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S

S (droit comme un)

France, 1907 : Se dit par dérision des bossus, des gens contrefaits. Faire des S, décrire des zigzags, des courbes, en état d’ivresse. Allonger les S, se disait autrefois pour falsifier les écritures, c’est-à-dire transformer les sous en francs. En ajoutant une queue à l’S dans les anciens comptes qui se faisaient par sous et francs ou livres, on transformait le sou en franc.

S’amadouer

Halbert, 1849 : Se marier.

S’embrochiner

Virmaître, 1894 : Se coller avec une femme. Synonyme de s’acoquiner (Argot du peuple).

France, 1907 : Se mettre en ménage avec une fille ou une femme.

S’en battre l’œil

Rossignol, 1901 : S’en moquer.

Tu as fait cela sans me demander conseil, s’il t’arrive des ennuis, je m’en bats l’œil.

S’en foutre comme d’une guigne

Virmaître, 1894 : Se moquer de tout. On dit également : Je m’en moque comme de ma première chemise. C’est une nouvelle secte créée par les indifférents : les j’men foutistes (Argot du peuple). N.

S’en foutre comme un poisson d’une pomme

Virmaître, 1894 : Se moquer de tout et de tous. Mettre l’opinion et le quand dira-t-on sous ses pieds (Argot du peuple).

S’en jeter

Rossignol, 1901 : Manger, boire beaucoup.

Je vais à la noce, je vais m’en jeter.

S’enfiler

Larchey, 1865 : « Terme de jeu. Se laisser aller à jouer gros et perdre. » — d’Hautel, 1808.

Je m’enfile de douze sous.

Monselet.

S’ennuyer

Clémens, 1840 : Être vilain, laid.

S’enretourner

Clémens, 1840 : Être avancé en âge.

S’esbigner

Rossignol, 1901 : Se sauver. — « Je vais me montrer, tu vas les voir s’esbigner. »

S’il fait beau, prends ton manteau ; s’il pleut, prends-le si tu veux

France, 1907 : Ce dicton de nos pères indique qu’il faut se tenir toujours prêt contre les éventualités fâcheuses et se prémunir contre elles lors même qu’elles ne paraissent pas probables ; tant pis pour vous si le mal est prévu et que vous ne preniez pas vos précautions. Il est une variante :

S’il fait beau, prends ton chapeau,
Et s’il pleut, ton manteau.

S’y frotte s’y pique (qui)

France, 1907 : C’était autrefois la devise de nombre de chevaliers avec un chardon pour emblème. Ce chardon se retrouve dans les armes de Nancy accompagné de cette légende : non inultus premor. On applique ce dicton aux gens irascibles et pointilleux.

Sa

France, 1907 : Apocope de Satan, mot que les villageois du Centre craignent de prononcer.

Sa femme (baptisé au nom de)

France, 1907 : Homme plus connu sous le nom de sa femme que sous le sien. Mari d’une femme célèbre ; expression des provinces du Centre.

Sabache

Rigaud, 1881 : Simple, naïf.

Sabache, saboche

France, 1907 : Imbécile, maladroit ; déformation de sabot, même sens.

Cette vieille sabache me poursuivait partout de ses propositions lubrique.

(Les Propos du Commandeur)

Sabbat

d’Hautel, 1808 : Faire sabbat. Pour dire du bruit, du tapage ; faire vacarme, charivari ; gronder, crier, s’emporter contre quelqu’un.

Sabir

Virmaître, 1894 : Bois, forêt. Quelques-uns écrivent : sabri. C’est la finale retournée (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Forêt.

France, 1907 : Jargon hétéroclite des soldats et colons d’Algérie, composé d’arabe, de français, d’italien, d’espagnol, de maltais ; de l’espagnol saber, savoir. On dit généralement petit sabir.

Il nous amusa pendant plus d’une heure avec son comique petit sabir où les chouias, les besefs, les macache bono et les kifkif bourrico se trouvaient en profusion.

(Hector France)

Sable

d’Hautel, 1808 : Avoir du sable dans les yeux. Métaphore qui signifie avoir les paupières lourdes et pesantes ; avoir envie de dormir.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Misère. Être sur le sable, être dans la misère.

Halbert, 1849 : Estomac.

France, 1907 : Sucre.

France, 1907 : Estomac ; vieux français, d’où sabler, boire. Jeter en sable un verre de vin, le boire d’un trait.

France, 1907 : Bois à brûler.

Sablé

France, 1907 : Sorte de gâteau normand.

Sable (être sur le)

Rigaud, 1881 : Être en disponibilité, dans le régiment des souteneurs. Allusion aux poissons qui ne sont pas précisément à leur aise sur le sable.

La Rue, 1894 : Être dans la misère. Se dit aussi du souteneur qui a perdu sa marmite.

France, 1907 : Être dans la misère ; même sens qu’être dans le lac ; argot des souteneurs.

Sable a passé (le marchand de)

Rigaud, 1881 : Locution à l’adresse des enfants qui marquent leur envie de dormir en se frottant les yeux.

Sable blanc

Delvau, 1866 : s. m. Sel, — dans l’argot des francs-maçons. Sable jaune. Poivre.

France, 1907 : Sel ; argot des francs-maçons.

Sable jaune

France, 1907 : Poivre ; même argot [des francs-maçons].

Sablenaut

France, 1907 : Cordonnier, pour sabrenot.

Sabler

d’Hautel, 1808 : Sabler un verre de vin. Pour dire, boire avec avidité ; avaler à grands traits.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer avec une peau remplie de sable, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Tuer, étourdir au moyen d’une peau d’anguille remplie de sable ; procédé employé, paraît-il, du temps de Vidocq. Aujourd’hui MM. les voleurs aveuglent quelquefois leurs victimes en les sablant au tabac, avant de les dépouiller.

La Rue, 1894 : Assommer avec une peau d’anguille remplie de sable.

Virmaître, 1894 : Il est des voleurs qui se servent d’un os de mouton, arme dangereuse, pour estourbir le pante. Cela laisse des traces très faciles à constater. Un autre moyen a été imaginé. On remplit de sable fin, ou de grès pulvérisé, un sac en peau, et on assomme le client avec. Quand on le relève, on le déclare mort d’une congestion ou d’une attaque d’apoplexie (Argot des voleurs).

France, 1907 : Assommer avec une peau pleine de sable.

Sables

France, 1907 : Cellules de prison ; elles sont sèches et arides comme les sables du désert.

Sables d’Étampes

France, 1907 : Sobriquet donne autrefois aux arquebusiers de cette ville. On disait aussi écrevisses d’Étampes.

Sableur, sableuse

France, 1907 : Homme ou femme qui boit beaucoup.

Sablon

Delvau, 1866 : s. m. Cassonade, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Cassonade.

La Rue, 1894 : Cassonnade.

France, 1907 : Cassonnade ; argot populaire.

Saboche

Delvau, 1866 : s. f. Mauvais ouvrier, personne maladroite, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Mauvais ouvrier. Homme déplaisant. Niais.

France, 1907 : Imbécile ; mauvais ouvrier ; déformation de sabot.

Saboche (la)

Halbert, 1849 : Homme qui déplaît : terme de mépris employé particulièrement en prison.

Sabocher

Delvau, 1866 : v. a. Travailler sans soin, avec trop de hâte.

France, 1907 : Travailler mal ; faire de mauvaise besogne.

Sabord (cour de)

France, 1907 : Examen d’un travail, contrôle ; argot des marins. Le sabord d’un navire en est l’œil ; le coup de sabord, c’est l’œil du maître.

Sabord (jeter un coup de)

Rigaud, 1881 : Vérifier l’ouvrage, — dans le jargon des ouvriers opticiens.

Saborder

France, 1907 : Effaroucher, battre ; argot des marins.

Sabot

d’Hautel, 1808 : On appelle par plaisanterie des sabots, des escarpins de Limoges.
Sabot.
Pour, vaisseau.
Aller dans le sabot. S’embarquer ; s’enrôler sur mer ; partir pour les îles ; prendre la profession de marin.
Elle a cassé son sabot. Se dit d’une fille qui a perdu son honneur ; qui s’est laissé séduire.
Il est venu à Paris en sabots. Se dit d’un homme de basse extraction qui, de pauvre qu’il étoit, est devenu très-riche.

Larchey, 1865 : Navire.

Aller dans le sabot : S’embarquer.

Vidocq.

V. Sapin. — Allusion de forme.
Sabot : Violon.

Jeune homme ! emparez-vous de ce sabot.

Dumersan et Varin.

Delvau, 1866 : s. m. Toupie plate, — dans l’argot des gamins.

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais billard. Signifie aussi Mauvais violon.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui aime à dormir.

Delvau, 1866 : s. m. Canot, barque, — dans l’argot des voleurs. Aller au sabot. S’embarquer.

Rigaud, 1881 : Terme d’imprimerie. Boîte destinée à recevoir les lettres usées qui passeront à la refonte.

Rigaud, 1881 : Petit bateau. — Mauvais violon. — Vieille voiture. En général tout vieux meuble, tout objet meublant démodé. — Matériel hors de service.

Rigaud, 1881 : Nez, — dans le jargon des voyous.

Boutmy, 1883 : s. m. Boîte dans laquelle les compositeurs jettent les lettres usées et destinées à être refondues. Par extension, mauvais ouvrier. Dans un autre sens, petit chariot qui sert à transporter les formes.

La Rue, 1894 : Nez. Petit bateau. Voiture. Violon mauvais. Ouvrier maladroit. En général tout ce qui est mauvais.

Virmaître, 1894 : Barque.
— Nous allons embarquer dans le sabot pour la Nouvelle, disent les voleurs.
Dans le peuple on dit d’un homme qu’un coup de canon ne réveillerait pas :
— Il dort comme un sabot.
Allusion à la toupie que les enfants nomment sabot, laquelle ronfle comme un tuyau d’orgue (Argot des voleurs et du peuple).

Rossignol, 1901 : Navire. Le condamné que l’on embarque à l’Île de Ré, pour la Nouvelle-Calédonie, met le pied dans le sabot.

Hayard, 1907 : Bateau.

France, 1907 : Vaisseau de guerre ou des messageries ; le mot est pris en mauvaise part.

Le médecin voulut l’emmener. Elle refusa et s’assit dans la cambuse parmi les tonneaux. Elle ne bougerait plus de là. Il l’avait assez promenée. Nom de Dieu ! elle le connaissait maintenant, son sacré sabot, mieux que n’importe quel homme du bord. L’avait-elle assez parcouru ! sa robe et ses jupons en témoignent.

(P. Bonnetain, Une femme à bord)

France, 1907 : Mauvais violon, mauvais billard. Jouer comme un sabot, mal jouer.

France, 1907 : Mauvais ouvrier, maladroit.

France, 1907 : Boîte dans laquelle on apporte les cartes dans les maisons de jeu. Voir Servir un potage.

France, 1907 : Blé mal venu ou dont le grain a été attaqué par les insectes.

Sabot (casser son)

France, 1907 : Perdre sa virginité ; expression populaire. Dans les provinces du Centre, on dit également d’une femme qui a trompé son mari, qu’elle a cassé son sabot. Changer de sabot se dit aussi ironiquement pour avoir couché avec quelqu’un. En se trompant le matin, on change de sabots. Il faut que la commère ait le pied joliment développé pour prendre les sabots du voisin pour les siens. « Pendant que soun homme est sur les routes pour son commarce, la Michelle a changé de sabots avec son voisin.

(Comte Jaubert)

Sabot de Vénus

France, 1907 : Espèce d’orchidée. On dit aussi sabot de la Vierge.

Sabot, sabourin

Rigaud, 1881 : Maladroit ; mauvais ouvrier.

Sabotage

France, 1907 : Travail mal exécuté, sans conscience. Nombre d’ouvriers mal payés ne font que du sabotage.

J’ai déjà eu l’occase d’expliquer aux bons bougres ce qu’est le sabotage : c’est le tirage à cul conscient, c’est le ratage d’un boulot, c’est le coulage du patron… Tout ça pratiqué en douce, sans faire de magnes, ni d’épates.
Le sabotage est le petit-cousin du boycottage. Et foutre, dans une kyrielle de cas où la grève est impossible, il peut rendre de sacrés services aux prolos.

(Père Peinard)

Saboter

d’Hautel, 1808 : Faire du bruit avec des sabots ; et, figurément, sabouler, bousiller ; faire quelque chose grossièrement et à la hâte.

Delvau, 1866 : v. a. Bousiller, travailler sans soin, à la hâte. Argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Travailler sans goût, abîmer l’ouvrage. Mot à mot : travailler comme un fabricant de sabots.

Rigaud, 1881 : Boire à pleins verres, à grandes rasades, — dans le jargon des buveurs. (Blavignac, Hist. des enseignes d’hôtelleries, 1878.)

Virmaître, 1894 : Ouvrage mal fait, gâché. Allusion au sabotier, qui travaille son bois à grands coups de sabre pour l’équarrir. Un ouvrage saboté est bien près d’être un loup (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mal faire un travail est le saboter.

France, 1907 : Travailler sans soin ; gâcher son ouvrage. Argot populaire.

Saboteur

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux que l’on donne à un mauvais ouvrier, qui fait tout à la hâte, et malproprement.

France, 1907 : Ouvrier maladroit.

Sabots (branle des)

France, 1907 : Danse populaire de l’Auvergne où tous les danseurs frappent du pied en même temps. Chaque province avait son branle ; le branle gai était une sorte de ronde dans laquelle les danseurs avaient continuellement un pied en l’air. Le brante des lavandières comprenait à un certain moment un battement de mains imitant le bruit des battoirs des laveuses. La farandole était le branle du Midi, et dans le Morvan c’était la bourrée.

Saboulade

d’Hautel, 1808 : Mercuriale, gronde, gourmade, mauvais traitement en paroles ; propos injurieux et offensant.

Sabouler

d’Hautel, 1808 : Malmener, gronder, brusquer, tourmenter, houspiller quelqu’un ; le maltraiter soit en paroles, soit en actions.
Sabouler de l’ouvrage. Le faire aller grand train ; ne donner aucun soin à son exécution.

anon., 1827 : Incommoder, ou cirer.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Frapper.

Bras-de-Fer, 1829 : Incommoder, décroter.

Halbert, 1849 : Incommoder ou crier.

Larchey, 1865 : Battre, cogner. — Vieux mot. V. Roquefort.

Vous me saboulez la tête avec vos mains pesantes.

Molière, Comtesse d’Escarbagnas

Je te tanne le casaquin, je te saboule.

Paillet.

Sabouler : Décrotter. — Sabouleur : Décrotteur (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. Gronder, faire des reproches, battre. Argot du peuple. Signifie aussi : Travailler sans soin, faire de la mauvaise besogne. L’expression a des chevrons :

De ton épé’ tranchante
Perce mon tendre cœur,
Saboule ton amante,
Ou rends-lui son honneur,

dit Vadé dans sa chanson des Gardes françaises.

Delvau, 1866 : v. a. Décrotter, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Maltraiter. — Décrotter. — Sabouleur, décrotteur.

La Rue, 1894 : Maltraiter. Décrotter. Laver. Crier.

Virmaître, 1894 : Décrotter. A. D. Sabouler veut dire chasser.
— Je l’ai saboulé de la piaule avec perte et fracas.
On saboule un ouvrier qui ne fait pas l’affaire (ne sait pas travailler) (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Laver son linge est le sabouler. Ce mot veut aussi dire vendre ; vendre un objet qui vous appartient est le sabouler, synonyme de laver.

France, 1907 : Gronder, fouailler, donner des verges au naturel et au figuré ; vieux français.

De ton épée tranchante
Perce mon tendre cœur ;
Saboule ton amante
Ou rends-lui son honneur.

(Vadé)

France, 1907 : Décrotter ; argot populaire.

Saboulette

Virmaître, 1894 : Table de toilette. Elle supporte le savon et les brosses qui saboulent la crasse. C’est ainsi que les voleurs nomment les lavabos communs qui leur servent dans les prisons (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Table de toilette, lavabo de prison. On s’y saboule.

Sabouleur

Delvau, 1866 : s. m. Décrotteur.

France, 1907 : Décrotteur.

Sabouleux

anon., 1827 : Ceux qui tombent du haut-mal.

Bras-de-Fer, 1829 : Ceux qui tombent du haut mal.

Halbert, 1849 : Ceux qui tombent du mal caduc.

France, 1907 : Faux épileptique ; du vieux provençal sabo, savon, à cause du morceau de savon que ces mendiants imposteurs se mettent dans la bouche pour simuler l’écume de l’épilepsie, Le mot date du XVIIe siècle.

Sabouleux, sabouleuse

Rigaud, 1881 : Faux épileptique, fausse épileptique.

Sabourin

France, 1907 : Maladroit, mauvais ouvrier ; dérivé de sabot.

Sabre

d’Hautel, 1808 : Sabre de bois ! Interjection badine et populaire ; juron dont on se sert pour intimider ou faire peur aux enfans ; ou leur faire croire que l’on est irrité contre eux.

anon., 1827 : Un bâton.

Bras-de-Fer, 1829 : Un bâton.

Halbert, 1849 : Un bâton.

Larchey, 1865 : Bâton. — Sabri : Forêt. — V. Rebâtir.

Delvau, 1866 : s. m. Bâton, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bâton, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Bâton.

Virmaître, 1894 : Bâton. Sabre : être gris. A. D. C’est sas qu’il faudrait dire. Être sas, être blindé, saoûl, est un vieux mot normand très fréquemment employé dans le peuple.
— Quitte-nous le coude, t’es sas comme une bourrique (Argot du peuple).

France, 1907 : Bâton.

Sabre (avoir un)

Delvau, 1866 : Être gris, — dans l’argot des faubouriens.

Sabre (coup de)

France, 1907 : Grande bouche.

— La gosseline est gentille, mais elle a un fameux coup de sabre, et tu sais le dicton : « Grande bouche, grand… »
— Compris !

(Les Joyeusetés du régiment)

Sabre (joli coup de)

Rigaud, 1881 : Grande bouche.

Sabrenas

d’Hautel, 1808 : Un sabrenas. Pour dire, un mauvais ouvrier ; un gâcheur ; un artisan qui travaille malproprement ; qui ne sait pas son métier. Ce sobriquet s’applique particulièrement aux cordonniers, aux savetiers.

Delvau, 1866 : s. m. Savetier, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi Mauvais ouvrier, bousilleur.

La Rue, 1894 : Savetier. Mauvais ouvrier.

Sabrenas, sabreneux

France, 1907 : Propre à rien, gâcheur.

Sabrenas, sabrenot, salbrenaud

Rigaud, 1881 : Savetier, dans le jargon des voleurs. — Mauvais ouvrier.

Sabrenasser

Delvau, 1866 : v. n. et a. Travailler sans goût, bousiller l’ouvrage. On dit aussi Sabrenauder.

Sabrenauder

France, 1907 : Travailler grossièrement ; vieux français.

Sabrenauder et sabrenasser

d’Hautel, 1808 : Gâter, savater de l’ouvrage ; travailler grossièrement, et sans propreté ; faire quelque chose tout de travers.

Sabrenot

anon., 1827 : Cordonnier, savetier.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Cordonnier, savetier.

Bras-de-Fer, 1829 : Cordonnier, savetier.

Halbert, 1849 : Cordonnier, savetier.

France, 1907 : Savetier ; allusion à son tranchet comparé à un petit sabre. Voir Saberneau.

Sabrer

d’Hautel, 1808 : Sabrer une affaire. La pousser vivement ; la dépêcher sans examen ni précaution.

Halbert, 1849 : Auner.

Delvau, 1866 : v. a. Faire une chose à la hâte, et, à cause de cela, la mal faire.

France, 1907 : Remplir une tâche précipitamment et sans soin, comme si on la taillait à coups de sabre.

Sabrer quelqu’un

Merlin, 1888 : Malmener quelqu’un.

Sabreur

d’Hautel, 1808 : Mot injurieux. En terme militaire, un officier à qui la hardiesse, l’audace et l’emportement tiennent lieu des sages combinaisons du génie ; qui bouleverse impitoyablement tout ce qui se rencontre sur son passage. C’est aussi le nom qu’on donnoit, dans les troubles de la révolution, à ces furieux dont les discours et les mesures ne tendoient qu’à frapper, renverser, détruire.

Halbert, 1849 : Auneur.

Delvau, 1866 : s. m. Matamore, homme qui ne parle que de tuer.

Delvau, 1866 : s. m. Bousilleur, ouvrier qui travaille trop vite pour travailler avec soin.

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui travaille vite et mal.

France, 1907 : Ouvrier maladroit.

France, 1907 : Militaire agressif et fanfaron.

Sabreur, traîneur de sabre

Larchey, 1865 : Militaire bruyant, Fanfaron.

Vous me faites pitié, tout sabreur que vous êtes.

P. Borel, 1833.

Sabri

Clémens, 1840 : Bois.

Delvau, 1866 : s. m. Bois, forêt, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Bois, forêt. Voir Sabir. Déformation d’abri ; on s’y abrite ; argot des voleurs.

Sabri, satou

Rigaud, 1881 : Forêt, bois, — dans l’ancien argot. — Sabrieux, voleur de bois.

La Rue, 1894 : Bois. Forêt. Sabrieux, voleur des bois ou brigand des grands chemins.

Sabrieu

Delvau, 1866 : s. m. Voleur de bois.

Sabrieux

anon., 1827 : Voleur de bois.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voleur de bois.

Bras-de-Fer, 1829 : Voleur de bois.

Halbert, 1849 : Voleur de bois.

France, 1907 : Voleur de bois.

Sac

d’Hautel, 1808 : Il a pris son sac et ses quilles. Pour dire, il s’en est allé ; il n’a pas demandé son reste ; il a décampé au plus vite.
On dit aussi d’un homme que l’on a congédié, qu’on lui a donné son sac.
Il ne peut rien sortir de bon d’un sac à charbon.
Pour dire que d’un rustre, d’un butor, d’un grossier personnage, il ne faut attendre ni politesse, ni civilité.
Votre affaire est dans le sac. Pour dire, est faite, a réussi, est bâclée.
Un sac à vin. Un ivrogne de profession, un homme qui se laisse abrutir par le vin.
Voir le fond du sac. Pénétrer le secret d’une affaire.
C’est un sac percé. Pour dire, un dissipateur, un dépensier, un prodigue.
Autant pêche celui qui tient le sac que celui qui met dedans. Signifie que les receleurs méritent le même châtiment que les voleurs.

Delvau, 1864 : Le ventre. — On dit d’une femme enceinte : Elle en a plein son sac.

La jeune garce en eut plein son sac.

Marguerite De Navarre.

Delvau, 1866 : s. m. Renvoi, congé, — dans l’argot des ouvriers. Avoir son sac. Être renvoyé d’un atelier. Donner son sac. Remercier un patron.

Delvau, 1866 : s. m. Argent, — dans l’argot des faubouriens, qui prennent le contenant pour le contenu. Avoir le sac. Être riche, ou seulement avoir de l’argent. Homme au sac. Homme qui vient d’hériter.

Rigaud, 1881 : Ventre. — Avoir le sac plein, avoir le ventre plein.

La Rue, 1894 : Argent. Congre. Éternuer dans le sac, être guillotiné. Avoir son sac, être ivre.

Virmaître, 1894 : L’affaire est dans le sac, elle est conclue. Être pris en flagrant délit de vol, c’est avoir son affaire dans le sac. Être laide ou jolie, c’est être ou n’être pas dans le sac. Il y a une vieille chanson là-dessus :

Ell’ n’est pas mal
Pour foutre dans l’canal.
Elle est encore mieux
Pour foutr’ dans les lieux. (Argot du peuple).

France, 1907 : Cent francs.

Sac (affaire dans le)

France, 1907 : Affaire faite.

Sac (avoir dans son)

Delvau, 1866 : Posséder, être pourvu ou doué. Argot du peuple. N’avoir rien dans son sac. N’avoir pas de ressources d’esprit ; être sans imagination, sans talent. Avoir une mauvaise pierre dans son sac. Ne pas jouir d’une bonne santé, être atteint de mélancolie ou de maladie grave.

Sac (avoir le)

Larchey, 1865 : Avoir de l’argent.

A-t-elle le sac ? — Cela veut dire en langage des halles : A-t-elle de l’argent ?

G. de Nerval.

Donner le sac : Mettre à la porte. — Mot à mot : Forcer quelqu’un à faire sa malle, son sac.
En avoir plein le sac : Être complètement ivre.

Laissons-le reposer, il en a plein son sac.

Chenu

Mettre dans son sac : Dévorer un affront sans pouvoir le venger. — V. Raccourcir.

Le montreur de bêtes fut donc obligé de mettre les calottes dans son sac.

E. Sue.

Sac-à-papier : « À l’ouvrage, messieurs ! Sac-à-papier ! on ne fait rien ici. » — Balzac.
Juron bon pour exprimer l’ennui d’être dans une situation embrouillée. Un sac-à-papier se disait autrefois de la réunion de toutes les pièces d’un procès celles-ci se plaçaient dans un sac de toile.

Rigaud, 1881 : Avoir de l’argent. C’est le contenant pris pour le contenu. On dit également : Être au sac.

Virmaître, 1894 : Posséder beaucoup d’argent.
— Il a un fort sac.
— Il est au sac.
Avoir un sac dans lequel il y a une mauvaise pierre, c’est être condamné par les médecins (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Être riche.

France, 1907 : Être riche ; posséder un bon sac d’écus.

— Sont-ils tout de même assez veinards, ces fils du Prophète, d’avoir le sac, qui leur permet de s’embarrasser de plusieurs femmes, et puis aussi — et surtout — d’avoir encore le sac qui leur permet de s’en débarrasser !

(Henri Second)

Sac (avoir le) ou Être saqué

Boutmy, 1883 : v. Avoir de l’argent, être riche. On dit encore dans le même sens : être au sac.

Sac (cracher dans le)

France, 1907 : Être guillotiné.

Sac (déployer son)

Merlin, 1888 : Raconter des balivernes.

Sac (donner à quelqu’un son)

Rigaud, 1881 : Renvoyer quelqu’un. Pour donner plus de force à l’expression les ouvriers ajoutent : Avec une forte paire de bretelles.Avoir son sac, être renvoyé de l’atelier. On disait autrefois : donner à quelqu’un son sac et ses quilles, pour congédier, casser aux gages.

Si je n’obéis point, j’ai mon sac et mes quilles.

(Boursault, Poésies.)

Sac (en avoir son)

Fustier, 1889 : Ne plus pouvoir supporter quelqu’un ou quelque chose.

Entre nous, le mari d’Emma ! j’en ai mon sac !

(Cadol : La colonie étrangère.)

France, 1907 : En avoir assez, en être las, comme quelqu’un qui porte un sac trop lourd.

J’en ai mon sac, moi, d’mon épouse ;
Mince d’crampon ; j’y trouv’ des ch’veux,
C’est rien de l’dire. C’que j’me fais vieux !
Par là-d’sus Madame est jalouse !

(André Gill, La Muse à Bibi)

Sac (en avoir un)

Rossignol, 1901 : Être bête est en avoir un sac.

Sac (éternuer dans le)

Rigaud, 1881 : Être guillotiné. — Variante : Cracher dans le sac.

Sac (être dans le)

Rigaud, 1881 : Avoir perdu à un jeu quelconque. Il faut payer, vous êtes dans le sac. — Signifie encore avoir fait de mauvaises spéculations, s’être ruiné. — Une affaire est dans le sac, lorsqu’elle est terminée bien ou mal, lorsqu’on n’en parle plus.

France, 1907 : Se dit d’une femme laide, bonne à mettre dans un sac.

Sac (être ou n’être pas dans le)

Delvau, 1866 : Être laide ou jolie. Argot des faubouriens. Cette expression devrait se chanter, comme cette autre, de la même famille :

Ell’ n’est pas mal
Pour foutr’ dans l’canal.

Sac (mettre dans son)

France, 1907 : Dévorer un affront.

Sac (n’être pas dans son)

France, 1907 : Être mal dans ses affaires, se mal porter. « Je ne suis pas dans mon sac aujourd’hui. »

Sac (un)

Rossignol, 1901 : 1000 francs.

anon., 1907 : Mille francs.

Sac à charbon

Fustier, 1889 : Prêtre, — dans l’argot des voyous.

Le prêtre qui tout à l’heure leur a lit entrevoir (aux enfants) la douce figure du Jésus évangélique, ils le rencontrent ; du coin d’un carrefour, ils crieront : couac, l’appelleront corbeau ou, d’un mot plus à la mode en ce moment : sac à charbon.

(Figaro, août 1884.)

Rossignol, 1901 : Celui qui porte une Soutane.

Sac à malice

Merlin, 1888 : Sac renfermant les brosses, la patience, le fil, les aiguilles, etc.

France, 1907 : Trousse, petit sac du troupier contenant les objets et ustensiles nécessaires à la propreté et à l’entretien de ses effets.

Le capitaine s’attachait surtout aux sacs à malice ; il en passait l’inspection au moins deux fois par semaine ! « Sans trousse complète, disait-il souvent, pas de bon soldat possible, pas de hussard ficelé ! »

(Émile Gaboriau, Le 13e Hussards)

Sac à merde

Virmaître, 1894 : Le ventre. L’image n’est pas propre, mais elle exprime bien le fait. On se souvient de ce général du premier Empire à qui Napoléon avait recommandé le plus grand silence à un grand dîner. Le général se tint coi, comme il l’avait promis, mais au dessert il ne put résister, il frappa sur le ventre de son voisin, un archiduc, en lui disant :
— Eh bien ! mon vieux, maintenant que t’as bien mangé, y en a beaucoup là-dedans ? (Argot du peuple).

France, 1907 : Le ventre.

Sac à olives

France, 1907 : Testicules.

Sac à os

Rigaud, 1881 : Individu très maigre.

Virmaître, 1894 : Femme maigre. On dit dans le peuple : — On peut lire son journal au travers. Il y eut longtemps, il y a une trentaine d’années, une femme diaphane qui se faisait voir dans une baraque à la foire aux pains d’épices. Le pitre pour exciter la foule à entrer, disait :
— Avec une chandelle, on peut lui compter les côtes (Argot du peuple).

France, 1907 : Femme maigre.

Sac à plâtre

Rossignol, 1901 : Un enfant au maillot ; c’est la taille et la forme d’un sac à plâtre.

Sac à puces

Rigaud, 1881 : Chien. Les puces font élection de domicile sur les chiens.

anon., 1907 : Lit.

Sac à tripes

France, 1907 : Ventre.

Sac à viande

Merlin, 1888 : Définition réaliste de la chemise.

Rossignol, 1901 : Chemise.

Sac à vin

Virmaître, 1894 : Ivrogne pour qui toutes les boissons sont bonnes. Mot à mot : il engloutit tous les liquides dans son sac (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Celui qui en boit beaucoup.

France, 1907 : Ivrogne. C’était autrefois le sobriquet des Angevins.

En avants deux ! Ô vous qu’on nomme
Chair à canon et sac à vin ;
Va-nu-pieds et bêtes de somme,
Traîne-misère et meurt-de-faim,
En avant deux et que tout danse
Pour équilibrer la balance.

(J.-B. Clément)

Sac au dos

Rossignol, 1901 : Bossu.

Sac au lard

Delvau, 1866 : s. m. Chemise, — dans l’argot des faubouriens, qui se sont rencontrés dans la même expression avec les voleurs anglais : flesh-bag, disent ceux-ci.

France, 1907 : Chemise.

Sac d’os

Rossignol, 1901 : Personne maigre qui n’a que les os.

Hayard, 1907 : Personne maigre.

Sac de pommes de terre

France, 1907 : Protubérance musculaire sur le biceps.

Un jeune homme frêle et charmant dans une veste de chasse dont le coutil laissait apercevoir aux biceps le sac de pommes de terre du savetier.

(Edmond de Goncourt, La Fille Élisa)

Sac et de corde (homme de)

France, 1907 : Homme méprisable, capable de tous les forfaits. An moyen âge, l’on enfermait les malfaiteurs ou les ennemis du pouvoir dans un sac lié par le haut et on les jetait dans la rivière avec ces mots écrits sur de sac : « Laissez passer la justice du roi. » Les moins coupables étaient pendus. De là l’expression : être digne du sac ou de la corde.

Sac mouillé (se couvrir d’un)

France, 1907 : Ne pas avouer ses torts, se servir d’excuses frivoles pour cacher ses fautes, comme si, dit un vieil auteur, l’on se mettait un sac mouillé sur la tête pour se garantir de la pluie.

Sac plein

France, 1907 : Ventre garni d’un enfant.

Sac plein (avoir le)

Delvau, 1866 : Être complètement ivre. Se dit aussi à propos d’une Femme enceinte.

Virmaître, 1894 : Être ivre. A. D. Avoir le sac plein se dit d’une femme sur le point d’accoucher (Argot du peuple). N.

Sac-à-papier !

Delvau, 1866 : Juron bourgeois, qui marque l’ennui qu’on éprouve, l’embarras dans lequel on se trouve.

Sac-à-vin

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, — dans l’argot du peuple. C’est le guzzle anglais.

Rigaud, 1881 : Ivrogne incorrigible. Ordinairement la femme du sac-à-vin est une paillasse à coups de poing.

Sac-au-dos

France, 1907 : Séminariste. Cette expression date de l’époque où les élèves des séminaires durent subir la loi militaire.

Le Capitaine. — Pourquoi tu ne sors jamais le dimanche ?
Varon. — Parce que… mon…
Le Capitaine. — C’est un vœu ?
Varon. — Non, mon cap…
Le Capitaine. — Alors ? T’as donc pas une Jeannette en ville ?
Varon. – Non, non cap’taine…
Le Capitaine — Non ? T’es une emplâtre, un navet ! Je te fais pas mes compliments. Et pourquoi ça t’as pas de bonne amie ?
Varon, — Parce que, mon cap…
Le Capitaine. — Hé ?
Varon. — Ça m’est défendu !
Le Capitaine. — Défendu ? T’es pas malade ?
Varon. — Non, mon capitaine. C’est pas pour ça.
Le Capitaine. — Pourquoi ? Allons ! Avoue. Je sens qu’il y a une saleté là-dessous.
Varon, fermement. — Je suis séminariste, mon capitaine.
Le Capitaine, abasourdi. — Ah… tu… oh !… Ah ! tu es sémina… Tiens… tiens… (Un silence.) Ainsi, vous êtes un sac-au-dos ?…
Varon. – Oui, mon capitaine.

(Henri Lavedan)

Sac-au-lard

Rigaud, 1881 : Chemise.

Sacard

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme à son aise, ayant le sac.

France, 1907 : Nom donné autrefois en Bourgogne à des gens de sac et de corde, qui en temps de peste s’offraient pour enterrer les pestiférés et qui volaient tout ce qui leur tombait sous la main dans les maisons où ils pénétraient.

France, 1907 : Individu qui a le sac, qui est riche ; argot populaire.

Saccade (avoir la)

France, 1907 : Se disait autrefois d’une femme accolée par un homme.

Et les moines, quelle chère font-ils ? Le cor Dieu, ils biscotent vos femmes ce pendant qu’estes en romivage (pélerinage). — Hin hen, je n’ai pas paour de la mienne, car qui la voirra de jour, ne se rompra ja le col pour l’aller visiter la nuict. — C’est, dist le moine, bien rentré de piques. Elle pourroit être aussi laide que Proserpine, elle aura par Dieu saccade puis qu’il y a moines autour.

(Rabelais, Gargantua)

Saccagné

France, 1907 : Petit canif très effilé et à pointe recourbée dont se servent les pickpockets pour couper du même coup le vêtement et la poche de la personne qu’ils veulent voler.

Sachet

Fustier, 1889 : Bas, chaussette.

Sachets

France, 1907 : Bas, chaussettes. Euphémisme faisant allusion à l’odeur.

Sachette

France, 1907 : Évaporée ; provincialisme.

C’est une folle, une sachette
Qui court par la rue en chausson
Et qui vous prépare en cachette
Quelques bons tours de sa façon.

(Jacques Rédelsperger)

Sachot

France, 1907 : Petit sac en toile dont se servent les pâtres des campagnes du Centre pour emporter leur goûter.

Sacoche à jeun

France, 1907 : Bourse vide.

Sacoulère

France, 1907 : Femme dont les poches sont toujours bourrées de différents objets.

Sacqualalignette

France, 1907 : Sobriquet des cordonniers en Bretagne ; littéralement, sacquer de ligneul. On les y surnomme aussi bouifs et cupécés.

Sacqué

Rigaud, 1881 : Chiffonnier qui se sert d’un sac en guise de hotte.

Sacqué (être)

Delvau, 1866 : Avoir de l’argent.

France, 1907 : Être riche, avoir le sac.

Sacquer

Delvau, 1866 : v. a. Congédier, renvoyer, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Donner le sac. Sacquer un bœuf. Renvoyer un ouvrier, — dans l’argot des tailleurs.

Rigaud, 1881 : Congédier. — Réprimander avec menace de perte d’emploi.

Si vous continuez à me houspiller de la sorte, je vous ferai sacquer par le patron.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

France, 1907 : Voir Saquer.

Sacre

anon., 1827 : Argent.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Sergent.

Bras-de-Fer, 1829 : Argent.

Halbert, 1849 : Sergent.

Halbert, 1849 : Argent.

France, 1907 : Argent ; argot des voleurs.

France, 1907 : Agent de police ; argot des voleurs.

Sacré

d’Hautel, 1808 : Le peuple joint souvent cet adjectif à un substantif, pour lui donner plus de force, et par manière de jurement, d’imprécation et de mépris.
Ainsi, pour désigner un lâdre, un avare, un égoïste, un crasseux au dernier degré, il dit : C’est un sacré vilain.
Du sacré chien tout pur.
Pour dire, du fil en trois, de l’eau-de-vie piquante et d’un degré très élevé.
On désigne aussi cette liqueur sous le nom de rude ; et lorsqu’on invite quelqu’un à prendre un petit verre, on lui demande, préalablement s’il désire, du rude ou du doux ; ce dernier mot ne s’applique qu’aux liqueurs huileuses, sucrées et agréables à boire.

Sacré chien

Larchey, 1865 : Eau-de-vie.

Vous nous râperez le gosier avec le trois-six et le sacré chien dans toute sa pureté.

Th. Gautier, 1833.

Les voilà parties chez Caplaine où elles demandent un demi-septier de sacré chien.

Vadé, 1788.

Avoir le sacré chien : Avoir le génie, l’esprit de son art. — Équivoque sur le mot précédent. — V. Chien.

Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie de mauvaise qualité qui emporte le gosier. Argot du peuple. On dit aussi Sacré chien tout pur.

Delvau, 1866 : s. m. Feu sacré, — dans l’argot des rapins et des cabotins. Avoir le sacré chien. Jouer d’inspiration et avec succès. Peindre avec emportement.

Sacré lien

France, 1907 : Le mariage, les nœuds de l’hyménée ; pour beaucoup, c’est un sacré lien ; ne pas confondre avec lien sacré.

Une femme est toujours aimable
Tant qu’on n’est pas uni par le sacré lien ;
L’usufruit en est agréable,
La propriété n’en vaut rien.

Sacré-chien

Larchey, 1865 : Eau-de-vie. — Dans le monde artistique le sacré-chien, c’est le sentiment de l’art, c’est le feu sacré. — On dit dans le même sens : Il a du chien. Allusion à l’eau-de-vie.

France, 1907 : Eau-de-vie très forte, autrement dit tord-boyaux.

Vous vous râperez le gosier avec du rhum et du rack, avec le trois-six et le sacré-chien dans toute sa pureté, tandis qu’ils se l’humecteront avec les onctueuses liqueurs des îles.

(Théophile Gautier)

Sacré-matin

France, 1907 : Sobriquet que les verriers donnent aux bourgeois et en général aux gens étrangers à l’art de la verrerie, sans doute à cause de cette exclamation sacré matin ! constamment répétée par les visiteurs qui assistent aux dangereux et durs travaux des verriers.

Il plumait sans remords un sacré-matin à l’écarté ou prenait sans vergogne la femme d’autrui ; mais il était pitoyable aux faibles et aux malheureux, doux aux petits ; on ne faisait jamais en vain appel à sa bonté, et il se serait tué plutôt que manquer à une parole donnée.

(André Theuriet)

Sacrebleu !

d’Hautel, 1808 : Sacredié ! Sacrelote ! Sacristie ! Saprebleu ! Sapristie ! Interjections basses et vulgaires ; espèce de juremens qui expriment la surprise l’étonnement, le regret, le dépit, le mécontente ment ; et qui équivalent à morbleu ! tubleu ! tu dieu, etc.

Sacrécœurer

France, 1907 :

Mais on était chouette en c’temps-là,
On n’sacrécœuroit pas sur la
Butt’ déserte.
E’j’ faisais la Cour à Nini,
Nini qui voulait fair’ son nid
À Montmerte !

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Sacrement

Larchey, 1865 : Sacrement du mariage.

Oscar m’offrit le sacrement.

Festeau.

Delvau, 1866 : s. m. Le mariage, — dans l’argot du peuple. Offrir le sacrement. Se proposer comme mari, courtiser une fille pour le bon motif.

Sacrer

Delvau, 1866 : v. n. et a. Affirmer.

Rigaud, 1881 : Affirmer.

La Rue, 1894 : Affirmer.

France, 1907 : Affirmer.

Sacrifice

Delvau, 1864 : Fouterie désintéressée et — toujours intéressante.

La compagnie qui, pendant notre sacrifice, avait gardé un profond silence, me complimenta de l’hommage que mes charmes avaient reçu par la double décharge que j’avais subie dans une seule jonction.

(Mémoires de miss Fanny.)

J’étais trop jeune encore pour multiplier les plus doux sacrifices.

Pigault-Lebrun.

Sacristain

Larchey, 1865 : Mari de maquerelle (Vidocq). V. Marlou.

Delvau, 1866 : s. m. Mari de l’abbesse du couvent des S’offre-à-tous, — dans l’argot des filles.

Rigaud, 1881 : Mari, amant d’une matrone de maison de tolérance, — dans l’ancien jargon du peuple.

La Rue, 1894 : L’homme de la matrone d’une maison autorisée.

Virmaître, 1894 : Maître d’une maison de tolérance. Mot à mot : il est le sacristain de l’abbaye dont sa femme est l’abbesse, puisque c’est elle qui, d’après le règlement, est la propriétaire du livre (Argot des souteneurs).

France, 1907 : Tenancier d’un lupanar.

Sacristi !

Delvau, 1866 : Juron de l’argot du peuple. Il dit aussi Cristi ! Les bourgeois, eux, disent Sapristi ! — ce qui les éloigne un peu de l’étymologie (sacrarium.)

Sacristie

Rigaud, 1881 : Lieux d’aisances, dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Lieux d’aisances ; argot populaire.

Sacristie (pou de)

France, 1907 : Dévot, cagot. Le dévot est le pou, la dévote est la punaise… quand elle est vieille, s’entend. Tant qu’elle est jeune et jolie, c’est une colombe ou une douce brebis du Seigneur.

Les poux de sacristie ont trouvé une sorte de plaisanterie extra-topique. Quand ils ont un surcroit d’absinthe sur la conscience (c’est-à-dire l’estomac), ils cultivent un brin de poésie. Ils s’amusent à fabriquer des chansons atroces, épouvantables ; puis ils prétendent les avoir reçues par la poste et les publient pour terroriser les deux douzaines de gâteux auxquels ils envoient leur journal gratis.

(L’Évènement, nov. 1877)

Sacs à charbonnier, l’un gâte l’autre

France, 1907 : Les sens sales se salissent mutuellement, les vicieux se communiquent leurs vices.

Saffre

France, 1907 : Gourmand ; argot populaire. Vieux français.

Safran

Delvau, 1866 : s. m. Jaunisse conjugale, — dans l’argot des bourgeois. Accommoder au safran. Tromper son mari en faveur d’un autre homme, ou sa femme en faveur d’une autre. On dit aussi Vouer au jaune.

Virmaître, 1894 : Mari trompé, voué au jonquille comme on voue les enfants au bleu. On dit aussi d’un mari dans ce cas :
— Il a la jaunisse toute l’année (Argot du peuple).

France, 1907 : Jaunisse. Accommoder son mari au safran, le cocufier ; allusion à la couleur jaune du safran. Avoir mangé du safran, rire souvent à propos de rien, allusions à une croyance populaire attribuant au safran la propriété de dilater le cœur et d’obliger à ouvrir la bouche pour respirer.

Safran (accommoder au)

Larchey, 1865 : Faire une infidélité conjugale. Le safran est jaune et cette couleur passe pour celle du cocuage. — V. Rebâtir.

Je ne suis pas fâché qu’elle ait accommodé au safran ce voltigeur de Louis XIV.

E. Augier.

Safran (aller au)

Rigaud, 1881 : Dissiper sa fortune.

La Rue, 1894 : Dissiper son bien.

Safran (John)

France, 1907 : Sobriquet donné aux Chinois par les Américains.

Les Chinois, « créatures à queue de cochon », ainsi qu’ils les qualifient, ils ne se contentent pas de les maltraiter ; à l’occasion, ils les massacrent pour les voler et les dépouiller, et les tribunaux absolvent toujours ces assassins.
« Le Chinois — John Safran, la peste Jaune — ne doit pas être considéré comme un être humain, mais comme de la vermine. » Voilà encore un de leurs principes et de leurs axiomes.

(Albert Cim, Émancipées)

Safraner

d’Hautel, 1808 : Avoir le visage safrané. C’est à-dire, jaune comme du safran.

Safranier

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux, pour dire, homme de néant, malotru, misérable, vaurien ; qui est dans la plus grande indigence, dans un état pitoyable.

France, 1907 : Homme ruiné.

Safre

d’Hautel, 1808 : Pour, avide, goulu, glouton, vorace.

Sage

d’Hautel, 1808 : Sage comme une image. Se dit par plaisanterie en parlant d’un enfant qui, contre son ordinaire, se tient tranquille et paisible.

Sage comme une image

Delvau, 1866 : adj. Extrêmement sage, — c’est-à-dire ne parlant pas. Argot du peuple.

Sagouin

d’Hautel, 1808 : Pour, dégoûtant, malpropre, crasseux, saligaud.
On dit aussi sagouine, au féminin, et dans le même sens.

Delvau, 1866 : s. m. Homme malpropre, grossier, — dans l’argot du peuple, qui calomnie les callitriches. Vilain sagouin. Pléonasme que les femmes du peuple adressent volontiers à un nomme qui leur débite des gaudrioles et des plaisanteries grasses, dont elles ne se fichent pas le moins du monde.

Sagouin, sagouine

France, 1907 : Homme ou femme malpropre, allusion au singe de ce nom.

J’ai de féroces besoins
D’aller embrasser sa femme,
Fût-elle entre les sagouins
Les plus immondes, infâme.

(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)

Saigne-nez

France, 1907 : Mille-feuille, appelée ainsi par les petits campagnards qui se fourrent des feuilles de cette plante dans le nez et se frappent les mains jusqu’à ce que le sang coule.

Saignée

d’Hautel, 1808 : Selon le bras la saignée. Signifie qu’il faut proportionner ses dépenses à ses recettes ; et que, quand on établit une taxe, un emprunt, il faut avoir égard à la fortune de ceux qu’on impose.

Saignement de nez

Rigaud, 1881 : Interrogatoire. — Faire saigner du nez, interroger.

La Rue, 1894 : Interrogatoire.

France, 1907 : Comparution d’un prisonnier devant un magistrat. Faire saigner du nez, interroger ; argot des malfaiteurs.

Saigner

d’Hautel, 1808 : Saigner du nez. Manquer de résolution, de courage, quand il s’agit d’exécuter quelque chose que l’on s’étoit vanté de faire.
Se saigner. Faire de grands sacrifices pour quel qu’un.

Delvau, 1866 : v. a. Emprunter de l’argent, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Faire ou Pratiquer une saignée. Saigner à blanc. Abuser de la bonté des gens à qui on emprunte. On dit aussi Faire une saignée blanche.

Delvau, 1866 : v. a. Blesser quelqu’un volontairement, le tuer même, — dans l’argot des prisons.

La Rue, 1894 : Assassiner.

Virmaître, 1894 : Synonyme de buter. Cette expression est généralement employée par les bouchers qui conservent dans la vie les habitudes de l’abattoir (Argot des bouchers).

Virmaître, 1894 : Emprunter de l’argent à quelqu’un. Mot à mot : faire une saignée à son porte-monnaie ou à son coffre-fort. Faire une saignée blanche : ce n’est pas un médecin qui est chargé de faire cette opération à moins que ce ne soit une doctoresse (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Avoir de la peine.

J’ai dit à Jules que sa femme le trompait, je l’ai fait saigner.

Hayard, 1907 : Tuer.

France, 1907 : Assassiner.

Saigner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Donner de l’argent, — qu’on en doive ou non. Se saigner à blanc. S’épuiser pour fournir aux dépenses d’un enfant ou d’une maîtresse.

Saigner aux quatre veines (se)

France, 1907 : S’imposer des privations pour quelqu’un. C’est l’habitude des mères de se saigner aux quatre veines pour leurs fils qui les payent parfois en ingratitude.

Toute pâlotte en sa robe noire, ses cheveux blonds décolorés par l’anémie des miséreux, mais frisottés sur le front et noués bas sur la nuque, elle inspira un goût à son chef de rayon, qui se l’offrit.
On me se défend pas longtemps quand il faut garder sa place pour manger.
Lorsqu’il la vit enceinte, le chef la remplaça. C’est à l’hospice qu’elle mit au monde un misérable gosse à moitié déformé par le buse du corset désespérément serré pour dissimuler la grossesse interdite.
Puis, elle se saigna aux quatre veines — comme dit le peuple en ses locutions imagées — pour envoyer son petit en nourrice à la campagne, proche Paris.

(Marco, Le Journal)

Saigner du nez

Halbert, 1849 : Abandonner.

Larchey, 1865 : Rester sans combattre. — Mot à mot : saigner du nez au lieu de saigner du bras.

Sa grande colère de voir que les sans-culottes saignent du nez quand il faut frapper.

1793, Hébert.

France, 1907 : Avoir peur, manquer de courage. Quand il s’agit de marcher à l’ennemi les poltrons trouvent quelque prétexte pour rester en arrière, tel qu’un subit saignement de nez.

Quand quelqu’un a l’âme poltronne,
À tout bruit il tremble et s’étonne,
À tout coup il saigne du nez.

(Scarron)

Sain

d’Hautel, 1808 : Sain comme l’œil à Picolet. Se dit par raillerie d’un homme qui est rempli d’humeurs et d’infirmités.
Cette année, les maladies ne sont pas saines. Se dit pour se moquer de ceux qui s’efforcent de prouver une chose évidente, et que l’on ne leur conteste pas.

Saindhomme

La Rue, 1894 : Tabac. Refiler un saindhomme, frapper.

Saindom

France, 1907 : Tabac. Voir Saint-Dome.

Saint

d’Hautel, 1808 : Découvrir Saint-Pierre pour couvrir Saint-Paul. Ôter à l’un pour donner à l’autre ; commettre une injustice.
Faire la Sainte n’y touche. Faire l’hypocrite ; le tartuffe.
On dit, dans le même sens, C’est un petit saint de bois.
Saint-Crépin.
Tout ce qui constitue les outils d’un cordonnier ; comme on appelle Saint-Jean les outils d’un imprimeur ; tel que le composteur le tablier, la pointe, le visorium, le marteau, etc., etc. Figurément, le patrimoine d’un pauvre homme ; tout ce qu’il possède, synonymes de Saint-Frusquin, Voy. Frusquin.
Il ne sait plus à quel saint se vouer. Pour il ne sait plus quel parti prendre ; quel remède apporter à un mal.
On dit par ironie de deux personnes qui sont toujours ensemble, que c’est Saint-Roch et son chien.

Saint (lever l’offrande à un)

France, 1907 : Expression des campagnes du Centre venant de la coutume encore existante dans nombre de villages de porter l’argent d’une messe, pour une personne en danger de mort, à un saint qui passe pour guérir la maladie dont est atteint le moribond. Quand l’église où la chapelle du saint miraculeux n’est pas dans la localité où se trouve dans une localité trop éloignée, on lève l’offrande au saint, c’est-à-dire qu’on donne à un pauvre l’argent qu’on destinait à l’église, ce qui ne fait pas rire M. le curé.
Les dictons sur les saints sont très nombreux : en voici quelques-uns :

À chaque saint sa chandelle.
Il n’est si petit saint qui ne veuille sa chandelle.
À petit saint, petite offrande.
Comme on connait les saints, on les honore.
Ne savoir à quel saint se vouer.
Quand Dieu le veut, le saint ne peut.
Tel saint, tel miracle.
Le saint de la ville n’est point adoré (Nul n’est prophète en son pays).
Un saint de carême (Un homme qui se cache).

Saint (manger le)

France, 1907 : Faire la fête gastronomique en l’honneur d’un saint, ce qu’on appelle en Lorraine la fête du pot. Quand celle-ci tombe un jour de la semaine, on mange le saint le dimanche suivant. À l’exception de saint Nicolas, on ne fête aucun saint en semaine.

Saint Antoine (compagnon de)

France, 1907 : Cochon.

Sous les superbes harnais
Au bois ballade la diva
Peinturlurée ;
Elle rit à ce frais décor ;
Hier pourtant elle était encor
Dans la purée.
Mais il s’est enfui le guignon,
Et, grâce à certain compagnon
De saint Antoine
Qui l’idolâtre sans lapin,
Elle gagne aisément son pain
Et ton avoine.

(Semiane)

Faire comme de pourceau de saint Antoine, se fourrer partout. Dicton appliqué aux parasites et pique-assiettes et qui fait allusion aux cochons d’une grande abbaye du Dauphiné, l’abbaye de Saint-Antoine de Viennois, qui, une clochette au cou pour les faire reconnaitre, allaient vagabonder dans les villages voisins, entraient dans chaque maison pour y manger sans qu’on osât les chasser par respect du saint auquel ils étaient voués. On dit, dans le Midi, d’un individu qui va de tous côtés, par monts et par vaux : coureur comme le porc de saint Antoine. Voir Mal Saint-Antoine.

Saint Barnabé

France, 1907 : Ce saint a la spécialité des pluies. Soit avant sa fête, soit après, il amène les fortes ondées. Son camarade céleste Michel détient la même spécialité. Voir Saint Michel.

Saint Bélitrou

France, 1907 : Saint imaginaire du Midi dont la fête tombe le lendemain de toute fête locale, pour donner raison au proverbe : « Pas de fête sans lendemain. »

Saint Colomban (avoir l’haleine de)

France, 1907 : Posséder de vigoureux poumons. Ce dicton tombé en désuétude fait allusion à une légende que voici. Ce pieux personnage convoqua à un sermon les habitants de Zurich, sur les bords du lac de ce nom. Les Zurichois, prévoyant sans doute que ce serait long et ennuyeux, apportèrent de grandes cuves pleines de bière, afin d’écouter plus patiemment le sermon. Colomban indigné enfla ses joues et souffla sur les cuves qui éclatèrent aussitôt comme des bulles de savon !

Saint Cosme (boutique de)

France, 1907 : Officine de médecin. Saint Cosme exerçait la médecine et l’on disait de ceux qui allaient chez le médecin qu’ils heurtaient à la boutique de saint Cosme. Ce dicton est tombé en désuétude.

Saint de carême

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui se fâche, hypocrite.

Saint Denaille

Delvau, 1866 : n. de l. Saint-Denis, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Saint Denis.

Saint Dome

Rigaud, 1881 : Tabac à fumer, — dans le jargon des ouvriers. C’est une abréviation de Saint-Domingue, la patrie du tabac.

Saint Hareng

France, 1907 : Surnom donné autrefois au hareng. « Dans le XVe siècle, il parut un petit poème sur la vie de saint Hareng, glorieux martyr, où, sous le voile d’une assimilation très hardie pour époque, où y donne des détails culinaires assez curieux sur le parti qu’on tirait alors de ce poisson :

Entre Boulogne et l’Angleterre
Fut pris le corps de saint Hareng
Qui souffrit plus que saint Laurent,
À Dieppe son corps fut porté,
Puis il fut mis en la fumée,
Pendu en guise de larron,
Et depuis mangé au cresson,
Au vinaigre, à la moutarde.
Tout est gracieux et courtois,
Qu’on le mange avec des pois ;
Et les bonnes gens de village
En font souvent de bon potage ;
C’est grand pêché que saint Hareng
Soit martyr aussi souvent.

(Aulagnier, Dict. des aliments et des boissons)

Saint Hubert (médaille de)

France, 1907 : Pièce de cinq francs.

Saint Jean (être de la)

France, 1907 : Être de mauvaise qualité. C’est de la saint Jean, ça ne vaut rien ; allusion à l’état lamentable dans lequel se trouvait saint Jean-Baptiste.

Saint Jean Bouche-d’or

Delvau, 1866 : s. m. Bavard qui, pour le plaisir de parler, ne craint pas de commettre des indiscrétions.

Saint Jean le Rond

Delvau, 1866 : s. m. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc.

Saint Jean-Baptiste

Delvau, 1866 : s. m. Cabaretier, — dans l’argot du peuple, qui fait allusion à l’eau baptismale que l’on ajoute au vin pour le rendre digne d’être bu par des chrétiens.

Saint Jean-bouche d’or

France, 1907 : Homme éloquent, insinuant, flatteur, doreur de pilules ; allusion à saint Jean Chrysostome, en grec Bouche d’or.

Saint Lâche

Delvau, 1866 : s. m. Le patron des paresseux.

Saint Laze

Delvau, 1866 : Apocope de Saint-Lazare, prison de femmes, — dans l’argot des voyous.

Saint Luc

France, 1907 : Voir Oiseau.

Saint Mathurin (colique de)

France, 1907 : Folie. Saint Mathurin est devenu le patron des fous parce que l’on fait dériver son nom du grec mataios, qui signifie fou. « Il est fol, il doit une belle chandelle à saint Mathurin », dit Cyrano de Bergerac, dans le Pédant joué. Envoyer quelqu’un à saint Mathurin avait la même signification que l’expression moderne envoyer à Charenton, et l’on disait ironiquement que les fous étaient atteints de la colique de saint Mathurin.

Saint Michel (traquenard de)

France, 1907 : Le diable. Être monté sur le traquenard de saint Michel, c’est être emporté par le diable ; allusion au diable que l’archange de ce nom tient sous ses pieds. Saint Michel est préposé aux pluies, de concert avec Barnabé : « Pluye de saint Michel, soit devant, soit derrière, ne demeure au ciel », dit un vieux dicton. Voir Saint Barnabé. Autre dicton sur saint Michel :

À la Saint-Michel,
La bécasse tombe du ciel.

(Fin septembre viennent les bécasses.)

Saint Pansard

France, 1907 : Patron imaginaire des goinfres. Il était connu de Rabelais : « Aulcuns enfloyent par le ventre, et leur ventre leur devenoit bossu comme une grosse tonne. Et de cette race nasquit saint Pansard. » Dans le Midi, on appelle Saint Pansard au mannequin représentant le carnaval et qu’on va noyer le mercredi des Cendres. C’est aussi le sobriquet qu’on applique aux ventrus.

Saint Père

Delvau, 1866 : s. m. Tabac à fumer, — dans l’argot des marbriers de cimetière.

Saint Pierre (hardi comme un)

France, 1907 : Poltron. Allusion à la conduite de cet apôtre de Jésus qui renia trois fois son maître devant une servante.

Saint Pierre (oiseau de)

France, 1907 : Le coq. Il chante trois fois après le reniement du disciple couard.

Saint Rabouni

France, 1907 : Protecteur des épouses malheureuses et maltraitées, car il est doué par le Père Éternel de la vertu de rabounir, radoucir les maris cruels, jaloux, brutaux. Ce saint est fort invoqué par les vigneronnes des provinces du Centre dont les maris ne sont pas, paraît-il, des modèles de patience et de douceur.

On sait l’histoire plaisante de celle qui s’était bornée à prier saint Rabouny d’amender le sien, n’osant laisser aller son vœu plus loin. Comme elle vit mourir ce mauvais garnement peu de temps après, elle s’écria en pleurant… de joie : « Oh ! le bon saint ! le bon saint ! il accorde plus qu’on ne lui demande. »

(M. Guitard, Proverbes sur les femmes)

Saint Roch et son chien

France, 1907 : Se dit de deux personnes qu’on voit toujours ensemble, de deux amis inséparables. On sait que saint Roch est représenté avec un chien,

Saint Sacrement (et tout le)

Delvau, 1866 : C’est l’et cætera de l’argot du peuple : Il comprend tout — et une foule d’autres choses.

Saint Taupat

France, 1907 : Plaisanterie des catholiques sur les protestants : les premiers supposent que ceux-ci, assemblés un jour près d’un cimetière, voient une tête de mort rouler d’elle-même sur le sol ; ils crièrent : miracle ! une taupe en sortit. Alors le ministre aurait dit « Mes frères, nous n’avions pas de saints ; en voici un : ce sera saint Taupat. »

(P. Jonain, Dictionnaire du patois saintongeais)

Saint Thibaud de la loupe qui ne maudit ni n’absoud

France, 1907 : La Loupe est un bourg du département d’Eure-et-Loir qui jouit, ou du moins jouissait de cette singulière particularité que les miracles y sont inconnus. Le patron est saint Thibaud, et du 1er janvier à la Saint-Sylvestre il y chôme. On ne hui adresse point de vœux pour être heureux ou pour éviter d’être malheureux, parce que, de mémoire de paysans, il n’a jamais manifesté ni en bien ni en mal son influence dans la paroisse. De là naquit dans le Perche ce dicton appliqué à tous ceux qui ne peuvent être ni utiles ni nuisibles : Ils sont comme saint Thibaud de la Loupe, ils ne maudissent ni n’absoudent.

Saint Trottin

France, 1907 : Patron imaginaire que l’on donne dans le Midi aux excursionnistes.

Saint-Ambroise (mal)

France, 1907 : Jambes torses ou cagneuses ; on va présenter dans une chapelle dédiée à ce saint les enfants atteints de cette infirmité. Superstition du Béarn.

Saint-André (rêve de la)

France, 1907 : C’est une croyance populaire qui existe en Alsace et dans presque toute l’Allemagne que le 29 novembre, fête de saint André, la jeune fille verra pendant la nuit, en rêve, l’homme qu’elle doit épouser, si, avant de se mettre au lit, elle récite consciencieusement les versets suivants :

Aujourd’hui Saint-André
Dorment tous les gens,
Tous les gens vivant
Entre le ciel et la terre,
À l’exception de l’homme
Qui devra m’épouser.

 

Dans quelques provinces, la demoiselle pétrit un gâteau de farine, lui donne la forme humaine et le mange. Sa prière est pressante dans les vers qui suivent :
   Je vais entrer au lit,
   Saint André, je te prie,
   Laisse-moi voir mon bien-aimé,
   Qu’il soit jeune ou vieux,
   Laisse-moi le voir.
Nul doute qu’encouragée par son rêve, la jouvencelle n’aide à sa réalisation dans la mesure de ses moyens.

(Félix Regnault, Folklore)

On dit dans le Midi : À la Saint-André, tue le porc, attache de bœuf.

Saint-Breneux

France, 1907 : Homme malpropre.

Saint-Christophe de Pâques-fleuries

France, 1907 : Sobriquet que l’on donnait autrefois aux ânes, à cause du nom Christophe, qui signifie en grec Porte-Christ, On sait que Jésus fit son entrée triomphale à Jérusalem monté sur un âne, jour que l’Église célèbre par la fête des Rameaux ou Pâques fleuries.

Saint-ciboire

Rigaud, 1881 : Cœur, — dans le jargon des voyous.

Saint-Crépin

Delvau, 1866 : s. m. Outils de cordonnier, et, par extension, de toute autre profession.

Delvau, 1866 : s. m. Économies, peculium, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Argent économisé. — Se prend souvent dans le sens de Saint-Frusquin. Porter tout son Saint-Crépin, porter tout ce qu’on possède.

Lorsque les garçons cordonniers vont de ville, en ville pour travailler, ce qu’ils appellent entre eux battre ta semelle, ils portent tous les instruments nécessaires à leur métier ; ils appellent cela porter tout leur Saint-Crépin.

(Fleury de Bellingen, Étymologie des Proverbes français.)

La Rue, 1894 : Économies. Outils. Prendre la voiture de Saint-Crépin, marcher.

France, 1907 : Économies ; biens. Même sens que saint-frusquin.

… Ils firent battre en ruine
Le château de Monsieur de Luyne,
Lesigny, qui le lendemain
Fut pris et tout son saint-crespin.

(Saint Julien)

France, 1907 : Bagage des ouvriers cordonniers qui, allant d’une ville a l’autre, portent leurs outils dans un sac de cuir. Le sac et le contenu sont appelés ainsi du nom du patron de la profession. Au figuré, le saint-crépin est tout le bien d’un cheminot, d’un pauvre homme qu’il porte au bout d’un bâton dans un mouchoir. On dit aussi dans le même sens le saint-frusquin. Voir ce mot.
Prendre la voiture de saint Crépin, aller à pied. Prison de saint Crépin, chaussures trop étroites. Voir Offre de Saint-Crépin.

Saint-Difficile

Delvau, 1866 : s. m. Enfant, et même grande personne faisant la dégoûtée à propos de la nourriture ou à propos d’autre chose. Argot des bourgeois et du peuple.

Saint-Dome

Hayard, 1907 : Tabac.

France, 1907 : Tabac ; abréviation de saint Dominique d’où le tabac nous est venu. On l’appelle aussi, mais à tort, Saindom.

Saint-domingue

Virmaître, 1894 : Tabac. Dans les prisons, par abréviation, on dit : Saint-Dome. Saint-Domingue, allusion au pays où prospèrent les plantations de tabac (Argot des voleurs). N.

Saint-Épissoir

France, 1907 : Fête des gabiers célébrée dans toute la flotte dans les premiers jours de janvier. L’épissoir est un petit poinçon dont se servent les gabiers pour aller à des hauteurs vertigineuses et par tous les temps larguer ou carguer les voiles. Ayant vainement cherché dans le calendrier un saint de leur profession pour célébrer sa fête, ils imaginèrent la Saint-Épissoir. D’après Paul Dhormois, ce seraient les gabiers de la Pénélope, frégate alors à l’ancre dans la rade de Fort-de-France (Martinique), qui, jaloux de voir les canonniers fêter la Sainte Barbe, eurent l’idée géniale de se donner un saint.

— Ah çà ! s’écria tout à coup Languidie, le plus ancien des quartiers-maîtres, pourquoi que nous n’aurions pas aussi notre fête, nous autres gabiers, qui sommes, sans nous vanter, un peu autre chose que de simples canonniers ?
— Est-ce que tu t’imagines qu’il y a un saint Épissoir, comme il y a une sainte Barbe ? répondit le chef de timonerie.
— Pourquoi pas ? Ce serait violent, par exemple, que l’épissoir ne pût pas avoir un patron aussi bien que le refouloir ou l’écouvillon ! Crois-tu que lorsque les saints du Paradis ont pris chacun un état sous leur protection, ils ont oublié le plus noble de tous, celui de gabier ?

(Paul Dhormois, Sous les Tropiques)

Saint-Étienne (miche de)

France, 1907 : Pierre, caillou, moellon ; allusion à la lapidation de ce saint.

Saint-Étui

France, 1907 : Nom que les dévotes donnent à la culotte de leur évêque.

La vieille dévote, lunettes au nez et aiguille en main, examinait gravement une vieille culotte de soie noire, dont la trame usée annonçait un grand service. Elle la maniait avec d’infinies précautions comme si elle touchait à un objet fragile et de haute valeur.
— Eh ! ma tante, lui dis-je, qu’est-ce que c’est que ça ?
— Ça ! — répliqua-t-elle avec indignation — Ça !… C’est le saint-étui de Monseigneur.

(Hector France)

Saint-Frusquin

Virmaître, 1894 : Lot d’objets ou de mobilier (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Tout ce que l’on possède.

Pour déménager, j’ai mis tout mon Saint-Frusquin dans une voiture à bras.

France, 1907 : Vêtements, nippes et par suite avoir, fortune ; de frusques.

Le lendemain dans l’après-midi, la mère, accompagnée d’une autre de ses filles, amena ma squaw à mon tepee avec trois chevaux et son saint-frusquin. Elles nous préparèrent un lit en osier, mirent tout en ordre et se retirèrent. En ce moment, au dehors, avec quelques jeunes trappeurs, je trouvais à mon retour, à ma grande surprise, ma femme installée an logis.

(Hector France, Chez les Indiens)

Manger son saint-frusquin, dépenser son avoir.

J’étais, ma foi, trop bête
D’aimer ce libertin
Qui venait tête à tête
Manger mon saint-frusquin.
S’il me trouvait gentille,
D’autres aussi verront
Que je suis brave fille
Qui ne veut pas d’affront.

(Vadé)

Saint-Garbot (mal)

France, 1907 : Diarrhée. Cette expression vient d’une antique légende cauchoise où un évêque du nom de Garbot, en butte à la furieuse luxure d’une grande dame de l’époque, fut faussement accusé par ladite dame, dont les avances avaient été repoussées, d’avoir attenté à sa vertu. Le prélat fut mis à mort, mais pour se venger il donna la foire non seulement au mari de la nouvelle Putiphar, mais à tous les gens de Bayeux qui avaient applaudi à son exécution, d’où foireux de Bayeux.

Hé dea ! J’ai le mau Saint-Garbot ;
Suis-je des foireux de Bayeux ?
Les playes Dieu ! Qu’esse qui s’ataque
À men cul ?…

(La Farce de Pathelin)

Saint-Genou (mal)

France, 1907 : La goutte. Voir Mal Saint-François.

Saint-Georges

France, 1907 : Cavalier où tireur d’épée accompli. Allusion au combat que ce saint eut à soutenir contre un dragon qui désolait la Libye… à l’époque fabuleuse où il y avait des dragons !

Saint-Hubert

France, 1907 : Nom donné dans les campagnes du Centre aux charlatans qui promènent dans les foires, les marchés, des images de saint Hubert, et vendent en même temps des bagues, des médailles et des chapelets qui ont la vertu de préserver de la rage, la guérison de la rage étant, comme chacun le sait, la spécialité du patron des chasseurs. On dit indifféremment des Saint-Hubert ou des marchands de Saint-Hubert. Être de la confrérie de Saint-Hubert, c’est dire des mensonges, des hâbleries, les chasseurs étant accusés de dire rarement la vérité au sujet de leurs exploits cynégétiques. « Il est de la confrérie de Saint-Hubert, dit-on, il n’enrage pas pour mentir. »

France, 1907 : Grand parapluie de coton, parapluie campagnard et familial, appelé ainsi dans les campagnes du Centre parce qu’il ressemble aux immenses parapluies rouges sous lesquels s’abritent dans les marchés les marchands de bibeloterie religieuse, appelés Saint-Hubert.

Saint-Jacques (aller à)

France, 1907 : Faire une coquille ; argot des typographes qui font allusion à la coquille de ce nom. Prendre son saint-jacques, c’est, dans le même argot, demander son compte, quitter l’atelier. Voir Saint-Jean.

Saint-Jamais (à la)

France, 1907 : Formule de refus. Saint que l’on célèbre dans la semaine des quatre jeudis.

Saint-Jean

Delvau, 1866 : s. m. Signal, — dans l’argot des voleurs. Faire le Saint-Jean. Lever l’index et le médium pour avertir un complice.

Delvau, 1866 : s. m. Outils, vêtements, affaires, — dans l’argot des typographes. Emporter son Saint-Jean. S’en aller d’une imprimerie en emportant composteur, pinces, etc.

Rigaud, 1881 : Effets. — Outils ; c’est un synonyme de Saint-Frusquin.

Boutmy, 1883 : s. m. Ensemble des outils d’un compositeur. Ces outils, d’ailleurs peu nombreux, sont : le composteur de fer et le composteur de bois, les pinces, la pointe, aujourd’hui presque abandonnée, le visorium et la boîte à corrections. Prendre son saint-jean, quitter l’atelier.

Virmaître, 1894 : Signal convenu entre les voleurs pour avertir un complice. Ce signal consiste à lever l’index et le médium. On dit aussi d’un individu qui n’est pas à la hauteur pour faire quelque chose :
— Il est de la Saint-Jean (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Voir Duce ou Envoyer le duce.

France, 1907 : Nom que les ouvriers typographes donnent à l’ensemble de leurs outils. Prendre son saint-jean, s’en aller, demander son compte, quitter l’atelier.

Saint-Jean (faire son petit)

France, 1907 : Faire l’innocent. Allusion au petit enfant qui figurait et figure encore en certains pays catholiques dans les processions de la Fête-Dieu. Faire le saint Jean,

Saint-Jean (mal)

France, 1907 : Mal caduc. Voir Mal Saint-François.

Saint-Jean porte-latine

France, 1907 : Fête des typographes. Elle n’est plus guère chômée, étant généralement et hebdomadairement remplacée par la Saint-Lundi.

Saint-Jean-Baptiste

France, 1907 : Marchand de vin qui baptise ses liquides.

Saint-Jean-le-Rond

France, 1907 : Le derrière.

— Je parie que tu ne me fouetteras pas, dit ma petite cousine, et, se tournant, elle troussa ses jupes et m’étala Saint-Jean-le-Rond.

(Les Propos du Commandeur)

Saint-Jean-Porte-Latine

Boutmy, 1883 : s. f. Fête des typographes. Elle tombe le 6 mai ; mais elle n’est plus guère chômée.

Saint-Joseph (mariage de la)

France, 1907 : La sotte avec le sot. Dicton du Béarn. « On marie ordinairement à la Saint-Joseph les filles qui ont eu la faiblesse de céder aux douces séductions de l’amour ; de là vient naturellement un préjugé défavorable contre toutes les femmes, même les plus vertueuses, qui se marient à une époque si redoutable pour leur réputation. » (V. Lespy et P. Raymond) On sait que le digne époux de la vierge Marie est le patron des cocus.

Saint-Jules

Hayard, 1907 : Partir sans payer.

Saint-Lâche

France, 1907 : Paresseux. Réciter la prière de saint Lâche, dormir.

Saint-Lago

Virmaître, 1894 : Abréviation de Saint-Lazare ; les filles disent également Saint-Laz. Quand elles sont dans cette prison, elles disent qu’elles sont à la campagne.
— Tiens, voilà six mois que l’on ne te voit plus ?
— J’étais en villégiature, je sors de ma campagne.
On sait ce que cela veut dire (Argot des filles).

Rossignol, 1901 : Abréviation de Saint-Lazare, prison pour femmes, rue du Faubourg-Saint-Denis, 107.

Hayard, 1907 : Saint-Lazare.

Saint-Lago, Saint-Lague

France, 1907 : Prison de Saint-Lazare.

Cette prison lamentable comporte plusieurs catégories de détenues et cependant la promiscuité y est générale.
Les grandes criminelles, avorteuses, empoisonneuses, voleuses y sont placées à côté de la jeune fille qu’une rafle a surprise.
Les vieilles prostituées, aux cyniques enseignements, y font la leçon aux recrues du vice. Il y a aussi à Saint-Lazare, et ce n’est pas le moins lamentable spectacle qu’offre cette sentine parisienne, une crèche avec des berceaux d’où partent des cris d’enfants.
La statistique révèle qu’il nait chaque année cinquante ou soixante enfants dans cet enfer.
La promiscuité si fâcheuse des diverses catégories de prisonnières se retrouve encore à l’hôpital. Les doyennes de la débauche, les femelles hideuses marquées de tous les stigmates de la maladie redoutée, s’y trouvent côte à côte avec des apprenties de la prostitution et des novices du dispensaire.

(Edmond Lepelletier)

Voir Saint-Laze.

Saint-Lambert

France, 1907 : Un vieux dicton est attaché au nom de ce saint :

C’est aujourd’hui la Saint-Lambert,
Qui quitte sa place la perd.

« Cela se dit, écrit Oudin dans ses Curiosités françaises, en se mettant à la place d’un qui se lève de dessus sa chaise. »

Saint-Laze (confrérie de)

France, 1907 : Monde de la prostitution.

Saint-Longin

France, 1907 : Nonchalant. Voir Longis.

Saint-Lou

France, 1907 : Saint Leu dont la fête tombe le 1er septembre, temps où commencent les veillées dans les campagnes, d’où le dicton villageois :

À la Saint-Lou
La lampe au clou.

Saint-Lundi

Delvau, 1866 : s. f. Jour choisi chaque semaine par les ouvriers pour aller ripailler aux barrières et dépenser en quelques heures le plus clair de leur gain, celui que la ménagère attend toujours en vain pour faire « bouillir la marmite ». Fêter la Saint-Lundi. Se griser — et même se soûler.

France, 1907 : Saint que l’on fête au cabaret, surtout lorsqu’on a déjà fêté le dimanche.

Saint-Main (demoiselle de)

France, 1907 : Galeuse.

Saint-Malo (revenir de)

France, 1907 : N’avoir pas de mollets. Voici le fait qui a donné lieu à ce dicton. À une certaine époque, sans doute pour économiser la dépense des chevaliers du guet, les échevins faisaient lâcher pendant la nuit de gros chiens qui se chargeaient de la police de la ville, en mordant les mollets des noctambules ou des attardés. Une cloche prévenait les habitants, et les honnêtes bourgeois et les gens paisibles n’avaient qu’à rester chez eux. On connait la chanson de Désaugiers sur Monsieur Dumollet.

Bon voyage. Monsieur Dumollet,
À Saint-Malo débarquez sans naufrage ;
Bon voyage, Monsieur Dumollet,
Et revenez si le pays vous plait.

Saint-Marceaux

Delvau, 1866 : s. m. Vin de Champagne, — dans l’argot des gens de lettres qui veulent faire une réclame à la maison de commerce de M. de Saint-Marceaux, riche viticulteur d’Épernay.

Saint-Martin (à chaque porc sa)

France, 1907 : La mort vient pour tout le monde : allusion à l’usage de tuer les cochons à la Saint-Martin, époque où ils sont suffisamment engraissés. Voici quelques dictons sur la fête de ce saint qui tombe en novembre :

Saint Martin boit le bon vin
Et laisse l’eau courre au moulin.
  À la Saint-Martin,
  L’hiver en chemin.

À la Saint-Martin,
Faut gouster le vin,
Nostre Dame après,
Pour boire il est près.

Il résulte de ces vieux dictons que saint Martin est devenu le patron des ivrognes. Voir Mal Saint-Martin.
Un proverbe rural dit : L’arc-en-ciel à la Saint-Martin vaut mieux le soir que le matin.

Saint-Mathieu

France, 1907 :

À la Saint-Mathieu,
Le pinson dit adieu.

(Dicton campagnard)

Saint-Nicolas de village (faire le)

France, 1907 : Se parer de ses plus beaux atours. On sait que c’est le patron des enfants qui, dans les provinces de l’Est spécialement, attendent de lui des jouets, le 6 décembre, jour de sa fête, comme ils en attendent à Noël.

Saint Nicolas, bon vieillard à face rose et à barbe blanche, s’en est allé, cette nuit, par les grand’routes, suivi de son âne docile qui ploie sous une lourde charge de jouets et de bonbons. Saint Nicolas est vêtu d’or et de soie, une mitre incrustée de pierres précieuses enserre ses cheveux gris, et sa main gantée de violet et baguée d’émeraude tient ferme encore une crosse de bois précieusement sculptée… Il est très beau, saint Nicolas.

(Clément Vautel, L’Événement)

Saint-pair

un détenu, 1846 : Tabac.

Saint-Père

Virmaître, 1894 : Tabac à fumer (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Tabac.

Hayard, 1907 : Tabac.

Saint-Petit

France, 1907 : En donner sur ou par le Saint-Petit, n’en donner que très peu. On dit aussi le Saint-Peu. Expression du Centre.

Saint-Pierre-aux-Bœufs (paroissien de)

France, 1907 : Homme grossier, paltoquet.

Saint-Prix (confrérie de)

France, 1907 : Clan des hommes mariés. Jeu de mot sur pris.

Saint-Quentin (beyeurs de)

France, 1907 : Sobriquet donné aux habitants de cette localité ; beyeur signifie curieux.

Saint-Rémi, perdreaux sont perdrix (à la)

France, 1907 : Cette fête tombe le 1er octobre, par conséquent les perdreaux qui éclosent généralement vers le milieu de mai sont devenus perdrix.

Saint-Sacrement (porter en)

France, 1907 : Tenir quelque chose raide et droit.

Une grande gaillarde d’une trentaine d’années, blonde et grasse, dont le visage régulier gardait quelque finesse sous l’empâtement des traits, bombait un buste opulent, sanglé dans une cuirasse de satin noir, et portait en saint-sacrement, coiffée comme d’un casque d’une forêt de cheveux roux rutilants, une tête encore jolie…

(André Desroches, L’Éternelle Illusion)

Saint-Sévère (anglais de)

France, 1907 : Sobriquet donné aux habitants de cette ville de l’Indre, depuis qu’ils firent cause commune avec les Anglais au XIVe siècle.

Saint-Vincent-de-Paul

Virmaître, 1894 : Les ramasseurs de mégots. Ils sont les Saint-Vincent-de-Paul des orphelins qui traînent devant les terrasses des cafés (Argot du peuple).

Sainte (herbe)

France, 1907 : Absinthe, dont herbe sainte est la corruption. « Les Berrichons, dit le comte Jaubert, ont de la tendance à sanctifier les herbes qu’ils supposent douées de quelque vertu ; ainsi ils disent la sainte Oseille pour la centaurée ; le sainfoin est pour eux le saint Foin ; l’absinthe l’herbe sainte, etc. »

Sainte Ange (cheveux de la)

France, 1907 : Filandres qui voltigent dans l’air à l’automne. On les nomme aussi fils de la Vierge ou jetons de Marie.

Sainte blessure

France, 1907 : Nom donné par les âmes poétiques et tendres aux menstrues.

Toutes ces honnestes dames et candides Agnès qui, chaque mois, pour peu qu’il y eût du retard dans l’éclosion de leur sainte blessure, étaient saisies de terreurs folles et se precipitaient de çà de là, par bandes furtives et tremblantes théories, chez tous les médecins et toutes les matrones de la capitale.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

On dit aussi, pour qu’il n’y ait pas de méprise : sainte blessure féminine.

Et voilà que soudain une inquiétude, vague d’abord, puis obsédante et terrible, surgissait dans son esprit, une épouvante folle s’emparait d’elle : cinq semaines, six semaines, deux mois s’écoulaient, aucune gouttelette rouge n’apparaissait, la sainte blessure féminine s’entrebâillait et ne transsudait point.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Sainte Canaille

France, 1907 : Le peuple.

Ancien ministre des travaux publics et toujours habile financier, celui-ci, depuis un quart de siècle au moins, volait tel qu’un vautour et plumait tous les oisillons qui lui tombaient entre les serres et sous le bec : à présent sénateur, ce pillard, ce goulu, ce brigand, siégeait au palais du Luxembourg, au milieu des Pères conscrits, et celui-là, naguère marchand de vins et déclaré plusieurs fois en faillite, ayant été depuis, nonobstant, décoré de la Légion d’honneur et même élu député, tempêtait à la chambre basse, composée de non moins de nullités et de fripons que la haute, et dirigeait trois ou quatre feuilles vénales vendues successivement à tous les chefs de parti : radicaux, opportunistes et réactionnaires.
Sans cesse ils me soupiraient la même litanie en m’offrant, avec une louable émulation, un des millions qu’ils avaient extorqués à la sainte canaille.

(Léon Cladel, La Juive errante)

Sainte Catherine

France, 1907 : Patronne des vieilles filles.

De nombreuses saintes Catherine objets de la vénération des fidèles, aucune n’ayant eu d’époux sur la terre, c’était, naturellement, aux jeunes filles qu’était dévolu le soin de coiffer les images de ces vierges saintes, et par une petite altération de la logique, en prenant l’effet pour la cause, car ce n’est pas parce que l’on coiffe sainte Catherine que l’on ne se marie pas, mais bien parce que l’on n’est pas mariée qu’on la coiffe.

Voir Coiffer.

Sainte Chiette

France, 1907 : Propre à rien, personne incapable de rien faire. S’applique aux deux sexes.

Sainte Espérance

Delvau, 1866 : s. f. La veille de la Sainte Touche.

France, 1907 : Veille de la Sainte touche.

Sainte Mousseline

Delvau, 1866 : s. f. Une sainte de la création de Victorien Sardou (La Famille Benoiton), et qu’invoquent aujourd’hui, par genre, les mères de famille qui suivent les modes de la morale comme elles suivent les modes… de la Mode. Voici donc l’oraison que murmurent à cette heure de jolies lèvres parisiennes : « Ah ! Mousseline, blanche Mousseline, des mères ingrates qui te devaient leurs maris t’ont reniée pour leurs enfants ! Sainte Mousseline, vierge de la toilette, sauve nos filles qui se noient dans des flots de dentelles ! » Amen !

France, 1907 : Robe en mousseline blanche.

Sainte Nitouche

France, 1907 : Fausse prude, femme ou fille qui fait la discrète, la réservée, la sage, qui s’effarouche du mot et se complait à la chose ; littéralement, sainte n’y touche.

La petite dévote n’en pouvait mais. Elle versait dans tous les coins toutes les larmes de son corps, d’autant qu’en fille qui veut rattraper le temps perdu elle avait, dès la première semaine, fait son choix parmi les plus ardents postulants. Une douzaine pour le moins se trouvaient à son goût, et elle aspirait malgré ses airs de sainte nitouche, friande des seules sucreries apostoliques, à croquer à l’occasion de plus succulentes dragées.

(Hector France)

Sainte Patience

France, 1907 : Jeu de mot employé par ceux qui ont affaire à un fâcheux, un importun, un bavard qui s’empare de leur personne et de leur temps. Quand le sang-froid va les abandonner, ils s’écrient : Sainte Patience, priez pour moi !

Sainte Solange (cousin de)

France, 1907 : Nom donné dans le Berry aux pèlerins de la grande solennité religieuse qui se fait annuellement à la chapelle de sainte Solange, près de Bourges. Comme ces estimables crétins prétendent obtenir de la sainte ce qu’ils lui demandent, on dit qu’ils sont ses cousins. « Saint Janvier de Naples, observe le comte Jaubert, a aussi ses parentes, vieilles femmes du peuple qui le gourmandent quand le prétendu miracle annuel de ce saint se fait trop attendre. » La superstition et la bêtise sont de tous les pays. C’est le vrai cosmopolitisme.

Sainte Touche

France, 1907 : Le jour des appointements, de la paye, des gages, Argot populaire.

À toutes les fins de mois régulièrement, tous les jours de Sainte Touche, on apercevait, à la sortie du bureau, Mme Varney, embusquée au tournant de la rue, ou devant la façade du Crédit, ou même jusque sous la voûte de la grand’-porte, et prête, comme une tigresse à l’affût de sa proie, à se précipiter sur sa fille, l’entraîner bien vite à l’écart et lui explorer les poches.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

C’est Saint’ Touche, ô brave ouevrier,
Viv’ment approche, on va t’payer :
— Y a pas gras, — L’gringale, l’loyer,
L’épicière… I’s’tape l’fruitier !
Et pour aller chez l’cordonnier,
Les pauv’ loupiots pourront s’fouiller.

(Paul Paillette, Tablettes d’un lézard)

Sainte-Nitouche

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui « fait sa sucrée » ou « sa Sophie », — dans l’argot du peuple, qui sait à quoi s’en tenir sur les « giries » des bégueules. Les ouvriers anglais disent de même : to sham abram (jouer l’innocence patriarcale, feindre la pudeur révoltée). Cette expression s’est employée jadis en parlant d’un Homme timide, mou, irrésolu, en amour comme en autre chose :

Il estoit ferme de roignons.
Non comme ces petits mignons
Qui font la Saincte Nitouche,

dit Mathurin Régnier.

Sainte-Plaque

Rossignol, 1901 : Voir plaquer.

Sainte-Touche

Delvau, 1866 : s. f. La fin du mois, — dans l’argot des employés. La fin de la quinzaine, — dans l’argot des ouvriers.

Boutmy, 1883 : s. f. Jour de la banque. Cette expression, usitée presque exclusivement parmi les personnes attachées au Bureau, n’est pas particulière aux typographes ; elle appartient plutôt au langage des employés.

Merlin, 1888 : Le prêt.

Rossignol, 1901 : Jour de la paye. Le samedi est Sainte-Touche pour les ouvriers.

Hayard, 1907 : La paye.

Sainte-Touche (le jour de la)

Virmaître, 1894 : La paye de chaque semaine ou de fin du mois. La Sainte Espérance est la veille de la Sainte-Touche. C’est une sainte bien fêtée par les ouvriers (Argot du peuple).

Saints (vomir les diables et manger les)

France, 1907 : Vieux dicton appliqué aux dévotes qui, anges à l’église, sont généralement furies à la maison ; après avoir mangé le saint en compagnie de M. le curé, elles vomissent le diable sur la tête le leur mari.

Saints de glace

France, 1907 : On appelle ainsi saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais dont les fêtes tombent les 11, 12 et 13 mai, jours auxquels il se fait spécialement dans le centre de la France et en Allemagne des froids qui ne sont pas de saison.
Les météorologistes expliquent ainsi les intempéries dans cette période lunaire qui commence en avril et finit en mai :

Chaque année la terre, dans le parcours de son vaste orbite autour du soleil, passe par deux points critiques : les saints de glace et l’été de la Saint-Martin (novembre-décembre et avril-mai).
Lorsque la terre est à l’extrémité de cet axe oblique correspondant à l’été de la Saint-Martin, elle reçoit, comme le ferait un réflecteur, toutes les tiédeurs du rayonnement solaire.
Mais quand elle est à l’autre extrémité, là où demeurent les saints de glace légendaires, par une combinaison céleste spéciale, il se rencontre entre la terre et le soleil un paquet de pulvéries, de nébuleuses, de quelque matière cosmique, d’astéroïdes, peut-être, qui forme écran entre notre planète et notre grand calorifère. Alors ce sont, dès que le ciel est clair, les abaissements de température, les gelées nocturnes, les accidents variés, que redoutent si fort, et à si juste titre, les agriculteurs, et dont on dit, faute de mieux, afin de tâcher d’en prendre son parti : « C’est la lune rousse ! »

Saisissement

Delvau, 1866 : s. m. Les liens dont l’exécuteur lie les bras et les jambes du condamné à mort. Le saisissement est une pièce essentielle de la toilette.

Rigaud, 1881 : Les liens dont l’exécuteur lie les bras et les jambes des condamnés à mort. Le saisissement est une pièce essentielle de la toilette. (A. Delvau)

Virmaître, 1894 : Terme employé par les voleurs pour désigner les liens qui servent pour ligotter le condamné à mort au moment de la toilette. Il y a de quoi en effet être saisi (Argot des voleurs).

France, 1907 : Appareil de courroies qui tient les bras et les jambes d’un condamné que l’on conduit à la guillotine.

Saison

Delvau, 1866 : s. f. Laps de temps plus ou moins long, mais ordinairement de 21 jours, que l’on passe dans les villes d’eaux par ordonnance de médecin. Faire une saison. Rester une vingtaine de jours à Vichy ou toute autre station thermale, et y prendre des bains minéraux.

Salade

d’Hautel, 1808 : Camarade à la salade, compagnon à coups de bâton. Bouts rimés populaires dont on se sert pour exprimer que plusieurs personnes réunies ne vivent pas en bonne intelligence ; qu’elles ne se portent mutuellement aucune estime, aucune amitié ; qu’elles vivent comme chien et chat.
Salade. Pour, gronde, réprimande, correction.
Donner une salade à quelqu’un. Pour dire, le tancer ; le réprimander ; lui chanter game.

Larchey, 1865 : Réponse. — Calembour. — La réponse est une espèce de salade.

Voilà notre dernier mot. Nous attendons ta salade.

Vidocq.

Delvau, 1866 : s. f. Raiponce à une question, — dans l’argot des voleurs, facétieux à leurs heures.

Rigaud, 1881 : Pêle-mêle ; gâchis.

Rigaud, 1881 : Fouet. — Donner la salade, fouetter, en terme d’écolier ; l’expression et le mot sont vieux et démodés.

La Rue, 1894 : Réponse. Rixe. Pêle-mêle. Mettre en salade, enfouir, cacher.

France, 1907 : Rixe.

France, 1907 : Pêle-mêle, méli-mélo, et, par extension, battage de cartes, d’où salader, battre un jeu de cartes.

Méfiez-vous d’un croupier qui en saladant, en mélangeant les cartes, ne les mêle pas jusqu’à ce qu’on voie le tapis. En les mêlant ainsi, ne les désenchevêtre pas les unes des autres, puis relevant les cartes, comme s’il relevait une galette ou un éventail, elles reviennent alors à leur place primitive. La « séquence » préparée n’est pas dérangée et cependant les cartes ont été battues, saladées !

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

France, 1907 : Fouet.

Salade (faire la)

Rigaud, 1881 : « Ils remuent le jeu de la manière dont on remue les dominos pour les mêler, les deux mains étendues sur le tapis et imprimant aux cartes un mouvement de rotation. »

(A. Cavaillé, Les Filouteries du jeu.)

Salade (mettre en)

France, 1907 : Enfouir, cacher ; argot des voleurs.

Salade de bottes

France, 1907 : Genre de brimade de l’École polytechnique où les anciens enlèvent perdant la nuit les bottes des conscrits et les jettent par la fenêtre dans la cour ou sur les toits, formant ainsi une immense salade où le conscrit ahuri a du mal à retrouver son bien. Quelquefois, c’est pendant la récréation, quelques minutes avant la rentrée des études, que les anciens font retirer leurs hottes aux nouveaux pour se livrer à cette aimable plaisanterie !

Salade de cotret

France, 1907 : Coups de trique.

Je me souviens qu’ils me menèrent chez trois ou quatre capitaines qui leur dirent qu’ils leur ficheroient une salade de cotret.

(Dialogue sur les affaires du temps)

Salade de Gascon

Delvau, 1866 : s. f. Corde, ficelle, dans l’argot du peuple. A signifié autrefois, plus spécialement, Corde de pendu.

Rigaud, 1881 : Corde, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Corde, cordons. Vieille expression tombée en désuétude.

Saladeur

France, 1907 : Joueur qui, s’étant aperçu ou douté que les cartes étaient préparées par un grec, les bat longuement, de façon à déranger les séquences.

Chagriné par un saladeur,
Gave donc vite ce mangeur.

(Hogier-Grison)

Saladier

Delvau, 1866 : s. m. Bol de vin sucré, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Vin chaud sucré servi dans un saladier. C’est le vin à la Française dont on fait une grande consommation dans les bals de barrière.

France, 1907 : Vin sucré servi dans un saladier.

Saladier (fêler son)

France, 1907 : Voir renverser son saladier.

Salaire

Rigaud, 1881 : Soulier, — dans le jargon des rôdeurs de barrière ; déformation de soulier.

Salamalec

d’Hautel, 1808 : Salutation humble, plus servile que respectueuse ; courbette ; terme arabe qui signifie la paix.
Faire des salamalecs à quelqu’un. Lui donner des preuves d’une grande soumission ; d’un respect servile.

France, 1907 : Salutation cérémonieuse ; allusion aux salutations et aux compliments interminables que se font les Arabes, littéralement Salam alek, le salut sur toi, phrase par laquelle ils débutent. Faire des salamalecs.

Salamalecs

Delvau, 1866 : s. m. pl. Politesse exagérée, — dans l’argot du peuple, qui ne pratique pas précisément la Civilité puérile et honnête.

Salamandre (incombustible comme)

France, 1907 : Encore un dicton basé sur une croyance ridicule.
Les salamandres, reptiles amphibies assez semblables aux lézards, ont la faculté de faire sortir de leur corps une substance gluante d’une odeur forte et d’une saveur âcre, lorsqu’on les jette dans le feu. Cette substance les isole quelques instants de la chaleur, ce qui a fait croire qu’elles pouvaient vivre dans le feu. Le savant Maupertuis, l’ennemi de Voltaire, qui avait voulu juger par lui-même de la véracité du proverbe, jeta plusieurs salamandres dans le feu, où elles grillèrent comme de simples lézards. Les expériences le Spallanzani, célèbre naturaliste du XVIIIe siècle, ont démontré suffisamment du reste que, loin d’être incombustible, la salamandre est peut-être de tous les animaux celui qui résiste le moins à l’excès de chaleur.
Les poètes firent de la salamandre le symbole de la valeur et l’emblème de l’amour. On sait que François Ier avait pris une salamandre au milieu des flammes pour devise, avec cette légende : Nutrio et exstinguo (J’y vis et l’éteins). Une dame espagnole d’un tempérament contraire à celui de l’amant de Diane de Poitiers avait pris la même devise, mais avec une autre légende : Mas gelo que fuego (Glacée au milieu des flammes). Il n’y avait pas de quoi s’enorgueillir d’un vice de l’organisme.
On croit généralement dans les campagnes que la salamandre est un animal venimeux. Elle n’est pas plus venimeuse qu’elle n’est incombustible.

Salamanque (médecin de)

France, 1907 : Mauvais médecin, charlatan. Dicton du Languedoc, allusion à l’université de Salamanque qui inondait l’Espagne de prétendus docteurs. Voici le dicton en entier :

Médecin de Salamanque
Guérit l’un et l’autre manque.

cas, il faut le reconnaître, qui n’est pas particulier aux médecins de la Vieille-Castille.

Salaud

d’Hautel, 1808 : Pour, malpropre, sagouin ; il se dit plus particulièrement des enfans.
C’est un terme fort injurieux, quand on l’applique à une femme. Salaude équivaut à femme sans mœurs, sans pudeur.

Delvau, 1866 : adj. et s. Enfant malpropre ; homme ordurier.

Salauderie

France, 1907 : Saleté, malpropreté. L’Académie a adopté salaud, mais pas salauderie. Pourquoi ? Les académiciens eux-mêmes n’ont jamais pu le savoir.

Il se plaisait à raconter devant les deux gamines de la cantinière quelque salauderie impudique qu’elles répétaient sans comprendre, à la grande joie des troupiers en état d’ébriété.

(Les Joyeusetés du régiment)

Salbin

Halbert, 1849 : Serment.

La Rue, 1894 : Serment.

France, 1907 : Serment ; argot des voleurs.

Salbiner

Halbert, 1849 : Prêter serment.

France, 1907 : Prêter serment.

Salbinet

Fustier, 1889 : Argot de l’École Polytechnique. « Salbinet ! » crie un tambour, en ouvrant la porte d’une salle où travaillent une dizaine d’élèves. Cela veut dire : Le capitaine prie le sergent de la salle de passer au cabinet du chef de service pour y entendre une communication du commandant de l’école et la transmettre à ses camarades.

Salbrenaud

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais cordonnier ; savetier, — dans l’argot des voleurs.

Sale

d’Hautel, 1808 : Sale comme un peigne. Se dit d’une personne malpropre ; qui a une mauvaise tenue ; qui n’a aucun soin de sa personne.
Son cas est sale. Se dit de quelqu’un qui s’est attiré de méchantes affaires ; qui a pris part à une mauvaise action, et se trouve dans l’embarras.
Il est curieux de linge sale. Se dit par ironie d’un homme malpropre, et qui ne change pas souvent de linge.

Halbert, 1849 : Gris.

Delvau, 1866 : adj. Laid, mauvais, malhonnête. Argot du peuple. Sale intérêt. Intérêt sordide. Sale monsieur. Individu d’une moralité équivoque ou d’un caractère insociable. Sale pâtissier. Homme qui n’est ni sale ni pâtissier, mais dont, en revanche, la réputation aurait grand besoin d’une lessive. On dit aussi Sale bête.

Salé

d’Hautel, 1808 : Terme typographique ; payement anticipé ; avance que les ouvriers prennent le samedi sur l’ouvrage qu’ils ont entre les mains, et qu’ils n’ont pu achever dans la semaine ; ce qui les rend débiteurs de leurs bourgeois. Voy. Dessaler.
Bourguignon salé. Sobriquet que l’on donne aux habitans de la Bourgogne, à cause, dit-on, des différends, des procès, que leurs salines leur ont occasionnés.

Delvau, 1866 : s. m. Travail payé d’avance, — dans l’argot des typographes. Morceau de salé. Acompte. Se dit aussi, par une analogie facile à saisir, d’un Enfant venu avant le mariage. Les ouvriers anglais disent : to work for the dead horse (travailler pour le cheval mort).

Rigaud, 1881 : Bonne amie, connaissance, — dans l’argot des marins.

Oùs’que tu démarres comme ça, avec ton salé ?

Rigaud, 1881 : Avance d’argent, — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : s. m. Travail compté sur le bordereau et qui n’est pas terminé. Le compositeur qui prend du salé se fait payer d’avance une composition qu’il n’a pas faite encore et qu’il ne comptera pas quand elle sera finie ; un metteur qui prend du salé compte des feuilles dont il a la copie ou la composition, mais qui ne sont pas mises en pages. Le salé est, on le conçoit, interdit partout. On dit que le salé fait boire, parce qu’il n’encourage pas à travailler, et rien n’est plus juste ; en effet, le compagnon, sachant qu’il n’aura rien à toucher en achevant une composition comptée et qui lui a été payée, n’a pas de courage à la besogne. Loin d’être dans son dur, il a la flème : de là de fréquentes sorties ; de là aussi l’adage.

Fustier, 1889 : Mordant, violent.

Le lendemain, M. Cassemajou écrivait à M. Ventéjoul une lettre un peu salée.

(Armand Silvestre.)

Rossignol, 1901 : Jeune enfant.

France, 1907 : Nouveau-né. Pondre un salé, accoucher.

Quelques semaines plus tard, elle s’aperçut qu’elle était enceinte. La mère Dupuis, qui s’en aperçut aussi, lui administra une nouvelle volée. — Qu’est-ce que nous allons faire de ton salé ? dit-elle, tout en cognant ; y avait donc pas assez de misère ici ? Tu vas aller crever à l’hôpital, sale peau de lapin !

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

France, 1907 : Égrillard. En dire, en écrire, en faire de salés.

Il faut savoir que la comtesse Diane n’était pas du tout une femme de notre époque, mais une femme du siècle dernier. Non pas par l’âge, car elle était à peine sexagénaire ; mais par les façons, l’esprit libre, même libertin, le goût des anecdotes salées, les retroussés impudents (jusqu’à l’impudicité parfois) de son papotage, l’outrageuse hardiesse de ses confessions toujours prêtes à se dévêtir en public, et enfin et surtout par son absolu manque de sens moral pour tout ce qui touche, comme elle disait si gentiment, aux choses de la galanterie.
C’est à tel point que, si on lui eût conté, sous forme d’aventure contemporaine, l’histoire de Loth ou celle d’Œdipe, volontiers elle se fût écriée à l’étourdie, sans insister davantage :
— Se sont-ils bien amusés ?

(Jean Richepin, Le Journal)

France, 1907 : Cher. « Un compte salé ; une addition salée. »

Rodolphe et sa femme ont diné au restaurant avant d’aller au spectacle :
— Mon Dieu ! quelle soif ! fait Madame pendant un entracte. Qu’est-ce qui a pu ainsi m’altérer ?
— La note, répond Rodolphe avec un soupir… Elle était salée !

France, 1907 : Avance de salaire faite à un ouvrier typographe sur un travail à venir. Prendre du salé.

Le compositeur qui prend du salé se fait payer d’avance une composition qu’il n’a pas faite encore et qu’il ne comptera pas quand elle sera finie ; un metteur qui prend du salé compte des feuilles dont il a la copie ou la composition, mais qui ne sont pas mises en pages.

(Eug. Boutmy)

Salé (bourguignon)

France, 1907 : L’ancien dicton s’exprime ainsi :

Bourguignon salé,
L’épée au côté,
La barbe au menton,
Saute, Bourguignon !

D’où vient ce singulier dicton ? Les opinions sont partagées. Suivant de Serre dans son Inventaire de l’Histoire de France, règne de Charles VII, les habitants d’Aigues-Mortes ayant massacré la garnison bourguignonne placée dans leur ville par le prince d’Orange, enfouirent les cadavres dans une grande fosse, mais comme l’odeur fétide se répandait dans la ville, ils couvrirent le charnier de sel.
Pasquier, dans ses Recherches, prétend que le mot salé date de l’époque où les Bourguignons, résidant au delà du Rhin, se querellaient constamment avec les Allemands au sujet de leurs salines.
Leroux de Lincy donne de son côté la version de Leduchat comme la meilleure et que je reproduis ici : « Bourguignon salé est une allusion au petit casque, appelé salade, que portait la milice bourguignonne. De là l’équivoque. » Voici quelques autres dictons concernant les Bourguignons :

Il a passé par la Bourgogne,
Il a perdu toute vergogne.

Les plus renieurs sont en Bourgogne qui disent : « Je renie Dieu si je ne dis la vérité.

Bonnes toiles sont en Bourgogne.

Salé (le grand)

Rigaud, 1881 : La mer.

Salé (morceau de)

Rigaud, 1881 : Enfant en bas âge.

Salé à la banque (en demander)

Virmaître, 1894 : Demander au metteur en pages ou au prote une avance sur la semaine. Salé : travail payé d’avance. Saler une note : additionner le numéro du cabinet avec la carte (Argot d’imprimerie).

Sale coup pour la fanfare

Rigaud, 1881 : Mauvaise situation, mauvaise affaire.

France, 1907 : Cette expression, fort usée dans les régiments, signifie qu’une chose désagréable ou fâcheuse vient d’arriver.

Des prolos se sont groupés, pour éliminer les intermédiaires, ont monté une coopérative où ils ont quantité de bricoles, frusques et boustifaille, quasiment au prix de revient ; sale coup pour la fanfare du petit négoce !

(Le Père Peinard)

Salé trichineux (morceau de)

Rigaud, 1881 : Petit enfant laid et malsain.

Salebreux

France, 1907 : Raboteux, rocailleux ; du latin salebrosus, même sens.

Salée (la)

Virmaître, 1894 : La mer (Argot des voleurs).

Salée (le grand)

France, 1907 : La mer. On dit aussi la grande salée.

Saler

d’Hautel, 1808 : Saler une marchandise. La mettre à un prix élevé, exorbitant.
Se saler. Terme d’imprimeur ; prendre du salé ; compter à la banque plus d’ouvrage que l’on n’en a réellement fait. Voy. Salé.

Larchey, 1865 : Tancer vertement, faire payer trop cher.

Delvau, 1866 : v. a. Faire payer trop cher. Saler une note. En exagérer les prix. On dit aussi Répandre la salière dessus.

Delvau, 1866 : v. a. Adresser de violents reproches à quelqu’un, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Vendre cher. — Réprimander. — Vous allez dîner dans ce gargot ? c’est mauvais et salé.

La Rue, 1894 : Faire payer trop cher. Réprimander. Donner la syphilis.

France, 1907 : Gronder. Surfaire un prix. Assommer.

— C’est pas qu’on ait le taf : on est moelleux, et on ne craint personne ; mais des roussins qui vous tombent sur vous à l’« improvisse », comme la grêle sur le pauvre monde, ou des ballots qui se mettent à quatre pour saler un gonce, y a-t-il moyen d’parler à ces gens-là ?

(Jean Lorrain)

On dit aussi : saler la gueule.

— Plus souvent qu’on irait s’exposer entre le viaduc et le pont de Sèvres, pour se faire lever par les vaches à Lépine ou saler la gueule par les feignants de Javel-les-Bains, un tas de brutaux qui manient le fer aux usines toute la semaine, et ne font le coup de poing que le lundi et le dimanche !

(Jean Lorrain)

France, 1907 : Communiquer la syphilis.

Saler (se faire)

Fustier, 1889 : Contracter une maladie vénérienne.

Salerne (mires de)

France, 1907 : Nom donné autrefois aux bons médecins, à cause de l’École de Salerne qui, fondée an commencement du XIe siècle, a joui pendant tout le moyen âge d’une grande célébrité. Les aphorismes de l’école de Salerne ont été souvent traduits et imités dans les langues de l’Europe.

Saleté

Delvau, 1866 : s. f. Mauvais tour, action vile, entachée de plus d’improbité que de boue, — dans l’argot des bourgeois, qui emploient ce mot dans le même sens que les Anglais leur sluttery. Faire des saletés. Faire des tours de coquin, d’escroc.

Saletés (dire des)

Delvau, 1864 : Tenir des propos de « haulte gresse » et de grande salacité, pour provoquer, les idées libertines et pousser à la consommation de la femme par l’homme et de l’homme par la femme. — Faire des saletés. Peloter une femme ou un homme, sucer ou gamahucher, branler ou faire postillon, etc., etc., — toutes les choses aimables de la fouterie.

Tu me disais alors que pour te plaire,
Une femme devait et dire et savoir faire
Toutes tes saletés et toutes les horreurs.

L. Protat.

Salière

d’Hautel, 1808 : Il ouvre les yeux grands comme des salières. Se dit par plaisanterie d’un homme qui ouvre les yeux plus que de coutume ; qui est tout ébahi.
On appelle aussi salière les creux que les femmes maigres ont au haut de la gorge.

Rigaud, 1881 : Cavité plus ou moins profonde de la clavicule chez les femmes, suivant le degré de maigreur. — Avoir des salières à y fourrer le poing, se dit d’une femme très maigre qui n’a pas reculé devant une toilette décolletée.

Salières

Larchey, 1865 : Cavités pectorales. On dit d’une femme maigre trop décolletée qu’elle montre ses salières. — Usité dès 1808.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Cavités de la clavicule, — dans l’argot du peuple. Montrer ses salières. Se dit d’une Femme maigre qui se décollète trop.

Virmaître, 1894 : Une femme qui a la poitrine creuse, a des salières, c’est-à-dire des trous en guise de seins. On dit également qu’elle a les tétons dans le dos (Argot du peuple).

France, 1907 : Poitrine creuse, trous en guise de seins, cavités pectorales ressemblant à des salières.
Elle a deux salières et cinq plats, se dit d’une femme maigre qui n’a ni gorge, ni ventre, ni fesses.

— Je crois que vous « me voulez », en effet. Mais vous voulez également toutes les femmes qui passent à votre portée… mettons toutes les jeunes filles. Jusqu’à cette pauvre Jeanne, si plate, si fagotée, dont vous regardiez les salières avec des yeux brillants !

(Marcel Prévost, Les Demi-Vierges)

Salières (avoir des)

Delvau, 1864 : Se dit des femmes maigres qui n’ont que des trous où il faudrait des bosses ; derrière les clavicules, par exemple. Elle a deux salières et cinq plats (sein plat). Vieux dicton qui s’emploie pour désigner une femme maigre qui n’a ni cul ni tétons.

Saligaud

d’Hautel, 1808 : Un saligaud. Un homme mal propre et sans tenue ; il n’est guères d’usage qu’au masculin.

Saligaud, e

Delvau, 1866 : s. et adj. Personne malpropre au propre, et malhonnête au figuré, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce mot dans le même sens que les Anglais leur slut.

Salin

Halbert, 1849 : Jaune.

France, 1907 : Jaune. Saloir.

Salir

d’Hautel, 1808 : Salir la réputation de quelqu’un. Y porter atteinte par de mauvais propos, par des commérages, de noires médisances.

Salir le nez (se)

Fustier, 1889 : Se griser.

France, 1907 : S’enivrer.

Salisson

d’Hautel, 1808 : Petite fille sale et malpropre qui n’a aucun soin de sa personne.

Saliver

France, 1907 : Parler avec abondance, bavarder à en baver, comme maints orateurs de réunions publiques.

Vous pouvez, ô suaves crapules, saliver, baver, calomnier à gueule que veux-tu. Vous n’aurez jamais autant de haine que j’ai de mépris.

(A. Maujan)

Salivergne

anon., 1827 : Écuelle.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Écuelle.

Bras-de-Fer, 1829 : Écuelle.

Halbert, 1849 : Écuelle ou salade.

Saliverne

Delvau, 1866 : s. f. Écuelle, gamelle, — dans l’argot des voleurs, qui y laissent volontiers tomber leur salive pour dégoûter les camarades. Ils disaient autrefois Crolle.

Rigaud, 1881 : Tasse, gamelle, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Gamelle ou écuelle qui sert dans les hôpitaux aux malades pour cracher. Ils salivent dedans (Argot des voleurs).

France, 1907 : Écuelle qui sert de crachoir dans les hôpitaux.

Saliverne (en)

France, 1907 : Pêle-mêle.

Salle

La Rue, 1894 : Enfant.

Salle à manger

Delvau, 1866 : s. f. La bouche, — dans l’argot des faubouriens. N’avoir plus de chaises dans sa salle à manger. N’avoir plus de dents.

Rigaud, 1881 : Bouche. — N’avoir plus que trois ou quatre chaises dans la salle à manger, n’avoir plus que trois ou quatre dents. — La salle à manger se démeuble, se dit quand on perd ses dents.

Virmaître, 1894 : La bouche. Pour indiquer qu’un individu n’a pas de dents, on dit dans le peuple :
— Il n’a plus de tabourets dans la salle à manger (Argot du peuple).

France, 1907 : Bouche. Manquer de tabourets dans la salle à manger, être édenté.

Salle de danse

Rigaud, 1881 : Derrière, — dans le jargon des souteneurs qui, dans leurs démêlés avec leurs maîtresses, les font danser à grands coups de pied au derrière.

France, 1907 : Le derrière.

Salle de papier

Rigaud, 1881 : Salle de théâtre où la plupart des spectateurs sont entrés avec des billets donnés.

France, 1907 : Salle de spectacle remplie à l’aide de billets de faveur ; argot des théâtres.

Sallir à la poigne

Clémens, 1840 : Vendre à la main, courir les foires.

Salliverne

Clémens, 1840 : Salade.

Saloirs

France, 1907 : Chaussures.

Salonnier

Delvau, 1866 : s. m. Critique d’art, chargé du compte rendu du Salon. Argot des journalistes. Le mot est de création récente.

France, 1907 : Journaliste qui fait la critique des expositions d’art, les salons.

Des poètes, des salonniers ; poètes camarades des peintres, la race en existe ! braves garçons cherchant le chef-d’œuvre, et, d’un rêve sympathique, complétant l’œuvre parfois incomplète de l’ami ; salonniers inquiets rêvant des formules souples, molles — fonds vibrants, horizons ressentis, gris savoureux, que sais-je encore ? — aptes à envelopper, comme on enveloppe de papier d’argent une dragée, leur idée toujours simple au fond et pareille à l’idée de tout le monde : « Tel tableau est bon ou mauvais, il me plaît ou ne me plaît pas. »

(Paul Arène)

Salope

d’Hautel, 1808 : Pour sale, malpropre.
Une salope. Terme injurieux que l’on ne donne qu’à une femme sans mœurs ; à une prostituée.

Delvau, 1864 : Femme galante, de haut, ou de bas étage.

Je vous aime ainsi, divine salope.

(Parnasse satyrique.)

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme du genre de celles que Shakespeare traite de drabs dans Winter’s Tale, et que, comme on le voit, le peuple parisien traite presque aussi mal.

Saloper

d’Hautel, 1808 : Hanter des femmes de mauvaise vie ; se plonger dans la dissolution, dans le vice le plus bas et le plus crapuleux.

Fustier, 1889 : Argot des élèves de l’école des Beaux-Arts.

La seule chose qui soit interdite, c’est de saloper. Ne vous effarouchez pas de ce mot, c’est le mot usuel, adopté. M. Dubois (le directeur de l’école) met son nom au bas d’un avis dans lequel on lit : Il est formellement interdit de saloper avant tel jour. Qu’est-ce donc que saloper ? C’est entrer dans la loge les uns des autres pour y formuler son appréciation sur l’œuvre du voisin.

(Liberté, août 1883.)

France, 1907 : Travailler mal.

Saloperie

d’Hautel, 1808 : Au propre saleté, malpropreté.
Dire ou faire des saloperies. Tenir des propos obscènes ; faire des petitesses, des vilenies.

Delvau, 1866 : s. f. Vilain tour, lésinerie, crasse.

Delvau, 1866 : s. f. Ordure, — au propre et au figuré, spucritia et obscenitas. Dire des saloperies. Employer un langage ordurier. Faire des saloperies. Se conduire en goujat.

Salopète

Rigaud, 1881 : Il (le canotier de la Seine) porte la salopète, cotillon de grosse toile à torchon ; la salopète ne se lave pas, chaque tache lui est un honneur.

(E. Briffault, Paris dans Veau, 1844.)

Salopette

France, 1907 : Petit tablier ; blouse de travail ; pantalon de travail.

Salopiat, salopiaud

France, 1907 : Salaud ; individu malpropre au moral ou au physique ; de salop, venant lui-même de l’anglais sloppy, même sens.

Salopiat, salopiot, saligot

Rigaud, 1881 : Malpropre, vaurien.

Puis ne voilà-t-il pas qu’un sacré polisson de salopiat de singe, ne le voilà-t-il pas, à la fin des fins, il vous pisse par une fente sur les mignons.

(E. de Goncourt.)

Salopiaud

Delvau, 1866 : s. m. Homme malpropre d’esprit et de costume, en actions et en paroles. Au féminin, Salopiaude.

Salopise

France, 1907 : Vilain tour.

Pas de danger qu’un campluchard dénonçât leur gite. Au contraire, il leur faisait signe quand la maréchaussée manigançait une salopise contre eux.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Salpêtre

d’Hautel, 1808 : Il est pétri de salpêtre. Pour dire il est d’une turbulence, d’une vivacité, d’un emportement extraordinaire.

Salpicon

France, 1907 : Sorte de ragoût composé de plusieurs espèces de viandes coupées menu et mélangées à des champignons, des truffes ou des culs d’artichaut.

Salsifis

Rigaud, 1881 : Doigt.

J’ai un amour d’homme qui ne porte pas des culottes mûres et se met des gants sur ses salsifis.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

Rossignol, 1901 : Voir bogue.

France, 1907 : Doigts.

Salsifis (les)

Hayard, 1907 : Les doigts.

Salsifits

Virmaître, 1894 : Doigts. Les voyous disent :
— Je vais te coller une poignée de salsifits sur la hure (Argot du peuple).

Saltarelle

France, 1907 : Danse méridionale ; de l’italien saltarella.

Saltimbe

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Saltimbanque, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Abréviation de saltimbanque.

Saluade

d’Hautel, 1808 : Une grande saluade. Pour dire une révérence profonde et affectée.

Salue femme barbue, bâton à la main

France, 1907 : Vieux dicton indiquait la terreur qu’avaient nos pères pour les femmes ayant poil aux lèvres ou au menton et qu’ils considéraient comme des sorcières.

Saluer

Rigaud, 1881 : Baisser la tête sous le feu des projectiles. (L. Larchey)

Saluer le public

Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot des comédiens, ces gladiateurs de l’Art. C’est un ressouvenir de l’Ave, Cæsar, morituri te salutant.

France, 1907 : Mourir.

Salus populi suprema lex esto

France, 1907 : Que le salut du peuple soit la suprême loi. Maxime du droit public dans l’ancienne Rome.

Salutations à ciel ouvert

France, 1907 : Saluts exagérés, tête basse et dos voûté.

Salutations à cul ouvert

Rigaud, 1881 : Salutations prolongées, salutations cérémonieuses.

Salutiste

France, 1907 : Sectaire appartenant à l’armée du Salut, fondée à Londres en 1860 par un ancien ouvrier tailleur, William Booth, qui s’intitule le « général ». L’effectif de l’armée en Angleterre, en avril 1899, comprenait 200 000 soldats, 40 000 sous-officiers, 13 000 officiers, le tout dirigé par le fameux général Booth qui a donné à son épouse le titre de maréchale.

Donnez des maris à vos salutistes,
Anges de maigreur vendant des journaux
Qui, sous leurs chapeaux informes, sont tristes
Et leurs yeux luiront de bonheurs nouveaux.

(Gringoire)

Salve Regina

France, 1907 : Antienne à la Vierge, littéralement : Salut, Reine. C’était autrefois la coutume de chanter cette antienne à l’exécution des criminels, aussi disait-on chanter le Salve en parlant de quelqu’un qui était perdu sans aucun espoir.

Sam (oncle)

France, 1907 : Sobriquet donné aux habitants des États-Unis de l’Amérique ; personnification du gouvernement fédéral. D’après Joliet, ce nom, qui s’écrit en anglais uncle Sam, serait une traduction populaire de U.S. AM, abréviation d’United States (of) America. D’un autre côté, Émile Tandel, dans l’Intermédiaire du 10 novembre 1898, donne, d’après l’éditeur des œuvres de Fenimore Couper, une explication qui confirmerait celle de Joliet :

Les troupes des États-Unis portent sur leur havresac Les initiales U. S. (United States). On dit qu’un plaisant du pays, voyant passer un soldat dont le havresac portait les lettres U. S. L. D., c’est-à-dire United States light dragons, États-Unis, dragons légers, s’est écrié : Uncle Sam’s lazy dogs, chiens fainéants d’oncle Sam. Peut-être n’en a-t-il pas fallu davantage pour que le sobriquet en soit resté au gouvernement. Les Indiens rapprochés des villes, ceux qui voient le plus de soldats en uniforme, appellent souvent le président des Etats-Unis (U. S.) Uncle Sam.

Enfin, troisième version donnée par le Reader’s Handbook of references, Londres 1890 :

Uncle Sam vient de Samuel Wilson qui était un des inspecteurs des provisions pendant la guerre de l’indépendance aux États-Unis. Samuel Wilson fut appelé, par ses employés et autres, Uncle Sam. On voyait sur les marchandises qui lui étaient consignées la marque de l’entrepreneur E. A. U. S. (signifiant Elbert Anderson, United States) qu’on interprétait Elbert Anderson et Uncle Sam. Le jeu de mots était trop bon pour disparaître et Uncle Sam est devenu synonyme de U. S. (United States).

Samaritaine (frère de la)

France, 1907 : Filou, coupeur de bourses. Ce nom vient d’une machine hydraulique placée autrefois sur le Pont-Neuf, et destinée à fournir de l’eau aux Tuileries et au Louvre. Sur la façade, on voyait un groupe de figures en bronze doré, représentant Jésus-Christ et la Samaritaine auprès du puits de Jacob, d’où est venue l’appellation de Samaritaine du Pont-Neuf. Cet endroit fut longtemps le rendez-vous des filous et des vide-goussets.

Sambue

France, 1907 : Ancienne selle à l’usage des femmes, consistant en un siège entre les arçons avec une planchette pour reposer les pieds.
Ce fut Catherine de Médicis qui fit supprimer la sambue et la remplaça par la selle actuelle :

Elle était, dit Brantôme, fort bien à cheval et hardie et s’y tenoit de fort bonne grâce, ayant esté la première qui avoit mis la jambe sur l’arçon, d’autant que la grâce y estoit bien plus belle et apparoissante que sur la planchette.

Samedi aux deux besaces

France, 1907 : « C’est ainsi que l’on appelle, dans les environs de la Châtre le samedi qui précède le carnaval, parce que marché se tenant dans cette ville le samedi, on y va ce jour-là avec deux besaces, pour mettre dans l’une la provision de viande qui doit se manger pendant les jours gras, dans l’autre la provision de maigre que l’on doit consommer pendant le carême. »

(Jaubert, Glossaire du Centre de la France)

Samer

France, 1907 : Fermer violemment une porte.

Samovar

France, 1907 : Bouillotte russe, servant à faire le thé.

Dans la maison coquettement parée, où l’on avait rallumé les cierges de la Noël, autour du samovar étincelant, sur un large plateau de cuivre qui semblait de l’or, les gâteaux étaient amoncelés, saupoudrés comme si une neige très légère était tombée dessus.

(Armand Silvestre)

Samson (armes de)

France, 1907 : Les mâchoires. S’escrimer des armes de Samson, bien manger, jouer vaillamment des mâchoires ; allusion à la mâchoire d’âne avec laquelle ce héros juif défit à lui seul six mille Philistins !

Sancerre (pistolets de)

France, 1907 : Sobriquet donné aux habitants de cette ville et dont l’origine fort honorable remonte au siège qu’en fit Le maréchal de La Chastre en 1573, siège qui dura neuf mois et livra la ville à une horrible famine.

Les assiégés, dit Fleury de Bellingen, se défendirent avec beaucoup de valeur. Cent cinquante vignerons, entre autres, causèrent avec leurs frondes un tel désordre dans le camp des catholiques, que ceux-ci les nommèrent les pistolets de Sancerre, comme si les pierres que jetoient ces paysans eussent produit le même effet que les balles de pistolet. Ce nom est demeuré jusqu’à présent, et est encore aujourd’hui commun dans tout le voisinage de Sancerre.

Sancho Pansa

France, 1907 : Juge de paix.

Sancta simplicitas (ô) !

France, 1907 : Ô sainte simplicité !

Et vous vous figurez que le mâle ira se passer de… Ô sancta simplicitas ! Il saura bien en trouver, des femmes… quitte à aller les chercher au centre de l’Afrique ou au fin fond de l’Australie, quitte à prendre de force celles qu’il auras sous la griffe et qui feront leurs mijaurées…

(Albert Cim, Émancipées)

Sanctus

France, 1907 : Marque, cachet, sceau ; mot tombé en désuétude.

L’officier l’y a foutu son sanctus que le manche de son épée l’y faisoit emplâtre.

(Journal de la Rapée)

Sanctus sanctorum

France, 1907 : Le saint des saints. C’était, chez les Juifs, le lieu sacré du temple.

Le Sanctus sanctorum de l’arche, c’est l’ouvrier. J’ai dit, poussé par l’ange de l’évidence, que de tous les tenants du pacte social, l’artisan était le plus favorisé par la République, ou, si l’on veut, le moins malheureux. Cela est mon opinion, mon opinion bien personnelle, mis si ce n’est pas vrai, qu’on me pende.

(Émile Bergerat)

Sandales

Halbert, 1849 : Souliers.

Sandwich

Fustier, 1889 : Le mot date de 1884, époque à laquelle on vit à Paris, pour la première fois, de pauvres diables se promener, moyennant une modique rétribution, sur les boulevards et dans les endroits les plus fréquentés avec deux grandes pancartes, fixées l’une sur la poitrine et l’autre sur le dos, pancartes sur lesquelles sont collées des réclames de maisons de commerce. Le mot est assez bien trouvé et la comparaison serait encore plus juste si les malheureux qui exercent cette industrie n’étaient hâves et déguenillés et ne rappelaient qu’approximativement le gros jambon placé entre les deux tartines beurrées qu’aimait si fort le comte Sandwich.

On s’amusa d’abord des sandwiches qui déambulaient mélancoliquement, à la file indienne, enserrés dans des espèces de carapaces couvertes de réclames bariolées.

(Dix-neuvième siècle, décembre 1886.)

France, 1907 : Homme-réclame emprisonné entre deux affiches collées sur des planches suspendues à son cou : ce qui le fait ressembler à la tranche de jambon mise entre deux tartines de beurre appelée par les Anglais sandwich.

Sang

d’Hautel, 1808 : Qui perd son bien perd son sang. Signifie que perdre sa fortune, c’est en ce bas monde, perdre estime, considération amitié ; enfin tout ce qui peut rendre la vie agréable.
Avoir du sang aux ongles. Pour, avoir du courage, de la bravoure de l’honneur.

Sang (bon)

France, 1907 : Expression employée dans le sens de mauvais, désagréable.

— T’es solide et tout ce qu’il faut. je n’dis point ! Je t’ai fait avec ta mère de mon mieux que j’ai su ! Mais ça n’empêche point que tu vas dans un bon sang de pays où y a pis que des puces !

(Henri Lavedan)

Sang (coup de)

Rigaud, 1881 : Coup de cent points au piquet lorsqu’on compte cent avant de jouer ou en jouant la première carte. Calembour à la portée des joueurs.

Sang (se faire du)

Rigaud, 1881 : C’est-à-dire se faire du mauvais sang, s’inquiéter.

Sang (tirer son)

France, 1907 : Formule de serment des paysans des campagnes du Centre. « J’en tire mon sang » disent-ils, en se pinçant avec le pouce et l’index la peau du cou au-dessus de la pomme d’Adam. Bien entendu, ils ne s’en tirent pas plus le sang qu’ils ne tiennent leur serment.

Sang bleu

France, 1907 : Nobles : ils sont censés avoir le sang d’une autre nuance que le commun des mortels.

À vrai dire, ce que nous appelons vertu chez la femme, ne se rencontre guère : il n’y a que des tempéraments. C’est comme le fond de toutes les convictions politiques, religieuses, sociales. Fouillez tout cela, vous trouvez l’intérêt. Combien de nos plus farouches républicains seraient pus royalistes que le roy si les chroniques du canton relataient que le vidame de leur village a violé la gardeuse d’oies, leur trisaïeule, et que peut-être coulent dans leurs roturières veines quelques parcelles de sang bleu ; de même, combien de vieilles filles portées en terre, dignes de ceindre la couronne d’oranger, parce qu’elles ont manqué du sixième sens ou de l’occasion larronnesse, ou encore résisté vaillamment à l’attaque à cause de la lune nouvelle.

(Hector France)

Sang de bœuf

Fustier, 1889 : Saladier de vin chaud. Argot du peuple.

Assise à une table graisseuse, vis-à-vis d’un homme en accroche-cœurs, elle aspire les parfums grossiers d’un saladier de vin chaud, d’un sang de bœuf, comme cela s’appelle là-bas.

(Événement, septembre 1885.)

La Rue, 1894 : Saladier de vin chaud.

France, 1907 : Saladier de vin chaud ; argot des souteneurs.

Sang de navet

Virmaître, 1894 : Homme sans courage, qui n’a pas de sang dans les veines. On dit également :
— Il a les foies blancs (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Celui qui n’est pas brave à du sang de navet ou le foie blanc.

Sang de poisson

Delvau, 1866 : s. m. Huile, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Huile, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Huile.

France, 1907 : Huile

Sang-de-navet

France, 1907 : Personne sans énergie, sans courage. Expression populaire.

Sang-gris

France, 1907 : Boisson en usage dans les Antilles, composée de vin, de jus de citron, de muscade et de cannelle.

Sangle

d’Hautel, 1808 : Un négociant marchand de sangles. Expression dérisoire pour dire un portefaix, un artisan qui vit à la sueur de son corps ; un courtier qui fait toutes sortes de commerces sans avoir un pouce de marchandise.

Sanglé

Delvau, 1866 : adj. À court d’argent.

France, 1907 : À court d’argent.

Sangler

d’Hautel, 1808 : Serrer quelqu’un avec une sangle ; le comprimer à lui faire perdre la respiration. Signifie aussi flanquer, appliquer.
Sangler des coups de fouet à quelqu’un. Le fustiger violemment.
On dit aussi d’un homme qui a perdu son procès, ou qui a essuyé quelque grand dommage, qu’Il a été sanglé d’importance.

Delvau, 1866 : v. a. Réprimander vertement, et même Battre.

Delvau, 1866 : v. a. Permolere uxorem quamlibet aliam, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Sauter.

France, 1907 : Punir ; argot militaire. Sangler serré, punir sévèrement.

Le colonel aime à se dire le père du soldat, sans prétendre que « qui aime bien châtie bien ». Il a les punitions en horreur et exècre les punisseurs. Il punit rarement lui-même, mais alors il sangle serré.

(Émile Gaboriau, Le 13e Hussards)

Sangler (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se priver de quelque chose au profit de quelqu’un, par exemple, se ruiner pour élever un enfant ou pour entretenir une maîtresse.

Sangler une femme

Delvau, 1864 : La baiser, la frapper à coups de queue sans qu’elle s’en fâche.

Il demande grâce pour avoir sanglé cette fille.

St Amand.

Sanglier

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Confesseur, celui qui accompagne le condamné à l’échafaud.

Bras-de-Fer, 1829 : Confesseur.

Larchey, 1865 : Prêtre. — Calembour. — C’est le sans-glier, le sans-diable (Glier représente le diable dans le vieil argot. V. Vidocq). Allusion à la mission divine du prêtre qui est de réconcilier les condamnés avec le ciel. V. Hariadan, Cuisinier.

Delvau, 1866 : s. m. Prêtre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Prêtre. Le sanglier est sauvage ; le prêtre vit retiré du monde comme le sanglier au fond des forêts.

La Rue, 1894 : Prêtre.

Virmaître, 1894 : Le prêtre. Pourquoi ? Le prêtre n’a pourtant rien du sanglier, ni les allures, ni la rudesse, car il ne tient pas tête à ceux qui le combattent (Argot des voleurs).

France, 1907 : Prêtre ; c’est-à-dire sans glier. Voir ce mot.

Sanglier (le)

Halbert, 1849 : Le prêtre.

Sanglion (être à son dernier)

France, 1907 : Être aux approches de la mort, au bout de son rouleau, de sa sangle.

Sangsue

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse qui ruine son amant par ses prodigalités ; neveu qui tire à boulets rouges sur la cassette avunculaire. Argot du peuple.

Sangsue (poser une)

Rigaud, 1881 : Corriger sur le marbre pour un compagnon absent, — dans le jargon des typographes. (Boutmy.)

Boutmy, 1883 : Corriger sur le marbre pour un compagnon absent. Cette locution pittoresque rappelle la faculté que possède cette hirudinée de se fixer, de se coller à la peau de l’homme ou des animaux. Peut-être encore vient-elle de ce que certains corrigeurs comptent à leurs camarades plus de temps qu’ils n’en ont passé et jouent alors à l’égard de ceux-ci le rôle de sangsues.

France, 1907 : Corriger sur le marbre pour un camarade absent. « Peut-être cette expression vient-elle de ce que certains corrigeurs comptent à leurs camarades plus de temps qu’ils n’en ont passé et jouent alors à l’égard de ceux-ci le rôle de sangsues. »

(Eug. Boutmy)

Sangsurer

Delvau, 1866 : v. a. Faire de nombreuses saignées à la bourse de quelqu’un, — dans l’argot des ouvriers, pour qui les parasites sont des sangsues. Se sangsurer. Se ruiner pour élever un enfant ou pour entretenir une drôlesse.

Sanguin

France, 1907 : Homme de peine employé aux abattoirs pour ramasser le sang.

Les ramasseurs de sang qu’aux abattoirs on a baptisés les sanguins sont de bons fieux chargés, après chaque tuée, de ramasser le sang des bêtes sacrifiées et de le coller dans des tonneaux. Ils sont quatre-vingts.

(Le Père Peinard)

Sans

d’Hautel, 1808 : Cela s’en va sans dire. Locution vicieuse et barbare, pour dire cela est évident, ne souffre nulle difficulté.

Sans beurre

Rigaud, 1881 : Chiffonnier aristocrate.

Sans blague

Virmaître, 1894 : C’est vrai, je ne mens pas (Argot du peuple).

Sans camelotte ou Solliceur de Zif

Rigaud, 1881 : Escroc qui se fait avancer de l’argent sur une marchandise imaginaire, sur une marchandise qu’il ne livrera jamais.

Sans canne (être)

Delvau, 1866 : En rupture de ban, — dans le même argot [des voleurs].

Sans chasses

Larchey, 1865 : Aveugle. — Sans condé : Clandestinement, sans permission du condé. — Sans-cœur : Usurier. Sans-culotte : Républicain de 1793, dont les jambes dédaignaient les culottes courtes pour se perdre dans un large pantalon.

Allez-vous encore me traiter de sans-culotte ?

H. Monnier.

Vous voyez comme il méprise la sans-culotterie.

C. Desmoulins, 1790.

Sans-dos : Tabouret. — Sans gêne : Indiscret.

Malvina trouva d’abord que ce monsieur était un sans-gêne.

L. Reybaud.

Sans-loches : Sourd. — Sans-le-sou : Pauvre.

Farnèse fit un mouvement de rien, elle avait senti le sans-le-sou.

Jaime.

Sans comparaison du saint baptême

France, 1907 : Expression employée par les paysans du Centre lorsqu’il comparent un animal à un homme et qui équivaut au sauf vot’ respect usité ailleurs.

— Bah ! ce serait la première fois qu’elle prierait le bon Dieu, car sans comparaison du saint baptême, jamais je ne vis jument si peu dévote.

(George Sand, François Le Champi)

On dit aussi réserve du batême.

Sans Condé

Rigaud, 1881 : Clandestinement, sans autorisation, sans permission. Pour tenir un jeu dans une foire, il est besoin d’une permission, d’un condé, ainsi nommée parce qu’elle émane ordinairement du préfet de police, le Grand-Condé, ou du maire, Condé.

Sans dos

Delvau, 1866 : s. m. Tabouret, — dans l’argot des faubouriens.

Sans feuille

Rigaud, 1881 : Gibet, — dans l’ancien argot.

Sans secousse

Rossignol, 1901 : Celui qui ne se, presse jamais ou qui ne fait jamais un mouvement plus vite qu’un autre est un sans secousse.

Sans tambour ni trompette

France, 1907 : Sans bruit.

Elle leva le pied un beau matin sans tambour ni trompette, laissant au lit son mari qui ronflait.

(Les Propos du Commandeur)

Sans vert (pris)

France, 1907 : Pris au dépourvu.

La coutume existait vers les XIIIe, XIVe et XVe siècles de porter dans les premiers jours de mai, sans doute pour célébrer le retour du printemps, une branche ou un feuillage quelconque. Ceux qui sortaient sans cet appendice étaient exposés à recevoir sur la tête un seau d’eau, accompagné de ces mots : « Je vous prends sans vert. »

Le chapitre se tint dans une autre carrière,
Nous en changions souvent, c’est la bonne manière ;
On est, faisant ainsi, rarement découvert ;
Nous faillîmes pourtant d’être tous pris sans vert.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Sans-beurre

Delvau, 1866 : s. m. Chiffonnier, — dans l’argot des faubouriens.

La Rue, 1894 : Chiffonnier en gros.

France, 1907 : Chiffonnier en gros ; beurre est ici pour berri, hotte, le chiffonnier en gros ne portant pas la hotte.

Sans-bout

Delvau, 1866 : s. m. Cerceau, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Cerveau ; argot faubourien.

Sans-camelotte

France, 1907 : Escroc qui se fait avancer de l’argent sur des marchandises fictives.

Sans-chagrin

France, 1907 : Voleur.

Sans-chasses

Delvau, 1866 : s. m. Aveugle.

Sans-châsses

France, 1907 : Aveugle.

Sans-cœur

Delvau, 1866 : s. m. Usurier, — dans l’argot des fils de famille.

Rigaud, 1881 : Usurier, Gobseck de prison.

Sans-croûtes

France, 1907 : Misérable.

Dans la rue où souffle l’hiver,
La nuit, en passant, je me hâte,
Quand le geindre, nu comme un ver,
Dans son fournil brasse la pâte ;
Derrière la chanson du pain.
Je perçois la plainte émouvante
Des sans-croûtes, quand ils ont faim,
Et des sans-taudis, lorsqu’il vente !

(Jules Jouy)

Sans-culotte

Delvau, 1866 : s. m. Républicain, — dans l’argot des bourgeois, pour qui Terreur est inséparable de République.

France, 1907 : Sobriquet donné aux républicains de 93, la plupart vêtus de haillons. La sans-culotterie est l’opinion des sans-culottes et le sans-culottisme le nom de leur parti.

Discussion politique dans le salon de la marquise de R…
— Vraiment, mon cher député, on ne peut pas vous prendre au sérieux comme homme politique… Je vous ai connu bonapartiste, puis républicain modéré. Maintenant vous êtes monarchiste. Je ne désespère pas de vous voir un jour sans-culotte.
— Cela dépend de vous, Madame la marquise, et dès que vous voudrez bien me le permettre…

(Gil Blas)

Sans-culotterie

Delvau, 1866 : s. f. Doctrine des sans-culottes. Le mot est de Camille Desmoulins. On dit aussi Sans-culottisme.

Rigaud, 1881 : Secte des sans-culottes, patriotes terroristes.

Trop heureux si ma mort pouvait être utile à la sans-culotterie.

(Père Duchêne.)

Sans-dabe

France, 1907 : Orphelin.

Sans-dos

France, 1907 : Tabouret.

Sans-fade

France, 1907 : Sans le sou.

Sans-feuille

Delvau, 1866 : s. f. Potence, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : La potence (Argot des voleurs).

Sans-feuille (l’arbre)

France, 1907 : La potence.

Sans-gêne

Delvau, 1866 : s. m. Homme indiscret, mal élevé, — dans l’argot des bourgeois.

Virmaître, 1894 : Indiscret, mal élevé. Cracher par terre dans un salon, ôter ses bottes dans un wagon, se moucher avec ses doigts (Argot du peuple).

Sans-le-sou

Delvau, 1866 : s. m. Artiste, ou Homme de lettres, — dans l’argot des petites dames.

Sans-loches

France, 1907 : Sourd.

Sans-mirettes

France, 1907 : Aveugle.

Sansonnet

Rigaud, 1881 : Mentula, — dans le jargon des barrières.

Fustier, 1889 : Gendarme. Argot des rôdeurs de barrière.

La Rue, 1894 : Gendarme.

France, 1907 : La verge. On dit aussi rossignol.

France, 1907 : Gendarme, allusion aux bufileteries jaunes que ces militaires portaient autrefois.

France, 1907 : Enfant naturel dont la mère n’a pas osé faire sonner le baptême ; expression de la Meuse. Jeu de mot signifiant sans-sonné.

Sansouires

France, 1907 : « Nom donné dans la Camargue à des efflorescences salines dues au séjour ancien de la mer. Les sansouires sont très préjudiciables à la culture. »

(E. Peiffer, Recherches sur l’origine et la signification des noms de lieux)

Santache

Rigaud, 1881 : Santé, — dans l’argot des voleurs. — Et cette santache, comment que ça boulotte ? Et cette santé, comment va-t-elle ?

France, 1907 : Santé.

Santaille

France, 1907 : Prison de la Santé.

Santarelle (faire une)

Fustier, 1889 : Argot des grecs. Lancer à son partenaire les cartes aussi haut que possible afin de pouvoir jeter un coup d’œil en dessous, ce qui permet de les voir et de jouer en conséquence.

France, 1907 : Donner les cartes à son partenaire de façon à les voir ; argot des grecs.

Santé

d’Hautel, 1808 : Il jouit d’une parfaite santé. Locution équivoque et satirique, pour dire qu’un homme est simple d’esprit ; qu’il est dénué d’intelligence, de finesse, qu’il n’a pas même le sens commun.

Santé (avoir une)

France, 1907 : Avoir de l’aplomb, de l’audace.

Il habite à Neuilly, avec deux magnifiques Circassiennes, dont il a fait emplette à son retour de Khiva : une grande et forte brune et une blonde mince, une blonde merveilleuse !
— Il en a une santé, celui-là, pour aller s’approvisionner de femmes à l’étranger !

(Albert Cim, Émancipées)

Ah ! que fichu métier
D’exercer sa loquèle,
Sur la chose actuelle !
En faut de la santé.

(Raoul Ponchon)

Santer

La Rue, 1894 : Puer. Dérober, filouter. Voler son complice.

Santificetur

France, 1907 : Sobriquet donné dans les campagnes du Centre aux gens à l’air béat ; corruption de sanctificatus, sanctifié.

Santo (campo)

France, 1907 : Cimetière. Italianisme, littéralement champ saint.

Autrefois, la Toussaint était, pour les théâtres, un jour de recettes, et les ouvreuses trouvèrent, une fois, parmi les objets perdus d’ordinaire — mouchoirs ou lorgnettes— une couronne d’immortelles jaunes, qu’on ne sait quel spectateur avait laissée au fond d’une loge, ayant oublié de l’emporter au cimetière. Depuis quelques années, au contraire, les jours des morts, la foule ne va guère qu’au campo santo.

(Jules Claretie)

Santoche

France, 1907 : Santé, prison de la Santé ; argot des voleurs.

— Ah ! les vaches, on les pendra, nom de Dieu ! Mort aux tantes et aux bourgeois ! Et youp-ohu ! Courage ! on est sorti de la Santoche !

(Michel Morphy)

Santon

France, 1907 : Petite figurine en terre grossière coloriée, représentant les principaux saints du calendrier, que l’on fabrique en Provence 8t dont où sc scri comme cadeaux de Noël. Chaque année on célèbre à Marseille la fête des Santons. Ce nom vient évidemment de certains moines mahométans appelés ainsi.

Santre

Clémens, 1840 : Nom.

Santu

anon., 1827 : Santé.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Santé

Bras-de-Fer, 1829 : Santé.

Rigaud, 1881 : Santé.

France, 1907 : Santé ; argot faubourien.

Saoul comme la bourrique à Robespierre

France, 1907 : Cette singulière expression date de la Révolution et fait allusion au fameux « général » Henriot, âme damnée du célèbre conventionnel, que son peu d’intelligence avait fait surnommer la bourrique et qui était presque toujours en état d’ébriété.

Saoul comme un Polonais

France, 1907 : Complétement ivre. L’Écho du Public donne deux versions de ce dicton dont la première me parait être la bonne.

« Saoul comme un Polonais » ne s’explique pas, car on ne boit pas plus en Pologne que partout ailleurs. En Russie et en Norvège, on boit beaucoup plus qu’en Pologne. Il faudrait en chercher l’explication dans le passé. Les rois de Pologne de la dynastie saxonne buvaient beaucoup, surtout Auguste le Fort ; son fils, le roi Auguste III, buvait moins, mais cependant il buvait ferme. Les courtisans, pour plaire aux maîtres, faisaient comme eux. — Boire, disons même s’enivrer, était devenu à la mode, et comme cette mode n’avait rien que d’agréable, elle s’est maintenue pendant longtemps ; elle a passé depuis. D’ailleurs, dans les climats du Nord, cela n’a pas la même importance, et l’emploi du vin et des spiritueux y est un besoin d’hygiène absolu.

 

Je tiens de mon père, dit le second correspondant, émigré polonais de 1831, l’explication suivante de l’expression « saoul comme un Polonais » :
Au cours de la guerre d’Espagne, en 1808, un détachement mi-français, mi-polonais, ayant, à la suite d’une longue étape, campé dans un village de la zone ennemie, les Français burent plus que de raison, alors que leurs compagnons s’abstinrent de suivre leur exemple, pour la raison fort simple, qu’habitués dans leur pays à n’user, comme boissons fermentées, que de bière et surtout d’hydromel, le vin, à cette époque, leur offrait peu d’attraits.
Attaqués à l’improviste, au milieu de la nuit, par les partisans espagnols, les Polonais, qui « ne dormaient que d’un œil », sautèrent sur leurs armes et, après un combat de courte durée, mirent en fuite l’ennemi, sauvant ainsi la vie à leurs compagnons d’armes.
L’empereur, instruit du fait, félicita, dit-on, publiquement les Polonais et, s’adressant aux autres soldats, s’écria : « Saoulez-vous, si bon vous semble, mais que ce soit dorénavant comme des Polonais ! »

On donne aussi comme origine à cette expression, malencontreuse ainsi que tant d’autres, le fameux vers de Frédéric II :

Quand Auguste avait bu, la Pologne était ivre.

Saoul comme une grive

France, 1907 : La grive est fort friande de raisins : c’est surtout en automne qu’on la rencontre dans les régions vinicoles. Elle se gorge à tel point dans les vignes que souvent elle ne peut plus s’envoler quand arrive le chasseur.

Saoulle (la)

Halbert, 1849 : Homme qui déplaît : terme de mépris employé particulièrement en prison.

Sap

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Sapin, cercueil, — dans l’argot des voyous. Taper dans le sap. Être mort et enterré, — dormir du dernier somme. M. Louis Festeau, qui a chanté tout, a naturellement consacré quelques loisirs de sa muse au Sap :

Avant d’être mis dans le sap,
Vous voulez, orné de lunettes,
Me décalquer de pied en cap.

France, 1907 : Cercueil ; abréviation de sapin. Taper dans le sapin, être mort.

Sapajou

Delvau, 1866 : s. m. Galantin, suborneur en cheveux gris, — dans l’argot des harengères, qui sont plus « fortes en gueule » qu’en histoire naturelle.

Sapajou (vieux)

Rigaud, 1881 : Vieux libertin, vieillard aussi obscène qu’un singe.

Sapé

Virmaître, 1894 : Condamné. Allusion au bûcheron qui, de sa cognée, sape un arbre (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Condamne.

Hayard, 1907 : Condamné.

Sapement

Rigaud, 1881 : Condamnation. — dans le jargon des voleurs. — Sapement à cinq longes de dure, condamnation à cinq ans de travaux forcés.

Virmaître, 1894 : Jugement (Argot des voleurs). V. Sapé.

Rossignol, 1901 : Condamnation.

Hayard, 1907 : Jugement.

France, 1907 : Condamnation ; argot des voleurs.

Magnette était huit fois descendu à la Tour, Magnette avait huit sapements variant de quinze jours à treize mois, mais toujours, — et les juges n’avaient pas hésité à le reconnaître la dernière fois qu’il avait comparu devant eux, — toujours, et il s’en glorifiait hautement, ç’avait été pour des motifs honorables : des rixes, des batailles avec la rousse, quelques coups de couteau distribués par-ci, par-là, à des gens mal endurants ou dont la figure déplaisait, — jamais pour vol.

(Oscar Méténier)

Saper

Rigaud, 1881 : Condamner. — Saper au glaive, condamner à mort.

La Rue, 1894 : Condamner. Sapement, condamnation. Sapeur, juge.

France, 1907 : Condamner. Saper au glaive, condamner à mort.

— Je ne suis pas plus nière que vous… vous ne savez donc pas que j’ai sapé avant vous !… mais je ne veux pas que vous entriez ici en l’absence du patron… vous êtes cinq, vous ne me faites pas peur…

(Ed. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Sapeur

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui ne respecte rien, — dans l’argot des bourgeoises, qui n’aiment pas les gens barbus. D’où la fameuse chanson à la mode :

Rien n’est sa…a…cré pour un sapeur !

Rigaud, 1881 : Cigare presque entier, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : V. As de pique.

France, 1907 : Ouvrier des champs travaillant seul avec une sape.

France, 1907 : La toison des parties sexuelles de la femme.

France, 1907 : Juge ; argot des voleurs ; de saper, condamner.

France, 1907 : Cigare en partie fumé ; argot populaire.

Saphisme

France, 1907 : Vice hors nature, auquel se livrent certaines femmes dépravées, et auquel s’adonnait, dit-on, la poétesse Sapho, à l’exemple des Lesbiennes en général.

Sapin

d’Hautel, 1808 : Cela sent le sapin. Se dit par plaisanterie d’une personne foible et cacochyme, que le rhume fait beaucoup tousser ; pour faire entendre qu’elle menace ruine, qu’elle approche de sa fin.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Garde-chasse, garde-forestier.

Bras-de-Fer, 1829 : Gendarme.

Larchey, 1865 : Fiacre. — Sa caisse est en bois. — Le mot n’est pas nouveau. Nous le trouvons dans un pamphlet légitimiste de la révolution de 89 (l’Apocalypse).

M. Desmoulins, l’abbé Noël, MM. de Beaumont et Keralio avaient loué pour toute la soirée un sapin national pour se faire voir dans la promenade.

Sapin, sap : Cercueil de sapin.

Avant d’être mis dans le sap,
Vous voulez, orné de lunettes,
Me décalquer de pied en cap.

Festeau.

Sentir le sapin : Faire pressentir une mort prochaine. On dit : Voilà une toux qui sent le sapin. — Usité dès 1808. — V. Claquer.

Delvau, 1866 : s. m. Plancher ; grenier, — dans l’argot des voleurs. Sapin de muron. Grenier à sel. Sapin des cornants. La terre, — plancher des vaches.

Delvau, 1866 : s. m. Fiacre, — dans l’argot du peuple, qui sait que ces voitures-là ne sont pas construites en chêne.

Delvau, 1866 : s. m. Cercueil de pauvre. Sentir le sapin. Être atteint d’une maladie mortelle.

La Rue, 1894 : Fiacre. Cercueil. Plancher. Grenier.

Virmaître, 1894 : Sentir le sapin. Être sur le point de mourir. Sapin : cercueil. Sapin : plancher (Argot du peuple et argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Fiacre.

France, 1907 : Plancher. Sapin des cornauts, plancher des vaches, c’est-à-dire terre. Redingote de sapin, cercueil.

France, 1907 : Fiacre.

Amanda n’a qu’un défaut,
C’est d’aimer trop la friture,
Mabille, Valentino,
Et les courses en voiture.
À Passy, seuls en sapin,
Si nous nous faisons conduire,
Sa joie éclate en chemin…

(Émile Carré)

Sapin (redingote de)

Rigaud, 1881 : Cercueil. Il est sorti de chez lui, les pieds devant, dans une bonne redingote de sapin.

Sapin (sentir le)

France, 1907 : Être très malade ; allusion aux cercueils faits généralement en bois de sapin.

Qu’importe qu’Henner s’imagine
Être très fort parce qu’il peint
Avec des tubes de morphine
Des gens qui sentaient le sapin ?

(Jacques Rédelsperger)

On dit d’un mauvais rhume qu’il sonne le sapin.

Elle avait un fichu rhume qui sonnait joliment le sapin.

(Émile Zola)

Sapin (sonner le, sentir le)

Rigaud, 1881 : Être bien malade. Mot à mot : sentir le bois avec lequel on fait les cercueils du pauvre.

Elle avait un fichu rhume qui sonnait joliment le sapin.

(E. Zola)

Sapin des cornants

Rigaud, 1881 : Pré, champ, — dans l’ancien argot ; c’est le mouchoir à bœufs de nos jours.

Sapin, sap

Rigaud, 1881 : Fiacre, voiture de place.

Sapinière

Delvau, 1866 : s. f. La fosse commune, exclusivement réservée aux cercueils de sapin. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Fosse commune.

La Rue, 1894 : Fosse commune.

France, 1907 : Fosse commune.

Sapins

anon., 1827 : Planches.

Bras-de-Fer, 1829 : Planches.

Halbert, 1849 : Planches.

Sapins du muron

Halbert, 1849 : Grenier à sel.

Saqué

Virmaître, 1894 : On m’a dit de passer au bureau pour y régler mon compte. L’expression vient des corporations où les ouvriers fournissent leurs outils ; ils les mettent généralement dans un sac ; quand ils quittent l’atelier, ils les remportent ; ils reprennent leur sac ; de là, saqué (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Renvoyé. L’employé ou ouvrier renvoyé de chez son patron a été saqué. Une femme qui a renvoyé son amant, l’a saqué.

Saquebute

France, 1907 : Lance à crochet en usage au moyen âge pour démonter les cavaliers ennemis.

Saquée

France, 1907 : Sac de bêtises.

Mais, foutre, il faut opérer nous-mêmes et ne compter que sur notre poigne. Je l’ai assez jacassé pour n’avoir pas besoin d’y revenir : il faut en avoir une saquée pour espérer que l’État — gendarme des capitalos — nous aidera à museler ces charognes.

(Le Père Peinard)

Saquer

France, 1907 : Chasser, renvoyer ; littéralement, donner à quelqu’un son sac.

À Saint-André, un petit patelin près de Lille, il y a un nom de dieu d’animal, proprio, patron, conseiller et tout ce qui s’en suit… Ce salop-là avait pour bonne une pauvrette, naturellement plus gironde et plus jeune que sa guenon de femme, — il en a profité et l’a fichue enceinte.
La patronne ayant fait un boucan monstre, la petite bonne a été saquée.

 

Quand une bonne engrossée par le papa ou par le fils à papa, a été saquée par le patron… quand, pour une raison quelconque, une gosseline est sur le pavé… les dames patronnesses racolent les pauvrettes et leur jabotent : « À tout péché miséricorde ! Il ne vous faut que du travail pour vous relever… on vous en procurera ! »
Et on enferme la malheureuse…

(La Sociale)

Dans le patois de la Meuse, saquer signifie hâter le pas, fuir.

Saquet

Delvau, 1866 : s. m. Secousse, — dans l’argot du peuple. Le vieux français avait Saquer, tirer l’épée.

France, 1907 : Coup, choc.

Sardin

France, 1907 : Nom donné au hareng par les paysans du Centre qui s’imagiment que ce poisson est le mâle de la sardine.

Sardine

Rigaud, 1881 : Galon de caporal, galon de sergent.

Merlin, 1888 : Galon d’or pour sous-officiers.

France, 1907 : Galon d’or ou d’argent sur la manche des sous-officiers.

Sur la manche de la tunique
Il a la fin’ sardine d’or :
Pour l’élégance, il est unique
Quand, le dimanche, il prend l’essor.

Arroser la sardine, payer à boire à ses camarades lorsque l’on vient d’être promu sous-officier.

Avancement, anniversaire,
Tout est motif au régiment
Pour vider un bon petit verre
Et faire un diner succulent.
Quand on arroser la sardine
D’un fourrier ou bien d’un sergent,
Faut voir alors comment on dine
À la cantine !

(Griolet)

Sardiné

France, 1907 : Sous-officier.

Sardines

Larchey, 1865 : Galons du grade de sous-officier. — Allusion de forme et d’éclat.

L’un portait la sardine blanche, L’autre le jaune baudrier.

Nadaud.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Galons de laine ou d’or aux manches de l’uniforme, — dans l’argot des soldats. Sardines blanches. Galons de gendarme, ou d’infirmier militaire.

La Rue, 1894 : Galons de sous-officier. Doigts.

Sardines (serrer les cinq)

Rigaud, 1881 : Serrer la main.

Sarrasin

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier qui consent à travailler au-dessous du tarif. Argot des typographes. On dit aussi Faux frère.

Rigaud, 1881 : Gâte-métier, — dans le jargon des typographes ; ouvrier qui travaille à prix réduit, ouvrier qui ne fait pas partie de la société des typographes.

Boutmy, 1883 : s. m. Ouvrier qui travaille en mise-bas, et, par extension, compositeur qui ne fait pas partie de la Société typographique. Cette expression vient sans doute de ce que les Sarrasins sont des infidèles.

France, 1907 : Nom sous lequel on désigne les ouvriers typographes qui travaillent au-dessous du tarif, et aussi ceux qui ne font pas partie de la Société typographique. Cette expression, dit Eugène Boutmy, vient sans doute de ce que les sarrasins sont des infidèles.

L’ouvrier a raison de mettre à l’index tout patron qui emploie des sarrasins ou des sarrasines, je suis le premier à le reconnaître. Mais, si un imprimeur emploie, pour la composition typographique, des femmes au même tarif que celui des hommes, ceux-ci, je le demande à tout typographe de bonne foi, ne chercheront-ils pas à créer des difficultés à cet imprimeur ?

(Léo Taxil)

Sarrasinage

Boutmy, 1883 : s. m. Action de sarrasiner.

France, 1907 : Action de sarrasiner, de faire le sarrasin.

Sarrasiner

Boutmy, 1883 : v. intr. Faire le sarrasin.

Sarrasineur

France, 1907 : Ouvrier typographe qui passe d’un atelier dans un autre, sans se fixer nulle part.

Sarrazin

Virmaître, 1894 : Les ouvriers typographes qui travaillent au-dessous du tarif réglé par la Société et qui sont souvent la proie du syndicat, lequel les considère misérablement (Argot d’imprimerie).

Sarrazineur

Virmaître, 1894 : Ouvrier qui va d’un atelier à un autre, suivant sa fantaisie ou les exigences du travail (Argot d’imprimerie).

Sarreau

Halbert, 1849 : Chemise de prison.

Sas

d’Hautel, 1808 : Passer au gros sas. Pour dire faire quelque chose avec peu de soin, grossièrement et sans délicatesse.

France, 1907 : Bâton. Ce mot vient évidemment de sasse, sorte de pelle creuse qui sert à jeter l’eau hors des petites embarcations, telles que les galères où ramaient les forçats.

Je sais, mon doux ami, le sujet qui t’ameine,
Ta venue en ce lieu n’aura pas été vaine,
Le bruit de mon savoir ne t’a point imposé ;
Je sais rendre tout neuf un pucelage usé ;
Je fais tourner le sas, jai l’enfer dans ma manche,
Je possède, en un mot, magie et noire et blanche.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Sat cito, si fat bene

France, 1907 : Assez tôt se fait, si c’est bien fait. Locution latine à l’usage des lambins.

Satin

La Rue, 1894 : Tribade. V. Gougnotte.

France, 1907 : Lesbienne. Ce néologisme d’ailleurs peu usité est tiré d’un roman d’Émile Zola, Nana, où une tribade porte le nom de Satin.

Satisfaire (se)

Fustier, 1889 : Aller à la selle. — Copulare.

Sa faim charnelle lui permettait d’accepter les rebuts de l’amour. Il y avait même des soirs où, sans le sou, et par conséquent sans espoir de se satisfaire…

(Huysmans, À vau-l’eau.)

Satisfaire son gout

Delvau, 1864 : Baiser une femme, ou enculer un homme, selon qu’on est conformiste ou non conformiste en amour.

Il aime par-dessus tout,
La volupté roturière…
Pour satisfaire son goût
Il faut une couturière.

Ém. De La Bédollière.

Satisfaire un homme

Delvau, 1864 : Le branler, ou se laissent baiser par lui — ce qui, en effet, le comble de satisfaction.

Chez ce libertin cagot
Qu’j’ai tant d’ mal à satisfaire,
Je suis entré pour tout faire ;
Aussi j’y fais mon magot.

J. Poincloud.

Satisfaire une femme

Delvau, 1864 : La baiser de façon qu’elle ne réclame pas, — à moins qu’elle ne soit trop gourmande.

Des houris toujours belles,
Qu’on satisfera bien,
Et qui, toujours pucelles,
N’arrêteront sur rien.

Collé.

Satisfait

Larchey, 1865 : Député conservateur, satisfait de l’ordre de choses.

Delvau, 1866 : s. m. Député conservateur, ami quand même du gouvernement du moment — et des gouvernements avenir. Argot des journalistes.

Satou

anon., 1827 : Bois, forêt.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bois.

Bras-de-Fer, 1829 : Bois, forêt.

un détenu, 1846 : Bois, bâton.

Halbert, 1849 : Bois, forêt, bâton.

Larchey, 1865 : Bois. — Satousier : Menuisier (Vidocq). Du vieux mot Satou : Bâton. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Bois débité, — dans l’argot des voleurs. Signifie aussi Bâton.

Rigaud, 1881 : Matériel de saltimbanque : décors, planches, toiles, etc.

Virmaître, 1894 : Bâton (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Bois.

France, 1907 : Bois, forêt et, par extension, bâton ; argot des voleurs, vieux français.

Satousier

Delvau, 1866 : s. m. Menuisier.

France, 1907 : Menuisier ; argot des voleurs.

Satout

M.D., 1844 : Baton.

Satte

France, 1907 : Bâton, bois, forêt. Voir Satou.

Satte, satou

La Rue, 1894 : Bois. Satousier, menuisier.

Saturnien

France, 1907 : Flegmatique. En chiromancie, Saturne représente la fatalité. Le fatalisme se laisse aller sans lutte et sans effort, subissant flegmatiquement ce qu’il croit ne pouvoir empêcher.

Satyriasis (le)

Delvau, 1864 : L’hystérie des hommes, comme l’hystérie est le Satyriasis des femmes, c’est-à-dire que ceux et celles qui en sont possédés ne font autre chose dans la vie que de baiser ou d’essayer de baiser.

Ces abbés poupins et débauchés, ces fléaux de la virginité, seront condamnés à un satyriasis éternel.

A. Dulaurens.

Sauçaille

France, 1907 : Mauvaise sauce. Dans le Midi, sauciole.

Il n’y a de bonne cuisine que la cuisine française, Pourtant, l’on va quelquefois dîner dans des restaurants italiens, hongrois, espagnols. On espère, de l’exotisme des piments, la résurrection des appétits défunts. Mais une colère vous prend et l’on prémédite de ne pas donner de pourboire au garçon lorsqu’on s’aperçoit, — cela ne tarde pas, — que toute cette cuisine étrangère est faite de vieilles viandes et de sauçailles dont vous dégoûtèrent depuis longtemps les Bouillons parisiens.

(Catulle Mendès)

Sauce

d’Hautel, 1808 : Gâte-sauce. Mauvais traiteur, mauvais cuisinier.
Donner une sauce à quelqu’un. Pour le gronder, le gourmander, lui faire de vifs reproches.
Mettre quelqu’un à toute sauce. Le faire passer des plus grands emplois aux plus petits ; l’employer de toutes sortes de manières.
Il n’est sauce que d’appétit. Pour dire que le bon appétit fait le bon cuisinier ; que tout semble bon lorsqu’on a faim.
On ne sait à quelle sauce le mettre. Se dit en parlant d’un homme qui n’est propre à rien ; qu’on ne sait à quoi employer

Delvau, 1866 : s. f. Correction ou simplement Réprimande, — dans l’argot du peuple. Gare à ta sauce ! Prenez garde à ce qui va arriver de fâcheux. Gober la sauce ! Être puni pour les autres ; recevoir la correction, la réprimande méritée par d’autres.

Rigaud, 1881 : Réprimande. — Sauce poivrade, très forte semonce.

La Rue, 1894 : Correction. Forte pluie. Clique, bande.

France, 1907 : Réprimande, attrapage, bourrade, raclée. Gare à la sauce, Faites attention. Gober la sauce, être gourmandé ou puni pour le méfait d’un autre. Accommoder à la sauce piquante, donner une raclée. Donner la sauce, communiquer le mal vénérien. Cette dernière expression est tombée en désuétude. Sauce poivrade, forte correction.

France, 1907 : Bande, clique, association.

Saucé

Larchey, 1865 : Mouillé jusqu’aux os. — Donner une sauce : Gronder. — Connus dès 1808.

Sauce (allonger la)

Rigaud, 1881 : Ajouter de l’eau dans le pot-au-feu, dans un ragoût.

Saucé (être)

Delvau, 1866 : Recevoir la pluie. On dit aussi Être rincé et Être trempé.

Sauce aux cailloux (bouffer des briques à la)

France, 1907 : N’avoir rien à se mettre sous la dent.

Sauce d’amour

Delvau, 1864 : Le sperme.

Il lui faut un gros vit, et lequel soit toujours
Bien roide et bien fourni de la sauce d’amour.

Théophile.

Sauce de chien à chair de loup, sauce de loup à chair de chien

France, 1907 : Faire les choses à contresens. Agir maladroitement.

Sauce tomate

Rigaud, 1881 : Menstrues, — dans le jargon des filles.

France, 1907 : Menstrues.

Sauce-là, on mangerait son père (à cette)

Rigaud, 1881 : Sauce succulente. Expression des gastronomes pour qui rien n’est sacré hormis la bonne chère.

Sauce, saucée

Rigaud, 1881 : Pluie, forte pluie, — dans le jargon du peuple. — Il va tomber de la sauce.

Saucée

France, 1907 : Averse.

Saucer

d’Hautel, 1808 : Saucer quelqu’un. Pour dire le gronder, lui donner une mercuriale ; le réprimander d’une manière vive et sensible.

d’Hautel, 1808 : Être saucé. Pour mouillé, traversé par la pluie, surpris par un orage.
Saucer quelqu’un dans la boue, dans le ruisseau. Pour, le trainer dans la boue, dans le ruisseau ; le traiter durement, avec le plus grand mépris.

Delvau, 1866 : v. a. Réprimander. On disait autrefois Faire la sauce à quelqu’un.

Rossignol, 1901 : Voir rouscailler.

Saucier

Rigaud, 1881 : Cuisinier chargé de la confection des sauces dans les grands restaurants.

Celui-là est l’artiste de la maison.

(Eug. Chavette, Restaurateurs et restaurés, 1867.)

France, 1907 : Marmiton de restaurant chargé spécialement de la confection des sauces.

Saucisse

Delvau, 1864 : Le membre viril.

N’est-ce pas user d’artifice
Pour avoir un plaisir plus cher,
À Margot d’avoir la saucisse
Et le vit du fils d’un boucher ?

Théophile.

Rigaud, 1881 : Fille publique, — dans le jargon des voyous. — Saucisse plate, fille publique très maigre.

La Rue, 1894 : Fille publique (fille de la sauce ou clique).

Rossignol, 1901 : Naïf.

Que tu es saucisse de croire toutes ces naïvetés.

France, 1907 : Fille publique ; elle appartient à la sauce, à la clique.

Saucisse municipale

Delvau, 1866 : s. f. Viande empoisonnée que l’on jette dans les rues pour détruire les chiens errants non muselés.

Rigaud, 1881 : Boulettes empoisonnées que la municipalité faisait jeter dans les rues de Paris pendant les grandes chaleurs pour détruire les chiens errants. Les boulettes municipales ont disparu du jour où est né l’impôt sur les chiens. Aujourd’hui ces intéressants quadrupèdes sont, en raison de leur qualité de contribuables, bien mieux vus que beaucoup de gens qui ne payent aucune espèce de contributions.

Saucisse plate

Rossignol, 1901 : Une femme mince qui a peu de formes ressemble à une saucisse plate.

Saucisson

France, 1907 : Plomb de toiture volé. Les voleurs le roulent pour l’emporter plus aisément en forme de saucisson. Porter du saucisson au moulin, porter du plomb volé chez le recéleur. Voir Gras-double.

Saucisson à pattes

France, 1907 : Personne petite et grasse.

Saucisson de Bologne

Rigaud, 1881 : Personne courte et grosse. La variante donne : Saucisson à pattes.

Saucisson ficelé

France, 1907 : Individu de mauvaise tournure, qui ne sait que faire de ses bras ni de ses jambes.

Saucissonner

France, 1907 : Manger du saucisson spécialement le vendredi saint, pour narguer les dévots. Les dîners au saucisson inventés par Léo Taxil ont été pendant quelques années fort en vogue.

C’est aujourd’hui vendredi saint,
Le poisson me paraît peu sain :
Dans une fraternelle agape
Gobichonnons,
Saucissonnons
Et fichons-nous du pape.

(E. Blédort)

Sauf

d’Hautel, 1808 : Sauf le respect de la compagnie ; sauf votre respect ; sauf le respect que je vous dois. Ces locutions sont fort usitées parmi le vulgaire pour excuser quelque paroles sales ou déshonnêtes, que l’on se permet en parlant à quelqu’un d’un rang distingué.

Sauge (donner un bouquet de)

France, 1907 : On donnait jadis un bouquet de sauge à l’amoureux qui avait perdu l’occasion d’épouser sa maîtresse, parce que la sauge à la vertu de cicatriser les plaies. Dans les provinces de l’Est, donner un bouquet de sauge à un amoureux, c’était lui signifier un refus. L’usage du bouquet a cessé, mais l’expression est restée. Voir Romarin.
Au lieu de bouquait, on donnait, en manière de consolation ou de raillerie, un chapeau de sauge.

Le comte de Sault, de la Provence, est destiné à épouser Mlle de Scepeaux ; se désiste de cette alliance par ordre du roi. La jeunesse de la cour lui offre un chapeau de sauge.

(Mémoires de Vieilleville, cités par La Maison Forte, — Intermédiaire)

Saumâtre

France, 1907 : Mauvais.

— Il ne fallait pas se battre avec cet ultra, ou bien il fallait le tuer. Une fois debout il parlera, car il doit en avoir appris sur vous de saumâtres.

(Georges d’Esparbès, Les Demi-solde)

Saumon

Rigaud, 1881 : Personne riche décédée, — dans le jargon des croque-morts qui appellent merlans les trépassés de peu d’importance.

Virmaître, 1894 : Homme riche.
— Emballons le saumon avec précaution ; il y a du pèze (Argot des croquemorts).

Hayard, 1907 : Personne riche.

France, 1907 : Richard qu’on enterre ; croque-mort. « Heureux comme le saumon dans la gave », dicton des Landes indiquant qu’on jouit de la fortune et du bien-être.

Saumurien

Fustier, 1889 : Élève de l’École de Saumur.

Tout Saumurien qui se respecte ne lit que le Figaro, l’Union et la Gazette de France.

(Nos farces à Saumur.)

France, 1907 : Élève de l’École de cavalerie de Saumur ; ne pas confondre avec Saumurois, l’habitant.

Depuis trois semaines environ, Saumurois et Saumuriens étaient en guerre… Assurément, il n’y avait pas de quoi fouetter le plus maigre chat, mais, comme toujours, on avait si bien embrouillé les choses que c’était devenu une affaire politique.

(Théo-Critt, Nos farces à Saumur)

Saupoudrer

d’Hautel, 1808 : Poudrer de sel ou de poudre ; et non soupoudrer, comme on le dit habituellement.

Sauret

France, 1907 : Hareng saur, de saur, brun, le hareng devenant saur par la fumée.

Saut

d’Hautel, 1808 : Prendre quelqu’un au saut du lit. Pour dire au sortir du lit.

Saut (faire le)

France, 1907 : Franchir un obstacle, triompher d’une difficulté et, au figuré, s’abandonner aux caresses d’un homme, perdre sa virginité.

Dans une ville de garnison, c’est bien difficile de rester sage quand on est jolie et pas surveillée ; aussi la petite Nanette ne tarda guère à faire le saut.

(Hector France)

Saut de cou

Virmaître, 1894 : Foulard (Argot des voleurs).

Saut de puce

France, 1907 : Petite distance.

Si elle n’a pas envoyé de troubades, c’est uniquement parce qu’il y en a des foultitudes casernées à un saut de puce et, qu’avec le chemin de fer, on peut faire radiner en quelques quarts d’heure.

(Le Pére Peinard)

Saut du cou

France, 1907 : Foulard ; argot des malfaiteurs.

Saut du lit

France, 1907 : Veston d’appartement que l’on met au saut du lit.

Saute Bourguignon

France, 1907 : Cette expression date du XVIIe siècle et remonte à la guerre d’environ soixante ans dans laquelle les Lorrains combattaient pour leur indépendance :

Français, Anglais, Lorrains, que la fureur assemble,
S’avançaient, combattaient, frappaient, mouraient ensemble.

Voir Bourguignon salé.

Saute dessus (le prendre au)

France, 1907 : Terme de souteneurs de filles, de pédérastes et d’agents signifiant qu’on intervertit tout à coup les rôles, qu’on saute enfin dessus celui qui vous poursuit, qui vous sollicite ou qui s’est laissé entraîner à des sollicitations à la débauche. C’est une façon de chantage fort usitée chez les pédérastes.

Quelques pédérastes réunissent à la fois le double rôle de leveur et de chanteur. Après avoir provoqué à la débauche celui qui a eu le malheur de les aborder, ils changent tout à coup de ton, le prennent, comme ils disent, au saute dessus, et, se donnant pour des agents de l’autorité, le menacent d’une arrestation qu’ils consentent à grand’peine à ne pas faire, si leur discrétion n’est largement rétribuée.

(Ambroise Tardieu, Étude sur les attentats aux mœurs)

Saute en bas

France, 1907 : Veston de canotage.

Saute la branche

France, 1907 : Homme sans parole, sans consistance ; sauteur. Expression méridionale.

Saute-au-krack

Virmaître, 1894 : Surnom donné aux filles publiques audacieuses (Argot des souteneurs).

Saute-au-poil

France, 1907 : Personne emportée, irascible, toujours prête à sauter sur vous comme un chat en colère. Expression méridionale.

Saute-aux-prunes

France, 1907 : Fille grande et niaise. Expression des provinces du Centre. On dit généralement grande saute-aux-prunes, comme on dit au masculin grand dépendeur d’andouilles.

Saute-buisson

France, 1907 : Nom donné dans les localités voisines des frontières de l’est au tabac de contrebande.

Saute-coin

France, 1907 : L’un des coups du jeu de quilles.

Saute-foin

France, 1907 : Sauterelle des prés.

Saute-mouton

Delvau, 1866 : s. m. Jeu d’enfants qui consiste à sauter les uns par-dessus les autres. On dit aussi Faire un saute-mouton ou Jouer à saute-mouton.

Saute-mouton (coup du)

France, 1907 : Genre de vol des tripoteurs de bourse dont Charles Virmaître donne ainsi qu’il suit l’explication : « Ce sont les remisiers pour dames (les tripoteuses) du marché des pieds humides qui le pratiquent. La joueuse vend mille francs de rente. Le remisier pour dames exécute cet ordre : il vend immédiatement, mais il attend la fermeture de la Bourse pour en informer sa cliente. S’il y a baisse, comme il a vendu ferme, il encaisse tranquillement la différence. Sa la rente reste au même taux, il lui raconte qu’il y a écart de deux ou trois centimes ; dans tous les cas, elle est volée. »

Saute-mouton (le coup du)

Virmaître, 1894 : Ce sont les remisiers pour dames (les tripoteuses du marché des pieds humides) qui le pratiquent. La joueuse vend mille francs de rente. Le remisier pour dames exécute cet ordre ; il vend immédiatement, mais il attend la fermeture de la Bourse pour en informer sa cliente. S’il y a baisse, comme il a vendu ferme, il encaisse tranquillement la différence ; si la rente reste au même taux, il lui raconte qu’il y a écart de deux ou trois centimes ; dans tous les cas elle est volée (Argot des boursiers). N.

Saute-rondelles

Virmaître, 1894 : V. Fafioleur.

France, 1907 : Banquier.

Saute-rondolles

Halbert, 1849 : Agent de change, banquier.

La Rue, 1894 : Banquier.

Saute-ruisseau

Delvau, 1866 : s. m. Petit clerc. C’est le trottin de l’avoué, comme le trottin est le saute-ruisseau de la modiste.

Virmaître, 1894 : Petit clerc d’huissier ou de notaire qui porte à domicile les pièces de l’étude (Argot du peuple).

Sauter

d’Hautel, 1808 : Faire sauter les miettes. Manger avec un grand appétit, avec avidité, mettre les morceaux doubles.
Reculer pour mieux sauter. Temporiser, éviter momentanément un malheur qu’on ne peut fuir, et dont tôt ou tard on doit être victime.
Cela le fera sauter au plancher, le fera sauter comme un crapaud. Pour exprimer le mécontentement que quelqu’un manifestera, en apprenant une nouvelle.
Faire sauter quelqu’un. Pour dire le supplanter, lui ravir son emploi, ou le bénéfice qu’il attendoit ; son salaire.

anon., 1827 : v. n. Puer.

anon., 1827 : v. a. Voler.

Bras-de-Fer, 1829 : v. n. Puer.

Bras-de-Fer, 1829 : v. a. Voler.

Halbert, 1849 : v. n. Puer.

Halbert, 1849 : v. a. Voler.

Larchey, 1865 : Cacher un produit de vol à ses complices. — Sauter à la capahut : Assassiner un complice pour enlever sa part (Vidocq). V. Capahuter, Pas.
Sauterelle : Puce (id.). — Ses sauts sont connus.

Delvau, 1866 : v. n. Cacher le produit d’un vol à ses complices, — dans l’argot des prisons. Sauter à la capahut. Assassiner un complice pour lui enlever son fade.

Rigaud, 1881 : Sentir mauvais.

France, 1907 : Sentir mauvais, augmentatif de danser.

France, 1907 : Coïter.

Sauter (faire)

Delvau, 1866 : Dérober, chiper et même Voler. Argot des faubouriens. D’où Faire sauter la coupe au jeu.

Sauter à la capahut

Virmaître, 1894 : Tuer un complice pour ne pas lui donner sa part de vol. C’est un fait assez rare, car chez les voleurs il existe une sorte de probité que l’on ne trouve pas chez certains qui se disent honnêtes gens (Argot des voleurs).

Sauter à la perche

Delvau, 1866 : v. n. Ne pas savoir où manger, — dans l’argot des faubouriens, par allusion aux efforts souvent vains des singes de bateleurs pour atteindre les friandises placées à l’extrémité d’un bâton.

Virmaître, 1894 : Avoir très faim. En ce cas on est plus léger que de coutume et on peut sauter facilement. Synonyme de : je m’enlève (Argot du peuple). N.

Sauter la banque (faire)

Rigaud, 1881 : Gagner l’enjeu qui constitue la banque, soit au baccarat, soit à la roulette ou au trente-et-quarante ; c’est le rêve de tous les joueurs.

Sauter la cervelle (se faire)

Virmaître, 1894 : V. Bataille des jésuites.

Sauter la cervelle au plafond (se faire)

Rigaud, 1881 : Se livrer à l’onanisme.

Sauter le bas-flanc

Rigaud, 1881 : Sauter le mur de la caserne pour aller passer la nuit en ville, — dans le jargon des régiments de cavalerie.

Sauter le caisson (se faire)

France, 1907 : Se brûler la cervelle.

On traîne de cabaret en cabaret, on lézarde à cœur de jour faute d’avoir de la besogne, et on ne peut plus trouver une minute de courage pour se faire sauter le caisson.

(Charles Mérouvel)

Sauter le fossé

France, 1907 : Se marier.

Sauter le pas

Delvau, 1866 : v. a. Se décider à faire une chose, sans se préoccuper de ses conséquences. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : v. a. Faire faillite et, par extension, Mourir, — dans l’argot des bourgeois. Signifie aussi Faire banqueroute à la vertu, — en parlant d’une jeune fille qui se laisse séduire. On dit aussi La sauter.

La Rue, 1894 : Faire faillite. Mourir. Dire adieu à la vertu.

France, 1907 : Perdre sa virginité.

Le drôle ! En lui, tout criait sa victoire si difficilement remportée, et je lus clairement en ses prunelles gouailleuses tout ce qu’il pensait et n’osait dire : « Elle a sauté le pas, enfin, et demain, sinon aujourd’hui, c’est elle qui me harcèlera. Ses contusions, elle ne s’en ressentira plus bientôt, et quand les égratignures que je lui fis seront cicatrisées, elle me suppliera de lui en faire d’autres plus profondes. »

(Léon Cladel, La Juive errante)

France, 1907 : Mourir.

Cadet Roussell’ ne mourra pas,
Car avant de sauter le pas,
On dit qu’il apprend l’orthographe
Pour fair’ lui-mêm’ son épitaphe,
Ah ! ah ! ah ! mais vraiment
Cadet Rousselle est bon enfant.

(Vieille chanson)

Sauter le pas, faire le saut

Rigaud, 1881 : Faire faillite. — S’enfuir. — Mourir.

Sauter sur le casaquin

Rigaud, 1881 : Tomber à l’improviste à coups de poing sur quelqu’un.

Sauter, faire le saut

Rigaud, 1881 : Faire danser l’anse du panier au vol, — dans le jargon des voleurs. — S’approprier les droits d’auteur d’un vol fait en collaboration. — Filouter ; l’expression, prise dans ce dernier sens, date du XVIIe siècle. — Pour une jeune fille, faire le saut, c’est sauter à pieds joints sur la vertu, c’est prendre un amant ; allusion au saut de Leucade d’où s’élançaient les femmes tourmentées par l’amour.

Sauterelle

Delvau, 1866 : s. f. Puce, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Petite dame, — dans l’argot des gens de lettres qui ont emprunté ce mot à N. Roqueplan. C’est un des plus heureux qu’on ait inventés jusqu’ici pour désigner ces femmes maigres qui s’abattent chaque jour, par nuées, sur les boulevards, dont elles sont la plaie.

Rigaud, 1881 : Sauteuse. Puce.

Rigaud, 1881 : « On appelle ainsi (dans les magasins de nouveautés) les femmes qui font plier et déplier vingt ballots sans acheter. » (L. Noir.) — Exécuter une sauterelle, se débarrasser d’une femme qui n’a envie de rien acheter.

Merlin, 1888 : Caleçon.

France, 1907 : Puce ; argot des voleurs.

France, 1907 : Prostituée.

France, 1907 : Femme qui va dans les magasins, fait plier et déplier quantité de ballots sans rien acheter ; argot des commis de nouveautés. Exécuter une sauterelle, se débarrasser d’une façon quelconque de la dite cliente.

Sauterelle dans la guitare (avoir une)

France, 1907 : Même sens qu’avoir une araignée dans le plafond, être un peu toqué.

Sauterie

Delvau, 1866 : s. f. Danse, — dans l’argot du peuple.

Sauteron

Rigaud, 1881 : Banquier, changeur, — dans le jargon des voleurs qui savent que certains banquiers, certains changeurs, exécutent des sauts prodigieux sur la route de Belgique.

Sauteronds, sauterolle, sauterondolles

France, 1907 : Banquier, changeur ; argot des voleurs.

Sauteur

d’Hautel, 1808 : C’est un habile sauteur. Se dit par ironie d’un fanfaron qui se vante de tout ce qu’il est incapable d’exécuter.

Clémens, 1840 : Fripon.

Larchey, 1865 : Voir Paillasse — Sauteuse : Danseuse de théâtre. — Pris en mauvaise part.

Delvau, 1866 : s. m. Homme politique qui change d’opinion toutes les fois que cela peut lui profiter personnellement. Argot du peuple. Se dit aussi de tout Homme sans consistance, sans parole, sur lequel on ne peut pas compter.

Delvau, 1866 : s. m. Filou.

Rigaud, 1881 : Personnage politique dont les opinions sautent tantôt au nord, tantôt au sud, tantôt à l’est, tantôt à l’ouest, — Individu sur la parole duquel on ne peut se fier. — Drôle à qui la bonne foi est complètement inconnue.

France, 1907 : Individu sans parole, fumiste sur lequel on ne peut compter. Le boulevard est rempli de sauteurs.

Sauteuse

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Puce.

Halbert, 1849 : Puce.

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse.

Rigaud, 1881 : Drôlesse, voleuse.

La Rue, 1894 : Puce.

Virmaître, 1894 : Puce. Elle saute, en effet, sans cesse (Argot du peuple).

France, 1907 : Prostituée, fille de mœurs équivoques.

Sauteuses (des)

M.D., 1844 : Des puces.

Sautu

Halbert, 1849 : Santé.

Sauvage

d’Hautel, 1808 : Un feu sauvage. Éruption boutonneuse qui se porte au visage des enfans.

Larchey, 1865 : Nu.

Tu ne sais pas encore que s’habiller en sauvage, c’est vendre sa chemise.

Vidal, 1833.

Delvau, 1866 : s. m. Garde national de la banlieue, avant 1870 — dans l’argot des faubouriens.

Sauvage (habillé en)

Rigaud, 1881 : Habillé comme un sauvage qui n’est pas habillé du tout.

France, 1907 : Nu. Expression populaire.

Sauvage (s’habiller en)

Virmaître, 1894 : Être dans un costume primitif, n’avoir pas même la feuille de vigne si chère à M. Bérenger, le Caton moderne (Argot du peuple).

Sauvage (se mettre en)

Delvau, 1864 : S’habiller tout nu, c’est-à-dire : se déshabiller ou ne pas s’habiller du tout.

Sauver

d’Hautel, 1808 : Sauve qui peut ! Espèce d’exclamation, pour dire, se tire du péril qui pourra.

Sauver bien (se)

Delvau, 1866 : Bien courir, — dans l’argot des maquignons, qui disent cela à propos des chevaux qu’ils essayent.

Sauver la caisse

Larchey, 1865 : S’enfuir avec les fonds dont on est dépositaire. — Fort à la mode depuis le fameux mot de Bilboquet : Sauvons la caisse !

Delvau, 1866 : v. a. Se sauver avec la caisse dont on est le gardien, — par allusion au mot d’Odry dans les Saltimbanques.

Sauver la mise à quelqu’un

Delvau, 1866 : Lui éviter une humiliation, un ennui ; lui prêter à temps de l’argent. Argot du peuple.

Sauver sa mise

France, 1907 : Se tirer d’affaire, sortir de difficulté ; allusion à un terme de jeu.

Sauver son haricot

France, 1907 : Sauver sa tête.

Bien heureux, si j’en réchappe
En sauvant mon haricot,
De trouver à l’autre étape,
Pour lui, Jeannette ou Margot,
Au lieu des filles du pape !

(Jean Richepin)

Sauvette

Delvau, 1866 : s. f. Mannette d’osier, — dans l’argot des chiffonniers.

Delvau, 1866 : s. f. Jeu d’enfants qui consiste à se sauver et ne pas se laisser attraper. On dit aussi Sauvinette.

Rigaud, 1881 : Petit panier à chiffons, — dans le langage des chiffonniers.

Fustier, 1889 : Argent.

France, 1907 : Petite hotte de chiffonnier.

France, 1907 : Épargne, argent mis de côté.

Sauveur

d’Hautel, 1808 : Après son Dieu, c’est son sauveur. Se dit par ironie de l’amitié, de la tendresse d’une personne pour une autre ; ou du penchant, de l’inclination que l’on a pour quelque chose : telle la passion qu’un joueur a pour le jeu, et un ivrogne pour le vin.

Savante en amour (être)

Delvau, 1864 : Se dit de toute fille ou femme qui connaît les préceptes les plus secrets et les secrets les plus précieux de l’art d’aimer, et qui serait plutôt capable d’en enseigner à un homme que d’en apprendre de lui.

Une autre fille de son quartier, plus expérimentée que l’autre et qui, pour être un peu moins belle, n’en était pas moins savante et spirituelle en amour.

Mililot.

Savate

Larchey, 1865 : « La savate, que l’on appelle aujourd’hui chausson par euphémisme, est la boxe française, avec cette différence que la savate se travaille avec les pieds, et la boxe avec les poings. » — Th. Gautier, 1845. — V. Arsouille.
Savate : « Correction militaire appliquée par les soldats entre eux pour certains délits non justiciables d’un conseil. Le patient est étendu sur un banc, la chemise retroussée, et chaque soldat de la compagnie lui applique trois coups d’un soulier neuf et bien ferré. » La Caserne, par Vidal et Delmare, 1833.

Delvau, 1866 : s. f. Ouvrage mal fait ; chose abîmée, gâchée, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Correction militaire, qui consiste à fouetter le soldat coupable à tour de bras et de souliers. Le Conseil de guerre, on le devine, n’a rien à voir là dedans : c’est une petite justice de famille et de caserne.

Delvau, 1866 : s. f. Boxe française, — « avec cette différence, dit Th. Gautier, que la savate se travaille avec les pieds et la boxe avec les poings. » (V. Chausson.)

Rigaud, 1881 : Joueur malhabile. — Mauvais ouvrier. — Jouer comme une savate, jouer mal à un jeu d’adresse, jouer mal aux cartes. — Jouer comme une paire de savates, jouer très mal.

France, 1907 : Mauvais ouvrier. Travailler comme une savate, ne rien faire de bon.

France, 1907 : Correction militaire d’un caractère tout privé infligée par les soldats à l’un d’entre eux qui se conduit en mauvais camarade ou qui a forfait à l’honneur, et qu’on ne veut pas livrer an châtiment trop sévère des chefs. Les hommes de la chambrée se mettent sur deux rangs après avoir au préalable prévenu le chef de chambrée qui s’absente pour ne pas être témoin de cette exécution antiréglementaire. Chacun s’arme d’un soulier ou d’une savate, et le coupable nu doit passer au milieu, recevant sur le dos, les reins et le bas du dos, autant de coups de savate qu’il y a d’hommes dans la chambrée. S’il est récalcitrant, on l’attache sur un banc fesses en l’air, et c’est alors trois coups par tête qu’il reçoit au lieu d’un. Passer à la savate, recevoir cette correction. Ceux qui avaient l’habitude de faire suisse, c’est-à-dire de boire seuls, passaient à la savate.

Savate (trainer la)

France, 1907 : Être dans la misère.

Savate (traîner la)

Rigaud, 1881 : Traîner la misère. Variante : Traîner la groule.

Savate premier brin

France, 1907 : Rhum de première qualité. Le bon rhum, dit-on, doit sentir la savate.

Et le tafia du coup de la fin, du jus de bottes, ne plus ne moins, de la savate premier brin ! Comme c’était bon, chez les frères, de se suiffer ainsi l’estomac.

(Jean Richepin)

Savater

Delvau, 1866 : v. a. Travailler sans soin, faire une chose à la hâte. On dit aussi Saveter.

France, 1907 : Travailler mal et sans goût ; gâter un ouvrage.

Savatte

d’Hautel, 1808 : Coup de savatte. Pour coups de pieds.
Se battre à coups de savatte. C’est-à-dire à coup de pied, à la manière des crocheteurs et des porteurs d’eau.

Saveter

d’Hautel, 1808 : Sabouler, bousiller, gâter, machurer un ouvrage ; le faire malproprement et en dépit du sens commun.

Savetier

d’Hautel, 1808 : C’est un véritable savetier. Se dit par mépris d’un mauvais ouvrier, d’un gâcheur d’ouvrage, d’un machurat ; d’un homme qui ne sait pas son métier.

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais ouvrier ; homme qui fait une chose sans goût, sans soin, à la hâte.

Saveurs

France, 1907 : On nomme ainsi en certaines provinces les légumes que l’on met dans le pot-au-feu, pour lui donner du goût, de la saveur.

Savez-vous

France, 1907 : Sobriquet donné aux Belges à cause de la fréquence de ces deux mots dans leur conversation.

Il nous arrive un tas de farceurs affublés de la croix de Genève, qui feraient bien meilleure figure avec un mousquet à la main. À part quelques Luxembourgeois réellement dévoués, il y a des Anglais qui viennent voir et des Belges « savez-vous » qui font du commerce ; autant de bouches inutiles qu’un vrai commandant de place enverrait flâner ailleurs.

(Lieut.-col. Meyret, Les Batailles sous Metz)

Savoir

d’Hautel, 1808 : Il sait plus que son pain manger. Pour dire, il a de l’expérience, il connoît l’usage du monde.
Il ne sait rien de rien. Pour, il n’a aucune connoissance de ce qui se passe.
Il ne sait ni a ni b. Se dit de quelqu’un qui est fort ignorant.
C’est un je ne sais qui. Se dit par mépris d’un homme obscur et de néant, d’un malôtru, d’un vaurien.
On dit également d’un objet quelconque dont on ne peut trouver le nom, c’est un je ne sais quoi.

Savoir (tu ne veux plus rien)

La Rue, 1894 : Tu ne me connais plus (parce que tu es dans une position supérieure à la mienne).

Savoir ce que quelqu’un a dans le ventre

Delvau, 1866 : Découvrir ses sentiments, ses projets ; connaître le faible et le fort de son caractère Argot des bourgeois.

Savoir de quoi il retourne

Delvau, 1866 : Connaître l’état financier d’une maison, la situation morale d’une famille ; être au courant des affaires politiques et littéraires et savoir quel journal ce gros homme va fonder et quel ambassadeur on va envoyer en Prusse. Même argot [des bourgeois].

Savoir des poses

Delvau, 1864 : Être experte dans l’art d’allumer les désirs libertins des hommes.

Il n’est poses qu’elle ne sache,
En débauche elle a de Carrache.
L’invention.

H. Raisson.

Savoir hurler avec les loups

France, 1907 : S’accoutumer aux habitudes, aux mœurs des gens avec lesquels on vit ; ne pas heurter leurs usages, suivant le précepte de Corneille :

Une vertu parfaite a besoin de prudence
Et doit considérer, pour son propre intérêt,
Et les temps où l’on vit et les lieux où l’on est.

Cette locution signifie aussi savoir se servir contre les méchants de leurs propres armes.

Tous ces Normands voulaient se divertir de nous ;
On apprend à hurler, dit l’autre, avec les loups !

(Racine, Les Plaideurs)

Savoir le qu’en vaut l’aune

France, 1907 : Connaître le bon et le mauvais côté des choses ; avoir acquis de l’expérience à ses dépens.

Savoir lire

Larchey, 1865 : Connaître toutes les ruses (Vidocq).

Delvau, 1866 : Connaître toutes les ruses du métier, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bien connaître le métier de voleur, avoir été reçu docteur ès-filouteries.

La Rue, 1894 : Être habile, roué. Être un bon voleur.

Virmaître, 1894 : Être au courant de toutes les ruses du métier. Connaître tous les trucs pour voler (Argot des voleurs).

France, 1907 : Être au courant de toutes les ruses, de tous les trucs d’un métier.

Savoir se tenir

France, 1907 : Savoir se conduire non seulement en société, mais dans tous les détails de la vie… suivant les snobs.

Savoir se tenir est un grand art à notre époque ; à ceux qui le possèdent, on passe beaucoup d’imperfections, de défauts et même de vices.
Un homme du monde qui sait se tenir a des vêtements élégants, des chemises artistement repassées, des bottines toujours irréprochables.
Pour un empire, il ne sortirait pas à pied en chapeau rond, dans les rues de Paris, même au mois d’août. Il ne se permettrait pas de monter dans une voiture de place ; il n’oserait porter à la main le plus léger paquet. Il aura dix maîtresses, il se ruinera pour elles et compromettra par la même occasion l’avenir de sa femme et de ses enfants, mais il évitera de se montrer en première loge à l’Opéra, au Bois en voiture découverte, avec la moins compromettante de ses dix maîtresses.
Il lui arrivera de ne jamais payer ses fournisseurs, mais il sera d’une régularité exemplaire quand il s’agira d’une différence de bourse, d’un pari fait aux courses ou d’une dette de jeu.

(Adolphe Belot, Le Drame de la rue de la Paix)

Savon

Larchey, 1865 : Réprimande sévère. On dit de même laver la tête pour réprimander quelqu’un.
Savonné : Blanc. — Ce qui est savonné est blanchi. — Pivois savonné : Vin blanc. V. Douille, Larton.

Delvau, 1866 : s. m. Réprimande, — dans l’argot des domestiques malpropres. Foutre un savon. Gronder, objurguer quelqu’un.

Rigaud, 1881 : Semonce. — Recevoir un savon, être réprimandé. — Flanquer un savon, réprimander.

France, 1907 : Réprimande.

France, 1907 : Argent payé à l’avocat pour vous blanchir ; argot des voleurs.

Savonnade

d’Hautel, 1808 : Pour grande remontrance, correction,

Savonnage

France, 1907 : Truc de certains lutteurs forains, principalement des lutteurs américains, qui consiste à se savonner le corps de façon que l’adversaire n’ait pas de prise.

L’Américain s’est savonné le torse à la dernière lutte, Sur cette panse de lard, les mains n’ont aucune prise. Si on ne tombe pas au bout de cinq minutes, on n’arrive à rien. Il était « maquillé » de sueur et de savon…

France, 1907 : Plaidoirie.

Savonné

Halbert, 1849 : Blanc.

Rigaud, 1881 : Blanc. — Artie savonné, pain blanc ; pivois savonné, vin blanc, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Blanc. Larton savonné, pain blanc ; argot des voleurs.

Savonner

d’Hautel, 1808 : Gourmander, houspiller, secouer, vespériser quelqu’un.

Delvau, 1866 : v. a. Réprimander — et même Battre.

Rigaud, 1881 : Voler. — Pavillon savonné, linge volé. — Savonner une cambuse, voler dans une chambre.

Rigaud, 1881 : Tourmenter, taquiner, — dans le jargon du peuple. — Allusion au linge tourmenté par le savonnage. — La bourgeoise me savonne depuis hier que j’en suis bleu, ma femme me tourmente tellement depuis hier que j’en suis ahuri.

Fustier, 1889 : Argot de chanteurs. Faire des ports de voix.

Mademoiselle S… a de l’habileté quoiqu’elle ait savonné certains traits.

(Liberté, 1882.)

La Rue, 1894 : Voler. Tourmenter, taquiner. Réprimander fortement. Savonné, blanc.

France, 1907 : Réprinander fortement, tourmenter ; argot populaire,

France, 1907 : Abuser des ports de voix ; argot des chanteurs.

Peut-être cet argotisme moderne, dit Émile Gouget, désignant ces sortes de glissades de sons, dérive-t-il du savon appelé glissant dans la langue bigorne. À moins qu’on n’ait voulu faire allusion au barbier qui a l’habitude de savonner son public avant de le raser.

France, 1907 : « Se dit d’un apprenti ménétrier qui, en jouant, promène son archet sur la touche de son instrument à cordes, imitant ainsi le mouvement de va-et-vient des lavandières promenant leur savon sur la planche à laver. (Argot des professeurs). »

(Émile Gouget, L’Argot musical)

Savonner une femme

Delvau, 1864 : La baiser, parce qu’ici le sperme sert de savon, ce qui fait qu’elles sont plus blanches que les hommes, au dire de Tabarin.

Et je lui donnerai une savonnade à laquelle son mari ne l’a pas habituée.

Seigneurgens.

Savonnette

d’Hautel, 1808 : Une savonnette à vilain. On appeloit ainsi dans l’ancien régime, la charge par l’achat de laquelle un roturier se faisoit gentilhomme.

Savonnette à vilains

France, 1907 : On appelait ainsi par dérision certaines charges qui, sous l’ancien régime, octroyaient la noblesse à celui qui les achetait et qui, de cette façon peu glorieuse, se décrassait de la roture.

Dans les pays d’aristocratie, le lit est la meilleure savonnette à vilains. Partager le sommeil d’un fils d’empereur équivaut à la plus haute action d’éclat et Blanche des Tilleuls, à son tour, aurait pu écarteler son blason récent d’accessoires de toilette rivaux du pal et de l’écu de ceux-là qui opposèrent la croix de leurs épées au cimeterre des compagnons de Saladin.

(Ed. Lepelletier)

On dit aussi quelque fois que la femme est une savonnette à vilains, en ce sens qu’en nombre de cas elle décrasse son mari, le dégrossit, lui enlève ses manières de rustre.

Savoyard

Larchey, 1865 : Rustre.

En 1813, avec ces savoyards d’alliés.

Ricard.

Savoyarde : Malle (Vidocq). — Le commissionnaire chargé de la porter est ordinairement Savoyard.

Delvau, 1866 : s. m. Homme mal élevé, brutal, — dans l’argot des bourgeois, injurieux envers les Allobroges.

Rigaud, 1881 : Grossier personnage ; mal-appris.

Savoyarde

Delvau, 1866 : s. f. Malle, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Malle. — Faire la savoyarde, voler les malles sur les voitures, dans les gares.

La Rue, 1894 : Malle.

Virmaître, 1894 : Malle. Allusion aux commissionnaires, tous savoyards pour la plupart, qui transportent les malles sur leur dos (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Malle.

France, 1907 : Malle ; allusion aux commissionnaires pour la plupart natifs de la Savoie.

Saxe (le mulet du maréchal de)

France, 1907 :

Quand le général Changarnier, à cheval, à la tête de sa brigade, vit l’ennemi s’engouffrer dans les ravins, jugeant le moment venu d’attaquer, il se jeta sur lui vigoureusement, lui fit subir des pertes cruelles et le mit en fuite dans le plus grand désordre, mais sans attendre le signal des trois coups de canon. Le général Bugeaud aimait à faire sur le terrain même une sorte de conférence aux généraux et aux chefs de corps pour leur faire comprendre sa pensée, lorsqu’il s’agissait d’entreprendre une opération délicate, ou pour juger une manœuvre quand elle était exécutée. Nous croyons bonnement avoir emprunté aux Allemands la critique après les manœuvres, tandis qu’elle est au contraire, chez eux, une importation toute française. Le soir de cette affaire, il réunit ses officiers au bivouac pour faire devant eux l’examen de la journée. « Nous avons, dit-il, infligé à ces Kabyles un traitement dont ils se souviendront ; mais notre succès eût été plus complet si la brigade, postée en embuscade, avait attendu le signal que je devais donner. De la place que j’occupais, j’embrassais tout le théâtre de l’action, et j’étais mieux à même que personne de juger quand il convenait d’attaquer.
— Mais, mon général, s’écria aussitôt le général Changarnier, c’est moi qui commandais cette brigade. C’est par mon ordre qu’elle a attaqué avec une fougue et une impétuosité dont vous avez pu juger les résultats.
— Eh bien, si c’est vous qui avez commis la faute, c’est à vous que s’adresse mon observation.
— Il y a six ans, mon général, que je fais la guerre en Afrique sans interruption. Je crois y avoir acquis quelque expérience, et jamais on ne m’a adressé un pareil reproche. »
Le général Bugeaud, émoustillé par le ton que prenait la conversation, lança alors cette réplique célèbre dont il ne calculait pas la portée : « Qu’est-ce que cela fait ? Le mulet du maréchal de Saxe avait fait la guerre vingt ans, et il était toujours un mulet. »
Il est facile de s’imaginer l’effet que produisirent ces paroles sur les assistants et surtout sur un interlocuteur dont l’excès de modestie n’était pas le défaut saillant, qui avait au contraire conscience de son incomparable valeur et dont l’amour-propre était encore excité par les éloges qu’on lui avait justement prodigués.

(Général du Barail, Mes Souvenirs)

Saxophone

France, 1907 : Surveillant ; argot des élèves de Saint-Cyr.

Scalais

La Rue, 1894 : Je monte.

Scarabombe

France, 1907 : Étonnement, stupéfaction ; argot des voleurs.

Scarabomber

Rigaud, 1881 : Étonner, stupéfier. — Scarabombe, étonnement, stupéfaction, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Étonner.

Scarpologie

France, 1907 : Science nouvelle qui consiste à faire découvrir d’après l’usure des semelles des chaussures le caractère et les aptitudes d’une personne ; du radical grec scarpos, escarpin, et de logos, discours. C’est un cordonnier genevois qui, à la suite de nombreuses observations sur les chaussures de ses clients, en aura tiré ce nouveau moyen d’investigation psychique.

Scarpologue

France, 1907 : Personne qui s’occupe de scarpologie.

Le scarpologue reconnait si le propriétaire de la chaussure qu’on lui présente est un être énergique, faible, inconstant, luxurieux, orgueilleux, ambitieux, etc., à la façon dont le talon est tourné, la pointe râpée et le soulier usé.
Je crois même qu’on peut reconnaitre si l’on a affaire à un homme violent quand il vous allonge sa bottine… vous vous doutez de l’endroit.

(La Nation)

Scatologie

France, 1907 : Qui traite des excréments. « Un écrivain scatologique. » Du grec skatos, excrément.

— Nous entendrons toutes les gaudrioles qu’on voudra bien nous servir ; mais foin des choses artistiques ! Si Fertu récite des vers, je parlerai de force pendant huit jours et huit nuits sur les microbes et du choléra asiatique !
Les acclamations couvrirent la voix du docteur. Fertu, devant son échec, n’insista point : son devoir, dit-il, étant d’obéir au vœu de la société, il composerait séance tenante une brillante improvisation en prose sur un sujet scatologique.

(Paul Pourot, Les Ventres)

Sceaux (cochons de)

France, 1907 : Sobriquet donné aux habitants de cette localité de la banlieue de Paris où se tenait chaque lundi un grand marché de cochons.

Scène (être en)

Rigaud, 1881 : Ne pas avoir de distractions, être tout à son rôle, — dans le jargon des coulisses.

Scène de l’absinthe (faire la)

Delvau, 1866 : Jouer son verre d’absinthe avec un camarade, ou lui en offrir un. Argot des coulisses. On dit de même, à propos de toutes les consommations : Faire ou jouer la scène du cigare, du café, de la canette, etc.

Schabraque

Merlin, 1888 : Femme laide ou de mauvaise vie.

France, 1907 : Vieille prostituée qui a passé de mains en mains dans le quartier et s’est accrochée au derrière des cavaliers comme la schabraque que portaient autrefois les hussards, les guides et les artilleurs de la garde. Argot de cavalerie.

Schabraque (vieille)

Rigaud, 1881 : Invalide de la prostitution ; par allusion à la housse des chevaux de cavalerie.

Schaffouse

Delvau, 1866 : s. m. Le derrière, parce qu’à la chute du Rein, — dans l’argot facétieux du peuple, qui connaît la géographie.

Schako

Rigaud, 1881 : Tête, — dans le jargon du régiment. — Son schako a un renfoncement, il est un peu fou.

France, 1907 : Tête.

Schapska

France, 1907 : Coiffure des lanciers importée de Pologne.

Schelingophone

Rigaud, 1881 : Derrière. À l’époque où le téléphone et le phonographe firent leur apparition, le schelingophone, a été imaginé pour propager dans les classes voyoucratiques l’amour de la désinence phone. — Enlever le schelingophone, donner du pied au derrière.

C’est moi, si eune dame m’parlait ainsi, que j’aurais vite fait d’i enlever le schelingophone, l’aller et le retour et train rapide !

(Grévin, Petit Journal pour rire, 1879.)

France, 1907 : Pantalon. Enlever de schelingophone à quelqu’un, lui donner un coup de pied au derrière.

— C’est moi, si une dame m’parlait ainsi, que j’aurais vite fait d’i enlever le schelingophone.

(Grévin)

Schelingoter, schelinguer

France, 1907 : Puer. Voir Schlinguer.

Schelinguer

un détenu, 1846 : Puer de la bouche.

Schibboleth

France, 1907 : Mot de passe, clef ; hébraïsme.

Si l’on en croyait le jeune normalien dont le cœur est souvent rongé d’ambitions impatientes, ou le vieux monsieur « arrivé » qui est presque toujours plein de fatigue ou de scepticisme, tout serait rose dans la vie. Le labeur y trouve sa récompense assurée, le succès attend le mérite, l’instruction est le schibboleth qui ouvre toutes les portes, surtout — ce développement est inévitable — dans un siècle de progrès et de liberté comme le nôtre, chez un peuple maître de ses destinées, dans une démocratie fondée sur la justice, et cætera pantoufle !…

(François Coppée.)

Schicksal

France, 1907 : Urne qui contient les boules par lesquelles sont désignés les élèves qui doivent être interrogés par le professeur. Argot des polytechniciens, de l’allemand schicksal, sort, hasard.

Quand le professeur agite le schicksal, l’anxiété se peint sur tous les visages ; la victime désignée descend dans l’hémicycle pendant que les autres élèves poussent un soupir de soulagement. Le schicksal à l’amphi est tellement redouté qu’à un certain moment on a organisé une sorte de société d’assurance dont le capital, constitué par des versements modiques, devait servir une prime à payer, comme une sorte de compensation offerte à ses malheureuses victimes.

(Albert Lévy et G. Pinet, Argot de l’X)

Schicksaler

France, 1907 : Tirer au sort, argot des polytechniciens, de l’allemand schicksal. Toutes les fois que le sort doit décider d’une question, il faut schicksaler.

On schicksale pour savoir qui sera envoyé au bal de l’Élysée, qui fera partie d’une députation ; on schicksale pour fixer les tours d’examen. Toute consigne infligée à une salle doit être schicksalée, l’esprit de l’École exigeant que celui qui se dévoue soit choisi par le sort… En 1893, une révolte sérieuse a éclaté à l’École, précisément parce que, à la suite d’un chahut, le général refusait de tirer au sort le nom de ceux qui devaient être punis. Plusieurs élèves furent emprisonnés au Cherche-Midi ; deux d’entre eux furent pendant quelques semaines envoyés dans un régiment d’infanterie.

(Albert Lévy et G. Pinet)

Schlague

Delvau, 1866 : s. f. Correction brutale qu’un père donne volontiers à son enfant, un mari à sa femme, etc.

Schlaguer

Delvau, 1866 : v. a. Corriger, battre. Encore un mot allemand, — schlagen.

Schlingoter

Rossignol, 1901 : Qui sent mauvais.

Est-ce toi qui schlingotes, qui peux schlingoter ainsi.

Schlinguer

Rossignol, 1901 : Voir schlingoter.

France, 1907 : Sentir mauvais. Schlinguer des arpions, infirmité communes à ceux qui ne se lavent les pieds que… quelquefois.

Schlof

d’Hautel, 1808 : Faire schlof. Pour dire dormir ; se laisser surprendre par le sommeil. C’est une corruption du substantif allemand, schlaf, qui signifie le dormir, comme on dit en français le boire.

Schloff

France, 1907 : Sommeil. Faire schloff, dormir. De l’allemand schlaf, même sens.

Schloffer

Delvau, 1866 : v. n. Dormir, se coucher, — dans l’argot des faubouriens, qui ont appris cette expression dans la fréquentation d’ouvriers alsaciens ou allemands (schlafen). Ils disent aussi Faire schloff.

Rigaud, 1881 : Dormir. — Germanisme.

La Rue, 1894 : Dormir. Schlof, lit.

France, 1907 : Dormir.

Schnapps

Larchey, 1865 : Eau-de-vie. — Germanisme.

Fustier, 1889 : Eau-de-vie.

Schnaps

France, 1907 : Eau-de-vie de grains de seigle fabriquée en Russie. Mot importé par les soldats de la Grande Armée, et par extension toute espèce d’eau-de-vie.

Les femmes d’aujourd’hui, les ouvrières et femmes du peuple, sans compter les autres vous sirotent l’absinthe et le vermouth, l’eau-de-vie et le tord-boyaux, le schnick et le schnaps, comme celles d’autrefois vous auraient lampé de la fleur d’oranger.

(Albert Cim, Émancipées)

Schness

France, 1907 : Figure, physionomie ;de l’allemand schnauze, groin, mufle.

Schnic, schnapps

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie.

Schnick

Delvau, 1866 : s. m. Eau-de-vie de qualité inférieure, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Schnaps.

France, 1907 : Eau-de-vie.

Schnick ou schnaps

Merlin, 1888 : Eau-de-vie commune, qu’on appelle encore tord-boyaux, — dans l’argot du peuple. Schnaps vient de l’allemand.

Schnick, schnapps

La Rue, 1894 : Eau-de-vie.

Schniquer

Delvau, 1866 : v. n. Se griser d’eau-de-vie.

France, 1907 : Boire de l’eau-de-vie.

Schniqueur

Delvau, 1866 : s. m. Buveur d’eau-de-vie.

France, 1907 : Ivrogne.

Schnoc

Virmaître, 1894 : Quand on ne veut pas dire à un individu c-o-n pantoufle, on emploie cette expression qui est un terme de mépris : vieux schnoc (Argot du peuple). N.

Schnocke

France, 1907 : Sot, niais.

Si ça t’botte, on s’ra compagnons
(Bien qu’tu soye schnocke et qu’tu trouillotes),
Mais j’t’aim’ com’ ça… c’est mes z’ognons
Et tout l’reste il est d’la gnognotte.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)

Schnoffe

France, 1907 : Tabac à priser.

Schnoffe (deux ronds de)

Virmaître, 1894 : Deux sous de tabac à priser (Argot du peuple). N.

Schnouf

Rossignol, 1901 : Coup, gifle.

Si tu ne restes pas tranquille, je vais te détacher un schnouf.

Celui qui a reçu un coup a reçu un schnouf.

Schocking

France, 1907 : Indécent, choquant ; anglicisme. Ce mot est toujours employé ironiquement.

Schopenhauérien

France, 1907 : Personne ou chose qui se rattache à Schopenhauer, apôtre du pessimisme.

Le monde slave a produit Tolstoï, l’apôtre de l’Évangile et de l’Abnégation, les races germaniques sont tombées sous l’influence du pessimisme schopenhauérien, qui a atteint son apogée dans Nietzsche, le sombre et misanthropique penseur ; l’esprit anglo-américain s’est laissé captiver par le « moderne spiritualisme. »

(B. Sandow, La Nation)

Schopenhauérisé

France, 1907 : Qui subit l’influence néfaste de la lecture des œuvres de Schopenhauer.

Du moins est-il gai, bon garçon,
Sans amour-propre, sans façon,
Exempt de pose ;
Dans notre siècle de blasés
Et des schopenhauérisés,
C’est quelque chose.

(Jacques Normand)

Schoumacke

France, 1907 : Cordonnier ; germanisme. Sobriquet donné aux Allemands.

Schphomme

Virmaître, 1894 : Faire du tapage dans un endroit public (Argot du peuple).

Schpil, schpile

Rigaud, 1881 : Beau ; réussi, bien fait, — dans le jargon des ouvriers.

Schpile

France, 1907 : Bon, excellent. Il n’est pas schpile à frayer, c’est un mauvais camarade.

Schpiler

Rigaud, 1881 : Réussir un ouvrage.

France, 1907 : Faire du bon travail, réussir.

Schpromme

France, 1907 : Bruit, fracas ; argot des voleurs. Pousser des schprommes, manifester bruyamment son admiration.

Et c’est du schpromme… et d’la jactance
Et du chambard… et du potin…
Ah ! la salope !… ah ! la putain !…
J’y en foutrai, moi, d’la rouspétance !

(Aristide Bruant)

Schproum

Rossignol, 1901 : Tapage, bruit.

On ne s’entend plus, avez-vous fini de faire du schproum !

Hayard, 1907 : Bruit, esclandre.

Schproute (faire du)

Rossignol, 1901 : Voir Schproum. Un voleur fait du schproute lorsque son sociable ne lui donne pas sa part d’un vol.

Schpuser

France, 1907 : Puer ; argot des voleurs.

Schtar

un détenu, 1846 : Cachot.

Schtard

Rigaud, 1881 : Prison. — Schtard des poivrots, violon. — Schtard aux frusques, Mont-de-Piété. — Schtard des lascars, la Roquette. — Schtardier, prisonnier.

France, 1907 : Prison. La schtard aux frusques, le Mont-de-Piété. Voir Jettard.

Schtard, jettard

La Rue, 1894 : Prison.

Schtardier

France, 1907 : Prisonnier.

Schtigner

Virmaître, 1894 : Puer (Argot du peuple). N.

Schtoser (se)

Rigaud, 1881 : Se soûler, — dans le jargon des voleurs.

Schtosser (se)

France, 1907 : S’enivrer.

Sciant

Delvau, 1866 : adj. Ennuyeux, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Assommant.

Scie

d’Hautel, 1808 : Terme équivoque et satirique, qui signifie bernement, brocard, dérision, lardon, persiflage, sarcasme, gausserie.
Voilà la scie qui va. Se dit quand on se moque finement de quelqu’un.
C’est une scie de longueur. Pour dire que l’on se moque depuis long-temps de quelqu’un.
Scie se prend aussi pour ennuyeux, rude, pénible, épineux, obscur, embrouillé.
C’est une scie que cet ouvrage. Pour, c’est un ouvrage de patience, rude, embarrassant, ennuyeux.

Larchey, 1865 : Tourment, mystification répétée d’autant plus de fois qu’elle paraît agacer l’auditeur. — Allusion à la scie qui revient toujours en grinçant sur elle-même.

Les femmes, c’est la scie pour les domestiques.

Ricard.

Les scies les plus farouches l’avaient trouvé inébranlable.

Murger

Scier, scier le dos : Tourmenter.

Pourquoi boire ? — Pour s’étourdir, pour oublier ce qui vous scie.

E. Sue.

Laisse-moi, Cadet, tu me scies.

Rousseliana, 1805.

Delvau, 1866 : s. f. Mystification, plaisanterie agaçante, — dans l’argot des artistes. Le chef-d’œuvre du genre, c’est :

Il était quatre jeunes gens du quartier,
Eh ! eh ! eh ! eh ! Ils étaient tous les six malades,
Ade ! ade ! ade ! ade ! On les mit tous sept dans un lit,
Hi ! hi ! hi ! hi ! Ils demandèrent du bouillon,
On ! on ! on ! on ! Qui n’était ni salé ni bon,
On ! on ! on ! on ! C’est l’ordinair’ de la maison,
On ! on ! on ! on ! Ça commence à vous embêter,
Eh ! eh ! eh ! eh ! Et bien je vais recommencer,
Eh ! eh ! eh ! eh !

Et l’on recommence en effet jusqu’à ce que l’importun que l’on scie ainsi comprenne et s’en aille. Faire ou Monter une scie. Imaginer une mystification contre quelqu’un.

Delvau, 1866 : s. f. Femme légitime. Porter sa scie. Se promener avec sa femme au bras.

Delvau, 1866 : s. f. Ennui, contre-temps fâcheux.

Rigaud, 1881 : Ennui profond causé par un travail monotone, par un travail fait à contre-cœur. — Rengaine agaçante. — Monter une scie, faire des scies. Lucrèce a dit : Serrœ stridentis acerbus horror.

Virmaître, 1894 : Femme légitime. Quand un ouvrier menuisier porte sa scie, les voyous lui disent :
— Tu trimballes la légitime.
Scier
quelqu’un : l’ennuyer, le raser (Argot du peuple).

France, 1907 : Ennui, rengaine. Porter sa scie, sortir avec sa femme ; argot des ouvriers. Monter une scie, mystifier.

— Vous allez me faire une déclaration ! ça se voit dans votre œil gauche. Quelle scie ! quelle scie !… vous étiez le seul non crétinisé, le seul avec qui je pouvais parler de tout, vos réalisiez pour moi l’idéal du camarade… comprenez-vous tout ce qu’il y a de flatteur dans cette manière de vous classer ?… maintenant vous allez aussi commencer à faire des yeux de poisson bouilli.… oh ! n’essayez pas de protester, tous les hommes font des yeux de poisson bouilli quand ils sont amoureux…

(Aug. Ricard, Cristal fêlé)

Scié

Boutmy, 1883 : s. f. Mystification ; plaisanterie agaçante. N’est pas particulier au langage des typographes. On appelait autrefois scie, dit Vinçard, ce qui sert à disposer les garnitures.

Science

d’Hautel, 1808 : Il a plus de bonheur que de science. Se dit par ironie d’un homme qui réussit dans les choses qu’il ne connoît que médiocrement.

Sciencé

d’Hautel, 1808 : Pour dire, qui a du savoir, qui a reçu une bonne éducation, docte, érudit.

Scientiste

France, 1907 : Membre d’une secte religieuse de la Grande-Bretagne qui refuse, en cas de maladie, toute assistance médicale.
Les scientistes se placent au point de vue de la religion pure, du respect absolu de la volonté divine, et soutiennent que c’est un péché de se servir de médicaments pour guérir les maux dont notre pauvre humanité est accablée ; ils ont fondé de nombreuses associations dans toutes les villes, et les adeptes, hommes et femmes, moyennant une guinée par semaine, s’installent au chevet des malades pour les garder de l’approche des médecins.
Comme bien on le pense, ceux-ci ne sont pas satisfaits de la guerre acharnée que leur font les scientistes.
On appelle aussi les scientistes, en anglais, « peculiar people », singulières gens.

Scier

d’Hautel, 1808 : Berner, railler, persifler, ridiculiser, turlupiner quelqu’un ; se divertir à ses dépens. Il signifie aussi ennuyer, excéder, importuner.
Tu me scie le dos avec une latte. Se dit trivialement à quelqu’un dont les discours ennuient, excèdent, ou que les avis importunent.

Delvau, 1866 : v. a. Importuner, obséder sans relâche. On dit aussi Scier le dos.

La Rue, 1894 : Ennuyer, fatiguer.

France, 1907 : Ennuyer, importuner.

Scier du bois

Delvau, 1866 : v. a. Jouer du violon ou de la contrebasse, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Jouer du violon, jouer du violoncelle.

France, 1907 : Jouer d’un instrument à archet, d’où le joueur est appelé, dans l’argot de l’orchestre, scieur de bois.

Bien que l’archet des scieurs de bois scie les cordes en travers et même parfois de travers, on pourrait, à la suite d’une répétition prolongée outre mesure, qualifier ces martyrs de scieurs de long. Ajoutons que le tréteau des scieurs de long se nomme chevalet, absolument comme celui les violonistes ; cependant les scieurs sont iieux rétribués au chantier qu’a l’orchestre.

(Émile Gouget)

Scier son armoire

Virmaître, 1894 : Quand le contrebassiste, dans un orchestre, fait sa partie, les voyous disent :
— Il scie son armoire.
Allusion de forme (Argot du peuple). N.

Scier, scier le dos

Rigaud, 1881 : Ennuyer. — Fatiguer par des vexations, des bavardages.

Scieur

d’Hautel, 1808 : Un scieur. Pour dire railleur, persifleur, qui se fait un jeu de berner les autres ; un conteur de fariboles, un Gascon.

Scieur de bois

Delvau, 1866 : s. m. Violonniste ou contrebassiste.

Rigaud, 1881 : Violoniste.

Scion

Delvau, 1866 : s. m. Baguette et même Bâton, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : V. Lingre.

Rossignol, 1901 : Couteau.

Hayard, 1907 : Couteau.

France, 1907 : Couteau.

On n’est pas des délicates
D’métiers superflus ;
On n’est pas des avocates,
Des médecin’s non plus.
Quand nous vidons une affaire
Que c’est d’la passion,
Nous aut’s on peut-i’ mieux faire
Qu’y aller n coups d’scion ?

(Blédort)

Scion (coup de)

Rigaud, 1881 : Coup de couteau, — dans le jargon des voleurs. — Scionneur, assassin qui travaille au couteau. Le scionneur est loin d’être un artiste en son genre. Il s’y prend à plusieurs fois. Son coup n’est pas, comme ils disent, un coup de surin de dab.

Scionnage

France, 1907 : Assassinat à coups de couteau.

Scionner

un détenu, 1846 : Assassiner avec un couteau.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : v. a. Battre quelqu’un, le bâtonner.

Rigaud, 1881 : Tuer à coups de couteau.

Nous ferons joliment notre beurre et tu pourras le scionner après.

(F. du Bois-gobey.)

La Rue, 1894 : Tuer à coups de scion (couteau).

Virmaître, 1894 : Tuer quelqu’un avec un couteau (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Frapper à coups de couteau.

France, 1907 : Tuer à coups de couteau.

Et quand i’veut r’piquer au tas
Ou quand i’veut gueuler je l’scionne…
J’y crèv’ la peau, je l’fous en bas ;
Des fois, pour m’amuser, je l’sonne…
Ben oui, je l’sonne ! Et pis après ?
J’attrap’ les deux oreill’s du gonce
Et pis j’y cogn’ la têt’ su’l’grès,
Pas su’l’pavé d’bois… ça s’enfonce.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Scionneur

un détenu, 1846 : Assassin à coups de couteau.

Larchey, 1865 : Voir escarpe.

Delvau, 1866 : s. m. Meurtrier.

France, 1907 : Assassin.

Scire volunt omnes, mercedem solvere nemo

France, 1907 : Tous veulent le savoir, personne ne veut payer. Locution latine tirée de Juvénal et qui a cessé d’être en usage puisqu’on donne à tous le savoir gratis, du moins le savoir nécessaire pour se débrouiller dans la vie.

Scolo

Fustier, 1889 : C’est ainsi que le peuple, à Paris, appelle l’enfant qui fait partie d’un bataillon scolaire. Scolo est d’un usage courant.

Vous connaissez les scolos, n’est-ce pas ? C’est ainsi que l’on nomme en langage populaire, les bataillons scolaires.

(Liberté, février 1886.)

France, 1907 : Bataillon scolaire.

Les municipalités, les autorités civiles, qui n’adorent rien tant que la pompe militaire, n’ayant plus à leur disposition la « garde citoyenne », se sont rabattues d’abord sur les scolos ; puis ils ont trouvé que ceux-ci manquaient un peu de prestige, et ç’a été le tour des pompiers.

(L’Avenir militaire)

Scorpion

Fustier, 1889 : « On appelle ainsi, paraît-il, à l’école de la rue des Postes, les minorés qui suivent les cours des élèves. »

(Figaro, avril 1887).

Il a paru, en 1887, sous ce titre : Le Scorpion, un roman de M. Marcel Prévost.

France, 1907 :

Un autre fondeur, trouvant un défaut à son métal, y collerait un (m), scorpion, comme dit M. Denis Poulot dans le Sublime.

(Gédéon)

Scouane

Clémens, 1840 : Oreille.

Scouane, escouane

La Rue, 1894 : Oreille.

Scouanne

France, 1907 : Oreille.

Scrap

France, 1907 : Morceau de chiffon, du même mot anglais signifiant petit morceau d’étoffe, de papier, etc.

Scribe

France, 1907 : Employé aux écritures dans les bureaux militaires.

Outre ses fourriers, le marchef s’adjoint ordinairement un surnuméraire, un scribe. C’est quelque fils de famille, engagé volontaire, hussard intelligent, mais paresseux, qui obtient ce poste envié. Pour s’exempter de services, il est tout heureux et tout aise de faire les courses et de bourrer les pipes du comptable.

(Émile Gaboriau, Le 13e Hussards)

Scribitur ad narrandum, non ad probandum

France, 1907 : On écrit l’histoire pour raconter, non pour prouver ; locution latine.

Scribouillage

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais style, — style à la Scribe. Argot des gens de lettres.

France, 1907 : Mauvais style.

Scrutin de ballottage (assister au)

Rigaud, 1881 : Plonger un œil indiscret dans le corsage d’une femme qui, hélas ! n’a que trop de développement.

France, 1907 : Assister au déshabillé d’une femme.

Sculpsit

Delvau, 1866 : s. m. Sculpteur, — dans l’argot des artistes.

France, 1907 : Sculpteur ; allusion au mot sculpsit ajouté au nom de l’artiste sur ses œuvres.

Sculpter une gueule de bois (se)

La Rue, 1894 : S’enivrer.

France, 1907 : S’énivrer.

Sculpture ronflante

Delvau, 1866 : s. f. Sculpture tourmentée, colorée, entre la sagesse et l’exagération.

Se camphrer

Larchey, 1865 : S’adonner à l’eau-de-vie.

Se casser le nez

Larchey, 1865 : Trouver porte close.

Se chiquer

Rossignol, 1901 : Se battre.

Se coller

Larchey, 1865 : Contracter un collage.

Julia : Qu’est-ce que va devenir Anatole ? — Amandine : Le monstre ! il est déjà collé avec Rachel.

Les Cocottes, 1864.

Se couper

Larchey, 1865 : Se contredire, couper ses propres arguments.

Se cramper

Larchey, 1865 : Se sauver (Vidocq). V. Pré.

Se culotter

Larchey, 1865 : Se former, prendre une tournure décidée.

Voici un pied d’Andalouse, se dit-il à part lui, ceci est d’une bonne couleur, et ma passion se culotte tout à fait.

Th. Gautier, 1838.

Se débiner

Larchey, 1865 : Disparaître.

Quant à moi, je maquille une aff après laquelle j’espère me débiner pour m’éloigner de la rousse.

Patrie du 2 mars 1852.

Se dégommer

Larchey, 1865 : S’entre-tuer.

Napoléon, c’vieux grognard, D’ces jeux où l’on se dégomme En queuqu’s mots résumait l’art.

Festeau.

Se donner une culotte, se culotter

Larchey, 1865 : Faire excès de boire ou de manger. — Donné déjà par le Dict. de Leroux, 1718. — Synonyme d’un terme fréquemment employé : S’en donner plein la ceinture.

Nous pouvons donc enfin nous culotter avec du vin du tyran.

Chenu.

Un ivrogne ferait bien mieux de s’acheter un pantalon que de se donner une culotte.

Commerson.

Culotte se prend au figuré pour tout autre excès

nous nous sommes donné une fameuse culotte monarchique et religieuse.

balzac.

Se faire des plumes

Rossignol, 1901 : Se tracasser, s’ennuyer, se faire du mauvais sang.

Se faire taper dans les pattes

Rossignol, 1901 : Il n’y a que les chattes qui se font taper dans les pattes.

Se fendre jusqu’à s’écorcher

Larchey, 1865 : Pousser la prodigalité jusqu’au regret.

Cadet, tu te fends ; ça me flatte. Tu vas t’écorcher.

Cabassol.

Se fiche de sa fiole

Rossignol, 1901 : Se moquer de quelqu’un est se fiche de sa fiole, sa figure.

Se fouiller

Rossignol, 1901 : « Je compte sur de l’argent qui m’est du, mais je crois que je peux me fouiller. Je ne l’aurai pas. »

Se gaver

Clémens, 1840 : Se griser.

Se l’appuyer

Rossignol, 1901 : « J’ai faim, v’là un bon ragoût je vais me l’appuyer. » — « Ma voisine est une belle fille, je voudrais bien me l’appuyer. »

Se la briser

Rossignol, 1901 : S’en aller.

Il est tard, je me la brise.

Se la couler douce

Rossignol, 1901 : Travailler le moins possible ou ne faire que peu de chose est se la couler douce.

Se la donner

Larchey, 1865 : S’enfuir.

Se la fouler

Rossignol, 1901 : Se dépêcher.

Si le patron s’imagine que je vais me la fouler pour terminer ce travail, il peut se tâter.

Se les caler

Rossignol, 1901 : Manger.

Il est midi, c’est l’heure de se caler les joues.

Se machaber

Rossignol, 1901 : Se noyer, se tuer.

Se mettre à table

Virmaître, 1894 : Dénoncer, manger sur le dos d’un complice (Argot des voleurs). V. Mouton.

Rossignol, 1901 : Avouer, dénoncer.

Se mettre dans le toupet

Larchey, 1865 : S’entêter à croire.

Et mosieu se fichera dans le toupet que tout sera dit.

Gavarni.

Se mettre la corde au cou

Virmaître, 1894 : Se marier. Le peuple se souvient de la vieille chanson :

Pan, pan, mariez-vous,
Mettez-vous dans la misère ;
Pan, pan, mariez-vous,
Mettez-vous la corde au cou. (Argot du peuple).

Se mettre le doigt dans l’œil

Rossignol, 1901 : Se tromper.

Se monter le cou

Rossignol, 1901 : Se croire plus que l’on est. — « Je croyais qu’il m’aurait offert 200 fr. d’appointements par mois, je me suis monté le cou. » On dit aussi se monter le job.

Se monter le coup

Larchey, 1865 : S’illusionner.

Se non é vero é bene trovato

France, 1907 : « Si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé. » Dicton italien.

Se passer par le coco

Larchey, 1865 : Manger. — Comparaison de l’estomac humain à celui du cheval et du perroquet. Les refrains connus de la Botte à Coco et de As-tu déjeuné, Coco, ont pu en donner l’idée à l’armée comme à la bourgeoisie.

Se patiner

Rossignol, 1901 : Aller vite.

Je suis pressé, je vais me patiner.

Se payer un coup de veuve

Virmaître, 1894 : S’offrir une satisfaction personnelle solitairement. La veuve, c’est madame Poignet. Quand un assassin lingre un pante, il s’offre un coup de veuve, seulement c’est Charlot qui opère à sa place, et la satisfaction n’est pas synonyme de jouissance (Argot du peuple). N.

Se peigner

Larchey, 1865 : Se battre.

Puis nous nous peignons… On s’poche les yeux.

Le Gamin de Paris, chanson.

Se piquer le nez

Rossignol, 1901 : S’enivrer.

Se poisser

Larchey, 1865 : S’enivrer, boire trop de poissons.

Je ne voulais pas boire… mais quand j’ai vu qu’il allait se poisser, je l’ai aidé à vider les bouteilles : c’était pour le sauver.

La Correctionnelle.

Se ramasser

Larchey, 1865 : Se relever après une chute.

Se rougir, se piquer le nez

Larchey, 1865 : S’enivrer. — Un nez piqué rougit, et on sait qu’un nez rouge pronostique souvent l’ivresse.

Elle prend sa volée Pour se rougir le nez. De la Californie elle revient pompette.

Chansons, Guéret, 1851.

Qui ne s’est pas piqué le nez une pauvre fois dans sa vie ?

Grévin.

Se sucer la pomme ou la poire

Rossignol, 1901 : S’embrasser.

Se torcher le cul

Larchey, 1865 : Faire peu de cas.

Se trotter

Rossignol, 1901 : Se dépêcher, s’en aller. — « Je suis en retard, je vais me trotter. » — « Que fais-tu la ? veux-tu te trotter. »

Seau

d’Hautel, 1808 : Vaisseau propre à mettre de l’eau. Le peuple dit habituellement un siau, des siaux.

Seau (coup dans le)

La Rue, 1894 : Coup manqué.

Seau (être dans le)

Rigaud, 1881 : Être sorti pour cause de nécessités urgentes, — dans l’argot des soldats.

Sébasto

Rossignol, 1901 : Synonyme de balloches ; c’est un diminutif de Sébastopol, et lorsque l’on dit boulevard Sébasto, c’est pour faire un jeu de mots en faisant allusion aux bastos à lui.

Sec

d’Hautel, 1808 : Sec comme un pendu. Se dit d’un homme très maigre.
Être à sec. Manquer d’argent.
Mettre quelqu’un à sec. Lui gagner tout son argent, le ruiner.
Boire sec. Pour dire, boire beaucoup, et sans se griser.

Delvau, 1866 : s. m. Élève qui a passé des examens de fin d’année déplorables. Argot des Polytechniciens. On dit aussi, mais moins : Fruit sec.

France, 1907 : Abréviation de fruit sec ; argot des polytechniciens. De sec on a fait le verbe sécher, ne pas savoir répondre à une question posée par un examinateur.

Quelques élèves travaillent leurs examens de fin d’année juste assez pour ne pas se faire sécher.

(Albert Lévy et G. Pinet)

Sec (en cinq)

Rigaud, 1881 : En cinq points, sans revanche ; terme des joueurs d’écarté.

Sec (être à)

Rigaud, 1881 : Être sans le sou. Avoir la poche dans un état pareil au lit du Mançanarez.

France, 1907 : Être sans le sou.

Sec (faire)

Rigaud, 1881 : Manquer de rafraîchissements, — dans le jargon du régiment. — Quand on a soif, il fait sec.

Il commence à faire sec ici, et on m’attend pour l’heure du bitter.

(Le Triboulet, du 9 mai 1880.)

Sec-au-dos

France, 1907 : Maigre, osseux.

Ce grand dur à cuire, au cuir tanné, ce long sec-au-dos, tel qu’un pantin en bois des îles, avec son corps sans fin et noué d’articulations.

(Jean Richepin)

Séché

Virmaître, 1894 : Au lendemain d’une forte soulographie, l’ivrogne est séché (Argot du peuple).

Sèche

d’Hautel, 1808 : Des sèches. Mot baroque et fort borné. Pour dire, des coquilles de noix, ou de tout autre fruit à amande, tels que les mendians, etc. ; rien du tout.
Il vit de sèches. Se dit par raillerie d’un homme qui n’a ni état, ni revenu et qu’on ne voit jamais manger ; pour faire entendre que l’on ne sait pas de quoi il peut exister.
Il mangera des sèches. Pour dire des coquilles de noix ; rien du tout ; il se passera de manger. Se dit d’une personne absente à qui l’on n’a rien gardé à table.

Rigaud, 1881 : Cigarette.

Merlin, 1888 : Voyez Sibiche.

La Rue, 1894 : Cigarette. La mort. Piquer une sèche, ne savoir que répondre, faire une bévue, avoir une mauvaise note.

France, 1907 : Cigarette. Griller une sèche ; argot populaire.

anon., 1907 : Cigarette.

Séché (être)

Delvau, 1866 : N’être plus gris, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Subir une punition, — dans l’argot de Saint-Cyr.

Si, de leur temps, on avait marché de cette façon, l’École eût été séchée de sortie pour trois mois.

(Figaro, du 4 août 1880.)

Rigaud, 1881 : Avoir échoué dans un examen définitif, en terme d’École.

Rigaud, 1881 : Avoir cuvé son vin.

La Rue, 1894 : Échouer dans un examen. Être dégrisé. Subir une punition.

Sèche (la)

Rigaud, 1881 : La mort, — dans le jargon des voleurs. — Être sec, être mort.

France, 1907 : La mort.

Sèche (piquer une)

France, 1907 : Rester court, ne savoir que répondre ; argot des écoles.

Sèche (qui repose)

France, 1907 : Ce vieux dicton auquel ou ajoute qui va lèche signifie qu’il faut s’occuper soi-même de ses propres affaires et ne pas en charger autrui, car compter sur les camarades c’est s’exposer à sécher, c’est-à-dire à crever de faim.

Séchée

France, 1907 : Punition, arrêts ; argot des écoles militaires.

Sécher

Delvau, 1866 : v. n. Être fruit sec, — dans l’argot des Polytechniciens.

Rigaud, 1881 : Ennuyer.

Voilà deux heures que vous séchez les ouvriers chez eux.

(L’art de se conduire dans la société des pauvres bougres.)

On dit encore plus familièrement : Tu me sèches ta tata.

Fustier, 1889 : Boire.

Sa plus grande privation était de ne plus pouvoir sécher une douzaine de bocks chaque soir.

(Figaro, 1882.)

La Rue, 1894 : Boire. Être en prison. Sécher l’école, ne pas y aller. Sécher un devoir, ne pas le faire.

France, 1907 : Ne pas réussir dans ses examens : sortir fruit sec ; argot des écoles militaires.

Par extension, sécher signifie aussi priver de quelque chose. Ainsi les conscrits, durant la première semaine, sont chaque année séchés de poulet par les anciens.

(L’Argot de l’X)

France, 1907 : Manquer à. Sécher de lycée, faire l’école buissonnière. Sécher le bureau, y manquer.

— N’empêche qu’elle est dans la désolation. Elle est allée chez le commissaire ; elle est allée à la Morgue ; elle est allée dans les journaux. Y en a qui se fichent d’elle au lieu de la plaindre, et qui lui demandent si c’est Dieu possible de se tourner les sangs de cette façon, parce qu’un gaillard de vingt et un ans a séché son atelier et a oublié de rentrer coucher chez maman…

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

France, 1907 : Boire. Sécher un verre, le vider, le rendre sec.

Il séchait des bocks à faire croire que son gosier était capable d’absorber le canal Saint-Martin.

(Mémoires de M. Claude)

Sécher le lycée

Rigaud, 1881 : Aller flâner au lieu de se rendre au lycée. Il y a vingt ans c’était : tailler le collège, et au XVIIIe siècle, on disait : friper ses classes.

Sécher un devoir

Rigaud, 1881 : Se dispenser de faire un devoir.

Sécher un litre

Rigaud, 1881 : Boire un litre jusqu’à l’ultime goutte. — « La comtesse revient à son bureau, allume une bouffarde, sèche un litre. » (Idem.) On dit dans le même sens : Sécher une absinthe, un vermouth, etc., etc.

Séchoir

Rigaud, 1881 : Cimetière. L’humanité y sèche et s’y dessèche.

Rossignol, 1901 : Cimetière.

France, 1907 : Cimetière.

Seco

Rigaud, 1881 : Sec, maigre.

Sécot

Larchey, 1865 : Maigre.

L’une est grasse, L’autre est secot.

Pecquet, Chansons.

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme maigre et sec, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Individu maigre et sec.

Secoué (être)

anon., 1907 : Ivre, arrêter.

Secouer

d’Hautel, 1808 : Secouer un malade. Le traiter avec des remèdes violens, qui, la plupart, produisent des effets contraires au bien qu’on vouloit opérer.

Delvau, 1866 : v. a. Gronder quelqu’un, et même le battre, — dans le même argot [du peuple]. On dit aussi Secouer les puces.

La Rue, 1894 : Mettre en arrestation.

France, 1907 : Fouiller ; argot des malfaiteurs.

L’homme s’arrêta an moment d’aller forcer le tiroir.
— Faut d’abord secouer le pantre, songea-t-il… J’ai entendu qu’il parlait de dix mille balles… où a-t-il carré ses dessins bleus ? Ah ! sons lui, sans doute !…
Il se pencha vers le cadavre, déboutonna le gilet à manches et fouilla.

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Secouer l’artiche

France, 1907 : Voler une bourse.

Secouer l’haricot

anon., 1907 : Battre quelqu’un.

Secouer la cartouche, le chinois, la boulette (se)

Delvau, 1864 : Se branler la pine.

Sans mot dire il se fait secouer la houlette.

Louis Protat.

Secouer la commode

Delvau, 1866 : v. a. Jouer de l’orgue de Barbarie, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Jouer de l’orgue de Barbarie.

Secouer la perpendiculaire

France, 1907 : Voler une chaîne de montre.

Secouer le petit homme

Fustier, 1889 : Polluer.

France, 1907 : Se masturber.

— Il parait bien chétif, votre gosse, Est-ce qu’il est malade ?
— Malade ? Vaudrait mieux qu’il le soit.
— Qu’est-ce qu’il a donc ?
— Il a… qu’il passe son temps à secouer le petit homme.

Secouer les bretelles

France, 1907 : Donner une forte poussée.

Secouer les puces

Virmaître, 1894 : Stimuler un endormi, le secouer du péché de paresse (Argot du peuple).

France, 1907 : Battre, réprimander.

On bouffait du pain noir et pas à pleines ventrées, et dans la bicoque en torchis, pêle-mêle avec les bêtes, il ventait et il gelait pire que dehors. En guenilles, nu-pattes commune des cabots, la ribambelle des loupiots bramaient le froid et la faim. Devant le curé s’appuyant de bons morceaux tout en prêchant le jeûne, devant le richard insolent on se faisait petits. Mais nom de Dieu, à l’occasion, on savait bien leur secouer les puces.

(Le Père Peinard)

Secouer ses puces

Fustier, 1889 : Danser.

Elle s’était trémoussée dans un ballet de la Porte-Saint-Martin ; maintenant, elle secouait ses puces, comme elle disait élégamment, dans tous les bastringues voisins.

(Gaulois, 1881.)

Secouer son panier à crottes

Virmaître, 1894 : Se dit dans le peuple d’une danseuse déhanchée qui fait le contraire de la danse du ventre, et remue les fesses agréablement (Argot du peuple).

France, 1907 : Remuer le derrière en marchant.

Secouer un chandelier

France, 1907 : Voler la nuit avec violence.

Secouer une femme

Delvau, 1864 : La baiser gaillardement, l’ébranler dans tous les sens en la branlant du bout de la queue.

Je te secouerai bien un peu entre l’huis et la muraille.

P. De Larivey.

Vénus, ribaude paillarde,
D’une façon plus gaillarde
Sait bien remuer le cu
Quand le dieu Mars la secoue.

Theophile.

Mon cher Adam, mon vieux et triste père,
Je crois te voir en un recoin d’Eden
Grossièrement former le genre humain,
En secouant madame Eve, ma mère.

Grécourt.

Secours contre la soif

Rigaud, 1881 : Débit de vin. Quelques marchands de vin, dans les quartiers excentriques, ont conservé cette enseigne alléchante pour les ivrognes. D’autres industriels en boisson affichent : Assurance contre la soif. À l’entrée de la rue de Puebla, il existe côte à côte un Secours et une Assurance contre la soif.

Secousse

Virmaître, 1894 : Dans le peuple, on dit d’une jolie fille pour indiquer qu’on coucherait volontiers avec elle : elle vaut la secousse. C’est suffisamment clair (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Travail, effort. Donner une secousse, donner un coup de collier. N’en pas foutre une secousse, ne rien faire, fainéanter. Le faire à la secousse, faire une chose d’un coup, vite et mal. Contre-coup de la secousse, contremaître ; les ouvriers disent aussi : contre-vache. Voir contre-coup.

Secousse (donner une)

Rigaud, 1881 : Se mettre pour une heure ou deux au travail avec ardeur, — dans le jargon des ouvriers. — Réparer le temps perdu en travaillant assidûment pendant quelques heures.

Secousse (la faire à la)

Rigaud, 1881 : Faire une chose vite et mal, argot du peuple.

Secousse (n’en pas f… une)

Fustier, 1889 : Argot militaire. Paresser, ne rien faire. On dit plus communément : N’en pas f… un coup.

Secousse (prendre sa)

Rigaud, 1881 : Mourir, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Mourir.

Secousse (valoir la)

France, 1907 : Se dit d’une femme ou d’une fille dont les charmes valent qu’on passe avec elle un agréable moment.

Secret

d’Hautel, 1808 : Il est secret comme un coup de canon. Pour dire, léger, inconsidéré, précipité ; il manque de discrétion.

Secret de Polichinelle

Delvau, 1866 : s. m. Secret connu de tout le monde, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Chose connues de tout le monde et dont on fait ridiculement un mystère. La manière de faire les enfants est pour les fillettes de douze ans le secret de Polichinelle. On sait que Polichinel ou Polichinelle est un personnage du théâtre italien, appelé Pulcinello, cynique, voleur, menteur et même assassin puisqu’il tue sa femme à coups de bâton. Il est de plus très bavard et, comme nombre de femmes, raconte à tous ses secrets, même ceux qui peuvent le faire pendre. Les Anglais disent dans le même sens : « Le secret de Tom Noddy » (Tom Noddy’s secret). Les Espagnols : « El secreto de Anchuelos. » Anchuellos est une petite ville sise entre la gorge de deux collines, d’où l’on peut faire entendre sa voix de l’une à l’autre. Un berger et une bergère, suivant la légende, ce déclaraient leur amour à travers l’espace, se recommandant mutuellement le secret.

Secrète

France, 1907 : Lettre. Elle ne l’est guère pour le cabinet noir.

Secretmuche

France, 1907 : Secrétaire.

Secs

France, 1907 : Légumes secs. Expression des habitués de prisons.

Le matin, on avait remis à chacun d’eux une écuelle avec laquelle ils avaient été à la distribution des vivres ; ils avaient reçu leur portion de secs, comme l’on dit dans les prisons, c’est-à-dire de légumes délayés dans de l’eau.

(Maxime Ducamp)

Secsa

France, 1907 : À titre de curiosité nous donnons cette appellation que les incroyables avaient constamment à la bouche et qu’ils zézéyaient à propos de tout et à propos de rien, en clignant de l’œil derrière leurs vastes lunettes. « C’était, dit Louis Combes, dans ses Curiosités révolutionnaires, tout simplement l’interrogation : Qu’est-ce que c’est que ça ? que les lois du suprême bon ton obligeaient à gazouiller : Secsa ? »

Secundum

d’Hautel, 1808 : Elle n’est pas trop secundum. Manière de parler qui signifie qu’une personne a peu de capacité, peu de crédit ; qu’elle n’est pas d’une bonne santé ; qu’une chose quelconque est de mauvais acabit ou n’est pas en bon état ; que sa valeur est fort douteuse.

France, 1907 : Mot latin signifiant suivant, selon, et employé adjectivement dans les provinces du Centre pour indiquer le manque de véracité. C’est ainsi que l’on dit en parlant des différents Évangiles, secundum Joannem, selon Jean, secundum Lucam, selon Luc ; l’on dit par contre d’un menteur : il n’est pas secundum, ce qui signifie que ses propos ne sont pas paroles d’Évangile.

Secundum scripturas

France, 1907 : Selon les écritures ; latinisme.

Sédentaire

France, 1907 : Le derrière.

— Allons, sans cérémonie, colle ton sédentaire sur cette chaise et accepte un verre ou plusieurs de n’importe quoi. Dis ton goût au garçon, y a du bleu, du blanc, du rouge.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Sedet æternumque sedebit

France, 1907 : Il siège et siégera éternellement. Locution tirée de Virgile et qu’on applique généralement aux bureaucrates.

Segonder

France, 1907 : Passer le second, suivre le premier. « Mon homme est parti ce malin à la ville, je l’ai segondé dans l’après-midi. » Expression du Centre.

Séidisme

France, 1907 : Attachement exagéré pour une personne.

J’ai un conseil à te donner, c’est de te défier de ton enthousiasme pour les hommes qui parviennent vite et surtout pour Bonaparte. Tel que je te connais, tu serais un séide, et il faut se garantir du séidisme quand on est Français, c’est-à-dire très susceptible d’être atteint de ce mal contagieux. C’est une chose merveilleuse que la quantité de petits et de grands tyrans qu’il a produits.

(Alfred de Vigny, Grandeur et servitude militaires)

Seignant (le)

M.D., 1844 : Le cœur.

Seigneur

d’Hautel, 1808 : À tous seigneurs tous honneurs.

Seigneur (amour de), ombre de buisson

France, 1907 : Vieux dicton indiquant que la faveur des grands est de peu de durée.

Seigneur à musique

Halbert, 1849 : Assassin nocturne.

Virmaître, 1894 : Assassin (Argot des voleurs).

France, 1907 : Assassin ; argot des malfaiteurs qui jouent sur le mot saigneur et les cris de la victime qu’ils appellent musique.

Seigneur de parchemin

France, 1907 : Sobriquet méprisant par lequel la noblesse militaire désigne la noblesse de robe.

Nous trouvâmes ce seigneur de parchemin qui se promenait dans la salle.

(P.-J. Leroux, Dictionnaire comique)

Seigneur et maître

Delvau, 1866 : s. m. Mari, — dans l’argot des bourgeois : protecteur, — dans l’argot de Breda-Street.

Seigneurs (jeunes)

Larchey, 1865 : « Aujourd’hui, 1er mars 1840, c’est le titre de bon goût qui a remplacé ceux de petit-maître, beaux fils, muscadins, etc. qui se sont succédé rapidement dans les fastes de la belle jeunesse française. »

E. Foa.

Seing

d’Hautel, 1808 : Signature. Le peuple prononce signe, ce qui est absolument l’anagramme de ce mot.

Seize-mayeux

Rigaud, 1881 : Sobriquet donné aux fonctionnaires nommés après le 16 mai, aux partisans de la politique réactionnaire du 16 mai 1877, qui amena un mois après la dissolution de la Chambre.

On s’étonne parfois de l’aplomb de ces Seize-Mayeux.

(Réveil, du 16 décembre 1877.)

Et les journaux Seize-Mayeux les en glorifient.

(Rappel, du 19 décembre 1877.)

France, 1907 : Sobriquet donné aux politiciens soutiens du ministère du seize mai 1877.

Sel

d’Hautel, 1808 : Il est d’un bon sel. Expression ironique qui équivaut à, il est d’une bonne pâte, d’un bon foie ; il se moque pas mal du monde.

Select

La Rue, 1894 : Choisi. Le monde select, le grand monde.

Select, selected

France, 1907 : Choisi, traduction exacte du mot anglais. Le monde select, le monde de choix, les gens distingués. Cet anglicisme est une absurdité, puisque nous avons plusieurs équivalents en français.

C’est une provinciale taillée dans une citrouille, avec une face de lune pocharde, des yeux de porte-veine et la bouche en tirelire qu’il faut rendre select. Elle veut être jolie et s’étonne que tel chapeau ravissant sur la frimousse de la vendeuse, encadre mal ses joues indécentes.

(Jacqueline, Gil Blas)

Au sujet de select, on lit dans le Petit Parisien, sous la signature de Pontarmé :

C’est le chic qui conspire ici contre la langue française. On n’appartient au monde select, on n’est du bel air qu’à la condition de savoir substituer les termes exotiques adoptés par la mode aux locutions françaises qu’elle condamne. Et il y a longtemps que cette manie des emprunts faits à l’idiome de John Bull sévit en France. C’est elle qui nous a fait appeler beef-steak une tranche quelconque de bœuf grillé et rumsteak une tranche de filet. Si nous tenons la fourchette de la main gauche quand nous mangeons de la viande, et de la main droite en mangeant du poisson, c’est une règle de l’étiquette britannique que nous avons adoptée. Et pour ne pas l’avoir observée, maints Français d’autrefois ont passé, à Londres, pour des gens dénués de savoir-vivre et n’ont pas reçu une seconde invitation à diner.
Avec quel dédain les fils d’Albion ne nous décochent-ils pas le qualificatif de frogs eaters (mangeurs de grenouilles) ! Car ils ont en abomination les batraciens que l’on vend en chapelets sur nos marchés. Aussi, jamais un anglomane ne s’aviserait-il de faire paraitre sur sa table vouée aux viandes saignantes ce mets que les Anglais ont proscrit comme les musulmans proscrivent le porc.

L’augmentatif est very selected, littéralement très choisi.

Presque Parisien, par ses goûts, ses penchants artistiques, par son air very selected et par ses longs séjours dons la capitale, où il va tous les ans en amateur, en homme du monde et en artiste, épris du beau sous tous ses aspects.

(Revue Internationale)

Self-government

France, 1907 : Gouvernement du pays par les représentants, les élus du pays. Anglicisme.

Self-respect

France, 1907 : Respect de soi. Anglicisme.

Taine, dans ses Notes sur l’Angleterre, a magistralement peint la jeune Anglaise, robuste de corps et d’esprit, indépendante, admirablement préparée pour la lutte vitale par les différents sports, la lecture de la Bible, une culture intellectuelle très développée, un sentiment inné du self-respect et de la responsabilité morale.

(André Theuriet)

Selle

d’Hautel, 1808 : Demeurer entre deux selles le cul par terre. Voir évanouir toutes ses espérances ; de deux choses que l’on attendoit, n’en obtenir aucune.
Une selle à tous chevaux. Maxime, lieu commun, discours rebattu ; remède que l’on applique à toutes sortes de maux, et qui communément n’en guérit aucun.

France, 1907 : Petit tabouret ; vieux français de sella, siège ; d’où l’expression aller à la selle, aller s’asseoir sur le petit tabouret, la chaise percée. Dans le Midi, on dit encore selle pour siège.

Selle à tous chevaux

France, 1907 : Lieu commun qu’on fait entrer dans toutes sortes de discours ; compliment banal ; remède à tous les maux.

Sellette

d’Hautel, 1808 : Tenir quelqu’un sur ta sellette. L’intriguer, le tourmenter ; lui tirer les vers du nez.

Sellette à criminel

France, 1907 : Prostituée associée de malfaiteurs. Cette expression est tombée en désuétude.

Je veux te procurer un habit de vestale
Pour une année au moins au Temple de la Gale,
Sellette à criminels, matelas ambulant !

(Amusements à la grecque)

Semaine

Fustier, 1889 : Expression empruntée au service des caporaux et des sous-officiers. Ex. ; C’est à moi que tu contes cela ? je ne suis pas de semaine. — Moyen expéditif de faire rompre un fâcheux. (Ginisty : Manuel du parfait réserviste.)

Semaine (n’être pas de)

Merlin, 1888 : Ne pas avoir à se mêler d’une affaire. — Chaque caporal ou sous-officier doit assurer le service pendant une semaine, cela à tour de rôle ; en temps ordinaire, il est libre et n’est soumis qu’aux obligations générales du service.

Semaine des quatre jeudis

Delvau, 1866 : s. f. Semaine fantastique, dans laquelle les mauvais débiteurs promettent de payer leurs dettes, les femmes coquettes d’être fidèles, les gens avares d’être généreux, etc. C’est la Venue des Coquecigrues de Rabelais. On dit aussi : La semaine des quatre jeudis, trois jours après jamais.

France, 1907 : Jamais.

Semaines

Delvau, 1866 : s. f. pl. Sous de poche distribués le samedi et le dimanche. — dans l’argot des collégiens.

Semainier

France, 1907 : Artiste du Théâtre-Français chargé de l’office de régisseur pendant une semaine.

Semelle

Hayard, 1907 : Bifteck.

Semelle (chevaux à double)

France, 1907 : Jambes.

Semence

Delvau, 1864 : Liqueur de la génération ; le foutre de l’homme et de la femme.

Au jeûne où votre con se trouve,
Vouloir faire une fine épreuve
Si je mit bélier ou mouton.
Vous eussiez eu de la semence.
D’un vit dont la grandeur immense,
N’eut jamais de comparaison.

F. De Maynard.

Dix-huit jours après qu’elles avaient reçu la semence.

Ch. Sorel.

Semer

France, 1907 : Jeter à terre, renverser. Semer la camelotte, jeter en fuyant ce qu’on a volé. Semer des miettes, vomir. Semer quelqu’un, s’en débarrasser, le lâcher.

Semer quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. S’en débarrasser, — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi : Le renverser, le jeter à terre d’un coup de poing ou d’un coup de pied.

Rigaud, 1881 : Se débarrasser d’un importun. — Terrasser un adversaire.

La Rue, 1894 : Se débarrasser d’un importun. Terrasser un adversaire.

Séminaire

Rigaud, 1881 : Bagne, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Cage où l’on met les poulets à l’engrais ; ils y sont séparés des autres, privés des plaisirs de la basse-cour.

France, 1907 : Bagne ; Argot des malfaiteurs qui font allusion à l’absence de femmes.

Semonce

d’Hautel, 1808 : Invitation, sermon, remontrance, gourmade.

Semoncer

d’Hautel, 1808 : Gronder, réprimander, gourmander quelqu’un.

Semper

Rigaud, 1881 : Tabac à fumer. C’est une déformation abréviative de superfinas, superfin, nom sous lequel les soldats désignent le caporal ordinaire ; ils ne manquent jamais de dire du semperfinas et, par abréviation, semper. Le mot est aussi courant parmi les ouvriers que parmi les soldats.

France, 1907 : Tabac à fumer ; argot des voleurs.

Semper ad eventum festinare

France, 1907 : « Se hâter vers le dénouement. » Précepte tiré d’Horace et qui condamnait les feuilletonnistes à la famine s’ils voulaient le suivre,

Semper, semperlot

La Rue, 1894 : Tabac.

Semperlot

Fustier, 1889 : Tabac.

Eh ! Rocambole, par ici ! Un cornet de semperlot.

(Humbert : Mon bagne.)

Sempiternelle

d’Hautel, 1808 : Qui dure toujours.
Une vieille sempiternelle. Épithète injurieuse et de mépris, qui signifie une très-vieille femme, une radoteuse perpétuelle.

Sempiterneux

France, 1907 : Qui dure toujours ; du latin sermpiternus, même sens. Vieux français dont on a fait sempiternel.

Sur la même ligne, trois vieilles, ridées, ravagées, édentées, la lèvre bavarde pendante en bénitier, de celles enfin que Rabelais nomme des sempiterneuses.

(Robert Dumeray)

Senaqui

France, 1907 : Pièce d’or ; déformation de sequin ; argot des voleurs.

Sénat

Rigaud, 1881 : Débit de vin fréquenté par des ouvriers d’un même corps d’état.

Depuis longtemps, les travailleurs appellent les marchands de vin où ils se réunissent par spécialité, des sénats.

(Le Sublime.)

Il ne faut pas confondre le sénat avec les assommoirs. Il y a peu de sénats, tandis qu’il y a plus de deux cents assommoirs. Le sénat est spécial à une seule partie. Le sénat est un diminutif de la mère des compagnons. Les ouvriers du fer ayant abandonné le compagnonnage formèrent des sénats.

(Idem).

France, 1907 : Établissement de marchand de vin.

Depuis longtemps les travailleurs appellent sénats les boutiques de marchands de vin où ils se réunissent par spécialité.

(Denis Poulot, Le Sublime)

C’est aussi dans les cafés et cabarets une salle retirée où se rassemblent certains habitués.

Sénateur

Rigaud, 1881 : Tout individu vêtu d’un paletot ou d’une redingote, — dans le jargon des voyous.

Rigaud, 1881 : Taureau, — dans le jargon des bouchers qui disent également « pacha ».

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui fréquente les sénats.

Dans le temps, les tourneurs de roues étaient nommés sénateurs ; le mot s’est généralisé depuis.

(Idem).

Fustier, 1889 : On appelle ainsi les malheureux qui, dans les garnis du dernier degré, ont des planches particulières au lieu de coucher à la corde. Ce sont les richards de l’hôtel. La planche coûte un sou par jour. (Voltaire, 1882.)

France, 1907 : Bourgeois, bien habillé ; argot faubourien.

Sénateurs

Rossignol, 1901 : Vieux commissionnaires non médaillés des marchés aux fleurs.

Sens

d’Hautel, 1808 : On a fait les cinq sens de nature. Pour dire, on a fait tous les efforts, on a employé tous les remèdes, les moyens imaginables.
Mettre son bonnet sens devant dimanche. Pour dire à l’envers, ou d’un côté opposé à celui qui lui est propre.

Sens dessus dessous (être)

Delvau, 1864 : Beau désordre, agréable a la vue chez une belle femme. Quand elle est renversée et bouleversée à grands coups de pine, les chevaux épars, le cul et les tétons en l’air, ses bras vaincus, jetés comme de vaines armes, on m’a plus qu’à recommencer à faire le dessus, à moins, qu’on ne préfère le dessous, — pour changer.

Gai, gai, l’on est chez nous
Toujours en fête
Cul par dessus tête
Et sens dessus dessous !

Béranger.

Sens devant dimanche

Delvau, 1866 : adv. De travers, sens dessus dessous, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Sens dessus dessous ; expression populaire.

Sensiblard

France, 1907 : Personne affligée d’une sensibilité exagérée et généralement portée à s’apitoyer a tort.

Alors, des sensiblards ont mis quelques lignes sur une feuille de papier et s’en vont demander, de porte en porte, à tous ceux que leur renom de bonté indique ; que leur opinion, quant à la peine capitale, désigne ; que leur passé engage, la signature qui, hors la politique, fait appel à la compassion.

(Séverine, Le Journal)

Sent mauvais (ça)

Rigaud, 1881 : Ça va mal finir ; ça prend une mauvaise tournure.

Sentiment

d’Hautel, 1808 : Un pousseur de beaux sentimens. Un damoiseau, un Céladon, un fat qui fait le tendre, le sensible, le passionné auprès des femmes.
Il a bon nez, il sent de loin. Se dit d’un homme subtil et adroit qui devine sur la moindre apparence.
Il sent le sapin. Pour dire il a mauvaise mine ; il s’en va en langueurs.
Sentir le relent. Exhaler une mauvaise odeur.
Ça sent le fagot. Pour dire, c’est difficile à croire ; c’est une gasconade, un conte.

Sentimentage

Delvau, 1864 : Amour plus platonique que physique, qui exclut l’infidélité et le plaisir au profit de je ne sais quel idéal ridicule — bon pour les romans et pour les pensionnats de demoiselles.

Mais s’il allait souhaiter quelque préférence exclusive, se croire offensé de mes inévitables infidélités, perdre de vue que je suis Aphrodite, et vouloir m’assujettir à son sentimentage ?

A. de Nerciat.

Sentinelle

Larchey, 1865 : Excrément isolé aux abords d’un édifice. V. Factionnaire.

Delvau, 1866 : s. f. Résultat de la digestion. Stercus. Poser une sentinelle. Alvum deponere.

Rossignol, 1901 : Voir colombin.

Hayard, 1907 : Étron.

France, 1907 : Verre de vin, d’absinthe ou d’eau-de-vie qu’un camarade a fait verser et paye pour un absent et qui attend celui-ci sur le comptoir. Dès qu’il pourra s’esquiver de l’atelier, il viendra relever la sentinelle.

France, 1907 : Étron dépose le long d’un mur ou au bord d’un chemin.

Il est un vieux dicton, que je réprouve,
Qui dit qu’au pied du mur on voit le maçon,
C’est pas le maçon bien souvent qu’on y trouve,
Mais plus souvent des sentinelles… en faction.

Sentinelle (poser une)

Merlin, 1888 : Cacare.

Sentinelle, factionnaire

La Rue, 1894 : Excrément au pied d’un mur.

Sentinelle, sentinelle perdue

Rigaud, 1881 : Excrément humain, vagabond sans papiers égaré sur la voie publique, dans une allée de maison.

Sentinelles

Boutmy, 1883 : s. f. pl. Lettres qui tombent d’une forme quand on la lève et qui se tiennent debout sur le marbre. Dans un autre sens, on appelle sentinelle le verre de vin que viendra boire un peu plus tard un compagnon qui ne peut actuellement sortir. Aussitôt que cela sera possible, celui-ci relèvera la sentinelle posée et payée par son camarade.

Virmaître, 1894 : Étrons déposés le long des murs par des passants pressés (Argot du peuple).

France, 1907 : Lettres qui tombent d’une forme et se tiennent debout sur le marbre.

Sentir

Larchey, 1865 : Aimer (Vidocq). — Ne pas sentir : Détester. — On dit de même : Avoir dans le nez (quelqu’un qu’on ne peut sentir).

Delvau, 1866 : v. a. Aimer, — dans l’argot du peuple, qui emploie surtout ce verbe avec la négative. Ne pas pouvoir sentir quelqu’un. Avoir répugnance à le rencontrer, à lui parler, le haïr enfin. On dit aussi Avoir dans le nez.

Rigaud, 1881 : Aimer. — Ne pas pouvoir sentir, détester. — Se sentir les coudes, être unis, se soutenir entre camarades.

Quand ils seront groupés, lorsqu’ils se sentiront les coudes, ce sera bien plus amusant.

(Figaro, du 14 juillet 1880.)

Sentir (le)

Delvau, 1864 : Sentir le membre de l’homme entrer profondément dans le vagin de la femme et y remuer.

— J’y suis.
Le sens-tu, Philis ?
— Oui, Lycas, poursuis ;
Tu te raidis
Contre l’obstacle.

Collé.

Sentir (ne plus se)

Rigaud, 1881 : N’éprouver plus aucune sensation auprès du beau sexe, être passé à l’état de glaçon.

Sentir le coude à gauche

Delvau, 1866 : v. n. Avoir confiance en soi et dans l’amitié de ses camarades ; se sentir appuyé, soutenu, encouragé, etc.

France, 1907 : Se sentir certain de l’appui de camarades.

Sentir le lapin

Delvau, 1866 : Suer abondamment et désagréablement des aisselles.

Rigaud, 1881 : Sentir mauvais des aisselles.

Virmaître, 1894 : Après avoir dansé toute une nuit, une femme sue des aisselles et d’ailleurs ; elle sent le lapin. On sait que lorsqu’on ouvre le ventre de cet animal, une odeur chaude et nauséabonde vous prend au nez et à la gorge (Argot du peuple).

France, 1907 : Avoir les aisselles odorantes. On dit aussi sentir le bouquin.

Sentir le roussi

Virmaître, 1894 : Synonyme de sentir mauvais (Argot du peuple). N.

Sentir le sapin

Rossignol, 1901 : Être près de la mort : allusion au cercueil en bois de sapin.

Sentir le violon

Larchey, 1865 : Devenir misérable (Vidocq). — On met au violon les vagabonds.

Sentir les coudes (se)

France, 1907 : S’appuyer mutuellement, se soutenir comme les hommes d’un peloton qui se touchent les coudes pour se maintenir dans l’alignement. Dans la cavalerie, on sent la botte.

Sentir mauvais

Delvau, 1866 : v. n. Devenir grave, sérieux ; se gâter, — en parlant des choses. Cela sent mauvais est une phrase de la même famille que Le torchon brûle.

Virmaître, 1894 : Quand un voleur est sur le point d’être pris, quand on éveille un condamné à mort pour sauter le pas, quand on est embarqué dans une sale affaire, cela sent mauvais (Argot du peuple). N.

Sentir pisser (se)

France, 1907 : Commencer a éprouver des désirs amoureux ; arriver à la puberté. Dès l’âge de douze ans, nombre de filles se sentent déjà pisser.

Sentir un cheveu

France, 1907 : Voir un obstacle dans une affaire, éprouver un désagrément comme quand on sent la présence d’un cheveu dans le gosier.

— Alors, tu comprends, quand je suis rentré, j’ai vu Marthe avec une figure à tuer ; j’ai senti qu’il y avait un cheveu.

(H. Lavedan, Leurs Sœurs)

Sentir un peu plus fort, mais non mieux que la rose

France, 1907 : Sentir mauvais. Dicton tiré des Satires de Régnier :

Ainsi ce personnage en magnifique arroy
Marchant pedentium s’en vint jusques à moy
Qui sentis à son nez, à ses lèvres décloses,
Qu’il flairait bien plus fort, mais non mieux que les roses.

Séparer

d’Hautel, 1808 : Il n’y a si bonne compagnie qui ne se sépare. Compliment des bourgeois de basse classe, quand ils quittent une compagnie.

Sept

Delvau, 1866 : s. m. Crochet, — dans l’argot des chiffonniers.

Rigaud, 1881 : Tige de fil de fer, enveloppée de coton et revêtue de papier, figurant des queues de fleurs, — dans le jargon des fleuristes. — Faire des sept, enrouler du coton et du papier autour d’un fil de fer ; c’est l’A, B, C du métier de fleuriste.

Rigaud, 1881 : Chiffonnier. — Crochet de chiffonnier.

France, 1907 : Crochet de chiffonnier ; allusion à la forme.

Sept à neuf

Rigaud, 1881 : Vêtement du matin pour monter à cheval. Mot à mot : vêtement que l’on met de sept à neuf heures pendant la promenade à cheval au Bois de Boulogne, — dans le jargon dessportsmen.

Quel joli sept-à-neuf cela ferait !

(Figaro, du 27 mai 1879.)

Sept-à-neuf

France, 1907 : Costume de cheval du matin ; argot des sportsmen.

Sept-et-le va

France, 1907 : Sept fois la première mise ; terme les joueurs de cartes.

Septimo

France, 1907 : Septièmement ; latinisme.

Septuagesimo

France, 1907 : Soixante-dixièmement ; latinisme.

Séquelle

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Bande, longue suite de personnes ; nombreuse et mauvaise compagnie ; tourbe, multitude.

Delvau, 1866 : s. f. Grand nombre de gens ou de choses, — dans l’argot du peuple, qui n’emploie ce mot que péjorativement. Signifie aussi : Gens ou choses qui font suite à quelqu’un ou à quelque chose. Toute la séquelle. Tous les membres de la famille, et surtout les enfants.

Séquence

Rigaud, 1881 : Grosse portée ajoutée aux cartes, réunion de cartes préparées de manière à amener une passe soit au baccarat, soit au piquet. Au piquet, elle a reçu le nom de séquence intégrale.

France, 1907 : Jeu de cartes disposé dans un certain ordre par un grec. Voir Salade, Salader.

Rappelez-vous bien, joueurs honnêtes, que la meilleure façon de brouiller une séquence c’est de battre soigneusement les cartes.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Séquencer

France, 1907 : Disposer un jeu de cartes de façon à gagner.

Le banquier place les cartes à plat, comme pour couper un jeu ordinaire ; le coupeur, un complice, étend la main ouverte sur les cartes et coupe lourdement et maladroitement en couvrant le paquet. Il se retire ensuite pour aller séquencer une douzaine de cartes qu’il a pu enlever à l’aide de la paume de la main.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Séquencier

France, 1907 : Grec qui prépare les cartes pour filouter ses partenaires.

Méfiez-vous d’un banquier titré, verni, pommadé qui arrive au cercle vers les deux heures du matin en toilette de soirée Il ne parle à personne, fait le dédaigneux, le grand seigneur et prend une banque juste au moment où le jeu devient animé. Ce gentilhomme qui « taille » avec chic, brio, sans émotion, en bon joueur, est tout simplement un vulgaire séquencier…

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Ser

Larchey, 1865 : Signal (Vidocq). — De serpent qui signifie crachat en argot. V. Arçon.

Delvau, 1866 : s. m. Signal donné en crachant, — dans l’argot des voleurs. (V. Serpent.)

La Rue, 1894 : Signe d’intelligence entre compères. V. Dusse.

France, 1907 : Signal donné par un clignement d’œil. Faire le ser, se tenir sur ses gardes, guetter.

Ser (faire le)

Halbert, 1849 : Faire le guet.

Sérail

Delvau, 1864 : Bordel, où l’on élève à la brochette une foule de beautés de poils différents pour amuser ce polisson de sultan qui s’appelle le Public.

Séraphin

France, 1907 : Élève malade ; argot des saint-cyriens.

Serée

France, 1907 : Soirée ; vieux français encore usité dans certaines provinces, venant directement du latin serum, soir. On lit dans les Idyllies de Vauquelin de la Fresnaye :

Avec ta mère, après souper chez nous
Viens t’en passer cette longue serée,
Près d’un bon feu, de nos gens séparée,
Ma mère et moi veillerons comme vous
Plus que le jour, la nuit nous sera belle ;
Et nos bergers, à la claire chandelle,
Des contes vieux, en teiliant, conteront
Lise tandis, nous cuira de châtaignes.

Sergent

France, 1907 : Nom donné par des ouvriers menuisiers à un outil avec lequel ils assemblent et chevillent les pièces de bois, le serre-joints.

Sergent à la douzaine

France, 1907 : Sobriquet donné autrefois aux douze agents de police attachés au service d’honneur du prévôt de Paris.

Sergent d’hiver

Rigaud, 1881 : Soldat d’élite. Le mince galon de laine qu’il porte sur les manches est censé lui tenir chaud pendant l’hiver.

France, 1907 : Soldat de première classe ; allusion au galon de laine qui est supposé tenir chaud en hiver. Le sergent-major d’hiver est le caporal.

Sergent de crottin

Fustier, 1889 : Sous-officier à l’École de Saumur.

Quant aux malheureux sous-officiers, baptisés du nom poétique de sergents de crotin…

(Nos farces à Saumur.)

France, 1907 : Sobriquet donné à l’école de cavalerie de Saumur aux maréchaux des logis.

Sergent de vieux

Rigaud, 1881 : Garde malade.

France, 1907 : Infirmier d’hospice de vieillards.

Sergent-major

Merlin, 1888 : Dans les manutentions, on entend par sergent-major, un pain de munition sans baisure.

Sergent-major d’hiver

Merlin, 1888 : Caporal, en raison de son double galon de laine.

Sergo

Rigaud, 1881 : Sergent de ville.

La Rue, 1894 : Gardien de la paix.

Sergocratie

France, 1907 : La police, le corps des gardiens de la paix.

Nul n’ignore qu’en notre doux pays, la sergocratie, sous prétexte de maintenir l’ordre, tient le haut du pavé. Elle a tous les droits et se croit tout permis.

(La Sociale, 1896)

Sergolle

Larchey, 1865 : Ceinture (id.). — Mot à mot : serre gole. — Du vieux mot gole : ouverture de tunique. — V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. f. Ceinture, — dans le même argot [des voleurs].

France, 1907 : Ceinture ; argot des voleurs. Mot à mot : serre-gole. Gole est un vieux mot signifiant ouverture.

Sergot

Virmaître, 1894 : V. Bec de gaz.

Hayard, 1907 : Sergent de ville.

France, 1907 : Gardien de la paix. Ce sobriquet vient de ce qui et les appelait autrefois sergents de ville.

Y a des nuits ousque les sergots
Les ramass’nt, comm’ des escargots,
D’la rue d’Flandre à la Chopinette…

(Aristide Bruant)

Série

Rigaud, 1881 : Réunion de professeurs composant le jury d’examen au doctorat, — en terme d’École.

Sérieuse (la)

France, 1907 : La guillotine.

— Eh bien ! puisque cette gonzesse nous a vus, qu’elle a entendu ce que nous avons dit et qu’elle peut tous nous envoyer à la sérieuse, il faut qu’elle nous donne un gage de sa discrétion.

(Edmond Lepelletier)

Sérieux

d’Hautel, 1808 : Il est sérieux comme un âne qui boit dans un seau. Location ironique. Se dit d’une personne qui affecte un air grave et important.
Il est d’un sérieux de glace. Pour dire, il est sombre, taciturne, mélancolique ; il ne se déride pas facilement.

Delvau, 1866 : adj. Excellent, convenable, — dans l’argot des gens de lettres et des petites dames. Homme sérieux. Qui ne refuse rien aux femmes qui ne refusent rien aux hommes — riches. Souper sérieux. Où rien ne manque de ce qui doit en faire l’attrait : vins exquis, chère non-pareille, femmes charmantes, nommes d’esprit, etc. Le peuple emploie aussi cet adjectif dans l’acception de Copieux : un beefsteak sérieux, un dessert sérieux, etc.

France, 1907 : Médecin ; argot des voleurs.

France, 1907 : Double bock ; expression lorraine.

Sérieux (dîner)

Rigaud, 1881 : Dîner bien compris, à la fois substantiel et délicat. Les femmes sont exclues d’un pareil dîner. On ne mange pas, on officie pontificalement de la mâchoire. La conversation, plus sobre que les convives, ne doit rouler que sur les fastes culinaires. On parle à demi-voix pour ne pas s’enlever le plaisir de s’entendre mastiquer.

Sérieux (être)

Larchey, 1865 : Pour les artistes et les lettres, c’est s’être acquis une valeur personnelle. — Pour les bourgeois, c’est avoir une position dans le monde. — Pour les lorettes, c’est être capable de leur donner de l’argent.

Sérieux (homme)

Rigaud, 1881 : Homme riche et généreux, — dans le jargon de ces demoiselles. — Femme sérieuse, femme galante pleine d’expérience et de prévoyance, la fourmi de la prostitution.

Sérieux (livre)

Rigaud, 1881 : Livre ennuyeux.

Serin

Larchey, 1865 : Naïf comme un serin.

Tu ne sais pas ce que c’est que d’être l’amant d’une femme… Es-tu serin à ton âge !

E. Sue.

Seriner : Loger dans la mémoire certaine chose à force de la répéter. — Allusion à l’influence quotidienne de la serinette sur l’éducation du canari.

Nucingen avait seriné Rastignac.

Balzac

Serinette : Enfant ayant plus de mémoire que d’intelligence. — Cet exemple donne un dernier sens.

On appelle serinette les infâmes qui font contribuer un passant en le menaçant de divulguer (seriner) au public ou même à l’autorité de coupables dépravations.

Paillet.

Delvau, 1866 : s. m. Gendarme de la banlieue, — dans l’argot des voyous. S’est dit aussi, à une certaine époque du règne de Louis-Philippe, des compagnies de voltigeurs de la garde nationale qui avaient des parements jaunes, des passe-poils jaunes, des torsades jaunes, tout jaune, au point qu’en les passant un jour en revue dans la cour des Tuileries, et les voyant se débander, le maréchal Lobau s’écria : « Fermez donc les grilles, mes serins vont s’envoler ! »

Delvau, 1866 : s. et adj. Imbécile, ou seulement Homme naïf, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Gendarme départemental. Allusion au jaune baudrier.

La Rue, 1894 : Gendarme.

France, 1907 : Niais, benêt, dupe.

La maman et le bébé.
— Eh bien ! as-tu été sage ?
— Oui, maman.
— Alors, viens que je t’embrasse.
— Je veux bien, et puis tu verras que je suis plus poli que la bonne !…
— ???
— Oui, car chaque fois que papa l’embrasse, elle l’appelle vieux serin.

France, 1907 : Gendarme, allusion aux buffleteries jaunes que les gendarmes portaient autrefois.

Seriner

Delvau, 1866 : v. a. Répéter à satiété une chose à quelqu’un, afin de la lui loger dans la mémoire.

Rigaud, 1881 : Divulguer, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Divulguer. L. L. Seriner : Apprendre quelque chose à quelqu’un qui a la tête dure, en lui serinant sans cesse. Vient d’un petit instrument qui n’a qu’un air : la serinette. On serine un merle, un geai, un chanteur ignorant la musique, une leçon, un discours ; en un mot seriner veut dire apprendre (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Répéter constamment le même air ou la même chanson.

Ce qu’ils ont trouvé de mois andouillard, c’est de seriner un air patriotique : il parait que les Allemandes mettent les bouchées doubles et accouchent d’une telle ribambelle de jumeaux a qu’il y a débordement de mômes.
Il s’en suit que si les Françaises ne se foutent pas, par patriotisme, à leur faire concurrence sur ce terrain, d’ici peu nous serons inondés par les Germains !

(Le Père Peinard)

Serinette

d’Hautel, 1808 : La serinette. Nom que les imprimeurs donnent à leur presse, dont la manivelle ressemble en grand à celle d’une serinette.

Delvau, 1866 : s. f. Homme qui fait chanter d’autres hommes, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Jouer un air de serinette à quelqu’un (Argot des voleurs). V. Maîtres chanteurs.

France, 1907 : Sodomiste passif.

France, 1907 : Chanteur on chanteuse qui répète des airs, sans y mettre d’expression. Enfant qui récite par cœur ses leçons sans les comprendre.

Serinette a caractères

France, 1907 : Terme de mépris par lequel les voleurs désignent les journaux.

— Qu’est-ce qu’il vient faire ici ce journaleux de malheur ?… Si vous le surinions !… Comme cela il ne jaspinera plus de l’orgue dans sa serinette à caractères.

(Mémoires de M. Claude)

Seringue

d’Hautel, 1808 : Chanter comme une seringue. Avoit la voix fausse et discordante.

Delvau, 1864 : La pine, avec laquelle l’homme donne a la femme un lavement de sperme — qui est le plus émollient de tous les lavements.

Il tire de sa pochette
Sa seringue et deux pruneaux.

Gautier-Garguille.

Delvau, 1866 : s. f. Voix fausse, aigre, criarde, — dans l’argot du peuple. Chanter comme une seringue. Chanter très mal.

Rigaud, 1881 : Personne ennuyeuse, rabâcheur.

Merlin, 1888 : Trombone.

Virmaître, 1894 : Machine à vapeur qui fonctionne mal ; allusion au bruit du piston (Argot des ouvriers).

France, 1907 : Voix fausse. Chanter comme une seringue.

France, 1907 : Personne ennuyeuse.

France, 1907 : Machine à vapeur.

Seringue (chanter comme une)

Larchey, 1865 : « Avoir la voix fausse et discordante. »

1808, d’Hautel.

Seringue à perruque

Rossignol, 1901 : Voir bogue. Ce mot seringue me rappelle un fait qui m’a fait bien rire. À Alger, avant que l’on ne se serve dans les hôpitaux de l’irrigateur et lorsqu’il n’y avait que l’instrument primitif, un Arabe était à la diète et il lui avait été ordonné des lavements. Au moment où l’infirmier vint pour lui administrer, le Turco se leva sur son lit et dit à celui qui voulait lui ingurgiter : « Macasch claquaria toujours bibire la coufteck endard la trompette pas manger, toujours boire au derrière, va-t’en avec ta trompette ».

Seringue à rallonges

Rigaud, 1881 : Télescope.

Il n’y a pas de planète qui tienne, tu m’as promis de me montrer Vénus, c’est Vénus que je veux voir, ou je te démolis, toi et ta seringue à rallonges.

(Randon.)

France, 1907 : Télescope.

— C’est Vénus que je ceux voir, où je te démolis, toi et ta seringue à rallonges.

(Randon)

Seringuer

Delvau, 1864 : Administrer l’injection balsamique à un con bien portant, — avec la seringue que vous savez.

Jusqu’alors, je n’avais ressenti pareille jouissance. Il me seringua trois fois de suite de son nectar délicieux ; le foutre s’en allait à gros bouillons de la tête de son gros vit, il me sautait jusqu’au cœur.

(Anais, ou Dix ans de la vie, etc.)

Seringuinos

Rigaud, 1881 : Imbécile.

France, 1907 : Niais, crédule. C’est aussi le sobriquet des apothicaires.

Seriniser

France, 1907 : Cocufier.

Serment

d’Hautel, 1808 : Serment d’ivrogne. Pout dire, promesse vaine ; parole à ne jamais tenir.
On dit honnêtement, et dans le même sens serment d’amant, serment de joueur.

Serment sur le cul d’une jument

France, 1907 : « Réponse facétieuse que fout les paysans du Doubs à ceux qui insistent pour qu’ils jurent que ce qu’ils viennent d’avancer est la pure verité : Je fais serment sur le cul d’une jument ; si la jument lève le cul, mon serment est foutu. »

(Charles Roussey)

Sermone pedestri

France, 1907 :

Pour le vulgaire des citadins, la construction de la phraséologie rurale est quelque chose de tellement insolite et de si apparemment confus qu’on n’y voit pas autre chose qu’un obscur charabia. Et pourtant, il n’y a rien de plus simple, de plus logique que la trame grammaticale de ce vieux langage traditionnel, je ne dis pas tel qu’il est écrit dans les livres ni tel que nous le présentent les versificateurs trop souvent disposés à en altérer la contexture, pour arriver plus aisément à former leurs hémistiches, mais tel qu’on peut l’entendre dans la bouche de ceux qui le parlent sermone pedestri, sans aucun mélange du français classique.

(Chanoine D. Haigneré, Introduction à l’étude du patois bas-boulonnais)

Sérouel

Rossignol, 1901 : Pantalon.

Serpe

d’Hautel, 1808 : Cela est fait à la serpe. Pour grossièrement, à la hâte, sans soin, sans précaution ; se dit des œuvres libérales et mécaniques.
On dit aussi d’un homme mal bâti ; qu’Il est fait à la serpe.

France, 1907 : Couteau.

Serpent

d’Hautel, 1808 : Une langue de serpent. Pour dire, une langue médisante et pernicieuse.

Delvau, 1866 : s. m. Crachat, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Ceinture de cuir, — dans l’argot des troupiers, qui y serrent leur argent. On dit aussi Anguille.

Rigaud, 1881 : Élève reçu un des quinze derniers à l’École Polytechnique. Pour sergent.

Rigaud, 1881 : Crachat, — dans l’ancien argot. Le serpent et le glaviot étaient synonymes au XVIe siècle. Le glaviot seul a résisté au temps.

La Rue, 1894 : Crachat.

France, 1907 : Crachat.

France, 1907 : Ceinture de cuir dans laquelle les conscrits économes cachent leur argent ; argot militaire. On dit aussi serpent des reins.

— Que je veux dire, mon ancien, que vous n’aurez pas la peine de tâter mes côtes pour voir si ma ceinture elle est rondement garnie de picaillons. Je connais le truc ! Et j’ai déposé mon serpent des reins en lieu sûr avant de venir ici.

(Dubois de Gennes, Le cavalier tel qu’il est)

France, 1907 : « Nom qu’on donnait encore il y a quelques années, par corruption, au sergent chef de salle (École polytechnique). On l’appelle aujourd’hui crotale. Il y avait en 1835 un sergent nommé Bois ; on comprend comment le sergent Bois devint le sergent Boa, puis le serpent Boa ; c’est l’origine du mot serpent. » Voir Crotale.

(Albert Lévy et G. Pinet)

Serpentement

France, 1907 : Manière d’agir tortueuse, caressante, féline. Néologisme.

Sainte-Beuve était charmant dans la causerie ; il avait des amis de toutes sortes pour sa bonté, pour son esprit, pour ses mots de sentiment, pour ses mots cruels, pour ses amitiés, pour ses trahisons ; mais il eut beau dire et beau faire, il eut beau rechercher le coin des femmes, il eut beau leur prouver qu’il était familier à toutes les fémineries, à tous les serpentements, à toutes les ondulations ; il eut beau être, tout à tour, attendri et moqueur, il eut beau prendre des mines de Werther et des airs de Lovelace, rien n’y fit.

(Arsène Houssaye, Souvenirs de jeunesse)

Serpentin

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Petit matelas que les forçats ont la permission d’acheter.

Delvau, 1866 : s. m. Matelas, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Matelas, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Matelas.

France, 1907 : Sobriquet que l’en donnait autrefois aux mouchards et qui, dit Ch. Nisard, peint à merveille leurs allures insinuantes, tortueuses et rampantes.

France, 1907 : Petit matelas de prisonnier.

Les forçats couchant sur la planche nue, s’ils n’ont les moyens de se procurer une couverture et un serpentin.

(A. Dauvin)

France, 1907 : Mince bande de papier enroulé dont les Parisiens ont depuis 1893 pris la coutume d’abimer les arbres des boulevards ou de les lancer sur les passants de leurs fenêtres et balcons. L’origine de cet amusement est due à de petits télégraphistes qui, se trouvant de service un jour de carnaval et s’ennuyant fort dans leurs bureaux situés à un premier étage, place de la Bourse, s’imaginèrent de lancer au loin des rouleaux de bandes bleues destinées aux dépêches.

Les gais serpentins dans l’espace,
Pendent aux arbres travestis ;
Hourrah ! voici le Bœuf qui passe,
Lançons de rouges confettis,
Heureux et gras comme un ministre,
Il s’en va trônant sur son char,
Avec des allures de cuistre
Et l’arrogance du richard.

(Jacques Rédelsperger)

Serpette

d’Hautel, 1808 : Il a les jambes en serpette. Se dit par raillerie d’un homme qui a les jambes torses et mal faites ; qui est contrefait, bancal.

Serpettes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les jambes, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Jambes courtes et cagneuses.

Ces pauvres tourlourous ! ça vous a six pouces de serpettes et le dos tout de suite.

(Randon, Croquis militaires.)

France, 1907 : Jambes courtes et en cerceau ; argot populaire.

— Ces pauvres tourlourous, ça vous a six pouces de serpettes et le… dos tout de suite.

(Randon)

Serpidat

France, 1907 : Petit serpent, enfant malfaisant.

Des grimaces pour faire peur aux serpidats d’enfants qui font peur aux parents aussi.

(Jean Richepin)

Serpillère

Virmaître, 1894 : Tablier des carabins. (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Soutane du curé (Argot des voleurs).

France, 1907 : Robe. Sobriquet des garçons épiciers à cause de leur long tablier ; vieux français, du bas latin serpeillera, étoffe de laine. Serpillère de ratichon, soutane.

Serpillière

anon., 1827 : Robe.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Robe. Serpillière à ratichon, soutane, ornements sacerdotaux.

Bras-de-Fer, 1829 : Robe.

Halbert, 1849 : Robe.

Delvau, 1866 : s. f. Soutane, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Serpillière à ratichon.

Serpillière à ratichon

anon., 1827 : Robe de prêtre.

Halbert, 1849 : Robe de prêtre.

Rigaud, 1881 : Soutane.

Serrante

Bras-de-Fer, 1829 : Serrure.

Larchey, 1865 : Serrure (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. f. Serrure, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Serrure ; par substitution de finale.

La Rue, 1894 : Serrure.

France, 1907 : Serrure ; argot des voleurs.

Serré

Larchey, 1865 : Avare, peu fortuné.

Il paraît même qu’il est très-serré.

H. Monnier.

Delvau, 1866 : adj. Pauvre ; sans argent, momentanément ou par habitude, — dans l’argot des bourgeois. Signifie aussi Avare.

Rigaud, 1881 : Avare.

Virmaître, 1894 : V. Gerbé.

France, 1907 : Besogneux ; à court d’argent ; avare.

Serré (être)

France, 1907 : Être en prison ; argot des voleurs.

La plus cruelle injure qu’une fille puisse jeter au front déshonoré d’une autre fille, c’est de l’accuser d’infidélité envers un amant serré.

(Balzac)

Serre-croupière (jouer du)

France, 1907 : Coïter : vielle expression.

Considérant, ces bonnes femmes ici, ont très bien employé leur temps en jeunesse, et ont joué du serre-croupière à cul levé à touts venants, jusques à ce qu’on n’en ha plus voulu. Et par Dieu je les ferai saccader encores une fois devant qu’elles meurent.

(Rabelais)

Serre-fesses

France, 1907 : Terme expressif indiquant l’état naturel de quelqu’un qui a peur et dont le fond de la culotte est menacé d’une catastrophe.

Il y avait devant la porte un entraînement, des demandes de reconduites, des défis au zanzibar, le samedi surtout. Et quand la délibération se prolongeait, les brocheurs, en se labourant les côtes de coups de coudes farceurs, se rangeaient pour laisser passer, raides et serre-fesses, les « fleurs et plumes. »

(Lucien Descaves, La Teigne)

Serre-pied

Merlin, 1888 : Sergent employé dans une manutention.

Serre-pogne

France, 1907 : Menottes.

Serrebois

Rigaud, 1881 : Sergent. Il fait serrer les rangs. (L. Larchey)

France, 1907 : Sergent ; il serre la vis aux simples troupiers comme le sergent ou serre-joints des menuisiers.

Serregolle

France, 1907 : Ceinture.

Serrer

d’Hautel, 1808 : Se serrer le ventre. Pour, se pâsser de manger ; jeûner.
Serrer les pouces à quelqu’un. Le gêner ; le tenir de près pour la dépense.

Halbert, 1849 : Emprisonner.

Larchey, 1865 : Mettre en prison. — On n’y est pas au large.

La plus cruelle injure qu’une fille puisse jeter à une autre fille, c’est de l’accuser d’infidélité envers un amant serré.

Balzac.

Delvau, 1866 : v. a. Mettre en prison, — dans l’argot des faubouriens.

La Rue, 1894 : Voler.

France, 1907 : Voler.

France, 1907 : Enfermer, mettre à la salle de police ; argot militaire.

Le brigadier de garde serra les deux ivrognes qui venaient de rentrer en retard.

(Émile Gaboriau, Le 13e Hussards)

Serrer (le)

Delvau, 1864 : Faire le casse-noisette, retenir le membre viril comme dans un étau.

Sens-tu comme je te le serre ?

H. Monnier.

Serrer la croupière

Merlin, 1888 : Surveiller, devenir sévère à l’égard de quelqu’un.

La Rue, 1894 : Surveiller, serrer de près.

Serrer la croupière à quelqu’un

France, 1907 : Le surveiller de près, le tenir sévèrement.

— Ouvrez l’œil, mon garçon, et tâchez de filer droit et de ne pas flairer de trop près les jupes de ma fille, car je me charge de vous serrer la croupière.

(Les Joyeusetés du Régiment)

Serrer la cuillère (se)

Virmaître, 1894 : Poignée de main. Par abréviation, on dit : je te la serre, ou bien encore : serre-moi la pince (Argot du peuple).

Serrer la gargamelle

Rigaud, 1881 : Étrangler. Variante : Serrer la vis.

Serre-lui la vis, je me charge de le refroidir.

(G. Marot, L’Enfant de la Morgue.)

France, 1907 : Étrangler.

Serrer la pince

Rigaud, 1881 : Serrer la main, et, par abréviation, la serrer. — Je vous la serre.

France, 1907 : Serrer la main.

Serrer la vis

Delvau, 1866 : Achever une affaire, presser un travail. Étrangler quelqu’un. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Serrer le frein, — dans l’argot des mécaniciens des chemins de fer.

Virmaître, 1894 : Étrangler quelqu’un (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Serrer le cou.

France, 1907 : Étrangler.

Ah ! maudite routine, on n’a plus la foi, comme ci-dessus je le dégoise, mais par veulerie on laisse encore l’Église, qui s’en accommode, nous fiche le grappin dessus à notre naissance, à notre accouplement, à notre crevaison.
On lui laisse farcir la caboche de nos loupiots de fariboles nigaudes et criminelles ; notre copine n’ayant d’autre lieu de rassemblement, d’autre récréation que la sacrée turne du bon dieu, s’y laisse obscurcir la comprenette, ne peut se dépêtrer des gourderies religieuses.
Épatez-vous donc ensuite que capitalos et gouvernants continuent à nous serrer la vis.

(Le Père Peinard)

Serrer le brancard

Rigaud, 1881 : Serrer la main. Les variantes sont : Serrer la cuiller, serrer la phalange.

Serrer le nœud

Delvau, 1866 : Se marier, — dans l’argot des bourgeois et des vaudevillistes.

France, 1907 : Se marier.

Serrer le quiqui

France, 1907 : Étrangler.

Serrer le ventre (se)

France, 1907 : Jeûner.

Serrer les fesses

Rigaud, 1881 : Avoir grand’ peur et faire tout son possible pour ne pas en fournir des preuves matérielles.

France, 1907 : Avoir peur, appréhender, n’être pas à son aise ; le chien baisse la queue, l’homme serre les fesses ; d’où le vieux dicton : « On lui boucherait le cul d’un grain de millet. »

La tribune est une admirable école du mensonge et de la duperie. Il serait naturel que ceux qui fabriquent les lois fussent experts à les tourner. Eh bien ! la pusillanimité de nos représentants est notoire. À peine un scandale éclate-t-il, qu’ils serrent les fesses et leurs papiers, qu’ils filent à Londres où en Belgique.

(Léon Daudet, Le Journal)

Serrer les pouces à quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le presser vivement de questions pour lui faire avouer la vérité. Argot du peuple.

Serrer sa ceinture

Rossignol, 1901 : Quand on n’a pas de quoi manger, on serre sa ceinture d’un cran.

Serrer sa ceinture d’un cran

Virmaître, 1894 : Compression du ventre, afin d’empêcher les intestins de crier famine (Argot du peuple).

Serrure

Delvau, 1864 : La nature de la femme — dont l’homme a la clef dans son pantalon.

Quand on fouille à votre serrure
Avec la clef de la nature.

Le Sr de Sygognes.

Comment pensez-vous qu’on puisse garder une serrure, à qui toutes sortes de clefs sont propres ?

D’Ouville.

Serrure (avoir laissé la clé à la)

Rigaud, 1881 : Avoir manqué à la résolution de ne pas ou de ne plus avoir d’enfants.

Serrure (avoir laissé la clef sur la)

France, 1907 : S’être oublié dans la résolution de ne plus faire d’enfants.

— Encore le ventre en ballon ! Ah ! bon Dieu ! À quoi que tu penses, ma fille ? Tu oublies que t’en as déjà quatre qui traînent à tes cottes. Tu laisses donc toujours la clef sur la serrure ! Qué malheur !

(Les Propos du Commandeur)

Serrure (avoir mis un cadenas à la)

Rigaud, 1881 : Pour une femme, c’est vivre dans un état de chasteté absolu.

Serrure (avoir mis un cadenas à sa)

France, 1907 : Se dit d’une femme résolue à renoncer aux hommes et à l’amour.

Elle disait à chaque lâchage : « Non, c’est fini, j’en ai soupé des hommes, tous des mufles ; à partir d’aujourd’hui, ils pourront se fouiller : je mets un cadenas à ma serrure. »

(Les Joyeusetés du Régiment)

Serrure brouillée

France, 1907 : Difficulté de s’exprimer.

Serrure brouillée (avoir la)

Rigaud, 1881 : Éprouver de la difficulté à s’exprimer ; bredouiller.

— Je viens de recevoir une grande visite de votre intendant. La serrure était bien brouillée.

(Madame de Sévigné, Lettres.)

Sert

Delvau, 1866 : s. m. Signe fait par un compère, — dans l’argot des saltimbanques.

Sert, ser

Rigaud, 1881 : Signal. Signe d’intelligence entre un saltimbanque et un compère. — Télégraphie employée par les tricheurs.

Sertir un rubis

Rossignol, 1901 : Ce mot vient des bijoutiers et des marchands de bijoux ; lorsqu’ils ont fait une infidélité à leur femme, ils ont fait sertir un rubis.

Servante

d’Hautel, 1808 : C’est la servante à Pilate. Se dit en parlant d’une intrigante, d’une femme subtile et adroite, qui s’abaisse, aux plus vils détails, pour en venir à ses fins.

France, 1907 : Lampe.

Connaissant les détours, il prit la servante, dans un coin, derrière les décors, la vissa à la rampe et l’alluma.

(Edgar Monteil)

Servante à Pilate (parler comme la)

France, 1907 : Questionner, s’informer curieusement, parler beaucoup. Allusion à la servante du gouverneur de la Judée Pontius Pilatus, qui, dans la cour du souverain sacrificateur, demanda à plusieurs reprises au disciple Pierre s’il ne faisait pas partie de la suite de Jésus de Nazareth.

Serveuse

France, 1907 : Fille qui sert dans les brasseries.

De capiteuses serveuses en cheveux ondulés, torsant aux nuques de lourds chignons noirs et vermeils, d’une couleur massive de teinture, effilaient leurs bustes entre les sceaux de champagne frappé, les cornets de pralines et de pastilles de menthe, les flacons versicolores étalés sur le marbre des comptoirs.

(Camille Lemonnier)

Servi

Clémens, 1840 : Arrête.

M.D., 1844 : Être arrêté.

Servi de belle

M.D., 1844 : Être arrêté sans preuve.

Service

d’Hautel, 1808 : Pour, finesse, subtilité, artifice, ruse, adresse perfide.
Il a un fameux service. Pour dire, il est subtil, artificieux et rusé.
Service de grand n’est pas héritage. Pour dire que les grands, sont souvent ingrats envers leurs serviteurs.

Service (faire le)

Delvau, 1864 : Se remuer sous l’homme afin de le faire mieux jouir ; ou bien jouer de la main avec son membre au lieu de jouer des reins avec lui.

Quand t’auras fini ton service,
T’auras cent sous.

Lemercier de Neuville.

Services

Boutmy, 1883 : s. m. pl. Mot usité dans cette formule à peu près invariable du typo en quête de travail : Monsieur, je viens vous offrir mes services pour la casse.

Serviette

Halbert, 1849 : Portefeuille.

Delvau, 1866 : s. f. Portefeuille, — dans l’argot des avocats.

Delvau, 1866 : s. f. Aniterge en papier, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Canne.

France, 1907 : Morceau de papier qui sert à s’essuyer le contraire de la bouche ; argot faubourien.

France, 1907 : Bâton, trique ; argot des malfaiteurs.

Serviette (être au bout de sa)

France, 1907 : Ne savoir plus que faire, synonyme d’être au bout de son rouleau.

Servir

d’Hautel, 1808 : Cela sert comme une cinquième roue à un carosse ; comme un clou à un soufflet. Pour dire, est inutile, superflu ; ne sert à rien.
Tout sert en ménage, jusqu’au pain de la huche. Pour dire que tout est utile dans la nature.

Clémens, 1840 : Tirer.

Halbert, 1849 : Arrêter.

Larchey, 1865 : Prendre, arrêter. — Mot à mot : asservir. — La personne servie n’a plus sa liberté.

Frangin et frangine, je pesigue le pivot pour vous bonnir que mezigue viens d’être servi maron à la lègre de Canelle (Caen).

Vidocq.

Servir de belle : Dénoncer à faux. — Servir le trèpe : Faire ranger la foule. V. Curieux.

Delvau, 1866 : v. a. Arrêter, prendre, — dans l’argot des faubouriens. Vidocq, lorsqu’il était chef de la police de sûreté, avait l’habitude de dire tranquillement au malfaiteur pris dans une souricière, ou ailleurs : « Monsieur, vous êtes servi !… »

Delvau, 1866 : v. a. et n. Trahir, dénoncer, — dans l’argot des voleurs. Servir de belle. Dénoncer à faux.

Rigaud, 1881 : Arrêter. — Monsieur est servi.

La Rue, 1894 : Arrêter. Voler. Dénoncer, trahir. Servir de belle, dénoncer à faux.

Rossignol, 1901 : Faire arrêter quelqu’un est le faire servir. Lorsqu’on a reçu des coups on s’est fait servir.

France, 1907 : Voler.

Par contretemps, ma largue
Voulant s’piquer d’honneur,
Craignant que je la nargue,
Moi qui n’suis pas taffeur,
Pour gonfler ses valades
Encasque dans un rade,
Sert des sigues à foison !

(Winter, forçat, 1829)

France, 1907 : Arrêter.

— Soyez tranquille. Des hommes à nous ne les quittent pas d’une semelle. Ils sont d’ores et déjà tout aussi bien servis que s’ils l’étaient par la Préfecture.

(Paul Mahalin, Le Megg)

Servir (faire)

Virmaître, 1894 : Faire arrêter quelqu’un (Argot des voleurs).

Servir de belle

Bras-de-Fer, 1829 : Dénoncer à faux.

Rigaud, 1881 : Dénoncer à faux. (L. Larchey)

Virmaître, 1894 : Dénoncer un complice faussement (Argot des voleurs).

France, 1907 : Dénoncer à faux.

Maintenant il s’agit de servir de belle une largue.

(Balzac)

Servir de sa main (se)

Delvau, 1864 : Se masturber, faute de maîtresse, ou par amour pour la veuve Poignet, — cette veuve que foutent tous les collégiens.

La volupté me pénètre soudain.
Mon trêpignoir trépignait dans ta cage :
Pour l’apaiser, je n’avais que ma main.
Je m’en servis pour écumer sa bile.

Anonyme.

Servir le potage

France, 1907 :

Méfiez-vous d’un chef de partie qui se gratte derrière l’oreille, le bout du nez, le front, l’œil, le menton, qui met la main droite dans la poche gauche de son gilet, etc., etc. Ce sont des signes de convention servant à avertir un grec qu’il est temps pour lui de prendre la banque qui est « séquencée ». Cela s’appelle : servir le potage.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Servir le trêpe

France, 1907 : Faire ranger la foule ; argot des camelots.

Servir les maçons

Rigaud, 1881 : Remplir auprès d’un couple amoureux les fonctions du jeune Alectryon auprès de Mars et de Vénus.

Servir marron

France, 1907 : Arrêter en flagrant délit.

Avoir son air effrayé et tremblant, il était bien capable de me faire servir marron.

(Mémoires de Canler)

Servir quelqu’un à plats couverts

France, 1907 : Témoigner à quelqu’un de l’amitié, et le desservir sous main, ou bien ne découvrir à quelqu’un qu’une partie de la vérité dans une affaire qui l’intéresse. Allusion à l’ancien usage qui existe encore en Angleterre de couvrir les plats que l’on apporte sur la table.

Servir quelqu’un sur les deux toits

France, 1907 : Faciliter une chose, terme tiré de l’ancien jeu de paume.

La salle était bordée de deux plans inclinés superposés, appelés toits. La balle, lancée sur ces plans, devait retomber dans l’arène, ce qui permettait au joueur adverse de l’atteindre et de la renvoyer presque à coup sûr.

Servir un biscuit

France, 1907 : Tailler une banque préparée. Voir Servir le potage.

Méfiez-vous d’un banquier et d’un cercle où l’on apporte les cartes de loin, d’un salon éloigné de celui où l’on joue ; elles sont toutes décachetées, toutes prêtes dans une boîte appelée « sabot ». Souvent ces cartes sont séquencées. C’est ce qu’on nomme servir un biscuit.

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

Servir un gonse

Clémens, 1840 : Voler un homme.

Serviteur

d’Hautel, 1808 : Votre serviteur. Se dit par plaisanterie, lorsqu’on laisse, ou qu’on voit tomber quelque chose.
Faites un beau serviteur. Manière bourgeoise et triviale de dire à un petit garçon de faire la révérence à quelqu’un ; ce qui consiste ordinairement à tirer le pied droit en arrière.

Delvau, 1864 : Amant ; homme qui sert une femme à son gré, — à moins qu’elle ne soit aussi gourmande que Messaline. — S’est dit aussi d’un godemichet, qui est, en effet, meilleur serviteur de la femme que l’homme.

Que l’innocent fabrique,
Au lieu de son méchant flûteur,
Un serviteur
D’un beau moule, et bien élastique.

Collé.

Servum pecus

France, 1907 : Troupeau servile. Locution latine tirée d’Horace et qu’on applique aux bas flatteurs, aux courtisans, et aussi à la foule moutonnière.

C’est éternellement la même chanson, et le peuple, avec son titre de souverain… est également, comme devant, le servum pecus qui sert de marchepied aux ambitieux et aux faiseurs.

(Lucien Pemjean, Cent ans après)

Ses dimanches (en faire)

France, 1907 : Faire une fête.

Pierre. — T’est-il arrivé quelque chose d’agréable, un dimanche ?
Jean. — Oh ! bien souvent ! C’est même de là qu’est venue cette expression : « Madame une telle ? J’en ferais mes dimanches. »
Pierre. — Tant mieux pour toi. Moi, jamais. Rien que des tuiles. La lettre embêtante, la sale dépêche, la facture… dimanche. Invariablement ! chaque fois que j’ai été mis en retenue quand j’étais petit… dimanche !

(Henri Lavedan)

Sésière

Delvau, 1866 : pr. pers. Soi, lui, elle, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Sésigue et Sésingard.

Sésière, sésigue

La Rue, 1894 : Soi, lui, elle.

Sésière, sésigue, sésingard

Rigaud, 1881 : Lui, elle, il.

Sesquipedalia verba

France, 1907 : Mots de six pieds. Locution latine tirée d’Horace.

Seteux

France, 1907 : Garni de poils rudes ; du latin seta, soie de cochon. Une plante seteuse.

Seu

Delvau, 1866 : s. m. Second, — dans l’argot des enfants, qui pratiquent l’apocope comme des hommes.

Sévère

Larchey, 1865 : Digne de réflexions sérieuses et sévères.

Ah ! je vous raconterai ma vie. Je vous en dirai des sévères, mon bon ami.

Ricard.

Ouvrez ou j’enfonce la porte. — En voilà une sévère.

L. Reybaud.

Delvau, 1866 : s. f. Chose étonnante ; événement inattendu, — dans l’argot des faubouriens.

Sévère (en voilà une) !

Rigaud, 1881 : Voilà une chose, une nouvelle difficile à croire, extraordinaire, inattendue.

Sèvres (passer à)

Rigaud, 1881 : Ne rien recevoir, — dans le jargon des voleurs ; c’est-à-dire être sevré de sa part de butin. (L. Larchey)

France, 1907 : Ne rien recevoir ; jeu de mot sur sevrer.

Sexe

Delvau, 1866 : s. m. Les femmes en général, — dans l’argot du peuple, qui, sans tomber à leurs pieds, comme le recommande M. Legouvé, sait qu’il leur doit une mère, la seule créature digne de ses respects. Ami du sexe. Homme de complexion amoureuse.

Sextant

France, 1907 : Fiole à liqueur, ainsi nommée parce que pour la boire on forme avec le coude un angle de soixante degrés ; argot de l’École navale.

Sexto

France, 1907 : Sixièmement ; du latin sextus, sixième.

Sezarde

France, 1907 : Voir Tarasque.

Sezière

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Lui, elle.

Sézière, sézigue

France, 1907 : Lui, elle. Rouscaillez à sézière, parlez-lui.

Et les punit en la forme qui suit : premièrement on lui ôte tontine son frusquin, puis on urine dans une saliverne de sabri avec du pivois aigre, une poignée de marrons et un torchon de frétille, et on frotte à sézière tant son proy qu’il ne demorfle d’un mois aprés.

(Le Jargon de l’argot)

Sezière, sezingand

anon., 1827 : Lui.

Bras-de-Fer, 1829 : Lui.

Sezière, sezingaud

Halbert, 1849 : Lui.

Sezières

Virmaître, 1894 : Lui (Argot des voleurs).

Sézigue

Rossignol, 1901 : Lui.

Sforzando

France, 1907 : En appuyant sur la note. Terme de musique ; de l’italien.

Sganarelle

France, 1907 : Cocu imaginaire et, par extension, mari ridicule ; du nom d’une pièce de Molière.

Shaffouse

France, 1907 : Le derrière. Jeu de mot sur chute du rein, la ville de Schaffouse se trouvant sur une chute du Rhin de 25 mètres de hauteur.

Shake hand

France, 1907 : Poignée de main ; anglicisme ; littéralement, secouement de mains, de to shake, secouer, et hand, main.

Le mode a d’inexplicables caprices. Nous ririons de bon cœur si nous voyions un revenant du siècle de Louis XIV entrer dans un salon en faisant les trois révérences de rigueur, mais ce survivant d’un autre âge rirait peut-être d’aussi bon cœur de notre shake hand estropié.
Il paraît qu’il y a des contrées de la Chine où pour saluer un ami on lui pince l’oreille. L’ami répond à sa politesse en tirant la langue. Que dites-vous de ce petit jeu ? N’est-il pas pittoresque ?

(Petit Parisien)

Sherry

France, 1907 : Vin de Xérès : anglicisme.

Il s’attabla en face du comptoir et, tout en sirotant son sherry, il faisait à la dame préposée aux rafraîchissements des yeux tellement brillants de concupiscence que, bien que cuirassée, elle se mit à rougir.

(Les Propos du Commandeur)

Shiboleth

France, 1907 : Mystère, mot hébraïque.

Vanité de l’exclusivisme, misère des longues fidélités, le cri délicieux vient de cent humaines avec qui échanger le shiboleth de la création, l’hosannah de la minute qui passe, et non d’éterniser un pauvre chant d’égoïsme à deux.

(J.-H. Rosny, Une rupture)

Shnaps

France, 1907 : Eau-de-vie. Voir Schnaps.

Les sous-officiers étant entrés à l’auberge ; quelques soldats baguenaudaient devant la vitrine de l’horloger et guignait avec convoitise les montres de l’étalage ; d’autres, se bousculant autour d’un barillet d’eau-de-vie de marc, s’administraient de copieuses lampées de shnaps.

(André Theuriet)

Shockiner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se scandaliser.

Shocking !

Delvau, 1866 : Exclamation qui, de la langue des pudiques Anglaises, a passé dans l’argot ironique des gouailleurs parisiens. Ce qui est choquant de l’autre côté du détroit cesse de l’être de ce côté-ci.

Shooter

Fustier, 1889 : Qui fait partie d’une société de tir aux pigeons. Shooting, tir aux pigeons. Encore l’anglomanie.

Aucun des shooters qui fréquentent le Gun Club n’a quitté Paris.

(Bien Public, 1882.)

Mon devoir de chroniqueur m’oblige à signaler les épreuves internationales qui viennent d’avoir lieu dans les deux grands centres de shooting d’Outre-Manche.

(Union, 1882.)

Shooting

France, 1907 : Tir aux pigeons ; anglicisme. Le même système s’affirme partout, dit Pontarmé dans le Petit Journal, on efface le mot français pour lui substituer le mot anglais. Plus de patinage, des skating-rings. Plus de tournoi au billard, des matches. Sans rire on écrit : Match de football, ce qui n’est ni anglais ni français. On dit couramment carpette pour tapis. Warrants, docks, drawback, free-trade, trade-unions sont des mots très usités dans la langue commerciale.
Cette fièvre d’emprunts réfléchis sévit surtout dans les choses du sport, comme je le remarquais en commençant ces lignes. La vieille vénerie française, qui composait son langage de termes exquis et vraiment savoureux, d’une origine française si pure, s’est transformée en shooting et hunting dont les armes sont le hammerless, le choke-bored, et où le chasseur s’accompagne de setters, de pointers, etc. Quel jargon ! Ne serait-il pas temps d’en limiter l’envahissement ? En vérité, John Bull doit bien rire de l’anglomanie de ceux qu’il dénomme avec tant de morgue les frog-eaters !

Il y a longtemps que le shooting, ce sport imbécile qui consiste à prendre pour cibles d’innocents pigeons, est acclimaté en France, et l’on prétend en ce moment même introduire le coursing, duel inégal d’un lièvre contre deux lévriers qui n’en font qu’une bouchées, — shooting et coursing, parodies de la chasse à laquelle on a enlevé son imprévu et en réalité simples prétextes à paris.

(Léon Millot, Justice)

Shopping (faire)

France, 1907 : Courir les magasins ; anglicisme.

Lorsque la baronne allait faire shopping chez les joailliers de Paris, ce qui était une de ses distractions préférées, on s’empressait de mettre le magasin sens dessus dessous en son honneur.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Shoufflick

France, 1907 : Langue allemande.

La mine et la mine graves de l’entremetteuse, l’étrangeté de cette botte poussée en plein jour et dans le plus baroque shoufflick, rien n’était plus drôle.

(Jean Richepin)

Shylock

France, 1907 : Usurier impitoyable, grippe-sous. Personnage du Marchand de Venise de Shakespeare.

Si

d’Hautel, 1808 : Avec des si et des mais, on fait de belles choses. Signifie que si l’on avoit la connoissance de l’avenir, on se mettroit en mesure contre tous les évènemens.
On dit aussi, et dans le même sens, avec des si et des mais on mettroit Paris dans une bouteille.
Si tant est.
Pour, s’il est vrai, s’il est certain, assuré.
Il a toujours des si et des cas. Se dit par ironie, d’un homme qui trouve des difficultés, des obstacles dans les choses les moins difficiles.

Si bon cheval qui ne bronche

France, 1907 : Il n’est pas de sage qui ne soit sujet à commettre des fautes, puisque d’après les saints livres, le plus vertueux pèche sept fois par jour. Les Anglais ont le même dicton : It is a good horse that never stumbles! On dit aussi dans le même sens : Il n’est si bon charretier qui ne verse. Le saint-père le pape seul a le don d’infaillibilité, ce qu’a péremptoirement démontré Alexandre III, en couchant avec sa fille.

Si fortuna juvat

France, 1907 : Expression latine. Si la fortune favorise.

Si ma tante était un homme

Virmaître, 1894 : Cette expression est employée communément dans le peuple pour exprimer l’absence de la virilité de la femme :
— Si ma tante en avait elle serait colonel dans la garde nationale (Argot du peuple). N.

Si parva licet componere magnis

France, 1907 : S’il est permis de comparer les petites choses aux grandes. Locution latine tirée des Géorgiques de Virgile.

Si præstabis, non habebis

France, 1907 : Si tu prêtes, tu n’auras pas. Vieille maxime latine qui, pour être vieille, n’en est pas moins vraie. Elle était employée au moyen âge avec des additions suivantes : Si præstabis, non habebis ; si habebis, non tam bene ; si tam bene, non tam cito ; si tam cito, perdis amicum. Qui prête ne recouvre ; s’il recouvre, non tout ; si tout, non tel ; si tel, ennemi mortel. (Proverbe espagnol.) Les Anglais disent : The way to lose a friend is to lend him money. « Le moyen de perdre un ami est de lui prêter de l’argent. » Il est peu de personnes qui n’aient été à même de juger de la sagesse de ce conseil.

Si souhaits étaient vrais, pouilleux seraient rois

France, 1907 : Ce dicton, qui n’a pas besoin d’explication, a son équivalent dans toutes les langues. Les Anglais disent : If wishes were horses, beggars would ride. Si les souhaits étaient des chevaux, les mendiants les monteraient. Les Turcs : S’il suffisait de désirer pour obtenir, chaque fakir deviendrait pacha.

Si vis pacem para bellum

France, 1907 : Si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre.

Siam

Hayard, 1907 : Marchand.

France, 1907 : Boutiquier ; argot des voleurs.

Siam (bataillon de)

France, 1907 : Groupe des vénériens à l’infirmerie de l’École polytechnique.

Il est rare qu’on sait à y soigner quelque affection grave, car l’École, située an sommet de la montagne Sainte-Geneviève, est parfaitement saine… Les malades que l’on y voit habituellement sont ceux qui ne sont pas soignés par les sœurs, mais par un infirmier appelé autrefois Siam, d’où le nom de bataillon de Siam donné à ce petit groupe.

(Albert Lévy et G. Pinet)

Siamois (frères)

France, 1907 : Les testicules.

Siamois (les)

Rigaud, 1881 : Testes, — dans le jargon des barrières. Allusion à l’accouplement, à l’inséparabilité des frères siamois. — La verte s’est cavalée chez les siamois, le clienbeau m’a collé vingt asticots en deuil, la gonorrhée s’est logée dans les parties, le médecin m’a fait poser vingt sangsues.

Siante

Halbert, 1849 : Chaise.

La Rue, 1894 : Chaise.

France, 1907 : Chaise, pour séante, du verbe seoir.

Sibérie

Boutmy, 1883 : s. f. Se dit de rangs situés à l’extrémité de la galerie et avec lesquels la chaleur n’a aucune espèce d’accointance. Dans quelques imprimeries, on donnait ce nom à un coin de l’atelier où les apprentis, personnages encombrants et plus spécialement affectés aux courses qu’à l’initiation de leur art, étaient relégués pour le tri du pâté. L’attrape-science, heureux de ne pas sentir là peser sur lui une surveillance constante, en profitait pour dévorer le moins de pâté possible et se livrer à toutes les malices que lui suggérait une imagination précoce. La bande joyeuse composait et jouait des drames inévitablement suivis de duels, où les épées, représentées par des réglettes, jonchaient de leurs débris le dessous des rangs. Mais tout, hélas ! n’était pas rose pour nos singes en herbe, et plus d’une fois les jeux se terminèrent par de terribles catastrophes. L’un d’eux ayant un jour chipé chez ses parents un mirifique jeu de piquet, quatre apprentis joyeux, quoique gelant dans leur Sibérie, se mirent à battre bravement les cartes. Ils se les étaient à peine distribuées, qu’ils furent pris d’une panique soudaine bien justifiée. On venait d’entendre le frôlement d’une robe qui n’était autre que celle de la patronne, laquelle n’entendait pas raillerie. Le plus avisé, ramassant vivement les pièces accusatrices, les jeta dans sa casquette, dont il se coiffa non moins vivement. Il était temps ! La patronne vit nos gaillards acharnés après la besogne qui semblait fondre sous leurs doigts. Aussi leur adressa-t-elle des paroles éloquentes de satisfaction. Mais, s’apercevant que l’un d’eux était couvert, et comme elle tenait au respect : « Dieu me pardonne, dit-elle, mais vous me parlez la casquette sur la tête. — Pardon, madame ! » dit l’interpelé. Aussitôt, le roi de pique, la dame de cœur et leur nombreuse cour dansèrent une sarabande effrénée et couvrirent le parquet, plus habitué à recevoir la visite de caractères en rupture de casse que celle de ces augustes personnages. Le jour même, nos quatre drôles avaient quitté la Sibérie et l’atelier. (Nous devons la définition de la Sibérie et les développements de cet article à M. Delestre, un des héros du drame… L’enfant promettait !)

France, 1907 : Arrière-partie d’un atelier où l’on relègue les apprentis qui s’y trouvent généralement dans l’ombre et exposés an froid.

Sibiche et sibijoite

Merlin, 1888 : Cigarette. On dit aussi : une sèche.

Sibiche, sibigeoise, sibijoite

France, 1907 : Cigarette.

Sibigeoise

Fustier, 1889 : Cigarette.

Parmi eux, pas une pipe ; c’est trop commun ! La sibigeoise (cigarette), à la bonne heure.

(Humbert : Mon bagne.)

Sibije

Rossignol, 1901 : Cigarette.

Sibijoite

Delvau, 1866 : s. f. Cigarette, — dans l’argot des marbriers de cimetière, parfois trop fantaisistes. Orpheline. Cigarette presque fumée.

Sibylle

d’Hautel, 1808 : C’est une vieille sibylle. Épithète injurieuse et de mépris qui se dit d’une vieille femme qui affecte de l’érudition, de la prétention à l’esprit.

Sic itur ad astra

France, 1907 : Ainsi l’on va aux astres, c’est-à-dire à l’immortalité, à la gloire. Locution latine tirée de l’Énéide de Virgile.

Sic nomen

Larchey, 1865 : Argent. — Latinisme dont la traduction libre est : C’est ainsi que je m’appelle. C’est-à-dire : Je n’ai pas besoin de nom, il me suffit de paraître pour être reconnu par tous.

Sic transit gloria mundi

France, 1907 : Ainsi passe la gloire du monde. Locution latine.

Sic volo, sic jubeo

France, 1907 : Je le veux et je l’ordonne ainsi. Locution latine.

Voltaire a dit que la langue française était une gueuse orgueilleuse. On peut dire, avec plus de raison, que la langue française est une mère arbitraire et despotique, n’écoutant ni raison ni logique, imposant sa loi à ces enfants comme elle l’a reçue de ses ancêtres, sans tenir aucun compte, ni des hommes, ni des lieux, ni des progrès faits par d’autres langues et n’ayant qu’une devise jupitéresque : Sic volo, sic jubeo.

(Alexandre Weill, Étude comparative de la langue française avec les autres langues)

Sic vos non vobis

France, 1907 : Ainsi vous non pour vous, c’est-à-dire vous travaillez, mais d’autres récolteront les fruits de votre labeur. Cette locution est tirée de Virgile.

Quant aux bons fricoteurs de l’allemanisme, ils passaient leur temps à tourner leurs pouces, en se faisant des « joues », comme on dit vulgairement, avec les indemnités péniblement gagnées par leurs camarades. Jamais le sic vos non vobis n’avait été plus effrontément mis en pratique.

(Rochefort)

Sicut decet

France, 1907 : Ainsi qu’il convient. Locution latine.

Pour l’acquisition du terrain et la construction des bâtiments, quelques pots-de-vin furent offerts et acceptés, sicut decet, et l’on fonda la colonie.

(François Coppée, Le Coupable)

Sidi

France, 1907 : Monseigneur. Mot arabe rapporté par les troupiers d’Afrique. La Sidi Brahim est une chanson militaire faite en mémoire des soldats massacrés près du village de ce nom, le 22 septembre 1845. En voici le refrain :

Si l’ennemi vers nous s’avance,
Marchons ! Marchons !
Mort aux ennemis de la France.

Sidonie

France, 1907 : Tête de carton ou de bois sur laquelle les modistes ajustent leurs chapeaux et les coiffeurs leurs perruques. Mannequin de couturière.

De toutes les personnes peu accoutumées à la vertu quotidienne, il n’y en a guère qui le soient moins que les vieilles ou jeunes dames qui, maquillées jusqu’a la ressemblance parfaite avec les sidonies des coiffeurs de banlieue et trainant des robes louées par la marchande à la toilette, où s’accrochent des diamants prêtés par l’entremetteuse, se promènent dans les promenoirs des music-halls ou des jardins où l’on danse.

(Catulle Mendès)

Siège

d’Hautel, 1808 : Voir deux cochers sur un siège. Voy. Cocher.

Siester

France, 1907 : Faire la sieste.

Siffle

Delvau, 1866 : s. f. Voix, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bouche.

La Rue, 1894 : Voix. Bouche. Sifflet, gorge. Couper le sifflet, couper la gorge. Se rincer le sifflet, boire.

France, 1907 : Voix, bouche.

Siffler

d’Hautel, 1808 : Faire siffler la linote à quelqu’un. Le faire attendre en plein air ; lui faire croquer le marmot.
Il n’a qu’à siffler. Pour dire, il est obéi à la parole.
Il n’y a qu’à siffler et remuer les doigts. Pour dire, c’est une chose fort aisée.

Larchey, 1865 : Boire.

Il a sifflé pour dire : il a bu, parce que les lèvres ont à peu près le même mouvement.

Le Duchat, 1738.

Tiens, vieux chéri, siffle-moi ça, ça va te remettre.

E. Sue.

Delvau, 1866 : v. a. Dépenser. Avoir tout sifflé. Être ruiné.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Boire ou manger, mais surtout boire, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce verbe depuis plus d’un siècle, comme le prouvent ces vers d’une chanson du commencement du XVIIe siècle :

Lorsque je tiens une lampée
Pleine de vin, le long de la journée,
Je siffle autant que trois.

Rigaud, 1881 : Boire d’un coup, boire promptement.

La Rue, 1894 : Boire. Dépenser. Siffler au disque, attendre, se morfondre.

France, 1907 : Boire.

J’avais ma place réservée à une table de bois blanc dans l’angle de la grande salle commune, et je restais là à fumer pipe, en rêvassant, en regardant les gens du bourg qui, près de moi, sifflaient des bouteilles ou jouaient au billard.

(Fernand Vandérem)

Siffler au disque

Rigaud, 1881 : Se morfondre. Allusion à la manœuvre des mécaniciens des chemins de fer. Avait primitivement le sens restreint d’attendre de l’argent.

Virmaître, 1894 : Demander de l’argent à quelqu’un ; le solliciter d’ouvrir son porte-monnaie. Allusion au mécanicien qui siffle au disque pour demander l’ouverture de la voie (Argot du peuple).

France, 1907 : Attendre, demander principalement de l’argent ; allusion au mécanicien d’une locomotive qui siffle au disque pour demander passage.

— Rien à faire de cette femme-là… J’air sifflé au disque assez longtemps… Pas mèche… La voie est barrée. — Nous savons votre façon de siffler au disque, dit Christian, quand il eut compris cette expression passée de l’argot des mécaniciens dans celui de la haute gomme.

(Alphonse Daudet)

Siffler la linotte

Delvau, 1866 : v. a. Appeler sa maîtresse avec un cri ou un air convenus ; faire le pied de grue.

Rigaud, 1881 : Attendre dans la rue.

France, 1907 : Attendre vainement quelqu’un ; en autre terme argotique, faire le pied de grue.

Le peuple, au lieu de faire le pied de grue, s’est mis à siffler la linotte, parce qu’il n’ignore pas qu’on perd son temps et sa peine en voulant siffler cette bête évaporée.

(Émile Gouget)

Sifflet

d’Hautel, 1808 : Couper le sifflet à quelqu’un. Pour dire, le rendre muet et confus ; l’interdire, le mettre hors d’état de répondre.

Larchey, 1865 : Gosier. — Comparaison facile à deviner. Vidocq donne aussi siffle pour voix.

Qu’en te coupant le sifflet, quelqu’un délivre le royaume.

La Nouvelle Mazarinade, 1652.

Se rincer, s’affuter le sifflet : Boire.

Là, plus d’un buveur bon apôtre, Venait se rincer le sifflet.

Colmance, Ch.

Faut pas aller chez Paul Niquet Six fois l’jour s’affuter le sifflet.

P. Durand, Ch. 1836.

Delvau, 1866 : s. m. Gorge, gosier, — entonnoir à air et à vin. S’affûter le sifflet. Boire. On dit aussi Se rincer le sifflet. Couper le sifflet à quelqu’un. Le forcer à se taire, soit en lui coupant le cou, ce qui est un moyen extrême, soit en lui prouvant éloquemment qu’il a tort de parler, ce qui vaut mieux.

Rigaud, 1881 : Voix, gosier. — Couper le sifflet, tuer, interrompre, faire taire. Étonner au point de rendre l’interlocuteur muet. — Raboter le sifflet, brûler le gosier.

Hein ! ça rabote le sifflet ! Avale d’une lampée.

(É. Zola.)

Se rincer le sifflet, boire.

Merlin, 1888 : Canon. — Il en a tant soit peu la forme, et sa détonation peut être comparée à un sifflement gigantesque. L’un et l’autre servent, d’ailleurs, de signal de combat.

Rossignol, 1901 : Le cou.

Rossignol, 1901 : Habit de cérémonie.

Hayard, 1907 : Habit à queue de morue.

France, 1907 : L’habit noir, appelé ainsi à cause de la forme.

Derrière Harimina, formant un groupe sympathique, voici le père, en sifflet, la mère, en robe de velours à traine, les quatre demoiselles d’honneur, essaim bourdonnant de petites demi-vierges, aux grands yeux luisant de prometteuses précocités.

(Émile Blavet)

On dit aussi sifflet d’ébène.
Dans une invitation à un dîner de la Société nationale des professeurs de français en Angleterre, on lit ce nota bene :

N. B. — On est prié de ne pas endosser le « sifflet d’ébène », alias habit noir — evening dress, comme disent les Anglais.

France, 1907 : Cou, gosier, gorge. Se rincer le sifflet, boire. Couper le sifflet, égorger, guillotiner.

Les aminches et les gigolettes,
Ceux de Belleville et de la Villette,
Viendront nous voir couper le sifflet
Si ça leur fait pas trop d’effet.

(Sellier, dit le Manchot de Montmartre)

Se dit aussi pour surprendre, étonner ; même sens que couper la chique.

France, 1907 : Canon ; argot militaire.

Sifflet (avaler son)

France, 1907 : Mourir.

Sheffield avait d’excellentes raisons pour ne pas se soucier de prouver son identité, aussi, d’un revers de main, se débarrassa-t-il de l’agent ; mais le voyant porter son sifflet à ses lèvres, il le lui enfonça dans la bouche avant qu’il eût pu en tirer un couac, et si profondément que le malheureux ne put le recracher.
— Voilà, dit cyniquement Sheffield, ce qui s’appelle avaler son sifflet !

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

Sifflet d’ébène

Rigaud, 1881 : Habit noir.

Virmaître, 1894 : V. Habit à queue de morue.

Siffleur

France, 1907 : Professeur de droit en chambre qui prépare les candidats aux examens.

On dit que Le Gendre qui n’est qu’un misérable siffleur, logé dans un galetas auprès de Notre-Dame, a tous les ans plus de récipiendaires que Bocage qui est un habile docteur.

Siffran

France, 1907 : Planche dont se servent les tailleurs pour presser les étoffes ; corruption de six-francs.

Il y avait une planche en noyer, dite siffran, dont les tailleurs se servent pour repasser les coutures et presser les étoffes.

(Aug. Macé)

Sig

France, 1907 : Pièce de vingt francs. Voir Sigue.

Après séance, aux bons larbins
Donne des sigs ou des rotins.

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Sig-de-bord

un détenu, 1846 : Chapeau.

Sigisbéisme

France, 1907 : Action de rendre des soins assidus à une femme, de se faire son cavalier servant ; de sigisbée, venu de l’italien cicisbeo.

Sigle

France, 1907 : Voir Sigue.

Signe

d’Hautel, 1808 : Il faut faire un grand signe de croix. Se dit par raillerie, pour marquer l’étonnement, la surprise que l’on éprouve de voir faire une chose à quelqu’un, ou de recevoir la visite d’une personne que l’on n’a vue depuis long-temps.
Signe. Indice, marque d’une chose. Ce mot est souvent employé par le peuple, pour seing (signature).

Hayard, 1907 : Pièce de vingt francs.

Signe d’argent

Delvau, 1866 : s. m. Le stercus humain, — dans lequel il est bon de marcher, paraît-il, parce que cela porte bonheur.

Signe de la croix des pochards

France, 1907 : Émile Zola, dans l’Assommoir, donne l’explication de cette singulière expression :

Coupeau se leva pour faire le signe de la croix des pochards. Sur la tête il prononça Montparnasse, à l’épaule droite Ménilmontant, à l’épaule gauche la Courtille, au milieu du ventre Bagnolet et dans le creux de l’estomac trois fois Lapin sauté.

Signe du bélier

France, 1907 : Constellation qui préside au cocuage. Allusion aux cornes.

Celui que le guignon fit naître
Sous le signe ingrat du bélier,
Se tourmente pour mieux connaître
Ce qu’il ferait bien d’oublier…
Veut-il fuir des chagrins sans bornes ?
Qu’il change ses yeux pour des cornes,
À l’exemple de l’escargot !

(M. Guitard)

Signe, cigale

Rigaud, 1881 : Pièce d’or. Son chant est plus mélodieux que celui de la cigale.

La Rue, 1894 : Pièce de 20 fr. Demi-signe, dix francs.

Signer

d’Hautel, 1808 : Se signer. Pour dire, faire le signe de la croix.

Signer des orteils

Virmaître, 1894 : Le pendu, dans ses derniers tressaillements, agite les pieds (Argot du peuple).

Signer des orteils (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se pendre ou être pendu, — dans l’argot du peuple, qui fait allusion aux derniers tressaillements des suicidés ou des condamnés.

Signer le rapport

France, 1907 : Voir Ordre.

Signifier en queue

France, 1907 : Argot d’avoué dont le passage suivant donne l’explication :

Comme on n’aurait pas le temps de transcrire une requête entière, l’avoué se contente de signifier à l’avoué de son adversaire une fin de requête ; puis, lorsque vient le moment de la taxe, si elle est requise, la pièce est fictivement rétablie après coup, et soufflée de manière à produire un chiffre de rôles proportionné a l’importance de l’affaire. C’est ce qui s’appelle, en argot d’étude, signifier en queue.

(Altaroche, L’Avoué)

Sigue

M.D., 1844 : Pièce d’or.

un détenu, 1846 : Pièce de vingt francs.

Halbert, 1849 : 20 francs.

Virmaître, 1894 : Pièce de vingt francs (Argot des voleurs).

France, 1907 : Pièce de vingt francs. C’est sigle qu’il faudrait dire, du nom d’une monnaie qui, chez les Grecs et les Romains, pesait deux drachmes et valait un quart d’once.

Pour eun’ thune a’r’tir’ son chapeau,
Pour deux thun’ a’r’tir’ son manteau,
Pour un sigue on la déshabille
À la Bastille.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Boîte à sigues, gilet.

Sigue (double)

Halbert, 1849 : 40 francs.

Sigue (un demi)

Virmaître, 1894 : Pièce de dix francs (Argot des voleurs).

Sigue, sigle

Larchey, 1865 : Pièce d’or (Vidocq). Abrév. de cigale.

Silence

d’Hautel, 1808 : Silence ! notre chat danse. Dicton ironique et populaire, pour tourner en ridicule une personne qui affecte de recommander aux autres le silence, quoique ses occupations ne soient rien moins que sérieuses.

Delvau, 1866 : s. m. Audiencier, — dans l’argot des voyous, habitués de police correctionnelle ou de cour d’assises.

Rigaud, 1881 : Huissier-audiencier. (Fr. Michel.)

France, 1907 : Huissier audiencier. Allusion à son cri continuel.

Silo

France, 1907 : Les silos proprement dits sont des trous profonds creusés dans la terre où les Arabes renferment leurs graines. Dans les premiers temps des guerres d’Afrique, l’on s’est servi de ces trous pour y enfermer les soldats indisciplinés ou simplement punis lorsque ces silos, vidés au préalable, se trouvaient dans le voisinage des camps. Plus tard on en creusa spécialement l’usage de certains corps tels que les compagnies de discipline et les bataillons d’Afrique. On descendait le coupable dans le trou au moyen d’une échelle et on l’y laissait jusqu’à l’expiration de la peine infligée par le colonel ou même par un simple sous-officier.

La discipline des armées de mer est aussi sévère que celle des compagnies d’Afrique, et pèse sur des hommes qui n’ont jamais été condamnés. Huit jours de fers à fond de cale ne sont pas plus cruels que huit jours de fers dans les silos.

(Général Lewal)

Le silo, noir tombeau de forme circulaire,
Dans les camps africains, que l’on creuse sous terre,
Étroit à l’orifice et large dans le fond,
Humide, sale, obscur, implacable et profond,
Une trappe sinistre, une bouche béante
Qui saisit une proie et l’envahit vivante,
Un cercle ténébreux où l’homme jeté seul,
Semble un mur oublié, sans croix et sans linceul,
Car l’on vous y descend de la seule manière
Qu’en un sombre sépulcre on descend une bière !

(Léonce Fargeas, Le Silo)

Silos

Fustier, 1889 : Punition infligée aux soldats des compagnies de discipline.

Simagrée

d’Hautel, 1808 : Minauderie, grimace, afféterie ; manière d’agir ridicule et sotte.

Sime

Delvau, 1866 : s. f. Patrouille, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Patrouille. J’ai cherché en vain la raison de cette expression, elle n’a pu m’être expliquée, même par des récidivistes ; comme elle est usuelle, je la donne (Argot des voleurs).

Similia similibus curantur

France, 1907 : Les semblables sont guéris par les semblables ; maxime des homœopathes.

Simon

Larchey, 1865 : « La maison où les vidangeurs travaillent est appelée par eux atelier et le propriétaire de cette maison est appelé par eux Simon. » — Berthaud.

Delvau, 1866 : s. m. Propriétaire, — dans l’argot des ouvriers viveurs. Aller chez Simon. Aller « où le roi va à pied », — dans l’argot des bourgeoises.

Rigaud, 1881 : Bourgeois, propriétaire de la maison où l’on vide les latrines, — dans le jargon des vidangeurs.

Simon (aller chez)

France, 1907 : Aller aux lieux d’aisances.

Simone (la)

Virmaître, 1894 : Vol à la tirelire. Ce vol est pratiqué par de faux vidangeurs. On nomme ces voleurs des simonneurs parce que ce truc fut inventé par un nommé Simon (Argot des voleurs).

Simoneur

France, 1907 : Escroc.

Simonner

La Rue, 1894 : Escroquer.

France, 1907 : Escroquer, tricher ; de simonie.

Simoun

France, 1907 : Voir Siroco.

Simple

Delvau, 1866 : s. et adj. Niais, dans l’argot du peuple, qui a un faible pour les roublards. Les Anglais ont la même expression : Flat, plat, — nigaud.

La Rue, 1894 : Dupe. Malfaiteur par occasion.

France, 1907 : Malfaiteur d’occasion qui ne connait pas encore les roueries du métier. C’est aussi la dupe à voler.

Simpliste

France, 1907 : Écrivain qui écrit naturellement en bon français sans chercher es phrases ronflantes et des mots inconnus, Partisan de la réforme simplifiée de l’orthographe.

Simve

M.D., 1844 : Homme de bonne foi.

Sinade

France, 1907 : Tabac à priser. Terreau.

Sinade, terreau

La Rue, 1894 : Tabac à priser.

Since

France, 1907 : Patrouille.

— Passe devant et allume si tu remouches la since ou la patraque.

(Mémoires de Vidocq)

Sinderesse

France, 1907 : Envie de mal faire.

Parmi ceux de la bande était certain voleur
Nommé le Fèvre, ayant jadis eu de l’honneur.
Il avait beau se voir de quoi vivre à son aise,
Il lui venoit parfois certaine sinderesse.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Sine Cerere et Baccho friget Venus

France, 1907 : Sans Cérès et sans Bacchus, Vénus se gèle. Locution latine tirée de Térence, « Il faut bien boire et bien manger pour être vigoureux en amour. » Conseil aux amoureux transis. Vive l’amour après diner ! dit un dicton de nos pères.

Sine nomine vulgus

France, 1907 : Le vulgaire sans nom, la foule, le commun des mortels.

Sine qua non

Larchey, 1865 : La chose indispensable. — Sine qua non possumus s’entend ordinairement de l’argent.

L’entretien est le sine quâ non de l’élégance.

Balzac.

France, 1907 : Argent. Locution latine, mot à mot : la chose indispensable, sans laquelle on ne peut rien. Voir Quibus.

Sine scandalo

France, 1907 : Sans scandale. Latinisme d’église. « Le gros vicaire couche avec ses plus jolies pénitentes sine scandalo, persuadé, comme Tartufe, que
le scandale du monde est ce qui fait l’offense,
Que ce n’est pas pécher que pécher en silence. »

Sinfe

un détenu, 1846 : Volé qui tient le voleur.

Singe

d’Hautel, 1808 : Payer en monnoie de singe, en gambades. Se moquer de celui à qui l’on doit, au lieu de le satisfaire. Ce proverbe vient de ce qu’autre fois les bateleurs qui montroient des singes, étoient obligés, pour tout péage, à l’entrée des villes, de faire danser leurs singes. ACAD.
Singe. C’est le nom que les imprimeurs à la presse donnent aux compositeurs qui ne font pour ainsi dire que copier le manuscrit, et pour se venger de ces derniers, qui les appellent ours.
C’est un vrai singe.
Se dit d’un homme qui imite avec trop d’affectation les gestes d’un autre homme.
Adroit comme un singe. Se dit d’un homme agile et industrieux.
Malin comme un singe. Se dit d’un enfant fort espiègle, très-avisé.

Halbert, 1849 : Chef d’atelier, le patron.

Larchey, 1865 : « En revanche, les ours ont nommé les compositeurs des singes à cause du continuel exercice qu’ils font pour attraper les lettres dans les cinquante-deux petites cases où elles sont contenues. » — Balzac.
Monnaie de singe : Grimace. V. Roupie.

Il la payait, comme dit le peuple en son langage énergique, en monnaie de singe.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Patron, — dans l’argot des charpentiers, qui, les jours de paye, exigent de lui une autre monnaie que celle de son nom.

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier compositeur, — dans l’argot des imprimeurs.

Rigaud, 1881 : Patron. Nom donné primitivement par les peintres en bâtiment aux bourgeois qui les employaient, et, par extension, par tous les ouvriers à leurs patrons. Aujourd’hui ce sobriquet est trop connu pour qu’il soit employé en présence du patron ou’ du contre-maître. Dans la plupart des ateliers on choisit un sobriquet qui rappelle soit les mœurs, soit les habitudes, soit une infirmité du patron.

Rigaud, 1881 : Apprenti typographe.

Boutmy, 1883 : s. m. Ouvrier typographe. Ce mot, qui n’est plus guère usité aujourd’hui et qui a été remplacé par l’appellation de typo, vient des mouvements que fait le typographe en travaillant, mouvements comparables à ceux du singe. Une opinion moins accréditée, et que nous rapportons ici sous toutes réserves, attribue cette désignation à la callosité que les compositeurs portent souvent à la partie inférieure et extérieure de la main droite. Cette callosité est due au frottement réitéré de la corde dont ils se servent pour lier leurs paquets.

Les noms d’ours et de singe n’existent que depuis qu’on a fait la première édition de « l’Encyclopédie », et c’est Richelet qui a donné le nom d’ours aux imprimeurs, parce que, étant un jour dans l’imprimerie à examiner sur le banc de la presse les feuilles que l’on tirait, et s’étant approché de trop près de l’imprimeur qui tenait le barreau, ce dernier, en le tirant, attrape l’auteur qui était derrière lui et le renvoie, par une secousse violente et inattendue, à quelques pas de lui. De là, il a plu à l’auteur d’appeler les imprimeurs à la presse des ours, et aux imprimeurs à la presse d’appeler les compositeurs des singes.

(Momoro.)

Autrefois MM. les typographes se qualifiaient pompeusement eux-mêmes du titre d’hommes de lettres, et MM. les imprimeurs de celui d’hommes du barreau.

Virmaître, 1894 : Patron. Presque tous les corps de métiers, à l’exception des chapeliers, nomment leur patron un singe. Singe, ouvrier compositeur. Ce n’est pourtant pas dans un atelier de typographie qu’il faut chercher des grimaces (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Patron.

Hayard, 1907 : Patron.

France, 1907 : Viande de conserve ; argot militaire.

Comme de coutume au régiment le 14 juillet on nous a fait faire ripaille. Les grands chefs avaient ordonné à nos sacrés capitaines de bien nourrir leurs hommes.
Ah ! ils nous ont bien nourris !
Un de ces gradés n’a rien trouvé de mieux que de nous faire bouffer du singe.
Tu dois penser que ça ne doit pas être fameusement ragoûtant. Il s’en faut ! C’est de la bidoche qui a au moins cinq ans de magasin et qui, peut-être, est en conserves depuis six ou huit ans…, sinon plus !

(Le Père Peinard)

France, 1907 : Sobriquet donné autrefois aux ouvriers typographes à cause des gestes saccadés qu’ils font en levant la lettre. Ce mot a été remplacé par celui de typo.

France, 1907 : Petite fille ou femme laide, chétive, disgracieuse.

— Conment ! ce petit laideron que j’ai accueillie par charité, cette horreur que je suis forcé de voir chaque jour à ma table, qui a déjà apporté chez moi une maladie contagieuse… cette petite guenon, amenant le vice chez nous, est la cause de la mort de ce pauvre garçon… L’imbécile ! un singe comme ça !

(A. Bouvier, La Grêlée)

France, 1907 : Patron, directeur, chef, maître quelconque. Ce sobriquet est général, il est passé des ouvriers, des domestiques, aux employés de magasins et de bureaux.

France, 1907 : Dessin d’imitation ; argot des polytechniciens.

Le singe imite tout ce qu’il voit faire, de là le mot singe employé pour désigner le dessin d’imitation… Les uns dessinent d’après les estampes, d’autres le paysage, d’autres des chevaux ; une section occupe un petit amphithéâtre réservé à la bosse ou à l’étude du modèle vivant. Ces différents genres de dessin sont ce qu’on appelle le singe mort, le jodot, les zèbres et le singe vivant.

(Albert Lévy et G. Pinet)

anon., 1907 : Patron.

Singe (patenotres de)

France, 1907 : Grimaces. Voir Monnaie de singe.

Singe à rabat

France, 1907 : Magistrat ; argot des voleurs.

Singe botté

Delvau, 1866 : s. m. Homme amusant, gros farceur, dans l’argot des bourgeoises.

Singe bottée

France, 1907 : Homme comique, amusant, quelque peu ridicule ; argot populaire.

Singe de la rousse

Rigaud, 1881 : Officier de paix, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Officier de paix ; argot des voleurs.

Singe en Afrique (aller chercher un)

Merlin, 1888 : Partir pour les compagnies de discipline.

Singe, singesse

La Rue, 1894 : Patron, patronne. Faire le singe, attendre.

Singeresse

France, 1907 : Maîtresse de maison, femme du maître, du patron ; argot populaire.

Singeries

Delvau, 1866 : s. f. Grimaces, mines hypocrites, comédie de la douleur, — dans l’argot du peuple, qui n’aime pas les gens simiesques.

Singesse

Rigaud, 1881 : Patronne, femme du patron. — Prostituée, — dans le jargon des femmes du monde.

Single

Rossignol, 1901 : Pris de boisson.

Singleurs

Virmaître, 1894 : Les doigts (Argot du peuple). V. Salsifits.

France, 1907 : Les doigts ; argot des voleurs.

Singulier pistolet

Delvau, 1866 : s. m. Homme bizarre, original, qui ne fait rien comme tout le monde, part quand il faudrait rester, et reste quand il faudrait partir.

Sinqui

Halbert, 1849 : Cela.

Sint ut sunt, aut non sint

France, 1907 : Qu’ils soient tels qu’ils sont, ou qu’ils ne soient pas. Paroles prononcées par le général des Jésuites Laurent Ricci, au pape Clément XIV qui voulait exiger des modifications dans les statuts de l’ordre.

Sinve

Larchey, 1865 : Dupe. — Corruption du mot simple. — V. Affranchir, Rifle.

Delvau, 1866 : s. m. Homme simple, imbécile, bon à duper, dans l’argot des voleurs. Quelques lexicographes de la rue affirment qu’on écrit et prononce sinvre. Affranchir un sinve. Faire d’un paresseux un voleur, ou d’un débauché un escarpe.

Rigaud, 1881 : Simple, niais.

La Rue, 1894 : Simple, niais. Dupe, victime. Asinver, abêtir.

Virmaître, 1894 : Bonne tête, bon à fabriquer. Synonyme de pante argoté. Affranchir un sinve : rendre un imbécile, canaille et voleur. Il n’y a souvent pas grande besogne à faire (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Voir pantre.

Hayard, 1907 : Homme naïf.

France, 1907 : Crédule, simple, dupe. Faire le sinve, avoir peur.

— L’ami, m’a-t-il dit, tu n’as pas l’air brave. Ne va pas faire le sinve devant la carline.

(Victor Hugo)

Sinverie

Rigaud, 1881 : Niaiserie.

Sinverie, sinvinerie

France, 1907 : Niaiserie.

Sinves (des)

Halbert, 1849 : Des simples.

Sinvine

France, 1907 : Niaise.

Sinvinerie

Delvau, 1866 : s. f. Niaiserie.

Sinvre

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Niais, idiot. Faire le sinvre, faire la bête.

Bras-de-Fer, 1829 : Bête.

Sioner

Clémens, 1840 : Assassiner.

Sioniste

France, 1907 : Nom que se donnent les juifs qui aspirent à reconstituer le royaume de Sion, c’est-à-dire à restituer dans son intégrité la nationalité hébraïque.

On nous reproche, disent les sionistes, de ne pas avoir de patrie, d’être des étrangers dans les pays que nous habitons, où nous subissons des lois que vous n’avons pas toujours faites et qui, en certains lieux, sont des lois d’exception contre nous. Hé bien ! ayons une patrie ! La prophétie disant que nous resterons dispersés ne vaut pas plus, devant la raison humaine, que celle qui assure que le temple ne sera pas rebâti. Réunissons-nous et faisons-la mentir…
À vrai dire, je ne crois guère à la réussite du projet des sionistes. Ils pourraient, à la rigueur, fonder une colonie juive, s’administrant librement sous la loi de Moïse. Mais ceci ne serait que la reprise et le développement de l’entreprise patronnée par le baron de Hirsch au profit des juifs persécutés en Roumanie on en Russie. Quant à reconstituer d’un coup une nationalité, les conditions économiques et politiques de notre temps paraissent s’y opposer. De plus, sans parler de certaines divisions qui existent, assez profondes, parait-il, entre les diverses « nations juives », — les juifs portugais, par exemple, ressemblent peu aux juifs polonais ou de la vallée du Danube, — l’idée sioniste me parait arriver trop tard. Sa raison d’être, c’est que les juifs — c’est là le terrain sur lequel on s’est placé au congrès — ne sont pas devenus les nationaux de leurs pays d’élection. Ceci n’est pas vrai partout. Ce n’est même vrai que dans un certain nombre de pays où, du fait de leur situation exceptionnelle, les juifs, même assez nombreux, n’ont pas la puissance financière que voudrait une grande entreprise. On trouverait en Russie bien des israélites prêts à aller chercher une nouvelle patrie. Mais auraient-ils les ressources nécessaires pour l’essayer ? Dans presque tous les autres pays d’Europe, en France, en Angleterre, en Allemagne, les israélites sont riches et, par cette richesse même, se sont assimilés à la nation au milieu de laquelle elle fut créée.

(Nestor, Écho de Paris)

Sionneur

France, 1907 : Assassin. Voir Scionneur.

Les sionneurs sont ceux qui, après minuit, vous attendent au coin d’une rue, vous abordent le poing sur la gorge en vous demandant la bourse ou la vie.

(Mémoires de M. Claude)

Siphon

France, 1907 : Tête ; argot populaire.

Selon l’époque, ceux qui ont des idées dans le siphon, — les galeux d’où vient tout le mal, changent de nom, — rien que de nom ! Dans le temps, les Rouges et les Partageux ont été des monstres rudement à la mode. Aujourd’hui, c’est le tour aux anarchos.

(Père Peinard)

Siphon (faire)

Fustier, 1889 : Argot du peuple. Vomir.

Sir

France, 1907 : Titre que les Anglais donnent aux baronnets et qui doit toujours être suivi du prénom, sir Charles Dilke, sir Walter Scott, à l’encontre du titre lord qui précède directement le nom, lord Salisbury, lord Byron. Dans la conversation ou la correspondance, on appelle sir toute personne à qui l’on s’adresse ; ce mot signifie alors simplement Monsieur, mais il n’est jamais suivi du nom de la personne. Nos voisins se moquent beaucoup de l’ignorance de certains de nos journalistes qui, dans le compte rendu de réunions publiques, gratifient du titre de sir de simples artisans : sir Bertrand, menuisier ; sir Patachon, cordonnier.

Sirandane

France, 1907 : Rébus, devinette ; mot créole mauricien. Ainsi : « Moi connais une mamzelle qui manze ses tripes et boit son sang. — Une lampe. » Autre sirandane : « Mamzelle est là-haut sur le cimin, tout le monde qui passe embrasse sa bouce. Qui ça ? — La fontaine. »

Sirène

Delvau, 1864 : Fille publique qui cherche à attirer l’homme en chantant, — pour le faire chanter a son tour.

Sirène de la gare Saint-Lazare

France, 1907 : On appelait ainsi des prostituées faisant partie d’une bande de malfaiteurs qui, vers 1875, rôdaient autour de la gare Saint-Lazare et attiraient les voyageurs dans des coupe-gorge où ils étaient dépouillés.

Sirène de moulin (chanter comme une)

France, 1907 : Chanter comme une ânesse.

Siroco

France, 1907 : Nom donné sur les côtes de la Méditerranée à un vent violent du sud-est. C’est le même vent qui souffle dans le désert et que les Arabes appellent simoun. Siroco est une corruption de l’italien seiroco.

Les fiers petits coquelicots
Sont plus jolis qu’ils ne sont braves,
Les brises et les sirocos
Fripant leurs costumes suaves,
En feront vite des épaves.

(Maurice Vaucaire)

Sirop

Delvau, 1866 : s. m. Vin, — dans l’argot des faubouriens, qui ont l’honneur de se rencontrer avec Rabelais : « Après s’être bien antidoté l’haleine de sirop vignolat, » dit l’immortel Alcofribas Nasier. Avoir un coup de sirop de trop. Être ivre.

Rigaud, 1881 : Vin. — Un coup de sirop.

Sirop (coup de)

France, 1907 : Commencement d’ivresse.

Sirop d’alfa

Merlin, 1888 : Absinthe.

Sirop de baromètre

Rigaud, 1881 : Eau. Variante : Sirop de grenouilles.

France, 1907 : Mercure administré aux victimes de la Vénus malsaine.

Sirop de crapule

France, 1907 : Eau-de-vie.

Sirop de giberne

Merlin, 1888 : Pour sirop de Gibert.

Sirop de grenouille

France, 1907 : Eau.

… Sur ma table, en face de moi, est une bouteille de forme ordinaire. Elle est remplie d’un liquide incolore, inodore, insipide, pour parler le langage des chimistes, qui vous ferait l’effet d’être purement et simplement ce qu’une petite dame française me disait l’autre jour être appelé du sirop de grenouilles.

(Hector France, Les Mystères du Monde)

Sirop de l’aiguière

France, 1907 : Eau.

Sirop de macchabée

Virmaître, 1894 : Allusion aux gens qui se noient. Ils sirotent bien malgré eux l’eau de la rivière (Argot des voleurs).

Sirop de navet

Delvau, 1864 : Le sperme, par allusion à la forme du navet et à sa couleur.

Sans donner l’temps qu’ell’ réfléchisse,
J lui r’passe, afin qu’a s’ rafraîchisse,
D’la liqueur du nœud conjugal
Et l’ sirop d’ navet pectoral.

(Chanson anonyme moderne.)

Sirop de parapluie

France, 1907 : Eau.

Sirop de vessie

France, 1907 : Urine ; argot militaire.

Or, à ce moment même, une scène bizarre se passait sous les yeux des dragons, et attirait l’attention des officiers.
Maître Bastringue, après avoir flairé curieusement le pantalon de son maître, ne s’était-il pas avisé de lever l’aileron, et d’injecter ledit vêtement de certain liquide que, dans leur langage imagé, les troupiers appellent sirop de vessie.

(Théodore Cabe)

Siroter

d’Hautel, 1808 : Gobelotter, faire débauche de vin ; grenouiller, lamper, ivrogner.

Larchey, 1865 : Boire.

Son bonheur était d’aller siroter le vin à dix de la Courtille.

Ricard.

Delvau, 1866 : v. n. et a. Nettoyer à fond la tête de quelqu’un, la bien peigner, friser et pommader. Argot des coiffeurs.

Delvau, 1866 : v. a. Boire plus que de raison. Signifie aussi Boire à petits coups.

Rigaud, 1881 : Coiffer, friser et pommader avec soin, — dans le jargon des coiffeurs.

Rigaud, 1881 : Boire à petits coups. Savourer ce qu’on boit.

France, 1907 : Boire. Siroter une négresse, boire une bouteille de vin.

Ils étaient vieux. Ils étaient deux :
Elle, était simplement sa bonne,
Lui n’avait servi que Bellone,
Ils étaient encore amoureux.
Le vieux aimait à siroter
Et souvent, la nuit, après boire,
L’ancien ne pouvait plus chanter victoire !

(Aristide Bruant)

Siroter le bonheur

Delvau, 1866 : v. a. Être dans la lune de miel. Argot des faubouriens.

Siroteur

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne.

Siroteur, siroteuse

Rigaud, 1881 : Celui, celle qui boit à petits coups, qui déguste ce qu’il boit.

France, 1907 : Ivrogne, ivrognesse ; argot faubourien.

Sisez-vous

France, 1907 : Asseyez-vous.

Sisez-vous donc dessus ces bancs.
Cheminaux, vieux conteux d’sornettes,
Courandiers, j’ons du bon p’tit vin,
Traineurs de peill’s et de besaces,
Mèn’-tout, va-nu-pieds, grands flandrins,
Venez vous couleurer la face.

(Hugues Lapaire, Noël berriand)

Sit nomen

France, 1907 : Argent. Cette expression vient des anciennes pièces de cinq francs à l’effigie de Louis XV et de Louis XVI, qui portaient au revers autour de l’écu fleurdelisé la devise : Sit nomen Domini benedictum.

Sit pro ratione voluntas

France, 1907 : Que ma volonté serve de raison. Locution tirée de Juvénal et qu’on applique au despotisme, où a une impérieuse volonté.

Sit tibi terra leves !

France, 1907 : Que la terre te soit légère. Locution latine à l’adresse des morts tirée de Martial.

Sitrin

Halbert, 1849 : Noir.

France, 1907 : Noir.

Sitron

Halbert, 1849 : Aigre.

Sivage

France, 1907 : Vol de poules.

Sive

Rigaud, 1881 : Poule.

France, 1907 : Poule ; vieux mot, du romain chiveli.

Siveur

France, 1907 : Voleur de poules.

Six

Larchey, 1865 : Chandelle de six à la livre.

Voyons que j’allume ce bout… Tiens, vous usez des six, Plumet, c’est comme moi.

Ricard.

Delvau, 1866 : s. f. Une des six chandelles dont se compose un paquet d’une livre. Brûler des six. N’employer que ces chandelles-la.

Six broqué !

France, 1907 : En route ! Partons ! argot des voleurs.

Six et trois font neuf

Rigaud, 1881 : Boiteux. Allusion à l’allure inégale des boiteux dont les pas semblent marquer des nombres différents.

France, 1907 : Boiteux.

Six francs

Rigaud, 1881 : Planche à repasser à l’usage des tailleurs.

Six-francs

Delvau, 1866 : s. m. Outil de bois sur lequel on repasse les habits, — dans l’argot des tailleurs.

Six-quatre-deux (à la)

Delvau, 1866 : adv. Sans soin, sans grâce, à la hâte, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : À la diable, en un clin d’œil.

Elle se cambra sur sa chaise, les yeux brillants de la conversion qu’elle venait d’opérer à la six-quatre-deux, le temps de pousser un ainsi soit-il.

(Hennique.)

France, 1907 : Sans soins, négligemment. Ouvrage fait à la six-quatre-deux. « Le brouillon, pour qui l’ordre est chose secondaire, est censé compter n’importe comment au lieu d’énumérer les nombres rationnellement. » Telle est l’explication que donne M. L. Esquieu dans l’Écho du public.

Shakespeare, — qui passe pour ne pas avoir été une tourte — jouait ses pièces à la six-quat’ deux ; quasiment sans décors.

(Le Père Peinard)

Sixième

France, 1907 : Haute casquette de soie noire comme en portaient, il y a quelques années, les souteneurs, et qu’on appelait aussi casquette à trois ponts.

Sixième dessous

France, 1907 : État complet de misère ou de prostration.

Sixième sens

France, 1907 :

Au lendemain de la révolution de Février, les caricatures représentaient toujours Victor Censidérant, qui était un ardent fouriériste, pourvu d’une queue longue et souple comme celle du singe, avec un œil au bout. Pourquoi ? Parce que Fourier avait annoncé que l’homme, aujourd’hui très incomplet, mais éternellement perfectible, acquerrait, par la suite des temps, un sixième sens. On riait beaucoup de cette prophétie, vers 1850, et l’amusant crayon de Cham avait symbolise le sixième sens par cet œil au bout de cette queue.
Mais, après tout, l’idée de Fourier est-elle si folle ? S’il a voulu dire — et c’est probable — que l’homme, dans quelques milliers d’années, différerait autant de nous que nous différons de l’anthropoïde du globe primitif, et que ses cinq sens, infiniment plus subtils et plus délicate que les nôtres, le rendraient très supérieur à l’homme actuel, il n’y a là, vraiment, aucune absurdité, mais quelque chose comme une théorie avant-courrière de celle de Darwin.

(François Coppée)

Skatinage

France, 1907 : Patinage à roulettes ; anglicisme.

Skating à mouche

Virmaître, 1894 : La tête. Les mouches, quand l’homme est chauve, y patinent à leur aise (Argot du peuple). N.

Skating, skating ring

France, 1907 : Enceinte pour patiner ; anglicisme, de skate, patin, et ring, cercle.

Slasse

France, 1907 : Ivre : abréviation de soulasse ; de même on a fait slasser, saouler.

Slasser

France, 1907 : Saouler.

Slassique

La Rue, 1894 : Ivre. Slassiquer, s’enivrer.

France, 1907 : Voir Slasse.

Slaze

Fustier, 1889 : Ivrogne.

Sleeping-car

France, 1907 : Wagon-lit, Anglicisme.

Notre manie d’imiter les Anglais est telle que, sur nos chemins de fer, les trains prennent la gauche dans une double voie, selon l’usage anglais et contrairement à la coutume française, qui veut que, dans une rencontre de voitures, on prenne toujours la droite. Les wagons-lits sont des sleeping-cars et les wagons-restaurants des dining-cars.

(Pontarmé, Le Petit Parisien)

Smala

Delvau, 1866 : s. f. Famille, ménage, — dans l’argot des troupiers qui ont fait les campagnes d’Afrique. Se dit depuis la prise de la smala d’Abd-el-Kader par le duc d’Aumale.

France, 1907 : Ménage complet, femme, enfants et accessoires. Le mot vient d’Afrique. La smala ou smalah est le campement arabe, tentes, famille, troupeaux.

Smalah

Larchey, 1865 : Ménage, réunion de la femme, des enfants et du mobilier. Le mot vient d’Algérie.

Smart

France, 1907 : Élégance, bel air, recherches de manières et de décors, distinction d’allure, dandysme, fashion ; néologisme venu de l’anglais.

En 1885, on était bécarre, comme on avait été raffiné sous Charles IX, libertin sous Louis XV, talon rouge sous la Régence et plus tard incroyable. Le parfait bécarre devait porter des bottes pointues, un pantalon étriqué, le gilet blanc très ouvert, n’avoir qu’un seul gant à la main gauche et surtout paraître très gourmé, très Anglais et très sanglé. Hier, nous avions des snobs d’essence particulière, dont la colonie fréquente de préférence aux environs de l’Are de l’Étoile. On les reconnaissait à leur costume prétentieux, enjuponnés qu’ils étaient, rapporte la chronique de 1896, de longues redingotes, le col enfoncé dans des collets en velours, les épaules remontées presque un niveau des oreilles par le relief des manches, et s’efforçant en leur démarche d’avoir un air 1830. Maintenant, nous avons les petits jeunes très modernes, très envoyés, à qui le smart américain vient de jeter son dernier cri.

(Frédéric Loliée)

Smoking

France, 1907 : En Angleterre, jaquette d’intérieur, dont on se sert pour se mettre à l’aise, fumer au coin de son feu. Anglicisme, participe présent de to smoke, fumer. En France, vêtement de soirée qui remplace souvent l’habit, surtout pour les jeunes gens.

Moi, j’ai connu, dans un des premiers hôtels de Nice, un de ces rastaquouères que Scholl a dépeints si bien. Celui-là, tous les soirs, était en smoking ou en habit, mais il ne portait qu’un plastron, un col et des manchettes ! Il n’avait même plus de chemise !
Je l’ai retrouvé, depuis, dans une maison centrale.
Aujourd’hui, où la veste de bure a remplacé le smoking, il a du moins une bonne chemise de grosse toile !

(Mémoires de M. Goron)

Du vêtement le nom est passé à celui qui le porte.

Deux smokings, en butte aux sollicitations sans nombre des femmes du monde qui quêtent pour des œuvres de charité, échangent leurs doléances.
— Ah ! s’écrie l’un d’eux, qui nous délivrera des tapeuses patronnesses !

(Le Journal)

Smorzando

France, 1907 : En éteignant ; terme musical tiré de l’italien, indiquant que l’intensité des sons doit aller en diminuant, en mourant. Voir Sforzando.

Smuggler

France, 1907 : Contrebandier ; anglicisme. Se dit aussi d’un bâtiment qui fait la contrebande.

Snob

Delvau, 1866 : s. m. Fat, ridicule, vaniteux, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression au Livre des Snobs de Thackeray, comme si nous n’avions pas déjà le même mot sous une douzaine de formes.

France, 1907 : Individu vulgaire, vaniteux, imitateur grotesque des gens qui lui paraissent supérieurs ; imbu de sots préjugés, Anglicisme ; le mot a été mis à la mode en Angleterre par William Thackeray dans son Livre des Snobs. Snob, en argot anglais, signifie gniaf.

Snob, venant de l’argot anglais, doit se traduire en argot français, et signifie non plus même savetier, mais par conséquent gniaf. Voilà, n’est-il pas vrai, une manière bien peu subtile, un tour bien peu approché pour définir tel jeune fat où tel vieux mais, telle petite poulette ou telle grosse dinde, chez qui nous ne faisons que sentir un léger ralentissement de diction, au moment où ils articulent les titres et noms de quelque hôte autour duquel ils s’enorgueillissent d’aller faire tas ?

(Paul Hervieu, Le Journal)

Les boulevardiers, clubmen, snobs et autres serins, qui se piquent de tout juger, d’être au courant de tout…

(Fernand Vandérem)

Snob, snoboye

Rigaud, 1881 : Noble, beau, correct, — dans le jargon du peuple.

Snobisme

Delvau, 1866 : s. m. Fatuité, vanité.

France, 1907 : Étroitesse d’esprit, soumission aux préjugés.

Nous avons encore l’art, très précieux, des arrangements intérieurs. Quoi qu’il ait à dire du snobisme du bibelot, presque toujours un intérieur parisien se dispose agréablement. Là-dessus, Jenny l’ouvrière, quand elle attend son amoureux, est aussi ingénieuse et aussi adroite que la grande dame à qui obéissent les tapissiers.

(Colomba, Écho de Paris)

Le public aimerait mieux aller au feu que d’entrer en conflit avec les rois du pourboire. Il courbe la tête devant toutes les exigences des gens dont il paye le plus royalement les services. Il considère que c’est une vraie lettre de noblesse que l’indifférence affectée pour l’argent de poche qui alimente le budget des pourboires. Le point d’honneur s’est maintenant logé là, dans ce snobisme du monsieur qui a la monnaie facile. O comédie !

(Le Temps)

Snoboye

Larchey, 1865 : Très-bien. V. chocnoso.

Delvau, 1866 : adj. Parfait, excellent, chocnosof, — dans l’argot des faubouriens.

Snoboye !

France, 1907 : Excellent.

Snowboots

France, 1907 : Chaussures d’hiver contre la neige et le froid. Produit et mot d’importation anglaise.

C’est loin, les polaires palais !
Malgré les snowboots chauds et laids,
Ses pieds roses sont violets.

(Catulle Mendès)

Sobriquet

d’Hautel, 1808 : Surnom équivoque et satirique que l’on donne à une personne. Le peuple dit corruption, soubriquet.

Soc

France, 1907 : Abréviation de démocsoc.

Soce

Fustier, 1889 : Société.

Rossignol, 1901 : Groupe de malfaiteurs. Toute la soce a pris la fuite en voyant un chapeau de gendarme.

France, 1907 : Société, bande, compagnie. Vieux français, de socius.

— Comme lundi dernier, la soce de la rue Saint-Charles, tous les galvaudeux, quoi ! du beau Grenelle et du Javel des usines, a joué du couteau avec ceux de Billancourt dans l’île, et que ç’a été toute la soirée, entre les gars des deux rives, des batteries à n’en plus finir.

(Jean Lorrain)

Patenté comme empoisonneur,
Le mastroquet a de l’honneur,
En cette soce où tout nom force
À feindre, à tromper, à mentir,
Il reste l’homme à rude écorce
Qui ne veut pas s’en départir.

(Paul Paillette, Tablettes d’un lézard)

Sociable

Rossignol, 1901 : Complice, ami.

Socialard

France, 1907 : Socialiste.

On ne serait pas libres, et on ne nagerait pas dans le bien-être, le jour où on serait sous la coupe d’un gouvernement socialard.
Pas plus qu’on n’aurait cesse d’être écorchés vifs, le jour où on ne serait exploités que par des singes crétins !

(Le Père Peinard)

Socialisse

France, 1907 : Autre forme de socialo.

J’ suis républicain socialisse,
Compagnon, radical ultra,
Révolutionnaire, anarchisse,
Eq’ cœtera… Eq’ cœtera…

(Aristide Bruant)

Socialo

France, 1907 : Socialiste.

Espérons et souhaitons que, malgré tous les mic-macs de ces socialos assiette-beurriers, le populo ne se laissera pas embobiner.
Sans quoi y aurait plus de limite !
Un de ces quatre matins, messieurs les élus se déculotteraient et présenteraient leur postérieur aux nigaudins électoraux, leur ordonnant d’embrasser, sous prétexte que — mieux que la bague de l’évêque — ça porte bonheur.
Et, aux soupçonneux qui ne marcheraient pus, les birbes prouveraient que de pareilles baisades sont nécessaires pour l’émancipation humaine.
Ce courant de crétinisme n’est pas nouveau c’est le résidu de la masturbation autoritaire dont, depuis des siècles, nous sommes — de père en fils — les malheureuses victimes.

(Le Père Peinard)

Qu’on enterre un socialo,
Il sabre le populo
Et s’y montre fort habile,
L’sergent d’ville.
Puis, l’soir, aux autres, dans l’poste,
Il va dire, s’rengorgeant,
Comment au Peuple riposte
Le parfait agent (bis).

(E. Blédort)

Socialo à la manque

France, 1907 : Faux socialiste.

L’antisémitisme est, au point de vue économique, un dérivatif de la question sociale — tout comme l’est, au point de vue gouverne mental, le socialisme politicard.
Les socialos à la mangue nous jacassent : « Foutez-nous au timon gouvernemental et on fera votre bonheur. »
Les antisémites nous bavent : « Serrez le kiki aux richards juifs et c’en sera fait de l’exploitation. »
Ces deux boniments sont — autant l’un que l’autre — deux couleuvres.

(Le Père Peinard)

Société du doigt dans l’œil

Delvau, 1866 : s. f. Association pour rire, formée par Nadar, dans laquelle on enrégimente à leur insu les gens qui « se fourrent le doigt dans l’œil ».

France, 1907 : Société d’énergumènes politiques ou de réformateurs sociaux qui s’illusionnent sur leur importance ou la valeur de leurs théories, se mettent enfin le doigt dans l’œil.

Société du doigt dans le cul

France, 1907 : Société de Saint-Vincent de Paul.

— Mes camarades et moi avons toujours soupçonné ce pieux cafard de faire partie de l’honorable Société du doigt dans le cul.

(Les Propos du Commandeur)

Société du faux col

Delvau, 1866 : s. f. Société de secours mutuels que forment entre eux les comédiens pour se débarrasser des raseurs, des importuns, des gêneurs. Le signe de détresse que font entre eux les membres de la Société du faux col consiste à passer le doigt sur le col de la chemise. Cette société s’appelle aussi la Société du rachat des captifs.

Sociologue

France, 1907 : Individu s’occupant de questions politiques et sociales. Néologisme.

En vain les philosophes, les sociologues, ont plaidé la cause du peuple ; les dirigeants n’ont rien voulu savoir. Ils ont eu depuis vingt ans pour unique souci de consolider leurs situations respectives et chaque fois qu’ils ont pu remettre à peu près d’aplomb un ministère disloqué, ils ont juré que tel jour ils sauvaient la Patrie.

(Gonzague-Privat)

Socratiser

Delvau, 1864 : Préférer les hommes — comme Socrate, le plus sage des hommes, dit-on, préférait Alcibiade, qui en était le plus beau.

Soda

Delvau, 1866 : s. m. Mélange de sirop de groseille et d’eau de seltz (soda-water).

Sodomie, sodomiser

Delvau, 1864 : Enculer une femme — ou un homme.

Sodomise deux coups et deux fois déchargeant,
Il retire du cul deux fois son vit bandant.

Piron.

Quoi, disent’elles, si les flammes
Sodomites brûlent les âmes,
On ne le fera plus qu’aux garçons.

Collé.

Peut-être aurait-il trouvé plus à propos de passer pour cocu que pour sodomite.

Tallemant des Réaux

Il la quitte alors pour l’engin
D’un franciscain que sodomise
Un prélat…

B. de Maurice.

Tout Africain est sodomite,
Ainsi l’exige le climat :
On comprend ça.

Alex. Pothey.

Sodomiser

France, 1907 : Se livrer sar une personne de son sexe à des actes contre nature.

Commençons la série des forfaitures au sixième commandement par celle de ce directeur d’une école industrielle, alias maison de correction, qui, chargé de ramener les jeunes natures dévoyées dans le bon chemin, admirateur passionné de la Bible, prenait, pour ce faire, les sentiers de Sodome.
Bref, il sodomisait ceux de ses pensionnaires qui consentaient à se prêter à ses fantaisies.

(Hector France, Lettres de Londres)

Sœur

Larchey, 1865 : Maîtresse. — Terme ironique inventé pour railler ceux qui dissimulent leurs bonnes fortunes sous des liens de parenté fictifs.

Au quinzième siècle, on disait d’une fille débauchée qu’elle était de nos cousines.

Ducatiana, 1738.

Il règne entre ces termes de sœur et de cousine une analogie qui confirme notre étymologie.

Sais-tu ce qu’il me répond ? « Et ta sœur ? » — Je l’aurais cogné.

Monselet.

J’n’ai pas de sœur, et voilà pourquoi J’trouve étonnant qu’chaq’jour on m’dise : Et ta sœur ?

Ch. Blondelet, Chanson.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des soldats et des voyous, lui, sans s’en douter, se servent du même mot que les Romains, dans le même sens, soror. Les Romains avaient de plus le mâle de la sœur, qui était le frater. On dit aussi : Nos sœurs du peuple, pour désigner certaines victimes cloîtrées, qui ne se plaignent pas de l’être. Au XVIe siècle, on disait : Nos cousines. Sœur se trouve, avec cette dernière acception, dans le Dictionnaire de Leroux.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme, — dans l’argot des francs-maçons.

Rossignol, 1901 : Voir chatte. Pour ces individus, celui qui se livre à cette passion est désigné par eux sous le nom de sœur. — « Je te présente une sœur la Pompadour ».

France, 1907 : Maîtresse ; argot des souteneurs.

Sœur (et ta) !

France, 1907 : Grossièreté populaire que l’on répond à propos de tout. C’est le commencement d’un couplet de chanson de café-concert :

Et ta sœur est-elle heureuse,
A-t-elle eu beaucoup d’enfants ?
Fait-elle toujours la gueuse
Pour la somme de trois francs ?

 

Il y a maintenant dans le Quartier latin des façons de parler qui feraient rougir des crocheteurs. Ce sont d’inqualifiables expressions, d’horribles membres de phrases, mis en usage par je ne sais quel habitant de la place Maubert.
Il arrive de temps en temps qu’il passe par la tête d’un sot l’idée de mettre en circulation une locution vide de sens, et aussitôt voilà que l’on accueille comme le trait d’esprit le plus piquant quelque grosse saillie, fruit malsain produit par une imagination échauffée ou une intelligence malade. Ces bouffonneries se succèdent avec une rapidité incroyable, et il n’y a jamais de vide dans la liste de ces tabarinades. Hier, c’était : Et ta sœur ! aujourd’hui c’est : Eh ! Lambert ! demain ce sera quelque autre épigramme de la même force.

(Eugène Vermersch, Le Latium moderne, 1869)

Sœur (et ta) ?

Rigaud, 1881 : Réplique grossière, gouailleuse, qui, pendant un certain temps, a couru du faubourg dans le monde des filles et dans les ateliers d’artistes. Rengaine débitée à tout propos. Mot à mot : ta sœur est-elle heureuse ? Allusion à une trop fameuse chanson populacière, chantée sur l’air de la valse de la Fille du régiment :

Et ta sœur est-elle heureuse ?
A-t-ell’ z’évu beaucoup d’enfants,
Fait-elle toujours la gueuse
Pour la somme de trois francs ?

C’était une façon de dire à quelqu’un : « Je me moque de ce que vous me dites. Si nous parlions d’autre chose ? » — Suivant certains étymologistes, l’expression ne serait que la parodie de cette phrase banale et cérémonieuse usitée parmi les bourgeois : « Et madame, comment va-t-elle ? et votre fille, et votre sœur ? » — Peut-être, et c’est notre opinion, la réplique suivante de l’Aïeule de MM. d’Ennery et Charles Edmond a-t-elle inspiré et la chanson citée plus haut et, par contre, la si populaire rengaine.

Jeanne. — Et ta sœur ?
La douairière. — Ta sœur… ta sœur…

Sœur de charité

France, 1907 : Voleuse qui va quêter à domicile pour de prétendues bonnes œuvres : plusieurs s’affublent d’un costume de religieuse.

Sœur de charité, surfine

Rigaud, 1881 : Voleuse qui exploite les nécessiteux sous prétexte de leur procurer des secours.

Sœur de lit

France, 1907 : Maîtresse d’un homme marié ; elle est sœur de lit de la femme.

Sœurs (les deux)

Virmaître, 1894 : Nattes de cheveux que les femmes portent tressées sur leurs épaules. Mes deux sœurs, pour : testicules (Argot des voyous).

France, 1907 : Les fesses, les cuisses. « Croirait-on, dit Jaubert, qu’une locution si triviale fût sortie de la ruelle élégante des précieuses du grand siècle ? On la trouve cependant imprimée en toutes lettres dans le Dictionnaire des Précieuses de Saumaize : « Un lavement, le bouillon des deux sœurs. » Nos braves aïeules étaient moins puristes que nos grues.

Sœurs blanches

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les dents, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Dents.

Sœurs blanches (les)

Rigaud, 1881 : Les dents. (Fr. Michel.) Que de sœurs blanches ne sont que des sœurs grises !

Sœurs de sainte-empoigne

France, 1907 : Voir Fusains.

Sofa

France, 1907 : Soldat soudanais.

Soudain des nuées de sofas enveloppèrent le bivouac sur la hauteur, envoyant des balles Winchester ou explosives, des balles que la plupart d’entre nous entendaient siffler à leurs oreilles pour la première fois. C’était de la guerre européenne, et nos soldats tombaient sous des projectiles fabriqués à Londres ou à Capestown.

(Le Siège de Sikasso, récit d’un officier)

Sogue

France, 1907 : Trépied portatif à hauteur d’homme, où dans les petites vendanges, celui qui porte la hotte, la dépose, afin de la remplir lui-même.

Soi

d’Hautel, 1808 : Il n’y a pas de petit chez soi. Signifie que quels que soient la liberté, l’aisance et le bien-être dont on jouisse chez les étrangers, on n’est jamais aussi bien que chez soi.

Soie

d’Hautel, 1808 : Un habillé de soie. Pour dire un porc, un cochon, un pourceau.

Soie (asticot dans la)

France, 1907 : Femme paresseuse qui vit dans le luxe et les plaisirs.

— Fallait peut-être pas l’embocquer à faire l’asticot dans la soie sans rien astiquer.

(Louise Michel)

Soif

d’Hautel, 1808 : Il a faim comme la rivière à soif. Se dit de quelqu’un qui mange sans appétit, qui pignoche, qui mâchonne.
Il faut garder une poire pour la soif. C’est à-dire réserver quelque chose pour le besoin à venir.
La faim a épousé la soif. C’est la faim et la soif. Locutions satiriques que l’on applique à deux à personnes sans biens qui s’unissent par le mariage.

Soif (Il fait)

Rigaud, 1881 : Le besoin de boire se faire sentir.

Il fait soif, venez boire un coup avec moi.

(P. de Kock, Le Sentier aux prunes.)

Soiffard

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Soiffeur.

Virmaître, 1894 : Homme qui a toujours soif. Dans le peuple, comme superlatif, on dit : Il boirait la mer et les poissons (Argot du peuple).

Soiffard, soiffarde

France, 1907 : Ivrogne, ivrognesse.

Parmi les élèves sc trouvait une fillette d’environ quatorze ans, jolie, mais de tête un peu dure. Elle ne pouvait rien retenir et faisait le désespoir du maître et la joie des élèves à cause de sa simplicité. Un jour, le vieux soiffard, tourmenté sans doute par la bile ou excité par le whiskey, s’irrita plus que de coutume et se mit, dès le commencement de la classe, à fouetter la gamine.

(Hector France, Chez les Indiens)

Soiffer

d’Hautel, 1808 : Pour riboter, ivrogner, pinter, faire débauche de vin.

Larchey, 1865 : Boire outre mesure comme si on avait grand’soif.

Là, j’soiffons, Je n’sais comme, Chacun nos trois poissons.

Les Amours de Jeannette, ch., 1813.

T’as soiffé, malheureux, Que c’en est désastreux.

Moineaux.

Soiffard, soiffeur : Grand buveur.

Le franc soiffeur Offre son cœur, Avec un sou d’galette.

Dalès.

Soiffard de Nini Moulin.

E. Sue.

Delvau, 1866 : v. n. Boire outre mesure, — sous prétexte de soif.

Rigaud, 1881 : Boire beaucoup.

Virmaître, 1894 : Boire comme une éponge (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Boire beaucoup.

France, 1907 : Boire.

Elle est au grand complet la collection de bouffe-galette qui, pendant quatre ans, va nous tenir sous sa coupe.
D’ici peu, ces oiseaux-là recommenceront la ritournelle de leurs prédécesseurs : ils pondront des lois et se délasseront de ce turbin en soiffant à la buvette et en chéquardant sans scrupules.

(Le Père Peinard, 1898)

anon., 1907 : Boire.

Soiffeur, soiffeuse

Rigaud, 1881 : Buveur, buveuse intrépide.

France, 1907 : Ivrogne, ivrognesse.

— Une riche idée que j’ai eue d’envoyer la petite à la place de cette soiffeuse qui est restée huit jours à déjeuner…

(Paul Mahalin)

Soigné

Delvau, 1866 : s. m. Chose de qualité supérieure, vin ou chapeau, tabac ou salade, etc.

Soignée

Larchey, 1865 : « Oh ! en v’là une soignée ! » — La Bédollière. — Voilà un fait à noter soigneusement.

Delvau, 1866 : s. f. Chose étonnante, difficile à croire ; événement extraordinaire. Signifie aussi elliptiquement. Correction violente, — pile donnée avec soin.

Soigner

Clémens, 1840 : Corriger.

Delvau, 1866 : v. a. Battre quelqu’un avec un soin dont il n’est nullement reconnaissant.

La Rue, 1894 : Battre, corriger.

France, 1907 : S’emploie ironiquement pour surfaire, voler. « Une note soignée », une note dont les chiffres sont exagérés, surfaits.

Par exemple, dans un restaurant célèbre, les cabinets particuliers commencent au numéro 20. On additionne le numéro 20 avec la carte. Le dîneur est ordinairement ému ; il a bu du champagne ; il regarde Madame qui remet son chapeau ; il oublie de vérifier ou vérifie mal ; bref, il paie. S’il voit la fraude, le garçon s’exclame : « Ah ! Monsieur, c’est ce maudit numéro 20, une erreur de la caisse. » Le propriétaire gagne 25.000 francs par an à ces erreurs d’addition. D’autres fois la dîneuse s’arrange pour monter derrière le monsieur, et fait signe au garçon qu’elle veut dix francs. Le garçon crie : « Soignez le numéro tant ! » On enfle les chiffres, ce qui ajoute dix francs à la carte, etc.

(Taine, Notes sur Paris)

France, 1907 : Applaudir ; argot théâtral. Soigner un acteur, soigner ses entrées, l’applaudir quand il entre en scène. Soigner l’enfant, applaudir une pièce nouvelle.

Soigner l’enfant

Rigaud, 1881 : Ne pas ménager les applaudissements, soigner le succès de la pièce, le soir d’une première représentation, — dans le jargon du théâtre.

Soigner ses entrées

Delvau, 1866 : Se faire applaudir à son entrée en scène par les chevaliers du lustre. Argot des coulisses.

Soigneux

d’Hautel, 1808 : Il est soigneux, il ne laisse rien traîner. Se dit par raillerie d’un homme qui est enclin à dérober, qui s’approprie tout ce qui lui tombe sous la main.

Soir

Delvau, 1866 : s. m. Journal du soir, — dans l’argot des gandins. Cette ellipse est à la mode depuis quelque temps dans les cafés des boulevards.

Soirée blanche

Fustier, 1889 : Soirée où il n’y a que des intimes, où se trouve banni l’apparat des grandes réceptions.

Chaque hiver, elle donnait plusieurs grandes fêtes… ; entre temps, elle conviait ses intimes à des soirées blanches.

(H. Tessier : Madame Vidocq.)

Soireux

France, 1907 : Mondain, viveur qui passe ses soirées dans les clubs ou les âneries mondaines. Ce néologisme est d’Émile Bergerat, ainsi qu’il appert par ce passage :

L’attitude systématiquement agressive d’une partie de la critique parisienne a été pour une bonne moitié, je pense, dans le crédit de ce mot de soireux, dont on me fait encore honneur. Et quand à « Cabotinville » qui fut le troisième cri de mon Mane-Theel-Pharès boulevardier, comme à un autre Rastignac sur la colline du Père-Lachaise, ce fut la clameur de la Ville qui me le mit tout composé dans les oreilles ; — le vent me le siffla des cheminées.

(Émile Bergerat)

Soireux, soiriste

Fustier, 1889 : Nous avions déjà les lundistes et les salonniers, voici maintenant les soireux et les soiristes (l’un et l’autre se dit ou se disent), c’est-à-dire, dans le jargon du jour, les journalistes chargés de faire ce genre d’articles, qu’Arnold Mortier inventa dans le Figaro sous cette rubrique : La Soirée parisienne. C’est, je crois, à M. E. Bergerat que revient la paternité de ces deux nouveaux vocables.

Quelles patraquées petites femmes que vos confrères éminents, les soireux sympathiques !

(France libre, janvier 1886.)

Soiriste

France, 1907 : Journaliste chargé de reporter les événements du soir.

Lorsque vous entendez un jeune homme en apostropher un autre en ces termes : « Ma vieille bique, colle donc trois lignes dans ton canard sur mon ours », n’en doutez pas, c’est un vaudevilliste qui parle à un soiriste apportant un compte rendu de première à son journal.

(Pontarmé, Le Petit Journal)

Soissoné

Larchey, 1865 : Haricot (Vidocq, 1837). — Soissons est la patrie des haricots.

Soissonnais

Delvau, 1866 : s. m. pl. Haricots, — dans l’argot des voleurs, qui savent que Soissons est la patrie de ce farineux.

Virmaître, 1894 : Des haricots (Argot des voleurs).

Soissonné

Rigaud, 1881 : Haricot. Un souvenir de reconnaissance à l’adresse de la ville de Soissons, patrie des haricots, haricots plus célèbres cent fois que tous les comtes également de Soissons, et qui, plus qu’eux, ont fait du bruit dans le monde, sans compter celui qu’ils feront encore.

Soissons, soissonnais

France, 1907 : Haricots appelés ainsi à cause de l’excellente qualité que fournit l’arrondissement de cette ville du département de l’Aisne.

Soixante-neuf

Rigaud, 1881 : Double contre-sens qu’a omis de signaler Dorât dans son poème des Baisers. Variante Musique d’Antibes.

France, 1907 : Tête-bêche.

Soixante-neuf (faire)

Delvau, 1864 : C’est faire tête-bêche (V. ce mot), les deux chiffres (69) le disant éloquemment.

Que fait Bacchus quand, accablé d’ivresse,
Son vit mollit et sur le con s’endort ?
Soixante neuf et son vit te redresse,
Soixante-neuf ferait bander un mort !

(Parnasse satyrique.)

Soixante-six

Fustier, 1889 : Variété de souteneur.

France, 1907 : Pédéraste.

Soixante-six, soubroche

La Rue, 1894 : Souteneur.

Sol lucet omnibus

France, 1907 : Le soleil luit pour tout le monde. Locution latine assez fausse, puisque nous payons une redevance à l’État pour laisser pénétrer le soleil dans nos habitations.

Soldat de plomb

France, 1907 : Lettre typographique. Aligner des soldats de plomb, composer.

Soldat du pape

Larchey, 1865 : Voir pape.

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais soldat, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Mauvais soldat. Soldat qui préfère le feu de la cuisine au feu de peloton.

France, 1907 : Mauvais soldat.

Soldats

Delvau, 1866 : s. m. pl. De l’argent, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que l’argent est le nerf de la guerre. Dans les Joyeuses Commères de Windsor, Shakespeare fait dire par Falstaff à Ford : Money is a good soldier, Sir, and will on. (L’argent est un bon soldat, il pousse en avant.)

Soldats (des)

Rigaud, 1881 : De l’argent, — dans l’ancien argot.

Solde

Delvau, 1866 : s. m. Restant d’étoffe ; coupon, — dans l’argot des marchands.

Delvau, 1866 : s. m. Chose de médiocre valeur, — dans l’argot des gens de lettres. Cigare de solde. Mauvais cigare. Dîner de solde. Exécrable dîner.

Virmaître, 1894 : Quand un négociant veut liquider, il solde le restant de ses marchandises. Elles sont généralement achetées par des juifs qui, à leur tour les soldent, partout où ils peuvent en y joignant souvent des marchandises volées (Argot du peuple).

Soleil

d’Hautel, 1808 : Avoir son coup de soleil. Avoir une pointe de vin, être en gaieté.
Le soleil luit pour tout le monde. La plupart des aubergistes et marchands de vins prennent ce proverbe pour enseigne.

Halbert, 1849 : Exposition au carcan.

Rigaud, 1881 : Mise en pâte d’un paquet, — dans le jargon des typographes. Le paquet ordinairement se crève au milieu et présente, avec un peu de bonne volonté, l’aspect d’un soleil, au moins d’un soleil de feu d’artifice. La variante est : Pâté.

Soleil (avoir un coup de)

Larchey, 1865 : S’enivrer. — Piquer un soleil : Rougir.

Soleil (chevalier du)

France, 1907 : Sobriquet donné aux vieux militaires et aux employés retraités qui vont chauffer leurs rhumatismes au soleil, sur les bancs des promenades.

Les vieux chevaliers du soleil sont toujours à leur poste, à l’Esplanade. Ces braves officiers en retraite, dont Metz est remplie, paraissent anxieux, ils tracent des plans sur le sable, tiennent leurs cannes comme jadis ils tenaient l’épée, leurs regards s’animent et ils se redressent en écoutant les péripéties de ces batailles livrées sous leurs yeux, tout en regrettant de n’avoir pu y prendre part.

(Lieut.-col. Meyret, Carnet d’un prisonnier de guerre)

Soleil (coup de)

France, 1907 : Commencement d’ivresse ; argot populaire. Piquer un soleil, rougir. Recevoir un coup de soleil, tomber amoureux.

Soleil (jambes de)

France, 1907 : Rayons lumineux que le soleil projette obliquement par un temps nuageux.

Solenniser la saint-Priape

Delvau, 1864 : Baiser, le dieu des jardins étant le dieu de l’amour.

Or, un jour que Sa Sainteté
Solennisait la Saint-Priape
Sur l’autel de la volupté…

B. De Maurice.

Solférino

Delvau, 1866 : adj. et s. Couleur rouge violacée, fort à la mode depuis la guerre d’Italie.

Soliçage

France, 1907 : Vente ; argot des voleurs.

Solicer

France, 1907 : Vendre.

Soliceur, soliceuse

France, 1907 : Marchand, marchande. Soliceur à la goure, marchand voleur. Soliceur de lacets, gendarme. Soliceur de lofitudes, journaliste. Soliceur à la pogne, camelot qui vend des objets qu’il tient à la main sur la voie publique. Soliceur au pognon, banquier. Soliceur de tif, escroc qui se fait donner un compte sur une marchandise fictive.

Solide

d’Hautel, 1808 : Il est solide au poste. Pour, il est fort, vigoureux, capable de se défendre contre toute attaque ; il peut faire face à tout.

Solir

anon., 1827 : Le ventre.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vendre.

Bras-de-Fer, 1829 : Le ventre.

Halbert, 1849 : Vendre.

Larchey, 1865 : Vendre.

J’ai rencontré marcandière qui du pivois solisait.

Vidocq.

V. Fourgat, Roue. — Solliceur : Marchand. — Solliceur de lacets : Gendarme.

Delvau, 1866 : v. a. Vendre, — dans l’argot des voleurs. Solir sur le verbe. Acheter à crédit, — c’est-à-dire sur parole.

La Rue, 1894 : Vendre. Soliceur, marchand. Soliceur de lofitudes, journaliste.

Virmaître, 1894 : Vendre. Ce mot a donné naissance à une expression des plus pittoresques. Pour dire que l’on achète sur parole, on emploie cette phrase : Solir sur le verbe (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Vendre.

France, 1907 : Vendre. Solir sur le verbe, vendre sur parole.

… Écoutez :
Pour un rien vous vous argotez,
Quoi qui vous met tant en colère ?
Des g’nilles ? V’là ce qu’y faut faire :
Faut les solir chez l’ tapissier,
Et puis partager le poussier.

(J.-J. Vadé)

Solire

M.D., 1844 : Vendre.

Solissant

Halbert, 1849 : Vendant.

Solitaire

Larchey, 1865 : Spectateur qui, pour payer moins cher sa place, entre au théâtre dans les rangs de la claque. Son nom indique qu’il ne se croit pas obligé de faire chorus avec ses bruyants compagnons.

Grâce a une pièce de cinquante centimes, j’entrai en qualité de solitaire.

A. Second.

Delvau, 1866 : s. m. Spectateur qui ne paye sa place que moitié prix, mais à la condition d’entrer au théâtre dans les rangs de la Claque, sans être forcé d’applaudir comme elle. Argot des coulisses.

Rigaud, 1881 : Chevalier du lustre qui applaudit en amateur. Le solitaire paye demi-place et grossit la phalange des claqueurs. Il n’est pas précisément tenu d’applaudir, mais il applaudit tout de même, parce qu’il est bien élevé et que l’exemple est contagieux.

France, 1907 : Voleur qui opère seul, sans le secours de complices.

France, 1907 : Vieux sanglier ; terme de vénerie.

Dans le fond, il y avait encore beaucoup de feuilles et je ne pouvais viser mon solitaire, mais il me semblait que je l’entendais grogner.

(André Theuriet)

France, 1907 : Personne qui au théâtre paye sa place à prix réduit à condition qu’il applaudira ferme la pièce. Le solitaire est appelé ainsi parce qu’il est mêlé aux spectateurs, en dehors de la claque.

On envoie quelques romains ou solitaires, c’est-à-dire qu’on permet à ceux-là de se placer seuls au milieu des payants.

(Balzac)

Soliveau

France, 1907 : Tête ; argot populaire.

— Gare à ton soliveau, Dumanet, les prunes vont rappliquer.

(Les Joyeusetés du régiment)

Solliceur

Delvau, 1866 : s. m. Marchand, — dans l’argot des voleurs. Solliceur à la pogne. Marchand, ambulant. Solliceur de lacets. Gendarme. Solliceur de loffitudes. Homme de lettres.

Solliceur à la gourre

Rigaud, 1881 : Filou qui vend très cher à des imbéciles des objets sans valeur.

Solliceur de lacets

Rigaud, 1881 : Gendarme.

Solliceur de loffitudes

Rigaud, 1881 : Journaliste. Mot à mot : marchand de bêtises, — dans le jargon des voleurs.

Solliceur de pognon

Rigaud, 1881 : Banquier.

Solliceur de zif

Virmaître, 1894 : Commis-voyageur marron qui vend sur faux échantillons. C’est une variété du goureur. Zif veut dire marchandise imaginaire. Le solliceur à la pogne est le frère du solliceur de zif (Argot des voleurs).

Solliceur, solliceuse

Rigaud, 1881 : Marchand, marchande. — Solliceur, solliceuse à la pogne, solliceur, solliceuse à la trime, au trimard, marchand ambulant, marchande ambulante.

Sollir

Rigaud, 1881 : Vendre. — Solliçage, vente.

Solognot, sot à demi

France, 1907 : Sobriquet donné aux habitants de la Sologne qui, sous une apparence niaise, savaient fort bien tromper, ainsi qu’il appert par ces vieux dictons :

Les Solognots, sots à demi
Qui se trompent à leur profit.

 

Un fol de Soulogne qui s’abuse à son profit.

Ce cas n’est pas particulier aux Solognots, car il est assez général.

Solution de continuité

Delvau, 1864 : La nature de la femme, où il y a-en effet use sorte d’interruption de surface.

Bref aussitôt qu’il aperçut l’énorme
Solution de continuité,
Il demeura si fort épouvanté,
Qu’il prit la fuite.

La Fontaine.

Sombre

France, 1907 : La Préfecture de police ; argot des malfaiteurs.

Sombre (la)

Rigaud, 1881 : La préfecture de police, — dans le jargon des voleurs. Le jour y a été ménagé avec parcimonie et la gaieté n’y brille pas précisément.

Sombrer

France, 1907 : Labourer. Donner le premier labour.

Sombrero

France, 1907 : Chapeau de feutre à larges bonds ; mot espagnol, de sombra, ombre : il met le visage à l’ombre.

Je vais retourner à la ville ; je vais reprendre l’habit obligé, remettre des bas, des souliers et mon chapeau de forme ridicule à fa place de mon grand sombrero de planteur.

(F. Biard, Deux années au Brésil)

Sombriole

La Rue, 1894 : Nuit très sombre.

Sombriolle

France, 1907 : Nuit très noire.

— La cafarde est une vache, le relui une bourrique, mais la sombriolle est une frangine.

(Hogier-Grison)

Somme de saint Thomas

France, 1907 : Il ne s’agit pas de sommeil, mais d’un livre ou d’un discours ennuyeux. Assommant comme la somme de saint Thomas, dit-on ; ou bien : C’est une somme de saint Thomas. Allusion à la Somme de théologie (Summa theologiæ) du dominicain Thomas d’Aquin, ouvrage savant mais indigeste, qui fut en quelque sorte l’encyclopédie philosophique et religieuse du moyen âge. Elle est composée de trois livres : Dieu, l’Homme, Jésus-Christ, où sont traitées quatre mille questions ! Ce dicton s’emploie aussi pour désigner un ouvrage très documenté.

Sommier de caserne

Fustier, 1889 : Fille à soldats.

France, 1907 : Fille à soldats ; synonyme de paillasse de corps de garde.

Somniloque

France, 1907 : Individu qui parle en dormant ; du latin somnus et de loqui, parler.

Somno

France, 1907 : Sommeil ; argot populaire ; par extension, chambre à coucher.

Son

d’Hautel, 1808 : Robe de velours, ventre de son. Se dit de ceux qui préfèrent l’éclat de la parure au luxe de la table.
Moitié farine et moitié son. Se dit de toutes choses mêlées, ou faites moitié de gré, moitié de force.

Son compte est bon

Larchey, 1865 : Se dit d’un coupable à punir et dont on compte les méfaits.

Sonde

Larchey, 1865 : Médecin (Vidocq). — Il sonde l’état de votre santé.
Sondeur : Commis d’octroi (id.) — Il sonde les voitures qui passent.

Delvau, 1866 : s. f. Médecin, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Médecin ; parce qu’il sonde, interroge le malade.

La Rue, 1894 : Médecin.

France, 1907 : Pharmacien : allusion à l’instrument chirurgical de ce nom.

Sonde (à la)

France, 1907 : Rusé, habile. Être à la sonde, c’est fouiller partout comme l’instrument de ce nom.

T’as entervé. Chouett’, mon amour,
Va, la môm’, truque et n’fais pas four.
Sois rien mariolle et à la sonde !
Pense à ta daronn’ qu’al’ t’aim’ tant.
J’ vas prendre un’ prune en t’attendant,
Qui m’a massé pou’ t’ fout’ au monde !

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Sonder

d’Hautel, 1808 : Essayer, éprouver, questionner, interroger, tirer les vers du nez.
Sonder le gué, le terrain. Étudier, peser une affaire ; tâcher de savoir, si on peut s’y engager sans danger.

Rigaud, 1881 : Espionner.

Rossignol, 1901 : Chercher à savoir une chose, prêcher le faux pour savoir le vrai, est sonder.

France, 1907 : Fouiller.

Sondeur

Delvau, 1866 : adj. et s. Sournois, prudent, malin, — dans l’argot des faubouriens. Aller en sondeur. S’informer avant d’entreprendre une chose, écouter une conversation avant de s’y mêler. Père sondeur. Bonhomme rusé, dont personne ne se méfie, et qui se joue de tout le monde.

Rigaud, 1881 : Commis d’octroi. — Espion. — Libertin qui, soit au théâtre, soit au bal, profite de l’échancrure des corsages pour y plonger un œil indiscret, et qui prétexte, quelquefois, que le vide attire.

La Rue, 1894 : Espion. Observateur.

Virmaître, 1894 : Avocat. L. L. Sondeur, sonder quelqu’un pour savoir ce qu’il a dans le ventre. Allusion au sondage d’un terrain pour en reconnaître la nature (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Malin hypocrite.

France, 1907 : Espion. Les sondeurs, la police. Avocat sondeur, procureur de la République. Père sondeur, juge d’instruction.

— Tu me renvoies ?… Tu restes en sondeur… quand les amis sont en riolle ?…

(P. Mahalin)

Aller en sondeur, agir avec circonspection, prudence.

France, 1907 : Amateur du beau sexe qui, dans les foules et les lieux de plaisir, flaire les femmes et cherche à sonder leurs charmes.

Sondier

France, 1907 : Douanier ; employé de l’octroi.

Songe

d’Hautel, 1808 : Tous songes sont mensonges. Pour dire qu’il ne faut pas ajouter foi aux rêves que l’on fait.

Songe-creux

d’Hautel, 1808 : Taciturne, rêveur, mélancolique.

Songe-malice

d’Hautel, 1808 : Espiègle, escarbillard, qui a l’humeur gaie et enjouée.

Songer

d’Hautel, 1808 : Songer à la malice. Trouver finesse dans les propos les plus innocens ; avoir toujours l’humeur à la plaisanterie.

Sonne

France, 1907 : Police.

Le bétail humain, racolé en bloc, reflue à présent vers le poste, sous la garde des agents de toute la sonne, secrète ou non, qui rapplique ; une rangée de voitures cellulaires attend à la porte ; le départ ne trainera pas !

(Aristide Bruant, Les Bas-Fonds de Paris)

Les pant’s sont couchés dans leurs pieux,
Par conséquent je n’gên’ personne.
Laissez-moi donc ! j’suis un pauv’ vieux.
Où qu’vous m’emm’nez, Messieurs d’la sonne ?

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Sonner

Rigaud, 1881 : Être à l’agonie, râler, — dans le jargon des infirmiers.

Le râle se fit entendre, et le veilleur après l’avoir arrangé, s’en retourna en disant : il sonne le premier.

(Jean Journet, Cris et soupirs, 1840.)

Rigaud, 1881 : « Sonner un individu c’est le saisir par les oreilles ou par les cheveux et lui cogner la tête contre un corps dur. » (P. Mahalin, Les Monstres de Paris, 1880.)

Ce n’est pas moi qui l’a sonné, a-t-il dit au juge.

(Affaire de la Villette, Petit-Journal, du 27 octobre 1878.)

La Rue, 1894 : Saisir un individu et lui cogner fortement la tête contre un corps dur.

Virmaître, 1894 : Quand un client fait du tapage dans une maison de tolérance, le garçon le jette à la porte, et s’il se rebiffe, il lui casse la tête sur l’angle du trottoir ; la tête a sonné (Argot des souteneurs). N.

France, 1907 : Tuer quelqu’un en lui frappant la tête contre les pavés, et se servant de ses oreilles comme anses.

France, 1907 : Faire un bon repas.

Sonner (quelqu’un)

anon., 1907 : Le frapper à terre.

Sonner (se la)

Rigaud, 1881 : Bien dîner, — dans le jargon des voleurs.

Sonner la cloche de Margon (entendre)

France, 1907 : Le dicton, encore en usage dans quelques coins de l’ancienne province du Perche, fait allusion à une ancienne coutume de Margon, village d’Eure-et-Loir, où l’on brûlait jadis, au son de la cloche de l’église, un mannequin représentant une femme du pays qui avait été condamnée pour faux. Dire de quelqu’un qu’il entendait sonner la cloche de Margon, c’était faire comprendre qu’il était dans une mauvaise passe, qu’il allait avoir maille à partir avec la justice.

Sonner la grosse cloche

France, 1907 : Employer les grands moyens, mettre tout en œuvre pour la réussite d’une affaire.

Sonner le bouton ou le tocsin

Delvau, 1864 : Branler une femme ou un homme, — la femme avec le doigt, l’homme avec la

Le cochon sonnait le tocsin
Sur le bouton de son vagin
Avec son médium sans corne.

A. Watripon.

Tout aussitôt sur son lit il la couche,
Sonne au bouton !
La reine alors déchargeant dans sa bouche,
Dit que c’est bon !

(La Gastibelzade.)

Sonner son fils

Delvau, 1864 : Se branler. — L’expression, très juste comme image, a été trouvée par une dame ; Mme Octave, actrice du Vaudeville. On dit encore : Agacer le sous-préfet, se balancer le Chinois, Crier Vive l’empereur, Se donner une Saragosse, Se polir la colonne, Épouser la veuve Poignet, Se coller une douce.

Sonner un gosse

Rigaud, 1881 : Se livrer à l’onanisme, — dans le jargon des barrières.

Sonnerie des carottiers

France, 1907 : Sonnerie des régiments de cavalerie qui chaque matin annonce la visite du docteur.

La grande ressource des tireurs au flanc, lorsqu’ils sont traqués, est la maladie. Les hussards le savent si bien qu’ils ont appelé la sonnerie qui annonce la visite du docteur, la sonnerie des carottiers.

(Émile Gaboriau, Le 13e hussards)

Sonnette

Rigaud, 1881 : Petit émigré de Gomorrhe.

Fustier, 1889 : Auxiliaire, femme de service, chargée, à la prison de Saint-Lazare, de se tenir à la disposition des employées et des sœurs et de répondre à leur appel. Les sonnettes vont chercher dans les cours, dans les préaux, dans les bâtiments et amènent dans les bureaux les détenues dont on a besoin pour un service quelconque.

Rossignol, 1901 : Argent.

France, 1907 : Jeune sodomiste. Gardienne de Saint-Lazare.

Sonnette de bois

Delvau, 1866 : s. f. Sonnette d’hôtel garni que l’on bourre de chiffons pour l’empêcher de sonner lorsqu’on veut s’en aller clandestinement. D’où l’expression Déménager à la sonnette de bois.

Sonnette de bois (déménager à la)

Larchey, 1865 : Emporter ses effets sans avoir payé sa chambre, en tamponnant la sonnette d’éveil qui signale la sortie d’un hôtel garni.

Car il était réduit à déménager à la sonnette de bois (sans bruit et clandestinement).

Chenu.

France, 1907 : Déménager sans payer son terme. On dit plus généralement : « à la cloche de bois ».

Sonnette de nuit

Delvau, 1866 : s. f. Houpette de soie blanche que les petites dames portent au capuchon de leurs caracos (1865).

Sonnettes

d’Hautel, 1808 : Pour pécune, écus, argent monnoyé.

Larchey, 1865 : Pièces d’argent. — Connu dès 1808.

Et les sonnett’s en poche, J’accours à l’Opéra.

Désaugiers.

Sonnette : Jeune sodomite (Vidocq.)

Delvau, 1866 : s. f. pl. Pièces d’or ou d’argent, d’une musique supérieure à celle de Rossini — pour les oreilles des petites dames.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Gringuenaudes de boue qui pendent aux poils des chiens. Argot des chasseurs.

Rigaud, 1881 : Argent, argent qui sonne dans la poche.

T’as donc pincé des sonnettes ?

(J. Arago.)

Sur les bords du canal, il est dangereux de courir passé minuit, quand on a des sonnettes en poches.

(Paris à vol de canard.)

Boutmy, 1883 : s. f. pl. Lettres ou mots mal justifiés qui tombent d’une forme qu’on lève de dessus le marbre. Les sonnettes diffèrent des sentinelles en ce qu’elles ne restent pas debout comme ces dernières.

Virmaître, 1894 : Pièce de cent sous. Allusion au tintement que produisent en se heurtant les pièces, dans la poche du pantalon (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Grignenaudes de boue qui pendent aux poils des chiens. A. D. Sonnette s’applique à toutes les grignenaudes qu’elles soient de boue ou d’autres matières. Inutile d’insister (Argot du peuple).

France, 1907 : Testicules ; on les appelle aussi grelots ; argot populaire.

Je ne voudrais pas être
La femme d’un châtré ;
Ils ont le menton tout pelé
Et n’ont point de sonnettes.

(Parnasse des Muses)

France, 1907 : Pièces d’argent.

L’autre hier, priai
De danser deux fillettes.
— Je ne say qui vous êtes
Je lui réponds : Madame,
J’ay argent !
Alors dit la mignonne
Au corps gent :
« Dansons, puisqu’avons
Des sonnettes. »

(Chanson populaire du XVIe siècle)

France, 1907 : Gringuenaudes.

France, 1907 : En terme de typographie, ce sont des lettres qui tombent d’une forme qu’on lève de dessus le marbre. Les sonnettes différent des sentinelles, dit Eugène Boutmy, en ce qu’elles ne restent pas debout comme ces dernières.

Sonneur

d’Hautel, 1808 : Boire comme un sonneur. C’est-à-dire, se laisser abrutir par le vin, comme le font les gens de cette condition.

France, 1907 : Musicien.

Les sonneurs, qui sont : un violon, un tambourin, une musette, dite bigniou, un hautbois, s’asseyèrent sur une estrade ainsi que les juges choisis parmi de vieux lutteurs, parmi les notabilités de l’endroit et les puissances temporelles et civiles : le maire, le notaire.

(Henri Rolland)

Ce mot s’employait autrefois pour chanteur. On trouve dans les Sérées de G. Bouchet, 1634 :

Cette liqueur que délivre
Apollon à ses sonneurs.

Sont aussi bien amourettes sous bureaux que sous brunettes

France, 1907 : La fille du peuple procure aussi bien à l’homme les jouissances de l’amour qu’une grande dame. Toutes les femmes, comme disait Michelet, peuvent entr’ouvrir le paradis. La brunette était une soie couleur brune que portaient les dames de qualité, et le bureau était une laine grossière à l’usage des filles du commun.

Sophie

France, 1907 : Prude. Faire sa Sophie, prendre des airs de prude ; s’effaroucher pour des vétilles.

— Que ces demoiselles du couvent des Oiseaux fassent donc un peu moins leur Sophie avant le mariage et qu’elles soient un peu moins rosses après. C’est la grâce que je leur souhaite.

(Jean Deslilas)

D’abord ej’comprends pas qu’on s’gène
Ej’suis ami d’la liberté,
J’fais pas ma Sophie, mon Ugène,
Quand ej’pète, ej’dis : j’ai pété.

(A. Bruant)

France, 1907 : Menstrues ; à cette époque, la femme est obligée de faire sa Sophie. On dit voir Sophie.

— Viens-tu ? – Non, pas ce soir, je vois Sophie.

(Dialogues de la rue)

Sophie (faire sa)

Larchey, 1865 : Se donner des airs de sagesse. — Sophie et sagesse sont synonymes.

À quoi ça m’aurait avancé de faire ma sophie ?

Monselet.

Rigaud, 1881 : Se faire prier ; faire la sucrée. — Fais donc pas ta Sophie, chipie !

Sophie (voir)

La Rue, 1894 : Époques de la femme.

Soprani

France, 1907 : Pluriel de soprano ; italianisme.

— Gianolo Benedetti ou Isella, comme tu voudras, était là en compagnie de trois autres soprani. Il portait une soutanelle noire et j’admirai en moi-même comment je l’avais pu trouver si beau (ou si belle), au théâtre San-Giuseppe. Non pas que le drôle soit laid. Il a, par la sambleu ! de fort beaux traits, mais quand il ne singe pas la femme — et quand on sait qu’il est une manière d’homme — quelque chose d’abject règne sur toute sa personne. Fi, le hideux coquin !…

(Simon Boubée, La Jeunesse de Tartuffe)

Soque

France, 1907 : Chiffonnier d’occasion.

Sorbo

France, 1907 : Importun, agaçant.

Sorbonne

d’Hautel, 1808 : Pour dire, le chef, la tête.
Quand il a mis quelque chose dans sa sorbonne, le diable ne lui en feroit pas sortir. Se dit d’un homme opiniâtre, entêté.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Tête. Porter la sorbonne à Charlot, aller à l’échafaud.

Bras-de-Fer, 1829 : Tête.

Halbert, 1849 : Tête.

Larchey, 1865 : Cerveau. V. d’Hautel, 1808.

La sorbonne est la tête de l’homme vivant, son conseil, sa pensée.

Balzac.

Date du temps où les décisions de la Sorbonne faisaient plus de bruit dans le monde intellectuel. — V. Paumer.

Delvau, 1866 : s. f. La tête, — parce qu’elle « médite, raisonne et conseille le crime ». Argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Tête. Autrefois, c’était la tête sur les épaules, la tête qui pense. L’autre, la tête coupée, était la tronche. Messieurs les assassins, qui ne sont jamais sûrs de conserver cette partie si essentielle de leur individu, avaient créé deux mots pour exprimer les deux manières d’être, de la tête. Aujourd’hui sorbonne n’est guère plus usité.

Virmaître, 1894 : Tête. Vieille expression ; on lit en effet, dans la chanson du Canstel :

Des réflexions m’trottaient dans la Sorbonne. (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Tête.

Hayard, 1907 : Tête.

France, 1907 : Tête, considérée comme réceptacle de la pensée. Voir Tronche.

Dehors, c’est drôle ! on fait bien du potin…
À l’écouter, ma sorbonne se plisse ;
Serait-ce pour aujourd’hui, cré matin ?
C’est sûr ! j’entends les pas de la police,
Et du bourreau la sinistre milice.

(Tibou, Ballade du Raccourci)

Sorbonne, boussole

La Rue, 1894 : Tête.

Sorbonner

Halbert, 1849 : Penser.

France, 1907 : Penser.

Sorcier

d’Hautel, 1808 : C’est un vieux sorcier, une vieille sorcière. Épithètes injurieuses et de mépris que l’on donne à un homme vieux, méchant et radoteur ; à une femme âgée, laide et décrépite, qui a l’humeur acariâtre.
Ce n’est pas un grand sorcier. Pour dire qu’un homme n’est pas très-habile, très-exercé dans son art ou dans sa profession.

Sorcier comme une vache

France, 1907 : Homme simple ; ignorant auquel on attribue des talents cachés comme aux sorciers : « Oui, répondent les sceptiques, sorcier comme une vache. » Provincialisme.

Sorcière

Delvau, 1866 : s. f. Femme mal mise ou d’une figure ravagée, — dans l’argot des bourgeoises. Elles disent aussi Vieille sorcière.

Soret

France, 1907 : Sans oreilles. Chien soret, chien à qui l’on a coupé les oreilles. On donne aussi, dans les campagnes du Centre, le nom de soret à un homme auquel on conteste les qualités viriles : oreilles dans ce cas a le sens de testicules. Par antiphrase, soret signifie lascif, dissolu.

— Le curé de chez nous était un fameux soret. Je me suis laissé dire qu’il a mis dans l’embarras plus de dix filles du village. Ah ! Le mâtin ! Un étalon, quoi !

(René de Nancy)

Sorgabon

France, 1907 : Bonne nuit ; irréversion de bonne sorgue ; argot des malfaiteurs.

Sorge

Halbert, 1849 : La nuit.

Sorgue

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Nuit.

Bras-de-Fer, 1829 : Nuit.

Clémens, 1840 : Nuit.

M.D., 1844 : La nuit.

M.D., 1844 : La nuit.

un détenu, 1846 : Nuit.

Halbert, 1849 : La rue.

Larchey, 1865 : Soirée, nuit. — Roquefort donne sorne avec la même signification. V. Baïte, Chenu, Billon.
Sorguer : Passer la nuit.

Content de sorguer sur la dure, va, de la bride (chaîne) je n’ai pas peur.

Vidocq.

Delvau, 1866 : s. f. Nuit, — dans l’argot des voleurs. Les Maurice La Châtre de Poissy prétendent qu’il faut écrire Sorgne.

Rigaud, 1881 : Nuit, soir. — Sorgabon, bonsoir, bonne nuit ; qui ne vient pas du tout du basque gabon, bonsoir, comme l’a avancé V. Hugo. Sorgabon, c’est bon sorgue retourné.

La Rue, 1894 : Nuit. Sorguer, dormir.

Virmaître, 1894 : La nuit (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : La nuit.

Hayard, 1907 : Nuit.

Sorgue (la)

M.D., 1844 : La nuit.

Sorgue ou sorgne

anon., 1827 : La nuit.

Sorgue, sorne

France, 1907 : Nuit ; argot des voleurs, de l’argot espagnol sorna.

— Belle fichue vie que d’avoir continuellement le taf des griviers, des coques, des rousses et des gerbiers, que de ne pas savoir le matois si on pioncera la sorgue dans son pieu…

(Mémoires de Vidocq)

La grande sorgue, la mort.

Ça t’étonn’ ?… ben, vrai, tu m’épates !
C’est la vi’… faut porter l’licou
Tant qu’on tient un peu su’ses pattes
Et tant qu’on peut en foute un coup,
Et pis après, c’est la grand sorgue.
Toi, tu t’en iras chez Maquart.
Moi, j’irai p’t’êt’ ben à la morgue,
Ou ben ailleurs… ou ben aut’ part.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Se refaire de sorgue, souper.

— Si au lieu de pitancher de l’eau d’aff nous allions nous refaire de sorgue au Lapin Blanc ?

(Eugène Sue, Les Mystères de Paris)

Sorguer

Clémens, 1840 : Passer la nuit.

Delvau, 1866 : v. n. Passer la nuit.

Virmaître, 1894 : Dormir. C’est une très vieille expression. D’autres écrivent sorgne ; c’est une erreur (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Dormir.

France, 1907 : Dormir.

Content de sorguer sur la dure,
Va de la bride, je n’ai pas peur.
Ta destinée est trop peu sûre,
Fais-toi gouépeur.

(Mémoires de Vidocq)

Sorguer à la paire, coucher dans un hôtel garni et partir sans payer.

C’est ça qu’c’était ben mon affaire !…
Mais un beau soir a s’a fait faire :
Les mœurs l’ont fourrée au ballon.
Et, depuis qu’alle est disparue,
J’sorgue à la paire et j’fais ballon
Dans la rue.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Sorguer la paire, dormir en marchant.

Sorguer à la paire

Virmaître, 1894 : Coucher à deux (Argot des voleurs).

Sorgueur

Delvau, 1866 : s. m. Voleur de nuit.

Virmaître, 1894 : Voleur de nuit (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voleur de nuit.

Les sorgueurs vont sollicer des gails à la lune.

(Victor Hugo)

Sorlot

Rigaud, 1881 : Soulier, — dans le jargon des voleurs. — Foutre un coup de sorlot dans le tabernacle à faire sauter le saint ciboire, donner un coup de pied dans le ventre à décrocher le cœur.

La Rue, 1894 : Soulier.

France, 1907 : Soulier ; argot des faubouriens, du vieux français solerot.

Ah ! nom de Dieu, v’là que tout r’commence.
L’Amour, y gonfle tous les cœurs,
D’après l’chi-chi des chroniqueurs :
Quand c’est qu’y m’gonflera… la panse ?
Quand c’est qui m’foutra eun’ pelure,
Eun’ liquette, un tub’, des sorlots.
Si qu’a fait peau neuv’ la Nature,
Moi, j’suis cor’ mis comme un salaud !

(Jehan Rictus)

Sorlots

Virmaître, 1894 : Souliers (Argot du peuple). V. Ripatons.

Sorne

Halbert, 1849 : Noir.

Rigaud, 1881 : Nuit ; pour sorgue. — Noir.

France, 1907 : Noir, nuit ; de l’argot espagnol sorna.

Sorniller

France, 1907 : Voler la nuit ; vieil argot.

Sorrier

France, 1907 : Chêne-liège, dans quelques départements du Midi.

Sort (il me)

Larchey, 1865 : Se dit de quelqu’un dont on ne peut supporter la vue.

Sort-l’eau

Hayard, 1907 : Souliers.

Sorte

d’Hautel, 1808 : Plaisanterie, gausse, mensonge, gasconnade, conte fait à plaisir, récit peu digne de foi.
C’est une sorte, une bonne sorte. Pour dire, que ce que dit quelqu’un est controuvé ; que c’est une plaisanterie, un conte en l’air.

Delvau, 1866 : s. f. Mauvaise raison, faux prétexte, balançoire, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Mensonge, bourde, mystification, — dans le jargon des typographes. — Au propre, les sortes sont les lettres de même caractère, de même sorte. — Chiquer des sortes, puiser dans la casse du voisin les lettres dont on a besoin.

Boutmy, 1883 : s. f. Quantité quelconque d’une même espèce de lettres. Au figuré, conte, plaisanterie, baliverne. « Conter une sorte », c’est narrer une histoire impossible interminable, cocasse, et que tout le monde raconte à peu près dans les mêmes termes. Les sortes varient à l’infini ; en voici quelques exemples : « Oui, Bidaut » est une réplique qui signifie « Oui, oui, c’est bien, soit ; je n’en crois pas un mot. » — « Il paraît qu’il va passer sur le nouveau labeur : le Rhinocéros. On dit que ça fait au moins 400 feuilles in-144, en cinq mal au pouce, cran sur l’œil. » Ou bien encore : « Le prote va mettre en main l’Histoire de la Chine dont la préface fera à elle seule 45 vol in-12. » C’est une scie qu’on monte aux nouveaux pour leur faire croire que le travail abonde. On dit aussi « Le pape est mort ! » quand on entend remuer l’argent de la banque, parce que ce bruit argentin rappelle celui des cloches qui annoncent la mort du pape. Quand un compositeur veut rompre le silence monotone observé depuis quelque temps, il s’écrie : « Tu disais donc, Matéo, que cette femme t’aimait ? » comme s’il reprenait tout à coup un dialogue commencé. Il y a aussi des sortes en action. Quand un compositeur n’est pas venu travailler, surtout le lundi, ses compagnons prennent sa blouse, la remplissent de maculatures, en font un mannequin qu’ils placent sur un tabouret devant sa casse, lui mettent en main un composteur et lui donnent l’attitude d’un compositeur dans son dur. « Quand un compositeur n’est pas matineux, dit l’auteur de Typographes et gens de lettres, ses compagnons, pendant son absence, lui font une petite chapelle. C’est l’assemblage de mille choses plus disparates les unes que les autres : blouses, vieux souliers, composteurs, galées, bouteilles vides, qu’on dispose artistement en trophée ; puis on allume autour tous les bouts de chandelle que l’on peut trouver. » Voici une autre sorte en action dont la victime s’est longtemps souvenue. C’était dans un atelier voisin du quai des Grands-Augustins. Il y a quelques années se trouvait sur ce quai le marché aux volailles connu sous le nom de la Vallée. Il arrivait parfois aux typographes de s’y égarer et d’acheter à la criée un lot de volailles : des poulets, des pigeons ou des oies. À l’atelier, on se partageait le lot acheté. Chacun contribuait au prorata de la dépense. On faisait des parts ; mais ces parts ne pouvaient jamais être égales : il était impossible, en effet, de disséquer les volatiles. Force était donc de tirer au sort. Il arriva un jour qu’un jeune fiancé gagna à cette loterie d’un nouveau genre une oie superbe, une oie de 15 livres, une oie grasse, blanche et dodue. Joyeux, il l’enveloppe soigneusement dans une belle feuille de papier blanc, à laquelle il adjoint un journal du jour, puis une maculature. Il ficelle le tout et dépose précieusement le paquet sous son rang. Le soir arrive ; notre jeune homme se hâte d’endosser son paletot, prend son paquet sous le bras et court, tout empressé, chez les parents de sa fiancée. « Je viens dîner avec vous », s’écrie-t-il. Puis, discrètement, avec un clignement d’yeux significatif, il remet à la ménagère son précieux fardeau ; c’en était un véritablement. On se met à table, on cause, on boit, on rit. La ménagère, curieuse de faire connaissance avec le cadeau du fiancé, profite d’un moment pour s’esquiver. Elle revient bientôt après, le visage allongé, et s’assied à sa place en grommelant. L’amoureux typo, s’apercevant de la mauvaise humeur de sa future belle-mère, veut en connaître la cause. On l’emmène à la cuisine, et quelle n’est pas sa stupéfaction de voir son oie changée en tiges de bottes moisies, en vieilles savates et autres objets aussi peu appétissants. Un compagnon facétieux avait accompli la métamorphose. L’oie fut mangée le lendemain chez un marchand de vin du voisinage. Le fiancé, dit-on, fut de la fête. Autre sorte en action, à laquelle ne manquent pas de se laisser prendre les novices. On a placé le long du mur, à une hauteur suffisante pour qu’il ne soit pas possible de voir ce qu’il contient, un sabot qui est censé vide. Le monteur de coup s’essaye à jeter une pièce de monnaie ; mais il n’atteint jamais le but. Un plâtre, impatienté de sa maladresse et tout heureux de se distinguer, tire une pièce de deux sous de sa poche, et, après quelques tentatives, la loge dans le sabot. Il est tout fier de son triomphe ; mais il ne veut pas laisser sa pièce. Pour l’avoir, il se hausse sur la pointe des pieds, plonge ses doigts dans le sabot, et les retire remplis… comment dire ? remplis d’ordure. Il existe des milliers de sortes dont beaucoup sont très vieilles et que la tradition a conservées jusqu’à nos jours.

La Rue, 1894 : Mensonge, bourde, mystification.

Virmaître, 1894 : Quand un camarade quitte son rang pour aller raconter à un copain une histoire de brigand inventée de toutes pièces, l’autre lui répond :
— Laisse-moi avec ta sorte.
Pour une mauvaise plaisanterie l’aile à un camarade, la réponse est la même. L’expression sorte vient de ce que, lorsqu’il manque des caractères dans une casse, la sorte est absente.
Sortier, celui qui fait des sortes (Argot d’imprimerie).

France, 1907 : Conte, baliverne, plaisanterie. Conter une sorte, dit Eugène Boutmy, c’est narrer une histoire impossible, interminable, cocasse, et que tout le monde raconte à peu près dans les mêmes termes. Les sortes varient à l’infini ; en voici quelques exemples : « Oui, Bidaut » est une réplique qui signifie : « Oui, oui, c’est bien, soit : je n’en crois pas un mot. » — On dit aussi : « Le pape est mort ! » quand on entend remuer l’argent de la banque, parce que ce bruit argentin rappelle celui des cloches qui annoncent la mort du pape.— Quand un compositeur veut rompre le silence monotone observé depuis quelque temps, il s’écrie : « Tu disais donc, Mateo, que cette femme t’aimait ? » comme s’il reprenait tout à coup un dialogue commencé.

Il y a aussi des sortes en action. Quand un compositeur n’est pas venu travailler, surtout le lundi, ses compagnons prennent sa blouse, la remplissent de maculatures, en font un mannequin qu’ils placent sur un tabouret devant sa casse, lui mettant en main un composteur et lui donnant l’attitude d’un compositeur dans son dur.

(L’Agot des typographes)

Sortes

France, 1907 : Lettres ; argot des typographes. Voir Planquer des sortes.

Sorti

France, 1907 : Distrait.

Sorti (être)

Rigaud, 1881 : Avoir l’esprit ailleurs, être distrait.

Sortie

d’Hautel, 1808 : On lui a donné la soupe, le bouilli, l’entrée et la sortie. Se dit par plaisanterie d’une personne chassée ou mise à la porte au sortir de table.

Delvau, 1866 : s. f. Discours inconvenant ; emportement plus ou moins violent. Argot du peuple.

Rossignol, 1901 : Dire des sottises à quelqu’un est lui faire une sortie. — « j’ai été, chez toi, te chercher, ta femme m’a fait une sortie pas ordinaire. »

Sortie d’hôpital

Rigaud, 1881 : Longue capote en forme de robe de chambre. Les variantes sont : Gâteuse, ulster.

France, 1907 : Pardessus tombant jusqu’aux talons et qui fait ressembler celui qui le porte à un malade sortant avec sa capote d’hôpital.

Sortilège

d’Hautel, 1808 : Maléfice dont se servent les sorciers.
Les personnes qui parlent mal ont coutume de de prononcer sorcilège.

Sortir

d’Hautel, 1808 : On diroit qu’il sort de dessous une cloche. Voyez Cloche.
Cela lui entre par une oreille et lui sort par l’autre. Pour dire que quelqu’un ne fait aucune espèce d’attention aux reproches qu’on lui fait ou aux avis qu’on lui donne.
Si on le fait sortir par la porte, il rentre par la fenêtre. Se dit d’un importun dont on ne peut parvenir à se débarrasser.

Delvau, 1866 : v. n. Être insupportable, — dans l’argot des faubouriens. Ce verbe ne s’emploie guère qu’à la troisième personne de l’indicatif présent : Il me sort, — c’est-à-dire, je ne peux pas le voir sans en être blessé, offusqué. Quelques-uns, pour être plus expressifs, disent : Il me sort par le cul.

Delvau, 1866 : v. n. Avoir des absences d’esprit, être distrait, — dans l’argot du peuple. On dit mieux Être sorti ou Être ailleurs, pour n’être pas à la conversation, ne pas savoir ce qu’on dit autour de soi.

Delvau, 1866 : v. a. Transporter un mobilier extra-muros, — dans l’argot des déménageurs. Le rentrer. Le ramener à Paris. On dit de même Sortie pour un déménagement extra-muros, et Rentrée pour le contraire.

La Rue, 1894 : Être insupportable.

France, 1907 : Être agaçant, insupportable. « Cette petite rageuse me sort. »

Sortir à l’anglaise

France, 1907 : S’esquiver. On dit plus communément pisser à l’anglaise.

Et, sans me laisser le temps de répliquer, au milieu du brouhaha, des cris du coq et des chants patriotiques, mon ami me prend par le bras et nous sortons à l’anglaise.

(Gil Blas)

Sortir d’en prendre

France, 1907 : En avoir assez.

Sortir d’une boîte

Delvau, 1866 : v. n. Être vêtu avec une propreté méticuleuse, — dans l’argot des bourgeois, qui ont des notions de blanchisseuse sur l’élégance. Ils disent aussi Avoir l’air de sortir d’une boîte.

Sortir d’une boîte (avoir l’air de)

France, 1907 : Être habillé de neuf. Être très correct dans sa mise.

Sortir les pieds devant

Larchey, 1865 : « Le bruit courut que la jolie fille était séquestrée dans un cabinet noir et qu’elle n’en sortirait que les pieds devant. »

About.

C’est-à-dire qu’elle n’en sortirait que morte, emboîtée dans un cercueil.

Delvau, 1866 : v. n. Être emporté mort, « cloué sous la lame », — dans l’argot du peuple, qui sait de quelle façon un cercueil sort d’une maison.

France, 1907 : Être emporté dans une bière.

Sortir par le cul

Rigaud, 1881 : Ennuyer superlativement, horripiler à l’excès.

Sortir sur les jambes de quelqu’un

France, 1907 : Ne pas sortir ; être consigné ou mis à la salle de police ; argot militaire.

Mais comme nous sortions du quartier, nous nous croisâmes avec le marchef, le grand Antonin, qui me cria ;
— Où vous cavalez-vous donc, jeune homme ? Vous sortirez sur mes jambes ! à l’Hosto, mon petit ami. Le capitaine vous a collé huit jours de prison. Ah ! Ah ! Il parait que vous en avez fait de belles avec les petites mouquères !
Mes camarades me regardèrent en riant et je m’en retournai, entendant les éclats joyeux de leur voix, au milieu du cliquetis des sabres et des éperons, sur les cailloux raboteux de la rue Sidi-Nemdil.

(Hector France, L’Homme qui tue)

On dit aussi : sortir avec les bottes du juteux.

Sosie-mannequin

France, 1907 : Traversin que mettent dans leur lit les soldats qui découchent. On coiffe le traversin d’un bonnet de coton et on le dispose de façon que le sous-officier qui vient faire l’appel du soir ou le contre-appel, le prenne pour un homme endormi.

Sot

d’Hautel, 1808 : C’est un sot en trois lettres. Pour, il est d’une stupidité extrême.
De sot homme, sot songe. C’est-à-dire, qu’en toute occasion, un sot, qu’il dorme ou qu’il veille, est toujours sot.

Sot de Ham

France, 1907 : Ce sobriquet donné aux habitants de cette localité fait allusion à la compagnie des sots qui existait au moyen âge dans presque toutes les villes de France. C’était, on le sait, des jeunes gens qui, en se couvrant du masque de la folie, attaquaient la politique, la religion, la vie publique ou privée. On les appelait aussi Enfants sans souci et leur chef le Prince des sots. Charles VI les autorisa à représenter leurs soties, sur des échafauds élevés sur les places publiques. Louis XII se servit de leur verve pour se concilier l’opinion publique dans ses démêlés avec le pape Jules II. Tous les ordres de l’État passaient dans ces bouffonneries : sot dissolu, en costume ecclésiastique, sot glorieux, en homme d’armes, sot trompeur, en marchant ; mère sotte représentait l’Église. Ce fut François Ier, le prétendu « restaurateur des lettres », qui établit la censure théâtrale et proscrivit les soties. Ham, petite ville obscure et éloignée, conserva, sans doute, plus longtemps que les autres sa compagnie des sots, ce qui valut à ses habitants le sobriquet de sots de Ham, donné par ses voisins jaloux.

Sot-l’y-laisse

d’Hautel, 1808 : Le sot-l’y-laisse. Morceau délicat qui se trouve au-dessous du croupion d’une volaille, et que personne n’ose, par politesse, s’approprier.

Delvau, 1866 : s. m. Le croupion d’une volaille, — dans l’argot des bourgeois.

Sottise

d’Hautel, 1808 : Il est bâti comme une sottise. Se dit d’un petit homme de mauvaise tournure, contre fait.

Sottises (faire des)

Delvau, 1864 : Peloter une femme, quand on est homme ; patiner un homme, quand on est femme ; copuler.

Enfin, finalement, a’ vous été contente ! — Oui, — Il n’a pas fait d’ sottises ! — Si tu veux.

H. Monnier.

Sotto voce

France, 1907 : À mi-voix, littéralement sous la voix, terme musical ; italianisme.

Et, en attendant qu’on frappe les trois coups, ce macaronique escadron volant minaude, papotte sotto voce, fait des effets de jupes, joue de l’éventail et jette sur le troupeau des individualités sans mandat des regards hautains qui semblent dire : C’est nous qui sont les princesses !

(Émile Blavet)

Sou

d’Hautel, 1808 : Propre comme un sou. Pour dire d’une très grande propreté.
Il reluit comme un sou dans la poche d’un aveugle. Manière ironique de dire qu’un homme n’a ni éclat, ni fraîcheur, ni beauté.
Il est fait comme quatre sous. Pour dire malproprement vêtu, mal arrangé ; ses vêtemens sont tout en désordre.
Il a tiré jusqu’à son dernier sou. Pour dire il a dépensé tout son argent, il a dissipé sa fortune entière.

Sou marqué

France, 1907 : Bon sou, vieille expression faisant allusion aux sous tellement effacés qu’on n’en distinguait plus la figure et qu’on n’acceptait que comme liard.

Quand j’étais fille chez mon père,
J’avais d’la blanche monnaie
Et des louis d’or à changer.
À présent dans mon ménage
Je n’ai pas un sou marqué.

(Chanson du pays messin)

Sou tapé

France, 1907 : On appelait ainsi autrefois les sous bien marqués qui avaient cours avec leur valeur réelle, tandis que ceux dont l’effigie était effacée n’étaient acceptés que comme liards. On trouve dans la Muse historique de Loret, 16 août 1653, cette expression de sou tapé, dans le récit qu’il fait de l’établissement d’une petite poste dans Paris, après les troubles de la Fronde. L’Intermédiaire des chercheurs la cite ; elle est trop curieuse pour ne pas être reportée ici :

On va bientôt mettre en pratique
Pour la commodité publique,
Un certain établissement
(Mais c’est pour Paris seulement)
De boëtes nombreuzes et drues
Aux petites et grandes rues,
Où par soy-même ou son laquais
On pourra porter des paquets,
Et dedans à toute heure mettre
Avis, billet, missive ou lettre,
Que des gens commis pour cela
Iront chercher et prendre là,
Pour, d’une diligence habile,
Les porter par toute la ville…
Outre plus, je dis et j’annonce
Qu’en cas qu’il faille avoir réponce,
On l’aura par mesme moyen ;
Et si l’on vent sçavoir combien
Coûtera le port d’une lettre
(Chose qu’il ne faut pas omettre),
Afin que nul n’y soit trompé,
Ce ne sera qu’un sou tapé.

Soubaroufs

Rossignol, 1901 : Souliers.

Soubassement

Virmaître, 1894 : Les pieds. Ils supportent le corps comme le soubassement d’un piédestal supporte la statue (Argot du peuple).

Soubrette de Charlot

France, 1907 : Valet de bourreau.

Maintenant je capis cette lazagne dans la boîte au sel à la Roquette en compagnie d’un mouton ; le maugrée ne m’a pas fait mettre la ligotante de riffle et le ratichon me rend visite en attendant d’être fauché par le bince à l’abbaye de Monte-à-regret où je jouerai à la main chaude avec les soubrettes de Charlot, j’éternuerai dans le son et on me conduira ensuite au champ des navets avec une escorte de chardonnerets.

(Delesalle, Autobiographie d’un malfaiteur

Soubroche

Fustier, 1889 : Souteneur. Argot des voyous.

Soucard

France, 1907 : Sournois, cachotier.

Qui est-ce qui se serait jamais douté que cette petite Kiki fût aussi bien bâtie, si pure de lignes, si parfaite de formes… En voilà une petite soucarde qui cachait son jeu ? Ce n’était pas pour lui faire un compliment ; mais, vraiment, elle était faite au moule…

(André Desroches, L’éternelle illusion)

Souche

d’Hautel, 1808 : Il dort comme une souche. Se dit par ironie d’un homme qui dort long-temps et profondément.
C’est une souche. Se dit d’une personne lourde et stupide, insensible à tout ; qui ne se donne ni activité, ni mouvement.

France, 1907 : Imbécile, même sens que bûche.

Qui possède un Héros si grand, si glorieux,
Qu’on doit placer un jour au rang des demi-Dieux
Pour montrer que chez lui on m’étoit pas des souches,
Si Londres a ses Shepards, Paris a ses Cartouches.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Souche (fumer une)

Rigaud, 1881 : Être enterré.

France, 1907 : Être enterré ; argot populaire.

Souci

d’Hautel, 1808 : C’est le cadet de mes soucis. Manière ironique de faire entendre qu’on ne se met point en peine de quelque chose, qu’on n’y prend aucun intérêt ; qu’on s’en soucie fort peu.
Il ne vivra pas long-temps, il prend trop de soucis. Se dit par raillerie d’une personne qui s’entremêle dans toutes les affaires, qui intervient dans les intérêts d’autrui sans y être appelée.

Soucier

d’Hautel, 1808 : Je m’en soucie comme de Colin tampon.
Je m’en soucie comme de la vieille morue.
Ces deux locutions ont absolument le même sens, et signifient qu’on se met peu en peine des menaces de quelqu’un, ou de la valeur d’une chose quelconque.

Soucoupe

d’Hautel, 1808 : Petite assiette qui se place sous une tasse, et non Secoupe, comme on le dit vicieusement.

Soucquer

France, 1907 : Donner un élan sec et vigoureux à l’aviron ou à une manœuvre. « Souque ferme ! » Argot des gens de mer.

La mer était toute démontée, et le vent debout, qui nous travaillait d’une force ! Nous piquions dans les lames ; on embarquait des paquets d’eau. « Souque dur, pour arriver premier ! »

(C. Haraucourt)

Soudardant

France, 1907 : Qui a rapport au soudard ; Vieil argot.

Soudeurs

Halbert, 1849 : Commis de l’octroi aux barrières.

Soudrillard

Larchey, 1865 : Libertin (Vidocq, 1837). — Soufflant : Pistolet.

Delvau, 1866 : s. et adj. Libertin, — dans l’argot des voleurs. Le vieux français avait Soudrille (soldat, ou plutôt soudard).

Rigaud, 1881 : Libertin.

Soudrillard, sapajou

La Rue, 1894 : Libertin.

Soudrillard, soudrille

France, 1907 : Libertin.

Moins de soudrilles
Eussent troublé le sein
De nos familles,
Si l’ligneux plus humain
Eût aimé les filles,
Eût aimé le bon vin.

(Vieille chanson)

Soudrille

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux et de mépris qui signifie un soldat sans honneur ; un frippon, un libertin.

Souf

France, 1907 : District du Sahara algérien au sud de la province de Constantine.

Les bords de la tente de poil étaient relevés du côté de l’occident, et j’éprouvais à suivre le dernier rayon d’or qui glissait dans la plaine, un sentiment délicieux de calme et de bien-être. Il y avait dans l’immense étendue du Souf je ne sais quelle patriarcale quiétude qui inondait le cœur.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Les habitants du Souf sont appelés Soufi, au pluriel Souafa.

Soufflant

Delvau, 1866 : s. m. Pistolet, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Trompette ; également surnommé au régiment : Trompion.

Rigaud, 1881 : Pistolet, — dans l’ancien argot. Il souffle la mort.

La Rue, 1894 : Pistolet. Soufflante, trompette.

France, 1907 : Soldat qui joue de la trompette ; argot militaire.

L’appel aux trompettes vint éveiller les échos qui sommeillaient dans les longs corridors de la caserne. Et un quart d’heure n’était pas écoulé que tous les soufflants appelés dans la cour par la sonnerie de leur camarade de garde, firent résonner en chœur la retentissante fanfare du réveil.

(Ch. Dubois de Gennes, Le troupier tel qu’il est… à cheval)

France, 1907 : Pistolet.

Soufflante

Merlin, 1888 : Une trompette. Un soufflant, celui qui en joue.

France, 1907 : Trompette.

Souffle tout vent en couvent

France, 1907 : Allusion aux rivalités. discordes, désunions qui existent dans les communautés religieuses, celles des femmes surtout. Bouvelles cite ce proverbe parmi ceux du XVIe siècle et aussi ce jeu de mot qui le corrobore : Communauté n’est pas comme unité.

Souffler

d’Hautel, 1808 : Pour boire, ivrogner, siroter, s’enivrer, faire débauche de vin.
Il aime à souffler sa goutte. Pour, il prend plaisir à boire ; il est enclin à l’ivrognerie.
On diroit qu’il souffle des pois. Se dit par plaisanterie d’un homme qui a l’habitude d’enfler continuellement sa bouche, comme quand l’on souffle quelque chose de trop chaud.
Souffler le pion à quelqu’un. Le supplanter dans un emploi, ou lui ravir un avantage sur lequel il comptoit.

Delvau, 1866 : v. a. Prendre, s’emparer de quelque chose, — dans l’argot du peuple. Souffler la maîtresse de quelqu’un. La lui enlever, — et, dans ce cas-là, souffler, c’est jouer… un mauvais tour.

Rigaud, 1881 : Prendre. — Souffler une maîtresse.

Rigaud, 1881 : Arrêter, mettre en prison, — dans le jargon des filles.

Pour des riens, pour des bêtises, soufflée par les agents de police et mise à l’ombre, elle avait renoncé à sa liberté.

(E. de Goncourt, La Fille Élisa)

La Rue, 1894 : Prendre, s’emparer. Soufflé, arrêté.

France, 1907 : Attraper, saisit, arrêter.

S’il était soufflé, jamais la bande ne mangerait le morceau.

(Mémoires de M. Claude)

La donne souffle mal. Il faut faire attention, la police a l’éveil.

Souffler dans le poireau

Rigaud, 1881 : Fellare. — Faire une mauvaise application de l’art de Tulou. (Jargon des filles.)

Souffler des pois

Delvau, 1866 : v. n. Agiter ses lèvres en dormant pour expirer l’air par petits coups secs. Les étudiants en médecine disent : Fumer sa pipe. Dans l’argot du peuple, Souffler des pois, c’est Faire l’important.

Rigaud, 1881 : Dormir en soufflant de manière à produire une série de : peuh ! peub ! La variante est : Fumer sa pipe.

Le baron ne ronflait pas, mais, selon l’expression vulgaire et pittoresquement imagée, il soufflait des pois.

(André Theuriet, La Revanche du mari.)

Un homme si bon, si généreux, vous n’avez pas craint de le tromper ! — Monsieur le président, c’est que… — C’est que quoi ? — C’est qu’il souffle des pois.

France, 1907 : Faire l’important. Respirer en dormant comme si l’on soufflait quelque objet.

Souffler la camoufle

France, 1907 : Tuer.

C’est pour elle que son chevalier à soufflé la camoufle d’une vielle rentiére.

(Louise Michel)

Souffler le froid et le chaud

France, 1907 : Faire preuve de versatilité, changer d’opinion suivant les personnes avec qui l’on s’entretient ; flatter et dénigrer, et vice versa.

Souffler mal

Rigaud, 1881 : Avoir de mauvaises intentions. — Lorsqu’un voleur s’aperçoit qu’il a éveillé l’attention d’un agent, il dit : La donne souffle mal.

Souffler sa chandelle

France, 1907 : Se moucher.

Souffler sa veilleuse

Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon des garde-malades.

Souffler ses clairs

France, 1907 : Dormir.

Souffler son copeau

Delvau, 1866 : v. a. Travailler, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Travailler, — en terme de menuisier.

France, 1907 : Travailler.

Soufflet

d’Hautel, 1808 : Il a reçu un vilain soufflet. Pour dire, une grande mortification.
Cela ne vaut pas un clou à soufflet. C’est-à-dire est de nulle importance.

Delvau, 1866 : s. m. Le podex.

Virmaître, 1894 : Le derrière. Il ne fait guère bon être sous le vent qu’il produit (Argot du peuple).

France, 1907 : Le derrière.

Soufflet (le vol au)

Virmaître, 1894 : Ce genre de vol est très original, il est à la portée de tous et ne demande ni instrument ni apprentissage. Il s’agit simplement d’entrer dans un magasin au moment où une femme tire son portemonnaie de sa poche pour solder une emplète, de se précipiter en lui flanquant un soufflet à en voir trente-six chandelles, en lui disant à voix haute :
— Ah ! coquine, voilà où passe l’argent du ménage.
Pendant que la femme revient de sa surprise, le faux mari est loin (Argot des voleurs).

Soufflet (vol au)

France, 1907 : Ce vol consiste à tomber à coups de gifles sur une dame, et prétendant être un mari irrité, et à profiter de sa légitime surprise pour lui enlever ses boucles d’oreilles et ses bijoux.

Soufflet à sa pelure (avoir donné un)

Rigaud, 1881 : Porter un vêtement retourné.

Souffletade

d’Hautel, 1808 : Décharge de plusieurs soufflets ; soufflets campés coup sur coup.

Souffleur

d’Hautel, 1808 : Pour un buveur, un ivrogne, un fils de Noé.

Souffleur de boudin

Delvau, 1866 : s. m. Homme à visage rubicond.

Virmaître, 1894 : Individu à visage boursouflé, joufflu. Allusion au compagnon charcutier dont les joues gonflent quand il souffle dans le boyau. Cette expression est également employée d’une autre manière, sous forme de proposition… (Argot du peuple). N.

Souffleur de boudins

France, 1907 : Personne à figure bouffie.

Souffleur de poireau

France, 1907 : Joueur de flûte.

Souffleuse de poireau

France, 1907 : Prostituée qui exerce une certaine spécialité.

Souffrante

Rossignol, 1901 : Allumette.

France, 1907 : Allumette soufrée.

Souffrante perlée

France, 1907 : Allumette phosphorique.

Souffrantes

anon., 1907 : Allumettes.

Souffrantes perlées

Virmaître, 1894 : Allumettes (Argot des voleurs).

Souffre-douleur

d’Hautel, 1808 : Celui qui, dans une société, supporte toutes les mauvaises plaisanteries ; ou qui est exposé à subir les caprices, les mauvais traitemens d’un homme supérieur.

Souffrir le martyre

France, 1907 : Expression employée ironiquement en Lorraine pour exprimer qu’une femme ou une fille a été violée. L’origine en est assez curieuse. En 1635, lors du sac de la petite ville de Saint-Nicolas-du-Port, près de Nancy, où les vainqueurs commirent nombre d’atrocités comme en commettent tous les gens de guerre, et mirent le feu à la magnifique basilique de cette ville célèbre alors par ses foires, les religieuses non seulement furent violées par la soldatesque, mais les récalcitrantes furent promenées toutes nues par les rues attachées à la queue des chevaux.

Elles avoient été violées, dit Tallemant des Réaux, par ces brûleurs de maisons, et comme il n’y avoit pas moyen de nier, elles appeloient cela souffrir le martyre. On dit que, comme elles faisoient le récit de leurs infortunes à l’évêque, il y avoit telle qui disait l’avoir souffert deux fois, qui trois, qui quatre, — Ah ! ce n’est rien auprès de moi, dit une autre, je l’ai souffert jusqu’à huit fois ! — Huit fois le martyre ! s’écria l’évêque ; ah ! ma sœur, que vous avez de mérite !

Souflet (le)

M.D., 1844 : L’estomac.

Soufrante

Rigaud, 1881 : Allumette. Allusion au soufre.

Merlin, 1888 : Allumette chimique, — de soufre.

Hayard, 1907 : Allumette.

Souhaiter

d’Hautel, 1808 : Je ne t’en souhaite pas autant au bout de la langue. Se dit à quelqu’un qui tourne en dérision les infirmités d’autrui.
Je t’en souhaite, minette. Pour dire, tu te flattes en vain, tu n’auras pas ce que tu demandes ; ce que tu dis n’est pas vrai.

Souillard

France, 1907 : Trou percé dans une pierre pour livrer passage aux eaux sales.

France, 1907 : Laveur de vaisselle, aide de cuisine. Vieux français.

Si l’on en croit la tradition, certains pédants ne trouvant pas toujours le mot propre, farcissent leur latin de mots dérobés à celui des marmitons et des souillards…

(Charles Nisard, Curiosités de l’étymologie)

Souille d’oreiller

France, 1907 : « Taie, linge qui sert d’enveloppe à un oreiller. Ainsi nommé peut-être parce que c’est une des pièces du lit qui se salit, se souille le plus rapidement, de même que l’on appelle salaud le petit tablier que l’on met aux petits enfants. »

(Jaubert, Glossaire du Centre)

Souillon

d’Hautel, 1808 : Épithète injurieuse que l’on donne à une femme, sale, crasseuse, mal vêtue, et de mauvaise vie.

Delvau, 1866 : s. f. Femme malpropre, fille à soldats. C’est la malkin des voyous anglais.

Souillot

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, débauché, arsouille, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Individu livré à la basse débauche.

Un souillot de la pire espèce qui ne courait qu’après les jupes crottées.

(Les Propos du Commandeur)

Souk

France, 1907 : Marché, place où l’on vend. Mot arabe rapportée par les soldats d’Algérie.

Soûl

d’Hautel, 1808 : Deo gratias, les moines sont soûls. Se dit par plaisanterie, lorsque quelqu’un lâche un rot.
J’en suis soûl comme de la vieille morue. Manière incivile de dire qu’on est las, dégoûté de quelqu’un ou de quelque chose ; qu’on désiroit pour tout au monde en être débarssé.
J’en suis soûl. Pour, j’en suis dégoûté, rassasié.

Soulager

Delvau, 1866 : v. a. Alléger la poche de son voisin de la montre ou de la bourse qu’elle contenait.

France, 1907 : Voler. Se laisser soulager, se faire voler.

N’oublions pas ce malheureux amiral Humann qui s’est laissé soulager dans son wagon d’une sacoche bourrée de secrets d’État.

(Jules Chancel, La Presse)

Soulager (se)

Delvau, 1864 : Dépenser son sperme en baisant une femme, ou en se masturbant, — ce qui allège d’autant les rognons. Pauvre chat ! Eh bien, tu vas te soulager, mon chéri, je te le promets.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : v. réfl. Meiere. Argot du peuple. Se dit aussi à propos de la fonction du plexus mésentérique.

Soulager l’humanité

France, 1907 : Se livrer à la prostitution.

Soulard

d’Hautel, 1808 : Ivrogne, sac à vin, homme qui ne dessoule pas.

Delvau, 1866 : adj. et s. Ivrogne.

Soûlard, soûlarde

France, 1907 : Ivrogne, ivrognesse.

Ceux qui font, lorsque leur amie
Veut des jovaux, économie
De vol ou d’une autre infamie,
Qui pourraient donner, un peu soûs,
À la soularde aux vils dessous
Le dernier de leurs derniers sous,
Mais qui mènent, levant la trique
De la morale, l’hystérique
Vers l’atelier ou la fabrique…

(Catulle Mendès)

Soulasse

La Rue, 1894 : Traître, trompeur. Jeu. La grande soulasse, l’assassinat.

France, 1907 : Traître.

Soûlasse

Rigaud, 1881 : Traître, trompeur. (Colombey.)

Soulasse (faire la grande)

France, 1907 : Voler et assassiner sur les grands chemins.

Soulasse (grande)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Assassinat. Faire la grande soulasse, tuer les gens après les avoir volés.

Soûlasse (la grande)

Rigaud, 1881 : L’assassinat ; l’habitude de l’assassinat. — Maquiller la grande soulasse, faire le métier d’assassin.

Soulasse, soulasser

Clémens, 1840 : Joueur, jouer.

Soulaud, soulaude

France, 1907 : Ivre.

Et j’suis pas mouillé… j’suis soulaud,
Tiens ! Qu’est-ce j’sens là l’long d’ma cuisse ?
Ah ben ! c’est moi qui lâche d’l’eau…
Alors i’ pleut pas !… c’est que j’pisse !

(Aristide Bruant)

Soûler (se)

Delvau, 1866 : Se goinfrer de vin ou d’eau-de-vie à en perdre la raison.

Soûles (compartiments des femmes)

Rigaud, 1881 : Compartiment réservé aux femmes seules en chemin de fer. (Jargon du peuple.)

Souleur

d’Hautel, 1808 : Frayeur, terreur panique, saisissement subit et souvent mal fondé ; fausse alarme.

Delvau, 1866 : s. f. Frayeur subite et violente, qui remue le cœur et soûle l’esprit au point que, pendant qu’elle dure, on ne sait plus ce que l’on fait. Faire une souleur à quelqu’un. Lui faire peur.

Soulever

Delvau, 1866 : v. a. Dérober adroitement, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Filouter.

La Rue, 1894 : Filouter.

Soulier

d’Hautel, 1808 : Il est mal dans ses petits souliers. Se dit d’un homme qui s’est fourré dans une mauvaise affaire, qui est mal à son aise, ou dont la fortune est embarrassée ; d’une personne qui est attaqué d’une maladie dangereuse.
Il a un petit pied, mais les grands souliers lui vont bien. Voyez Pied.
Il n’a pas de souliers dans les pieds. Pour dire, il est dans le plus grand dénûment, dans une misère affreuse.
C’est un faiseur de vieux souliers. Se dit d’un enfant qui ne fait que polissonner et courir les rues ; d’un fainéant, d’un vagabond, d’un vaurien.

Souliers à musique

Delvau, 1866 : s. m. pl. Qui craquent lorsqu’on les porte pour la première fois.

Souliers se livrant à la boisson

Delvau, 1866 : s. m. pl. Souliers usés, prenant l’eau, — dans l’argot des faubouriens.

Souliers seize

France, 1907 : Souliers trop étroits. Jeu de mot populaire sur treize et trois, très étroit ; treize et trois font seize. Souliers à musique, souliers percés. Courir sur les souliers de baptême, marcher nu-pieds ; expression méridionale. Aller chercher des maçons pour faire des souliers, demander à quelqu’un de faire ce qu’il ne sait point.

Souliers-Seize

Delvau, 1866 : s. m. pl. Souliers très étroits (13 et 3), — dans l’argot ridiculement facétieux des bourgeois.

Soulographe

Larchey, 1865 : Homme qui a fait de l’ivrognerie un métier. — Soulographie : Ivrognerie (Vidocq, 1837).

Ils feront de la soulographie, et adieu votre typographie, plus de journal !

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne abject. Argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Ivrogne induré.

Virmaître, 1894 : Pochard qui prend trop souvent la barbe. Soulographie (en avoir une belle) : être pochard (Argot d’imprimerie).

France, 1907 : Ivrogne.

Soulographie

Delvau, 1866 : s. m. Ivrognerie dégoûtante.

Rigaud, 1881 : Ivrognerie constitutionnelle.

France, 1907 : Ivresse.

S’agit-il, par exemple, de suivre tous les degrés de la soulographie, remarquez la progression parfaite indiquée par les quarante-six termes qui suivent, dont nous avons justifié l’existence par de nombreux exemples. Sans rentrer l’un dans l’autre, ils ont leur signification propre. — Chacun indique, dans l’état, une nuance.
Au début, nous rencontrons les neuf verbes : être bien, avoir sa pointe, avoir un grain, être monté, en train, poussé, parti, lancé, en patrouille.
Un peu plus loin, nous voyons l’homme légèrement ému ; — il sera tout à l’heure attendri, il verra en dedans, et se tiendra des conversations mystérieuses. Cet autre est éméché ; il aura certainement demain mal aux cheveux.
Pour dépeindre les tons empourprés par lesquels va passer cette trogne de Silène, vous n’avez que la liberté du choix entre : teinté, allumé, pavois, poivre, pompette, ayant son coup de soleil, ayant son coup de sirop, son coup de bouteille, son plumet, sa cocarde, se piquant ou se rougissant le nez.
De la figure passons à la marche. — L’homme ivre a quatre genres de port qui sont également bien saisis. Ou il est raide comme la justice et lasse trop voir par son attitude forcée combien il lui en coûte de commander à la matière ;
Ou il a sa pente (ce qui arrive souvent quand on est dans les vignes), et il marche comme si le terrain lui manquait ;
Ou il festonne, brodant de zigzags capricieux la ligne droite de son chemin ;
Ou il est dans les brouillards… tâtonnant en plein soleil, comme s’il était perdu dans la brume.
Attendons dix minutes encore ; laissons notre sujet descendre au plus bas, et vous pourrez dires indifféremment : Il est chargé, gavé, plein, complet, pion, rond comme une balle, mouillé, humecté, bu, pochard, casquette, il a sa culotte, son casque, son toquet, son sac, sa cuite, son affaire, son compte, il est soûl comme trente mille hommes, il en a jusqu’à la troisième capucine. — Ce n’est plus un homme, c’est un canon chargé jusqu’à la bouche.

(Lorédan Larchey)

Soulographier (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’enivrer crapuleusement.

Souloir

Virmaître, 1894 : Un verre. L’allusion est claire ; plus le pochard boit de verres, plus il est saoul (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Verre à boire. Souloir des ratichons, calice. Argot faubourien.

Souloir des ratichons

Virmaître, 1894 : Autel sur lequel le prêtre dit la messe. La figure est fausse ; c’est le ciboire qui contient le vin qui est le souloir (Argot des voleurs).

Soulotteur

France, 1907 : Ivrogne occasionnel.

Soulouque

Rigaud, 1881 : Cinq et six d’un jeu de dominos. Allusion à la couleur noire de feu ce potentat.

Sounadou

France, 1907 : Sonneur de cloches.

Soupape

Virmaître, 1894 : Casquette (Argot des souteneurs).

Soupape (serrer la)

Rigaud, 1881 : Cherchez à étrangler son adversaire, — dans le jargon des ouvriers du fer.

France, 1907 : Étrangler ou chercher à étrangler ; argot populaire. Faire cracher ses soupapes, s’enivrer ; argot des mécaniciens.

Soupapes (faire cracher ses)

Rigaud, 1881 : Se griser, — dans le même jargon.

Soupçon

Larchey, 1865 : Quantité si minime, qu’on se demande si elle existe. De là le terme de soupçon.

Rien que de l’eau chaude avec un soupçon de thé et un nuage de lait.

A. de Musset.

Delvau, 1866 : s. m. Très petite quantité, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Idée.

Soupe

d’Hautel, 1808 : Il s’emporte comme une soupe au lait. Se dit d’une personne vive, et prompte à se mettre en colère.
Qu’on m’appelle comme on voudra, pourvu qu’on ne m’appelle pas trop tard à la soupe. Voyez Appeler.
C’est arrangé comme des cheveux sur de la soupe. Pour dire mal rangé, mal disposé, très-en désordre, dans une grande confusion.
Un docteur en soupe salée. Terme de dérision. Faux savant, pédant sans instruction.
Un mangeur de soupe apprêtée. Fainéant, paresseux, qui aime à faire bonne chère sans se donner la peine de travailler ; ou à retirer les bénéfices d’une affaire, sans avoir contribué en rien à son succès.
La soupe à perroquet. Du pain trempé dans du vin ; ce que les enfans appelle la trempette.
Trempé comme une soupe.
Pour dire mouillé jusqu’aux os.
Voulez-vous venir demain manger la soupe avec moi. Manière bourgeoise d’engager quelqu’un à dîner.

Soupé

Rossignol, 1901 : Avoir assez d’une personne ou d’une chose. — « J’ai soupé de ma femme. » — « J’ai soupé de sa société. » — « J’ai soupé de sa conversation. »

Soupé !

Hayard, 1907 : Assez !

France, 1907 : Assez.

Soupe (avoir) de la figure de quelqu’un

La Rue, 1894 : Envoyer promener quelqu’un qui vous a trop ennuyé. Soupé ! assez !

Soupe (dessus de la)

France, 1907 : On dit dans les campagnes di Centre d’une personne qui est de mauvaise humeur, qu’on lui a mangé le dessus de sa soupe, comme en d’autres endroits l’on dit qu’on lui a vendu des pois qui ne voulaient pas cuire. La partie la plus savoureuse d’une soupe grasse se trouve en effet à la surface. Quelques femmes aussi gourmandes qu’avares ont coutume de tailler la soupe en trois couches : l’inférieure pour les domestiques en tranches de pain noir ; celle du milieu pour les enfants, en pain bis ; et enfin la supérieurs qu’elles réservent à elle et à leur mari, en pan blanc. Elles seraient fort irritées si quelqu’un leur prenait le dessus de leur soupe.

Soupe (en avoir)

France, 1907 : En avoir assez, en être dégoûté, las.

Le populo en a radicalement soupé d’être exploité, de même qu’il ne veut plus être gouverné – pas plus par des opportunards, des radicaux que des socialos.
De même il n’en pince plus pour être exploité — pas plus par les richards chrétiens que par les capitalos juifs.

(Le Père Peinard)

On dit dans le même sens : souper de la fiole de quelqu’un.

Mais j’ai mon plan, ej’ suis mariolle :
Quand les jug’ auront assez d’moi
Et qu’i’s auront soupé d’ma fiole,
Faudra ben qu’i’s m’appliqu’nt la loi ;
Vous savez ben, la loi nouvell’
Qui condamne l’gouvernement
À m’envoyer à la Nouvelle…

(Aristide Bruant)

Cette expression n’est pas récente, on la trouve dans un couplet de Désaugiers :

Mais c’est quand nous quittons la ville
Qu’il faut voir l’effet des adieux…
Et toutes les femm’s à la file
Se lamenter à qui mieux mieux.
C’est un’ rivière que leurs yeux :
« Reviens donc bien vite…
— Oui-da, ma petite. »
Le plus souvent !
J’ai soupé pour le sentiment.

Soupe (tremper une)

Larchey, 1865 : Battre. — Mot à mot : faire avaler une correction.

Où qu’tu vas, Polite ? — Je vas tremper une soupe à ma femme.

Gavarni.

Soupe au lait : Homme colère. — On sait que le lait bouillant déborde avec rapidité.

Rigaud, 1881 : Corriger à coups de poing. — Battre l’ennemi, dans le jargon des troupiers.

Soupe à l’herbe (en manger une)

Virmaître, 1894 : Aller gouaper dans les champs sans avoir le sou et s’allonger sur l’herbe pour dormir :
— Qui dort dîne (Argot du peuple). N.

Soupe à l’herbe (manger une)

France, 1907 : Dormir dans les prés.

Soupe à la quéquette

Rossignol, 1901 : Voir rouscailler.

Soupe au lait

Delvau, 1866 : s. f. Homme qui s’emporte pour un rien.

Rigaud, 1881 : Personne irascible. — S’emporter comme une soupe au lait, se mettre en colère pour un rien, à propos de rien.

France, 1907 : Personne qui s’emporte facilement, qui monte figurativement comme du lait sur le feu.

Voyez s’agiter dans ce groupe
Cet homme colère et replet ;
Il s’enlève comme une soupe
Au lait.

(Ch. Monselet)

Soupe au poireau

France, 1907 : Attente longue ou vaine. Voir Poireauter.

Soupe au poireau (faire manger la)

Rigaud, 1881 : Faire attendre. (V. poireau.) C’est la variante moderne de faire le poireau.

Soupe de perroquet

Delvau, 1866 : s. f. Pain trempé dans du vin.

France, 1907 : Pain trempé dans le vin.

Soupe de ta fiole

Virmaître, 1894 : Jai assez de ta figure (Argot du peuple). N.

Soupé de ta fiole

Rossignol, 1901 : Figure. Voir Soupé.

Soupé de ta tranche (avoir)

Rigaud, 1881 : Être ennuyé par un camarade, avoir assez de lui, — dans l’argot du régiment. — J’ai soupé de ta tranche, tu m’ennuies. — Variante : Avoir soupé de ta fiole.

Soupe dorée

France, 1907 : Nom donné dans les campagnes du Centre à des tranches de pain trempées dans le jaune d’œuf et frites dans le beurre.

Soupe et le bœuf

Virmaître, 1894 : La femme dit cela du mari et, naturellement, le mari de sa femme. Synonyme de pot-au-feu. Cette expression a donné naissance à un dicton qui est très ancien :
— Toujours du bouilli, jamais de rôti (Argot du peuple). N.

Soupe et le bœuf (la) ou le bouilli

Delvau, 1864 : L’ordinaire conjugal : — les mêmes bonjours, les mêmes bonsoirs, les mêmes coups tirés par le même homme, — avec la même femme.

qu’enfin, voyez-voue, du nectar et de l’ambroisie, c’est toujours la même chose que de l’ambroisie et du nectar. Junon, Flore, etc…, tout ça est bel et bon ; mais c’est toujours la soupe et le bouilli ; tandis qu’il y a là-bas, chez la papa Desnoyers, des brunettes, et de la piquette qui nous ravigoteront.

Émile Debraux.

Soupe salée (docteur en)

France, 1907 : Faux connaisseur, donneur de conseils ; personne qui se mêle de tout juger et de tout critiquer, pédant. Patois du Centre.

Soupe-et-le-bœuf (la)

Delvau, 1866 : Bonheur conjugal, — c’est-à-dire ordinaire. C’est une expression de la même famille que Pot-au-feu.

Soupe-sept-heures

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui a des habitudes de repas régulières, — dans l’argot du peuple, qui, en conservant cette expression, a conservé aussi la coutume qu’elle consacre.

France, 1907 : Maniaque, personne d’habitudes régulières.

Soupente

Delvau, 1866 : s. f. Le ventre, — dans l’argot des faubouriens. Le mot a été recueilli par Traviès.

Rigaud, 1881 : Ventre. — Je t’vas défoncer la soupente à coups de sorlots à diamants.

La Rue, 1894 : Le ventre. Vieille femme sale.

France, 1907 : Vieille femme malpropre, vieille prostituée.

France, 1907 : Ventre. Jeu de mot sur soupe.

Soupente (vieille)

Rigaud, 1881 : Vieille femme laide et malpropre.

La buraliste t’a appelée vieille soupente ?

(Tam-Tam, 16 mai 1880.)

Souper de

Fustier, 1889 : Avoir assez de quelque chose. Argot militaire.

Soupes (marchand de)

France, 1907 : Maître de pension.

C’est dans un minimum variant de trois mois à trois ans que d’habiles marchands de soupes se chargent de transformer les jeunes cancres qui leur arrivent des quatre points cardinaux, fruits secs du petit séminaire de Pont-à-Mousson ou du collège de Saint-Germain en candidats à peu près présentables aux surnumérariats de l’enregistrement, des contributions indirectes ou au premier grade universitaire.

(Hector France, Les Va-nu-pieds de Londres)

Soupeser (se faire)

Rigaud, 1881 : Se faire réprimander par le patron, — dans le jargon des employés de commerce.

Soupette

France, 1907 : Petite soupe.

Soupeur

Delvau, 1866 : s. et adj. Viveur, — dans l’argot des gens de lettres.

Soupeur, soupeuse

Larchey, 1865 : Viveur passant les nuits à souper.

Est-ce que les soupeurs savent jamais ce qu’ils boivent et ce qu’ils mangent.

Frémy.

Soupeuse

Delvau, 1866 : s. f. Femme galante qui a pour spécialité de lever les hommes au souper, — c’est-à-dire de faire espalier avec d’autres à la porte des cafés du boulevard, vers les onze heures du soir, afin d’être priée à souper par les gens qui n’aiment pas à rentrer seuls chez eux. La soupeuse aune prime par chaque tête de bétail qu’elle amène au restaurant.

France, 1907 : Demi-mondaine qui fréquente la gomme et soupe avec les viveurs.

Il est rare que la soupeuse soit en carte. Il faut pour cela qu’un accident lui soit arrivé, qu’elle ait été prise dans une rafle, par hasard, au sortir d’une orgie de chez Baratte ou de chez Bordier. Rentrée chez elle à huit ou neuf heures du matin, elle se lève pour dîner à six heures, et ne sort qu’à dix pour aller directement dans un café connu d’elle où elle pourra attendre le moment du labeur quotidien.

(Le Matin)

Soupier

Delvau, 1866 : adj. et s. Grand mangeur de soupe. Argot du peuple.

France, 1907 : Personne qui aime la soupe. C’est le sobriquet des habitants de Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise. Aux réunions des compagnies d’arquebusiers, les compagnies se faisaient précéder d’un personnage ou d’un objet symbolique servant à indiquer l’endroit d’où elles venaient. Pont-Sainte-Maxence était précédé par un homme portant une marmite et une cuiller à pot, allusion à leur sobriquet de soupier.

Soupir

d’Hautel, 1808 : Des soupirs de vaches. Terme de dérision qui signifie, plainte, regret, gémissement, sanglot que l’on manifeste par une respiration forte et bruyante, douleur ridicule ; déplacée et souvent feinte.

Delvau, 1866 : s. m. Crepitus ventris, — dans l’argot des bourgeois. Soupir de Bacchus. Éructation.

Soupir de Bacchus

France, 1907 : Éructation. Envoyer au nez de sa voisine, après un repas trop copieusement arrosé, des soupirs de Bacchus.

Soupir de maître Luc

France, 1907 : Vent, d’où soupirer, lâcher un vent.

Soupirer

Delvau, 1866 : v. n. Crepitum reddere.

Souple

d’Hautel, 1808 : Souple comme un gant. D’une soumission basse et servile, qui se plie de toutes les façons.

Halbert, 1849 : Bleu.

France, 1907 : Bien ; argot des voleurs.

Souquer

Delvau, 1866 : v. a. Battre ou seulement Rudoyer. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Rudoyer, frapper.

La Rue, 1894 : Rudoyer. Battre.

France, 1907 : Remuer, rudoyer, secouer, battre ; du terme maritime tirer sur un amarrage, le roidir.

— Qu’est-ce qui m’a fichu un bougre pareil ? Ah ! vous êtes homme de chambre et vous dormez comme un veau ! Monsieur se figure qu’on l’exempte d’exercices pour qu’il ronfle sur sa couenne, au lieu de tenir sa chambrée propre et de veiller à ce qu’on ne vole rien ?… Je vous souquerai, moi ! Entendez-vous, milliards de Dieu ?

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Se dit aussi pour travailler, prendre de la peine.

Une explication eut lieu, violente. Il lui reprocha ses ribotes, sa folie de dépenses, le mauvais emploi qu’elle faisait de l’argent qu’il lui gagnait en souquant matin et soir.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Sourbe

Clémens, 1840 : Mort.

La Rue, 1894 : Mort. Sourber, mourir.

Sourd

d’Hautel, 1808 : Je suis sourd d’une oreille et n’entends pas de l’autre. Pour dire à quelqu’un que l’on ne consentira pas à ce qu’il demande ; qu’il est indiscret dans ses souhaits.
Sourd comme un pot. D’une extrême surdité.
Il crie, il frappe comme un sourd. Parce que les sourds ont coutume de parler très-haut, et de frapper, très-fort.

Sourd (un)

anon., 1907 : Un mort.

Sourd comme un pot

France, 1907 : Cette locution nous vient de l’anglais et pot est une interprétation erronée de poteau. Les Anglais disent en effet : Deaf as a post, sourd comme un poteau. Les Allemands out la même expression : sourd comme un morceau de bois. D’ailleurs, dans plusieurs provinces du Centres et du Midi, on appelle pau toute pièce de bois destinée à être fichée en terre, un poteau enfin. On dit encore : sourd comme une bûche, une borne, une enclume. Voir Pau.

Sourdaud

d’Hautel, 1808 : Qui à l’ouïe dur, qui n’entend qu’avec peine.

Sourde

Fustier, 1889 : Prison.

France, 1907 : Prison ; argot des malfaiteurs.

Sourdelle

France, 1907 : Potence.

Sourdine (grincher à la)

La Rue, 1894 : Voler après avoir endormi en jetant du datura ou un narcotique quelconque dans le vin.

Sourdins

France, 1907 : Cachotterie.

Sourdoche

La Rue, 1894 : Lanterne.

Virmaître, 1894 : Lanterne sourde (Argot des voleurs).

France, 1907 : Lanterne.

Souriau

France, 1907 : Vase de nuit ; argot des polytechniciens.

C’est une bonne farce à faire aux conscrits que de percer leurs souriaux avec la pointe d’une épée. La veille de Noël, c’était l’habitude à une certaine époque d’attacher les suriaux deux à deux par une corde solide et de les lancer dans les arbres de la cour. Ces arbres ainsi pavoisés étaient les arbres de Noël. Pendant le bahutage, un ancien passe la revue des caserts ; les conscrits alignés ont chacun leur souriau à la main.

(Albert Lévy et G. Pinet)

J’ai pour meubl’s un’ table boiteuse,
Un bouret, un lit, un souriau ;
J’ai à peine huit pieds de haut ;
Un’ pauvr’ fenêtre malheureuse.
Oui, c’est moi qui suis la prison
Et j’vous en d’mande pardon.

(Complainte des polytechniciens punis)

Souricière

Halbert, 1849 : Dépôt des prévenus.

Larchey, 1865 : « Tout en ayant soin de placer ma giberne ou, comme on dit, ma souricière. »

Vidal, 1833.

Allusion de forme.
Souricière : Piège tendu par la police :

Tendre une souricière pour le faire pincer par la police.

E. Sue.

Souricière : Lieu visité souvent par la police.

C’est une vraie souricière que votre tapis-franc. Voilà trois assassins que j’y prends.

Id.

Delvau, 1866 : s. f. Crinoline, ou Tournure exagérée, — dans l’argot des petites dames, qui savent combien les hommes se laissent prendre à cela.

Delvau, 1866 : s. f. Cabaret suspect où se réunissent les voleurs et où ils se font arrêter par les agents de police, au courant de leurs habitudes. Tendre une souricière. Surveiller les abords d’un de ces mauvais lieux-là.

Rigaud, 1881 : Lieu où la police opère des râfles. Piège à malfaiteurs. — Débit de vin, garni, sous la dépendance de la police et où les malfaiteurs viennent se faire prendre.

Rigaud, 1881 : Dépôt de la préfecture de police. C’est la partie du Palais-de-Justice où se trouvent les prisons affectées aux détenus qui attendent l’heure du jugement.

Je fus conduit dans un cachot, que l’on nomme, je crois, souricière où je passai la nuit.

(Jean Journet, Gris et soupirs, 1840.)

La Rue, 1894 : Piège tendu par la police.

Virmaître, 1894 : Cabaret connu de la police, tenu par un patron qui nonne sur l’orgue de ses clients dont la plupart sont des voleurs. La pêche se fait là sans hameçon (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Dépôt du parquet du procureur de la République, où sont amenés pendant quelques heures les prévenus qui doivent être interrogés par un juge d’instruction ou comparaitre au tribunal correctionnel. Voir Trente-six carreaux.

Hayard, 1907 : Piège tendu par la police.

France, 1907 : Mauvais violon.

France, 1907 : Le dépôt à la Préfecture de police.

La voiture, après avoir versé à la Souricière son chargement de détenus…

France, 1907 : Giberne d’infanterie du temps des anciennes cartouches.

France, 1907 : Endroit mal famé, cabaret, mauvais lieu, surveillé par la police.

Souricière (la)

Virmaître, 1894 : Est une annexe du Dépôt de la Préfecture de Police ; les prévenus passent là avant de comparaître devant les chambres correctionnelles ; ils y repassent après jugement pour monter en panier a salade et être dirigés sur les prisons où ils doivent subir leur peine. La souricière est aussi appelée les trente-six carreaux, parce que chaque fenêtre a ce nombre de vitres. On dit aussi : établir une souricière pour pincer les complices qui viennent au gîte (Argot des voleurs).

Souricières

Delvau, 1866 : s. f. pl. Ce sont, d’après Vidocq, de grandes pièces souterraines dont on peut voir les fenêtres garnies d’énormes barreaux de fer sur le quai de l’Horloge, et dans lesquelles les prévenus extraits des différentes prisons de Paris sont déposés pour attendre le moment de paraître devant le juge d’instruction.

Souris

d’Hautel, 1808 : On le feroit cacher dans un trou de souris. Se, dit d’un homme peureux, lâche et poltron, que la moindre chose met en alarme.
On entendroit une souris trotter. Pour dire qu’on observe en un lieu un rigoureux silence.
La montagne a enfanté d’une souris. Se dit quand le succès d’une affaire n’a pas répondu à l’attente.
Avoir la souris. Être sujet à clignoter des yeux.

Delvau, 1866 : s. f. Baiser sur l’œil, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que ce baiser fait moins de bruit que les autres.

La Rue, 1894 : Baiser.

France, 1907 : Baiser sur l’œil. Faire une souris, donner un baiser sur l’œil.

— Ah ! mon minet… Je te ferais plutôt une souris.

(Mémoires de Vidocq)

Faire la souris, chatouiller légèrement. Faire la souris le long de la jambe, se livrer à des libertés tout à fait intimes.

Sournoise

Fustier, 1889 : Dans le langage spécial des employés, qu’ils appartiennent à une administration publique ou particulière, la sournoise est ce que leurs chefs et eux-mêmes appellent en style correct la feuille de présence, feuille traîtresse sur laquelle on doit plusieurs fois par jour et à des moments imprévus apposer sa signature de façon à prouver qu’on est bien à son bureau et non au café voisin. Le plus souvent par une malchance fréquente la sournoise passe quand la plupart des employés sont illégalement absents.

Sous

Delvau, 1866 : s. m. pl. Argent, fortune, — dans l’argot des ouvriers. Avoir des sous. Être riche.

Sous (décoction de gros)

France, 1907 : Absinthe.

— Que je sais bien, dit le brigadier, que l’absinthe n’est autre qu’une décoction de gros sous, mais tant pis, une fois qu’on a mis le nez dans ce diable de vert-de-gris, on voudrait y fourrer la tête.

(E. Gaboriau, Le 13e hussards)

Sous de poche

Delvau, 1866 : s. m. pl. Monnaie à dépenser, — dans l’argot des collégiens et des grandes personnes qui n’aiment pas à sortir sans argent.

Sous l’œil

France, 1907 : En défiance.

— C’est parce que je les connais que je suis sous l’œil.

(Lucienne, Dialogue des courtisanes)

Sous l’orme (attendre)

France, 1907 : Attendre vainement.
« Attendez-moi sous l’orme », « Attendez-moi au rendez-vous que vous donnez, je n’irai pas. »
Au temps de la féodalité, un orme était planté devant la porte du château seigneurial. Sous cet arbre avaient lieu les assemblées des habitants, leurs fêtes, leurs danses : sous l’orme le juge du village rendait la justice. On conçoit que celui qui recevait assignation à comparaître sous l’orme pour s’y entendre convaincre d’un délit, soit par le juge même, soit par un adversaire, fût peu empressé à s’y rendre, et pût dire : « Attendez-moi sous l’orme : je n’irai pas. »

Le vieux Paloignon est amoureux d’un trottin qui refuse d’entendre ses soupirs.
— Serez-vous donc toujours insensible ? lui dit-il. Laissez-moi vous attendrir, depuis le temps que je suis sous le charme, attendant un mot de vous !
— Eh bien, maintenant, répond l’inhumaine, allez l’attendre sous l’orme.

Sous la rose

France, 1907 : Voir Sub+rosa.

Sous le linge

Delvau, 1864 : À nu, sans chemise.

Je suis pourtant curieuse de voir comme elle est sous le linge.

La Popelinière.

Sous le lit (être)

Delvau, 1866 : N’être pas au courant d’un métier ou au fait d’une chose ; se tromper. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Se tromper, n’être pas au fait d’un métier.

Sous presse

Virmaître, 1894 : Femme très occupée sur sa chaise longue à écouter le récit d’un explorateur (Argot des filles). N.

France, 1907 : Se dit d’une prostituée occupée avec un client.

— Amanda ? — Madame ? — Où est Irma ? – Sous presse.

Sous presse (être)

Delvau, 1866 : Être occupée, — dans l’argot de Breda-Street.

Sous verge (en)

Rigaud, 1881 : En second dans le commandement. (Argot des soldats de cavalerie).

Sous-broche

France, 1907 : Broche, diminutif de brochet, synonyme argotique de maquereau, est le souteneur ; sous-broche est l’ami du mari ou du souteneur ; il remplace au besoin celui-ci, va conduire la femme sur le tas, et la rechercher. Il a droit aux faveurs en l’absence du titulaire, mais pas à la galette et ne vit que des largesses que le broche veut bien lui octroyer.

Sous-dern

Fustier, 1889 : Argot des écoliers. Avant-dernier.

Sous-derne

France, 1907 : Avant-derniers ; argot des écoliers.

Sous-lieutenant

Delvau, 1866 : s. m. Résultat moulé d’une évacuation alvine, — dans l’argot des royalistes ennemis de la première Révolution.

Je m’accroupis en gémissant
Au coin d’une boutique.
Je mis bas un sous-lieutenant
D’une figure étique ?

dit une chanson du comte Barruel de Beauvert, publiée dans les Nouveaux Actes des Apôtres. On disait aussi Un représentant. Avant de s’entre-tuer, les hommes que divisent les opinions politiques s’entre-souillent d’épigrammes ordurières.

France, 1907 : Faux derrière ; c’est une cage garnie de coussins que les femmes s’accrochaient aux reins avant les robes collantes, afin de donner à leur postérieur de suggestives dimensions.

Sous-maîtresse

Rigaud, 1881 : Femme de confiance dans une maison de tolérance. — Elle surveille la consommation et il lui est défendu de consommer.

Tout client, pour pénétrer dans les chambres, donne à la sous-maîtresse 1 franc.

(F. d’Urville, Les Ordures de Paris.)

France, 1907 : Prostituée dont les charmes sont partis et qui reste comme surveillante dans la maison où elle les a vus se flétrir.

Sous-marin (gentilhomme)

France, 1907 : Souteneur.

Sous-merde

Rigaud, 1881 : Moins que rien. — Œuvre exécrable. Homme d’une incapacité absolue.

France, 1907 : Individu méprisable.

Sous-off

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Sous-Officier, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Sous-officier.

Merlin, 1888 : Apocope de sous-officier.

France, 1907 : Abréviation de sous-officier.

— Eh ! mon cher, pourquoi nous sommes-nous engagés ? Pour arriver, n’est-ce pas ? Or, au train dont vont les choses, nous avons la perspective d’être sous-off vers l’époque de notre retraite, avec la médaille militaire qui nous rapportera cent francs par an. Plus de guerre, partant plus de galons. Ce n’est pas précisément pour ça que je me suis fait soldat.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Sous-pied

Rigaud, 1881 : Viande coriace qu’on prendrait pour un morceau de cuir, — dans le jargon des soldats de cavalerie.

Merlin, 1888 : Mauvais morceau de viande, fait de nerfs et dur comme le cuir des sous-pieds, Ramasser son sous-pied veut dire tomber de cheval.

Sous-pied de dragon

France, 1907 : Sobriquet donnés aux fantassins dans l’ancienne armée.

Sous-pied de dragons

Merlin, 1888 : Épithète de mépris donnée par les cavaliers aux fantassins à cause de leur petite taille.

Sous-souille

France, 1907 : Souillon.

Sous-ventrière

Rigaud, 1881 : Écharpe de M. le maire ; écharpe de M. le commissaire.

Virmaître, 1894 : Écharpe.
— As-tu vu le quart-d’œil avec sa sous-ventrière, y la dégotte mal ?
Allusion à la sous-ventrière du cheval (Argot du peuple).

France, 1907 : Ceinture, écharpe de maire, de commissaire de police et autres autorités. En argot militaire, c’est le ceinturon. Allusion à la large courroie qui dans le harnachement passe sous le ventre du cheval.

Pourquoi sceller par une cérémonie ce qu’une autre cérémonie peut défaire. Pourquoi faire consacrer par un bonhomme sanglé d’une sous-ventrière, l’union que trois autres bonshommes en jupe et en toque pourront déclarer nulle et non avenue ?

(La Révolte)

S’en faire péter la sous-ventrière, manger ou boire avec excès.

Sous-ventrière (tu t’en ferais péter la)

Rigaud, 1881 : Ça te rendrait trop fier. L’orgueil t’enflerait si fort que ta sous-ventrière en éclate rait. — Tu présumes trop de tes forces. — « Ma chère belle, voulez-vous accepter ma main… pour ce soir ? — Tu t’en ferais péter la sous-ventrière. » — Les variantes sont : Tu t’en ferais éclater le cylindre, tu t’en ferais péter le nœud.

Sous-verge

Rossignol, 1901 : Sous-brigadier.

Sous-verge (en)

France, 1907 : Commander en second ; terme militaire.

Sous-vétérinaire

France, 1907 : Député sans valeur ; mot créé par Gambetta au sujet de la discussion sur la suppression du scrutin d’arrondissement.

Ah ! singuliers pays que les nôtres ! Pays de légende et d’apparence, où rien n’est vrai, où rien n’est profond, où tout est superficiel et est superficiellement jugé. Péché caché est pardonné d’avance, mais cachez-le bien. Ah ! quelle désespérance ! comme on enverrait promener la politique, comme on serait dégoûté de ces sous-vétérinaires plus ou moins ignobles que l’on coudoie à la Chambre, si on n’avait pas confiance dans ce grand jugement de la masse qui plane sur tout, dans cette mer humaine, « onde sans cesse émue où on ne jette rien sans que tout ne remue ». Le peuple ! Le peuple ! mais le peuple comprendra-t-il ? et surtout échappera-t-il à ceux qui le trompent et l’exploitent sans retomber sur de nouveaux menteurs et de nouveaux exploiteurs ?

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Soussouille

Delvau, 1866 : s. et adj. Débauché, ivrogne, arsouille, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Petit souillon.

Soustraction

d’Hautel, 1808 : Il sait bien faire les soustractions. Se dit par raillerie d’un homme qui est enclin au vol et à la rapine.

Soutados

Delvau, 1866 : s. m. Pièce de cinq centimes.

France, 1907 : Cigare d’un sou.

Soute au pain

Delvau, 1866 : s. f. L’estomac, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine. Les ouvriers anglais ont la même expression : Bread-basket (panier au pain), disent-ils.

France, 1907 : Estomac.

Soute aux douros

France, 1907 : Porte-monnaie, bourse.

C’est un horrible cuistre que cet imbécile qui vient de la cueillir pour une nuit… Mais la soute aux douros est bien sonnante, et puis, elle est toute pleine de sève, la belle fille, elle veut vivre ! Il a fallu passer par le mêmes chemin que les autres ! Dame ! puisqu’elle veut vivre et qu’elle n’en a pas le moyen…

(Louise Michel, Le Monde nouveau)

Soutellas

Delvau, 1866 : s. m. Cigare d’un sou, — dans l’argot des voyous qui ont voulu se moquer des panatellas.

France, 1907 : Cigare d’un sou.

Soutenante

Delvau, 1866 : s. f. Canne, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Canne.

La Rue, 1894 : Canne. Bretelle.

France, 1907 : Canne.

Soutenantes, ou ballaussines

Clémens, 1840 : Bretelles.

Souteneur

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris. Homme de mauvaises mœurs ; celui qui entretient des femmes galantes.

Delvau, 1864 : Homme sans préjugés qui, en cas de quelque attaque, doit servir de défenseur aux putains. En retour, il exige d’elles une bonne partie de l’argent qu’elles gagnent à la sueur de leur con. — Le souteneur est le mari modèle. Il est cocu, c’est convenu d’avance avec sa femme. Mais il ne doit pas songer à la faire cornette. Il doit la monter régulièrement une ou deux fois par semaine, mais dans l’intervalle, il ne faut pas qu’il s’avise de penser même à une autre femme, encore moins d’en approcher. Malheureusement, chez les souteneurs, c’est comme chez les maris : il en est peu de vraiment honnêtes et sur qui une femme puisse compter sans réserve.

Je suis le roi des souteneurs !
Je connais la savate !
Au billard, faut m’ voir, j’épate
Les vrais amateurs.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui vit aux dépens des filles, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Homme qui vit aux dépens d’une prostituée.

Virmaître, 1894 : Individu qui vit des filles qui se livrent à la prostitution, fainéant, voleur et assassin si l’occasion se présente ; on le trouve en haut comme en bas de l’échelle sociale (Argot du peuple).

Soutenir le choc

Delvau, 1864 : Se dit en parlait d’une femme que l’on baise, et à qui l’énergie de l’assaut ne fait pas peur.

Il faudrait surtout avoir soutenu durant toute la nuit, un entretien très vif avec une nonne charmante.

Louvet.

Soutirantes

Clémens, 1840 : Battes.

La Rue, 1894 : Bottes.

France, 1907 : Bottes ; argot faubourien.

Soutirer au caramel

Delvau, 1866 : v. a. Tirer de l’argent de quelqu’un en employant la douceur.

Rigaud, 1881 : Soutirer de l’argent en employant la douceur et la persuasion. Le peuple dit plus ordinairement : « Le mettre en douceur ».

La Rue, 1894 : Synonyme de mettre en douceur. V. Douceur.

France, 1907 : Aller doucement ; synonyme de mettre en douceur. Extorquer de l’argent en gagnant la confiance par des flatteries, des moyens doucereux.

Souvent

d’Hautel, 1808 : Le plus souvent. Locution adversative et ironique, dont on se sert pour désavouer ce qu’un autre dit. Cette prétermission s’emploie à peu près ainsi qu’il suit. Tu as été joliment attrapé dans cette affaire. – Oui, le plus souvent ?

Souvent (plus)

France, 1907 : Jamais.

Souvent bien que gale et rogne est à cadet de Gascogne

France, 1907 : Ce dicton qui n’a pas été évidemment écrit par un Gascon, était précédé de deux autres, tous trois faisant allusion au caractère des habitants des provinces de Bretagne, de Gascogne et de Normandie.

À Cadet de Normandie
Espée, bidet et la vie,
À Cadet de Bretagne,
Ce que son industrie gagne.

En Normandie, les cadets de noblesse n’avaient que leur épée et un cheval ; en Bretagne, ils pouvaient sans déroger se livrer au négoce, et par ce moyen les cadets de la noblesse faisaient souvent fortune. Quant aux cadets de Gascogne, leur misère était proverbiale ainsi que leur saleté.

Souvent femme varie, bien fol est que s’y fie

France, 1907 : Proverbe qu’en vers de mirliton François Ier écrivit un jour avec le diamant de sa bague sur une fenêtre du château de Chambord. Sa sœur, la reine Marguerite de Navarre, qui entrait au même instant, protesta, et le roi se laissant convaincre, cassa, dit-on, le carreau. Le dicton n’en courut pas moins, bien qu’il fût loin d’être neuf, car sans parler des adages des Grecs et des Romains sur la tromperie et l’inconstance féminine, les vieux dictons français abondaient. En voici quelques-uns :

Cœur de femme trompe le monde,
Car en luy malice abonde ;
Femme rit quand elle peut,
Et pleure quand elle veut.

 

Femme se plaint,
Femme se deult,
Est malade quand elle veut,
Et par sainte Marie,
Quand elle veut,
Elle est guérie.

 

Pleur femme, crocodille semble ;
Qui femme croit est asne même,
Son corps ne sera jà sans peine.

Inutile d’ajouter que chez tous les peuples on retrouve contre la femme les mêmes épigrammes.

Soyeux

Rigaud, 1881 : Commis à la soierie, — dans le jargon des marchands de nouveautés. Il y a un féminin qui, naturellement, fait soyeuse.

France, 1907 : Commis de nouveauté employé au comptoir de la soierie.

Le soyeux, la bouche en cœur, distribuait des œillades aux dames.

(Les Propos du Commandeur)

Spade

France, 1907 : Épée ; vieux français, du latin spada, dont nous avons fait spadassin.

Spahia

France, 1907 : Spahis ; les spahis. On sait que c’est la cavalerie indigène d’Afrique. Spahi vient du persan sipahi, soldat, dont les Hindous ont fait sepon, fantassin, en anglais cipaye, et les Turcs spahi, cavalier. Les escadrons de spahis étaient recrutés parmi les fils de grandes tentes, riches ou notabilités arabes. Chaque cavalier en s’engageant devait amener son cheval, un mulet de bât et justifier de la possession d’un terrain cultivable.

Deux éléments divers s’unissent dans la cavalerie d’Afrique pour le succès de nos armes… le spahia et le chas’ d’Af. Ces grands soldats à la jaquette bleue n’auraient pu, malgré leur courage, exécuter seuls les hardis coups de main… l’Arabe sur la terre d’Afrique était nécessaire pour lutter avec l’Arabe… Telle fut l’origine des spahis… Ils eurent une discipline moins sévère que la discipline française et pour uniforme un burnous rouge s’enlevant au moindre signe du chef… Des sous-officiers et des officiers français furent donnés à ces cavaliers indigènes, et ainsi composée cette troupe a rendu de grande services. « Refuge des pécheurs », disait-on parfois. Bien des caractères, en effet, qui auraient eu peine à supporter la rigueur de la discipline française, allaient leur demander asile ; aussi, souvent rencontrait-on parmi les spahias des physionomies étranges, des coureurs d’aventures, dont la vie ressemble à un récit des temps passés détaché d’un vieux livre. »

(Comte P. de Castellane, Souvenirs de la vie militaire en Afrique)

Speck

Delvau, 1866 : s. m. Lard, — dans l’argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot à la langue allemande.

La Rue, 1894 : Lard.

France, 1907 : Lard ; argot des voleurs ; germanisme.

Spectre

Rigaud, 1881 : Ancienne dette qu’on avait oubliée et qui surgit à l’improviste.

France, 1907 : Vieille dette oubliée et qui reparait tout à coup.

Spectre de banco

Rigaud, 1881 : Gros joueur ruiné qui se tient debout derrière une table de baccarat sans jouer, — dans l’argot des grecs.

France, 1907 : Joueur décavé qui se promène autour des tables de jeu avec une mine lamentable.

Speech

Larchey, 1865 : Allocution. — Mot anglais.

En terminant mon speech ministériel.

E. Sue.

Delvau, 1866 : s. m. Discours, bavardage, — dans l’argot du peuple et des gens de lettres.

France, 1907 : Discours, allocution. Anglicisme.

Le lendemain j’essayai encore avec exactement le même résultat, débitant même speech, recevant même réponse. Et cela dura neuf soirées consécutives pendant lesquelles je récitai par cœur ma déclaration. S’il eût été nécessaire de la répéter quatre-vingt-dix-neuf fois ou même neuf cent quatre-vingt-dix-neuf fois, je l’aurais fait, car plus ça durait, plus j’étais curieux de connaître la fin. Cependant, le dixième soir, lorsque j’eus machinalement répété mon rôle, elle répondit, à ma grande surprise : « Je t’épouserai, Si ma mère y consent. »

(Hector France, Chez les Indiens)

Le pluriel est speeches.

Sper

Delvau, 1866 : s. m. Carreau dont on vient de se servir, mais qui possède encore assez de chaleur pour être de nouveau utilisé. Expression de l’argot des tailleurs.

France, 1907 : Fer à repasser chaud ; argot des tailleurs.

Sperme

Delvau, 1864 : Graine d’enfants que l’on sème (σπέρμα) dans le ventre de la femme, — terre souvent féconde, et souvent bréhaigne aussi, selon la qualité de la semence, ou la vertu du semoir.

Nul rafraîchissement ne la lui peut ôter si bien qu’un bain chaud et trouble de sperme vénérique.

Brantôme.

Le sperme n’est pas l’or potable
Qui vous nourrit au lieu de pain ;
Durant que votre con tient table
Votre ventre crie à la faim.

Théophile.

La bonne Alix, curieuse, s’avance,
Voyant jaillir ce sperme merveilleux.

Piron.

Et lorsque du plaisir est arrivé le
Dans ma bouche je sais encor garder le sperme.

L. Protat.

Sphinx

Delvau, 1866 : s. m. Mets imaginaire comme le monstre auquel fut forcé de répondre Œdipe, et qu’on demande facétieusement dans certains restaurants qui prétendent avoir de tout. Alphonse Karr, ou Méry, eut un jour la curiosité d’en exiger ; — « Nous venons de donner la dernière portion, » lui répondit tranquillement le garçon. Léon Gozlan fut plus heureux, ou plus malheureux ; il en demanda — et on lui en servit.

Spickel

Delvau, 1866 : s. f. Épée de fantaisie, — dans l’argot des Polytechniciens, qui l’achètent ordinairement chez le marchand qui porte ce nom, et dont le magasin est rue Saint-Honoré, ou rue Richelieu.

France, 1907 : Épée de salon ; argot des polytechniciens.

Spinster

France, 1907 : Célibataire du sexe féminin ; vielle fille. Anglicisme.

Il existe un bonheur complet, le bonheur que nous avons assigné au premier groupe dont toutes les activités, mises en exercice, peuvent atteindre leur plus haut degré de développement, et il existe aussi un bonheur relatif qui consiste dans l’adoption, dans la création de palliatifs, lorsque l’objet naturel de l’aptitude vient à manquer. Exemples : les religieuses, qui, privées des fonctions de la maternité, se créent une maternité artificielle, et cette sorte de troisième sexe, les spinsters anglaises, qui substituent à l’amour et au mariage le développement d’autres aptitudes, d’autres activités, et réussissent à atteindre un bonheur relatif.

(Paola Lombroso, Le Bonheur des femmes)

Spirite

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme qui ne croit peut-être pas à Dieu mais qui croit aux esprits, afin de prouver l’insanité du sien.

Spiritisme

Delvau, 1866 : s. m. Dada, à l’usage des gens sérieux qui tiennent à passer pour grotesques. Ils évoquent Voltaire et ils le font parler comme Eugène de Mirecourt.

Spiritus flat ubi vult

France, 1907 : L’esprit souffle où il veut. Locution latine signifiant que l’inspiration se donne, mais se s’acquiert pas.

Spiritus promptus est, caro infirma

France, 1907 : L’esprit est prompt, la chair est faible. Locution tirée de l’Évangile.

Spispouf

France, 1907 : Polisson ; de l’allemand Spitzbube, même sens.

Spleen

France, 1907 : Ennui chronique, mélancolie. Anglicisme.

Quand un Anglais avec sa Glaise
Viennent sur la terre française,
Certes, on peut croire que la Queen
Exprès vilaine nous les envoie
Pour nous faire mourir de joie
Ou nous initier au spleen !

(Raoul Ponchon)

Spongieuse

France, 1907 : Voir Horizontale.

Sponte sua

France, 1907 : De son propre mouvement ; latinisme.

Sport

Delvau, 1866 : s. m. Science de la haute vie et des nobles amusements, courses, paris, etc., — dans l’argot des anglomanes.

France, 1907 : Exercice physique en plein air : équitation, vélocipédie, canotage, etc.
Ce mot, que nous avons repris des Anglais, vient de l’ancien français desport ou deport, joie, plaisir, amusement.

Blancs, blancs, blancs jusqu’à la casquette,
Quatre Anglais anguleux et blonds,
À droite, à gauche, à reculons
Allongent des coups de raquette.
Sérieux pontifes du sport,
Comme poussés par le ressort
D’une subtile horlogerie,
Ils ont l’air, bien articulés,
De ces pantins qu’on voit sur les
Anciens orgues de Barbarie.

(Jacques Normand)

Sportif

France, 1907 : Qui s’occupe de sport.

Sportif, ive

Delvau, 1866 : adj. Qui a rapport aux choses du sport. Mot barbare qui a fait récemment son apparition dans les journaux.

Sportsman

Delvau, 1866 : s. m. Homme de cheval, habitué des courses.

France, 1907 : Homme qui s’occupe de sports.
Le pluriel est sportsmen.

Les jours du Grand Prix de Paris, Mabille était envahi par une foule de sportsmen, et suivant la nationalité du cheval qui avait remporté la victoire, Anglais ou Français la célébraient en buvant d’énormes quantités de champagne, accompagnées d’une grêle de coups de poings.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Sportsmanie

Delvau, 1866 : s. f. La manie des courses, — dans l’argot des bourgeois.

Sportswoman

France, 1907 : Littéralement, femme de sport. Anglicisme.

Sportswoman distinguée, éprise de littérature et d’art, elle avait, jusqu’à trente-cinq ans environ, mené la vie facile des femmes qui, trompées par le mari, ont le sentiment qu’il faut un peu de mutuelle indépendance pour être heureux.

(Victorien du Saussay, Jeune fille avec tache)

Spout

France, 1907 : Appareil qui sert à transborder la houille ; anglicisme.

SS

d’Hautel, 1808 : Avoir les jambes en SS. Pour, les avoir torses ; être bancale.
Il fait des esses. Se dit en plaisantant d’un homme à qui le vin fait perdre l’équilibre ; qui marche en zig-zag, et bat les murs.
Allonger les SS. C’est ce qu’on appelle plus communément, faire des queues aux zéros ; friponner dans un compte ; le surcharger.

Stable boy

France, 1907 : Voir Lad.

Staccato

France, 1907 : Terme musical indiquant qu’un passage doit être attaqué et exécuté brusquement ; italianisme.

Stafer

Halbert, 1849 : Dire.

France, 1907 : Parler ; argot des voleurs.

Stalie

France, 1907 : Fauteuil, plare, atalle ; argot des théâtres.

Stalle

Delvau, 1866 : s. f. Chaise ou fauteuil, — dans l’argot des francs-maçons.

Stand

France, 1907 : Tribune des champs de course, littéralement place, station. Anglicisme et germanisme.

Stanpandant

d’Hautel, 1808 : Mot gaulois, qui équivaloit à Cependant, il est encore en usage parmi le peuple.

Stans pede en uno

France, 1907 : Au pied levé. Latinisme tiré d’Horace ; littéralement, debout sur un seul pied.

Stare sulla corda

France, 1907 : Se tenir sur la corde. Être dans l’incertitude comme quelqu’un qui se tient sur une corde raide. Locution italienne.

Starter

Fustier, 1889 : Argot de courses. Celui qui donne aux jockeys le signal du départ.

France, 1907 : Employé des courses qui donne le signal du départ. Anglicisme, du verbe to start, partir.

— Une place ? Quelle place ? Je n’ose pas le dire. Faut-il vous l’avouer, Monsieur ? Je suis starter dans les courses de bicyclettes. C’est moi qui donne le signal du départ. Quelquefois c’est en tirant un coup de pistolet — pan ! — d’autres fois c’est en criant : « Allez ! » de cette belle voix que jalousait M. Beauvallet et qui est demeurée superbe. « Allez ! »… Starter, moi ! starter de vélodromes. Voilà où j’en suis. Quelquefois, je ferme les yeux, quand je dis : Allez ! et il me semble que je donne le signal non pas d’une course, mais d’un duel.

(Jules Clarétie, Brichanteau, comédien)

Starting-machine

France, 1907 : Machine à donner les départs aux courses. Cette machine, inventée par un Américain, réunit plusieurs avantages ; les principaux sont la suppression des faux départs, l’impossibilité de suspecter le starter d’avoir avantagé un ou plusieurs des concurrents au détriment des autres, et la sérénité du starter lui-même vis-à-vis des jockeys, toujours tentés de voler le départ.

Starver

France, 1907 : Mourir de faim ; de l’anglais to starve, être affamé.

Statu quo

France, 1907 : L’état où en sont les choses. Location latine employée principalement en politique. Restons dans le statu quo. Les partisans du statu quo.

La conservation du statu quo, voilà la signification de tous les votes populaires depuis l’institution du suffrage universel. Le peuple souverain a conservé la République d’abord jusqu’au jour où le prince Louis-Napoléon lui mit, sans avis préalable, la baïonnette an travers du corps. Après quoi il conserva l’Empire. Pour le beau résultat que l’on sait.

(G. Clemenceau, L’Aurore)

Statufier

France, 1907 : Élever une statue.

Et nous avons vu le scandale éclater jusqu’au cœur de l’État : en ce palais de l’Élysée où siégeait le vieux Grévy ; hier chassé, aujourd’hui statufié ! L’un après l’autre, les bonzes de la démocratie sont tombés comme des capucins de carte ; la concussion, la simonie, le trafic des mandats et des consciences, ont exercé leurs ravages dans de camp des austères — si bien qu’on se méprenait, à la fin, entre le banc des ministres et le banc des prévenus.

(Séverine)

Steam-boat

France, 1907 : Bateau à vapeur, Anglicisme ; steam, vapeur, et boat, bateau.

Le steam-boat sur l’Océan lisse
S’arrête. La belle malice !
Un ingénieur fit l’hélice.
Car c’est le temps, savant, préfet,
Roi, poète, ou l’homme en effet
Ne sait plus le métier qu’il fait.

(Catulle Mendès)

Steamer

France, 1907 : Navire à vapeur. Anglicisme ; de steam, vapeur.
Nos armateurs n’ont plus de chargeurs ; ils ont des cargo-boats. On dit un steamer, et non bateau à vapeur. Ouvrez les rapports de nos ingénieurs des ponts et chaussées, ils sont remplis de mots anglais : block-system, railways, etc. Au ministère de l’agriculture, il n’est question que de mildew, black-rot, etc.

Il n’avait pas, comme les autres marins, la nostalgie des vastes horizons, des étendues bleues, infinies d’où se dégage on ne sait quelle mystérieuse attirance, il ne suivait pas d’un long regard fixe les steamers qui s’en allaient là-bas en rayant le ciel de fumées noires, les trois-mâts qui, avec leurs voiles éployées, se balançaient comme de grands goëlands qui planent au ras des vagues.

(Mora, Le Gil Blas)

Stéatopyge

France, 1907 : Femme aux fesses énormes ; ne pas confondre avec callipyge, qui signifie en grec : belles fesses.

Les femmes de Hottentotie ne peuvent, pour la plupart, nier leur race ; elles en portent presque toutes, et non sans une certaine fierté, la marque très apparente et… trop dodue.
Nous tournerons discrètement autour de ce sujet important, et renverrons les lecteurs trop désireux de préciser à l’étude des charmes particuliers de la fameuse Stéatopyge où Vénus hottentote, à M. Galton, savant voyageur, auteur d’un curieux ouvrage sur l’Afrique méridionale.

(G. de Wally, Nouvelle Revue)

Stéatopygie

France, 1907 : Dimensions prodigieuses du derrière des femmes de certaines races nègres et principalement des Hottentotes.

Un des deux interprètes hottentots des respectables ecclésiastiques possédait une épouse du plus pur et du plus abondant hottentotisme.
Les savants sont gens curieux, par devoir professionnel, et M. Galton éprouvait le tout scientifique et impérieux désir de fixer sur ses tablettes les proportions exactes de… de… (Ah ! ma foi, vive le grec !) de la stéatopygie de la dame. Justement, celle-ci, fort coquette et très peu pudique, se tenait nonchalamment debout et sans voile, gracieusement appuyée contre un arbre. M. Galton, ignorant jusqu’au premier mot de hottentot, ne savait comment faire part à la belle de ses indiscrètes intentions. et il eût été déplorablement shocking de sa part de prier un des ministres du culte de se charger de faire sa commission. Une idée lumineuse jaillit de son cerveau, idée qui alliait de la façon la plus originale les exigences de la science et le respect de la pudibonderie britannique… il saisit son sextant et mesura des angles avec autant de gravité et d’attention que s’il se fût agi de déterminer la courbe du méridien terrestre. Jamais Delambre ni Neper n’ont prévu cette application in anima vili de la trigonométrie !

(G. de Wally, Nouvelle Revue)

Stelki

France, 1907 : Poisson de mer plus petit que la sardine et que l’on mange principalement dans le nord de la Russie, surtout dans la soupe.

Est-ce que l’on s’imagine que c’est pour être agréable à leurs clients que les restaurateurs ont remplacé sur leur table la modeste sardine de nos pères et de Nantes par le stelki de Russie ? Allons donc ! Les restaurateurs savent tout aussi bien que les clients que le stelki est un manger atroce : mais tout pour l’alliance !

(Gil Blas)

Steppage

France, 1907 : Dressage d’un cheval de course ; anglicisme.

Stepper

France, 1907 : Cheval de course ou de voiture de maître ; anglicisme.

Pour une parvenante, un amant en vue ne fait-il pas partie du programme obligatoire autant que la paire de steppers dans des dix mille, l’hôtel baroquement meublé où l’on reçoit à portes ouvertes, les excentricités, les bruyances que notent les échotiers des journaux mondains ?

(Colombine, Gil Blas)

Stercoraires (bataillon des)

France, 1907 : La réunion des équipes de vidangeurs.

Le maniaque qui veut tout réglementer, constitue, pour sa société idéale, des bataillons de stercoraires, revêtus d’un uniforme spécial.

(F. Coppée)

Sterlet

France, 1907 : Poisson que l’on pêche dans le Volga, le Dnieper et quelques fleuves sibériens. Sa chair est fort estimée des Russes.

Le petit verre de fine sera remplacé par un petit verre de kummel ou d’eau-de-vie de grain : il n’y aura pas moyen de l’éviter. Et au prochain vernissage je vois déjà poindre, au déjeuner, un sterlet sauce tartare, qui remplacera le saumon sauce verte.

(Gil Blas)

Sterling

Larchey, 1865 : Grand, considérable. — Allusion à la valeur relative de la livre anglaise qui est très-forte. — On parle des galanteries sterling d’un entreteneur dans un roman de Rutlidge (Vice et Faiblesse, 1786).

Il y a là-dessus un tas de vieilles drogues qui font un sabbat sterling.

Vidal, 1833.

On dit de même s’ennuyer à vingt cinq francs par tête.

Delvau, 1866 : adj. Pur, de bon aloi ; riche, — dans l’argot du peuple, qui n’a pas le moins du monde « emprunté ce superlatif au système monétaire anglais », par l’excellente raison que ce « superlatif » a, en anglais, la même signification qu’en français : Sterling wit (esprit de bon aloi), sterling merit (mérite remarquable), disent nos voisins. M. Ch. Nisard s’est trompé.

France, 1907 : De première qualité, de premier ordre, excellent. Allusion à la livre sterling anglaise de la valeur de 25 fr. 25 et qui est acceptée dans tous les pays.

Sternutatoire

d’Hautel, 1808 : Qui provoque l’éternuement ; terme de médecine. Beaucoup de personnes disent Sternuạtoire, ce qui est un barbarisme.

Stick

Delvau, 1866 : s. m. Petite canne, — dans l’argot des « young gentlemen », qui mettent cela dans leur bouche comme un sucre d’orge, au lieu d’appuyer leurs mains dessus comme sur un bâton. Ce mot entrera sans peine dans la prochaine édition du Dictionnaire de l’Académie, plus hospitalier pour les mots anglais que pour les mots français. Même observation à propos de derby, turf, studbook, handicap, steeple-chase, match, etc.

France, 1907 : Canne légère ; anglicisme.

Voyez-moi cet étourdi,
Méprisant Phèdre et Sophocle.
Il arbore, en vrai dandy,
Col cassé, stick et monocle,
Et mange à papa ferme, étang, château.
Il se fait plumer comme un dindonneau,
Et sa pauvre mère est sous le boisseau,
Mais il met Phryné sur un socle…
J’en suis convainvu,
Il eût mieux vécu
Si l’on m’eût chargé de cingler son… chut.

Stockfish

Delvau, 1866 : s. m. Anglais, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Poisson séché ; de l’anglais.

Stom

un détenu, 1846 : Estomac.

Stomatologie

France, 1907 : Science des caractères de la bouche ; néologisme hellénique formé de stoma, bouche, et logos, traité. Cette science nouvelle, des plus intéressantes, nous vient d’Amérique. Elle consiste à tirer une série d’inductions morales de la forme de la mâchoire, des lèvres et des dents.

Stop !

Delvau, 1866 : Expression de la langue anglaise qui est passée dans l’argot des canotiers parisiens. Elle signifie, on le sait : « Arrêtez ! »

France, 1907 : Halte ! Anglicisme, du verbe to stop, arrêter, dont on a fait en français stopper.

Stopper

Delvau, 1866 : v. n. Arrêter, faire escale. C’est le verbe anglais To stop.

Virmaître, 1894 : Stopper, arrêter. Le mécanicien arrête la machine, il stoppe. On dit à un orateur qui fait un discours maladroit : stoppez, dans le sens de taisez-vous. La science du tailleur a créé le stoppeur, celui qui reprise les accrocs aux vêtements. Il est regrettable que son aiguille habile ne puisse repriser les consciences, il aurait eu un rude ouvrage au Palais-Bourbon (Argot du peuple).

Store

Rigaud, 1881 : Œil, paupière. — Baisser les stores, baisser les yeux.

Stores

Virmaître, 1894 : Paupières qui s’abaissent et se relèvent à volonté (Argot des voleurs).

France, 1907 : Paupières ; argot populaire. Baisser les stores, fermer les yeux.

Stout

France, 1907 : Bière forte anglaise, de couleur brume, faite d’orge brûlé. Certains stouts qui ont fait le voyage des Indes atteignent le prix des meilleurs vins.

En enfilant cette ruelle des Gobelins où la Bièvre, engorgée sous un tunnel, se montre néanmoins encore un peu, au plein air, sauvée qu’elle fut, grâce à un mégissier qui, gêné dans son industrie par des manies destructives des ingénieurs, finit par intenter un procès à la Ville et le gagna, l’on aboutit, après avoir franchi un petit pont, sous lequel bourdonne en moussant le stout de ses eaux, dans la rue des Gobelins.

(J.-K. Huysmans)

Strangouiller

France, 1907 : Déformation de stranguler, étrangler.

Stranguler un ara

France, 1907 : Néologisme argotique introduit vers 1882, pour boire un verre d’absinthe ; littéralement, étrangler un perroquet.

Strapontin

Fustier, 1889 : Petit matelas en galette, étroit et plat.

Fustier, 1889 : Ce mot, en langage très familier, désigne l’objet de toilette que les femmes appellent du nom de tournure.

Grande bataille ! Entre qui ? Entre les strapontinistes et les antistrapontinistes. On appelle strapontin en langue fantaisiste, l’appendice proéminent que les dames portent en ce moment au-dessous de la taille.

(Monde illustré, novembre 1885.)

(V. les mots nuage et tapez-moi ça dans le Supplément.)

Virmaître, 1894 : Femme qui a l’estomac bien garni. Elle possède un strapontin supérieurement rembourré — ce n’est pourtant pas une place pour s’asseoir. Ou appelle aussi strapontin la tournure que les femmes mettent sous leurs jupons, peur paraître avoir un postérieur engageant (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Tournure que des femmes se mettaient sous les jupes pour se grossir le derrière. Voir Sous-lieutenant.

Des centaines et des milliers de tournures, strapontins, sous-lieutenants, s’exhibaient triomphalement à tous les regards, aux vitrines de toutes les boutiques où l’on s’habille. La femme n’aurait jamais laissé apercevoir cet agrément significatif de sa personne accroché à une patère, ou déposé sur un meuble, comme un chapeau, qu’il aurait fallu se rendre à l’évidence des exhibitions marchandes, et se préoccuper de ces treillages matelassés, de forme et de destination si particulières.

(Gustave Geffroy)

Stroc

Delvau, 1866 : s. m. Chopine, — dans l’argot des voleurs. Demi-stroc. Demi-setier. On dit aussi Stron.

Rigaud, 1881 : Setier, mesure de vin ; d’où mastroquet, marchand de vin.

Stroc, strock

France, 1907 : Setier.

Stron

Halbert, 1849 : Sentier.

Stropiat

France, 1907 : Mendiant estropié : vieux français.

Mes braves bons messieurs et dames,
Par Sainte-Marie-Notre-Dame,
Voyez le pauvre vieux stropiat,
Pater noster ! Ave Maria !
Ayez pitié !

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Stroquet

France, 1907 : Marchand de vins ; abréviation de mastroquet.

Tout c’mond’, pour vivre, à trafiquer s’exerce.
Tromper autrui s’appell’ : fair’ du commerce.
Chez les stroquets qui sont les moins adroits
Un sou d’eau-d’vie on vous l’fait payer trois !…
La fraude ainsi chez tous les marchands s’glisse
On m’dit : faudrait se plaindre à la police…
Votre polic’, vos jug’s, vos avocats ?
J’les aim’ pas !

(Jules Célès)

Struggle

France, 1907 : Lutte : anglicisme.

Toutes les fois que je viens à Paris, avant d’affronter la Rive droite et ses tempêtes, j’ai cette hygiénique habitude de faire escale sur notre adorable Rive gauche, de préférence au Luxembourg, jardin accueillant où l’homme du struggle est inconnu, l’horrible homme qui n’a plus d’âge, inquiet, fiévreux, brûlé de soucis, affolé d’affaires, et où le flâneur ne rencontre, autour du petit lac peuplé de canards mandarins, que des jeunes gens aux yeux joyeux tout illuminés d’espérance, et de pacifiques vieillards déjà résignés à ne plus être et promenant, avec un sourire, les souvenirs de leur passé.

(Paul Arène)

Struggle for life

France, 1907 : Lutte pour la vie. Expression anglaise, lancée par Darwin dans la circulation.

Struggle for life, la lutte pour la vie, expression brutalement inepte, éloquente, il faut le reconnaitre, dans sa bestialité, mise en crédit par le mercantilisme britannique à l’usage du mercantilisme cosmopolite, qui fait chorus admirativement. Car tel est bien le dernier mot, il ne voit pas au delà de l’esprit bourgeois, sa conception suprême : le désordre sans frein, dit autrement le régime de la concurrence, l’aléa incessant de l’agiotage ; la déprédation meurtrière, qui est l’ordre — ou la forme civilisée du cannibalisme, c’est tout un pour eux, — chez nos peuples perfectionnés ; c’est-à-dire la lutte affamée, haletante, sans moyens, sans vergogne, la bataille des fauves, à belles griffes, à belles dents, sans trêve et sans quartier. Malheur à ceux qui tombent dessous ! Struggle for life ; hourrah !

(Émile Leverdays)

On ne le peut méconnaître, dans les conditions actuelles de l’existence, la pratique de l’escrime rend plus de services que celle du vers latin, et il est plus avantageux dans le struggle for life d’avoir recours à la savate qu’aux injures en vers grecs dont usaient les héros d’Homère avec une volubilité à laquelle ne sauraient atteindre les meilleurs élèves de rhétorique.

(Grosclaude, Le Journal)

Struggleforlifeur

France, 1907 : Barbare civilisé, suivant l’expression de Paul Bourget, capable de toutes les atrocités morales et même matérielles pour arriver à la fortune, pour jouir.

Il fallait bien vivre. L’Anglais, l’Italien et l’Allemand étaient des partisans sincères de la théorie très actuelle de la lutte pour la vie. Dans ce système, les plus faibles doivent être mangés par les plus forts. C’est la loi rationnelle de l’existence. Les struggleforlifeurs sont des gens tout à fait fin de siècle.

(Yveling Rambaud, Haine à mort)

Struggler

France, 1907 : Lutteur, au sens figuré. Anglicisme.

Si les grands maîtres ont laissé, au Palais, des héritiers de leurs traditions, l’Ordre est envahi par une racaille de jeunes strugglers qui en compromettent étrangement la respectabilité.

(Séverine, Le Journal)

Stuc

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Part du butin.

Delvau, 1866 : s. m. Part d’un vol, — dans l’argot des voleurs, qui doivent s’estimer heureux de ne plus vivre au XVIIIe siècle, à une époque où un arrêt de la Cour du Parlement (22 juillet 1722) condamnait à être rompu vif un sieur Cochois, pour avoir recelé des vols, en avoir eu le stuc et acheté le stuc des autres. J’ai vu écrit Lestuc sur feuillet de garde du Langage de l’argot réformé, avec mention du sens dans lequel stuc est employé.

Virmaître, 1894 : Part de vol. Synonyme de fade, comme stuquer (partager) l’est de fader. Stuquer est encore pris dans le sens d’étrenner : recevoir des coups.
— La gosse a stuqué (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Part de butin volé ; vieux mot.

Stucquer

Delvau, 1866 : v. a. et n. Renseigner, styler, — dans l’argot des faubouriens. Être stuqué. Être instruit.

Stud-book

France, 1907 : Registre de courses où sont inscrits le nom, la généalogie, les victoires des pur sang. Anglicisme : littéralement livre des haras. Sa création en France date de 1832.

Sans être un fervent des fêtes du turf et des compétitions hippiques, ni même un parfait connaisseur du Stud-Book, j’accorde au cheval de luxe l’admiration qui est due à tout ce qui est beau, fort, noble, fier et élégant dans sa forme, son caractère et ses mouvements.

(Octave Uzanne)

Stud-groom

France, 1907 : Homme attaché à un haras ; anglicisme.

Stue

anon., 1827 : Part du larcin.

Bras-de-Fer, 1829 : Part du larcin.

Stultorum numerus est infinitus

France, 1907 : Le nombre des sots est infini. Affirmation de Salomon dont on a malheureusement la preuve tous les jours.

Stupete, gentes !

France, 1907 : Étonnez-vous, nations. Cette locution latine est surtout employée dans un sens ironique.

Stuq

Halbert, 1849 : Part du larcin.

Stuquer

Halbert, 1849 : Partager.

France, 1907 : Partager.

Style

d’Hautel, 1808 : Se mettre sur le haut style. S’éléganter, se parer ; ce que le peuple appelle plus ordinairement se pomponner, se mettre sur son dix-huit.

Rigaud, 1881 : Argent.

Nous vendrons ce butin à la première occasion, et nos profondes auront le style qui leur manque. — Chez les Zéphirs, où l’esprit est une denrée commune, l’argent est désigné par ce mot.

(A. Camus.)

France, 1907 : Argent.

Stylé

Rigaud, 1881 : Bien habillé, bien mis.

Style (avoir du)

Rigaud, 1881 : Être bien mis, avoir bon genre.

Mâtin ! poursuivit Gavroche, tu as une pelure couleur cataplasme de graine de lin et des lunettes bleues comme un médecin. Tu as du style, parole de vieux !

(V. Hugo.)

Style-joujou

France, 1907 : Style semi-gothique dit de la reine Anne.

Baudelaire, qui n’aimait ni la Belgique ni les Belges, ainsi que ses œuvres posthumes l’attestent, range un peu dédaigneusement tout cela dans ce qu’il baptise le style-joujou. L’expression est d’un maître et fait image. Va pour style-joujou ! Mais le style-joujou ne me semble pas si déplaisant, et je le préfère à tout prendre au style-caisse d’emballage — maisons carrées toutes pareilles — qui attristent le Paris moderne.

(Paul Arène, Routes blanches et bleues)

Styler

d’Hautel, 1808 : Il est bien stylé. Pour, il est habile, propre aux affaires ; il est fort instruit.

Styler quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Lui faire la leçon, lui apprendre ce qu’il doit dire ou faire. Argot du peuple.

Suage

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Torture. Mettre en suage, faire subir des tortures.

Larchey, 1865 : Assassinat.

Nous voulons bien maquiller le suage de ton rochet, mais à la condition de tout connir. Il n’y a que les refroidis qui ne rapliquent nibergue.

Vidocq.

Faire suer : Assassiner. — Mot à mot : Faire suer du sang. — V. Chêne.

Delvau, 1866 : s. m. Assassinat, — dans l’argot des voleurs. Signifie aussi Chauffage.

Rigaud, 1881 : Assassinat. — Maquiller un suage, combiner un assassinat.

La Rue, 1894 : Assassinat. Torture. Mettre en suage, brûler les pieds.

France, 1907 : Assassinat. Mettre en suage, c’était, dans l’argot des chauffeurs, faire griller les pieds de la victime.

Si j’avais refroidi tous les garnafiers que j’ai mis en suage, je n’aurais pas le taf aujourd’hui.

(Vidocq)

Suageur

Delvau, 1866 : s. m. Chauffeur.

France, 1907 : Assassin.

Suave mari magno…

France, 1907 : Il est doux, par une mer agitée… de rester paisiblement au coin de son feu. Locution latine tirée de Lucrèce.

Sub Jove

France, 1907 : Sous Jupiter. Coucher « sub Jove », coucher à la belle étoile.

Sub jubice lis est

France, 1907 : Le procès est encore pendant. Formule d’un emploi journalier tirée de l’Art poétique d’Horace. C’est le second hémistiche d’un alexandrin :

Grammatici certant et adhuc sub judice lis est.
(Les grammairiens affirment et le procès est encore pendant.)

Sub nocte per umbras

France, 1907 : En pleine nuit. Location latine.

Sub parvo, sed meo

France, 1907 : Mon toit est petit, mais il est mien. Locution latine qu’Alfred de Musset a exprimée par cet alexandrin, que peu de nous romanciers modernes auraient le droit de citer :

Mon verre n’est pas grand, mais je bois dans mon verre.

Sub rosa

France, 1907 : Sous la rose, En secret. Cette expresse est fort ancienne et fort usitée en différents pays. Elle vient de la coutume qu’avaient les Grecs et les Romains de se couronner de fleurs dans les festins et de garder le silence absolu sur ce qui s’était dit ou fait sub rosa, pendant les agapes. Sage discrétion que n’imitèrent pas les frères de Goncourt qui, dans leur manie de petits papiers et de documents prétendus humains, consignèrent au sortir de banquets littéraires un tas de propos lâchés sous l’influence des boissons et l’entrainement de discussions libres. C’était, dit l’Intermédiaire des chercheurs et curieux (20 décembre 1848), au point de vue littéraire, une véritable trahison ; les très aimables et spirituels convives réunis chez Brébant se laissaient précisément aller au charme de la libre parole, parce que celle-ci, ils le croyaient du moins, devait ne jamais dépasser le seuil. Renan, qui était des convives, et non des moins spirituels et paradoxaux, assurément, prit assez mal la publication de ces comptes rendus sommaires, et sortant pour une fois de son calme souriant, rappela un peu vivement au survivant des deux frères, que l’on ne devait jamais répéter ni surtout écrire, encore moins imprimer, ce qui est ainsi dit sub rosa.

Sub tegmine fagi

France, 1907 : À l’ombre d’un hêtre. Locution tirée des Églogues de Virgile.

Subir un écart

France, 1907 : Perdre au jeu.

Un joueur n’avoue jamais qu’il perd, il a horreur de perdre, il subit seulement un écart.

(Mémoires de M. Claude)

Sublata lucerna nil discriminis inter mulieres

France, 1907 : Quand la lampe est éteinte, nulle différence entre les femmes. Vieux proverbe grec, passé en latin et que nos pères ont traduit par ce dicton plus grivois : « La nuit, tous les chats sont gris. » Les Espagnols disent : « La nuit, à la chandelle, l’ânesse est comme la pucelle. »

Sublime

Rigaud, 1881 : Mauvais ouvrier qui fait plus de bruit que de besogne.

On ne dit plus, en parlant d’un travailleur d’ordre, de conduite : c’est un bon ouvrier, et du paresseux, violent et ivrogne : c’est un mauvais ouvrier ; on dit de l’un, c’est un ouvrier, de l’autre, c’est un sublime.

(Le Sublime.)

France, 1907 : Ouvrier fainéant, ivrogne et orateur de marchand de vin.

Il ne fut jamais un sublime, beau parleur et ouvrier fainéant ; il fut un travailleur travaillant, ne s’adonnant aux réunions publiques qu’au sortir de l’atelier.

(Jacqueline, Gil Blas)

Sublime coup de l’étrier

Delvau, 1866 : s. m. Le viatique, qu’on donne aux mourants avant leur départ pour le grand voyage, — dans l’argot de lord Pilgrim, aliàs Arsène Houssaye, qui a employé cette expression, d’un goût contestable, à propos des derniers moments de Proudhon.

Sublime, sublimisme

Rigaud, 1881 : Dans les ateliers ces mots sont synonymes de paresse, dégradation, avilissement.

Lèpre capitale qui ronge les classes laborieuses.

(V. le très remarquable ouvrage du Sublime de M. Denis Poulot et l’Assommoir de M. Zola, où le Sublimisme a été dépeint de main de maître.)

Sublimer

Delvau, 1866 : v. n. Travailler avec excès, la nuit spécialement, — dans l’argot des polytechniciens.

Rigaud, 1881 : Travailler pendant la nuit, — dans le jargon des polytechniciens. (L. Larchey)

Virmaître, 1894 : Travailler alors que les autres dorment. Il faut, en effet, être sublime de courage. Cela ne se voit guère de nos jours, où huit heures de travail c’est encore de trop, ce qui n’empêche pas les poètes de chanter le sublime ouvrier (Argot du peuple).

France, 1907 : Dans l’argot des polytechniciens, c’était travailler pendant la nuit, sans doute pour devenir un personnage sublime. Lorédan Larchey donne à propos de ce mot la citation suivante tirée de La Bédollière : « Afin de tromper la surveillance des adjudants, celui qui sublime place son lit renversé sur quatre tabourets, rabat la couverture par-dessus, et, étendu sous cet abri, rumine en paix les problèmes ardus des mathématiques transcendantes. » Ce mot n’est plus usité dans ce sens, car on ne le trouve pas dans l’Argot de l’X, de MM. A. Lévy et G. Pinet.

Sublimer (se)

Larchey, 1865 : Se raffiner.

Les jeunes biches se sont sublimées au contact des anciennes.

Lynol.

Sublimer : Travailler pendant la nuit.

Afin de tromper la surveillance des adjudants (de l’École polytechnique), celui qui sublime place son lit renversé sur quatre tabourets, rabat la couverture par dessus, et étendu sous cet abri, rumine en paix les problèmes ardus des mathématiques transcendantes.

La Bédollière.

Delvau, 1866 : Se corrompre davantage, mais avec art, — dans l’argot des petites dames, qui ont une façon à elles de s’élever (sublimare).

Rigaud, 1881 : S’avilir, tomber dans l’avilissement.

La Rue, 1894 : S’aviler, se raffiner, se corrompre davantage dans l’argot des prostituées.

Sublimeur

Fustier, 1889 : Bon écolier.

Sublimisme

France, 1907 : Fainéantise, bavardage chez le mastroquet.

Subrécot

d’Hautel, 1808 : Le surplus d’un écot, ce qui reste à payer au-delà de la dépense que l’on se proposoit de faire.

Substitut

France, 1907 : Sorte de manteau pour dames appelé ainsi par quelque couturier farceur parce qu’il accuse les formes.

Subtil

Halbert, 1849 : Dur.

France, 1907 : Dur.

Subtile

Halbert, 1849 : Dure.

Subtiliser

Delvau, 1866 : v. a. Dérober quelque chose, une tabatière ou un foulard, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Subjuguer, séduire, — dans le jargon des femmes du peuple qui ont des prétentions au beau langage.

Pardieu ! y font tous comme ça les doucereux pour vous subtiliser.

(Mars et Raban, Les Cuisinières, 1837.)

Rigaud, 1881 : Dérober. — Qui m’a subtilisé mon tire-jus ? — Faignant, t’as donc pas des mains, qu’il te faut un tire-jus ?

La Rue, 1894 : Dérober.

France, 1907 : Voler.

Suburbain

Fustier, 1889 : Le public qui suit les courses de chevaux appelle ainsi dans son jargon particulier tout champ de courses situé dans la banlieue de Paris ; celui de Saint-Ouen, par exemple.

Elle ne manquait pas une journée de courses ; oh ! à Longchamps et à Chantilly, tout au plus à Vincennes ; elle ne se commettait pas dans les suburbains, là où l’écurie n’était pas représentée.

(Vie Parisienne, septembre 1887.)

Suçage de pomme

Rigaud, 1881 : Embrassade.

France, 1907 : Baiser.

Depuis au moins dix minutes le gonce et la gonzesse se livraient à un suçage de pomme que l’eau m’en venait à la bouche…

(Les Joyeusetés du régiment)

Succès d’estime

Delvau, 1866 : s. m. Succès douteux, et pour ainsi dire nul, — dans l’argot des coulisses.

France, 1907 : Succès douteux.

Succube

Delvau, 1864 : Homme qui consent à servir de femme à un autre homme, et qui fait le dessous pendant qu’il fait le dessus.

Succubbe. On appelle ainsi tes patentes dans les combats amoureux de femmes à femmes.

Confession de Mademoiselle Sapho, suite du Cadran des plaisirs de la Cour, p. 257.

Quand il consommait son Kabyle
On entendait sous le gourbi
Au milieu de la nuit tranquille,
Le succube pousser ce cri.

Al. Pothey.

Succur

France, 1907 : Manœuvre d’une raffinerie qui transporte à bras les blocs de sucre refroidi.

Suce-canelle

Virmaître, 1894 : Ivrogne invétéré qui suce jusqu’à la dernière goutte. Une vieille chanson que le pitre de Moreau, le tireur de cartes, récitait sur la place de la Bastille, vers 1848-1849, dit :

Si je meurs que l’on m’enterre
Dans la cave où est le vin,
Le nez contre la muraille
Et la tête sous le robin.
S’il en reste une goutte encore,
Ce sera pour me rafraîchir,
Et si le tonneau défonce,
J’en boirai à mon loisir. (Argot du peuple).

Suce-cannelle

France, 1907 : lvrogne.

Suce-larbin

Delvau, 1866 : s. m. Bureau de placement pour les domestiques — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bureau de placement pour les domestiques des deux sexes.

Virmaître, 1894 : Bureau de placement (Argot des voleurs).

France, 1907 : Directeur d’un bureau de placement et, pur extension, son bureau.

Suce-praline

France, 1907 : Prostituée exerçant certaine spécialité,

Suce-vin

France, 1907 : Insecte qui détruit les vignes.

Sucée

d’Hautel, 1808 : Le vulgaire fait un substantif de ce participe, et dit par raillerie d’une chose dont on s’est servi plusieurs fois, et dont on a tiré toute la substance que, C’est la troisième sucée.

Sucer

d’Hautel, 1808 : Sucer quelqu’un. Pour dire abuser du crédit et de la fortune de quelqu’un ; le soutirer.
C’est une asperge sucée. Expression ironique, pour dire une personne maigre, grande et efflanquée.

Delvau, 1864 : Passer la langue sur le membre viril pour l’amener à érection, et le faire décharger.

Que les chiens sont heureux !
Ils se sucent la pine,
Ils s’enculent entre eux !

Th. Gautier.

Je voudrais être chien
Car du soir au matin
Je pourrait me sucer la pine.

Dumoulin.

Cependant, en suçant, il est bon que ta main
Joue autour des roustons un air de clavecin.

L. Protat.

Sucer des clitoris

Delvau, 1864 : Gamahucher.

Il te faut, à tout prix.
Sucer des clitoris,
Et si l’antiquité
Ne l’eût pas fait, tu l’aurais inventé.

J. Duflot.

Sucer la fine côtelette

Delvau, 1866 : v. a. Déjeuner à la fourchette. — dans l’argot des faubouriens.

Sucer la poire

France, 1907 : Embrasser.

Elle éprouve un’ joi’ folâtre
À conduire son mari
Tous les dimanch’s au théâtre,
Avec son cousin Henri.
Elle a soin d’prendre un’ baignoire,
Pour que son cousin dans l’fond
Puisse lui sucer la poire
Et lui chatouiller l’menton.

(A. Poupay)

Sucer la pomme

France, 1907 : Embrasser.

— Crois-tu, mon vieux ! V’là la gonzesse qu’est allée se faire sucer la pomme par un vieux qu’a cinquante-cinq piges ; mais j’vais la mettre à la redresse.

(Louis Barron, Paris-Étrange)

J’couch quèqu’fois sous des voitures ;
Mais on attrap’ du cambouis,
J’veux pas chlinguer la peinture
Quand j’suc’ la pomme à ma Louis.

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Sucer la pomme (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’embrasser ; se bécotter. On dit aussi Se sucer le trognon.

Rigaud, 1881 : S’embrasser.

La Rue, 1894 : S’embrasser. On dit aussi fricassée de museaux.

Virmaître, 1894 : S’embrasser. Allusion au moutard qui suce une pomme avant de la manger (Argot du peuple). N.

Sucer la praline

Virmaître, 1894 : Il est absolument impossible d’expliquer cette expression (Argot des filles). V. Accouplées.

Sucer le trognon

France, 1907 : Embrasser.

Les capitalos sont frangins et les gouvernants itou. Guillaume et Marianne se sucent de trognon à Kiel. Y aura donc plus que les travailleurs à se manger le nez.

(La Sociale)

Sucer les pissenlits par la racine

France, 1907 : Être enterré.

Il y a beau temps que le fameux Machiavel suce des pissenlits par la racine. Mais, l’animal n’est pas mort tout entier ! Il a laissé un cochon d’héritage que les gouvernants italiens se transmettent précieusement et dont ils usent avec un sacré culot : sa roublardise crapuleuse et ses manigances scélérates, grâce auxquelles ils ont, jusqu’ici, réussi à écorcher le malheureux populo italien.

(Le Père Peinard, 1898)

Sucer un homme

Delvau, 1864 : Lui passer habilement et doucement la langue le long du membre, autour et dessus, jusqu’à éjaculation complète.

Pourtant il leur manque, en somme
(Ce qui vaut bien un écu),
De savoir sucer un homme.

De la Fizelière.

Sucer un verre

Delvau, 1866 : v. a. Le boire.

Sucer une pêche

Virmaître, 1894 : Boire un coup (Argot du peuple).

Sucette

France, 1907 : Petite marque rouge qui se manifeste sans cause apparente sur la peau et que les paysans du Centre attribuent à la morsure d’êtres fantastiques et les vieilles dévotes aux baisers du démon.

Suceur

Delvau, 1866 : s. m. Parasite, homme qui boit et mange aux dépens des autres. Argot des coulisses.

Suceur, suceuse de pomme

Rigaud, 1881 : Celui, celle qui embrasse fréquemment, qui a la manie d’embrasser.

Suceuse

Delvau, 1864 : Femme qui fait profession de donner aux hommes du plaisir sans peur, C’est la fellatrice des anciens. — La suceuse rend à l’homme le service que le gamahucheur rend a la femme, et dans les deux cas, c’est la langue qui fout. — Il y a a Paris, dans le faubourg Montmartre, une maîtresse suceuse, appelée la Pompe funèbre, — de l’ameublement d’ébène et de soie noire de son appartement.

Suçon

Delvau, 1864 : Empreinte que laissent les lèvres d’un amant sur le cou, les joues ou la bouche de sa maîtresse, de façon a l’empêcher, pendant quelques jours, de se montrer aux regards malins du public, qui connaît parfaitement ce petit timbra bien accusateur.

Larchey, 1865 : « Faire une consommation fanatique de croquets et de sucres d’orge, dits suçons. »

Rolland

On les suce très-longtemps.
Suçon : Trace rouge laissée sur la peau par la succion des lèvres.

Delvau, 1866 : s. m. Sucre d’orge, — dans l’argot des petites dames, habituées des Délass Com, et du théâtre Déjazet.

Delvau, 1866 : s. m. Pince faite à même le drap pour obtenir un bombage, — dans l’argot des tailleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Baiser-ventouse, — dans l’argot des grisettes.

Virmaître, 1894 : Faire une consommation fantastique de sucres d’orge. L. L. Suçon : en faire un sur l’épaule ou sur la gorge d’une jolie femme, ce n’est pas précisément sucer du sucre d’orge, c’est lui faire venir le sang à la peau. Ce qui a donné naissance à cette expression : ce n’est pas de l’amour, c’est de la rage, pour ceux qui embrassent de cette manière (Argot du peuple). N.

Suçoter

d’Hautel, 1808 : Sucer ses doigts à plusieurs reprises comme le font ordinairement les enfans que l’on retire de nourrice.

Sucre

France, 1907 : Argent ; il adoucit les amertumés de la vie. Argot populaire.

Tantôt, sortant d’chez ma modiste,
Un vieux monsieur, à l’improviste,
M’abord’ soudain. Je lui résiste,
Et lui m’soupir’ d’un ton bien triste :
« Ah ! vous voulez donc voir tous mes rêves déçus ! »
Je réponds au bonhomme :
Tu m’la fais à la gomme ;
Mais si tu veux, en somme,
Me régaler d’ta pomme,
Faut mettre du sucr’ dessus !

(Chanson fin de siècle)

Sucré

Virmaître, 1894 : Se dit d’une femme mijaurée : elle fait sa sucrée. Se croire plus sucré qu’un autre : s’imaginer lui être supérieur. Il a été sucré pour salé. Les joueurs ont adopté cette expression pour marquer les points avec des jetons : il faut sucrer monsieur (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Un voleur qui a été arrêté a été sucré. Celui qui est condamné à une peine sévère est sucré.

Sucre !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des bourgeoises, à qui — naturellement — répugne celle de Cambronne.

France, 1907 : Euphémisme pour merde !

Sucre (c’est un)

Rigaud, 1881 : C’est très bon.

France, 1907 : C’est excellent ; argot populaire, même sens que c’est un beurre.

On aura depuis longtemps chassé du vocabulaire des images de cette sorte : « C’est un beurre » ou « c’est un sucre » qu’on n’aura pas cessé de dire couramment d’une chose agréable et suave qu’elle est douce comme le miel.

(Frédéric Loliée, Parisianismes)

Sucre (casser du)

Rigaud, 1881 : Dénoncer, — dans le jargon des voleurs. — Médire, se moquer de, — dans l’argot du peuple.

Merlin, 1888 : Les soldats condamnés aux travaux publics sont employés au percement et à l’entretien des routes. On dit d’eux qu’ils cassent du sucre à deux sous le mètre cube.

La Rue, 1894 : Dénoncer. Médire.

France, 1907 : Médire ; argot des gens de lettres qui ne manquent jamais une occasion d’en casser sur la tête des camarades.

B… est, comme on sait, une des langues les plus mauvaises de Paris. L’autre jour, comme il se plaignait à Louis Davyl de souffrir du diabète, celui-ci reprit : « Ce n’est pas étonnant, tu as cassé tant de sucre ! »

(Gil Blas)

France, 1907 : Dénoncer.

— Bâillonnons-le, c’est suffisant.
— Nom de Dieu, jamais de la vie, reprit le manchot ; il casserait du sucre, j’aime mieux ma peau que la sienne ; et il prit mon couteau. À ce moment, l’homme, fou de frayeur, se mit à crier ; je lui mis la main sur la bouche et c’est le manchot qui l’a saigné !

(Mémoires de Goron)

Sucre (manger du)

Rigaud, 1881 : Être satisfait d’un éloge. — Être applaudi, — dans le jargon des comédiens. On dit plus fréquemment aujourd’hui : Boire du lait.

France, 1907 : Être applaudi.

Sucre (pour suc probablement)

Delvau, 1864 : Le sperme de l’homme, dont les femmes sont si friandes et dont elles ont souvent plein la bouche.

Trouvant mon linceuil tout souillé,
Et mon pauvre vit barbouillé
De sucre plus blanc que l’albâtre.

(Cabinet satyrique.)

Comment, vous appelez donc cela du sucre, mademoiselle ?

D’Ouville.

Sucre à cochon

Rigaud, 1881 : Sel.

France, 1907 : Sel.

Sucre d’orge

France, 1907 : Canne d’élégant, allusion à l’habitude des jeunes gommeux de sucer le pommeau de leur canne.

Sucre d’orge (le)

Delvau, 1864 : Le membre viril — que les ailes d’Eve, toujours portées sur leur bouche, aiment tant à sucer.

George, George
Donne-moi de ton sucre d’orge.

(Ancienne Chanson.)

Sucre de giroflée

France, 1907 : Soufflet.

Une bonne roulée la remettrait au nord. Ah ! c’est la vieille qui devrait se charger de ça, lui tricoter les joues, lui flanquer une double ration de sucre de giroflées.

(Jean Richepin)

Sucre de pomme

Virmaître, 1894 : Pince qui sert à fracturer les portes.
— Avant de cavaler assure-toi que ton sucre de pomme pourra pessigner la lourde (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Pince en fer à l’usage des voleurs pour fracturer les portes.

Hayard, 1907 : Pince-monseigneur.

France, 1907 : Outil à crocheter les serrures. Voir Pied de biche.

Sucre sur la gaufre

Rossignol, 1901 : Poudre de riz sur le visage.

Sucrée

d’Hautel, 1808 : Faire la sucrée. Pour dire la précieuse, la renchérie, l’innocente, la sainte n’y touche.

Sucrée !

Delvau, 1866 : s. f. Bégueule, — dans l’argot du peuple. Faire sa sucrée. Se choquer des discours les plus innocents comme s’ils étaient égrillards, et des actions les plus simples comme si elles étaient indécentes. L’expression est vieille, — comme l’hypocrisie. Perrot d’Ablancourt, dans sa traduction de Lucien, dit : « Et cette petite sucrée de Sapho… »

Sucrée (faire sa)

France, 1907 : Prendre des manières affectées, faire la prude. On dit aussi sainte sucrée.

Nom de Dieu !… j’fais pas ma sucrée :
Y a dix-huit ans que j’suis putain,
Que j’bats mon quart et la purée
Au coin du faubourg Saint-Martin.

(Aristide Bruant)

Sucrer

Rigaud, 1881 : Maltraiter ; gagner quelqu’un au jeu et se moquer de lui, — dans le jargon des grecs.

France, 1907 : Donner de l’argent. Sucrer sa pomme, offrir en même temps que sa personne son porte-monnaie. Voir Sucre.

Par ces mots que voulez-vous dire :
Sucre ta pomme ? Osez m’instruire
En quel sens on doit les traduire…
Ma question vous fait sourire ?
Rions, alors : le rire aime les francs échos.

(Jules Célès)

Sucrier

France, 1907 : Diabétique, à cause de la quantité de sucre que rejettent les urines de ce genre de malade.

Sudiste

Delvau, 1866 : s. et adj. Partisan des États de l’Union qui ont brisé cette union pour se constituer, sans y réussir, en République à part, dite République du Sud. On dit aussi Confédéré, Esclavagiste, Sécessionniste et Séparatiste.

France, 1907 : Nom donné aux parlementaires ou autres compromis dans les tripotages des chemins de fer du Sud de la France.

Suée

d’Hautel, 1808 : Il a une bonne suée d’ouvrage. Pour dire il a beaucoup d’ouvrage à faire.
Il a eu la suée. Pour il a eu peur.
Il a eu une furieuse suée. Pour il a été fort mouillé ; il a éprouvé une grosse perte.

Delvau, 1866 : s. f. Réprimande, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi Peur.

Rigaud, 1881 : Correction manuelle.

France, 1907 : Réprimande, peur. Flanquer une suée, gronder. Avoir une suée, avoir peur.

Suée de monde

Delvau, 1866 : s. f. Foule, grand nombre de personnes.

France, 1907 : Foule.

Suée du filin

France, 1907 : lvresse ; argot des matelots.

Son arrivée fit sensation.
— Mâtin ! clamèrent les matelots, n’en v’là un qu’a la suée du filin.

(Rodolphe Bringer, L’Infortuné Plumard)

Suée, suif

La Rue, 1894 : Réprimande. Correction.

Suer

d’Hautel, 1808 : Faire suer un chêne. Terme d’argot qui signifie détrousser un passant, le voler de tout ce qu’il a sur lui.
Tu me fais suer. Se dit à quelqu’un, dont la conversation est lourde, ennuyeuse.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Donner. Faire suer, se faire donner part du vol.

Bras-de-Fer, 1829 : Faire suer, se faire donner part du vol.

Suer (faire)

Halbert, 1849 : Se faire donner part d’un vol.

Larchey, 1865 : Accabler d’ennui quelqu’un. — V. Suage.

J’ai beau m’évertuer, j’crains qu’après moi z’on n’répète : Ah ! comme ça fait suer.

Francis, 1825.

Delvau, 1866 : Ennuyer outrageusement par ce qu’on fait ou par ce qu’on dit ; faire lever les épaules de pitié ou de dédain. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : Assassiner, — dans l’argot des voleurs. Faire suer sur le chêne. Tuer un homme.

Rigaud, 1881 : Faire donner de l’argent, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Ennuyer fortement. — Faire pitié, en terme de mépris. Mot à mot : c’est donner chaud à quelqu’un à force de débiter des platitudes.

La Rue, 1894 : Ennuyer. Faire donner de l’argent. Assassiner.

France, 1907 : Indigner, mettre en colère, révolter.

Ça m’fait suer, quand j’ai l’onglée,
D’voir des chiens qu’ont un habit,
Quand, par les temps de gelée,
Moi, j’n’ai rien, pas même un lit.

(Auguste de Chatillon)

Faire suer des lames de rasoir. Importuner, agacer.

— Oh ! assez, hein ? Tu nous fais suer des lames de rasoir.

(Edgar Monteil)

Suer la madeleine (faire)

France, 1907 : Voler avec difficulté, tricher péniblement. Argot des grecs.

Suer le cuivre (faire)

France, 1907 : Jouer d’un instrument de cuivre.

Suer le lustre (faire)

Rigaud, 1881 : Déplaire au public, — dans le jargon du théâtre. C’est-à-dire : jouer si mal qu’on fait suer les chevaliers du lustre, les claqueurs.

Quand Valcourt joue ici, il fait ordinairement suer le lustre.

(Musée Philipon, Théâtre de Bourg-en-Bresse.)

France, 1907 : Jouer si mal sur la scène que même les chevaliers du lustre, les claqueurs en haussent les épaules.

Suer les cordes (faire)

Rigaud, 1881 : Jouer d’un instrument à cordes. — Faire suer les cuivres, jouer d’un instrument de musique en cuivre, — dans le jargon des musiciens. Pour préciser, ils disent : faire suer le violon, faire suer le violoncelle.

France, 1907 : Jouer d’un instrument à cordes.

Suer son argent (faire)

Delvau, 1866 : Lui faire rapporter gros ; se livrer à l’usure. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Prêter à usure.

Suer Thémis (faire)

Delvau, 1866 : Étudier le Code, de manière à pouvoir éluder la loi, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens d’affaires, des avocats marrons.

Rigaud, 1881 : Éviter de tomber sous le coup de la loi, marcher sur les marges du Code. Dans le monde des voleurs, il existe des praticiens ou plutôt des pratiques, qui n’exercent pas d’autre métier. Ils vivent des conseils qu’ils donnent pour faire éviter les rigueurs de la loi.

La Rue, 1894 : Côtoyer le code.

France, 1907 : Côtoyer le code.

Suer un chêne

Halbert, 1849 : Assassiner quelqu’un.

Suer une (en)

Rigaud, 1881 : Faire une valse, un quadrille, — dans le jargon des voyous.

Ohé ! Titine ! viens-tu en suer une ?

(Vte Richard, Les Femmes des autres.)

Suer, faire suer

anon., 1827 : Se faire donner part du vol.

Sueur de cantonnier

Delvau, 1866 : s. f. Chose rare parce que chère, ou chère parce que rare, — les cantonniers étant connus généralement pour des gens qui en prennent à leur aise.

France, 1907 : Chose rare.

Sueur de chênes

Clémens, 1840 : Tueur d’hommes.

Sufficit

France, 1907 : Il suffit ; latinisme.

Suffire à soi-même (se)

Delvau, 1864 : Faire de la prestidigitation a son profit — et en l’honneur d’Onan.

J’étais dans l’âge où la nature
Eveille nos sens au plaisir…
Quand à propos un abbé-pâle et blême,
Trois fois par jour répétant la leçon,
M’apprit le moyen de m’ suffire à moi-même :
J’ai, mes amis, toujours été cochon.

(Parnasse satyrique.)

Suffisance (avoir sa)

Rigaud, 1881 : Avoir bu autant qu’on peut boire.

Je crois qu’il a sa suffisance

(Ces dames du Casino, 1862.)

Sui generis

France, 1907 : De sa propre espèce, spécial. Une odeur sui generis.

Le langage de nos paysans est constitué d’après une syntaxe grammaticale sui generis, composée de règles très simples, très rapprochées de celles des langues primitives, phénomène curieux qui achève de les placer dans une catégorie toute spéciale, en les distinguant tout à fait du milieu linguistique au centre duquel ils se sont formés…

(Chanoine D. Haignere, Introduction à l’étude du patois du Bas-Boulonnais)

Tu te sus désirable et belle ;
Dès lors, le parfum des Laïs
Chassa l’odeur de la femelle
Et son relent sui generis.

(Max Guerrier, La Chanson des gueux)

Suie (Jean de la)

France, 1907 : Ramoneur.

Suif

Delvau, 1866 : s. m. Réprimande de maître à valet, ou de patron à ouvrier. Argot des faubouriens. Gober son suif. Recevoir les reproches auxquels on s’attendait.

Delvau, 1866 : s. m. Graisse, la partie adipeuse du corps humain. Être tout en suif. Être fort gras.

Delvau, 1866 : s. m. Argent, beurre.

Rigaud, 1881 : Forte réprimande.

La Rue, 1894 : Distingué. Signifie aussi grec.

Rossignol, 1901 : Celui qui triche aux cartes fait du suif. Voir Grecs.

France, 1907 : Réprimande.

— J’ai encore rencontré Léonie qui galvaudait avec des gamins du quartier. Flanquez-lui un bon suif.

France, 1907 : Assemblage, réunion de grecs : jeu de mot sur suif (graisse) et Grèce.

France, 1907 : Argent.

Suif (donner un)

Larchey, 1865 : Réprimander.
Suifard, suifé : Chic, élégant. V. Astiquer.

Suif (en recevoir un)

Virmaître, 1894 : Être fortement réprimandé par le patron. On dit également recevoir un gras.
— J’ai perdu un tiers, ce que le contre-coup m’a graissé, c’est un vrai beurre.
Deux mots pour exprimer le même objet (Argot du peuple).

Suif (prendre un)

France, 1907 : Faire la fête. Cette expression, qui n’est plus guère usitée, l’était sous le second empire et remontait au premier. On disait d’un homme qui s’astiquait pour sortir, se pommadait et cirait sa moustache : « Il va prendre un suif », et celui-ci, malade le lendemain de la débauche du la veille, disait : « Quel suif je me suis donné ! » Le commandant Longuet, dans ses Méditations de caserne, donne l’origine de celte expression d’ailleurs toute militaire : « Dans maints régiments de l’ancienne armée (premier empire), on cirait la moustache et on en tordait les bouts en forme de ficelle. Ces deux bouts avaient la direction horizontale, des malins adoptaient la courbe et leurs moustaches avaient la queue en trompette… Mais la cire était une dépense que beaucoup évitaient en grattant la chandelle de la communauté. Pour n’en rien perdre, ils passaient et repassaient les mains sur les cheveux, afin d’essuyer les unes et de faire briller les autres : ils se donnaient un suif. Le mot s’est étendu à tous les détails d’un toilette un peu soignée. Lorsqu’elle était irréprochable, on disait un fameux suif. » Mais comme lorsque l’on fait toilette au régiment ce n’est pas pour aller chanter des psaumes, il s’en suivait qu’après avoir pris un suif, on s’en donnait généralement un.
De suif on a fait suiffard.

Suiffard

Delvau, 1866 : s. m. Richard.

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme mis avec élégance, avec chic.

Rigaud, 1881 : Tricheur, grec. — Les suiffards se mettent au vert pour charrier des types.

Rigaud, 1881 : Riche.

Fustier, 1889 : Argot de cercles, de tripots. Le suiffard est un grec qui fréquente des établissements borgnes, des tripots, des claque-dents. Suiffard est en quelque sorte un diminutif de graisseur (filou en argot) le suif étant fait avec de la graisse.

France, 1907 : Soldat ou sous-officier portant une tenue fine ou ayant de l’argent dans ses poches ; elles sont métaphoriquement graissées.

France, 1907 : Homme riche ou simplement endimanché.

— Était-il assez suiffard, l’animal ! Un vrai proprio ; du linge blanc et des escarpins un peu chouettes !

Voir Suiffée.

France, 1907 : Escroc.

Le suiffard opère dans les bouges les plus immondes, dans les assommoirs où l’on débite du poison alcoolique à un sou le verre… c’est presque toujours un repris de justice qui a été payé (condamné) deux ou trois fois. Lorsqu’il ne trouve pas à tricher… il se livre aux attaques nocturnes, aux vols au rendez-moi, à la ramastie, au charriage, au bonneteau, etc.

(Hogier-Grison, Pigeons et vautours)

Suiffart

Virmaître, 1894 : Grec habile à corriger le hasard, voleur cosmopolite qu’on rencontre dans tous les endroits où l’on joue. Il est connu sous différents noms : graisseur, bédouin, philosophe (Argot des joueurs).

Suiffé

Delvau, 1866 : adj. Soigné, remarquable, très beau. Femme suiffée. Très jolie ou très bien mise.

Suiffée

Delvau, 1866 : s. f. Coups donnés ou reçus.

France, 1907 : Riche, bien attifée. Féminin de suiffard. « Une gonzesse suiffée. »

France, 1907 : Correction.

Suifferie

Rigaud, 1881 : Tripot.

Ce qu’on sait moins, ce sont les noms des cercles dont la spécialité est de donner à jouer et de prendre pour la cagnotte. Savourez l’élégance de ces noms : La Suiferie, Gredins’club, les Bonnets verts, les Papas « neuf », les Frères séquenciers, Chenapan club, les Souliers percés.

(Figaro, du 6 nov. 1878.)

France, 1907 : Tripot.

Suisse

d’Hautel, 1808 : Il n’entend pas plus raison qu’un suisse. Se dit d’un homme qui brusque, qui rebute tous ceux qui veulent lui faire quelques représentations ; qui ne veut rien entendre.

Delvau, 1866 : s. m. Invité, convive, — dans l’argot des troupiers. Faire Suisse. Boire ou manger seul.

Suisse (faire)

Larchey, 1865 : « Le soldat a le point d’honneur de ne jamais manger ou boire seul. Cette loi est tellement sacrée, que celui qui passerait pour la violer serait rejeté de la société militaire, et on dirait de lui : Il boit avec son suisse, et le mot est une proscription. » — Vidal, 1833.

Un soldat français ne doit pas faire suisse, ne boit jamais seul.

La Bédollière.

Le premier exemple donne la clé du mot. Le soldat, n’ayant pas de suisse, ne peut boire avec lui, donc il boit seul. Cette ironie a dû être inventée pour rappeler quelque engagé de bonne compagnie aux règles de la fraternité.

Rigaud, 1881 : « Ce mot, à la caserne, équivaut à une injure indélébile. — Faire suisse, c’est vivre seul, mesquinement, sans relations amicales et sans appui ; c’est entasser son prêt, lésiner, thésauriser, s’imposer des privations volontaires ou dépenser sournoisement son argent loin des autres. » (A. Camus.)

Merlin, 1888 : Dans le langage ordinaire, on dit soûl comme un Polonais et boire comme un Suisse ; dans l’argot militaire, faire Suisse veut dire boire seul.

La Rue, 1894 : Boire seul.

France, 1907 : Boire seul. Cette expression viendrait de l’habitude qu’avaient les Cent-Suisses au service des rois de France de manger isolément. Dans l’ancienne armée, l’on faisait sauter en couverte les soldats qui faisaient suisse.

Le capitaine. — T’as beau bien te conduire, je sens qui t’as pas l’esprit de corps… l’amour de l’armée ? C’est une famille, l’armée ! Suffit pas d’être irréprochable… faut l’aimer, et puis être fier d’en faire partie, sacrebleu ! Avoir l’air gai-z-et content. Or, je me rappelle qu’on ne te voit jamais fricoter avec tes camarades… tu ne vas pas à la cantine…., tu ne jures point… jamais de salle de police… tu ne ris pas souvent… tu ne te saoules pas… tu ne chantes pas les chansons de route… t’es tout le temps tout seul à faire suisse et bande à part dans les coins. Ah, çà ! Ah çà ! Et puis, par dessus le marché… le dimanche… quand tous gueulent pour avoir des permissions, toi seul t’en demandes pas ? Et quand je t’en donne, malgré toi, espèce de caillou, tu refuses ! Qu’est-ce qui m’a foutu un pareil phénomène ? J’aime pas ça, les phénomènes… j’en veux pas dans mon bataillon. Allons, réponds à l’ordre, et lève les yeux…

(Henri Lavedan)

Suisse (point d’argent, point de)

France, 1907 : Sans argent, on ne peut rien avoir. Ce dicton, injurieux pour nos voisins qu’il fait considérer comme des mercenaires, est cependant à leur honneur. On sait que, sous l’ancien régime et pendant le moyen âge, les Suisses fournissaient pour les guerres de nombreux contingents. De Charles VII à Louis XVIII les rois de France entretinrent des compagnies appelées les Cent-Suisses, et des régiments entiers composés de Suisses. Pendant les guerres du Milanais, vers la fin du XVe siècle, et au commencement du XVIe siècle, ces régiments se retirèrent plusieurs fois faute de solde. — « Payez-vous sur l’ennemi », disaient les généraux, en d’autres termes « Pillez. » Mais leurs chefs refusaient, disant : « Nous ne sommes pas des brigands, nous sommes des soldats. » Étant pauvres et leur pays n’offrant alors que peu de ressources, ils se faisaient soldats, mais entendaient qu’on les payât, ou point d’argent, point de Suisse. Et ils tenaient bon, car d’après un proverbe du XVIIe siècle, ils avaient une réputation d’entêtés :

D’un Suisse n’entends point raison,
Ni d’un bigot en oraison,
Ou d’une femme en sa maison
Quand elle crie hors de saison.

Racine, dans les Plaideurs, fait dire à Petit-Jean :

On n’entrait pas chez nous sans graisser le marteau
Point d’argent, point de suisse ; et la porte était close.

Suisserie

France, 1907 : Loge du suisse (du concierge) d’un château ou d’un hôtel.

Suissesse

Delvau, 1866 : s. f. Verre d’absinthe, — dans l’argot des bohèmes.

Rigaud, 1881 : Absinthe coupée avec de l’anisette ou de la gomme.

France, 1907 : Absinthe mélangée de sirop d’orgeat. Voir Hussarde.

Suite

France, 1907 : Poursuite, chasse. Donner une suite à quelqu’un, le poursuivre, l’effrayer. Parler du Centre. Suite, en anglais, signifie poursuite judiciaire, procès.

Suitée

France, 1907 : Se dit, dans les départements du Centre, d’une femelle d’animal qui est suivie de son petit. Une vache suitée, terme adopté dans les comices agricoles. Voir Seguis.

Des juments suitées cavalcadaient librement dans ce verger. Elles prenaient leur élan tout en haut de la ferme. Elles descendaient à fond de train, par-dessus les fossés, les tas de ronces. Puis, brusquement, elles s’arrêtaient pour tondre l’herbe tandis que les poulains, essoufflés par la course, s’emparaient à la fin des pis.

(Hugues Le Roux, Mémoires d’un enfant)

Suiveur

Larchey, 1865 : « Le suiveur est très-drôle à observer et à suivre. Une femme passe devant lui et réjouit sa vue par une tournure quelconque ; le suiveur accélère son pas, dépasse sa victime, et se retourne bientôt pour juger de la beauté de l’objet de sa poursuite. » — Roqueplan.

Delvau, 1866 : s. m. Galantin de n’importe quel âge, homme qui suit les femmes dans la rue. Mot créé par Nestor Roqueplan.

Virmaître, 1894 : Homme tenace qui suit les femmes dans la rue ; quand il tombe sur une vierge il la suit jusqu’à temps qu’il la perde (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Homme qui suit les femmes.

La grisette dévoyée qui se fait suivre et conduit le suiveur dans un hôtel borgne.

(Léo Taxil)

Suivez-moi gendarme

France, 1907 : Casquette à trois ponts comme en portaient il y a quelques années les souteneurs et les escarpes.

Suivez-moi, jeune homme

Delvau, 1866 : s. m. Rubans très minces et très longs que les petites dames laissent flotter sur leur dos.

Rigaud, 1881 : Longs rubans flottants, brides de soie ou de velours, que les femmes portaient en 1869-72, derrière la tête ou fixés au col de leurs pardessus.

Nous avons gardé nos suivez-moi jeune homme.

(Grévin.)

Ces longues brides, que l’on nomme
Aussi des suivez-moi, jeune homme.

(A. Pommier, Paris 1867.)

Suivre le soleil. Aller travailler à la journée chez les particuliers, — dans l’argot des tailleurs. (A. Delvau)

France, 1907 : Longs rubans que les femmes portaient derrière la nuque ou à la ceinture.

Suivre le soleil

Delvau, 1866 : v. a. Aller travailler à la journée chez les particuliers, — dans l’argot des tailleurs, qui ont rarement des expressions aussi imagées et aussi poétiques.

Suivre les chapelles

France, 1907 : Entrer dans tous les cabarets qu’on rencontre sur son chemin.

Sujet

d’Hautel, 1808 : Faire un sujet. Locution métaphorique en usage parmi les fumeurs, l’action de s’attacher à noircir également le culot de la pipe, avec laquelle on fume habituellement.
Il est très-sujet à sa bouche. Se dit d’un homme qui s’adonne à la gourmandise, qui fait un dieu de son ventre.
On dit aussi pour exprimer qu’une place, un emploi est très-assujétissant ; C’est une place très sujette, un emploi très-sujet.

Sul ponticello

France, 1907 : Sur le petit pont. Terme musical des instruments à cordes indiquant qu’il faut jouer près du chevalet.

Sulfate de cuivre

Delvau, 1866 : s. m. Absinthe de cabaret, — dans l’argot des bohèmes, qui n’en sont que plus coupables puisqu’ils boivent obstinément un liquide dont ils connaissent les désastreux effets. J’ai entendu demander par un ivrogne un verre de sulfate de cuivre et j’ai vu le garçon lui apporter un verre d’absinthe. Empoisonneurs et empoisonnés rient de leur poison. C’est parfait !

France, 1907 : Absinthe. « J’ai entendu demander, dit Alfred Delvau, par un ivrogne un verre de sulfate de cuivre, et j’ai vu le garçon lui apporter un verre d’absinthe. Empoisonneurs et empoisonnés riant de leur poison, c’est parfait ! »

Sully

France, 1907 : « Vieux ormes dont quelques-uns existent encore au centre des bourgs et ainsi nommés parce qu’on fait remonter l’époque de leur plantation au règne de Henri IV, sous le ministère de Sully. »

(Jaubert,Glossaire du Centre)

Sultan

France, 1907 : Le public ; argot des théâtres.

Sultan (le)

Delvau, 1866 : Le public, — dans l’argot des coulisses. L’expression est juste surtout à propos des actrices, ces odalisques dont les tiroirs regorgent de mouchoirs.

Rigaud, 1881 : Le public, — dans le jargon des sociétaires de la Comédie-Française, fidèles gardiens du beau langage, de la tradition et des belles manières.

Summum

France, 1907 : Le plus haut point ; latinisme.

L’instant où l’on ordonne à la vie de s’arrêter et où la vie s’arrête, apparait formidable et vous rehausse à vos propres yeux. Sans parler de l’éclair et du fracas de l’arme, lesquels exaltent encore l’acte miraculeux et lui donnent plus de solennité.
Mais Le comble du bonheur, c’est de tuer un homme. Supprimer une existence, c’est déjà quelque chose ; détruire en même temps une intelligence, éteindre une pensée, c’est la perfection, le summum de l’art. Il n’y a plus rien à désirer. Parlez-moi de ça.

(René Chaughi, Les Temps Nouveaux)

Summum jus, summa injuria

France, 1907 : Droit extrême, extrême injustice. Locution latine tirée de Cicéron, que Racine a traduite par ce vers :

Une extrême justice est souvent une injure.

Sunt lacrymæ rerum

France, 1907 : Les larmes sont dans les choses. Locution latine tirée de l’Énéide : certaines circonstances arrachent les larmes.

Le vers charmant de Virgile : Sunt lacrymæ rerum semble avoir été écrit pour Paris ; à chaque hiver, la pioche municipale éventre un quartier qui, depuis des siècles, a eu sa physionomie propre, sa vie, son histoire…

(Albert Callet, La Revue hebdomadaire)

Sunt verba et voces

France, 1907 : Ce ne sont que des mots et des voix. Cette expression latine est tirée d’un pentamètre d’Horace que voici au complet :

Sunt verba et voces prætereaque nihil.

Des mots et des paroles et rien de plus ; on peut ajouter : « Autant en emporte le vent. » C’est, hélas ! le résultat de toutes les belles phrases, des redondants discours, des superbes promesses de nos législateurs à la tribune et des candidats à la législation : Du vent ! du vent !

La presse, de tous les partis, a crié haro. On parle d’une interpellation à la Chambre. Mais nous sommes de tels bavards, croyant avoir tout fait, quand nous avons tout dit. Sunt verba et voces. Beaucoup d’encre et beaucoup de salive, qui, probablement, une fois de plus, tourneront en eau de boudin et en brouet d’andouilles !

(Jean Richepin, Le Journal)

Suo tempore

France, 1907 : En son temps ; locution latine.

Super ante, super ante te

France, 1907 : Paroles magiques que prononcent trois fois avec autant de signes de croix les guérisseurs des campagnes du Centre pour faire disparaître les entorses. À cette formule ils ajoutent en guise d’exorcisme : Forçure, reforçure, je te force, je te reforce. Cela parait idiot, mais l’est-ce beaucoup plus que l’eau de Lourdes et les Ave Maria ?

Superchic

France, 1907 : Le suprème du chic, de l’élégance, du bon ton.

Le lendemain, tout guilleret,
Pour réaliser son projet
Il s’en va droit au cimetière
Faire sa petite prière ;
Et là, suivant tranquillement
Un superchic enterrement,
Il court au parent le plus proche
Emprunter un mouchoir de poche.

(Paul Ginet)

Superlatives délices (les)

Delvau, 1864 : Le moment où l’homme et la femme, mêlant leurs ondes spermatiques, se pâment sous l’excès de jouissance qui en résulte.

Plaisirs inconnus de dieux,
Superlatives délices…

Béranger.

Superlifico, coquentiel, coquentieux

Larchey, 1865 : Merveilleux. — De superlatif. — Rabelais a employé dans son livre III le mot Supercoquelicantieux.

Superlificoquentieux

Delvau, 1866 : adj. Merveilleux, étonnant, inouï, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Superlificoquentiel.

France, 1907 : Merveilleux, extraordinaire.

Supin

France, 1907 : Soldat, probablement de soupe ; argot des voleurs.

Supitre

Rigaud, 1881 : Tramway. Par altération pour pupitre, et par allusion aux sièges des cochers de tramways qui ressemblent assez à des pupitres. (Jargon des voyous.)

Sûr

d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas si sûr que du vinaigre. Manière ironique de dire qu’une chose n’est pas aussi certaine qu’on paroît le croire.
Il n’y a rien de plus sûr que le plancher des vaches. C’est-à-dire que la terre.
Il est sûr de son bâton. Pour dire il est certain du succès de son entreprise.

Sur la planche

France, 1907 : En réserve.

J’ai des sujets, Dieu merci ! sur la planche ;
Je crois savoir,
Par exemple, pourquoi la Dane blanche
A le poil noir…

(Raoul Ponchon, Le Journal)

Sur le devant (bâtir)

France, 1907 : On dit d’une femme enceinte ou obèse qu’elle bâtit sur le devant ; on dit aussi dans le même sens qu’elle a un surcroit de bagages.

Sur le gril (être)

Rigaud, 1881 : Griller d’impatience ; cuire dans le jus de l’anxiété, Le condamné qui attend le verdict du jury est sur le gril.

Sur le pont

France, 1907 : Au complet. Allusion au commandement à bord des navires : « Tout le monde sur le pont ! »

Sur le sable

Rossignol, 1901 : Être sur le pavé sans rien et ne savoir quoi faire.

Sur le tas

Rossignol, 1901 : Une fille publique est sur le tas lorsqu’elle est dans la rue à chercher un michet.

Sur le tas (prendre)

France, 1907 : Prendre en flagrant délit.

Comme il nous prenait sur le tas, je lui ai refilé un coup de surin dans le colas, j’ai dit à non poteau de cromper et mézigue s’est fait la paire.

(Delesalle, Autobiographie d’un malfaiteur)

Sur lege libertas

France, 1907 : Liberté sous la loi. Locution latine.

Sur seize !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des calicots, qui l’emploient pour se prévenir mutuellement d’un péril quelconque, comme par exemple de l’arrivée subite du patron, etc.

France, 1907 : Mot d’alerte des employés de boutique pour prévenir de la venue du patron.

Sur son sac (être)

France, 1907 : Prendre grand soin de son argent, être d’une économie voisine de l’avarice.

Le petit marquis de la Rochetaillée tenait la banque et perdait une grosse somme. Il est vrai qu’il jouait loyalement sans cartes préparées par les garçons de jeux, et le hasard seul, le hasard honnête, lui faisait sortir des bûches à tout coup, au lieu de huit ou neuf.
Il devenait nerveux. Sa petite figure efféminée s’allongeait lamentablement ; car tout riche et bon joueur qu’il fût, sa culotte se chiffrait à ce moment par une cinquantaine de mille francs, et comme il était marié sous le régime dotal à une femme très sur son sac (comme il disait lui-même), il éprouvait une sérieuse inquiétude.

(Théodore Cahu, Vendus à l’ennemi)

Sur son trente et un (être)

France, 1907 : Avoir revêtu ses plus beaux habits, être endimanché.

À dix heures du soir, le prince se fit annoncer. Émilienne sur son trente et un l’attendait. Peut-être qu’une parenthèse serait utile pour expliquer en quoi consiste le trente et un d’Émilienne. C’est tout simplement une chemise de linon et ses cheveux blonds dénoués autour de sa jolie tête.

(Fin-de-siècle)

Sur-rincette

Delvau, 1866 : s. f. Supplément à la rincette, — dans l’argot des bourgeois.

Surbile

M.D., 1844 : Sous la surveillance de la haute police.

Surbin

France, 1907 : Surveillant, espion.

Surbine

un détenu, 1846 : Surveillance.

Larchey, 1865 : Surveillance (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. f. Surveillance, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Surveillance de la haute police.

La Rue, 1894 : Surveillance de la police.

Virmaître, 1894 : Surveillance. Être en surbine : être surveillé. Rompre sa surbine : quitter la ville où l’on était en surveillance pour aller dans une autre ville. Autrefois on disait : rompre son banc ; c’est vieux jeu (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Surveillance. L’agent qui surveille quelqu’un est en surbine. Le condamné qui a purgé sa peine et qui, lors de sa condamnation, a été soumis à la surveillance, est en surbine. Il y a encore quelques années, la peine de travaux forcés à temps ou la réclusion entraînait la surveillance à vie. Une nouvelle loi réduisit la surveillance des condamnés qui était dans ce cas à vingt ans ; puis le tribunal pouvait et peut encore condamner sans prononcer de surveillance. Cette loi a encore été abrogée et l’interdiction de séjour a remplacé la surveillance. Le surveillé avait une résidence qui lui était assignée, et toutes les semaines il devait se présenter au commissariat de police de la ville pour faire constater sa présence. Aujourd’hui l’interdit peut aller où bon lui semble, à l’exception des principales villes, ce qui fait que l’on rencontre tant de chemineaux sur les routes.

Rossignol, 1901 : Surfaire. Si un objet qui est vendu 2 francs, le marchand le vend 3 francs, il lui fait de la surbine.

Hayard, 1907 : Surveillance.

France, 1907 : Surveillance.

Moi, j’ai besoin qu’ma Louis turbine.
Sans ça, j’tire encore un congé
À la maz ! Gare à la surbine !
J’deviens grinch’ quand j’ai pas mangé.

(J. Richepin, La Chanson des gueux)

Surbiner

M.D., 1844 : Surfaire.

France, 1907 : Guetter, surveiller.

Surclouer

France, 1907 : Renouveler un engagement au mont-de-piété ou chez un prêteur sur gages ; littéralement remettre au clou.

Suren

France, 1907 : Espèce de raisin des environs de Vendôme qui produit un excellent vin qui s’améliore en vieillissant. C’est ce vin qu’appréciait fort Henri IV et non la piquette que fournissent les vignes de Suresnes près de Paris, comme on le croit généralement. Il existe encore près de Vendôme, dans l’ancien patrimoine du roi buveur et galant, un clos de vigne appelé Closerie Henri IV.

Suret

France, 1907 : Acide, sur. Vin suret ; argot populaire.

Sûreté (la)

Rigaud, 1881 : La police de sûreté.

Surette

un détenu, 1846 : Pomme d’un arbre.

Delvau, 1866 : s. f. Pomme, — dans le même argot [des voleurs].

Virmaître, 1894 : Pomme. Allusion à l’acidité de ce fruit que l’on rencontre en Normandie sur les grandes routes (Argot des voleurs).

France, 1907 : Pomme âpre.

Surfine

Rigaud, 1881 : Sœur de charité.

Fustier, 1889 : Femme qui s’introduit chez les personnes âgées et les vole sous prétexte de quêter en faveur des pauvres.

La Rue, 1894 : Sœur de charité. Voleuse qui s’introduit dans les maisons sous le prétexte de quêter.

Virmaître, 1894 : Sœur de charité (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Sœur de charité ou voleuse qui va mendier à domicile sons le prétexte d’œuvres pieuses, orphelinats, petits Chinois, tuberculeux, et autres prétextes pieux d’extorquer l’argent des bonnes âmes.

Surge et ambula

France, 1907 : Lève-toi et marche. Locution latine rappelant les paroles de Jésus au paralytique.

Surgebé (être)

Rigaud, 1881 : Être condamné en dernier ressort.

Surgebement

Rigaud, 1881 : Rejet du pourvoi d’un condamné.

Surgeber

Larchey, 1865 : Condamner en appel (Vidocq). — De gerber.

Surgerbé

La Rue, 1894 : Condamné en appel.

Surgerbement

France, 1907 : Aggravation d’une condamnation à la cour d’appel.

Surgerber

Delvau, 1866 : v. a. Condamner en appel, — dans le même argot [des voleurs].

Virmaître, 1894 : Être condamné en appel (Argot des voleurs).

France, 1907 : Condamner en appel.

Surie

France, 1907 : Tuerie ; vieil argot.

Sûrie

France, 1907 : Prude.

Sûr que c’est pas eune Égérie
Qui, bien qu’repoussant du flingot,
F’rait p’têt sa tourte et sa sûrie
Pass’ que j’jacqu’t’rai en parigot.

(Jehan Rictus, Les Soliloques du pauvre)

Surin

Clémens, 1840 : Sabre.

un détenu, 1846 : Couteau.

Halbert, 1849 : Couteau.

Larchey, 1865 : Couteau. V. Chemin.

Les artistes en surin commencent à s’expatrier.

Delvau.

Delvau, 1866 : s. m. Couteau, — dans le même argot [des voleurs]. Surin muet. Canne plombée ; casse-tête.

Rigaud, 1881 : Couteau. — Suriner, tuer à coups de couteau. — Surineur, assassin qui travaille au couteau. Ce sont des dérivés de suer, suage.

La Rue, 1894 : Couteau. Suriner, tuer à coups de couteau.

Virmaître, 1894 : Couteau. Surin muet : canne plombée ; elle surine sans bruit.

Rossignol, 1901 : Couteau.

Hayard, 1907 : Couteau.

France, 1907 : Couteau, poignard.

Après dix heures, tous les commissariats sont définitivement fermés jusqu’au lendemain matin… Et c’est à ce moment, quand les filous sortent, quand les filles encombrent le trottoir, quand les escarpes aiguisent leurs surins, que la police ferme sa porte !

(Hogier-Grison, La Police)

Dans c’t’auberge lamentable,
À coups de surins,
On égorge sur la table
De fameux lapins.

(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)

Surin muet

France, 1907 : Casse-tête.

Surin, suriner

Merlin, 1888 : Couteau — Frapper à coups de couteau — de l’argot parisien.

Suriner

Clémens, 1840 : Frapper à coups de couteau.

un détenu, 1846 : Assassiner.

Delvau, 1866 : v. a. Assassiner quelqu’un avec un surin. V. Chouriner.

Virmaître, 1894 : Assassiner à coups de couteau. Cette expression remplace celle de chouriner (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Tuer à coups de couteau.

Hayard, 1907 : Assassiner.

France, 1907 : Donner des coups de couteau, assassiner avec une arme tranchante.

Pendant le jour on peut l’voir
Usant dignement l’trottoir
Entre Montrouge et Bell’ville,
L’sergent d’ville.
Mais qu’la nuit on vous surine
Comme il est intelligent,
C’est au galop que s’débine
Le parfait agent (bis).

(E. Blédort, Chansons de faubourg)

Surineur

Halbert, 1849 : Donneur de coups de couteau.

Delvau, 1866 : s. m. Spécialiste du genre de Lacenaire. V. également Chourineur.

France, 1907 : Assassin, de surin, couteau. C’est le mot que dans les Mystères de Paris Eugène Sue, qui avait appris l’argot d’un auvergnat, traduisit par chourineur.

Surjuin

Delvau, 1866 : s. m. Insurgé de juin 1848, — dans l’argot des campagnards de la banlieue de Paris, pour qui un mot nouveau n’est facile a retenir qu’autant qu’il est court et sonore.

Surmenage

France, 1907 : Excès de travail exigé maintenant dans les établissements d’éducation pour arriver à fabriquer des bureaucrates, des ratés ou des ambitieux.

Ce qui est caractéristique dans notre existence trépidante, c’est l’impatience. Béroulde de Verville ajouterait facilement, aujourd’hui, un chapitre narquois à son Moyen de parvenir. Il lui faudrait, pour être complet, la collaboration de quelque disciple de Charcot. À un certain degré, l’impatience devient une névrose constatée, et lorsque le surmenage conduit au coup de revolver un Parisien qui n’avait qu’à se laisser vivre, c’est que la maladie était latente, mais indéniable.

(Jules Claretie)

Surmeneuse

Fustier, 1889 : C’est ainsi qu’on désigne maintenant les filles à la mode. Elles surmènent de toutes façons les heureux mortels qu’elles ont daigné distinguer. Allusion au surmenage intellectuel dont on parle tant aujourd’hui.

Une voiture emportant une de nos surmeneuses connues croise une victoria où sont deux de ses collègues

(Charivari, nov. 1888.)

Surmouleur

Delvau, 1866 : s. m. Écrivain qui, volontairement ou à son insu, pastiche d’autres écrivains, et emploie tout son talent à exagérer les mauvais côtés du talent des autres. Argot des gens de lettres.

France, 1907 : Écrivain qui imite les défectuosités du style d’un confrère.

Surnom connaît-on l’homme (au)

France, 1907 : Ce dicton date du XIIIe siècle où des surnoms furent appliqués à chaque individu afin qu’on pût les distinguer de leurs parents ou de leurs concitoyens, car on ne portait alors que les noms reçus en baptême. Il y avait donc dans la même commune quantité de Jacques, de Martin ou de Benoit, ce qui prêtait matière à confusion. Ces noms nouveaux devenus plus tard noms de famille furent pris dans les professions ou métiers que chacun exerçait ; on eut ainsi Charbonnier, Boulanger, Maçon, Couturier, etc. ; en d’autres cas ils furent tirés des manies ou des infirmités de l’individu, Lentété, Lesimple, Legros, Lenain, Leboîteux, etc., etc. ; d’autres fois encore les ouvriers allant d’une ville à l’autre prenaient le nom de leur province ou de leur localité, Champenois, Lorrain, Flamand, Picard, Montpellier, Orléans, etc., etc. ; enfin les nobles joignirent à leur nom patronymique celui de leur fief ou seigneurie.
De là le vieux dicton : au surnom cognoit on l’homme.

Surnu

Fustier, 1889 : Surnuméraire. Argot des employés d’administration, en général.

Suroît

France, 1907 : Coiffure de mer.

Surrincette

France, 1907 : Petit verre de liqueur qui succède à la rincette.

Et l’abbé Trudet, se levant, ou, pour mieux dire, se sauvant de table, avala son café avec tant de hâte et une indifférence telle que nous en demeurâmes stupéfaits, nous, ses amis (et combien de fois ses hôtes !) qui connaissions ses habitudes de flânerie, à table, et surtout le dimanche, et le régal que prenait le bonhomme, tout en bavardant à humer à lèvres dévotes, avec lenteur et componction, non seulement le café que dame Rose faisait dans la perfection, mais encore et surtout le pousse et le repousse-café, rincette, surrincette, rinçonnette et, pour finir, le coup de l’étrier, qu’il avait baptisé le dernier son de la messe.

(Jean Richepin)

Surse (faire la)

Rigaud, 1881 : « Quand on s’amuse (au magasin), un des commis fait la surse. Faire la surse, c’est faire sentinelle. La sentinelle veille et observe, et dès que le patron apparaît, un cri de convention, qui ne peut éveiller aucune défiance, retentit dans le magasin et se répète d’un rayon à l’autre. Comme par exemple 8.50 ! ou 9.50 ! » (Commis et demoiselles de magasin, 1868.) Longtemps le mot d’ordre fut sur seize ! L’hiver dernier, aux magasins du Printemps, c’était : « Voyez gants Suède no 1 », ou « voyez Suède 1 ». — Nous laissons à de plus savants que nous le soin d’éclaircir l’étymologie et d’affirmer si le surse de MM. les calicots vient du latin sursum. Pourquoi pas ? Il doit y avoir de bons latinistes parmi ces gentlemen. Il y a bien un ancien prix d’honneur de rhétorique actuellement cocher de fiacre, et un docteur ès-lettres, chiffonnier.

Sursum corda

France, 1907 : Haut les cœurs.

Surtaille (la)

France, 1907 : Les agents de la Sûreté ; argot des malfaiteurs. Jeu de mot sur sûreté.

Suspensoirs

France, 1907 : Accroche-cœurs des femmes.

Suspente

France, 1907 : Soupente ; patois des canuts.

Et quand, le soir,
Un sommeil noir
S’en vient fermer l’agnolet d’ma paupière,
Quand pour jouir d’un doux repos
Tout doucement je m’étends sur le dos,
Moi qui couche sur la suspente,
Ah ! je voudrais pendant La nuit,
Pour dégringoler sur ton lit,
Voir tomber la charpente.

(Le Canut amoureux)

Sustenter

d’Hautel, 1808 : Entretenir la vie par le moyen des alimens et non substanter comme on le dit fréquemment.

Suzon

France, 1907 : Fille de mauvaise vie, expression du Centre.

Sydonie

Virmaître, 1894 : La tête de carton, ou le mannequin sur lesquels la modiste et la couturière essayent leurs chapeaux et leurs robes (Argot du peuple). N.

Sylphider (se)

Rigaud, 1881 : Se sauver, — dans le jargon au peuple.

France, 1907 : S’enfuir, disparaitre avec la rapidité d’une sylphide.

Symbole

d’Hautel, 1808 : Dans le jargon typographique, ce mot équivaut à crédit ; ce que l’on prend en compte courant chez un marchand.

Delvau, 1866 : s. m. La tête, — dans l’argot des voyous. Se dit aussi pour Chapeau.

Delvau, 1866 : s. m. Crédit chez le marchand de vin, — dans l’argot des typographes, qui veulent sans doute faire allusion à l’œil du fameux triangle maçonnique. Avoir le symbole. Avoir un compte ouvert chez le cabaretier.

Rigaud, 1881 : Tête ; chapeau.

Rigaud, 1881 : Crédit, compte ouvert chez un marchand de vin, un restaurateur, — dans le jargon des typographes. — Symbole fait ici allusion au symbole des apôtres, au Credo, et credo est une forme argotique de crédit. Ce jeu de mots n’est pas au-dessous des connaissances de beaucoup de typographes. — Avoir, demander symbole.

La Rue, 1894 : Tête. Chapeau. Crédit chez le marchand de vin.

France, 1907 : Tête, chapeau.

France, 1907 : Crédit, compte ouvert ; argot des typographes. Avoir, demander symbole. Eugène Boutmy donne sur cette expression plusieurs explications dont à mon sens voici la meilleure : « Symbole est dans un certain sens synonyme de credo, le Symbole des apôtres. De credo à crédit, la distance est courte. »

Symbole (avoir un)

Virmaître, 1894 : Avoir un compte ouvert chez le mastroquet (Argot d’imprimerie).

Symbole (avoir, demander)

Boutmy, 1883 : v. Avoir, demander crédit. Cette expression nous paraît venir de celle-ci : passer devant la glace. Comme on sait, passer devant la glace, c’est payer au comptoir, derrière lequel se trouve d’ordinaire une glace. Dans cette glace, on y voit son portrait, son image, son symbole. Avoir symbole, c’est donc, par ellipse, avoir la permission de passer devant cette glace redoutée sans s’arrêter. On peut donner encore une autre étymologie : les pièces de monnaie portent sur une de leurs faces la représentation, le symbole d’un souverain quelconque, ou une autre figure. De là peut-être l’expression. Nous livrons ces conjectures à la sagacité de quelque Du Cange de l’avenir. D’autres proposent une étymologie beaucoup plus simple et peut-être plus naturelle : Symbole est, dans un certain sens, synonyme de Credo, le Symbole des Apôtres. De Credo à Crédit, la distance est courte. Choisissez.

Symbolisme

France, 1907 : Interprétation d’une vérité par un symbole, image ou fable. Il y a le symbolisme en littérature, en art, en religion. On l’appelle aussi le figurisme. Le mot est nouveau, la chose est vieille comme les lettres mêmes. Les poètes grecs et latins étaient des symbolistes. « Envisagé au seul point de vue de l’expérience, dit André Lefèvre, le symbolisme apparaît comme la raison d’être de nombreux faits d’ordre religieux Tout le matériel, toute la mimique du culte y ressortissent depuis l’amulette, l’idole et l’œuvre d’art, jusqu’aux formes et formules du sacrifice. » Voici, d’après Octave Mirabeau, la définition du symbolisme :

C’est l’exaspération du laid et le dessous du rien !… Ah ! leurs princesses, avec des corps en échalas et des visages pareils à des fleurs vénéneuses, qui passent sur des escaliers de nuages, sur des terrasses de lunes malades, en robes de tôle galvanisée !… Ah ! leurs amantes, émaciées, et longues comme des gaules à pêche, leurs amantes qui marchent sans jambes, qui regardent sans yeux, qui parlent sans bouche, qui aiment sans sexe, et qui, sous des feuillages découpés à la mécanique, dressent des mains plates, cassées au poignet, par la même éternelle flexion !… Et leurs héros qui puent la sodomie, la névrose et la syphilis !…

Symboliste

France, 1907 : Partisan du symbolisme.

Le Décadent nous apprend que les symbolistes ne sont que de « pseudo-décadents » qui affichent des airs d’excentricité, mais qui sont, au fond, pourris de la banalité de notre époque. De plus, les symbolistes aiment « la réclame » qui fait horreur aux décadents. Voyez-vous ça ! Désormais, nous dit le Décadent, il n’y aura plus à s’y tromper : les décadents sont une chose : les symbolistes sont l’ombre de cette chose…

(Henry Fouquier)

Symphoneries

Rigaud, 1881 : Bêtises, — dans le jargon du peuple. — Lâcher des symphoneries, dire des bêtises.

Synagogue

d’Hautel, 1808 : Enterrer la synagogue. Se dit par plaisanterie, quand après plusieurs jours de ripaille et de divertissemens, on en prend encore un pour se préparer avant de rentrer dans le devoir.
Enterrer la synagogue avec honneur. Finir honorablement une entreprise difficile que l’on a commencée.

Synagogue (c’est)

Rigaud, 1881 : C’est synonyme, — dans le jargon des farceurs.

Synagogue (enterrer la)

France, 1907 : Finir une entreprise, rompre une liaison avec éclat ou par quelque action dont on parle. On dit dans un cas favorable : enterrer la synagogue avec honneur.

Syriot

France, 1907 : Fauvette grise appelée aussi grisette et en Provence passerine.

Système

Delvau, 1866 : s. m. L’ensemble des fonctions du corps humain, et, plus spécialement, le système nerveux. Argot du peuple. Agacer le système. Ennuyer. Taper sur le système. Agacer les nerfs ; exaspérer.

Rigaud, 1881 : Un mot fort en crédit chez les ouvriers qui le mettent devant un autre avec le sens de : dans le goût de, comme chez, semblable à. — Système Jardinière, habillement complet. — Système Pinaud, chapeau haute forme. — Système ballon, grossesse etc., etc. Le champ est vaste, aussi est-il très exploité.

Virmaître, 1894 : Portion servie aux prisonniers dans les maisons centrales (Argot des voleurs). V. Bonde.

France, 1907 : Portion servie aux détenus des maisons centrales.

France, 1907 : Le corps. Agacer ou taper sur le système, ennuyer, exaspérer. Se faire sauter le système, se suicider. Rompre le système, irriter. S’en faire péter le système, entreprendre une besogne au-dessus de ses forces. Tu t’en ferais péter le système, expression ironique de refus.

Système (rompre le)

Rigaud, 1881 : Agacer, porter-sur le système nerveux.

Système (s’en faire péter le)

Rigaud, 1881 : Faire, entreprendre une chose au-dessus de ses forces.

Système (se faire sauter le)

Rigaud, 1881 : Se brûler la cervelle.

Systémier

France, 1907 : Joueur qui suit un système pour gagner à la roulette spécialement. On donne aussi ce nom à ceux qui font profession d’enseigner ces systèmes.

J’ai connu à Monte-Carlo nombre de systémiers qui expérimentaient en chambre avec des jetons, des haricots ou de petits cailloux. Ils gagnaient des sommes folles. Mais sur le tapis vert du casino la scène changeait ; et les espèces sonnantes disparaissaient rapidement sous le râteau du croupier.

(Hector France, Au pays de Cocagne)


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique