 : Gausse ; menterie, hâblerie ; gasconnade.
Bailler des bourdes. Dire, des mensonges, des fariboles.

Fustier, 1889 : Mensonge, faute grossière.

On te dit… que t’es venu coller des bourdes aux pauvres bougres.

(L’Esclave Ivre, no 1)

Chat

d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas lui qui a fait cela ; non, c’est le chat. Locution bouffonne et adversative qui a été long-temps en vogue parmi le peuple de Paris, et dont on se sert encore maintenant pour exprimer qu’une personne est réellement l’auteur d’un ouvrage qu’on ne veut pas lui attribuer ; ou pour affirmer que quelqu’un a commis une faute que l’on s’obstine à mettre sur le compte d’un autre.
Il a autant de caprices qu’un chat a de puces. Se dit d’un enfant fantasque, inconstant et capricieux, comme le sont tous les enfans gâtés et mal élevés.
J’ai bien d’autres chats à fouetter. Pour, j’ai bien d’autres choses à faire que de m’occuper de ce que vous dites.
Il a de la patience comme un chat qui s’étrangle. Se dit par plaisanterie d’une personne vive, impatiente, d’une pétulance extrême, et qui se laisse aller facilement à la colère et à l’emportement.
Il trotte comme un chat maigre. Se dit d’une personne qui marche rapidement et avec légèreté ; qui fait beaucoup de chemin en peu de temps.
Mon chat. Nom d’amitié et de bienveillance que les gens de qualités donnent à leurs protégés, et notamment aux petits enfans.
Il a un chat dans le gosier. Se dit d’un homme de temps qui avale sans cesse sa salive, et qui fait des efforts pour cracher.
Il le guette comme le chat fait la souris. Pour, il épie, il observe soigneusement jusqu’à ses moindres actions.
Acheter chat en poche. Faire une acquisition, sans avoir préalablement examiné l’objet que l’on achette.
Il a emporté le chat. Se dit d’un homme incivil et grossier qui sort d’un lieu sans dire adieu à la société.
Chat échaudé craint l’eau froide. Signifie que quand on a été une fois trompé sur quelque chose, on devient méfiant pour tout ce qui peut y avoir la moindre ressemblance.
Traître comme un chat. Faussaire, hypocrite au dernier degré.
Elles s’aiment comme chiens et chats. Se dit de deux personnes qui ne peuvent s’accorder en semble ; qui se portent réciproquement une haine implacable.
À bon chat bon rat. Pour, à trompeur, trompeur et demi ; bien attaqué, bien éludé.
À mauvais rat faut mauvais chat. Pour, il faut être méchant avec les méchans.
À vieux chat jeune souris. Signifie qu’il faut aux vieillards de jeunes femmes pour les ranimer.
Jeter le chat aux jambes. Accuser, reprocher, rejeter tout le blâme et le mauvais succès d’une affaire sur quelqu’un.
À lanuit, tous chats sont gris. Pour dire que la nuit voile tous les défauts.
Il a joué avec les chats. Se dit de quelqu’un qui a le visage écorché, égratigné.
Il est propre comme une écuelle à chat. Se dit par dérision d’un homme peu soigneux de sa personne, et fort malpropre.
Bailler le chat par les pattes. Exposer une affaire par les points les plus difficiles.
Il entend bien chat, sans qu’on dise minon. Se dit d’un homme rusé et subtil, qui entend le demi-mot.
Il a payé en chats et en rats. Se dit d’un mauvais payeur ; d’un homme qui s’acquitte ric à ric, et en mauvais effets.
Une voix de chats. Voix sans étendue, grêle et délicate.
Une musique de chat. Concert exécuté par des voix aigres et discordantes.
Elle a laissé aller le chat au fromage. Se dit d’une fille qui s’est laissé séduire, et qui porte les marques de son déshonneur.

Bras-de-Fer, 1829 : Geôlier.

Vidocq, 1837 : s. m. — Concierge de prison.

Larchey, 1865 : Guichetier (Vidocq). — Allusion au guichet, véritable chatière derrière laquelle les prisonniers voient briller ses yeux.

Larchey, 1865 : Nom d’amitié.

Les petits noms les plus fréquemment employés par les femmes sont mon chien ou mon chat.

(Ces Dames, 1860)

Delvau, 1866 : s. m. Enrouement subit qui empêche les chanteurs de bien chanter, et même leur fait faire des couacs.

Delvau, 1866 : s. m. Geôlier, — dans le même argot [des voleurs]. Chat fourré. Juge ; greffier.

Delvau, 1866 : s. m. Lapin, — dans l’argot du peuple qui s’obstine à croire que les chats coûtent moins cher que les lapins et que ceux-ci n’entrent que par exception dans la confection des gibelottes.

Rigaud, 1881 : Pudenda mulierum.

Rigaud, 1881 : Couvreur. Comme le chat, il passe la moitié de sa vie sur les toits.

Rigaud, 1881 : Enrouement subit éprouvé par un chanteur.

Rigaud, 1881 : Greffier, employé aux écritures, — dans le jargon du régiment. Et admirez les chassez-croisez du langage argotique : les truands appelaient un chat un greffier et les troupiers appellent un greffier un chat. Tout est dans tout, comme disait Jacotot.

Rigaud, 1881 : Guichetier, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Guichetier. Couvreur. Enrouement subit. Pudenda mulierum.

France, 1907 : Couvreur. Comme les chats, il se tient sur les toits.

France, 1907 : Enrouement. Avoir un chat dans le gosier ou dans la gouttière, être enroué.

France, 1907 : Guichetier d’une geôle.

France, 1907 : Nature de la femme. Au moment où le fameux Jack l’Éventreur terrifiait à Londres le quartier de Whitechapel, le Diable Amoureux du Gil Blas racontait cette lourde plaisanterie :
« — Tond les chiens ! coupe les chats !
Un Anglais se précipite sur le malheureux tondeur en criant :
— Enfin, je te tiens, Jack ! »
Ce quatrain du Diable Boiteux est plus spirituel :

 Prix de beauté de Spa, brune, bon caractère !
 Au harem aurait fait le bonheur d’un pacha ;
 Aime les animaux félins, tigre ou panthère,
 Et possède, dit-on, un fort beau petit chat !

Chez lui, revenant après fête,
Un pochard rond comme un portier,
Faible de jambe et lourd de tête,
Cherchait le lit de sa moitié.

Mais il se glissa près de Laure,
La jeune femme du couvreur…
Et ce n’est qu’en voyant l’aurore
Qu’il s’aperçut de son erreur.

— Que va me dire mon épouse ?
Pensa-t-il. Zut ! Pas vu, pas pris !
Elle ne peut être jalouse,
Car la nuit tous les chats sont gris !

(Gil Blas)

Chat, employé pour le sexe de la femme, n’a aucun sens. Le mot primitif est chas, ouverture, fente, dont on a fait châssis. Les Anglais ont le substantif puss, pussy, pour désigner la même chose, mais ils n’ont fait que traduire notre mot chat.

Colabre, colas

Rigaud, 1881 : Cou. Rafraîchir colas, guillotiner. — Aller faire rafraîchir colas, sortir de prison pour monter sur l’échafaud.

La Rue, 1894 : Cou. Faire bailler le colas, couper le cou.

Colas

d’Hautel, 1808 : Un grand Colas. Terme de raillerie qui a la même signification que grand dadais, nigaud, badaud, homme d’une extrême simplicité d’esprit.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Le cou. Faire suer le colas, égorger, couper le cou.

Halbert, 1849 : Le cou.

Delvau, 1866 : s. m. Cou, — dans le même argot [des voleurs]. Faucher le colas. Couper le cou. On dit aussi le colin.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, ou seulement homme timide, — dans l’argot du peuple, qui aime les gens dégourdis. Grand Colas. Nigaud, qui a laissé échapper une bonne fortune.

France, 1907 : Niais, benêt de village. Faire bailler le colas, couper la gorge. Allusion soit au cou, soit au mot Colas, la victime étant, aux yeux de l’assassin, toujours un niais, c’est-à-dire un pante.

Déficher

France, 1907 : Bâiller.

Donner

d’Hautel, 1808 : Se donner du pied au cul. S’émanciper ; faire des siennes ; prendre de grandes libertés.
S’en donner à tire-larigot ; s’en donner à cœur-joie. Se rassasier de plaisir ; en prendre tout son soul.
Donner un pois pour avoir une fève ; un œuf pour avoir un bœuf. Semer pour recueillir ; faire un présent peu considérable dans le dessein d’en retirer un grand profit.
En donner de dures, de belles. Craquer, hâbler, exagérer.
À cheval donné, on ne regarde point à la bride. Voyez Cheval.
Se faire donner sur les doigts. Se faire corriger ; trouver son maître.
S’en donner de garde. Éviter de faire une chose.
On ne donne rien pour rien.
Il n’en donne pas sa part aux chiens.
Voyez Chiens.
Se donner à tous les diables. Se dépiter, se dégoûter de quelque chose quand on y trouve de grands obstacles ; se mettre en colère.
Donner de la gabatine. Tenir des propos ambigus ; faire des promesses que l’on ne veut point tenir.
Qui donne au commun ne donne pas à un. Signifie que personne ne vous tient compte de ce que vous donnez au public.
Donner de la tablature. C’est donner de la peine, du fil à retordre à quelqu’un dans une affaire ; mettre de grands obstacles à son succès.
Donner des verges pour se fouetter. Procurer à un ennemi les moyens de vous nuire.
Donner de cul et de tête dans une affaire. Pour dire y employer toute son industrie, tout son savoir.
Se donner du menu. Signifie prendre ses aises ; se divertir ; ne rien ménager à ses plaisirs.
Le peuple dit à l’impératif de ce verbe, donne moi-zen, il faut dire : donne-m’en, ou donne moi de cela.
Il donneroit jusqu’à sa chemise.
Se dit d’un homme généreux et libéral à l’excès.
À donner donner ; à vendre vendre. Signifie qu’il ne faut pas faire acheter ce que l’on veut donner, ni user d’une libéralité mal entendue lorsqu’on veut vendre.
Donnant, donnant. Pour dire de la main à la main ; ne livrer la marchandise qu’en en recevant l’argent.
Qui donne tôt, donne deux fois. Proverbe qui signifie que la manière de donner vaut souvent plus que ce que l’on donne.
Il ne faut pas se donner au diable pour deviner cela. Veut dire qu’une chose n’a rien de difficile, qu’on peut aisément la deviner.
Vous nous la donnez belle ! et plus communément encore : vous nous la baillez belle. Voyez Bailler.
Je donnerois ma tête à couper. Serment extravagant pour exprimer que l’on est très-sûr de ce que l’on dit.
Donner du nez en terre. Être ruiné dans ses espérances et dans ses entreprises.
Donner un coup de collier. Voyez Coup.

Delvau, 1866 : v. a. Dénoncer, — dans l’argot des voleurs. Être donné. Être dénoncé.

Rigaud, 1881 : Pour donner dans le piège ; abonder, — dans le jargon des filles.

Vous les retrouverez, si les hommes ne donnent pas, arpentant le terrain jusqu’à deux heures du matin.

(F. d’Urville, Les Ordures de Paris, 1874)

La Rue, 1894 : Dénoncer.

Virmaître, 1894 : Dénoncer. Les nonneurs en dénonçant, mot à mot : donnent (livrent) leurs complices à la justice (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Dénoncer.

Ficher

d’Hautel, 1808 : Met bas et trivial qui est d’un fréquent usage parmi les Parisiens, et qui a un grand nombre d’acceptions.
Fichez le camp d’ici. Manière impérative et malhonnête de renvoyer quelqu’un ; et qui équivaut à, sortez d’ici ; retirez-vous.
Va te faire fiche. Pour, va te promener ; laisse moi tranquille.
Se ficher. Pour, se moquer de quelqu’un ; ne pas craindre ses menaces ; s’embarrasser peu de quelque chose.
Je m’en fiche. Pour, je me moque bien de lui ; je m’embarrasse peu de cette chose.
Je ťen fiche. Expression dubitative, pour cette chose n’est pas vraie ; tu te trompes assurément.
Je m’en fiche comme de Colin-Tampon. C’est-à-dire, comme de rien du tout ; je ne fais aucun cas de sa personne.
C’est bien fichant de n’avoir pas pu parvenir à conclure cette affaire.
C’est fichant d’avoir sacrifié son bien pour un ingrat.
C’est fichant de faire le gros seigneur et de n’avoir pas le sou.
Ces locutions, comme on voit, expriment alternativement le regret, la plainte, le déplaisir, l’ironie.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Donner.

Vidocq, 1837 : v. a. — Bâiller.

Larchey, 1865 : Donner, flanquer.

Je l’ai fichue à l’eau.

(E. Sue)

J’lui fiche un soufflet.

(1750, Cailleau)

Fiche-moi la paix.

(Jaime)

Dès la fin du quatorzième siècle, ficher se trouve souvent dans le livre des faicts du mareschal de boucicaut (édit. michaud). — à une déroute de sarrasins, il est dit que les jardins favorisèrent beaucoup leur retraite, car s’y fichèrent ceulx qui eschapper peurent (p. 276). — la même année (1399), on nous représente les vénitiens après un combat maritime s’en allant ficher en leur ville de modon (p. 283). — enfin,

quand chateaumorant, avec la compaignée des autres prisonniers feurent arrivez à venise, adonc on les ficha en forte prison.

(édit. petitot, t. II, p. 83)

Larchey, 1865 : Faire. — Il est à remarquer que la finale de cet infinitif s’élide presque toujours.

Mais voyons, Limousin, avec un méchant budget d’une cinquantaine de millions, qu’est-ce que tu peux fiche ?

(Gavarni)

Larchey, 1865 : Fourrer.

Ne vas pas te ficher cela dans la cervelle.

(Le Rapatriage, parade du dix-huitième siècle)

Delvau, 1866 : v. a. Donner. Signifie aussi : Appliquer, envoyer, jeter.

Delvau, 1866 : v. n. Faire, convenir, importer. Une remarque en passant : On écrit Ficher, mais on prononce Fiche, à l’infinitif.

France, 1907 : Donner, envoyer. C’est une corruption du bas latin ficham facere, faire la fine, se moquer de quelqu’un.
Voir Faire fi. Les Italiens disent : Far le fiche. « Fichez-moi la paix. »

Ficher ou deficher

Halbert, 1849 : Bailler.

Ficher ou déficher

anon., 1827 : Bailler.

Gambade

d’Hautel, 1808 : Faire des gambades d’oreillers. Pour bailler fréquemment, ce qui dénote l’envie de dormir.
Faire ses gambades. Danser follement ; faire des singeries, des fredaines.

Gargue

Vidocq, 1837 : s. f. — Bouche.

Delvau, 1866 : s. f. Bouche, — dans l’argot des voleurs. C’est l’apocope de Gargoine.

Rigaud, 1881 : Bouche, — clans le jargon des voleurs. — Ivoires en gargue, dents blanches.

Virmaître, 1894 : La bouche (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : La bouche (de gargamelle).

France, 1907 : Gosier, bouche. Entre-bâiller la gargue, parler.

Hiater

Delvau, 1866 : v. n. Bâiller, s’entr’ouvrir comme hiatus. L’expression appartient à J. Janin, qui l’a employée à propos des guenilles indécentes de Chodruc Duclos.

France, 1907 : Bâiller, faire un hiatus.

L’expression — dit Delvau — appartient à Jules Janin, qui l’a employée à propos des guenilles indécentes du célèbre cynique Chodruc-Duclos.

Lire aux astres

Delvau, 1866 : v. n. Muser, faire le gobe-mouches ; regarder en l’air au lieu de regarder par terre, — comme astrologue de la fable.

Virmaître, 1894 : Synonyme de bailler à la lune, mettre trois heures pour faire une course de cinq minutes (Argot du peuple). V. Gobe-mouches.

France, 1907 : Baguenauder, muser, bayer aux corneilles, regarder voler les mouches.

Male-nuit (donner la)

France, 1907 : Empêcher de dormir. C’était, au moyen âge, un des pourvoir que s’attribuaient les sorciers et les sorcières. Il suffisait de regarder une certaine étoile et de lui dire : « Je te salue, étoile lumineuse, et te conjure d’aller bailler la male-nuit à telle personne, selon mes intentions. » Et le conjurateur terminait en répétant trois fois : « Va, petite ! Va, petite ! Va, petite ! »

Malthe

d’Hautel, 1808 : Faire des croix de Malthe. Pour dire, jeûner par contrainte, être réduit à la nécessité. S’ennuyer, trouver le temps long, bâiller.

Mettre le moine

Delvau, 1866 : v. a. Passer un nœud coulant au pouce du pied d’un soldat pendant son sommeil, et tirer de temps en temps la corde par petites secousses : les contorsions douloureuses qu’il fait, sans se réveiller, sont très drôles, au dire des troupiers farceurs. Au XVIe siècle on disait Bailler le moine.

Moine (l’habit ne fait pas le)

France, 1907 : Ce ne sont ni les apparences ni la parure qui font l’honnête homme. Ce dicton, qui est très ancien, se trouve sous différentes formes dans les fabliaux du XIIIe siècle : Li abis ne fait pas l’ermite ; Li abis ne fait pas le religieux ni la bonne conscience : Tous ceulx ne sont pas clercs qui en portent le semblant, ne chevaliers qui portent espérons. Dans son Prologue, Rabelais écrit : « Vous mesmes dictes que l’habit ne fait pas le moine, et tel est vestu d’habit monachal qui au dedans n’est rien moins que moine. »

Tel a robe religieuse,
Doncques il est religieux,
Cet argument est vicieux
Et ne vault une vieille gaine,
Car la robe ne fait le moyne.

(Le Roman de la Rose)

Le moyen âge s’est fort moqué des moines, et non sans raison, et les dictons qui les tournent eu ridicule ou les flagellent abondent. Citons-en quelques-uns. La vue d’un moine était de mauvais augure, d’où bailler le moine pour signifier porter malheur à quelqu’un. « C’est une méchante chair que de moine, encore vaut-elle pis que d’abbé. » « Il n’est envye que de moyne. » « Pour un moine faut couvent de filles. »

Le moine, la none et la béguine
Sont fort pires que n’en ont la mine.

« Grand navire veult grand’eau et gros moine gros veau. »

Mieux vaut gaudir de son patrimoine
Que le laisser à un ribaud moine.

Picotin d’avoine

Delvau, 1864 : Ration de sperme que l’homme marié donne plus ou moins fréquemment a sa femme, afin qu’elle n’aille pas se plaindre a ses voisines — et surtout se faire consoler par ses voisins.

Soudain que la gouge on emmanche,
Lui rebailler le picotin,
Si l’instrument ne se démanche.

(G. Coquillart)

Quinte major

Rigaud, 1881 : Soufflet bien appliqué ; allusion à la quinte majeure.

Je suis bien tenté de te bailler une quinte major, en présence de tes parents.

(Molière, La Jalousie du barbouillé, scène V. — 1663)

Tirer les pattes (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’ennuyer, — dans l’argot des typographes, à qui il répugne probablement de s’étirer les bras.

Rigaud, 1881 : Bâiller en allongeant les bras au-dessus de la tête.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique