Entrez le mot à rechercher :
  Mots-clés Rechercher partout 


Abbaye de Saint-Pierre

Rigaud, 1881 : Nom que donnaient à la guillotine, il y a une quinzaine d’années, les lauréats de Cour d’assises ; jeu de mots sur saint Pierre et cinq pierres, par allusion aux cinq dalles qui formaient le plancher de l’échafaud. Depuis qu’il est à ras de terre, c’est la Plaine rouge, le Glaive ou encore la Veuve Razibus.

Accordéon

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau Gibus, — dans l’argot des faubouriens, par allusion au soufflet placé à l’intérieur de ce chapeau. Se dit aussi d’un chapeau ordinaire sur lequel on s’est assis par mégarde.

Rigaud, 1881 : Chapeau à claque, chapeau sur lequel on s’est assis avec ou sans intention.

T’es pas un frère ! tu m’as mis mon chapeau en forme d’accordéon.

(Le Triboulet du 22 fév. 1880)

France, 1907 : Chapeau gibus.

Aller voir défiler les dragons

Delvau, 1866 : Dîner par cœur, c’est-à-dire ne pas dîner du tout, — dans l’argot du peuple, qui se rappelle le temps où, ne pouvant repaître son ventre, il allait repaître ses yeux, sous la République, des hussards de la guillotine, et sous l’Empire des dragons de l’Impératrice. Qui admire, dîne !

Virmaître, 1894 : Ne pas manger. Être de la revue signifie la même chose (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Se passer de manger.

France, 1907 : Se passer de dîner ; expression qui vient sans doute de l’habitude qu’on les pauvres gens qui n’ont pas de quoi dîner d’errer par les rues et d’assister au défilé des soldats, aux parades militaires qui avaient lieu précisément à l’heure où l’on dîne.
Les Anglais disent : To dine with Duke Humphrey, dîner avec le duc Humphrey, à cause de l’aventure arrivée à un gentleman qui, ayant été visiter avec plusieurs de ses amis le tombeau du duc Humphrey de Glocester, y fut enfermé par plaisanterie ou par mégarde et y resta pendant que le reste de la compagnie dînait dans une hôtellerie voisine. Quand on lui ouvrit le caveau, on dit qu’il avait dîné avec le duc Humphrey et le proverbe resta.

Allumer

d’Hautel, 1808 : Allumez la lumière. Phrase très-usitée parmi le peuple, pour Allumez la chandelle.
Allumer quelqu’un. Le regarder avec recherche et d’une manière indiscrète.

Vidocq, 1837 : v. a. — Regarder attentivement.

Clémens, 1840 : Regarder.

Larchey, 1865 : Regarder fixement, éclairer de l’œil pour ainsi dire. — Très ancien. Se trouve avec ce sens dans les romans du treizième siècle. V. Du Cange.

Allume le miston, terme d’argot qui veut dire : Regarde sous le nez de l’individu.

(Almanach des Prisons, 1795)

Allumer : Déterminer l’enthousiasme.

Malvina remplissait la salle de son admiration, elle allumait, pour employer le mot technique.

(Reybaud)

Allumer : Pour un cocher, c’est déterminer l’élan de ses chevaux à coups de fouet.

Allume ! allume !

(H. Monnier)

Allumé : Échauffé par le vin.

Est-il tout a fait pochard ou seulement un peu allumé ?

(Montépin)

Allumeur : Compère chargé de faire de fausses enchères dans une vente.

Dermon a été chaland allumeur dans les ventes au-dessous du cours.

(La Correctionnelle, journal)

Allumeuse, dans le monde de la prostitution, est un synonyme de marcheuse. Dans ces acceptions si diverses, l’analogie est facile à saisir. Qu’il s’applique à un tête-à-tête, à un spectacle, à un attelage, à un repas, ou une vente, allumer garde toujours au figuré les propriétés positives du feu.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Voir, regarder, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : v. a. Provoquer l’admiration ; jeter le trouble dans le cœur d’un homme, comme font certaines femmes avec certains regards. Se dit aussi du boniment que font les saltimbanques et les marchands forains pour exciter la curiosité des badauds. L’expression est vieille.

Delvau, 1866 : v. n. Exciter un cheval à coups de fouet. Argot des cochers.

Rigaud, 1881 : Enthousiasmer, exciter l’admiration, surexciter.

Avec un costume neuf elle allumerait une salle.

(Huysmans, Marthe)

Allumer le pingouin, exciter l’enthousiasme du public, dans le jargon des saltimbanques.

Rigaud, 1881 : Regarder avec soin, observer, — dans le jargon du peuple.

Tais-toi, Pivoine, le républicain nous allume.

(A. Joly, Fouyou au Lazary, Chans.)

Dans l’argot des camelots et des marchands forains, allumer a le sens de surveiller l’acheteur, de veiller à ce qu’il ne chipe rien. — Allumer le pante. — Allumer le miston. On disait au XVIIIe siècle éclairer dans le même sens ; c’est le aliquem specidari de Cicéron.

Rigaud, 1881 : Stimuler un cheval à coups de fouet.

Le pauvre gars apparut, tout piètre encore, et se hissa péniblement dans la voiture. Après lui, madame y monta, puis, en route, allume !

(L. Cladel, Ompdrailles, Le Tombeau-des-lutteurs)

La Rue, 1894 : Regarder avec soin. Enthousiasmer. Allumer le pingouin, exciter la curiosité ou l’enthousiasme des badauds, dans le jargon des saltimbanques. Signifie aussi écouter.

Virmaître, 1894 : Faire de l’œil à un passant. Chauffer une salle de théâtre ou une réunion publique pour faire éclater l’enthousiasme et assurer le succès. Frapper ses animaux à coups de fouet pour les exciter. Compères chargés dans les salles de ventes d’allumer les acheteurs (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Regarder.

Allume la tronche de la môme qui radine.

Allumer veut aussi dire payer ; celui qui solde une dépense allume. Chez les artistes, allumer veut dire regarder dans la salle s’il y aura pour la sortie un monsieur galant.

Les allumeuses ne sont pas toujours celles qui éteignent.

France, 1907 : Veiller, être aux aguets, ouvrir l’œil, dans l’argot des voleurs :

Si le Squelette avait eu tantôt une largue comme moi pour allumer, il n’aurait pas été moucher le surin dans l’avaloir du grinche.

(Eug. Sue, Les Mystères de Paris)

Un jeune mais cynique vagabond est assis sur le banc des accusés, à la police correctionnelle.
Le président. — Prévenu, que faisiez-vous au moment de votre arrestation ?
Le prévenu. — J’avais l’œil au grain.
Le président. — Vous dites ?
Le prévenu. — J’allumais.
Le président. — Veuillez vous exprimer dans un langage clair, et surtout plus convenable.
Le prévenu. — Je ne connais que celui-là, moi. Je parle la langue de mes aïeux !

anon., 1907 : Regarder. Allume tes chasses : ouvre tes yeux.

Ambulante

Rigaud, 1881 : Fille publique. Allusion aux marches et contremarches auxquelles ces demoiselles se livrent, avant de se livrer au public. Le mot remonte au siècle dernier.

Une belle soirée qu’elles étaient assises au pied d’un arbre, et interrogeaient les passants, s’ils voulaient s’amuser (c’est le terme technique avec lequel ces ambulantes expriment sous une image honnête l’acte de leur métier le plus malhonnête).

(Anecdotes sur la comtesse du Barry, 1776)

Virmaître, 1894 : Fille qui va de cafés en cafés, tantôt à Montmartre tantôt à Grenelle. C’est généralement une fille rangée qui n’a pas de souteneur. Elle passe dans son quartier pour une laborieuse ouvrière qui va travailler au loin. Elle ne ramène jamais chez elle (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Voleuse qui va de maison en maison offrir de menus objets de vente.

Anastasie

Rigaud, 1881 : Nom donné par les journalistes au bureau de la censure littéraire. Les dessinateurs la représentent toujours une paire de ciseaux menaçants à la main, fer aussi cruel pour les œuvres de l’esprit que le rasoir du chanoine Fulbert pour l’amant infortuné de l’infortunée Héloise. — Un dessin de la Revue parisienne du 9 août 1877 représente une soirée chez Anastasie, avec cette légende :

Le domestique annonçant : MM. X., Y., Z., journalistes, dessinateurs. — Madame Anastasie (à un invité) : Soyez donc assez aimable pour voir si on a servi les glaces aux amendes et aux suspensions ?

France, 1907 : La censure ; argot des gens de lettres. Voici l’origine de ce nom donnée par l’Intermédiaire des chercheurs et des curieux : « Un petit journal illustré, qui avait souvent des difficultés avec la censure des dessins, voulut la personnifier et il choisit le prénom d’Anastasie, uniquement parce que ce prénom a cours dans les vaudevilles et qu’on est accoutumé à en rire. Telle est l’origine d’Anastasie, qui, depuis, a désigné, parmi les journalistes, non seulement la censure des dessins, mais encore la censure de toute publication périodique imprimée. »
« Même dans les sphères officielles, il n’y a pas bien longtemps encore, tout ce qui rappelait la propagation de l’espèce humaine était tenu pour éminemment pornographique. Et il me souvient qu’Anastasie, cette vieille prude qui donne si facilement son visa aux ordures débitées dans tous nos beuglants, interdit une ravissante chanson d’Henry Rubois, dont voici le premier couplet et le refrain :

Vous qui par vos grâces exquises
Gouvernez le monde au total,
Ô femmes ! premières assises
De l’édifice social.
Dans les temps troublés où nous sommes,
Mes belles croqueuses de pommes,

Faites des enfants,
On a besoin d’hommes !
Faites des enfants
Roses, bien portants ! »

(Georges Nazim, Estafette)

Aponiché

France, 1907 : Assis.

Armes

d’Hautel, 1808 : Il représente les armes de Bourges. Se dit satiriquement d’un homme mal élevé, qui, sans égard pour les personnes qui l’entourent, et au mépris de toute bienséance, s’étale tout de son long dans un fauteuil ; par allusion aux armes de Bourges qui représentoient un âne assis dans un fauteuil.

Armure d’Éros

France, 1907 : Ce que nous appelons Capotes anglaises et nos voisins d’outre-Manche Lettres françaises. C’est ainsi que d’un pays à l’autre on se renvoie la balle.

Dame Coignet avoua au président des assises qu’en femme prudente elle avait dans son chiffonnier une provision de ces confections de mode anglaise que débitent à Paris des frères de nom italien, confections que le XVIIIe siècle fragonardesque appelait Armures d’Éros, carquois légers où il conserve ses flèches et que notre siècle, plus terre à terre, appelle les water-proofs de l’amour. L’infortuné Courtial était encore revêtu de cette cuirasse imperméable quand il reçut le coup fatal. Seule avec son cadavre, sa complice s’empressa de lui retirer cette pièce à conviction, qui ne figura pas aux débats.

(Gil Blas)

Arpions

Ansiaume, 1821 : Les mains.

Ils lui ont ligotté les arpions et rifaudé les paturons.

Vidocq, 1837 : s. m. — Pieds.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les pieds de l’homme, considérés — dans l’argot des faubouriens — comme griffes d’oiseau, à cause de leurs ongles que les gens malpropres ne coupent pas souvent.

Virmaître, 1894 : Vieille expression qui veut dire : pieds. Jean Hiroux disait au président des assises :
— Je demande qu’on fasse sortir le gendarme, il plombe des arpions.
— Gendarme, répondit le président, remuez vos pieds dans vos bottes d’ordonnance. Prévenu, la punition commence (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Les pieds.

France, 1907 : Les pieds, argot populaire ; du vieux français Harpions, griffes, appelés ainsi, dit Alfred Delvau, à cause de leurs ongles que les gens malpropres ne coupent pas et ne nettoient jamais.

Près des théâtres, dans les gares,
Entre les arpions des sergots,
C’est moi que j’ceuill’ les bouts d’cigares,
Les culots d’pipe et les mégots.

(Jean Richepin)

As

Rigaud, 1881 : Les restaurateurs et les limonadiers désignent sous ce nom la table qui porte le numéro 1, et, par extension, le consommateur assis à cette table. C’est ordinairement la plus proche de la porte d’entrée.

Dans l’enceinte gastronomique, vous devenez un chiffre, un numéro… un pied de cochon à l’as ; enlevez chaud !

(Léo Lespès, Paris dans un fauteuil)

Assiette au beurre

France, 1907 : Figure populaire pour signifier les honneurs, les places, les pots-de-vin que se partagent les gens au pouvoir, députés, sénateurs, ministres, etc.

Une poignée d’intrigants, de tripoteurs, d’aventuriers au passé louche ont barboté la fortune de la France. Ils se partagent les emplois, les honneurs, les distinctions, les sinécures. Rien ne peut contre eux, ni les concussions avérées, ni les honteux trafics, ni le népotisme éhonté, ni les scandales, ni le discrédit qu’ils nous attirent devant les nations, ni même leur propre médiocrité. Comme l’hydre de Lerne qui multipliait ses têtes à mesure qu’on en abattait, il semble que chaque honte nouvelle les raffermisse au pouvoir.
Et le peuple, qui a d’abord assisté avec indignation et stupeur à ce spectacle de nos hontes, retombe dans sa fataliste indifférence jusqu’à ce que le coup de fouet d’un suprême scandale vienne le secouer de sa torpeur. Alors, d’un formidable coup de pied, il enfoncera la porte de la salle où l’on se partage l’assiette au beurre et chassera la tourbe aux gémonies.

(Hector France, Lettres rouges)

Assis (les)

France, 1907 : Les commis aux écritures, employés de bureau, ronds de cuir, culs de plomb, chieurs d’encre.

Oh ! c’est alors qu’il faut plaindre… les malheureux qu’un travail sédentaire courbe sur un bureau… c’est alors qu’il convient de se lamenter sur le sort des assis.

(Richepin, Le Pavé)

Assister

d’Hautel, 1808 : Dieu vous assiste. Vœu stérile, ou plutôt manière d’éconduire un pauvre auquel on refuse l’aumône. C’est aussi une salutation respectueuse que l’on fait à une personne qui éternue.
Dieu assiste trois sortes de personnes : les enfans, les fous et les ivrognes. On dit plus habituellement, qu’Il y a un dieu pour les enfans, les fous et les ivrognes, parce que les chutes fréquentes qu’ils font, leur sont rarement préjudiciables.

Delvau, 1866 : v. a. Porter le pagne à un détenu, — dans l’argot des voleurs et des filles.

France, 1907 : Porter à manger à un détenu ; argot des voleurs et des filles.

Autel

Delvau, 1864 : La nature de la femme, où nous venons, prêtres fervents, officier chaque jour, culotte bas et pine en main.

Et dévotement sur l’autel,
Je pose mes lèvres tremblantes :
De ma langue, en flammes ardentes,
S’élancent…

(A. François)

À l’autel de la volupté
Soudain s’approche une inconnue
Du morpion silencieux.

(B. de Maurice)

Si tous les autels de Vénus étaient aussi dégoûtants.

(Les Maris à la mode)

Delvau, 1866 : s. m. La table devant laquelle est assis le vénérable. Argot des francs-maçons.

Bachasse

Ansiaume, 1821 : Galère.

Gerbé à vioc, si tu rejoins la bachasse, tu es marron.

Vidocq, 1837 : s. — Travaux forcés, galères.

Halbert, 1849 : Galère.

Larchey, 1865 : Galère. — Augmentatif de bac : bateau.

En bachasse tu pégrenneras jusqu’au jour du décarement.

(Vidocq)

Delvau, 1866 : s. f. Travaux forcés. Même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Travaux forcés, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Travaux forcés.

France, 1907 : Travaux forcés. Abréviation de basses-chasses, allusion aux châssis bas desquels sortaient les avirons des anciens rameurs de galères. (Lorédan Larchey)

Bagatelle

d’Hautel, 1808 : S’amuser à la bagatelle. Donner son temps & des choses frivoles, ne penser qu’a la dissipation et aux plaisirs.
Il ne faut pas s’amuser aux bagatelles de la porte. Voyez Amuser.

La Rue, 1894 : Amour.

Rossignol, 1901 : La femme honnête n’aime pas son mari uniquement pour la bagatelle.

France, 1907 : Une affaire de canapé, ainsi que le disait Napoléon, en parlant de l’amour. Être porté sur la bagatelle, aimer à rendre le devoir amoureux aux dames.

Enfin, dernier tableau, une almée et sont danseur jouèrent la pantomime de la Bagatelle (sic). Impossible de décrire l’enthousiasme des assistants indigènes à ce spectacle.

(Alfred Lecomte)

Elle ne croyait pas à l’amour
Et très tard resta demoiselle,
Quand, d’un galant, notre donzelle
Accepta la main un beau jour.
Elle prisa fort la bagatelle
Et révéla une ardeur telle
Que le pauvre diable en est mort !
N’éveillons pas le chat qui dort.

Balancer les châssis

Rigaud, 1881 : Regarder de tous les côtés, jeter les yeux à droite et à gauche, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Regarder vivement de tous les côtés, par ex. en faisant le guet.

France, 1907 : Faire le guet, avoir l’œil.

Béguin

Larchey, 1865 : Passion. — Vient du mot béguin : chaperon, coiffure. Allusion semblable à celle qui fait appeler coiffée une personne éprise.

Il y a bel âge que je ne pense plus à mon premier béguin.

(Monselet)

Béguin :Tête.

Tu y as donc tapé sur le béguin.

(Robert Macaire, 1836)

Delvau, 1866 : s. m. Caprice, chose dont on se coiffe volontiers l’esprit. Argot de Breda-Street. Avoir un béguin pour une femme. En être très amoureux. Avoir un béguin pour un homme. Le souhaiter pour amant quand on est femme — légère.
On disait autrefois S’embéguiner.

Delvau, 1866 : s. m. Tête, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Tête. C’est la tête prise pour le bonnet. Caprice amoureux. — Avoir un béguin, être épris de.

Moi, monsieur, j’ai un béguin pour les hommes rassis et pas trop spirituels… Aussi vous me plaisez.

(Almanach du Charivari, 1880)

La Rue, 1894 : Tête. Caprice amoureux.

Virmaître, 1894 : Petit serre-tête en toile que l’on met sur la tête des enfants nouveau-nés (Argot des nourrices). V. Avoir un béguin.

Rossignol, 1901 : Être amoureux d’une femme ou d’une chose.

J’ai un béguin pour cette femme. — Allons en ce café, j’ai un béguin pour cet établissement.

Béguin veut aussi dire aimer à… l’œil, sans que ça coûte.

France, 1907 : Caprice.

— J’ai toujours eu un béguin pour toi, tu sais bien, j’aime les grosses femmes, on ne se refait pas !

(Oscar Méténier)

C’est pas un’ plaisanterie,
Faut que j’passe mon béguin ;
J’suis pas jolie, jolie,
Mais j’suis cochonne tout plein.

(Louis Barron)

Frère Laurent. — Alors, vous voulez vous marier ?
Juliette. — Oui, j’ai le béguin pour lui.
Roméo. — Et moi, je l’idole.
Frère Laurent. — Une bonne niche à faire à vos raseurs de pères, ça me va… Une, deux, trois, ça y est… vous l’êtes !

(Le Théâtre libre)

— J’sais bien qu’i’ n’est pas beau, va, il a une taille de hareng, i’ louche même !
Mais quoi ! elle l’aimait ! Cette asperge montée et défraichie, elle en était toquée ! « C’est bête, va, d’avoir des béguins »

(Aug. Germain)

Béguin veut dire aussi tête, dans l’argot populaire : Se mettre quelque chose dans le béguin.

Blanchisseur

d’Hautel, 1808 : Le peuple a coutume de dire blanchisseux ; ce qui est un barbarisme.

Delvau, 1866 : s. m. Celui qui révise un manuscrit, qui le polit, — dans l’argot des gens de lettres, par allusion à l’action du menuisier, qui, à coups de rabot, fait d’une planche rugueuse une planche lisse. Signifie aussi Avocat.

La Rue, 1894 : Avocat.

Virmaître, 1894 : Avocat. Ce mot date du procès du fameux empoisonneur Couty de Lapommerais. Dans les couloirs du palais, avant l’audience des assises, on discutait la condamnation ou l’acquittement ; la majorité des avocats étaient d’avis qu’il serait acquitté parce que Lachaud blanchit. Lachaud était le défenseur de Lapommerais. Les voleurs se souviennent du calembour (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 / Hayard, 1907 : Avocat.

France, 1907 : Avocat, qui en effet est chargé de rendre l’accusé blanc comme neige ; homme de lettres qui revoit les manuscrits des débutants littéraires et les rend présentables au public.

Bonir ou bonnir

France, 1907 : Parler, avertir ; argot des voleurs. Bonir au ratichon, se confesser.

On y entendait des choses étranges, burlesques, sinistres. Dans un coin, deux anciens relingues y dévidait le vieux jars. Un jeune freluqueux, assis entre deux gonzesses recoquinchées, y bonissait le neu filin.

(Louise Michel)

Boulangisme

France, 1907 : État d’esprit qui, à un moment donne, fut celui de la grande majorité des Parisiens et d’une partie de la France, et qui démontre suffisamment l’écœurement d’une nation en face des tripotages, des malversations, du népotisme du gouvernement opportuniste.
Voici une définition très exacte du boulangisme cueillie dans le Gaulois et signée Arthur Meyer :

Le boulangisme, substantif masculin singulier. Aspiration vague et mystique d’une nation vers un idéal démocratique, autoritaire, émancipateur ; état d’âme d’un pays qui, à la suite de déceptions diverses, que lui ont fait éprouver les partis classiques dans lesquels il avait foi jusque-là, cherche, en dehors des voies normales, autre chose sans savoir quoi, ni comment, et rallie à la recherche de l’inconnu tous les mécontents, tous les déshérités et tous les vaincus.

Écoutons d’autres cloches.

On sait qu’en beaucoup d’endroits, on vit, au début de cette agitation, quelques radicaux et quelques socialistes, trompés par la phraséologie pompeuse des lieutenants du boulangisme, se faire les alliés du parti césarien naissant. La plupart sont heureusement revenus de leur erreur. Ils comprirent à temps qu’on voulait leur faire jouer le rôle de dupes.

(Le Parti ouvrier)

Le boulangisme fut un mouvement démocratique, populaire, socialiste même, qui s’incarna dans un soldat jeune, brave, actif et patriote. Il trouva ses solides assises dans le peuple, dans les grands faubourgs ouvriers… Malheureusement pour le général, on lui montra cette chimère : la possibilité de triompher plus vite en prenant des alliés à droite.

(Mermeix)

Boulotage

Vidocq, 1837 : s. f. — Assistance.

Bouloter

Vidocq, 1837 : v. a. — Assister.

Delvau, 1866 : Assister un camarade, — dans l’argot des voleurs.

Boulotter

un détenu, 1846 : Aller lentement. Exemple : Les affaires boulottent.

Halbert, 1849 : Manger.

Larchey, 1865 : Vivre à l’aise. Mot à mot : rouler sans peine dans la vie. — Diminutif de bouler.

Ils boulottaient l’existence, sans chagrin de la veille, sans souci du lendemain.

(De Lynol)

Boulotter : Assister (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. Manger. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : v. n. Aller doucement, faire de petites affaires. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Manger. — boulotter de l’argent, manger de l’argent.

Rigaud, 1881 : N’aller ni bien ni mal, marcher doucement, en parlant de la santé, des affaires. — Ça boulotte.

Boutmy, 1883 : v. intr. Manger. Aller boulotter, c’est aller prendre son repas. Cette expression est commune à d’autres argots.

La Rue, 1894 : Manger. Boulottage, mangeaille.

Virmaître, 1894 : Faire ses petites allaires. Quant ça va bien on dit : ça boulotte à la douce, comme le marchand de cerises. On sait que ce dernier pour annoncer sa marchandise crie :
— À la douce, à la douce (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Manger (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Manger ; on dit aussi lorsque ça va bien : ça boulotte.

France, 1907 : S’emploie aussi, dans l’argot des voleurs, pour aider un camarade.

France, 1907 : Vivre à l’aise sans trop se faire de bile, aller doucement, réaliser de petits bénéfices. Boulotter l’existence, vivre tranquillement, être eu bonne santé.

Ils boulottaient l’existence sans chagrin de la veille, sans souci du lendemain.

(Lynol)

Se dit aussi pour manger :

Quand y a plus rien à boulotter,
On va là où qu’on vous invite.

(Ch. Saint-Heant)

Boulotter de la galette, dépenser de l’argent.

Et tout le monde se disperse, vivement, excepté les trois compères et le môme, qui rentrent d’un pas tranquille dans Paris pour y fricoter l’argent des imbéciles, y boulotter la galette des sinves.

(Richepin)

Bourdon

d’Hautel, 1808 : On dit de quelqu’un qui parle continuellement, que c’est un bourdon perpétuel.
Bourdon. En terme d’imprimerie, omission que fait le compositeur dans le manuscrit qu’il compose.

Halbert, 1849 : Femme prostituée.

Delvau, 1864 : Le membre viril, — sur lequel s’appuie si volontiers la femme qui va en pèlerinage a Cythère.

La croix et le bourdon en main.

(B. de Maurice)

Extasiée, fendue par l’énorme grosseur du vigoureux bourdon de mon dévirgineur, les cuisses ensanglantées, je restai quelque temps accablée par la fatigue et le plaisir.

(Mémoires de miss Fanny)

Delvau, 1866 : s. m. Fille publique, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Mots oubliés, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Fille de joie, — dans le jargon des voleurs.

Boutmy, 1883 : s. m. Omission d’un mot, d’un membre de phrase ou d’une phrase. Ces omissions exigent souvent un grand travail pour être mises à leur place quand la feuille est en pages et imposée dans les châssis. V. Jacques (Aller à Saint-), Aller en Galilée, en Germanie. Le bourdon défigure toujours le mot ou la phrase d’une façon plus ou moins complète. On raconte que la guerre de Russie, en 1812, fut occasionnée par un bourdon. Le rédacteur du Journal de l’Empire, en parlant d’Alexandre et de Napoléon, avait écrit : « L’union des deux empereurs dominera l’Europe. » Les lettres ion furent omises et la phrase devint celle-ci : « L’UN des deux empereurs dominera l’Europe. » L’autocrate russe ne voulut jamais croire à une faute typographique. Avouons-le tout bas, nous sommes de son avis ; car trois lettres tombées au bout d’une ligne, c’est… phénoménal. L’exemple suivant n’est que comique : il montre que le bourdon peut donner lieu quelquefois à de risibles quiproquos ; nous copions textuellement une lettre adressée au directeur du Grand Dictionnaire : « Monsieur, accoutumé à trouver dans votre encyclopédie tout ce que j’y cherche, je suis étonné de ne pas y voir figurer le mot matrat, qui est pourtant un mot français, puisqu’il se trouve dans le fragment de la Patrie que je joins à ma lettre. Agréez, etc. », Voici maintenant le passage du journal auquel il est fait allusion : « La cérémonie était imposante. Toutes les notabilités y assistaient ; on y remarquait notamment des militaires, des membres du clergé, des matrats, des industriels, etc. » M. X*** ne s’était pas aperçu du bourdon d’une syllabe et s’était torturé l’esprit à chercher le sens de matrats, quand un peu de perspicacité lui eût permis de rétablir le mot si français de magistrats.

Virmaître, 1894 : Fille qui fait le trottoir. Cette expression vient de ce que les filles chantent sans cesse, ce qui produit aux oreilles des passants un bourdonnement semblable à celui du petit insecte que l’on nomme bourdon (Argot des souteneurs).

Virmaître, 1894 : Quand le metteur en page ne s’aperçoit pas qu’un mot a été oublié en composant un article, ce dernier devient incompréhensible. S’il s’en aperçoit et qu’il faille remanier le paquet, c’est enlever le bourdon (Argot d’imprimerie).

Rossignol, 1901 : Nom donné à un mauvais cheval par les cochers et charretiers. Une fille publique qui ne gagne pas d’argent est aussi un bourdon.

France, 1907 : Prostituée, dans l’argot des voleurs, sans doute à cause des paroles basses qu’elle murmure à l’oreille des passants et qui ressemblent à un bourdonnement. Faute typographique, argot des imprimeurs.

L’on oublie, en composant, des mots, des lignes, même des phrases. Ces omissions portent le nom de bourdons. Les dits bourdons exigent un grand travail pour être replacés, lorsque la feuille est imposée, ou serrée avec des coins de bois dans un cadre de fer.

(Jules Ladimir, Le Compositeur-typographe)

Bourrache

Rigaud, 1881 : Cour d’assises. Comme la plante de ce nom, la Cour d’assises est pour le voleur un puissant sudorifique ; elle lui procure une de ces émotions qui trempent des chemises. En outre, par quasi-homonymie, le mot rappelle celui de bourrade et offre à l’oreille une corrélation avec ceux de bourrique et de bourreur de pègres, sous lesquels le voleur désigne les agents de la sûreté et le code pénal. — Marguillier de bourrache. Juré. Le banc du jury présente une analogie avec le banc des marguilliers.

Box

France, 1907 : Comptoir, anglicisme : littéralement : boîte, caisse.

La caissière assiste de son box à toutes ces scènes risquées, lubriques, sans paraître s’émouvoir. On croirait que le bruit de ces baisers violents, que ces mots d’un argot particulier, que ce langage dans lequel un chat est un chat, que ces accouplements d’êtres humains, que tout cela n’arrive pas jusqu’à elle.

(La Nation)

France, 1907 : Stalle d’écurie ; anglicisme.

Brancards de laine (avoir des)

France, 1907 : Être boiteux on mal assis sur ses jambes.

Brigadier de l’amour (le)

Delvau, 1864 : Le doigt médium, — à cause de l’assistance qu’il prête aux amants dans les jeux libertins, puisque c’est avec lui qu’on branle une femme.

Quand amour perd de sa flamme,
Ce doigt la réveille en vous ;
Lorsqu’aussi près d’une dame
Le dieu cueille un beau laurier
Ce doigt est son brigadier.

(Chansons anonymes modernes)

Cab

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Cabotin, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Cabot.

France, 1907 : Abréviation de cabriolet ; anglicisme. Nous appelons improprement cab une sorte de cabriolet, fort en usage en Angleterre, où le cocher est assis derrière la voiture, tandis que le véritable nom est hansom. Le cab anglais est ce qui répond exactement à notre fiacre.

Le cab est un véhicule dans lequel le supérieur qui est à l’intérieur ne voit que la partie antérieure du postérieur de l’inférieur qui lui est supérieur.

(Gil Blas)

Cafarde

Vidocq, 1837 : s. f. — Lune (la).

(Le Jargon, ou Langage de l’Argot moderne)

Larchey, 1865 : Lune (Vidocq). — C’est la lune voilée qui se dissimule derrière un nuage avant d’être la Moucharde, de briller de tout son éclat.

Delvau, 1866 : s. f. La lune, — dans l’argot des voleurs, qui redoutent les indiscrétions de cette planète assistant à leurs méfaits derrière un voile de nuages.

Rigaud, 1881 : Lune, — dans le jargon des voleurs. — Cafarde ouatée, lune à demi cachée par les nuages.

La Rue, 1894 : La lune.

Virmaître, 1894 : La lune (Argot des voleurs). V. Moucharde.

France, 1907 : La lune, qui semble en effet guetter les méfaits nocturnes.

Es-tu l’œil du ciel borgne ?
Quel chérubin cafard
Nous lorgne
Sous ton masque blafard ?

(Alfred de Musset, Ballade à la lune)

Caillou

Delvau, 1866 : s. m. Figure grotesque, — dans l’argot des voyous. Signifie aussi Nez.

Rigaud, 1881 : Figure. — Se sucer le caillou, s’embrasser. — Avez-vous fini de vous sucer le caillou ?

Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voyous. (A. Delvau)Avoir son caillou, être légèrement pris de vin.

La Rue, 1894 : Bonne tête, Naïf. Crâne. Nez.

Virmaître, 1894 : Tête. Il a rien un sale caillou (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Tête.

Hayard, 1907 : Tête chauve.

France, 1907 : Figure, crâne. Caillou déplumé, tête chauve. On dit aussi dans le même sens : n’avoir plus de mousse sur le caillou.

Un affreux rôdeur de barrière comparaît en cour d’assises ; il a assassiné un malheureux vieillard sans défense.
— Votre profession ?
— Casseur de cailloux.
Et il jette un regard menaçant et féroce sur le crâne chauve du président !

Se dit aussi simplement pour tête.

Si l’bigornot barr’ ton trimin,
Sur le caillou mets-lui un pain.

(Hogier-Grison)

Le mot caillou désigne également un naïf qui, dans les salles de vente, se laisse entraîner et se voit adjuger l’objet beaucoup plus cher qu’il ne vaut.

Califourchon

d’Hautel, 1808 : Être à califourchon. Être assis sur quelque chose jambe çà et là, comme lorsqu’on monte un cheval en croupe.

Cancans (faire des)

France, 1907 : Bavarder sur le compte d’autrui, faire des commérages, débiter des médisances. Quelques étymologistes, Littré entre autres, font remonter l’origine de ce mot à une dispute de professeurs de la Sorbonne, qui, au temps du célèbre Ramus, n’étaient pas d’accord sur la manière de prononcer les mots latins quisquis, quanquam. Les uns voulaient que l’on prononçât kiskis, kankan, les autres kouiskouis et kouankouam, ce qui reste conforme à la tradition. Ramus, s’étant moqué de la première façon, affecta dans le cours de la discussion, de dire plusieurs fois kankan en appuyant sur le ton nasillard. Les partisans de kankan protestèrent avec énergie ; il y eut, comme dans toutes les contestations littéraires, beaucoup d’aigreur et d’amertume, de paroles oiseuses et inutiles, si bien qu’un des assistants impatienté s’écria : « Voilà bien des cancans pour rien. »
L’avis de Ramus l’emporta ; ses élèves dirent quanquam malgré l’anathème dont la Sorbonne menaça quiconque oserait prononcer ainsi, et l’on ne conserva la prononciation de kankan que pour se moquer des sorbonnistes.
Tout cela est fort naturel et très croyable, mais on trouve dans le vieux français, bien antérieurement à la dispute de Ramus, le mot caquehan, assemblée tumultueuse, querelle bruyante, qui n’est lui-même qu’une onomatopée de bruit incessant que font entre eux les canards et les oies. L’imagination populaire, dit avec raison Maurice Lachâtre, aura saisi quelque ressemblance entre ces cris fatigants et la voix chevrotante de vieilles femmes occupées à médire, et il n’en a pas fallu davantage pour faire passer cette métaphore dans la langue usuelle.

Tout autour de l’espace réservé aux ébats choréographiques, sur les banquettes de velours rouge fané les mères potinent, rapprochant dans de traitresses confidences leurs bonnets enrubannés. Ce qu’il se dit de scélératesses, sur ces banquettes rouges, de cancans perfides ! ce qu’il s’y détruit de réputations !

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

Carte

d’Hautel, 1808 : Il ne sait pas tenir ses cartes. Pour, c’est une mazette au jeu de cartes ; se dit par raillerie d’une personne qui se vantoit d’être fort habile à manier les cartes, et que l’on a battue complètement.
On dit aussi, et dans le même sens, au jeu de dominos, Il ne sait pas tenir ses dez.
Perdre la carte.
Pour se déconcerter, se troubler, perdre la tête dans un moment ou le sang-froid étoit indispensable.
Il ne perd pas la carte. Se dit par ironie d’un homme fin et adroit ; qui tient beaucoup à ses intérêts ; à qui on n’en fait pas accroire sur ce sujet.
On appelle Carte, chez les restaurateurs de Paris, la feuille qui contient la liste des mets que l’on peut se faire servir à volonté ; et Carte payante, celle sur laquelle est inscrit le montant de l’écot, que l’on présente à chaque assistant lorsqu’il a fini de dîner.
Savoir la carte d’un repas. C’est en connoître d’avance tout le menu.
Brouiller les cartes. Mettre le trouble et la division entre plusieurs personnes.
Donner carte blanche. C’est donner une entière liberté à quelqu’un dans une affaire.
Un château de carte. Au figuré, maison agréable, mais peu solidement bâtie.

Delvau, 1866 : s. f. Papiers d’identité qu’on délivre à la Préfecture de police, aux femmes qui veulent exercer le métier de filles. Être en carte. Être fille publique.

France, 1907 : Certificat d’identité que la police donne aux prostituées, qui, de ce fait, deviennent filles soumises, étant obligées de se soumettre périodiquement à une inspection médicale.

Ce matin, après avoir mis la petite en carte, après l’avoir ainsi placée dans l’impossibilité de réclamer protection et d’être écoutée si elle se plaignait, — les malheureuses filles ainsi inscrites ne sont-elles pas hors la loi, hors le monde et à a discrétion absolue de la police ? — il la ferait filer sur quelque maison de province dont la tenancière lui répondrait du secret…

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Casser sa pipe

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, dans l’argot des faubouriens et des rapins.

Boutmy, 1883 : v. Mourir. Cette expression est passée dans le langage du peuple parisien.

La Rue, 1894 : Mourir.

Virmaître, 1894 : Mourir. On donne pour origine à cette expression qu’un fumeur, attablé dans un cabaret, mourut subitement. Sa pipe lui tomba des lèvres et se cassa. Quand on le releva, un des assistants s’écria :
— Tiens il a cassé sa pipe (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

Mais voilà que le vieux a cassé sa pipe, lui aussi. Ce matin on l’a cloué entre six planches et on l’a placé sur le char funèbre pour le voiturer au lieu du repos. Les petits ont beaucoup pleuré en voyant leur grand-père ne plus leur sourire, et en le sentant froid comme la glace. Ils ont crié, la frimousse rougie et ruisselante de larmes : « Grand-père, réveille-toi donc ! Grand-père, réveille-toi donc ! »

(Jacques d’Aurélle)

Quand Mirecourt sentit venir sa fin prochaine,
Tournant ses yeux mourants, pleins d’une sombre haine,
Vers le clan des écrivassiers,
Il s’écria : « Je vais casser ma pipe ! Était-ce
La peine d’amasser tant d’amers tristesse,
Et de dechaîner tant d’huissiers ! »

(A. Glatigny)

L’argot populaire est riche en expressions de ce genre, tant il parait plaisant de mêler le grotesque au lugubre : on dit : casser son câble, sa canne, son crachoir, son fouet.

Bob, sur les genoux de grand-père, joue avec la montre du vieillard. Il en écoute le mouvement, s’extasie sur la richesse de la boîte.
— Quand je serai mort, elle sera pour toi, dit le grand-père.
Quelques jours après, Bob s’amuse de nouveau avec le chronomètre. Puis, soudain :
— Dis donc, grand-papa, est-ce que tu ne vas pas bientôt casser ton crachoir ?

Cassico

France, 1907 : Mêlé-cassis, c’est-à-dire cassis et cognac.

Chanin

France, 1907 : Froid ; argot des canuts.

— Fermez le châssis qui m’apporte un air trop chanin.

(Joanny Augier, Le Canut)

Charbonnier est maitre chez lui

France, 1907 : « François, chassant dans la forêt de Fontainebleau, se sépara de sa suite et s’égara. Surpris par la nuit, il alla frapper à la porte de la cabane d’un charbonnier qui le reçut poliment et lui offrit de partager son souper. Mais quand on se mit à table, le rustique amphitryon, ignorant la qualité de son hôte, se fit donner la chaise sur laquelle le roi s’était assis, disant que, comme elle était la meilleure, il ne la cédait à personne, parce qu’un charbonnier, quoique pauvre, n’en était pas moins le maître chez lui. Apart cela, il traite son convive de son mieux, lui faisant manger un morceau de sanglier tué par lui en dépit des ordonnances royales, ajoutant que si le Grand nez le savait, il le ferait pendre. Le Grand nez soupa gaiement, se coucha dans la cabane et, réveillé au point du jour, sonna du cor. Sa suite, qui l’avait cherché toute la nuit, accourut aussitôt. Le charbonnier, qui n’avait vu de si près pareils seigneurs, fut émerveillé de les trouver à sa porte et le fut plus encore quand il les vit parler à son hôte, tête nue et avec les marques du plus profond respect. Il reconnut bien vite que c’était le roi, le roi à qui il avait fait manger du gibier braconné sur les terres royales, le roi qu’il avait appelé sans façon Grand nez, et à qui il n’avait même pas donné la première place à table, sous prétexte que charbonnier était maître chez lui.
François, riant de la frayeur du bonhomme, le rassura et lui octroya, dit-on, les requêtes qu’il lui adressa. Le mot, souvent répété à la cour, devint proverbe pour exprimer que chacun est maître dans sa maison.  »
An Englishman’s house is his castle (La maison d’un Anglais est son château) est la fière devise des sujets de l’empire britannique.

— Homme, comme vous êtes petit ! dit un jour Ferdinand VI an duc de Medina-Cœli, le premier des grands d’Espagne, qui essayait de l’aider à mettre son manteau. — Je suis grand chez moi, répliqua le duc. Et répétant le proverbe espagnol : Dans ma maison, je suis roi.
  Mientras en mi casa estoy,
  Rey me soy.

Chas ou chasse

Delvau, 1866 : s. m. Œil, — dans l’argot des voleurs, soit parce que les yeux sont les trous du visage, ou parce qu’ils en sont les châssis, ou enfin parce qu’ils ont parfois, et même souvent, la chassie.
Ce mot qui ne se trouve pourtant dans aucun dictionnaire respectable, est plus étymologique qu’on ne serait tenté de le supposer au premier abord. Je m’appuie, pour le dire, de l’autorité de Ménage, qui fait venir chassie de l’espagnol cegajoso, transformé par le patois français en chaceuol, qui voit mal, qui a la vue faible. Et, dans le même sens nos vieux auteurs n’ont-ils pas employé le mot chacius ?
Châsses d’occase. Yeux bigles, ou louches.

Chasse ou châssis (boiteux d’un)

France, 1907 : Borgne.

Chasse, chassis

Larchey, 1865 : Œil. — L’œil est pour la vue une sorte de châssis.

Je m’arcboute et lui crève un chassis.

(Vidocq)

V. Coquer, Balancer, Estorgue.

Châsse, châssis

Rigaud, 1881 : Œil. Y aller d’un coup de châsse, jeter un coup d’œil, — dans le jargon du peuple. — Se foutre l’apôtre dans la châsse, se tromper, s’illusionner ; mot à mot se mettre le doigt dans l’œil. — Fermer les châssis, dormir.

La Rue, 1894 : Œil. Paupière.

Châsses, châssis

Rigaud, 1881 : Lunettes.

Chassis

Ansiaume, 1821 : Yeux.

À brule pour poing, je lui ai recoqué deux jettées de bayaffe dans les chassis.

Châssis

d’Hautel, 1808 : Pour conserves, besicles, lunettes.
Il n’a pas mis ses châssis. Se dit en plaisantant d’un homme qui a commis quelque erreur ; qui a mal lu quelque chose.
Ce mot se prend aussi pour la vue, les yeux.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les yeux. Argot des faubouriens.

France, 1907 : Fenêtre et, déduction naturelle, yeux, les yeux, affirme-t-on, étant les fenêtres de l’âme.

France, 1907 : Lunettes ; paupières.

Châssis, sabords

Clémens, 1840 : Verre à boire.

Chat

d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas lui qui a fait cela ; non, c’est le chat. Locution bouffonne et adversative qui a été long-temps en vogue parmi le peuple de Paris, et dont on se sert encore maintenant pour exprimer qu’une personne est réellement l’auteur d’un ouvrage qu’on ne veut pas lui attribuer ; ou pour affirmer que quelqu’un a commis une faute que l’on s’obstine à mettre sur le compte d’un autre.
Il a autant de caprices qu’un chat a de puces. Se dit d’un enfant fantasque, inconstant et capricieux, comme le sont tous les enfans gâtés et mal élevés.
J’ai bien d’autres chats à fouetter. Pour, j’ai bien d’autres choses à faire que de m’occuper de ce que vous dites.
Il a de la patience comme un chat qui s’étrangle. Se dit par plaisanterie d’une personne vive, impatiente, d’une pétulance extrême, et qui se laisse aller facilement à la colère et à l’emportement.
Il trotte comme un chat maigre. Se dit d’une personne qui marche rapidement et avec légèreté ; qui fait beaucoup de chemin en peu de temps.
Mon chat. Nom d’amitié et de bienveillance que les gens de qualités donnent à leurs protégés, et notamment aux petits enfans.
Il a un chat dans le gosier. Se dit d’un homme de temps qui avale sans cesse sa salive, et qui fait des efforts pour cracher.
Il le guette comme le chat fait la souris. Pour, il épie, il observe soigneusement jusqu’à ses moindres actions.
Acheter chat en poche. Faire une acquisition, sans avoir préalablement examiné l’objet que l’on achette.
Il a emporté le chat. Se dit d’un homme incivil et grossier qui sort d’un lieu sans dire adieu à la société.
Chat échaudé craint l’eau froide. Signifie que quand on a été une fois trompé sur quelque chose, on devient méfiant pour tout ce qui peut y avoir la moindre ressemblance.
Traître comme un chat. Faussaire, hypocrite au dernier degré.
Elles s’aiment comme chiens et chats. Se dit de deux personnes qui ne peuvent s’accorder en semble ; qui se portent réciproquement une haine implacable.
À bon chat bon rat. Pour, à trompeur, trompeur et demi ; bien attaqué, bien éludé.
À mauvais rat faut mauvais chat. Pour, il faut être méchant avec les méchans.
À vieux chat jeune souris. Signifie qu’il faut aux vieillards de jeunes femmes pour les ranimer.
Jeter le chat aux jambes. Accuser, reprocher, rejeter tout le blâme et le mauvais succès d’une affaire sur quelqu’un.
À lanuit, tous chats sont gris. Pour dire que la nuit voile tous les défauts.
Il a joué avec les chats. Se dit de quelqu’un qui a le visage écorché, égratigné.
Il est propre comme une écuelle à chat. Se dit par dérision d’un homme peu soigneux de sa personne, et fort malpropre.
Bailler le chat par les pattes. Exposer une affaire par les points les plus difficiles.
Il entend bien chat, sans qu’on dise minon. Se dit d’un homme rusé et subtil, qui entend le demi-mot.
Il a payé en chats et en rats. Se dit d’un mauvais payeur ; d’un homme qui s’acquitte ric à ric, et en mauvais effets.
Une voix de chats. Voix sans étendue, grêle et délicate.
Une musique de chat. Concert exécuté par des voix aigres et discordantes.
Elle a laissé aller le chat au fromage. Se dit d’une fille qui s’est laissé séduire, et qui porte les marques de son déshonneur.

Bras-de-Fer, 1829 : Geôlier.

Vidocq, 1837 : s. m. — Concierge de prison.

Larchey, 1865 : Guichetier (Vidocq). — Allusion au guichet, véritable chatière derrière laquelle les prisonniers voient briller ses yeux.

Larchey, 1865 : Nom d’amitié.

Les petits noms les plus fréquemment employés par les femmes sont mon chien ou mon chat.

(Ces Dames, 1860)

Delvau, 1866 : s. m. Enrouement subit qui empêche les chanteurs de bien chanter, et même leur fait faire des couacs.

Delvau, 1866 : s. m. Geôlier, — dans le même argot [des voleurs]. Chat fourré. Juge ; greffier.

Delvau, 1866 : s. m. Lapin, — dans l’argot du peuple qui s’obstine à croire que les chats coûtent moins cher que les lapins et que ceux-ci n’entrent que par exception dans la confection des gibelottes.

Rigaud, 1881 : Pudenda mulierum.

Rigaud, 1881 : Couvreur. Comme le chat, il passe la moitié de sa vie sur les toits.

Rigaud, 1881 : Enrouement subit éprouvé par un chanteur.

Rigaud, 1881 : Greffier, employé aux écritures, — dans le jargon du régiment. Et admirez les chassez-croisez du langage argotique : les truands appelaient un chat un greffier et les troupiers appellent un greffier un chat. Tout est dans tout, comme disait Jacotot.

Rigaud, 1881 : Guichetier, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Guichetier. Couvreur. Enrouement subit. Pudenda mulierum.

France, 1907 : Couvreur. Comme les chats, il se tient sur les toits.

France, 1907 : Enrouement. Avoir un chat dans le gosier ou dans la gouttière, être enroué.

France, 1907 : Guichetier d’une geôle.

France, 1907 : Nature de la femme. Au moment où le fameux Jack l’Éventreur terrifiait à Londres le quartier de Whitechapel, le Diable Amoureux du Gil Blas racontait cette lourde plaisanterie :
« — Tond les chiens ! coupe les chats !
Un Anglais se précipite sur le malheureux tondeur en criant :
— Enfin, je te tiens, Jack ! »
Ce quatrain du Diable Boiteux est plus spirituel :

 Prix de beauté de Spa, brune, bon caractère !
 Au harem aurait fait le bonheur d’un pacha ;
 Aime les animaux félins, tigre ou panthère,
 Et possède, dit-on, un fort beau petit chat !

Chez lui, revenant après fête,
Un pochard rond comme un portier,
Faible de jambe et lourd de tête,
Cherchait le lit de sa moitié.

Mais il se glissa près de Laure,
La jeune femme du couvreur…
Et ce n’est qu’en voyant l’aurore
Qu’il s’aperçut de son erreur.

— Que va me dire mon épouse ?
Pensa-t-il. Zut ! Pas vu, pas pris !
Elle ne peut être jalouse,
Car la nuit tous les chats sont gris !

(Gil Blas)

Chat, employé pour le sexe de la femme, n’a aucun sens. Le mot primitif est chas, ouverture, fente, dont on a fait châssis. Les Anglais ont le substantif puss, pussy, pour désigner la même chose, mais ils n’ont fait que traduire notre mot chat.

Chaussettes polonaises ou russes

France, 1907 : Bandes de linge dont les pauvres diables et les soldats, faute de chaussettes, s’enveloppent les pieds.

Ils dormaient, les sans logis, à plat sur le sol, la tête, en guise d’oreiller, un peu haussée par leurs souliers. Leurs pieds blessés, leurs pieds d’errants, s’enveloppaient comme dans un bandage avec les croisés de la chaussette polonaise.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Il colla, d’une goutte de suif, une chandelle au bout de sa patience dont il introduisit l’autre extrémité sous la pile des vêtements que contenait sa charge, et ayant enlevé ses bottes à la lueur de ce chandelier improvisé, il commença, assis de côté sur son lit, a déligoter ses chaussettes russes.

(Georges Courteline, Le 51e chasseurs)

Chien

d’Hautel, 1808 : Il est grand comme un chien assis. Se dit par exagération et en plaisantant, d’un bambin, d’un marmouzet, d’un homme très-petit de taille, qui a la prétention de vouloir paroitre grand.
C’est un chien dont il faut se méfier. Manière incivile de dire qu’un homme est fin, subtil et rusé.
Cela n’est pas si chien. Pour cela n’est pas si mauvais ; se dit de toute chose friande et qui flatte le goût.
Faire le chien couchant. Flatter, carresser bassement quelqu’un, se soumettre à tous ses caprices, à toutes ses volontés.
Qui aime Bertrand, aime son chien. Voyez Aimer.
Chien hargneux a toujours l’oreille arrachée. Signifie qu’un homme querelleur s’attire sans cesse de mauvais traitemens.
Tu n’es pas chien. Expression basse et ignoble qui se dit à un égoïste, à un homme injuste, qui blesse les intérêts d’autrui pour satisfaire les siens propres.
C’est un mauvais chien. Grossièreté qui équivaut à c’est un méchant homme.
C’est un vrai chien de port. Pour c’est un rustre, un grossier personnage, comme le sont ordinairement les gens qui travaillent sur les ports.
Il m’a reçu comme un chien dans un jeu de quilles. Métaphore qui sert à exprimer le mauvais accueil que l’on a reçu de quelqu’un qu’on alloit visiter, consulter ou solliciter. On dit aussi d’un homme indiscret et importun qui vient dans une société sans y avoir été invité, qu’Il vient comme un chien dans un jeu de quilles.
Il mourroit plutôt un bon chien de berger.
Se dit méchamment et injurieusement d’une personne dont on désiroit la mort, et qui est revenue de quelque maladie dangereuse.
Un bon os ne tombe jamais d’un bon chien. Signifie qu’un bon mari a rarement une bonne femme, et une bonne femme un bon mari ; et par extension, que la fortune, le bonheur, ne favori sent jamais ceux qui méritent d’être heureux.
Il fait comme les grands chiens, il veut pisser contre les murs. Locution basse et figurée, qui signifie qu’un homme se couvre de ridicule, en prenant des tons au-dessus de sa fortune et de sa condition, et généralement en entreprenant des choses qui surpassent ses moyens et ses forces.
On dit des gens vicieux, et qui ne peuvent se corriger, qu’Ils sont comme les chiens, qu’ils retournent à leurs vomissemens.
Être comme un chien à l’attache.
Être retenu par un travail obligatoire et continuel.
Les coups de bâton sont pour les chiens. Réponse que l’on fait ordinairement à ceux qui vous menacent du bâton.
Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il est enragé. Signifie que lorsqu’on veut se débarrasser de quelqu’un, on lui cherche toute sorte de querelle.
On dit d’un écervelé, d’un homme qui court d’une manière extravagante, qu’Il court comme un chien fou.
Un bon chien n’aboie point faux.
Signifie qu’un homme habile ne fait jamais de fausses démarches.
Il est fou comme un jeune chien. Comparaison peu honnête, pour dire que quelqu’un est d’une humeur très-folâtre.
Un chien regarde bien un évêque, je peux bien regarder une bête comme toi. Répartie brusque et injurieuse que l’on fait à un homme vain et glorieux qui se fâche de la liberté que l’on prend, de le regarder, de le fixer.
Il ne faut pas se moquer des chiens, qu’on ne soit hors du village. Pour, il ne faut pas choquer quelqu’un dans un lieu où il peut nous nuire.
Jeter un os à la gueule d’un chien, pour le faire taire. Faire un présent à quelqu’un pour l’empêcher de divulguer les secrets d’une affaire.
On dit d’un homme avide qui défend bien ses intérêts dans une affaire, qu’Il n’en jette pas sa part aux chiens.
Chien en vie vaut mieux que lion mort.
Pour, il vaut mieux vivre en lâche que mourir en brave. Voy. Lion.
Abandonner quelqu’un comme un pauvre chien. Le laisser dans la misère, ne point le secourir.
Il est comme le chien du jardinier, il ne mange point de choux, et ne veut pas que les autres en mangent. Se dit d’un égoïste, d’un homme envieux des moindres succès.
Mener une vie de chien. Vivre dans la débauche et le libertinage ; dans une dissipation honteuse.
Chien noyé. Terme bas et injurieux que les femmes de la Halle appliquent à un homme, dans un débordement de colère.
Il n’est chasse que de vieux chiens. Signifie que pour les conseils, il faut avoir recours aux vieillards, qui ont reçu les leçons de l’expérience.
Rompre les chiens. Interrompre une conversation dont les suites pourroient être fâcheuses.
Entre chien et loup. Pour dire, à la brune, entre le jour et la nuit.
Tandis que le chien pisse, le loup s’enfuit. C’est-à-dire que l’occasion échappe, si l’on n’est habile à en profiter.
Droit comme la jambe d’un chien. Se dit par dérision d’une jambe, torse et mal faite.
Las comme un chien. Pour dire, très-fatigué. Comparaison dont l’ellipse est un peu forte ; car on ne sait pourquoi le chien dont on parle doit être fatigué, rien n’annonçant qu’il ait pris de mouvement.
Il vit comme un chien. Se dit par mépris d’un homme qui ne remplit aucun des devoirs de sa religion.
Vous pouvez entrer, nos chiens sont liés. Se dit pour encourager des gens timides.
Il est comme le chien de Jean de Nivelle, il s’enfuit quand on l’appelle. Voy. Appeler.
Si vous n’avez pas d’autre sifflet, votre chien est perdu. Se dit à ceux qui se sont fourrés dans une mauvaise affaire, et qui emploient des moyens inefficaces pour s’en retirer.
Ils s’aiment comme chiens et chats. Se dit d’un ménage où l’homme et la femme sont continuellement en querelle.
C’est St.-Roch et son chien. Se dit par raillerie de deux personnes qui vivent dans une grande familiarité ; qui sont inséparables.
C’est un chien au grand collier. Se dit d’une personne qui a de grandes prérogatives dans une maison ; qui y fait la pluie et le beau temps.
Faire un train de chien. Gronder, crier, s’emporter contre quelqu’un.
Un bruit de chien ; une querelle de chien. Un bruit qui dégénère en vacarme ; une querelle qui prend une mauvaise fin.
C’est un bon chien, s’il vouloit mordre. Se dit d’un homme dont les apparences sont favorables, mais trompeuses.
On appelle vulgairement l’eau-de-vie du sacré chien tout pur.

Halbert, 1849 : Secrétaire.

Larchey, 1865 : « Le chef est chien ou bon enfant. Le chien est dur, exigeant, tracassier, méticulier. » — Balzac.

Larchey, 1865 : Avare. — Horace (I. II, sat. 2) emploie le mot canis pour signifier avare.

Chien : Égoïste, homme injuste, qui blesse les intérêts d’autrui.

(d’Hautel, 1808)

N’être pas chien en affaires : Aller grandement, sans chicane.

Larchey, 1865 : Compagnon.

Tu passeras renard ou aspirant, après ça tu deviendras chien ou compagnon.

(Biéville)

Larchey, 1865 : Mot d’amitié. V. Chat.

Delvau, 1866 : s. et adj. Tracassier, méticuleux, avare, exigeant, — dans l’argot du peuple, qui se plaît à calomnier « l’ami de l’homme ». C’est l’expression anglaise : Dog-bolt. Vieux chien. Vieux farceur, — sly dog, disent nos voisins.

Delvau, 1866 : s. m. Caprice de cœur, — dans l’argot des petites dames. Avoir un chien pour un homme. Être folle de lui.

Delvau, 1866 : s. m. Compagnon, — dans l’argot des ouvriers affiliés au Compagnonnage.

Delvau, 1866 : s. m. Entrain, verve, originalité, — dans l’argot des gens de lettres et des artistes ; bagou, impertinence, désinvolture immorale, — dans l’argot des petites dames.

Rigaud, 1881 : Avare.

Dis donc, petite sœur ; il est rien chien ton m’sieur : y m’ prend un cigare et du feu et y m’ donne que deux ronds.

(A. Tauzin, Croquis parisiens)

Rigaud, 1881 : Compagnon du devoir, en terme de compagnonnage.

Rigaud, 1881 : Homme dur, exigeant ; s’emploie principalement en parlant d’un supérieur, — dans le jargon des employés. — Sévère, — dans le jargon des collégiens.

Notre pion est diablement chien.

(Albanès, Mystères du collège, 1845)

Rigaud, 1881 : Lettre tombée sous la forme. — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : s. m. Lettre tombée d’une forme ou qui se trouve sur le marbre au moment où l’on y dépose un châssis. Le chien fait lever le texte quand on desserre, en sorte qu’il est impossible de taquer sans écraser le caractère.

La Rue, 1894 : Galbe, élégance, mordant, chic. Eau-de-vie.

France, 1907 : Ce mot à nombre de significations. Il signifie avare, et cet argot a des lettres de noblesse, car il remonte à Horace : « Il est un homme qui porte et qui mérite le surnom de chien, dit-il, c’est Avidiénus ; des olives, vieilles de cinq ans, et des cornouilles sauvages composent son repas. Il attend que son vin soit tourné pour le verser eu libations ; l’odeur de l’huile qu’il emploie vous causerait un insurmontable dégoût… »
Chien veut dire aussi tracassier, méticuleux, exigeant. Il s’emploie au féminin :

Pour comble, Mlle la doctoresse était chiche de congés, chienne en diable, n’osait jamais accorder plus de deux jours à la fois, plus chienne que tous les docteurs qui avaient passé par l’administration : un truc de cette chipie pour se faire bien venir en haut lieu sûremment !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Avoir du chien, c’est avoir de l’originalité, du cachet. Avoir un chien, c’est avoir un caprice pour un homme. Faire du chien, faire un ouvrage payé d’avance ; argot des ouvriers. Faire le chien, suivre Madame avec un panier. Piquer un chien, dormir pendant la journée.

Chier (envoyer)

Rigaud, 1881 : Envoyer au diable.

France, 1907 : Éconduire. Faire chier, obséder, importuner. Chier de petites crottes, vivre chichement. Ne pas chier de grosses crottes, même signification. Chier des carottes, des cordes, être constipé ; chier des châsses, pleurer ; chier dur, travailler ferme ; chier dans la main, manquer de parole, prendre trop de liberté ; chier du poivre, manquer au rendez-vous, s’esquiver au moment où l’on a besoin de vous ; chier sur la besogne, renoncer au travail : chier sur quelqu’un, sur quelque chose, sur l’œil, se moquer, mépriser, abandonner.

Faites du bien à un vilain, il vous chie dans la main.

(Vieux proverbe)

Chier dans la vanette, être sans façons ; chier dans le cassetin aux apostrophes, renoncer au métier d’imprimeur ; chier dans les bottes ou dans le panier de quelqu’un (on dit aussi dans le même sens : chier dans la malle), lui déplaire, lui jouer de mauvais tours. Gueuleton à chier partout, ripaille. Mine à chier dessus, figure antipathique.
Peut-être n’est-il pas inutile de donner ici l’étymolosie de ce verbe ordurier. Je l’ai trouvée tout au long dans un livre de « haulte graisse » : Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions, belles-lettres, etc., nouvellement élablie à Troyes en Champagne, et portant le millésime de MDCCLVI, et la donne telle quelle :

Robert et Henry Étienne, ainsi que tous les Hellenistes ont dérivé le mot chier du grec χέζω. Le Duchat le fait venir du flamand schyten. Tous ces sçavans sont dans l’erreur.
Chier vient du latin cadere. Dans son acception primitive, il ne signifioit autre chose que tomber, être assis…
Ce fut d’abord pour exprimer l’acte naturel d’une manière honnête et détournée, qu’on se servit du mot chier ; mais cette signification ayant rendu le terme ignoble dans son acception primitive, pour l’y réhabiliter on en changea la terminaison, et de chier l’on fit choir.
Voilà ce qui a trompé tous les sçavans. Car voyant à ces deux mots une terminaison et une signification différentes, ils ne se sont pas doutés qu’ils eussent la même origine ou plutôt que ce ne fut qu’un même mot.
À la fin du XVIe siècle, chier s’employait encore d’une manière honnête : « Pleurés donc et chiés bien des yeux, vous en pisserés moins », est-il dit dans le Moyen de parvenir : « Histoire du jeune homme fessé. »

Cocanges ou la robignole

Vidocq, 1837 : Jeu des coquilles de noix. Le jeu des coquilles de noix est un des mille et un trucs employés par les fripons qui courent les campagnes pour duper les malheureux qui sont possédés par la funeste passion du jeu. Les Cocangeurs ou Robignoleurs se réunissent plusieurs sur la place publique d’un village ou d’une petite ville, lorsqu’ils ont obtenu le condé franc, ou dans quelque lieu écarté, lorsqu’ils craignent d’être dérangés ; mais dans l’un et dans l’autre cas ils choisissent de préférence pour exercer, un jour de marché ou de foire, sachant bien que ceux qui se laisseront séduire auront ce jour là les poches mieux garnies que tout autre.
Les objets dont ils se servent sont : 1o. trois coquilles de grosses noix : les cocanges, et une petite boule de liège : la robignole. L’un d’eux, après s’être assis par terre, place son chapeau, entre ses jambes et les cocanges sur le chapeau ; cela fait, il couvre et découvre alternativement la robignole ; après avoir fait quelques instans ce manège, il s’arrête et se détourne comme pour se moucher ou cracher ; un compère alors lève successivement les trois cocanges, et lorsqu’il a découvert la robignole, ; il dit, assez haut pour être entendu de celui qui doit être dupé : « Elle est là. » C’est à ce moment que celui qui tient le jeu propose aux curieux assemblés autour de lui, des paris plus ou moins considérables ; le compère, pendant ce temps, s’est entendu avec la dupe, et ils se mettent alors à jouer de moitié ; celui qui tient le jeu est doué d’une agilité capable de faire honneur au plus habile escamoteur, il a su changer adroitement la robignole de place ; le reste se devine : ce coup se nomme le coup de tronche.
On a va des individus perdre à ce jeu des sommes très-considérables ; ils méritaient sans doute ce qui leur arrivait, car leur intention était bien celle de tromper celui que d’abord ils avaient pris pour un niais, mais jamais l’intention de la dupe n’a justifié les méfaits du dupeur ; que l’on punisse le premier, rien de mieux, mais que l’on ne ménage pas le second, et bientôt, du moins je l’espère, on aura vu disparaître cette foule d’individus qui spéculent sur des passions mauvaises.

Coller un rassis (se)

Rigaud, 1881 : Faire de la peine au docteur Tissot, — dans le jargon des collégiens.

Coller une douce (se)

Delvau, 1864 : Se masturber — ce qui est une bien douce chose tout de même.

… J’ai beau tous les jours me coller une douce,
Dans mes rêves ton con m’agace et me poursuit.

(Louis Protat)

Fustier, 1889 : Se masturber. Rigaud dit : Se coller un rassis.

France, 1907 : Se livrer au péché d’Onan. On dit aussi : se coller un rassis.

Communisme

France, 1907 : En voici la formule : De chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins. Comme moyen d’action, le suffrage universel et une révolution changeant l’ordre des choses.

Pour que l’action, ainsi que l’exposa Pini en cour d’assises, puisse avoir un résultat heureux, il est nécessaire que le peuple distingue ses vrais amis des faux ; il est nécessaire de lui rappeler les faits du temps passé. Une révolution, pour être profitable, ne doit pas avoir pour objet un simple changement d’hommes au pouvoir ou la formation d’un gouvernement provisoire, mais pour unique but la destruction de toute autorité, l’appropriation de toutes les richesses sociales, au bénéfice de tous et non de la classe qui viendra les administrer, et l’opposition absolue par la violence à l’établissement de quelque pouvoir que ce soit.

Contre-temps

Delvau, 1864 : Fiasco amoureux.

À l’amant vieux et blême
Que tourmente Vénus,
Qui dit encor qu’il aime
Et ne le prouve plus.
Tu promets assistance
Contre les contre-temps.

(Collé)

Coquer le taf ou le taffe

France, 1907 : Faire peur.

Un jour, vers la brune, vêtu en ouvrier des ports, Vidocq était assis sur le parapet du quai de Gesvres, lorsqu’il vit venir à lui un individu qu’il reconnut pour être un des habitués de la Petite Chaise et du Bon Puits, deux cabarets fort renommés parmi les voleurs.
— Ah ! bonsoir, Jean-Louis, dit cet individu en l’accostant.
— Bonsoir, mon garçon.
— Que diable fais-tu là ? t’as l’air triste à coquer le taffe.

(Marc Mario et Louis Lansay, Vidocq)

Couche (en avoir une)

Fustier, 1889 : Sous-entendu, de bêtise. Être inintelligent.

Virmaître, 1894 : Être bête à manger du foin. Allusion à la couche de fumier que mettent les maraîcheirs dans leurs châssis pour faire hâtivement pousser les melons ; plus la couche est épaisse, meilleur est le résultat (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Être bête, naïf.

France, 1907 : Sous-entendu : de bêtise.

Coucher à la corde

Delvau, 1866 : v. n. Passer la nuit dans un de ces cabarets comme il en existait encore, il y a quelques années, assis et les bras appuyés sur une corde tendue à hauteur de ceinture.

Coup de vin du supplicié

France, 1907 : « À Paris, quand un condamné à mort était conduit au gibet de Montfaucon, on le faisait arrêter en route, dans la cour des Filles-Dieu, rue Saint-Denis, et là on lui donnait deux coups de vin à boire. Quand l’exécution se faisait dans Paris même, l’usage était de servir aussi du vin aux juges chargés d’y assister, et c’était le bourreau qui le fournissait. Au moins ce fait se produisit-il en 1477, à l’exécution du duc de Nemours. »

(Musée Universel)

Coup du macaron

Delvau, 1864 : Tour de force facile à figurer, mais impossible de mener à bonne fin. — L’homme est couché sur le dos, le bracquemart en l’air. La femme s’assoit dessus et s’introduit dans le vagin ce pivot de chair. Alors, s’aidant des pieds et des mains, elle tâche de tourner et de figurer l’aiguille du jeu de macarons. L’inventeur de ce divertissement m’assure « qu’à tous les coups l’on gagne. » — Je me permets d’en douter… et vous ?…

Sur l’assise d’une pine
Pivotant comme un toton,
Aimes-tu mieux en gamine
Tirer l’coup en macaron ?

(Paul Saunière)

Couper dans le ceinturon, dans la pommade, dans le pont

France, 1907 : Se laisser duper, croire aux mensonges, tomber dans le panneau. Allusion à la courbe que les grecs impriment à une carte ou à un paquet de cartes, de façon à obliger le partenaire à couper, sans qu’il en ait conscience, dans la portion du jeu préparé par le filou.

Ah ! ces braves militaires… À l’occasion, ils emportent le pont d’Arcole, de Rivoli ou de Palikao ; mais, pour les autres ponts, ils se contentent d’ordinaire de couper dedans…

(Gil Blas)

Ravachol reçut la visite de l’abbé Claret… qui lui apporta l’éncyclique de Léon XIII et essaya de lui représenter le pape comme le premier des anarchistes. Défiant par nature, Ravachol flaira une manifestation de calotin.
À un des gendarmes qui le conduisaient chaque jour au préau et le gardaient étroitement pendant sa promenade, il a dit :
— Ce ratichon-là est un bon type… seulement quand je serai raccourci, il ira crier partout que j’avais coupé dans sa pommade.
Aussi demanda-t-il à l’abbé de ne point l’assister le matin de l’exécution.

(Flor O’Squarr, Les Coulisses de l’anarchie)

Et pour les goss’, ah ! que salade !
C’qu’on s’gondol’ ! I’ sont étouffants !
Si nous coupions dans leur pommade,
Faudrait aimer tous les enfants.

(Paul Paillette)

Curieux

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme curieux, indiscret et avare, qu’Il veut tout savoir et ne rien payer.

Vidocq, 1837 : s. m. — Juge d’instruction, président du tribunal.

Halbert, 1849 : Juge.

Larchey, 1865 : Juge d’instruction. — Il est curieux par métier. V. Escrache.

Le curieux a servi ma bille (mon argent).

(Vidocq)

Delvau, 1866 : s. m. Le juge d’instruction, — dans l’argot des voleurs, qui, en effet, n’aiment pas à être interrogés et veulent garder pour eux leurs petits secrets.

Rigaud, 1881 : Commissaire de police. — Juge d’instruction.

La Rue, 1894 : Commissaire de police. Juge d’instruction. Président d’assises.

Virmaître, 1894 : Juge (Argot des voleurs). V. Palpeurs.

Rossignol, 1901 : Juge. C’est un curieux, parce qu’il met le nez dans vos affaires.

Hayard, 1907 : Juge.

France, 1907 : Amateur de scènes crapuleuses qui fréquente les bains de vapeur pour assister à des actes honteux. Dans les maisons de tolérance, on les appelle voyants.

En dehors des gens qui se rendent aux bains de vapeur pour satisfaire leurs passions, il y a la clientèle courante que l’hygiène amène seule et où figurent des individus connus sous le nom de curieux. Ils n’aiment pas les femmes, n’ont aucun goût pour les plaisirs contre nature, et cependant ils séjournent des journées entières dans ces établissements : ils mangent, boivent, fument, circulent dans les salles et semblent heureux d’entendre des paroles obscènes, et d’assister à des actes répugnants. C’est là une curiosité maladive assez commune qui charme leurs oreilles et satisfait leur vue.

(Gustave Macé)

France, 1907 : Juge. Il veut, en effet, tout savoir.

— Son couteau… son couteau à lui. Prenez-lui son couteau dans la poche… Vous ne comprenez donc pas, double brute, que quand on trouvera ce couteau, les curieux seront convaincus qu’ils sont en présence d’un suicide… Là ! y êtes-vous ?… Moi, je m’empare des précieux papiers.

(Georges Pradel, Cadet Bamboche)

Grand curieux, président de cour d’assises. Curieux de la planche au pain, président de tribunal. Curieux à mal faire, voleur maladroit.

Dabe

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Maître, père, roi.

un détenu, 1846 : Père.

Halbert, 1849 : Père, maître.

Larchey, 1865 : « C’est notre dabe, notre maître. »

(Balzac)

L’étymologie de dabe est incertaine. Il est à noter que dam avait au moyen âge la même signification.

Larchey, 1865 : Dieu.

Mercure seul tu adoreras comme dabe de l’entrollement.

(Vidocq)

Larchey, 1865 : Père. — Dabuche : Mère. — Dabuchette : Jeune mère, belle-mère.

Rigaud, 1881 : Maîtresse, amante, — dans le jargon des souteneurs.

Ma dabe vient m’assister et me voir deux fois par semaine.

(Max. Du Camp, Paris, la Prostitution, t. m, 1875.)

anon., 1907 : Père. Mère.

Damer

d’Hautel, 1808 : Damer le pion à quelqu’un. Contrarier quelqu’un dans ses entreprises ; aller sur ses brisées ; faire avorter ses projets ; le supplanter.

La Rue, 1894 : Rendre femme une jeune fille.

France, 1907 : Prendre la virginité d’une fille, la rendre dame.

Un prêtre catholique, le révérend père Aloysius, est traduit aux assises pour privautés sur la petite Ellen Stokes, beauté précoce qui n’a pas encore vu treize fois jaunir les houblonnières.
Un dimanche matin, comme elle rapportait au révérend le linge que sa mère avait lavé et préparé pour le saint sacrifice, l’homme de Dieu oublia ses vœux de chasteté.
Comment la Société de vigilance eut-elle vent du péché mortel qui se dégagea de cet entretien secret ? Comment sut-elle que le père Aloysius avait onctueusement damé la fillette ? Je ne saurais le dire, mais elle fit appréhender le saint homme à Folkestone, au moment où il se reposait de ses fatigues en une benoite villégiature et fortifiait ses reins et ses poumons en aspirant les vivifiants aromes des sels marins.

(Hector France, La Nation)

Dégueulas

Delvau, 1866 : adj. Dégoûtant, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens et des choses.

Rigaud, 1881 : Dégoûtant.

Rossignol, 1901 : Chose écœurante à voir.

France, 1907 : Qui donne envie de vomir. Le féminin est dégueulasse.

Voir cette fin de siècle, dégueulasse au possible, où tout est menteries, crapuleries et brigandages, — et assister la bouche close à tout ça : nom de Dieu ! je pouvais pas m’y faire.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Demi-castor

Delvau, 1864 : Femme de moyenne vertu.

Deux de ces filles qu’on appelle dans le monde demi-castors, se trouvèrent, par hasard, assises près de moi l’autre jour au jardin des Tuileries.

(Correspondance secrète)

Fustier, 1889 : « Demi-castor est devenu un terme courant sous lequel on désigne une personne suspecte, équivoque, sous des dehors soignés ; mais en grattant le castor on trouverait le lapin. »

(Figaro, janvier 1887)

France, 1907 : Fille qui commence à se lancer dans le monde de la haute noce. Le mot est du XVIIIe siècle.

Les carpes de ces messieurs, turbineuses d’amour, rôdeuses de bitume, splendeurs fleuries d’Opéra, noctambules des cabinets particuliers, demi-castors, marquises complaisantes, toutes sont égales au pied de l’autel du grand Saint Alphonse. Celle qui donne cent louis et celle qui donne cent sous, les ont gagnés du même travail.

(Fin de Siècle)

Encore un ménage de demi-castor qui se lézarde. À vrai dire, presque tous finissent de la sorte. Du reste, comment voudriez-vous qu’il en fut autrement ? Est-ce qu’une femme qui a vécu pendant vingt ans de la vie libre et indépendante, changeant d’amant comme de chemise, peut supporter longtemps la vie de ménage ?

(Gil Blas)

Dépot

France, 1907 : Prison située sous le Palais de Justice, enclavée derrière les tourelles de la Conciergerie, dans le massif d’édifices qui comporte la cour d’appel, le tribunal, les greffes, le parquet, la cour de cassation, la cour d’assises, et les services annexes de l’instruction, du petit parquet, de la préfecture de police, de la souricière, des archives, de l’assistance judiciaire, du bureau des amendes et des criées ; enfin, occupant tout le vaste quadrilatère du boulevard du Palais, du quai des Orfèvres, de la place Dauphine, du quai de l’Horloge, qu’on nommait jadis le quai des Morfondus.
On y conduit par le panier à salade toutes les personnes arrêtées par les agents. « C’est, dit Charles Virmaître, un lieu infect, indigne de notre époque, en raison de la promiscuité des détenus et de l’absence d’air et de lumière. Ce n’est pas dépôt que l’on devrait dire, mais dépotoir, car il y passe annuellement 67,000 individus, environ 13.000 vagabonds et 22,000 filles publiques. »

Dévidage à l’estorgue

Vidocq, 1837 : s. f. — Accusation.

Larchey, 1865 : Acte d’accusation.

Rigaud, 1881 : Mensonge. — Acte d’accusation.

Virmaître, 1894 : Acte d’accusation lu en cours d’assises par le greffier. Dévider : parler : à l’estorgue, faussement (Argot des voleurs). Dévider : promenade en dévidoir que font les prisonniers sur le préau (Argot des voleurs). V. Queue de cervelas.

France, 1907 : Accusation, mensonge.

Dieu

d’Hautel, 1808 : Tous les jours que Dieu fasse, on le rencontre en cet endroit. Pour, il y va tous les jours ; on l’y voit perpétuellement.
Faire quelque chose pour l’amour de Dieu. C’est-à-dire par contrainte ; de mauvaise grace ; en rechignant.
Dieu vous bénisse, Dieu vous assiste. Se dit à quelqu’un qui éternue, ou à un pauvre que l’on veut congédier.
Dieu me confonde ! Dieu me damne ! Espèces de jurement qui servent à affirmer.
Il s’en est donné Dieu sait comme. Pour, il est s’est bien diverti ; bien réjoui.
Que le bon Dieu le bénisse. Espèce d’interjection qui exprime le mécontentement que l’on éprouve de ce que quelqu’un n’a pas exécuté ce dont on l’avoit chargé.
Ce que femme veut, Dieu le veut. Manière honnête de dire que les femmes sont tellement opiniâtres, qu’il en faut passer par tout ce qu’elles veulent.
Faire un Dieu de son ventre. Aimer passionné ment la bonne chère ; mettre tous ses plaisirs à bien manger.
On dit aussi d’un homme lâdre et intéressé, qu’Il fait un dieu de son argent.

Dodo

d’Hautel, 1808 : Faire dodo. Mot d’enfant ; qui signifie dormir.

Larchey, 1865 : Lit. — Redoublement de la première syllabe de Dormir.

Dans le dodo jusqu’à midi, Je reste en attendant l’appétit.

(La Femme comme on en voit peu, chanson, 1789)

Delvau, 1866 : s. m. Lit, — dans l’argot des enfants et des filles. Faire dodo. Dormir.

France, 1907 : Lit ; argot enfantin. Faire dodo, dormir. Faire faire dodo, faire dormir.

Parents, si vous avez un môme,
Avant de lui fair’ fair’ dodo,
Menez-le donc voir Fernando,
Ça l’amus’ra mieux qu’l’Hippodrome.

(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)

— Voilà un amour de soubrette qui doit joliment se tirer des pattes pour courir l’aventure dans les bastringues circonvoisins, quand sa maîtresse est au dodo !

(Paul Mahalin, Les Monstres de Paris)

Assise maintenant, et le corsage ouvert, un doigt pressant sa gorge débordante accolée aux lèvres avides du petit, elle le rendormit doucement, bercé en cadence avec ce dodo de son pays dont rien n’égale la grâce tendre et naïve :
Dors, mon p’tiot quinquin,
Mon p’tiot pouci,
Mon gros rogi,
Tu m’f’ras ben chagrin
Si tu n’dors jusqu’à d’main !

(Georges Herbet, Voleur d’amour)

Droitier

France, 1907 : Membre de la droite de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire réactionnaire et clérical. Hâtons-nous d’ajouter que tous les réactionnaires et les cléricaux ne sont pas assis à la droite.

Le grand crime des droitiers, qui s’allient aux plus impurs chéquards et aux plus cyniques non-lieu pour organiser le monstrueux régime qui commence à fonctionner, est précisément de rendre impossible cette conciliation de tous les Français qui auraient fini par se supporter réciproquement.

(Édouard Drumont, La Libre Parole, 1894)

D’la tribune à la buvette,
Les gauchers et les droitiers
Vont avaler des d’mi-s’tiers,
Ou bien tailler un’ bavette,
Oh ! dis-moi, simple électeur,
Tu n’connais pas ton bonheur.

(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)

Éclairer

d’Hautel, 1808 : La chandelle qui va devant éclaire mieux que celle qui va derrière. C’est-à dire, qu’il vaut mieux faire du bien de son vivant, que par testament après sa mort.

Larchey, 1865 : Payer d’avance au jeu. — Mot à mot : faire luire (éclairer) sa monnaie.

C’est pas tout ça, l’faut éclairer. C’est six francs.

(Monselet)

Delvau, 1866 : v. n. Montrer qu’on a de l’argent pour parier, pour jouer ou pour faire des galanteries, — dans l’argot de Breda-Street.

Delvau, 1866 : v. n. Payer, — dans l’argot du peuple, qui sait, quand il le faut, montrer pièce d’or reluisante ou pièce d’argent toute battante neuve.

Rigaud, 1881 : Mettre l’argent sur le tapis, — dans le jargon des joueurs. — Payer d’avance, — dans le jargon des filles.

La Rue, 1894 : Mettre l’argent sur le tapis de jeu. Payer d’avance.

Virmaître, 1894 : Payer.
— C’est mon vieux qui tient le flambeau.
Mot à mot qui éclaire.

Rossignol, 1901 : Donner, payer, rendre. Tu me dois 3 francs, éclaire ! As-tu éclairé la dépense ?

Il ne voulait pas me payer. Je l’ai forcé à éclairer.

Hayard, 1907 : Payer.

France, 1907 : Chandelle qui va devant éclaire mieux que celle qui va derrière. Vieux dicton signifiant qu’il vaut mieux faire du bien de son vivant, que l’obliger par testament ses héritiers à en faire quand on est mort.

France, 1907 : Payer ; mettre au jeu l’argent sur le tapis.

— Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui, mignonne ?
— J’ai trotté toute la journée.
— Je la connais ! la couturière, la modiste, le pâtissier… Tu vas encore me coûter les yeux de la tête ce mois-ci. Toujours éclairer, cela devient bête à la fin.

(Albert Dubrujeaud, Écho de Paris)

Depuis quelques mois, la petite Fanny Z… est entretenue par un Brésilien, peu généreux de sa nature, mais, en revanche, jaloux comme un tigre.
Elle disait de lui dernièrement :
— J’ai toujours à me méfier… Il arrive chez moi comme la foudre… Il tonne toujours… mais il éclaire rarement !

(Le Journal)

Une belle petite accompagne jusqu’à l’antichambre un ami sérieux qui vient d’une longue visite.
— Éclairez monsieur, dit-elle à la bonne.
Pendant le dîner, Mlle Lili, jeune personne de six ans, qui a assisté au départ du visiteur, interroge sa mère :
— Pourquoi donc que tu as dit à la bonne d’éclairer ce monsieur, puisque tu disais l’autre jour qu’il faut toujours que les hommes éclairent ?

(Zadig)

En peinture, il y a deux grandes espèces d’amateur : l’amateur éclairé et l’amateur… éclairant.

Écureuil (faire l’)

Virmaître, 1894 : Faire une besogne inutile, marcher sans avancer. A. D. On nomme écureuil les ouvriers qui tournent la roue chez les petits tourneurs en bois ; c’est au contraire un métier extrêmement fatiguant. Autrefois les écureuils se réunissaient au carré Saint Martin ; c’était un ramassis de toute la fripouille parisienne ; depuis que la machine à vapeur s’est vulgarisée ils ont presque disparu. On les nomme aussi chiens de cloutier. C’est une allusion au pauvre animal qui tourne la roue toute la journée pour actionner les soufflets de forge, allusion également à l’écureuil qui tourne sans cesse dans sa cage (Argot du peuple). N.

Égayer l’ours

France, 1907 : Siffler une pièce.

À la sortie du théâtre, entre deux journalistes :
— Oh ! mon cher, mon rêve serait d’assister à une belle chute, de voir égayer l’ours, mais là… carrément.
— C’est bien facile. Faites une pièce.

Enfant

d’Hautel, 1808 : L’enfant dit vrai. Dicton plaisant et badin, pour affirmer qu’une personne confesse la vérité.
Il est à table jusqu’au menton, comme les enfans de bonne maison. Se dit en badinant lorsque quelqu’un est assis sur une chaise fort basse, et que son menton est presque au niveau de la table.
C’est l’enfant de sa mère. Naïveté qui veut dire qu’un enfant a les habitudes et les inclinations de sa mère.
Il n’y a plus d’enfans. Se dit lorsque des enfans se permettent des paroles ou des actions qui n’appartiennent qu’aux hommes faits.
Enfant de gogo, nourri de lait de poule. Pour dire enfant gâté ; enfant élevé trop délicatement.
Ce n’est pas un jeu d’enfant. Pour c’est sérieux, important.
Il est innocent comme l’enfant qui vient de naître. Manière ironique de dire qu’un homme a conservé la pudeur et la modestie qui caractérisent l’adolescence.
Faire l’enfant. Minauder ; s’amuser à des puérilités ; pleurer pour les moindres choses ; ne pas se payer de raison.

France, 1907 : Levier à l’usage des voleurs à effraction. On l’appelle aussi Biribi, Dauphin, Jacques, Rigolo, Sucre de Pomme… Filer l’enfant, introduire la pince.

Enflaneller (s’)

Rigaud, 1881 : Absorber une boisson chaude. Mot à mot : une boisson qui remplace le gilet de flanelle.

Une nuit de mardi gras, je m’assis à une table, — dans la galerie en face de l’orchestre, — sur laquelle le Temps et Cybèle venaient de s’enflaneller de deux grogs américains.

(P. Mahalin, Au Bal masqué.)

Ennocer

d’Hautel, 1808 : S’ennocer. Être de noce ; faire ou assister à des cérémonies, à des repas de noces.

Épaule

d’Hautel, 1808 : Tu l’auras pardessus l’épaule. Pour tu ne l’auras point.
Il ne jette pas les épaules de mouton par les fenêtres. Pour il ne prodigue pas son bien ; il est fort économe.
Il est bien large, mais c’est des épaules. Se dit d’une personne intéressée, d’un égoïste.
Il sent l’épaule de mouton. Pour il pue, il sent fort mauvais.
On a toujours cet homme sur les épaules. Se dit d’un homme importun, indiscret, dont on ne peut se débarrasser.
On l’a mis dehors par les épaules. Pour on l’a chassé avec ignominie.
Donner un coup d’épaule. Aider, assister, secourir quelqu’un.
Regarder quelqu’un par dessus l’épaule. D’une manière arrogante et fière.

Espalier

Larchey, 1865 : Réunion de figurantes chargées d’animer un décor comme un espalier garnit un mur. — V. Bouisbouis.

Les petites filles qui se destinent à être danseuses et qui figurent dans les espaliers, les lointains, les vols, les apothéoses.

(Th. Gautier)

Delvau, 1866 : s. m. Figurante, — dans l’argot des coulisses.

Delvau, 1866 : s. m. Galérien, — dans l’ancien argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Figurant, figurante. Celui, celle qui, dans un théâtre, contribue à l’aspect général de la mise en scène. Les chanteuses de cafés-concerts, assises en fer-à-cheval au fond de la scène, s’appellent « espaliers. » — C’était autrefois : espalier d’opéra.

Elle était alors simple espalier d’opéra, c’est-à-dire chanteuse et danseuse de chœurs.

(La Gazette noire, 1789)

Par allusion aux arbres plantés en espalier.

France, 1907 : Figurant, dans l’argot des théâtres. Les jeunes personnes qui remplissent l’emploi de figurantes sont en effet rangées autour de la scène comme des espaliers.

Éternuer dans le panier

France, 1907 : Être guillotiné.

Nous ne voulons pas retracer une fois de plus le lugubre tableau d’une place publique un matin d’exécution. On sait que la majeure partie des assistants est composée d’ignobles personnages, souteneurs, récidivistes, filles publiques, habitués de restaurants de nuit tous venus par rigolade, histoire de voir un copain éternuer dans le panier.

(André Tessier, La Nation)

On dit aussi : éternuer dans le son.

En chemin, il cause avec le prêtre, lui donne de l’estomac, lui remonte le cœur :
— C’est rien du tout, m’sieu l’aumônier ! Faut pas vous rendre malade. J’ai vu Kaps, moi, place de la Roquette.
Et il raconte l’exécution de l’ « autre » au curé effaré !… Puis, en descendant, comme il se cogne la tête : « Allons, bon ! voilà qu’on se bosselle la cafetière ! » Et, sitôt à bas : « Qusqu’est l’truc ? »
Le truc, c’est la guillotine, la machine à exemple, l’épouvantail des assassins passés, présents et à venir !
On le lui indique. Il l’examine en connaisseur. Mais, comme il s’y attendait, le public ne lui va point : « Tas de poires ! » grommelle-t-il.
Il se retourne, embrasse l’aumônier — et éternue dans le son !

(Séverine)

Être sur la planche

Delvau, 1866 : v. n. Comparaître en police correctionnelle ou devant la Cour d’assises. Argot des voleurs.

France, 1907 : Comparaître devant la justice.

Faire comptoir

Rigaud, 1881 : C’est, dans le jargon des saltimbanques, une forme nouvelle de : faire comtois.

Le soir ensuite vous avez « fait comptoir, » c’est-à-dire que vous entriez dans la loge foraine et en ressortiez encore pour « allumer » les spectateurs récalcitrants.

(Cours d’assises de la Seine, aud. du 29 août 1879, interrog. de M. le Prés, de Vienne.)

Faire de la dentelle

France, 1907 : Expression des pédérastes expliquée dans le passage suivant :

Ils provoquent les assistants derrière eux, en faisant de la dentelle, c’est-à-dire en agitant les doigts croisés derrière leur dos, ou ceux qui sont devant à l’aide de la poussette, en leur faisant sentir un corps dur, le plus souvent un long bouchon qu’ils ont disposé dans leur pantalon, de manière à simuler ce que l’on devine et à exciter ainsi les sens de ceux qu’ils jugent capables de céder à leur appel.

(Ambroise Tardieu, Attentats aux mœurs)

Faire la belle

France, 1907 : Jouer la dernière partie, la décisive.
Cette expression date du temps de la chevalerie. Dans un tournoi, deux chevaliers vainqueurs dans plusieurs rencontres devaient lutter l’un contre l’autre. Cette épreuve se nommait la belle, parce que le vainqueur définitif recevait le prix de la main d’une dame désignée comme la plus belle de l’assistance.

Faire le diable à quatre

France, 1907 : Faire beaucoup de bruit.
Cette locution nous vient des mystères, pièces à dévotion et à effet que l’on représentait au moyen âge pendant certaines fêtes de l’année, surtout à Noël, à Pâques et à l’Épiphanie. Dieu le père et le fils, la Vierge, les apôtres, les saints paraissaient successivement sur la scène et naturellement les diables aussi. Afin d’impressionner davantage l’assistance et d’effrayer les pécheurs endurcis, ils faisaient un bruit affreux, poussaient des hurlements, en brandissant des torches enflammées et courant dans tous les sens. Mais comme cela exigeait une certaine dépense de soufre, d’étoupe et de masques, on les ménageait, c’est-à-dire que d’ordinaire il ne paraissait qu’un diable ou deux au plus sur la scène ; mais aux jours de grandes représentations on poussait le luxe jusqu’à quatre diables. C’était la grande diablerie et le tumulte et le tapage étaient tels que la chose devint proverbiale. On disait : Il fait du bruit comme dans une pièce à quatre diables, une diablerie à quatre, puis enfin diable à quatre.

Floueur

anon., 1827 : Escroc aux jeux.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Qui vole au jeu.

Bras-de-Fer, 1829 : Escroc au jeu.

Vidocq, 1837 : s. m. — Le nom de Floueur appartient à tous les fripons qui font métier de tromper au jeu, ainsi ce nom peut être donne aux divers Emporteurs, aux propriétaires de bouterne et d’autres jeux de cette espèce.
Avant 1814, le Préfet de police, qui avait la faculté d’envoyer à Bicêtre, sans jugement préalable, tous ceux qui habitaient Paris sans pouvoir indiquer leurs moyens d’existence, faisait souvent arrêter et détenir durant quelques mois tous les fripons de ce genre qu’on pouvait saisir. Ces voleurs nommaient ces arrestations imprévues : donner la belle.
Les Floueurs étaient divisés en dix à douze brigades, ce qui formait un effectif de trente-six à quarante hommes : presque tous sont morts dans les prisons et dans les bagnes.
M. Pasquier reconnut le premier que les faits imputés aux Floueurs rentraient dans la catégorie des délits prévus par l’article 405 du Code Pénal, et plusieurs de ces individus ayant été successivement arrêtés, furent traduits devant les tribunaux correctionnels, et condamnés à des peines plus ou moins fortes. On vit, à cette époque, paraître sur les bancs de la Cour d’Assises le bourreau de Versailles et ses deux aides. Ces misérables, ne pouvant gagner tout ce qu’ils voulaient à un malheureux marchand de cidre qu’ils avaient emporté, avaient voulu lui voler, à l’aide de violences, le sac qui contenait son argent. Ils frisèrent de près les travaux forcés à perpétuité, mais contre toute attente ils ne furent condamnés qu’à cinq années de prison.

Clémens, 1840 : Celui qui tient des jeux défendus.

Halbert, 1849 : Escroc au jeu.

Delvau, 1866 : s. m. Tricheur ; escroc ; voleur.

Rigaud, 1881 : Terme générique servant à désigner tout escroc, tout voleur qui exerce adroitement et sans employer la violence. — Dans le jargon des filles, c’est l’individu qui, après avoir promis beaucoup, ne donne rien.

France, 1907 : Escroc, tricheur.

Fouilleuse

Fustier, 1889 : Argot de police. Femme chargée de fouiller dans les prisons soit les détenues soit les visiteuses qui les viennent voir.

Le soir, la Fouilleuse du Dépôt explore les poches et les vêtements de la femme…

(Gazette des Tribunaux, 1875.)

France, 1907 : Femme employée dans les grands magasins pour fouiller les femmes soupçonnées de vol.

Voulez-vous connaitre toutes ces femmes du monde portant des noms honorables qu’un soupçon n’a jamais effleurées, qui ont été cependant déshabillées dans les pièces où se trouvent les fouilleuses du Grand Bazar ? Elles sont enregistrées ici, comme ailleurs, sur le répertoire des voleuses, parmi les domestiques, les filles galantes et les pickpockettes.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Religieuse chargée, au Dépôt, de fouiller les nouvelles arrivées.

Voici le Dépôt. Tout le monde attend pêle-mêle. Enfin arrive la fouilleuse. Les sœurs aux voiles blanc, bleu, noir, dirigées par la sœurs assistante, prennent les tickets qui sont marqués d’un trait au crayon bleu, si la fille est soumise, et d’un crayon rouge, si la fille est insoumise.

(Hogier-Grison, La Police)

Enfin on appelle aussi fouilleuse la salle où l’on fouille les prévenus.

Il lui fallait défiler à la permanence sous les yeux fouilleurs et devant les mines rébarbatives d’inspecteurs de police, en costumes civils, dévisageant les arrivants et cherchant à reconnaître les ordinaires habitués des lieux de détention.
Conduit ensuite dans une vaste salle, il passa devant le guichet où veille le brigadier, fut conduit à la fouilleuse, où on le débarrassa de son argent et de ses bijoux, puis, après qu’on lui eut fait relever les manches de son veston et de sa chemise afin de vérifier si ses bras ne portaient pas de tatouages révélateurs, il dut donner ses nom, prénoms au greffe et se trouva immatriculé.

(Edmond Lepelletier)

Foutro

France, 1907 : Jeu en vogue dans les hôpitaux militaires. Un mouchoir tordu d’une façon fort serrée et d’une dureté extrême est étendu sur une table ou un banc. C’est M. Lefoutro. Les joueurs assis autour doivent observer certaines règles dont l’infraction est punie par trois coups vigoureux de M. Lefoutro sur la main du coupable.

— Un jour que l’idée m’était venue de me mêler à la partie, un coup de foutro me cassa net une bague que j’avais au doigt et à laquelle je tenais beaucoup. C’était la première fois que je jouais au foutro ; ce fut également la dernière.

(G. Courteline, Les Gaietés de l’escadron)

Francs-bourgeois ou drogueurs de la haute

Vidocq, 1837 : s. m. — Les pauvres diables que l’on rencontre sur la voie publique, sales et éclopés, accroupis les genoux dans la boue au coin d’une borne, et auxquels on jette un sol sans seulement daigner laisser tomber sur eux un regard de commisération, ne sont pas les seuls mendians que renferme la bonne ville de Paris. Il y a des mendians là où on ne croit trouver que des gens possédant pignon sur rue, ou une inscription sur le grand livre ; au café de Paris, au concert Musard, par exemple, quelquefois même au balcon de l’opéra, assis entre un diplomate qui lorgne les tibias de Fanny Essler, ou un banquier qui se pâme aux roulades de Mlle Falcon. Ces mendians, il est vrai, ne sont pas couverts de haillons, ils ne sont ni tristes, ni souffreteux ; bien au contraire, leur linge est d’une blancheur éblouissante, leurs gants d’une extrême fraîcheur, le reste à l’avenant ; leur teint est fleuri et leur regard fixe.

Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable,

a dit quelque part le régent du Parnasse, et jamais ce vers ne fut cité plus à propos. Comment ! me direz-vous, ce jeune dandy, cette petite maîtresse pimpante et minaudière, ce vieillard à cheveux blancs qui porte à sa boutonnière une brochette de décorations, tous ces individus qui paraissent si gais, si contens, si insoucieux du temps qui passe, sont des mendians ? Eh ! mon Dieu oui ! Prenez seulement la peine de lire cet article, vous connaîtrez tous les mystères de leur existence ; et si, ce qu’à Dieu ne plaise, vous avez rompu avec tous les nobles sentimens, vous pourrez suivre leur exemple, et mener bonne et joyeuse vie sans vous donner beaucoup de peine.
C’est un agent de police, dit-on de l’homme qui mène, dans la moderne Babylone, la vie d’un sybarite, et auquel on ne connaît ni revenus ni industrie. Quelle profonde erreur ! Quelqu’élevé que soit le chiffre des fonds secrets, le nombre des agens soldés du ministère de l’intérieur, de la préfecture de police et de l’état-major de la place des Tuileries, du Palais-Royal, est trop considérable pour que chacun d’eux puisse recevoir mensuellement une bien forte somme ; l’individu dont l’existence paraît un problème insoluble, est tout simplement un Franc Bourgeois, ou Drogueur de la Haute, et voici comment il procède.
L’Almanach du Commerce, l’Almanach Royal, celui des vingt-cinq mille adresses, sont les mines qu’il exploite, et dans lesquelles il trouve tous les jours quelques nouveaux filons. Après avoir choisi une certaine quantité d’adresses, il se met en course et bientôt il arrive chez un personnage de haute volée ; il a décliné au valet-de-chambre de Monsieur ou à la camériste de Madame un nom bien sonore, toujours précédé de la particule aristocratique ; et, comme il serait malséant de faire faire antichambre à un noble personnage, on l’a immédiatement introduit près de la personne qu’il désire voir ; c’est ici que la comédie commence. Je vais prendre pour type certain personnage très-connu dans Paris, qui se dit le dernier rejeton d’une ancienne famille de la basse Normandie, famille si ancienne en effet qu’il serait vraiment impossible à tous les d’Hozier de l’époque de découvrir son écusson.
Monsieur le Baron, monsieur le Comte, monsieur le Duc (le Drogueur de la haute ressemble beaucoup au tailleur du Bourgeois Gentilhomme, il n’oublie jamais les titres de celui auquel il s’adresse, et, s’il savait que cela dût lui faire plaisir, il lui dirait très-volontiers votre majesté), je n’ai point l’honneur d’être connu de vous, et cependant je viens vous prier de me rendre un important service ; mais tout le monde sait que vous êtes bon, généreux, c’est pour cela que je me suis adressé à vous, ici il parle de ses aïeux : s’il s’adresse à un des partisans de la famille déchue, ce sont de vieux bretons, son père qui était un des compagnons de Sombreuil, est mort à Quiberon ; s’il s’adresse à un des coryphées du juste-milieu, il se donne pour le neveu ou le cousin de l’un des 221 ; s’il veut captiver les bonnes grâces d’un républicain, son père, conventionnel pur, est mort sur la terre étrangère, son frère a été tué le 6 juin 1832 à la barricade Saint-Merry. Après avoir fait l’histoire de sa famille, le Drogueur de la haute passe à la sienne, venu à Paris pour la première fois, dit-il, j’ai donné tête baissée dans tous les pièges qui se sont trouvés sur mes pas : j’ai été dépouillé par d’adroits fripons, il ne me reste rien, absolument rien, je ne veux pas demeurer plus longtemps dans la capitale, et je viens, Monsieur, vous prier de vouloir bien me prêter seulement la somme nécessaire pour payer ma place à la diligence, plus quelques sous pour manger du pain durant la route, cela me suffira ; je dois supporter les conséquences de ma conduite, et sitôt mon arrivée, mon premier soin sera de m’acquitter envers vous. J’aurais pu, pour obtenir ce que je sollicite de votre obligeance, m’adresser à monsieur le Comte, à monsieur le Marquis un tel, intime ami de ma famille ; mais j’ai craint qu’il ne jugeât convenable de l’instruire de mes erreurs.
Il est peu d’hommes riches qui osent refuser une somme modique à un gentilhomme qui s’exprime avec autant d’élégance. Au reste, si sur dix tentatives deux seulement réussissent, ce qu’elles produisent est plus que suffisant pour vivre au large pendant plusieurs jours. Quelquefois, et ici le cas est beaucoup plus grave, ce n’est point pour leur compte que les Drogueurs de la haute mendient, c’est pour une famille ruinée par un incendie, pour un patriote condamné à une forte amende. Sous la restauration, ils quêtaient pour les braves du Texas, pour les Grecs ; ils ont, à cette époque reçu d’assez fortes sommes, et les compagnons du général Lefebvre Desnouettes ou d’Ypsilanti n’en virent jamais la plus petite parcelle.
Il vaut mieux, sans doute, lorsque l’on est riche, donner quelques pièces de vingt francs à un fripon que de refuser un solliciteur dont la misère peut-être n’est que trop réelle, aussi je n’ai point écrit cet article pour engager mes lecteurs à repousser impitoyablement tous ceux qui viendront les implorer, mais seulement pour leur faire sentir la nécessité de ne point donner à l’aveuglette, et sans avoir préalablement pris quelques renseignemens, et surtout pour les engager à ne point perdre un instant de vue ceux de ces adroits et audacieux solliciteurs qui sauront leur inspirer le plus de confiance ; car les événemens qui peuvent résulter de leur visite sont plus graves qu’on ne le pense ; plusieurs d’entre eux sont liés avec des voleurs de toutes les corporations, auxquels ils servent d’éclaireurs ; il leur est facile de savoir si les concierges sont attentifs, si les domestiques se tiennent à leur poste, si les clés dont, à l’aide de la Boîte de Pandore, ils chercheront à prendre les empreintes, restent sur les portes ; s’ils ont remarqué un endroit vulnérable, ils pourront l’indiquer à un voleur praticien du genre qu’ils auront jugé le plus facile à exécuter, et au premier jour on sera volé avec des circonstances telles, que l’on sera pour ainsi dire forcé de croire que le vol a été commis par des habitans de la maison.
Que conclure de ce qui précède ? Qu’il ne faut recevoir personne, et ne point soulager l’infortune ? Non, sans doute, ce serait se priver du plus doux de tous les plaisirs ; mais on peut sans inconvénient avoir continuellement l’œil ouvert, et ses portes constamment fermées.

Fricoter

Delvau, 1866 : v. a. et n. Dépenser de l’argent, le boire ou le manger ; faire la noce ; se régaler.

Delvau, 1866 : v. n. Se mêler d’affaires véreuses ; pêcher en eau trouble.

Rigaud, 1881 : S’amuser ; tripoter à la Bourse, dans le commerce. — Dans le jargon des typographes, c’est le synonyme de chiquer des sortes. — Fricoter de l’argent, dépenser de l’argent.

Boutmy, 1883 : v. a. Prendre des sortes dans la casse de ses compagnons ; synonyme de piller.

Fustier, 1889 : « Les secrétaires, les commis d’état-major qu’on appelle fricoteurs au régiment, sont assis dans une salle au rez-de-chaussée, autour d’une immense table. »

(Constitutionnel, août 1882)

Rossignol, 1901 : Tripoter. Celui qui a la conscience élastique, qui fait argent de tout, fricote ; c’est un fricoteur.

France, 1907 : Faire.

— Nous avons dans le quartier le boulevard Richard-Lenoir, la place de la Bastille et la gare de Vincennes… Mais là, rien à fricoter… C’est plein de femmes, toutes plus méchantes les unes que les autres, qui sont jalouses chaque fois qu’elles en voient une nouvelle, et qui seraient les premières à la « donner » aux agents… Les premières fois, ça finirait par des batteries. Donc, nisco… D’autant plus que le public n’est pas fameux : des types du faubourg, des artilleurs de Vincennes ou des poivrots… Ça vaut pas la peine qu’on se dérange, et faut laisser ça aux Marie-sans-dents. T’es trop jolie et trop jeune pour eux.

(Oscar Méténier, Madame la Boule)

France, 1907 : S’amuser en noces et festins, boire et manger dans les gargotes.

Froufroutement

France, 1907 : Même sens que frou-frou. Inutile interpolation introduite à tort par quelques écrivains modernes, puisque frou-frou, onomatopée, n’avait pas besoin d’un substantif faisant double emploi.

Une sonnette se fit entendre, et la porte communiquant avec la chambre du conseil s’ouvrit. L’huissier d’audience clama, d’une voix aiguë :
— Messieurs, la Cour !
Alors tous les assistants se levèrent, et un grand silence succéda dans la salle au brouhaha des conversations, au remuement des pieds, au froufroutement des jupes.

(Félicien Champsaur, Le Mandarin)

Gâcheur

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux que l’on donne, dans tout état, à un mauvais ouvrier ; c’est aussi dans quelques métiers le nom qui distingue celui qui dirige les ouvriers.

Delvau, 1866 : adj. et s. Écrivain médiocre, qui gâche les plus beaux sujets d’articles ou de livres par son inhabileté ou la pauvreté de son style. Argot des gens de lettres.

Virmaître, 1894 : Le président de la Cour d’assises. Quand il condamne, il gâche la vie des gens (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Compagnon charpentier.

France, 1907 : Mauvais écrivain.

France, 1907 : Président de cour d’assises.

Galérienne

Rigaud, 1881 : « Sous les sombres galeries qui bordent, au rez-de-chaussée, la salle de danse du Casino, se tiennent volontiers des femmes grasses et maquillées… On les appelle Galériennes, parce qu’elles font galerie. » (Ces Dames du Casino, 1862)

France, 1907 : « Sous les sombres galeries qui bordent, au rez-de-chaussée, la salle de danse du Casino, se tiennent, veloutées, des femmes grasses et maquillées.
On les a flagellées d’une épithète horrible, mais d’une implacable étymologie : on les appelle galériennes, parce qu’elles font galerie. Assises sur des banquettes obscures, elles attendent que l’insecte… pardon, que le visiteur imprudent se jette dans la toile de la séduction qu’elles ont tendue ! »

(Ces Dames du Casino, 1862)

Galure

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, par abréviation de galurin, — dans le jargon des ouvriers. — Qui s’est assis sur mon galure ? Qui s’est trouvé mal sur mon galure ?

France, 1907 : Chapeau. Abréviation de galurin.

J’arrive à l’audience bien pomponnée, MM. les avocats sont d’ailleurs très gentils avec moi. Mais, mon Dieu ! qu’ils sont donc cocasses avec leurs manches pagodes et leur galure !

(Gil Blas)

Garçonnaille

France, 1907 : Ramassis de polissons, de mauvais drôles.

Gargotage

d’Hautel, 1808 : Aliment mal apprêté ; ramassis, repas servi sans propreté.

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais ragoût ; chose mal apprêtée, — au propre et au figuré. On dit aussi Gargoterie.

France, 1907 : Mauvais ragoût, ratatouille.

Garni de tolérance

France, 1907 : Maison de passe.

Dans les villes de province, surtout dans les villes maritimes, il est une classe de filles isolées que la police oblige à loger dans un quartier affecté à la prostitution de bas étage.
Elles habitent des maisons garnies, appelées garnis de tolérance, pour un loyer de 1 à 2 francs par jour. Ce sont de simples chambres au rez-de-chaussée, prenant jour sur la voix publique par une fenêtre et une porte. Les filles se tiennent tout le jour et souvent la nuit, jusque vers le matin, assises ou debout, sur le seuil de leur porte, pour appeler les passants. Elles forment ainsi, dans toute la longueur des rues, un double rang de sentinelles, échangeant des interpellations rauques ou aiguës, des injures ou des lazzis ; allant, venant d’une maison à l’autre ; coiffées de fleurs fanées ou de madras à carreaux ; chaussées de savates ou de sabots, débraillées, fardées, avinées, faisant aux passants des signes et des appels, elles donnent à tout le quartier un aspect étrange et repoussant.

(Dr Jeannel)

Gazon de la femme

Delvau, 1864 : Les poils de sa motte.

Nature t’a fourni un corsage bien fait,
Mais un con renfrogné, dont l’ouverture ronde
Assise est platement et sans aucun gazon.

(Théophile)

Mais nos peintres, tondant leurs toiles
Comme des marbres de Paros,
Fauchent sur les beaux corps sans voiles
Le gazon où s’assied Eros.

(Th. Gautier)


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique