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P

P

d’Hautel, 1808 : Il faut mettre un P à cette créance. Se dit d’une mauvaise créance, d’un débiteur insolvable.

France, 1907 : Lettre au moyen de laquelle les écrivains pudibonds, ou craignant d’offenser les oreilles pudibondes, désignent les prêtresses de Cythère. Les demoiselles chastes lisent P, mais prononcent putain tout bas… et la pudeur est sauve. Ô sainte imbécillité !

Les potins scandaleux allaient leur train et les bonnes bourgeoises, mises an courant par un « ami » complaisant, disaient d’un ton dédaigneux : — Ces grandes actrices, toutes p… !

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

P (faire le)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Faire mauvaise mine.

France, 1907 : Paraître de mauvaise humeur. P est sans doute ici pour pet, qui a le sens d’une chose désagréable. Il y a du pet, il y a du bruit ou du danger. Voir ce mot.

P (il y a du)

Larchey, 1865 : Il y a du danger, la police est proche (Dict. d’argot, 1844). — On a probablement pris la première lettre du mot Police. — Faire le P : Faire mauvaise mine (Grandval, 1827).

P plus Q

France, 1907 : « Expression algébrique qu’on introduit à l’École polytechnique dans le langage courant et qui signifie un grand nombre. Exemple : J’ai déjà attrapé P + Q consignes. »

(Argot de l’X)

Pacant

d’Hautel, 1808 : Un pacant, un lourdaud, homme sans intelligence, sans pénétration, d’un sens et d’un esprit très-bornés.

anon., 1827 : Un passant.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Passant.

Bras-de-Fer, 1829 : Un passant.

Delvau, 1866 : s. m. Paysan, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Palot.

Rigaud, 1881 : Paysan, — dans le jargon des voleurs. — Intrus, maladroit, lourdaud.

Mais ce pacant-là va tout gâter.

(Balzac, Pierre Grassou.)

France, 1907 : Paysan, individu grossier, lourd, butor, et, par extension, un intrus ; argot des voleurs ; vieux français, du latin paganus.

— Ce pacant-là va tout gâter.

(Balzac)

Se dit aussi pour passant.

Pacant, pâlot

La Rue, 1894 : Paysan.

Pacaut ou palot

Halbert, 1849 : Homme de campagne.

Paccin

Rigaud, 1881 : Paquet, — dans l’ancien argot.

Paccin, pacmou

France, 1907 : Paquet ; argot des voleurs.

Vidocq, faisant sonner le louis sur la table, s’écria :
— Voilà ce qui s’appelle une largue et une bonne.
— Parbleu ! il n’y a qu’à lui bloquir les paccins.

(Marc Mario et Louis Launay)

Pacha

France, 1907 : Capitaine de vaisseau ; argot des élèves de l’École navale.

France, 1907 : Homme riche, gros dignitaire. « Mener une vie de pacha », vivre largement et voluptueusement.

Pacha à trois queues

France, 1907 : Cette expression, fort usitée autrefois, l’est encore en certaines provinces pour désigner un riche oisif qui passe sa vie dans une douce mollesse, comme l’on représente les pachas de l’Orient. La queue de cheval est le signe distinctif des pachas, qui la font porter devant eux au bout d’une hampe surmontée d’un croissant. C’est le fanion de nos généraux commandant un corps d’armée. Le dignitaire le plus élevé dans la hiérarchie militaire de l’empire turc est le pacha à trois queues. C’est pour célébrer une victoire remportée grâce à une queue de cheval que le général turc fit attacher à une lance en signe de ralliement, alors que ses troupes étaient en pleine déroute, que cet appendice est devenu un signe d’honneur parant les étendards. Un journal comique relate cette petite scène conjugale :

Le mari au lit, lisant son journal :
Dis donc, Lolotte, le pacha de Trébizonde qui a six cents femmes. C’est un pacha à trois queues.
La femme : Oh ! mon pauvre Joseph, quel triste pacha tu ferais !

Pachalesquement

Delvau, 1866 : adv. Voluptueusement, — dans l’argot des romantiques. Cet adverbe oriental appartient à Théophile Dondey, plus inconnu sous le pseudonyme de Philotée O’Neddy.

France, 1907 : Voluptueusement, comme un pacha.

Packet

Delvau, 1866 : s. m. Paquebot, — dans l’argot des anglomanes et des créoles.

Paclin ou Pasquelin

Delvau, 1866 : s. m. Pays natal, — dans l’argot des voleurs. Pasquelin du Rabouin. L’enfer, pays du diable.

Paclin ou patelin

Halbert, 1849 : Pays. On dit aussi pasquelin.

Paclinage ou Pasquelinage

Delvau, 1866 : s. m. Voyage.

Pacliner

Delvau, 1866 : v. n. Voyager.

Paclineur

Delvau, 1866 : s. m. Voyageur.

Pacmon

Halbert, 1849 : Paquet ou ballot.

Pacquecin

France, 1907 : Paquet ; argot des voleurs. Voir Paccin.

Pacquelin

Rigaud, 1881 : Pays. — Brème de pacquelin, carte de géographie. — Pacquelin du raboin, pays du diable, enfer.

Boutmy, 1883 : s. m. Pays natal. Mot emprunté à l’argot des voleurs.

Un suage est à maquiller la sorgue dans la tolle du ratichon du pacquelin… — Un coup est à faire, la nuit dans la maison du curé du pays…

(Lettre d’un assassin à ses complices.)

C’est donc à tort que quelques-uns disent patelin.

La Rue, 1894 : Pays. Ville.

France, 1907 : Pays natal ; argot des voleurs. On dit communément et à tort patelin, puisque pacquelin est une dérivation du latin pagus, village. Brême de pacquelin, carte géographique ; le pacquelin du raboin, le pays du diable, l’enfer.

Pacquelin, linage, lineur, liner

Larchey, 1865 : Ces quatre mots répondent en argot à Pays, Voyage, Voyageur et Voyager (Vidocq). — On trouve dans Bailly les formes Paclin, Patelin, Pasquelin.

Pacquelinage

Rigaud, 1881 : Voyage. — Pacqueliner, voyager. — Pacquelineur, voyageur.

France, 1907 : Voyage.

Pacqueliner

La Rue, 1894 : Voyager. Pacquelinage, voyage. Pacquelineur, voyageur.

France, 1907 : Voyager.

Pacquelineur

France, 1907 : Voyageur.

Pacsin

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Paquet.

Pacte

d’Hautel, 1808 : Je crois qu’il a fait un pacte avec le diable. Se dit en plaisantant d’un homme qui réussit sur les choses les plus hasardeuses, les plus difficiles, ou pour lequel il n’y a rien d’impossible.

Paddock

France, 1907 : Terme de courses désignant l’endroit situé dans l’enceinte du pesage et réservé à la promenade des chevaux. Anglicisme.

Paddy

France, 1907 : Surnom que les Anglais donnent aux Irlandais. Ce mot signifie bouffi.

Padoue

Delvau, 1866 : s. f. Cordonnet rouge avec lequel les confiseurs attachent les sacs de bonbons.

France, 1907 : Cordonnet avec lequel les confiseurs attachent les sacs de bonbons. Padoue est renommée pour ses filatures de soie.

Paf

Larchey, 1865 : Ivre. Abréviation de Paffé.

Vous avez été joliment paf hier.

Balzac.

Delvau, 1866 : adj. Gris, ivre, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Ivre. — Ivrogne gai.

La Rue, 1894 : Ivre. Soulier.

Virmaître, 1894 : Celle expression désigne l’objet qui distingue l’homme de la femme. Ce sont les voyous qui ont inventé le mot. Quand un tenancier d’une maison de tolérance se retire des affaires et qu’il se fait construire une maison à la campagne, s’il éprouve, par vanité, le besoin de mettre au fronton de sa maison un écusson, il peut y ajouter cette devise qui explique le mot paf : Pene erexit domum (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Si vous dites à un voyou : « Je vais t’astiquer les côtes », et qu’il vous réponde : « Tu astiqueras mon paf », il n’est pas poli.

Rossignol, 1901 : Ivre.

Hayard, 1907 : Être ivre.

France, 1907 : Membre viril ; argot des voyous.

Quand un tenancier d’une maison de tolérance se retire des affaires et qu’il se fait construire une maison à la campagne, s’il éprouve, par vanité, le besoin de mettre au fronton de sa maison un écusson, il peut y ajouter cette devise qui explique le mot paf : Pene erexit domum.

(Ch. Virmaître)

France, 1907 : Ivre. Syncope du patois lillois épaffe, ahuri, saisi, épouvanté. Quelques étymologistes en font un anagramme de l’anglais fap, ivre. Paf d’ailleurs se disait et se dit encore pour eau-de-vie ; de la cause on a fait l’effet :

— Sans vous commander, not’ voisin,
Lâchez-nous, s’il vous plaît, chopine
De paf, en magnièr’ d’eau divine…
— Allons, bijou, mettez-vous là.
Babet ! verse à Monsieur. Aimez-vous l’eau-de-vie ?
— Non, je ne bois point de cela…

(J. Vadé, Œuvres poissardes)

Paf (être)

Virmaître, 1894 : Être gris.
— Je me suis paffé hier soir que c’en est dégoûtant.
— Paf, ça y est.
Chose accomplie. Synonyme de : J’en ai mon pied. (Argot du peuple).

Paf, paffe

Rigaud, 1881 : Soulier. De paffut, passut, tranchet. Le mot paffut remonte au XIVe siècle.

Paff

un détenu, 1846 : Un Ivrogne. Être paff : être ivre.

France, 1907 : Eau-de-vie.

On l’attire dans la chambre, et le brigadier, à qui sa payse venait de faire parvenir un litre de mêlé-cassis, lui en fit boire une telle lampée, qu’elle se mit à débiter toutes sortes de gaudrioles, et à lever la jambe d’une façon si drôlette que tout le monde se tenait les côtes. Quand elle rentra au logis, elle tenait à peine sur ses quilles. Sa mère, éberluée, l’apostropha : « Comment, salope, est-il Dieu possible ! Tu as donc liché ? Tu as donc bu du paff ? »

(Les Joyeusetés du régiment)

Paffe

un détenu, 1846 : Souliers.

Halbert, 1849 : Soulier.

Larchey, 1865 : Soulier. V. Gouêpeur, Empaffe. — Dans le dictionnaire du Cartouche de 1827, nous trouvons : Passans, passifs : Souliers. — Le second mot est un diminutif. Le premier semble faire allusion à la mission voyageuse du soulier. Paffe ne serait-il pas une abréviations de passif ?

France, 1907 : Soufflet, gifle. Onomatopée.

Paffé

France, 1907 : Étonné, surpris, ahuri comme un homme ivre ou qui vient de recevoir une paffe.

Paffer

Rigaud, 1881 : Enivrer. Rendre paf.

Paffer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Boire avec excès.

France, 1907 : S’enivrer. On dit aussi s’empaffer.

Paffer, empaffer

Larchey, 1865 : Enivrer.

Au milieu de cette plèbe bariolée qui se paffe de vin bleu.

Delvau.

Nous allons à la Courtille nous fourrer du vin sous le nez, quand nous sommes bien empaffés.

Vidal, 1838

Viennent de Paf qui représentait au dix-huitième siècle la goutte d’aujourd’hui ; comme elle, paf s’appliquait surtout à l’eau-de-vie. En voici de nombreux exemples.

Viens plutôt d’amitié boire nous trois un coup de paffe.

Vadé, 1758.

Voulez-vous boire une goutte de paf. — J’voulons bien. — Saint-Jean, va nous chercher d’misequier d’rogome.

1756, l’Écluse.

Il m’proposit le paf. Ça me parlit au cœur si bien, que j’y allis… dans une tabagie de la rue des Boucheries, où que j’bure du ratafia après le coco.

Rétif, 1778, Contemp., 1783.

Il doit y avoir parenté entre le paf du dix-huitième siècle et l’eau d’aff de l’argot moderne.

Tu vas me payer l’eau d’aff ou je te fais danser.

E. Sue.

Paffs

Virmaître, 1894 : Souliers. C’est à peu près le meilleur mot d’argot pour désigner le bruit que fait le marcheur en frappant le sol du pied. C’est une image : paff ! Paff ! (Argot du peuple).

France, 1907 : Souliers.

Pafs

Delvau, 1866 : s. m. pl. Chaussures, neuves ou d’occasion.

Pagaie (mettre en)

Rigaud, 1881 : Farce qu’au régiment les anciens font aux conscrits, qui trouvent leurs lits arrangés en bascule ; d’où des culbutes et des occasions de se divertir aux dépens des bleus. C’est-à-dire mettre un camarade aux prises avec une plaisanterie qui n’est pas gaie pour lui.

Pagane (en)

France, 1907 : En désordre, à l’abandon, en désarroi. Du latin paganus, paysan ; comme si l’on disait : à la paysanne. On dira d’une voiture renversée, embourbée : « Elle est restée en pagane. » Patois du Centre. Voir Pagale.

En terme de marine, en pagane et, par corruption, en pagale signifie précipitamment. Jeter les objets en pagale dans la cale d’un navire, c’est les jeter en désordre, au hasard.
On dit aussi en pagaye :

— Mon fils, qui l’a tapé plus souvent qu’à son tour, assure qu’il laisse chez lui l’or, l’argent, les billets de banque, des bijoux d’une valeur énorme, n’importe où, en pagaye.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Page blanche

Delvau, 1866 : s. f. Homme distingué, ouvrier supérieur à son état, — dans l’argot des typographes. Être page blanche en tout. Ne se mêler jamais des affaires des autres ; être bon camarade et bon ouvrier.

Rigaud, 1881 : Innocent. — Ouvrier instruit et travailleur, — dans le jargon des typographes.

France, 1907 : Bon ouvrier ; argot des typographes. Être page blanche, c’est être innocent de ce qui s’est fait. « Cette locution, dit Eug. Boutmy, s’emploie le plus souvent avec la négation : « Dans cette affaire, dit le prote, vous n’êtes pas page blanche », c’est-à-dire « vous êtes complice » où « vous y avez participé en quelque chose ».

Page blanche (être)

Boutmy, 1883 : v. Être innocent de ce qui s’est fait. Cette locution s’emploie le plus souvent avec la négation : Dans cette affaire, dit le prote, vous n’êtes pas page blanche, c’est-à-dire vous êtes complice, ou vous y avez participé en quelque chose.

Page d’Alphand

Fustier, 1889 : Égoutier, au service des travaux de la ville de Paris dont M. Alphand est le directeur.

France, 1907 : Égoutier, du nom d’un ancien ingénieur en chef de Paris.

Pagne

un détenu, 1846 : Assistance, secours que se portent les voleurs entre eux.

Larchey, 1865 : Secours envoyé à un détenu par un ami. (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Provisions que le malade ou le prisonnier reçoit du dehors et qu’on lui porte ordinairement dans un panier. Argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Lit, — dans le jargon des voyous.

Rigaud, 1881 : Don en argent ou en nature fait à un détenu.

La Rue, 1894 : Lit. Don fait à un détenu, argent ou provisions.

Virmaître, 1894 : Provision.

On n’les but’plus, car c’est un mauvais flanche,
Y en a toujours qui sont paumés marrons,
Mais sans r’niffler, pour eux on fait la manche,
On leur envoie le pagne au violon.
(Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Lit. Allusion au pagne qui entoure la taille des sauvages ; les draps cachent également la nudité de l’homme et de la femme (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Lit.

Hayard, 1907 : Lit.

France, 1907 : Provisions ; de italien pagnotta, pain.

— J’ai un bon cœur ; tu l’as vu lorsque je lui portais le pagne à la Force.

(Mémoires de Vidocq)

C’est aussi, par extension, un prêt d’argent à un voleur arrêté.

France, 1907 : Lit. Abréviation de panier ; le pagne à puces. Voir Paillot.

Pendant qu’t’étais à la campagne
En train d’te fair’ cautériser,
Au lieur ed’ rester dans mon pagne,
Moi, j’m’ai mis à dévaliser ;
Mais un jour, dans la rue d’Provence,
J’me suis fait fair’ marron su l’tas,
Et maint’nant j’tir’ de la prévence ME
À Mazas.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Pagne (le)

Halbert, 1849 : Provision que le prisonnier reçoit du dehors.

Pagnoter

Fustier, 1889 : Coucher. Pagnoter avec une grognasse. Coucher et faire la noce avec une femme.

Rossignol, 1901 : Se coucher.

France, 1907 : Coucher ; de pagne, lit.

Pagnoter (se)

La Rue, 1894 : Se coucher.

Virmaître, 1894 : Se coucher. Malgré le double emploi, ou dit dans le peuple :
— Je vais me pagnoter dans mon pieu avec mes dardants (Argot du peuple).

Pagnoterie

France, 1907 : Poltronnerie, bévue, balourdise.

Pagnotter

Hayard, 1907 : Se coucher.

Pagode

d’Hautel, 1808 : Petite figure de porcelaine qui a la tête mobile.
Faire la pagode ; remuer la tête comme une pagode. Se dit de ceux qui secouent souvent la tête ; ou dont la tête est toujours en mouvement.
Ce n’est qu’une pagode. Se dit de quelqu’un qui fait continuellement des gestes, des exclamations insignifiantes.

Paie (bonne)

Delvau, 1866 : s. f. Homme qui fait honneur à sa parole ou à sa signature, — dans l’argot des bourgeois. Mauvaise paie. Débiteur de mauvaise foi. Il faut prononcer paye, à la vieille mode.

Païen

d’Hautel, 1808 : Jurer comme un païen. N’avoir que des juremens à la bouche ; en mêler dans tous ses discours.

Delvau, 1866 : s. m. Débauché, homme sans foi ni loi, ne craignant ni Dieu ni diable, — dans l’argot du peuple, qui emploie là une expression des premiers temps de notre langue.

Paies (c’est tout ce que tu) ?

Rigaud, 1881 : Tu n’as pas quelque chose de plus agréable à dire ? — Et puis, après ça ? — Expression dont abusent les voyous quand on leur fait de la morale à gosier sec.

Prenez garde, mon fils ! la pente du vice est glissante ; tel qui commence par une peccadille peut finir sur l’échafaud ! — C’est tout ce que tu paies ?

(Randon.)

Paillard

d’Hautel, 1808 : Un franc paillard. Libertin, homme impudique, qui s’adonne à la luxure.

Delvau, 1864 : Libertin, homme qui aime la femme, et qui s’amuse avec elle, non comme un bourgeois qui obéit aux commandements de Dieu et à l’habitude, mais comme un gourmet qui se plaît à manger l’amour a toutes les sauces.

Vente, gresle, gelle, j’ai mon pain cuit ;
Je suis paillard, la paillarde me duit.

F. Villon.

Le paillard ! il y prenait donc bien du plaisir !

Mililot.

Le paillard, friand de donzelles,
S’était fait un vaste sérail.

J. Cabassol.

France, 1907 : Fainéant, capon. Il se couche ou se cache dans la paille.

Paillarde

Delvau, 1864 : Femme qui ne voit dans les hommes, quels qu’ils soient, ni des amants, ni des maris, mais des pines, et qui s’en sert avec une gloutonnerie à s’en donner des indigestions.

Tant que le bon ton durera.
Les honnêtes femmes paillardes
S’en tiendront aux soldats aux gardes.

Collé.

Paillarder

d’Hautel, 1808 : Libertiner, s’adonner à la lubricité.

Delvau, 1864 : Baiser une femme, ou seulement la peloter.

Il fut surpris paillardant derrière le grand autel.

B. Estienne.

Elle ne faisoit tout le jour que paillarder avec lui.

Brantôme.

Paillardise

d’Hautel, 1808 : Impudicité, débauche lubrique.

Delvau, 1864 : Libertinage, lubricité.

En fait de paillardise, nous l’entendons au suprême, et les dames du monde ne sont que des bêtes auprès de nous.

La Popelinière.

Paillasse

d’Hautel, 1808 : Pour la bedaine, le ventre.
Il a bien bourré sa paillasse. Pour, il s’est bien repu, il a mangé d’une belle manière.
Il s’est fait crever la paillasse. Pour il s’est fait tuer ; il a été tué en se battant.

d’Hautel, 1808 : Une paillasse de corps-de-garde. Femme livrée à la débauche la plus crapuleuse, et entièrement adonnée au vice, gourgandine qui fréquente les casernes, les corps-de-garde, et qui sert de divertissement aux soldats.
Serviteur à la paillasse. Pour dire, adieu à l’armée, ou il faut coucher sur la paille.

d’Hautel, 1808 : Un paillasse. Nom que l’on donne par mépris à un mauvais comédien qui charge trop son rôle ; à un homme sans esprit qui fait le bouffon, le plaisant, et qui y réussit mal.

Delvau, 1864 : Fille de la dernière catégorie, — la digne femelle du paillasson.

En avant, la femm’ du sergent !
Balancez, la femm’ dm fourrier,
Demi-tour, la femm’ du tambour,
Restez là, paillasse à soldat…

(La Leçon de danse, — chant guerrier.)

Eh ! titi ! oh ! èh ! là-bas,
Tiens ! est-c’ que tu déménages ?
— Pourquoi qu’ tu tiens ce langage ?
— C’est qu’ t’as ta paillass’ sous le bras.
— Eh ! non, mon vieux, c’est ma femme…

(Chanson populaire).

Larchey, 1865 : Ventre. — La paille s’en échappe comme les intestins.

Il s’est fait crever la paillasse, il s’est fait tuer.

d’Hautel, 1808.

Larchey, 1865 : Caméléon politique. — Allusion à la chanson de Béranger : Paillass’, mon ami, N’saut’ pas à demi, Saute pour tout le monde, etc. De là aussi est venu le synonyme de sauteur.

Delvau, 1866 : s. m. Homme politique qui change d’opinions aussi souvent que de chemises, sans que le gouvernement qu’il quitte soit, pour cela, plus sale que le gouvernement qu’il met. On dit aussi Pitre et Saltimbanque.

Delvau, 1866 : s. f. Femme ou fille de mauvaise vie. On dit aussi Paillasse de corps de garde, et Paillasse à soldats.

Delvau, 1866 : s. f. Corps humain, — dans l’argot des faubouriens. Se faire crever la paillasse. Se faire tuer en duel, — ou à coups de pied dans le ventre. On dit aussi Paillasse aux légumes.

Rigaud, 1881 : Saltimbanque politique dont les opinions sont plutôt à vendre qu’à louer. — Celui qui saute à pieds joints sur ses promesses.

Rigaud, 1881 : Fille publique, — dans le jargon des troupiers.

La Rue, 1894 : Fille publique. Saltimbanque. Le corps humain. Se faire crever la paillasse, se faire tuer.

Virmaître, 1894 : Pitre qui fait le boniment devant les baraques de saltimbanques. Paillasses : les hommes politiques qui servent tous les gouvernements, pourvu qu’ils paient.

Paillass’, mon ami,
N’saut’ pas à demi.
Saute pour tout le monde. (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Femme. Un homme se promène, sa femme au bras ; il est rencontré par un ami :
— Tiens, tu déménages, Charlot ?
— Pourquoi donc ?
— Puisque t’as ta paillasse sous le bras (Argot du peuple). V. Boulet.

France, 1907 : Ventre. Crever la paillasse à quelqu’un, le tuer.

Toujours bonne fille et sans corset, la France prit sur elle, et à ses frais, bien entendu, de mettre en œuvre l’utopie sentimentale du Bohême, et, sous tous les rois susnommés, des milliers de benêts, ses fils et nos pères, se firent crever glorieusement la paillasse pour assurer le droit contre la force et établir le fameux équilibre ! Cette besogne de la monarchie française est ce que l’on définit dans les manuels scolaires par la locution : « abaisser la maison d’Autriche. »
Que fit Louis XI ? — Il commença l’abaissement de la maison d’Autriche. — Que fit François Ier ? — Il continua à abaisser la maison d’Autriche. — Et Henri IV ? — Il abaissa la mais… ! — Et Richelieu ?… Et Louis XIV ?… — Sous leurs règnes, l’abaissement de la… etc., etc., et ainsi de suite, jusqu’au mariage de Napoléon avec Marie-Louise, ce dernier cran de l’abaissement est le coup du lapin aux Habsbourg.

(Émile Bergerat)

France, 1907 : Individualité. « S’il s’imagine que je vais me décarcasser pour sa paillasse ! »

France, 1907 : Femme de mauvaise vie, prostituée. Paillasse de corps de garde, fille à soldats. On dit aussi, dans le même sens, paillasse à troufion.

Les nymphes d’alentour ne se laissent pas approcher, ou si par hasard on accroche une jupe à la brune, on est sûr que c’est une vieille paillasse qui a servi à tous les avant-postes du camp.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Du temps qu’elle faisait la noce,
Jamais on n’aurait pu rencontrer — c’est certain,
Paillasse plus cynique et plus rude catin.

(André Gill, La Muse à Bibi)

Paillasse (bourrer la)

Rigaud, 1881 : Manger. — N’avoir rien à fourrer dans la paillasse, n’avoir rien à manger.

Paillasse (brûler la)

France, 1907 : Partir de chez une fille sans la payer.

Paillasse (brûler)

Rigaud, 1881 : Partir en oubliant de déposer son offrande sur le coin de la cheminée d’une Vénus ambulante.

Paillasse (crever la)

Rigaud, 1881 : Porter des coups de pied dans le ventre de quelqu’un. — Se faire crever la paillasse, se faire assommer à coups de pied dans le ventre.

Paillasse (manger sa)

Rigaud, 1881 : S’agenouiller pour prier au pied de son lit, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Réciter ses prières à l’instar de beaucoup de dévotes, agenouillé devant son lit et la tête appuyée sur les matelas.

Paillasse à coups de poing

Rigaud, 1881 : Femme d’ivrogne.

Paillasse à soldat

Virmaître, 1894 : Femme sur laquelle tout un régiment couche. Mot à mot : qui sert de paillasse (Argot du peuple). N.

Paillasse à soldats

Rigaud, 1881 : Fille à soldats. — Prostituée sans prétention qui rôdaille autour des casernes, quœrens quem devoret.

Merlin, 1888 : Fille publique.

Hayard, 1907 : Fille de garnison.

Paillasse de corps-de-garde

Larchey, 1865 : Prostituée de dernier ordre. Comme les paillasses de corps-de-garde, elles changent continuellement de coucheurs. De là, le nom de paillasson donné aux hommes qui fréquentent les filles publiques, sans néanmoins être leurs souteneurs.

Chaque soir sur l’boul’vart, ma p’tite femm’ fait son trimar. mais, si el’s’porte s’l’paillasson, j’lui coup’la respiration. j’suis poisson.

Ancienne chanson d’argot.

Paillasson

Delvau, 1864 : Homme trop porté sur son membre ; libertin à qui la qualité importe peu, pourvu qu’il ait la quantité.

J’ pine à l’œil et j’ m’en fais gloire,
C’est mon gout d’êtr’ paillasson.

(Chanson anonyme moderne.)

Delvau, 1866 : s. m. Libertin, — dans l’argot du peuple. Signifie aussi souteneur de filles. Mais le premier sens est le plus usité, et depuis plus longtemps, comme en témoigne ce passage d’une chanson qui avait, sous la Restauration, la vogue qu’a aujourd’hui la chanson de l’Assommoir :

Chaque soir sur le boulevard
Ma petit’ femm’ fait son trimar,
Mais si elle s’port’ sus l’paillasson,
J’lui coup’ la respiration :
Je suis poisson !

Rigaud, 1881 : Libertin qui ne craint pas de se frotter à toutes les paillasses des drôlesses.

Paillasson, quoi ! cœur d’artichaut. C’est mon genre : un’ feuill’ pour tout l’monde. Au jour d’aujourd’hui, j’gob’ la blonde ; Après-d’main, c’estlabrun’qu’im’faut.

(La Muse à Bibi, Le Paillasson.)

Rigaud, 1881 : Homme aimé un moment pour lui-même, — dans le jargon des filles.

Celui avec lequel elle passe un caprice, auquel ce se donne sans lui demander de l’argent, un paillasson.

(Paris-vivant, La Fille. 1858.)

La Rue, 1894 : Libertin. Amant de cœur.

France, 1907 : Petite pièce en un acte donnée avant une grande, autrement dit : lever de rideau.

France, 1907 : Chevelure. N’avoir plus de paillasson à la porte, être chauve.

— Eh ben ! en v’là un vieux gâteux avec son crâne à l’encaustique ! S’il avait des cheveux, il serait encore assez réussi. Mais il n’a plus de fil sur la bobine, plus de crin sur la brosse, plus de gazon sur le pré ; il a le caillou déplumé, quoi ! Enfin, n’y a plus de paillasson à la porte.

(Beaumaine et Blondelet)

France, 1907 : Amant d’une fille publique, d’une paillasse.

C’est d’nature, on a ça dans l’sang :
J’suis paillasson ! c’est pas d’ma faute,
Je m’fais pas plus marioll’ qu’un aut’e,
Mon pèr l’était ; l’Emp’reur autant !

(André Gill, La Muse à Bibi)

Paillassonner

Delvau, 1864 : Courir les gueuses.

Rossignol, 1901 : Faire des paillons.

Paille

d’Hautel, 1808 : Cela se vend comme de la paille. Manière exagérée de dire qu’une marchandise a un grand débit, une grande vogue ; qu’on l’enlève.
Lorsqu’un auteur traite de son manuscrit avec un libraire, il ne cesse de répéter à ce dernier : monsieur, mon ouvrage est unique en son genre ; il se vendra, s’enlèvera comme de la paille ; imprimez, tirez à grand nombre… Mais malheur au trop crédule libraire qui se laisse aller à ces prophéties présomptueuses que l’on voit si rarement se réaliser.
Un homme de paille vaut une fille d’or. Se dit pour montrer la supériorité de l’homme sur la femme.
À la paille. Terme de soldat qui se dit quand l’exercice est fini, et qui équivaut à, allez vous-en ; allez vous reposer.
Il est dans la paille jusqu’au ventre. Se dit de quelqu’un qui est dans un lieu où il a toutes ses commodités, tout en abondance.
On dit dans le même sens, Ils sont comme rats en paille.
Tirer à la courte-paille.
Se dit d’une chose que l’on tire au sort pour savoir à qui elle appartiendra.
Il a bien mis de la paille dans ses souliers. Se dit de quelqu’un qui s’est enrichi en fort peu de temps, et d’une manière illicite.
Il mourra sur la paille. Se dit d’un homme qui se ruine, qui dépense plus que sa fortune le lui permet.
Elle tire la paille. Se dit pour donner de la valeur à une chose quelconque, pour exprimer qu’elle est excellente, et par allusion à l’ambre, qui a la vertu de lever la paille.
Jeter la paille au vent. Ne savoir de quel côté on dirigera ses pas ; abandonner au hasard la marche d’une affaire.

Larchey, 1865 : Dentelle (Vidocq). — Allusion à sa légèreté.

Delvau, 1866 : s. f. Dentelle, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bombage des cartes destiné à favoriser le coupage dans le pont. (Argot des grecs). Paille, dans leur jargon, est synonyme de pont.

France, 1907 : Dentelle ; argot des voleurs.

France, 1907 : Bagatelle ; le mot est employé dans un sens ironique, signifiant justement le contraire. « Huit jours de clou ! Une paille à tirer ! »

France, 1907 : Tricherie au jeu de cartes, consistant à en onduler une et à la placer de façon à la reconnaitre, d’où l’expression couper dans la paille. C’est la même filouterie que le pont : « couper dans le pont. »

Paille (avoir ou prendre une)

France, 1907 : Avoir un commencement d’ivresse. « Tu es encore saoul, salaud ? – Oh ! je n’ai pris qu’une paille. »

Paille (c’est une)

Virmaître, 1894 : Signe d’étonnement qui veut dire beaucoup, trop gros fardeau à porter : C’est une paille que de porter ça là bas (Argot du peuple). N.

Paille (c’est une) !

Delvau, 1866 : Ce n’est rien ! Argot du peuple. L’expression est très ironique, et signifie toujours, dans la bouche de celui qui l’emploie, que ce rien est un obstacle sérieux.

Paille (croix de)

France, 1907 : Formule qui annonce la rupture d’un pacte, d’une convention dans un cas déterminé, prévu.

— Si tu ne me payes pas à la Saint-Jean, croix de paille, rien de fait.

Paille (feu de)

France, 1907 : Ardeur de courte durée. « Et ce grand amour ne fut qu’un feu de paille. »

Paille (homme de)

Rigaud, 1881 : Prête-nom. Individu qui assume sur lui la responsabilité d’une affaire. En général l’homme de paille touche des appointements fixes et fait tout ce qui concerne son état : des dettes, des dupes et de la prison.

France, 1907 : Prête-nom. Se dit aussi d’un homme sans énergie, sans valeur.

Paille (rompre la)

France, 1907 : Se brouiller ; rompre un accord, un marché.

Il faut rompre la paille. Une paille rompue,
Rend entres gens d’honneur une affaire conclue.

(Molière, Le Dépit Amoureux)

Paille au cul

France, 1907 : Vagabond, cheminot ; patois du Centre. « Avoir l’air d’un paille au cul, être minable, malpropre, déguenillé comme les vagabonds qui couchent dans les chenils ou les tas de paille et dont les guenilles gardent des traces de leur « lit ». Partir la paille au cul, être chassé, mis en réforme ; quitter le régiment étant puni de prison ou de salle de police.

Paille au cul (avoir la)

Larchey, 1865 : Être mis à la réforme. On sait qu’on expose, après y avoir attaché un bouchon de paille, les objets dont on veut se défaire isolément.

La paille au cul, repassez la frontière, Cafards Bourbons.

La Paille au cul, ch., 1832.

Delvau, 1866 : Être réformé, congédié ; mis hors de service, par allusion au bouchon de paille qu’on met aux chevaux à vendre.

Rigaud, 1881 : Être vendu ou à vendre comme homme politique. Le journaliste qui vend sa plume, le député qui trafique de son vote, ont la paille au cul. Allusion au bouchon de paille que les maquignons mettent au derrière des chevaux qui sont à vendre.

Virmaître, 1894 : Être mis à la réforme. L. L. S’en aller la paille au cul, c’est quitter le régiment en ayant encore de la salle de police ou de la prison à faire. Allusion à la paille sur laquelle couchent les prisonniers (Argot des troupiers). N.

Hayard, 1907 : Quitter le régiment en sortant de prison.

Paille au vent (jeter la)

France, 1907 : Se dit lorsque, étant incertain de sa route, l’on jette une paille au vent pour savoir d’où il souffle ; procédé qui, nous semble-t-il, n’indique pas beaucoup le chemin.

Paille de fer

Larchey, 1865 : Dans le récit d’un combat, H. Monnier fait dire à un vieux sergent :

À toi, à moi la paille de fer.

Allusion singulièrement pittoresque au hasard qui expose chaque combattant à un coup mortel. N’est-ce pas un vrai jeu de courte-paille ? — Seulement, les fétus sont des pointes meurtrières.

Delvau, 1866 : s. f. Baïonnette, — dans l’argot des troupiers. Signifie aussi : Fleuret, Epée.

Merlin, 1888 : Baïonnette.

France, 1907 : Baïonnette, fleuret, épée.

Paille de fer (atoi, z’ à moi la)

Rigaud, 1881 : Chacun à notre tour. Expression dont on se sert pour se stimuler. Deux ouvriers attelés à la même besogne, deux forgerons, principalement, qui frappent à tour de rôle sur le fer sortant de la forge, s’excitent au cri de : À toi, à moi la paille de fer ! La paille de fer c’est la barre de fer.

Tout d’un coup le drapeau tombe. On se jette dessus… À toi z’ à moi la paille de fer !

(Alph. Arnault et L. Judicis, Les Cosaques.)

Paille sur le tabouret (ne plus avoir de)

Rigaud, 1881 : « On dit à présent en parlant d’un monsieur chauve comme un œuf : Il n’a plus de paille sur le tabouret. » (Tam-Tam, 1880.)

Paille-en-cul

France, 1907 : Nom vulgaire du Trichiurus lepturus, poisson qui vit dans les eaux douces de l’Amérique méridionale, des Indes et de la Chine. Il est fort mince et ressemble à une lame de sabre ou à une grande paille, car il atteint souvent une longueur d’un mètre.

Pailler

d’Hautel, 1808 : Il est fort sur son pailler. Signifie qu’un homme a de l’autorité, de la puissance chez lui ; qu’il sait se faire obéir dans sa maison.

Rigaud, 1881 : Préparer une paille en battant les cartes. (L. Larchey)

France, 1907 : Disposer d’avance les cartes d’un jeu ; argot des grecs.

Pailler, paillier

France, 1907 : Tas de paille, meule de foin. Chenil. Grange, basse-cour d’une métairie où il y a de la paille, du foin. Hangar formé de perches recouvertes de paille. Mauvais lit.
C’est un coq sur son pailler, c’est un individu qui se sent chez lui et qui par conséquent parle et agit en maître. On dit aussi être sur son pailler.
Il est bien fort, bien fier sur son pailler,
il est fort, fier, dans le lieu qu’il habite près de ceux qui peuvent prendre son parti, le soutenir. Voltaire, parlant des juges qui ont condamné La Barre, Calas, Sirven, s’exprime ainsi :

Je voudrais que les gens qui sont si fiers et si rogues sur leurs paillers voyageassent un peu dans l’Europe, qu’ils entendissent ce que l’on dit d’eux, qu’ils vissent au moins les lettres que les princes éclairés écrivent sur leur conduite.

(Glossaire du Centre)

Paillès

France, 1907 : Boucles de cheveux en tire-bouchon que les juifs polonais laissent croitre sur leurs tempes.

Les cheveux sont presque toujours coupés ras, sauf les paillès que le fer ne doit jamais toucher, pas plus que la barbe dont l’hirsute virginité est un hommage au Créateur.

Pailletée

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse du boulevard, — dans l’argot des voyous, qui sont souvent les premiers a fixer dans la langue une mode ou un ridicule. Pour les curieux de 1886, cette expression voudra dire qu’en 1866 les femmes du monde interlope portaient des paillettes d’or partout, sur leurs voilettes, dans leurs cheveux, sur leurs corsages, etc. Elle a été employée pour la première fois en littérature par M. Jules Claretie. J’ai entendu aussi un voyou s’écrier, en voyant passer dans le faubourg Montmartre une de ces effrontées drôlesses qui ne savent comment dépenser l’or qu’elles ne gagnent pas : Ohé ! la Dantzick.

France, 1907 : On appelait ainsi vers 1866 les filles et femmes de mœurs légères qui portaient des paillettes d’or ou de clinquant sur leur voilette, leur corsage, et jusque dans leurs cheveux. Ce mot, d’après Alfred Delvau, aurait été employé la première fois en littérature par Jules Claretie.

Paillette

d’Hautel, 1808 : Des souliers à paillettes. Souliers où il y a beaucoup de clous, comme le sont ceux des porte-faix, des porteurs d’eau, et généralement de tous les hommes de peine.

Paillon

Larchey, 1865 : Cuivre (Vidocq). — Allusion de couleur.

Rossignol, 1901 : Infidélité. Une fille publique fait un paillon lorsqu’elle se donne à un homme et que ça ne lui rapporte rien.

France, 1907 : Infidèle ; irréligieux. Corruption de parpaillot.

Paillot

Delvau, 1866 : s. m. Paillasson à essuyer les pieds, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Paillasson. — Plaquer la tournante sous le paillot, mettre la clé sous le paillasson.

France, 1907 : Paillasse d’enfant, remplie de menue paille.

France, 1907 : Paillasson. « Plaquer la tournante sous le paillot », cacher la clef sous le paillasson.

France, 1907 : Lit, vieux mot ; évidemment dérivé de paille.

Paillotte

France, 1907 : Toiture de feuillage soutenue par quatre piquets dont les troupes se servent au Sénégal pour se mettre à l’abri des ardeurs du soleil.

Pain

d’Hautel, 1808 : La rue au pain. Pour dire, le gosier, l’avaloir, la vallée d’Angoulême, de Josaphat.
C’est bien le pain. Locution vulgaire qui équivaut à, c’est bien ce qu’il faut ; cela fait bien mon affaire.
Pain de munition. Voy. Munition.
M. ou madame qui a le pain. Sobriquet que l’on donne par plaisanterie à celui ou celle qui se charge à table de servir le pain. On prononce calepin, comme si ces trois mots n’en faisoient qu’un.
Il n’y a pas long-temps qu’il mangeoit le pain d’un autre. Se dit par raillerie d’un homme qui fait le hautain, et dont la première condition étoit la domesticité.
Pain coupé n’a point de maître. Se dit par plaisanterie à table, lorsqu’en se trompant, on prend le pain de son voisin.
Il a mangé de plus d’un pain. Se dit d’un homme qui a vu du pays ; qui s’est trouvé dans des positions fort différentes les unes des autres.
Il sait son pain manger. Se dit d’un homme industrieux, intelligent, qui sait se tirer d’affaire.
Il ne vaut pas le pain qu’il mange. Se dit d’un homme oisif, paresseux et fainéant, qui ne fait œuvre de ses dix doigts.
Le pain lui vient quand il n’a plus de dents. Pour dire, que le bien arrive dans un temps où l’âge et les infirmités en ôtent toute la jouissance.
Avoir son pain cuit. Être à son aise, pouvoir vivre sans travailler ; avoir sa subsistance assurée.
C’est autant de pain cuit. Signifie qu’une chose que l’on a faite, et qui ne peut être employée pour le présent, servira dans un temps plus éloigné.
C’est du pain bien dur. Se dit d’un emploi pénible, dans lequel la nécessité contraint de rester.
Il a eu cette maison pour un morceau de pain. Pour dire à fort bon compte, à fort bas prix.
Faire passer le goût du pain à quelqu’un. Le faire mourir ; le tuer, l’assassiner.
Il a mangé le pain du roi. Pour, il a été plusieurs fois en prison.
Rendre le pain bénit, ou ses comptes. Manière basse et grossière de dire qu’un homme gorgé de nourriture la rejette, vomit.
Ôter le pain de la main de quelqu’un. Lui ôter les moyens de subsister.
Faire la guerre au pain. Manger avec appétit ou de fort gros morceaux de pain, comme le font les jeunes gens, et notamment les écoliers.
Chercher son pain. Pour dire mendier, demander l’aumône.

Delvau, 1866 : s. m. Coussin de cuir, — dans l’argot des graveurs, qui placent dessus la pièce a graver, bois ou acier.

Rigaud, 1881 : Soufflet, coup de poing sur le visage. Le mot pain traduit le bruit produit par un soufflet bien appliqué. Coller un pain, donner une gifle. M. Larchey écrit paing et donne poing comme étymologie. Passer chez paing, recevoir des coups.

Rigaud, 1881 : Coussinet en cuir dont se servent les graveurs pour poser la planche à graver.

La Rue, 1894 : Coup au visage.

Hayard, 1907 : Coup.

France, 1907 : Coussin de cuir sur lequel les graveurs placent la pièce à graver.

France, 1907 : Coup de poing sur le visage.

Que, formidable, Richepin
Provoque le Géant alpin
Et le tombe et lui flanque un pain.

(Catulle Mendès)

Pain ? (et du)

Larchey, 1865 : As-tu ou Ai-je de quoi manger ? — Donnez des conseils à un malheureux affamé, il vous ramène à la question par ces mots qui en résument toute l’immédiativité : Et du pain ? — Gavarni montre un masque abordant avec ces mots un domino femelle, qui l’attend, binocle sur les yeux :

Pus qu’ça de lorgnon… Et du pain ?

La question déchire d’un seul coup les faux dehors de cette femme élégante qui n’a peut-être pas dîné pour acheter des gants.

Pain (et du) !

Delvau, 1866 : Exclamation ironique de l’argot du peuple, qui la coud à beaucoup de phrases, quand il veut refuser à des importuns ou se moquer de gens prétentieux. Ainsi : « As-tu cent sous à me prêter ? — Cent sous ! Et du pain ? » Ou bien à propos d’un gandin qui passe, stick à la bouche, pince-nez sur l’œil : « Plus que ça de col ! Et du pain ? » etc.

Pain (et du) ?

Rigaud, 1881 : Et le nécessaire ? Expression à l’adresse des gens qui font des dépenses peu en rapport avec leur position. — Réplique à une proposition extravagante sous le rapport de la dépense. — Demandez à un ouvrier convalescent pourquoi il ne mange pas, à tous ses repas, de bons biftecks saignants arrosés de bon vin de Bordeaux. Il répondra : Et du pain ?

Pain (faire perdre le goût du)

Rigaud, 1881 : Tuer. — Je te ferai perdre le gout du pain.

Pain (ton, son)

Rigaud, 1881 : Réplique qui, au régiment, équivaut à : « Rien du tout ». — Je vais t’étriller si tu m’em… bêtes. — Tu nés pas le diable ; tu étrilleras ton pain. — Le brigadier a dit qu’il te ficherait à Cours. — Il y f… son pain ; ici, toi, tu commandes ton pain.

Pain à 36 trous

Merlin, 1888 : Biscuit de troupe.

Pain à cacheter

Rigaud, 1881 : Hostie. — Tortorer le pain à cacheter, communier, — dans le jargon du peuple.

Rigaud, 1881 : Entêté, — dans le jargon des voyous. L’homme entêté tient à son idée, comme le pain à cacheter tient au papier.

France, 1907 : L’hostie. Elle affecte la forme et elle est de même pâte que les pains à cacheter. Torturer le pain à cacheter, communier.

Sont-ils d’avis que le mariage est un sacrement et non un contrat civil et que, pour être valable et respectable, l’union de deux jeunes gens doit être formellement consacrée par un homme habillé en femme, qui lève les mains sur des rondelles de pain à cacheter en chantant trois fois : Sanctus ! Sanctus ! Sanctus !

(Edmond Lepelletier, Mot d’ordre)

Pain à cacheter (le)

Rigaud, 1881 : La pleine lune.

Pain à chanter

France, 1907 : Pain bénit, corruption de pain enchanté, qui est lui-même une corruption de pain en chantel ou en chanteau, fraction de pain, le pain bénit étant distribué aux fidèles en petites fractions. Les boulangers appellent encore chanteau le morceau de pain qu’ils ajoutent pour parfaire le poids.

Pain à deux couteaux ne fut jamais ni bon ni beau

France, 1907 : On appelle pain à deux couteaux celui qui, étant trop humide ou mal cuit, laisse le couteau si pâteux après qu’on l’a coupé que si l’on en veut couper une seconde fois, il faut se servir d’un autre couteau.

Pain à trente-six trous

France, 1907 : Biscuit de troupe ; tout le contraire du pain de chapitre ; argot des troupiers qui sont rarement satisfaits de ce qu’on leur donne. Le pain à trente-six trous est excellent lorsqu’il n’est pas trop vieux.

Pain bénit

France, 1907 : Punition méritée.

— En a-t-il fait des fredaines ! En a-t-il trompé de pauvres filles ! Maintenant le voilà cocu… C’est pain bénit !

(Les Propos du Commandeur)

Pain bénit (c’est)

Delvau, 1866 : Ce n’est que justice, c’est bien fait.

Pain cuit

Rossignol, 1901 : Ne plus avoir longtemps à vivre.

Pain cuit (avoir son)

Rigaud, 1881 : Avoir des rentes suffisantes pour vivre. Mot à mot : avoir sur la planche du pain cuit pour le restant de ses jours. — Être condamné à mort. Mot a mot : avoir du pain cuit sur la planche de la guillotine.

France, 1907 : Se dit d’une personne en train de partir pour l’autre monde. On dit aussi : avoir assez de pain de cuit.

Pain d’alouette

France, 1907 : Le fruit de l’aubépine. Pain que la bergère a de reste de son goûter et qu’elle rapporte des champs aux enfants de la maison, comme on fait du pain bénit. Patois du Centre.

Pain de chapitre

France, 1907 : Pain de première qualité. Le chapitre est l’assemblée où les chanoines traitent de leurs affaires : l’on a donné par extension ce nom à toute assemblée de moines ; on sait que ceux-ci avaient l’habitude de se bien traiter et consommaient tout ce qu’il y avait de meilleur. « Quand il est question d’exprimer en un mot un vin bon par excellence, et fus-ce pour la bouche d’un roi, il faut venir au vin théologal ; pareillement s’il est question de parler d’un pain ayant toutes les qualités d’un bon et bien friand pain…, ne faut-il pas venir au pain du chapitre ? » (Satire Ménippée). Un proverbe dit : Communautés commencent par bastir leur cuisine.

Pain de hanneton

France, 1907 : Grappe de boutons que produit le marronnier avant d’être en fleurs et dont les hannetons sont très friands.

…J’aime sous les charmilles
Dans le parc Saint-Fargeau, voir les petites filles
Emplir leurs tabliers de pain de hannetons.

(Théophile Gautier)

Dans les départements du Centre, on appelle pain de hanneton le fruit de l’orme.

Pain de la bouche (ôter le)

Rigaud, 1881 : Empêcher quelqu’un d’obtenir un emploi, lui faire perdre sa place.

Pain de noix

France, 1907 : Tourteau ; résidu de la fabrication de l’huile de noix.

Pain ni pate (n’avoir)

France, 1907 : Être dépourvu de tout. Provincialisme.

Pain polka

Rigaud, 1881 : Pain long et plat de 4 livres, — dans le jargon des boulangers.

Pain quotidien (le)

Delvau, 1864 : L’acte vénérien, qu’un mari et une femme, ou plutôt un amant et une maîtresse accomplissent volontiers chaque jour, matin et soir, sans y manquer, — de peur de laisser mourir leur amour d’inanition.

Le mari et la femme, cela est bon, vois-tu, mais il n’est pas encore si bon que les autres, à cause qu’il est plus ordinaire et que c’est leur pain quotidien.

Mililot.

La plus aimable des comtesses,
Ne refusez pas votre bien ;
Tous les jours quatre politesses
Seront votre pain quotidien.

Collé.

Pain raté

Rigaud, 1881 : Pain entamé par les rats, pain trop dur. — Pain ars, pain brûlé. — Pain métourné, pain trop petit, — dans le jargon des boulangers. Pain à grigne, pain fendu.

Pain rouge (manger du)

Halbert, 1849 : Vivre d’assassinats.

France, 1907 : Vivre d’assassinats.

Paris, comme toutes les grandes villes, donne asile à quantité de repris de justice, parmi lesquels des assassins de la pire espèce qui mangent du pain rouge parfois pendant plusieurs années sans jamais être pris.

Pain sur l’ais (avoir du)

France, 1907 : Avoir sa subsistance assurée. « Que de pauvres gens voudraient avoir du pain sur l’ais pour le restant de leurs jours ! » Patois du Centre. On dit aussi : avoir du pain cuit, du pain sur la planche.

Pain sur la fournée (prendre un)

La Rue, 1894 : Prendre des arrhes sur le mariage.

France, 1907 : Avoir des relations intimes avec une fille avant le mariage.

— Laisse-toi faire, va, puisque nous nous marions dans huit jours, c’est un pain pris sur la fournée, voilà tout.
— Non, non. Il ne serait pas cuit et tu ne pourrais le digérer. Il faut que Monsieur le maire allume le four.

Pain sur la planche (avoir du)

Merlin, 1888 : Avoir une collection de punitions.

Pain-là (ne pas manger de ce)

Rigaud, 1881 : Repousser une proposition, un gain indignes d’un honnête homme.

Paing

France, 1907 : Poing. « Passer chez paing », battre. « Rapplique un peu, j’vas te passer chez paing. »
C’est aussi un coup de poing.

…Mais pas pègre à la mi’d’pain :
Pègre d’naissanc’, d’autor et d’riffe,
Pègre d’la haute j’colle un paing,
Au pantrio, quand i’se r’biffe.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Pains (faire des petits)

La Rue, 1894 : Amadouer.

Pains (passer chez)

La Rue, 1894 : Battre à coups de poing.

Pains au lait

France, 1907 : Seins de femme.

Que j’aime la tournure
Des petits pains au lait
Que la simple nature
A mis dans ton corset !

(Chevalier de Boufflers)

Paire

d’Hautel, 1808 : Être ensemble comme une paire d’amis. Vivre en bonne intelligence et en familiarité.
Une paire de soufflets. Pour dire deux soufflets appliqués à la fois et de la même main.
Les deux font la paire. Se dit en mauvaise part de deux personnes de mêmes inclinations, qui font société ensemble ; pour exprimer qu’elles se ressemblent parfaitement ; qu’elles sont bien appariées ; ou qu’elles ne valent pas mieux l’une que l’autre.

Paire (se faire la)

Hayard, 1907 : Se sauver.

France, 1907 : Se sauver, courir. Jambes est sous-entendu : se faire la paire de jambes. On dit également se faire la paire de mains courantes.

— Oùs qu’est ma menesse ? Veux-tu calter, Pamela… Non, mais n’s’fera pas la paire… C’est-y cruche une marmotte !

(A. Bruant, Les Bas-Fonds de Paris)

Diner à la paire, se sauver sans payer après le repas.

J’ai connu à la Roquette un peintre en bâtiments ; depuis cinq à six ans, tous les hivers, il rappliquait passer sa saison. Il avait environ trois mois à tirer pour un coutumier dîner à la paire.

(La Sociale)

Paire de cymbales

Delvau, 1866 : s. f. Pièce de dix francs, — dans l’argot facétieux des faubouriens.

France, 1907 : Pièces de dix francs : argot des faubouriens.

Paire de manches (autre)

France, 1907 : C’est une autre affaire, ce n’est pas la même chose. D’après C. de Méry, cette locution daterait du règne de Charles V. Il était de mode alors de porter une espèce de tunique serrée à la taille et qu’on nommait cotte-hardie ; elle montait jusqu’au cou, descendait jusqu’aux pieds et avait la queue trainante pour les personnes de distinction seulement. Les manches en étaient fort étroites, mais on y adapta une autre paire de manches très larges, dites à la bombarde, sans doute à cause des voiles carrées des petits navires marchands de la Méditerranée appelés de ce nom, dont elles imitaient la forme, flottant à vide jusqu’à terre. Ces secondes manches, qui ne servaient absolument à rien, coûtaient beaucoup plus cher que les véritables. « Oui, mais ce n’était pas la même chose, c’était une autre paire de manches », disait-on. Ces cottes-hardies étaient fort luxueuses, mais moins cependant que les cottes d’armes qui n’avaient pas de manches et ne tombaient que jusqu’aux genoux. Les princes et les chevaliers seuls avaient le droit de s’en revêtir. Quand on relevait les morts sur le champ de bataille, il suffisait de compter les cottes de mailles pour avoir le nombre des princes et chevaliers tués. Le luxe des costumes militaires était tel qu’il fit dire à Martin Dubellay à l’occasion du camp du Drap d’or (1520) où se rencontrèrent Henri VIII et François Ier : « Maints seigneurs y portèrent leurs moulins, leurs forêts et leurs prés sur leurs épaules. » Cependant il parait que sous Louis XI l’usage de la cotte de mailles commençait à se perdre, car l’on sait que Charles le Téméraire, tué à la bataille de Nancy (1477), ne portait pas cet insigne de haute chevalerie. Mais, c’est une autre paire de manches.
M. Quitard donne une tout autre explication de cette locution dans ses Proverbes sur les femmes. D’après lui, elle rappellerait un usage pratiqué au XIIe siècle par des personnes de sexe différent qui voulaient former une tendre liaison. « Ils échangeaient, dit-il, une paire de manches comme gage du don naturel qu’ils se faisaient de leur cœur, et ils se les passaient au bras en promettant de n’avoir plus désormais de plus chère parure, ainsi qu’on le voit dans une nouvelle du troubadour Vidal de Besaudun, où il est parlé de deux amants qui se jurèrent de porter manches et anneaux l’un de l’autre. Ces enseignes on livrées d’amour, destinées à être le signe de la fidélité, devinrent presque en même temps celui de l’infidélité : car, toutes les fois qu’on changeait d’amour, on changeait aussi de manches… Aussi tel ou telle qu’on s’était flatté de tenir dans sa manche s’en débarrassaient au plus vite sans le moindre scrupule, et, en définitive, c’était toujours une autre paire de manches. » D’où le dicton : On fait l’amour, et quand l’amour est fait, c’est une autre paire de manches.

Paire de manches (c’est une autre)

Rigaud, 1881 : C’est bien différent.

Paître

d’Hautel, 1808 : Qu’il aille paître. Se dit, pour se débarrasser de quelqu’un qui importune par ses demandes continuelles, et équivaut à, qu’il aille se promener ; qu’il aille au diable.

Paix

d’Hautel, 1808 : Dieu lui fasse paix. Se dit en parlant d’une personne morte, pour exprimer qu’on lui pardonne tout le mal qu’elle a fait de son vivant.

Paix-là

Rigaud, 1881 : Huissier-audiencier. Le cri de l’homme pour l’homme même.

Palabre

Delvau, 1866 : s. m. Discours ennuyeux, prudhommesque, — dans l’argot du peuple, qui a emprunté ce mot aux marins, qui l’avaient emprunté à la langue espagnole, où, en effet, palabra signifie parole.

Virmaître, 1894 : Discours ennuyeux, prudhommesque. Palabra, en langue espagnole, signifie parole, il est vrai, mais ce n’est pas le sens dans le langage populaire. Palabre trembleuse : figure de bourgeois qui tremble à propos de rien, qui a peur de son ombre, qui se cache au moindre bruit. Palabre signifie figure :
— Le biffard a tellement la frousse que sa palabre défargue (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Discours ennuyeux.

France, 1907 : Paroles oiseuses, discours longs, pompeux, inutile ; de l’espagnol palabra, parole. On appelle palabre une conférence avec un roi nègre où l’on dépense inutilement beaucoup de paroles. C’est aussi les présents que les commerçants offrent à ces chefs de villages que nous appelons rois, pour les amadouer et se maintenir en bonne intelligence avec eux.

Écoutez-les : les mots sont changés, mais foutre, grattez l’écorce des palabres et, au-dessous, vous dégotterez la substance léthargique et vénéneuse que, de tous temps, ont utilisé les prêtres et les gouvernants de tout poil.

(Le Père Peinard)

Palabrer

France, 1907 : Parler, bavarder.

Paladier

anon., 1827 : Un pré.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Prairie.

Bras-de-Fer, 1829 : Pré.

Halbert, 1849 : Un pré.

Paladin

d’Hautel, 1808 : Faire le paladin. Faire l’important, le fat ; se faire passer pour quelque chose.

Palais

Virmaître, 1894 : Pièce de cinq francs. Allusion à la forme plate du palais qui sert pour jouer au tonneau (Argot du peuple). V. Tune.

France, 1907 : Pièce de cinq francs, pour palet.

Palais (courrier du)

France, 1907 : Voiture cellulaire appelée aussi panier à salade. Les Anglais la désignent sous le nom de Noire Maria.

Palais du four

Delvau, 1866 : s. m. Monument élevé par Charles Monselet, dans le Figaro, en l’honneur des victimes malheureuses de la littérature et de l’art, des artistes et des gens de lettres qui, en croyant faire une œuvre digne d’admiration, n’ont fait qu’une œuvre digne de risée.

Palantin

d’Hautel, 1808 : Nigaud, lambin, niais, badaud, janot, musard, fainéant, paresseux.

Palantiner

d’Hautel, 1808 : Niaiser, lambiner, muser ; être toujours en extase ; bayer aux corneilles, fainéantiser.

Palas

France, 1907 : Beau, joli ; argot des voleurs.

Pale

Delvau, 1866 : s. m. As et deux, — dans l’argot des joueurs de dominos. Asinet. As tout seul.

Pâle

France, 1907 : Le blanc, au jeu de dominos.

Pâle (du)

Rigaud, 1881 : La couleur blanche au jeu de dominos. — Les professeurs de dominos disent également la blancheur en ajoutant le nom d’une dame blonde de leur connaissance, délicat hommage à la beauté.

Palefrenier

d’Hautel, 1808 : Valet qui panse les chevaux ; et non palefermier, comme le disent les personnes sans éducation.

Paleron

France, 1907 : Pied ; argot des voleurs.

Palet

Fustier, 1889 : Argent.

La Rue, 1894 : Pièce de 5 francs.

Palet, paletin

France, 1907 : Pièce de monnaie ; tire ce nom de l’emploi qu’on en fait au jeu de palet.

Palete

France, 1907 : Omoplate du porc.

Paletot

Delvau, 1866 : s. m. Cercueil, — dans l’argot des marbriers de cimetière.

Rigaud, 1881 : Cercueil, — dans l’argot des marbriers de cimetière. (A. Delvau)

France, 1907 : Cercueil.

Paletot court

Fustier, 1889 : Une des dernières incarnations du gommeux.

Les poisseux essayèrent de prévaloir, mais ils n’étaient en somme que des gommeux déguisés ; ils n’eurent aucun succès. A présent, nous avons les paletots courts.

(La Comédie moderne, journal, 1882.)

Paletot de sapin

La Rue, 1894 : Cercueil.

Paletot sans manche

Rossignol, 1901 : Cercueil.

Palette

d’Hautel, 1808 : Cela sent la palette. Se dit d’un tableau fait par un peintre médiocre dont le défaut consiste à mal éteindre ses couleurs, ce qui rend les touches trop crues.

Delvau, 1866 : s. f. Guitare, — dans l’argot des musiciens ambulants.

Rigaud, 1881 : Grande et large dent. — Guitare de musicien ambulant.

France, 1907 : Main.

— Le diable m’enlève si je me sauve ! Les palettes et les paturons ligotés !

(Mémoires de Vidocq)

France, 1907 : Dent.

« Des palettes, pas de gigot ; quand vient le gigot, plus de palettes. » Jeune, on n’a pas le sou, et quand on devient riche, on est trop vieux pour jouir de sa fortune.

France, 1907 : Pièce de cinq francs.

France, 1907 : Guitare.

Palette de l’épaule

France, 1907 : Omoplate.

Palichon

France, 1907 : Double blanc, au jeu de dominos.

Pâlichon

Delvau, 1866 : s. m. Double blanc, — dans l’argot des joueurs de dominos. Ils disent aussi Blanchinet.

Pâlir

La Rue, 1894 : Tuer.

France, 1907 : Tuer. On fait pâlir, en effet, la personne qu’on tue.

Palladier

Rigaud, 1881 : Pré, — dans l’ancien argot.

Pallas

Delvau, 1866 : s. m. Discours, bavardage, — dans l’argot des typographes et des voleurs. Faire pallas. Faire beaucoup d’embarras à propos de peu de chose.

Rigaud, 1881 : Harangue de banquiste.

Ensuite il commence tout à coup son pallas d’une voix sourde et vibrante à la fois.

(V. Fournel, Ce qu’on voit dans les rues de Paris.)

Rigaud, 1881 : Beau, joli, — dans l’argot des barrières. Déformation de « pas laid ».

Boutmy, 1883 : s. m. Discours emphatique ou plutôt amphigourique. C’est sans doute par une réminiscence classique qu’on a emprunté ironiquement pour désigner ce genre de discours l’un des noms de la sage Minerve, déesse de l’éloquence. Que de pallas finissent par des mastics !

La Rue, 1894 : Beau, joli. Boniment du banquiste. Faire pallas, faire des manières.

Virmaître, 1894 : Discours.
— Tu ne vas pas bientôt nous lâcher le coude avec ton pallas à dormir debout.
— Viens-tu entendre le bénisseur, il va pallasser sur la tombe de son ami (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Ce mot à deux significations : comme substantif il veut dire : discours, boniment ; comme adjectif il signifie : beau superbe.

France, 1907 : Discours, boniment. Dans l’argot des typographes, c’est un discours embrouillé. « Pousser son pallas », parler. « Terme des camelots et des saltimbanques, dit F. Michel, emprunté à l’ancienne germania espagnole, où « hacer pala » se disait quand un voleur se plaçait devant la personne qu’il s’agissait de voler, dans le but d’occuper ses yeux. »

Son pallas ne variait jamais : Voulez-vous, disait-il, vous amuser en société ? achetez ma poudre ; c’est un secret que m’a légué un de mes aïeux. Marin, son navire fit naufrage ; il échoua dans une île sauvage, la fille du roi devint amoureuse de lui et elle lui proposa de choisir entre l’épouser ou être mangé à une sauce quelconque. Il épousa.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

En opposition à l’explication de F. Michel, Boutmy donne comme origine l’un des noms de la sage Minerve, déesse de l’éloquence. Mais nous adopterions plutôt l’opinion de Lorédan Larchey qui fait de ce mot une abréviation de parlasser.

Pallas (faire)

Larchey, 1865 : Faire des façons, des embarras. — L’argot paraît s’être piqué là de certaines connaissances mythologiques, car Minerve faisait parfois la renchérie.

Au pré finira ton histoire, et là l’on n’y fait plus pallas.

Vidocq.

Rigaud, 1881 : Faire des embarras, prendre de grands airs comme en prennent les saltimbanques en débitant leurs boniments.

France, 1907 : Faire des manières ; c’est-à-dire, par ampliation, vouloir imiter Minerve, déesse de la sagesse, par conséquent de la pruderie.

— Au pré finira ton histoire et là l’on n’y fait plus pallus.

(Mémoires de Vidocq)

Faut que j’te d’mande encor quèqu’chose,
Ça s’rait qu’t’aill’s voir un peu mes vieux,
Vas-y, dis, j’t’en pri’, ma p’tit’ Rose,
Malgré qu’t’es pas ben avec eux,
Je n’sais rien de c’qui leur arrive…
Vrai, c’est pas pour fair’ du pallas,
Mais j’voudrais ben qu’moman m’écrive
À Mazas.

(Aristide Bruant)

Pallas (faiseur de)

Rigaud, 1881 : Faiseur d’embarras. — Saltimbanque débitant son boniment.

Pallasser

Boutmy, 1883 : v. intr. Faire des phrases, discourir avec emphase.

France, 1907 : Parler avec emphase, débiter pompeusement des lieux communs, comme la plupart des orateurs de réunions publiques ; corruption de parlasser.

Pallasseur

Delvau, 1866 : s. m. Faiseur de discours, bavard.

Boutmy, 1883 : s. m. Celui qui a l’habitude de faire des phrases, des pallas.

La Rue, 1894 : Faiseur de belles phrases, de pallas.

Virmaître, 1894 : Individu qui parle d’abondance, longuement, sur tout ce qu’il ne sait pas.
— Gare aux inondations ! le pallasseur a ouvert son robinet (Argot du peuple).

France, 1907 : Beau discoureur, débiteur de panacée universelle.

Palleron

France, 1907 : Petite pelle.

Pallide

France, 1907 : Pâle ; vieux mot.

L’aurore, vierge moult timide,
Vestue d’un tixu legier,
Va boyre au resveil sans dangier
Les larmes de la fleur humide,
Quand se lève, bien sait changier
L’ombre espaisse en lueur pallide…

(G. de Calvé des Jardins, Les Oberliques)

Pallot

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Paysan.

Halbert, 1849 : Paysan.

Larchey, 1865 : Paysan (Vidocq). — Au moyen âge, palot signifiait bêche. V. Roquefort.

Pallot, pallotte

France, 1907 : Paysan, paysanne : ils manient la pelle. Vieux mot.

Pallots

anon., 1827 : Paysans.

Bras-de-Fer, 1829 : Paysans.

Pallotte

France, 1907 : Lune ; argot des voleurs.

Palmarès

Rigaud, 1881 : Liste des récompenses accordées aux lycéens, le jour de la distribution des prix à la Sorbonne. De palma, palme.

Palmé

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme bête comme une oie, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Imbécile, niais, digne d’avoir pour pieds des pattes palmées comme celles des oies.

Palmé (être)

Fustier, 1889 : Avoir les palmes d’officier d’Académie. Locution ironique et plus que familière.

Quand le maire ne reçoit pas le ruban rouge, il reçoit le ruban violet, il est palmé.

(Illustration, juillet 1885.)

France, 1907 : Avoir les palmes académiques, être décoré du ruban violet.
Le ruban violet, le ruban des palmes académiques, n’a sa couleur actuelle que depuis 1866.
Jusque-là, insigne d’officier d’Académie était passé par toute une série de transformations, depuis le décret du 17 mars 1808 en vertu duquel la double palme des universitaires devait être brodée au revers de l’habit en soie blanche et bleue, jusqu’au 24 novembre 1852 où un nouveau décret y substituait la soie violette et d’argent.
Puis, de décisions en décisions, l’insigne brodé gagna la boutonnière où les titulaires devaient le porter en un ruban de soie noire moirée sur lequel était brochée la double palme d’argent.
Le ruban violet moiré actuel est dû à l’initiative de Victor Duruy, ministre de l’instruction publique sous le second empire.

Palmipède

France, 1907 : Imbécile. Même sens que palmé.

Palois

France, 1907 : Habitant de la ville de Pau.

Palot

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, un rustre, un lourdaud ; homme brusque et grossier, sans principes ni instruction.

Pâlot

La Rue, 1894 : Paysan.

Pâlot, pâlotte

Rigaud, 1881 : Paysan, paysanne ; de palea, paille.

Pâlote

La Rue, 1894 : Lune.

Pâlotte (la)

Rigaud, 1881 : La lune, — dans le jargon des voleurs.

Palper

d’Hautel, 1808 : Palper les écus. Aller recevoir de l’argent ; aimer à toucher, à compter des écus.

Larchey, 1865 : Toucher de l’argent (d’Hautel, 1808).

Delvau, 1866 : v. a. et n. Toucher de l’argent, — dans l’argot des employés.

Rigaud, 1881 : Recevoir de l’argent, toucher ses appointements, — en terme de bureaucrate.

Rossignol, 1901 : Toucher. — « Laisse-moi te palper, voir si tu n’as pas mon tabac. » — « j’ai palpe mes appointements. »

France, 1907 : Recevoir, toucher de l’argent. « Palper de la galette, des monacos. » Argot populaire ; en béarnais, palpar.

Palper (pouvoir se)

Fustier, 1889 : Ne pas obtenir ce que l’on désire. C’est une variante de pouvoir se fouiller. (V. ce mot au Dictionnaire.)

C’est pour ça que vous m’avez fait monter ? Ah bien ! Vous pouvez vous palper, par exemple !

(Événement, octobre 1885.)

Palpeur

Virmaître, 1894 : Juge d’instruction. Il palpe en effet les prisonniers pour les faire avouer. Cette expression est plus jolie que l’ancienne : curieux (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Juge d’instruction. Il palpe en tous sens, au figuré, l’accusé. Argot des voleurs.

Palpitant

anon., 1827 : Cœur.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Cœur.

Bras-de-Fer, 1829 : Cœur.

Halbert, 1849 : Cœur.

Larchey, 1865 : Cœur ému. V. Coquer, Battant.

Delvau, 1866 : s. m. Le cœur, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Cœur, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Cœur.

Virmaître, 1894 : Le cœur (Argot des voleurs). V. Grand ressort. N.

France, 1907 : Le cœur.

— Nous l’avons échappé belle. J’en ai encore le palpitant qui bat la générale.

(Mémoires de Vidocq)

Une extase, vague et sans bornes,
Dilate tous les palpitants…
Bien des fronts sont dotés de cornes…
C’est le printemps ! C’est le printemps !

(Grammont)

Palpitant (le)

Hayard, 1907 : Le cœur.

Paltoquet

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, homme grossier, lourd et épais ; un rustre, un iroquois.

Delvau, 1866 : s. m. Drôle, intrus, balourd, — dans l’argot des bourgeois.

Paludier

France, 1907 : Ouvrier qui travaille dans les marais salants.

Pâmer

d’Hautel, 1808 : Se pâmer de rire. Rire à gorge déployée ; comme un fou.
Faire la carpe pâmée. Feindre de se trouver mal ; faire la bégueule, la dégoûtée, la dédaigneuse ; ainsi que le pratiquent les petites maîtresses et les damoiseaux.

Pâmer (se)

Delvau, 1864 : S’évanouir agréablement en jouissant, soit lorsqu’on se branle, soit lorsqu’on est femme et qu’on sent besogner vigoureusement le mâle.

La nature entière se pâme
Sous le vit du plus beau des dieux.

Anonyme.

Pameur

Delvau, 1866 : s. m. Poisson, — dans l’argot des voleurs qui ont remarqué que les poissons une fois hors de leur élément natal, font les yeux blancs.

Pâmeur

Rigaud, 1881 : Poisson, — dans le jargon des voleurs. Hors de l’eau, il se pâme.

La Rue, 1894 : Poisson.

France, 1907 : Poisson.

Pâmeuse

France, 1907 : Prostituée.

Tout Cythère est venu assister à cet émouvant et passionnant spectacle, à cette grande course. Pas une horizontale, pas une tendresse, pas une pâmeuse, pas une minette même ne manquait à cette fête.

(Gil Blas)

Pâmoisir

d’Hautel, 1808 : Terme des halles, pour tomber en pâmoison, en défaillance, en foiblesse.

Pampeluche

France, 1907 : Paris ; argot des voleurs. Ils disent aussi Pantruche.

Pampine

d’Hautel, 1808 : Terme bas et trivial, surnom que l’on donne parmi le peuple à une fille de mauvaise vie, qui fréquente les lieux de débauche ; équivaut à coureuse, barbotteuse, crapule, etc.

Rigaud, 1881 : Sœur de Charité, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Sœur de charité. Viande de basse qualité.

Virmaître, 1894 : Sœur de charité (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Viande de basse qualité (terme de boucher).

Hayard, 1907 : Sœur, béguine, nonne.

France, 1907 : Viande de mauvaise qualité ; argot des bouchers.

France, 1907 : Vilaine figure ; argot des voleurs.

France, 1907 : Religieuse ; argot des voleurs ; du provençal pampa, poupée.

Pamure

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet violent, à faire pâmer de douleur la personne qui le reçoit, — dans l’argot des faubouriens et des paysans de la banlieue de Paris.

Rigaud, 1881 : Soufflet bien appliqué.

La Rue, 1894 : Violent soufflet.

Pâmure

France, 1907 : Coup sur l’oreille, vigoureux soufflet. Il fait « pâmer » celui qui le reçoit.

Pan

d’Hautel, 1808 : Pan ! le voilà tombé. Mimologisme qui exprime le bruit que fait une chose qui tombe ou s’écroule subitement.

Pana

Rigaud, 1881 : Chapeau de paille ; pour panama, — dans le jargon des voyous. — Pana patriotique, chapeau de paille tricolore.

France, 1907 : Vieil avare ; du vieux français panne, haillons, guenilles ; en l’ancien auvergnat, pana signifie voler.

Pana, panailleux

Larchey, 1865 : « Vieux pana se dit d’un homme avare, Laid et âgé, qui se laisse difficilement ruiner par les lorettes. Les panas s’emploient dans le Dictionnaire de la Curiosité comme exemple de tessons, de loques, de débris de toutes sortes, et ceux qui les vendent sont des panailleux. » — Champfleury. — Pana est une forme de panné. — Panailleux viendrait plutôt du vieux mot penaille : guenille.

Panache

France, 1907 : Grandeurs, hautes situations, surtout celles décoratives. Allusion au panache des généraux. Se donner du panache, se glorifier, obtenir des honneurs.

Ce qui épouvante à juste titre sont les gâte-sauce tapageurs, d’un côté, et les solennels, de l’autre ; le panache et la lévite.

(Henry Bauer)

Panaché

d’Hautel, 1808 : Ma petite parole panachée. Locution ridicule qui a été long-temps très à la mode parmi les petits-maîtres de Paris, qui s’en servoient continuellement dans un sens affirmatif, pour persuader que ce qu’ils disoient étoit digne de foi, qu’on devoit les en croire sur parole.

Fustier, 1889 : Plat de haricots verts et de flageolets mélangés.

Dans l’estomac de la victime on a trouvé des haricots verts et des flageolets. Si le plat se composait de ces deux légumes, un panaché, comme on dit…

(Figaro, 1882.)

Panache (avoir le)

Rigaud, 1881 : Être gris.

Panache (avoir son)

France, 1907 : Être gris.

Panache (faire)

France, 1907 : Passer par-dessus la tête de son cheval en tombant. Un cheval au trot on au galop qui s’arrête brusquement expose le cavalier maladroit à faire panache. On dit aussi qu’un cheval fait panache, lorsqu’il culbute à l’obstacle la tête la première.

Panachée (conversation)

Rigaud, 1881 : Conversation variée. Allusion aux glaces panachées, fruit et crème.

Panacher

Delvau, 1866 : v. a. Mélanger, mêler, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce verbe au propre et au figuré, à propos des choses et à propos des gens.

France, 1907 : Mélanger ; argot populaire.

Panade

Larchey, 1865 : Sans consistance. — Allusion à la soupe de ce nom.

Notre gouvernement est joliment panade !

Ricard.

Larchey, 1865 : Chose sans valeur (Vidocq). — De Panne.

Delvau, 1866 : s. et adj. Chose molle, de peu de valeur ; femme laide. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Personne mal mise, malpropre, laide. — Personne sans énergie. — Objet de rebut. En un mot tout ce qui est panne : homme, femme ou chose.

La Rue, 1894 : Personne laide ou misérable, vannée. Objet de rebut. Misère.

Virmaître, 1894 : Soupe de pain qui mijote lentement sur un feu doux. Dans le peuple, être dans la panade, c’est être dans, la misère. Allusion à ce que la panade est généralement faite avec des croûtes de pain (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Être dans la misère.

France, 1907 : Misère, embarras, détresse ; synonyme de purée.

Le chicanous, muni de bons tuyaux, convoquait les types et leur expliquait qu’ils se trouvaient dans une sale panade et allaient sûrement être fichus à Mazas. Puis, après leur avoir mis la peur au ventre, la bourrique devenait patelin et peloteur et faisait entrevoir qu’un bon graissage de pattes rendrait Madame Justice coulante… et clairvoyante !

(Le Père Peinard)

Du peuple c’est la promenade,
L’attraction :
Ceux-là qui sont dans la panade,
L’inaction,
Aussi bien qu’ceux qui, tout’ la s’maine,
Turbin’nt captifs,
L’dimanch’, tout monde se promène
Sur les fortifs !

(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)

France, 1907 : Personne laide, dénuée ; objet de rebut.

Panader

d’Hautel, 1808 : Se panader. Se mitonner, se dorlotter, se délicater ; faire le hautain, l’orgueilleux ; se carrer, marcher avec ostentation.

Panailleux

Rigaud, 1881 : Marchand de verres cassés, misérable, dénué de tout.

France, 1907 : Petit brocanteur, marchand de chiffons et de ferrailles.

Panais

Virmaître, 1894 : Pan de chemise. Être en panais, être en chemise. Dans le peuple, panais est employé comme négation.
— Veux-tu me prêter cent sous ?
— Des panais, tu le fouterais de ma fiole (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Chemise ; pan de chemise.

Panais (des) !

Rigaud, 1881 : Formule négative, équivalente à non, jamais. On dit en allongeant : Des panais, Rosalie !

Panais (en)

La Rue, 1894 : En chemise.

France, 1907 : En chemise ; du vieux mot panne, haillon, lambeau. Voir Panaïe, Pané.

Panais (être en)

Delvau, 1866 : Être en chemise, sans aucun pantalon.

Rigaud, 1881 : Être en chemise.

Panama

Larchey, 1865 : Chapeau tressé avec des joncs que nos fabriques vont chercher à Panama.

J’ai dû chanter contre la crinoline et m’égayer aux frais du panama.

J. Choux.

De 1858 à 1860, le panama fut à la mode. Une société dite des Moyabambines se forma pour l’exploiter, ce qu’il faut savoir pour comprendre cet exemple :

Que de coquins coiffés de moyambines (sic).

Id.

Delvau, 1866 : s. m. Gandin, — dans l’argot du peuple, qui dit cela par allusion à la mode des chapeaux de Panama, prise au sérieux par les élégants. Le mot s’applique depuis aux chapeaux de paille quelconques.

Delvau, 1866 : s. m. Écorce d’arbre exotique qui sert à dégraisser les étoffes.

Rigaud, 1881 : Bévue énorme, dans la composition, l’imposition ou le tirage. (Jargon des typographes, Boutmy.) Allusion aux larges bords des chapeaux dits panama.

Boutmy, 1883 : s. m. Bévue énorme dans la composition, l’imposition ou le tirage, et qui nécessite un carton ou un nouveau tirage, ce qui occasionne une perte plus ou moins considérable. D’où chez le patron, bœuf pyramidal qui se propage quelquefois de proche en proche jusqu’à l’apprenti.

France, 1907 : Grossière erreur dans la composition, l’imposition ou le tirage ; argot des typographes.

France, 1907 : Dandy, petit jeune homme tiré à quatre épingles. Cette expression s’est employée au moment où les chapeaux tressés avec des joncs et fabriqués à Panama commencèrent à être à la mode et portés par la jeunesse prétentieuse. C’était vers 1860, où le prix des vrais panamas était hors de la portée des bourses moyennes.

Panamiste

Virmaître, 1894 : Cette expression date de 1892. Ce sont les dénonciations faites par M. Andrieux contre les 104 députés qui auraient touché des chèques à la caisse du Panama qui ont donné naissance à ce mot (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Qui a touché de l’argent dans l’affaire du Panama. (Ce mot est usuel).

France, 1907 : Individu qui a tripoté dans les affaires du Panama, et, par extension, tripoteur, monteur d’affaires véreuses. L’expression date de 1892, après les dénonciations faites à la Chambre par M. Andrieux contre 104 députés accusés d’avoir reçu des chèques pour payer leur vote eu faveur des opérations frauduleuses du Panama.

Ces gens-là ne savent se mettre d’accord que pour tromper le pays et lui jouer quelque mauvaise farce. L’année dernière, ils ont voté par acclamation l’affichage du fameux appel à la vertu de M. Cavaignac, et, quelques semaines après, ils validaient à tour de bras tous les panamistes et les rétablissaient dans leurs charges et dignités.

 

L’aventure des panamistes, montre du scandale parlementaire qu’elle procure à la très bourgeoisante troisième République, restera comme l’illustration la plus démonstrative, la plus saisissante de l’évolution de notre système économique et financier depuis la Révolution française, tout particulièrement depuis cette journée de Waterloo qui, mettant fin à la sanglante épopée impériale, donna à la classe qui avait envahi le pouvoir la possibilité de s’occuper avec plus de sécurité du soin de ses affaires.
Elle est là pour établir avec quelle audace, quelle ténacité, quelle subtilité dans les procédes, quelle absence de scrupules, se montent toutes ces grandes entreprises dont le but est l’accaparement au profit de quelques-uns de tous les fruits du travail de la grande majorité, soit par une exploitation réglée, systématique de ceux qui peinent à la tâche, soit par le drainage, sous toutes les formes, des capitaux et de l’épargne.

(John Labusquière, La Petite République)

Panamitard

France, 1907 : Panamiste.

Un de nos collaborateurs racontait de quelle façon, en Chine, on puni les concussionnaires. Le châtiment infligé aux panamitards de l’Empire du Milieu est bien fait pour dégoûter à jamais ces tripoteurs de toute compromission véreuse.
Cent bons coups de trique sous la plante des pieds, il n’y a encore rien de tel pour rendre délicats les plus éhontés coquins.
La pente du vice est rapide, disent les moralistes, et les chutes sont fréquentes ; d’accord ! Mais lorsqu’on songe qu’au bas de ladite pente se tient un grand Kalmouk armé d’un imposant bambou bien sec et bien solide, on regarde à deux fois avant de se lasser choir.

(Mot d’Ordre)

Et tous les panamitards de l’aquarium de battre les nageoires en signe d’approbation aux paroles du grand dispensateur des fonds secrets.

(La Révolte)

Panaris

Rigaud, 1881 : Belle-mère. Un panaris fait beaucoup souffrir, une belle-mère aussi.

Panaris crevé. Prendre train de plaisir, 11 heures 45.

(Tam-Tam, du 16 mai 1880.)

Rossignol, 1901 : Femme méchante, mauvaise.

France, 1907 : Belle-mère ; allusion au mal irritant causé par le panaris.

Panas

Rigaud, 1881 : Épaves d’objets de toilette, vieilleries en tous genres.

Pancart

d’Hautel, 1808 : Saint-Pancart. Le jour de mardi gras. On dit aussi d’un homme extrêmement gros et large, d’un embonpoint volumineux, qu’Il ressemble à Saint-Pancart.

Pancarte (se faire aligner sur la)

France, 1907 : Être puni ; argot militaire.

Pancrace

d’Hautel, 1808 : Le docteur Pancrace. Sobriquet dérisoire et comique que l’on donne à un médecin dont les cures ne sont pas merveilleuses.

Pandore

d’Hautel, 1808 : C’est la boîte à Pandore. Se dit d’une femme, qui, sous des dehors séduisans, cache une ame noire et atroce, par allusion à la boîte que Jupiter donna à la femme d’Épiméthée, et où tous les maux imaginables étoient renfermés.

France, 1907 : Gendarme. Ce sobriquet vient de la fameuse chanson de Gustave Nadaud, Les Deux Gendarmes, où chaque couplet se termine par ce refrain :

Brigadier, répondit Pandore,
Brigadier, vous avez raison.

À ce propos, disons comme simple renseignement historique que c’est le 15 janvier 1797 quis le conseil des Cinq-Cents vota le projet présenté par Richard, qui décidait la formation du corps de la gendarmerie actuelle.

Les soldats turcs n’ont pas été plus féroces que les soldats versaillais foutant., en 1871, Paris à feu et à sang, que, plus récemment, les troufions de France, au Tonkin, au Dahomey et à Madagascar.
Les conquérants, les envahisseurs sont partout identiques : l’homme s’efface — la bête humaine reparait avec tous les instincts féroces et sanguinaires des anciens âges.
Sur la route de Paris à Versailles, les pandores attachaient les communards à la queue de leurs chevaux ; aux Buttes-Chaumont, un colonel célèbre faisait arroser de pétrole et griller vivants ses prisonniers.
Au Tonkin, les pousse-cailloux violaient et pillaient à cœur joie.
Au Dahomey, un ratichon distribuait des cigares aux troufions qui lui rapportaient des tètes de moricauds.

(Le Père Peinard)

Pandore (boîte de)

France, 1907 : On dit d’un présent fait dans une intention perfide que c’est la boîte de Pandore, allusion à une fable de l’antiquité par laquelle Jupiter, irrité contre le sculpteur Prométhée qui avait ravi le feu du ciel pour animer sa statue, dont il devint amoureux, lui envoya par une ravissante jeune femme, Pandore, un coffret d’où s’échappèrent tous les maux de l’humanité, mais au fond du coffret resta l’espérance

Pane

un détenu, 1846 : Misère.

Pané

France, 1907 : Nécessiteux, misérable ; du vieux français panne, haillons. Voir Panné.

— Tous des panés, mon cher ! Pas un n’a coupé dans le pont. Me mènes-tu boulotter au bouillon Duval ?

(Paul Mahalin)

On devrait écrire pannée.

Panée

France, 1907 : Panade.

Paneil

France, 1907 : Fil dont le tisserand se sert pour rattacher ceux qui se rompent.

Panem et circenses

France, 1907 : « Du pain et des jeux, » Locution tirée de la Xe Satire de Juvénal ou il exprimait son mépris pour les Romains de la décadence qui, pourvu qu’on leur distribuât du blé au Forum et qu’on leur donnât des spectacles gratuits, me demandaient rien de plus. Que de Français seraient Romaine en ce sens !

Panet

Rossignol, 1901 : Pan de chemise.

Paneton

France, 1907 : Corbeille à pain.

Pangloss, panglossien

France, 1907 : Optimiste qui trouve que tout va bien, et qui est satisfait de tout, du gouvernement comme du reste et dont la maxime peut se résumer ainsi : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. »
C’est Voltaire qui, dans son roman Candide, dont un des principaux personnages est le Dr Pangloss, l’homme éternellement satisfait, donna naissance à cette locution. Il avait en vue de ridiculiser le système philosophique de Leibniz. Ce célèbre philosophe allemand était un polyglotte érudit. Par le nom de Pangloss qui signifie en grec polyglotte. Voltaire le désignait ainsi clairement à ses contemporains.

Panier

d’Hautel, 1808 : Il est resté sot comme un panier percé. Se dit d’un homme que l’on prend en faute, et qui, stupéfait, embarrassé, ne peut rien alléguer pour sa défense.
C’est un panier percé. Pour dire, un dépensier, un prodigue, un dissipateur ; un sot, un ignorant, un homme dont la mémoire est courte et infidèle.
Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans un panier. Pour, il ne faut pas engager tout son avoir dans une seule entreprise ; ou fonder toutes ses espérances sur un seul objet.
L’anse du panier ; le ferrement de mule. Vol, exaction des domestiques sur les achats qu’ils font pour leurs maîtres.

Larchey, 1865 : Voiture basse en osier, à la mode vers 1860.

Ange ! tu m’as transporté. Si une calvitie invétérée ne te fait pas peur, je suis homme à mettre à tes pieds un panier en pur osier.

Les Pieds qui r’muent, 1864.

Virmaître, 1894 : Lit.
— Mon petit homme, veux-tu venir avec moi faire une séance de panier, tu verras comme je suis… aimable (Argot des filles).

Hayard, 1907 : Lit.

Panier (recevoir le)

Rigaud, 1881 : C’est, dans le langage des filles en traitement à Saint-Lazare, recevoir des aliments ou des friandises apportés du dehors. Mot à mot : recevoir le panier aux provisions.

Panier à Charlot

France, 1907 : Panier destiné à recevoir la tête du guillotiné quand le couperet la sépare du tronc.

À l’autre extrémité de la salle, un groupe de détraqués dévisagent une fille qui a été la maîtresse d’un guillotiné… Ils aiment l’odeur du panier à Charlot.

(Louise Michel)

Panier à crottes

Rossignol, 1901 : Le derrière.

France, 1907 : Les jupons. Remuer ou secouer son panier à crottes, danser.

Pas de clarinette pour secouer le panier à crottes des dames.

(Émile Zola)

Panier à deux anses

Larchey, 1865 : Voir anses.

Virmaître, 1894 : Avoir une femme à chaque bras (Argot du peuple).

Panier à deux anses (faire le)

France, 1907 : Avoir une femme à chaque bras.

Panier à pain

France, 1907 : Ventre. Avoir chié dans le panier au pain de quelqu’un jusqu’à l’anse, s’être très mal conduit à son égard ; argot faubourien. En argot militaire, on dit : avoir chié dans les bottes.

Je l’ajustai alors et lui plantai une prune dans son panier à pain. Il sauta, leva les bras au ciel, tomba à la renverse avec un grognement, tandis que je lui présentais toutes mes excuses.

(Hector France, Chez les Indiens)

Panier à salade

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voiture destinée à transporter les prisonniers.

M.D., 1844 : Voiture dans laquelle on transfère les détenus.

Halbert, 1849 : Voiture des prisons.

Larchey, 1865 : « Geôle roulante appelée par le peuple dans son langage énergique des paniers à salade… Voiture à caisse jaune montée sur deux roues et divisée en deux compartiments séparés par une grille en fer treillissé… Ce surnom de panier à salade vient de ce que primitivement la voiture étant à claire-voie de tous les côtés, les prisonniers devaient y être secoués absolument comme des salades. » — Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Voiture affectée au service des prisonniers, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Souricière.

Delvau, 1866 : s. m. Petite voiture en osier à l’usage des petites dames, à la mode comme elles et destinée à passer comme elles.

Rigaud, 1881 : Fourgon destiné au transport des prisonniers. Le panier à salade va, deux fois par jour, chercher aux différents postes de police le contingent déclaré bon pour le dépôt de la préfecture. Le nom de panier à salade est dû aux cahots que procure ce véhicule mal suspendu. Les prisonniers auxquels le gouvernement ne peut pas fournir des huit-ressorts y sont secoués comme la salade dans un panier.

La Rue, 1894 : Fourgon cellulaire.

Virmaître, 1894 : Voilure cellulaire pour conduire les prisonniers des postes de police au Dépôt de la préfecture, ainsi nommée parce qu’autrefois cette voiture était à claire-voie (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Voiture spéciale que l’on fait prendre aux détenus pour les conduire des postes de police au dépôt, ou encore d’une prison préventive à l’instruction ou au tribunal correctionnel.

Hayard, 1907 : Voiture servant à transporter les gens en prévention et les condamnés.

France, 1907 : Voiture cellulaire appelée ainsi parce qu’on y est secoué comme la salade qu’on égoutte dans le panier de ce nom. Ce sont de grands omnibus d’un vert sombre, clos et grillagés à l’extrémité où l’on aperçoit la silhouette d’un garde de Paris ; tombereaux — dit Edmond Lepelletier — où l’on entasse pêle-mêle, détritus de la grande ville, le crime, l’infamie, la honte, la misère, la faiblesse et aussi la vertu.

Le panier à salade se compose d’une allée centrale et de deux rangées de huit ou dix compartiments très exigus dans chacun desquels on enferme un prisonnier.
Dans ces sortes de boîtes formant armoires, on éprouve une sensation de malaise instinctif ; ceux qui ont passé par là, — et ça cube, à Paris — pourraient en témoigner.
Je ne sais quelle crainte vague et indéfinissable vous prend lorsqu’on se sent ainsi calfeutré, ramassé sur soi-même, assis, tassé, resserré, sans pouvoir se remuer… Chaque cahot de la rude guimbarde sans ressorts plaque les « voyageurs » contre les parois en bois et en tôle.
On est assis, bien entendu, dans le sens du cocher. On ne voit personne, puisque le compartiment est entièrement fermé et bouclé. C’est à peine s’il y a, par-ci par-là, quelques petits ajours pour laisser passer l’air.
On sort de ce trou — si l’on n’est pas une frappe et une pratique, ce qui est la majorité des cas, — moulu, brisé, démoralisé, avec des larmes de honte et de désespoir qui vous brûlent les yeux.

(Aristide Bruant, Les Bas-fonds de Paris)

Panier au pain

Delvau, 1866 : s. m. L’estomac. Les ouvriers anglais ont la même expression : bread basket, disent-ils.

Rigaud, 1881 : Ventre.

Au premier atout dans le panier au pain, faut pas caner.

(L’art de se conduire dans la société des pauvres bougres.)

Panier aux crottes

Delvau, 1866 : s. m. Le podex et ses environs, — dans l’argot du peuple. Remuer le panier aux crottes. Danser.

Rigaud, 1881 : Derrière.

Et pas de musique au dessert, bien sûr pas de clarinette pour secouer le panier aux crottes des dames.

(L’Assommoir.)

C’est une variante moderne de l’ancien « pot aux crottes ».

Jamais on ne vid si bien remuer le pot aux crottes ny secouerle jarret.

(Le facétieux réveille-malin des esprits mélancholiques, 1654.)

Panier aux ordures

Delvau, 1866 : s. m. Le lit, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Partie d’un journal réservée aux citations d’une feuille d’opinion adverse ; on dit aussi plus communément boîte aux ordures. « Après s’être bien injuriés dans leurs feuilles, s’être traités de gredins, de crapules et d’escrocs, les folliculaires vont ensuite boire ensemble des bocks, plaisantant de leur respectif panier aux ordures. »

France, 1907 : Lit.

Panier percé

Delvau, 1866 : s. m. Prodigue, dépensier, — dans l’argot des bourgeois.

Virmaître, 1894 : Homme qui n’a rien à lui. Allusion au panier sans fond que jamais on ne peut emplir (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Homme qui dépense tout.

Panier, panier aux ordures

Rigaud, 1881 : Lit, — dans le jargon du peuple.

Paniers, vendanges sont faites (adieu) !

France, 1907 : La saison de faire une chose est passée. Trop tard, petit bonhomme ne vit plus. Brantôme donne une explication de ce dicton. Le grand prieur de Lorraine, François de Guise, envoya en course, du côté du Levant, deux de ses galères sous le commandement du capitaine de Beaulieu, brave et vaillant homme. Vers l’Archipel, il rencontra un grand navire vénitien et se mit à le canonner. Mais celui-ci lui répliqua si vigoureusement qu’il lui emporta à la première volée deux de ses bancs avec leurs forçats et son lieutenant du nom de Panier, bon compagnon, dit Brantôme, qui n’eut que le temps de dire ce seul mot : « Adieu, Panier, vendanges sont faites ! » Il y a tout lieu de supposer que ce dicton existait déjà dans la langue avant ledit Panier et que cet officier des chiourmes n’a fait qu’un jeu de mot sur son nom. C’est, du reste, un débris de chanson, dont Édouard Fournier donne l’histoire dans son livre des Chansons populaires.

Panioter

France, 1907 : Mettre au lit.

Paniotter (se)

Rigaud, 1881 : Se mettre au lit, — dans le jargon du peuple ; c’est-à-dire se mettre dans le panier. L’expression est également usitée au régiment.

Panique

d’Hautel, 1808 : Une terreur panique. Fausse alarme ; frayeur subite et sans fondement.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Peur. Avoir la panique, ou se paniquer, avoir peur, se tenir sur ses gardes.

Paniquer (se)

Rigaud, 1881 : Avoir peur, avoir la panique. (Mémoires d’un forçat, 1829.)

Panka

France, 1907 : Grand éventail indien.

Panmuflisme, panmufliste

France, 1907 : Le muflisme général, universel. Néologisme.

Dans la platitude de l’heure, dans le conflit panmufliste des intérêts, Morès offrant sa personne et tombant au loin pour une inspiration hardie, vient à souhait établir que ce n’en est point fait des ressorts de la race, et à cet intrépide, pour qui l’effort n’avait de repos que dans un effort nouveau, il faut garder quand même un souvenir.

(Alexandre Herr)

Panna

Delvau, 1866 : s. m. Chose de peu de valeur, bonne à jeter aux ordures.

France, 1907 : Chose du nulle valeur.

Pannanesse

France, 1907 : Prostituée de bas étage. Souillon, rôdeuse de nuit ; du grec panos, haillon.

Panne

d’Hautel, 1808 : Il a deux doigts de panne. Se dit en plaisantant d’un homme qui est extrêmement gras.

Larchey, 1865 : Misère.

Il est dans la panne et la maladie.

Ricard.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui n’a pas un sou vaillant, — dans l’argot des filles, qui n’aiment pas ces garçons-là.

Delvau, 1866 : s. f. Rôle de deux lignes, — dans l’argot des comédiens qui ont plus de vanité que de talent, et pour qui un petit rôle est un pauvre rôle. Se dit aussi d’un Rôle qui, quoique assez long, ne fait pas suffisamment valoir le talent d’un acteur ou la beauté d’une actrice.

Delvau, 1866 : s. f. Misère, gène momentanée, — dans l’argot des bohèmes et des ouvriers, qui savent mieux que personne combien il est dur de manquer de pain.

Rigaud, 1881 : Grande misère ; ruine complète.

Ce fut alors, madame Alcide, que commença votre grande panne.

Ed. et J. de Goncourt.

Ils sont tournés comme Henri IV sur le Pont-Neuf et m’font l’effet de n’son-ger qu’à faire la noce, au risque d’être dans la panne et de se brosser le ventre après.

É. de la Bédollière, Les Industriels.

En terme de théâtre, bout de rôle.

Plus de rôles à jambes, et une panne de dix lignes dans ta nouvelle féerie !… Ah ! Ernest, vous ne m’aimez plus.

J. Pelcoq, Petit journal amusant.

Il faut vous dire que tous mes camarades, étant jaloux de moi, s’arrangeaient de manière à avoir les bons rôles, tandis que moi, on me donnait les pannes… les bouche-trous !…

P. de Kock, Le Sentier aux prunes.

En terme d’atelier, mauvais tableau.

Qu’est-ce que c’est que cette panne ? C’est assez mal léché ! merci.

J. Noriac, Têtes d’artistes.

La Rue, 1894 : Gêne, misère. Bout de rôle au théâtre.

France, 1907 : Pauvreté. « Tomber dans la panne. » Du vieux français panne, haillon.

Quand il n’y a plus de son, les ânes se battent, n’est-ce pas ? Lantier flairait la panne ; ça l’exaspérait de sentir la maison déjà mangée.

(Émile Zola, L’Assommoir)

France, 1907 : Mauvais tableau vendu bien au delà de sa valeur ; argot des brocanteurs.

Le brocanteur avait groupé un ramassis d’objets tarés, invendables… — Vous m’entendez, vieux, pas de carottes, pas de pannes ! La dame s’y connaît.

(Alphonse Daudet, Les Rois en exil)

France, 1907 : Rôle insignifiant ; argot théâtral.

Une panne ? Je n’ai jamais très bien compris le sens de ce mot-là. J’ai toujours cru — suis-je assez sot ! — qu’au théâtre il y avait de petits artistes et non pas de petits rôles.
Je me souviens d’un acteur, dont le nom m’échappe en ce moment, qui n’avait que quelques lignes à dire dans la Mort du duc d’Enghien, de M. Hennique. Il eut, en dépit de cette panne, un triomphe le soir de la première représentation.

(Pierre Wolff)

France, 1907 : Actrice, où plutôt cabotine à qui l’on ne confie que des bouts de rôle, que des pannes. Georges Ben a fait sur elles une chanson dont voici quelques vers :

Dans les coulisses, d’un pas lent,
Ell’s se promen’nt en somnolant,
Les pannes,
Ou bien ell’s dorm’nt ou bien encore
Ell’s regard’nt poser les décors,
Les pannes.
Ell’s attend’nt, en croquant l’marmot,
L’occasion de placer leur mot,
Les pannes.

France, 1907 : Situation difficile, comme celle d’un navire qui ne peut plus avancer. Argot des marins. « Être en panne, rester en panne. »

— Amen ! répondit le matelot, mais sans vouloir vous fâcher, la mère, m’est avis que les saints, les anges et le bon Dieu nous laissent joliment en panne depuis quelque temps.

(Jean Richepin, La Glu)

France, 1907 : Fanon du bœuf.

Panné

Larchey, 1865 : Misérable.

Ça marche sur ses tiges, ben sûr ! Pas pus de braise que dans mon œil. Ohé ! panné ! panné !

Ricard.

Du vieux verbe pannir : priver, retrancher, voler. V. Roquefort.

Rigaud, 1881 : Ruiné, misérable.

Et puis ces marchands font les pannés ; mais il ne faut pas les croire.

(P. d’Ariglemont.)

France, 1907 : Nécessiteux, pauvre, À observer que le vieux français dépané signifiait déchiré, dépenaillé.

Il tombe de la neige.
Un vidangeur conduit son tonneau, grelottant sur son siège.
Passe un gavroche qui interpelle en ces termes le travailleur de nuit : — Hé ! Panné !… T’as donc pas six sous pour entrer dans l’intérieur ?…

Panné comme la Hollande

Rigaud, 1881 : Très pauvre, très misérable d’aspect.

Panneau

d’Hautel, 1808 : Crever dans ses panneaux. Éprouver un dépit intérieur et secret, qu’on ne peut manifester ; être hors de soi.
Donner dans le panneau. Tomber dans un piège, se laisser entraîner par de belles paroles.

Panneauteur

France, 1907 : Braconnier, maraudeur : de panneau.
On écrit à tort panoteur.

Pannequet

France, 1907 : Pâtisserie anglaise dont la véritable orthographe est pan-cake. Sorte de crêpe.

Panner

Delvau, 1866 : v. a. Gagner au jeu, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Gagner au jeu, — dans le jargon des voyous.

La Rue, 1894 : Gagner au jeu.

France, 1907 : Gagner au jeu.

Pannesard, parmezard

La Rue, 1894 : Pauvre.

Pannezard

France, 1907 : Pauvre, miséreux.

Panoteur

Rigaud, 1881 : Braconnier.

La Rue, 1894 : Braconnier.

Panoufle

Larchey, 1865 : Perruque (Vidocq). — Du vieux mot panufle : guenille. V. Du Cange.

Delvau, 1866 : s. f. Vieille femme ou vieille chose sans valeur, — dans l’argot du peuple, qui fait allusion au lambeau de peau qu’on mettait encore, il y a quelques années, aux sabots pour amortir le contact du bois. Signifie aussi Perruque.

Rigaud, 1881 : Perruque ; de panufle — chausson. En effet la perruque ne chausse-t-elle pas la tête ?

La Rue, 1894 : Perruque. Vieille femme.

Panse

d’Hautel, 1808 : Il s’est fait crever la panse. Pour, il s’est fait tuer, il est mort dans un duel, dans une bataille.
Avoir la panse pleine. Pour avoir le ventre rempli. Voyez Après.

France, 1907 : Mot irrespectueux dont on désigne le ventre : « La panse de la grosse Maria. ».

À ces mots l’ardent Énéas,
Faisant briller son coutelas,
Lui fit avec irrévérence
Un grand trou dans sa vaste panse ;
Par où son âme ayant pris vent,
Elle s’envola dans l’instant.

(Scarron, Le Virgile travesti)

Pansé

d’Hautel, 1808 : Cet homme est bien pansé. Pour, il a bien bu, bien mangé ; il est rassasié.

Panser de la main

Delvau, 1866 : v. a. Battre, donner des coups, — dans le même argot [du peuple].

Panseux

France, 1907 : Qui panse, qui soigne, garde-malade.

Panspermie

France, 1907 : Le monde des microbes, les bactéries, des germes innombrables dont le travail incessant produit toute transformation, et qu’a découvert Pasteur.

Mais Dieu ! le voilà réduit au rôle de garçon de laboratoire… la panspermie mène tout droit au panthéisme ; il n’y a d’autre Dieu que la nature, s’organisant et se combinant par sa propre force… Alors le pape n’est plus bon à rien et le denier de saint Pierre est un fonds d’escroquerie.

(Jules Lermina, Le Radical)

Pansu

d’Hautel, 1808 : Qui a une grosse panse ; synonyme de ventre.

Virmaître, 1894 : Terme de mépris employé par le peuple ; pour qualifier un bourgeois qui fait un dieu de son ventre et qui a une panse arrondie. Pansu : égoïste qui ne songe qu’à lui (Argot du peuple). N.

Pantalon

d’Hautel, 1808 : Bouffon, batteleur, qui amusé les autres par des farces et des plaisanteries.
À la barbe de pantalon. Pour dire au nez, à la barbe, en présence et en dépit de celui que la chose intéresse le plus.

Fustier, 1889 : Faire pantalon, dans le langage des écrivains, c’est ne pas atteindre le bas de la feuille de papier sur laquelle on écrit.

France, 1907 : Sobriquet donné aux Vénitiens à cause de saint Pantalone ou Pantaleone qu’ils ont en grande vénération. Le grotesque vêtement en usage depuis près d’un siècle est ainsi appelé parce que la mode nous en vient des Vénitiens. ll existait chez les Gaulois sous le nom de braies.

Pantalon (boutonnière en)

France, 1907 : Ouvrière qui se livre le soir à la prostitution.

Pantalon garance (donner dans le)

Rigaud, 1881 : Aimer les militaires, avoir un ou plusieurs amoureux parmi les officiers.

Pantalon rouge

Delvau, 1866 : s. m. Soldat de la ligne, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Pantalon garance.

Pantalonnade

d’Hautel, 1808 : Bouffonnerie ; fausse démonstration d’amitié ; joie feinte ; subterfuge, simagrées, grimaces pour se tirer d’embarras.
Je suis au fait de toutes ses pantalonnades. Pour dire de toutes ses simagrées, de toutes ses farces.

Pantalonner

Rigaud, 1881 : Tendre à la force du poignet le pantalon de tricot d’une danseuse.

M. Pointe pantalonne la volumineuse Delaquit.

(Charles de Boigne.)

Pantalonner une pipe

Delvau, 1866 : v. a. La fumer jusqu’à ce qu’elle ait acquis cette belle couleur bistrée chère aux fumeurs. Je n’ai pas besoin d’ajouter que c’est le même verbe que culotter, mais un peu plus décent, — pas beaucoup.

France, 1907 : Jeu de mot sur culotter.

Pantalons

Delvau, 1866 : s. m. pl. Petits rideaux destinés à dérober au public la vue des coulisses, qui sans cette précaution s’apercevraient par les portes ou les fenêtres du fond et nuiraient à l’illusion de la mise en scène.

France, 1907 : En argot des théâtres, on appelle ainsi de petits rideaux destinés à dérober au publie la nudité des coulisses, qui, sans cette précaution, montreraient leurs laideurs aux spectateurs.

Pantalzar

Delvau, 1866 : s. m. Pantalon, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Pantalon ; argot populaire.

Pante

Clémens, 1840 : Dupe.

Delvau, 1866 : s. m. Le monsieur inconnu qui tombe dans les pièges des filles et des voleurs, — volontairement avec les premières, contre son gré avec les seconds. Pante argoté. Imbécile parfait. Pante arnau. Dupe qui s’aperçoit qu’on la trompe et qui renaude. Pante désargoté. Homme difficile à tromper.
Quelques-uns des auteurs qui ont écrit sur la matière disent pantre. Francisque Michel, lui, dit pantre, et fidèle à ses habitudes, s’en va chercher un état civil à ce mot jusqu’au fond du moyen âge. Pourquoi pante ne viendrait-il pas de pantin (homme dont on fait ce qu’on veut), ou de Pantin (Paris) ? Il est si naturel aux malfaiteurs des deux sexes de considérer les Parisiens comme leur proie ! Si cette double étymologie ne suffisait pas, j’en ai une autre en réserve : ponte. Le ponte est le joueur qui joue contre le banquier, et qui, à cause de cela, s’expose à payer souvent. Pourquoi pas ? Dollar vient bien de thaler.

Virmaître, 1894 : Imbécile qui se laisse facilement duper. Inutile, je pense, de dire que pante vient de pantin : gens de Paris (Argot des voleurs).

France, 1907 : Dupe, individu à voler, à exploiter ; de Pantin, synonyme de Paris ; le Parisien ayant à tort ou à raison la réputation de badaud, de gogo, de dupe.

Il y a un mot terrible, l’excuse du corrompu qui court l’usine, qu’on échange dans les tripots, qui monte dans les mansardes et qui pétrifie les cœurs : c’est assez faire le pante, l’imbécile, le souffre-douleur, le forçat ! Jouissons !

(E. Chauvière)

Refroidir un pante, assassiner.

— Si ne s’agissait que de refroidir un pante et une couple de largues, il nous aurait emmenées pour sûr. Que diable ! il sait bien qu’au besoin nous ne boudons pas sur la besogne…

(Paul Mahalin, Le Megg)

On dit aussi pantre, pantruchois.

anon., 1907 : Victime (dégringoler le pante).

Pante (faire le)

Rigaud, 1881 : Payer pour un autre, — dans le jargon des voyous. Mot à mot : faire acte d’imbécile.

Pante, pantre

Rigaud, 1881 : Particulier à l’air bête. — Tout individu dont la figure, les manières ou les procédés déplaisent, est un pante pour le peuple. — Dans le jargon des cochers, un pante est un voyageur qui a donné un bon pourboire ; c’est celui qu’ils appellent tout haut « patron ou bourgeois ». — Autrefois « pante, pantre » — dans l’argot des voleurs et des camelots, signifiait dupe. Le pantre arnau, était un imbécile qui jetait les hauts cris dès qu’il s’apercevait qu’il était grugé ; le pantre argoté, une dupe de bonne composition et le pantre désargoté, un particulier difficile à duper. Aujourd’hui les voleurs et les camelots emploient très peu le mot « pante » qu’ils ont remplacé, les premiers, par client, les seconds, par girondin.

La Rue, 1894 : Homme, dupe. Pante argoté, niais. Pante désargoté, homme malin.

Hayard, 1907 : Victime, individu.

Hayard, 1907 : Bourgeois qui se laisse duper.

Pante, pantre, pantinois

Larchey, 1865 : Bourgeois bon à exploiter ou à voler. — Pante et Pantre sont des formes abrégées de Pantinois et Pantruchois, c’est-à-dire : bourgeois de Pantin ou Pantruche (Paris). On sait que la grande ville est pour les voleurs un séjour de prédilection. — V. Lever.

J’ai reniflé des pantes rupins.

Paillet.

Pantélégraphie

France, 1907 : Transmission au moyen de l’électricité du fac-similé de toute écriture. Le pantélégraphe fut inventé par l’abbé Caselli.

Pantes (boîte à)

France, 1907 : Lupanar.

Panthe (pousser sa)

Rigaud, 1881 : Abréviation de pousser sa panthère, c’est-à-dire se promener d’un côté, de l’autre, dans l’atelier ; courir une bordée de marchand de vin en marchand de vin. La variante est : Faire sa panthère ; par allusion à la panthère du Jardin-des-Plantes qui n’a d’autre occupation que d’arpenter sa cage.

Panthère

Fustier, 1889 : Individu qui professe des idées révolutionnaires, anarchistes. Il faut voir dans ce mot une allusion à une société d’anarchistes fondée à Paris sous ce titre : La Panthère des Batignolles.

Les rentes de M. Clémenceau sont, en somme, aussi enviées par les panthères que celles de M. de La Rochefoucauld.

(Figaro, mars 1887.)

France, 1907 : Nom donné vers 1840 aux beautés à la mode. « C’était, dit Lorédan Larchey, une race inférieure à celle de la lionne, qui florissait vers le même temps, mais elle était plus carnassière, plus mangeuse d’hommes. »

Panthère (faire sa)

France, 1907 : Rôder de droite et de gauche en se dandinant ; argot faubourien.

Pantière

Rigaud, 1881 : Bouche, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Bouche ; corruption de pannetière, panier à pain.

Pantin

M.D., 1844 : Paris.

un détenu, 1846 : Paris.

Larchey, 1865 : « Pantin, c’est le Paris obscur, quelques-uns disaient le Paris canaille, mais ce dernier s’appelle en argot, Pantruche. » — G. de Nerval. — Cette définition manque de justesse. Pantin est Paris tout entier, laid ou beau, riche ou obscur. — étymologie incertaine. Peut-être le peuple a-t-il donné à Paris, par un caprice ironique, le nom d’un village de sa banlieue (Pantin). — V. Pré.

Delvau, 1866 : s. m. Homme sans caractère, — dans l’argot du peuple oui sait que nous sommes cousus de fils à l’aide desquels on nous fait mouvoir contre notre gré.

Delvau, 1866 : n. de l. Paris, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Pampeluche et Pantruche. « Pantin, dit Gérard de Nerval, c’est le Paris obscur. Pantruche, c’est le Paris canaille. » Dans le goût de Pantin. Très bien, à la dernière mode.

Rigaud, 1881 : Paris, la ville des pantes. Et les variantes moins usitées : Pantruche, pampeluche.

Virmaître, 1894 : Paris.

Quand on a bien billanché pour son compte,
On defourage et renquille à Pantin.
L’long du trimard, bequillant son décompte,
De gueule en gueule on pique un gai refrain.

Pantin : Argot du peuple.
Pantruche : Argot des voleurs.

Rossignol, 1901 : Paris. Que vous soyez d’Aubervilliers ou de Vincennes, vous êtes toujours Pantinois de Pantin.

France, 1907 : Paris ; argot des faubouriens ; la ville des pantes.

Pantin, la capitale des stupéfactions parce que celle des étrangetés.

(Alfred Delvau)

On dit aussi Pampeluche et Pantruche.

France, 1907 : Homme sans caractère, sans énergie, que l’on fait mouvoir et agir à sa volonté.

L’ignorance, au gré des scrutins,
Fait mentir les temps où nous sommes ;
Hélas ! on nomme des pantins,
Quand il faudrait nommer des hommes.

(Clovis Hugues)

Pantin ou pantruche

Halbert, 1849 : Paris.

Pantin, pantinois

Hayard, 1907 : Paris, parisien.

Pantin, Pantruche

anon., 1907 : Paris.

Pantin, Pantruche, Pampeluche

La Rue, 1894 : Paris. Pantinois, pantruchois : Parisien.

Pantinois

Halbert, 1849 : Parisiens.

Delvau, 1866 : s. m. Parisien.

Rigaud, 1881 : Parisien.

Rossignol, 1901 : Parisien.

France, 1907 : Habitant de Paris, Parisien.

Pantoiser, pantinoiser

Rigaud, 1881 : Payer pour un autre, être dupe. C’est-à-dire faire acte de pante, — dans l’argot des barrières.

Pantomime

d’Hautel, 1808 : Le peuple change la terminaison me, en ne, et dit, Pantomine. Il dit de même enclune, pour enclume.

Pantonnière

France, 1907 : Prostituée.

Pantouflard

France, 1907 : Imbécile ; de l’expression populaire « raisonner comme une pantoufle » ou du vieux mot pantoufler.

Le populo a tellement été accoutumé à l’inaction qu’il ne peut s’en dépêtrer ; il voudrait que la ritournelle du passé continue, — que d’autres fassent toujours sa besogne !
Pourtant, faut tout dire : petit à petit il se dessale ! Il est déjà moins pantouflard : la clairvoyance lui vient. Il a la compréhension qu’un sacré coup de trafalgar est indispensable pour que les choses aillent mieux.

(Le Père Peinard)

France, 1907 : Bourgeois ; individu qui aime ses aises. Pendant le siège de Paris en 1871, l’on donna ce sobriquet à la garde nationale sédentaire, dont le service consistait à monter la garde dans l’intérieur de la ville.
C’est aussi le nom que donnent les élèves de l’École polytechnique à ceux d’entre eux qui démissionnent soit après le classement de sortie, soit après le cours de l’École d’application de Fontainebleau.
Le mot parait remonter à 1830, où les Jeune-France traitaient les bourgeois de pantouflards ou de philistins.

Théophile Gautier, disent MM. A. Lévy et G. Pinet, eut un jour avec l’École un démêlé comique, à la suite duquel il fut traité de pantouflard. C’était au moment de l’inauguration du fronton du Panthéon : critiquant le bas-relief où David a représenté d’un côté un élève de l’École normale, de l’autre un élève de l’École polytechnique, il s’était moqué de « ces deux embryons d’immortalité ». Les promotions lui dépêchèrent deux anciens qui le trouvèrent en pantoufles, en robe de chambre et coiffé d’une calotte grecque et qui s’en revinrent dire à leurs camarades : « Il n’y a rien à faire avec ce pantouflard ! » Le Charivari prétendit que Gautier était fort peu rassuré et n’osait plus sortir de chez lui.

Pantoufle

d’Hautel, 1808 : Cet homme raisonne comme une pantoufle. Pour, il parle à tort et à travers ; il ne sait ce qu’il dit.
On iroit en pantoufle. Se dit pour exagérer la proximité d’un lieu ou la beauté d’un chemin, et pour marquer la commodité qu’on a d’y aller.
Il a mis son soulier en pantoufle. Se dit par raillerie de quelqu’un qui croit s’être bien déguisé, et que l’on reconnoit au premier abord.

Delvau, 1866 : Mot que le peuple ajoute ordinairement à Et cœtera, comme pour mieux marquer son dédain d’une énumération fastidieuse. Sert aussi de terme de comparaison péjorative. Bête comme ma pantoufle. Très bête. Raisonner comme une pantoufle. Très mal.

Pantouflé

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier tailleur, — dans l’argot des faubouriens, qui ont remarqué que ces ouvriers sortent volontiers en pantoufles.

France, 1907 : Ouvrier tailleur, appelé ainsi parce qu’il travaille en pantoufles.

Pantoufle (et cœtera)

Larchey, 1865 : Injure peu traduisible. Pour la comprendre, il faut savoir qu’on appelle aussi c-n pantoufle un homme nul, sans énergie, qui n’a rien de viril.

L’animal le traitait alors de fainéant, de poule mouillée et d’et cœtera pantoufle.

L. Desnoyer.

Et cœtera pantoufle : Quolibet dont on se sert lorsqu’un ouvrage pénible et ennuyeux vient à être terminé.

d’Hautel, 1808.

Pantoufle (et cœtera) !

France, 1907 : Cette expression est employée pour terminer une énumération fastidieuse. Le Voltaire en donne l’explication suivante :

Et cœtera… pantoufle ! Que signifie cette expression employée dans le langage populaire ? Lorédan Larchey, répond le Courrier de Vaugelas, déclare cette locution peu traduisible et dit que le peuple s’en sert comme d’un temps d’arrêt dans une énumération qui menace de devenir malhonnête. Elle est même tout à fait intraduisible si l’on ne considère que le mot français en lui-même et sa signification vulgaire de chaussure de chambre. À ce point de vue étroit, il est impossible de saisir la corrélation existant entre cette pantoufle et un discours dont on veut taire la fin, ou plutôt qu’on n’achève pas parce que la conclusion est trop connue. Le français, qui souvent s’est taillé un vêtement dans la chlamyde des Grecs, n’a pas dédaigné non plus de s’introduire dans leurs pantoufles. Nous disons : Et cœtera pantoufle. Les Grecs entendaient par là : Et les autres choses, toutes de même sorte. Nous sommes en France des traducteurs si serviles, nous avons serré le grec de si près que nous nous sommes confondus avec lui, nous avons traduit le mot grec par pantoufle ! Mais d’où nous est venue cette bizarre expression ? Comment a-t-elle passé dans notre langue ? M. Ch. Toubin pense qu’elle nous est vraisemblablement arrivée par Marseille. C’est possible, mais nous aimons mieux croire que les écoliers du moyen âge, élevés dans le jardin des racines grecques, ont été frappés de la consonnance de pantoufle avec l’expression grecque et l’ont adoptée en la francisant, à la façon plaisante des écoliers.

Pantoufler

France, 1907 : Donner sa démission, entrer dans les pantouflards ; argot des polytechniciens.

Pantouflerie

France, 1907 : Bêtise, veulerie, lâcheté.

On devrait foutre la pierre aux fausses couches qui se laissent mettre le grappin sur le râble et, au lieu de les plaindre, leur dire :
— « Si vos poings n’étaient pas assez durs pour résister à l’ennemi que n’avez-vous aiguisé vos griffes et ramassé les cailloux du chemin ? Aussi fort et si puissant que fût votre antagoniste, y avait mèche de rétablir l’équilibre et de l’empêcher de vous dévorer !…
Puisque, au lieu d’agir, vous avez courbé l’échine, supportez-en les conséquences !… »
Mais foutre, les bons bougres n’ont pas cette rigidité de raisonnement : ils comprennent que la pantouflerie du populo résulte beaucoup de la masturbation séculaire que, de génération en génération, lui font endurer les grosses légumes.

(Le Père Peinard)

Pantre

M.D., 1844 : Paysan.

un détenu, 1846 : Un bourgeois, un individu qui se laisse duper.

Halbert, 1849 : Bête, simple.

Rossignol, 1901 : Innocent, bête, honnête homme.

France, 1907 : Dupe. Abréviation de Pantruchon, Parisien.

— Eh ! oui, buvons ! Qui paiera ? — Les pantres !

(Mémoires de Vidocq)

Le chien, la maîtresse et l’amant
S’en vont tous trois fièrement,
Et haut le ventre,
À la conquête de celui
Qui sera ce soir le mari,
Disons le pantre !

(Chanson du Père Lunette)

Pantre argoté

Halbert, 1849 : Type de la stupidité.

Virmaître, 1894 : Imbécile de la pire espèce, plus bête que ses pieds ; être facile à tromper (Argot des voleurs).

France, 1907 : Imbécile facile à duper.

Pantre arnau

Halbert, 1849 : Qui s’aperçoit qu’il est volé.

Virmaître, 1894 : Mot à mot : individu qui renaude, qui marronne en s’apercevant qu’il vient d’être victime d’un vol (Argot des voleurs).

France, 1907 : Dupe qui se plaint, fait tapage, renaude enfin quand elle s’aperçoit qu’elle est volée.

Pantre désargoté

Halbert, 1849 : Homme malin.

France, 1907 : Individu difficile à tromper.

Pantresse

M.D., 1844 : Paysanne.

Pantriot

France, 1907 : Payeur, patron ; argot populaire. Jeune niais.

Pantriote

France, 1907 : Sotte.

— N’allez pas, dit la grosse boulotte, me vendre, pantriotes que vous êtes.

(Louise Michel)

Pantrouillard

France, 1907 : Synonyme de pantre, gonce, chêne, type, etc.

Pantruche

un détenu, 1846 : Paris.

Rossignol, 1901 : Paris.

Hayard, 1907 : Paris.

France, 1907 : Déformation argotique de Pantin, Paris.

Pantin, c’est le Paris obscur ; Pantruche, c’est le Paris canaille.

(Gérard de Nerval)

Pantume

Halbert, 1849 : Catin.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, — dans l’argot des voleurs. Quelques lexicographes de Clairvaux disent Panturne.

Pantume, panturne

Rigaud, 1881 : Femme dévergondée, — dans l’ancien argot.

Panturne

anon., 1827 : Catin.

Bras-de-Fer, 1829 : Catin.

Larchey, 1865 : Fille de mauvaises mœurs. — Grandval.

La Rue, 1894 : Fille de mauvaise vie.

France, 1907 : Prostituée, de l’argot italien.

Les souteneurs, dans leur argot, disent : gaupe, marmite, dabe, largue, ouvrière, guenippe, ponante, ponisse, panturne, panuche, bourre de soie.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

On dit aussi pantume.

Panturne ou Ponisse

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Femme de mauvaise vie.

Panuche

Rigaud, 1881 : Femme à son aise, femme heureuse, — dans le jargon des voleurs et des filles. À Saint-Lazare, les filles insoumises appellent ainsi les femmes de maison qui, à leur tour, les traitent de connasses, connassons, niaises, petites niaises. Aux yeux de l’insoumise, le sort de la panuche en traitement est le sort le plus beau, le plus digne d’envie. « Madame » s’intéresse à elle, « madame » lui envoie argent, vin de Bordeaux et friandises. Et puis, quand Saint-Lazare lui aura refait une santé, ne retrouvera-t-elle pas tout de suite toilettes fraîches, bon souper, bon gîte et le reste ?

La Rue, 1894 : Femme bien mise. Femme de maison.

Virmaître, 1894 : Femme élégamment mise, L. L. Panuche est la maîtresse d’une maison de tolérance (Argot des souteneurs). V. Maman-maca.

Hayard, 1907 : Femme élégante.

France, 1907 : Prostituée, argot des souteneurs, ou maîtresse de lupanar.

Panufe

Rigaud, 1881 : Chausson ; chaussette, un objet de luxe pour MM. les voleurs.

Panure

France, 1907 : Débris de pain que ramassent les chiffonniers et qu’ils revendent aux charcutiers pour en faire de la chapelure.

Paon

d’Hautel, 1808 : Il est dans une colère de paon. Se dit de quelqu’un qui est irrité, ou dont l’orgueil est très-offensé.
Orgueuilleux comme un paon. Hautain, fier et glorieux à l’excès. Voyez Août.

Paonner

France, 1907 : Étaler ses avantages physiques à l’instar des paons qui font la roue.

Papa

d’Hautel, 1808 : Mot d’enfant, que l’on conserve cependant dans un âge plus avancé, par amitié ; pour dire père.
Papa, beau-Père,
expression comique et burlesque dont on se sert en parlant à un homme avec lequel on est en grande familiarité.
On dit aussi papa, en adressant la parole à un homme d’un âge mûr.
À la papa. Façon de parler adverbiale, tirée d’une chanson populaire pour dire à l’aise, sans gêne, sans contrariété, sans peine, sans embarras.
Vivre à la papa. Pour dire tranquillement et avec, aisance.
Faire quelque chose à la papa. C’est-à-dire, sans se gêner, sans se presser le moins du monde. Cette locution est fort à la mode parmi le peuple de Paris.

Delvau, 1866 : s. m. Père, — dans l’argot des enfants, dont ce mot est le premier bégaiement. Bon-papa. Grand-père.

Rigaud, 1881 : Cocher de tramway, — dans le jargon des voyous, qui sont assez mélomanes pour s’être aperçus que la trompe dont jouent les cochers de tramway avec leurs pieds produit une série de pa pa pa pa.

Papa (à la)

Larchey, 1865 : Supérieurement. — Le père est maître au logis.

On nous aura requinqués à la papa… Tu riras là mais j’dis à la papa… Ou sinon d’ça j’te brosse à la papa…

Le Casse-Gueule, ch., 1841.

Il va nous juger ça à la papa.

Désaugiers, 1813.

Delvau, 1866 : adv. Avec bonhomie, tranquillement, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression avec une nuance d’ironie.

Rigaud, 1881 : Sans façon.

France, 1907 : Tranquillement, sans se hâter. « Faire une chose à la papa. »

Papabile

France, 1907 : Papable, candidat à la papauté, admissible à la tiare pontificale ; italianisme. Les cardinaux qui concourent à l’élection d’un pape se nomment papifiants.

Papavoiner

Delvau, 1866 : v. a. Assassiner aussi froidement que fit Papavoine des deux petits enfants dont il paya la vie de sa tête. L’expression, qui a eu cours il y a une trentaine d’années, a été employée en littérature par le chansonnier Louis Festeau.

Pape

d’Hautel, 1808 : On dit, lorsque deux personnes expriment en même temps la même pensée, qu’elles ont fait un pape.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Imbécile, — dans le jargon des voleurs. C’est une variante très altérée de pante.

La Rue, 1894 : Imbécile. Verre de rhum.

France, 1907 : Le commandant de l’école navale ; argot du Borda.

France, 1907 : Imbécile ; argot des faubouriens.

France, 1907 : Verre de rhum ou de bitter.

Au Quartier latin, l’absinthe s’appelle une purée, l’eau-de-vie un pétrole, le bock un cercueil, le bitter un pape.

(Mémoires de M. Claude)

On appelle ainsi et plus exactement un verre de rhum en jouant sur les mots Rome et pape.

Pape (soldat du)

Larchey, 1865 : Mauvais soldat.

Soldats du pape, méchantes troupes. Machiavel a dit que les compagnies de l’église sont le déshonneur de la gendarmerie.

Le Duchat, 1738.

Le terme remonterait donc au seizième siècle.

Vous êtes bien des soldats du pape. Est-ce que par hasard un jupon vous ferait peur ?

L. Reybaud.

Pape (un)

Rigaud, 1881 : Un verre de rhum. Le mot pape implique l’idée de Rome, et Rome fournit l’occasion d’un déplorable jeu de mots.

Pape Colas

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui aime à prendre ses aises, à se prélasser, — dans l’argot du peuple.

Papegot

France, 1907 : Individu soumis au pape, dévot, hypocrite ; altération du vieux français papegaut.

Allons, enfants de la croustille,
Le jour de boire est arrivé !
C’est pour nous que le boudin grille,
C’est pour nous qu’il est préparé.
Entendez-vous dans la cuisine
Bouillir les marmites, les pots ?
Ah ! ne serions-nous pas bien sots
Si nous leur faisions triste mine ?
À table, papegots ! Vidons tous ces flacons !
Buvons, buvons !
Qu’un nectar pur abreuve nos poumons !

(La Marseillaise des curés)

Papelard

d’Hautel, 1808 : Fourbe, hypocrite, faux dévot.

Halbert, 1849 : Papier.

Larchey, 1865 : Papier (Vidocq). Corruption de mot.

Delvau, 1866 : s. m. Papier, — dans l’argot des voleurs, qui ont voulu coudre une désinence de fantaisie au papel espagnol.

Rigaud, 1881 : Papier ; de l’espagnol papel.

La Rue, 1894 : Papier. Tout papier imprimé vendu par le camelot dans la rue.

Rossignol, 1901 : Marchand de journaux.

Hayard, 1907 : Papier.

France, 1907 : Papier ; argot des voleurs. « Maquiller le papelard », écrire. Tout papier imprimé vendu par les camelots dans la rue est appelé papelard.

anon., 1907 : Papier.

Paper-hunt

France, 1907 : Chasse au papier. Anglicisme et de nom et de chose. C’est une sorte de steeple-chase (course au clocher), où un cavalier part en avant, muni d’un sac plein de petits morceaux de papier qu’il sème sur sa route en franchissant tous les obstacles qu’il rencontre, murs, haies, fosses. Les autres, cavaliers et amazones, qui partent dix ou quinze minutes après lui, doivent suivre ses traces.

Paperasser

d’Hautel, 1808 : Feuilleter de vieilles paperasses, remuer de vieux papiers.

Paperassier

d’Hautel, 1808 : Mauvais écrivain, auteur verbeux ; celui qui, pour se donner de l’importance, aime à ramasser, à conserver des papiers inutiles.

Papier

d’Hautel, 1808 : Le papier souffre tout. Se dit lors qu’une personne rédige seule un acte où il y a plusieurs intéressés ; et qu’il n’y met que ce qu’il lui plait.
Un barbouilleur de papier. Un mauvais écrivain, un mauvais imprimeur.
Rayez cela de vos papiers. Pour dire ne comptez pas là-dessus.
Le parchemin est plus fort que le papier. Pour dire que les titres sur parchemin durent plus que sur du simple papier.

Rigaud, 1881 : Billet de banque, — coupon détaché d’un titre de Bourse.

Papier à chandelle

Rigaud, 1881 : Mauvais petit ou grand journal. Mot à mot : papier bon à envelopper de la chandelle.

France, 1907 : Journal insignifiant et éphémère, autrement dit feuille de chou.

Papier à douleur

La Rue, 1894 : Billet protesté, quittance de loyer.

France, 1907 : Billet protesté ; quittance de loyer.

Papier Joseph

Delvau, 1866 : s. m. Billet de banque, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Papier de soie.

Papier Joseph ou de soie

France, 1907 : Billet de banque.

Papier public

Delvau, 1866 : s. m. Journal, — dans l’argot des paysans de la banlieue.

Papillon

d’Hautel, 1808 : Courir, voler après les papillons. Voltiger d’objets en objets ; courir après des bagatelles ; avoir l’esprit léger.
Il s’est allé brûler à la chandelle comme le papillon. Se dit d’un homme qui se laisse tromper par des apparences flatteuses, et qui s’engage dans une affaire qui lui devient préjudiciable.

Larchey, 1865 : Blanchisseur (id.). — Comme le papillon, il arrive de la campagne, et ses ailes blanches sont représentées par les paquets de linge qu’il porte sur le dos.

Delvau, 1866 : s. m. Blanchisseur, — dans l’argot des voleurs, qui ont transporté à la profession l’épithète qui conviendrait à l’objet de la profession, les serviettes séchant au soleil et battues par le vent dans les prés ressemblant assez, de loin, à de grands lépidoptères blancs.

Rigaud, 1881 : Blanchisseur. — Linge.

La Rue, 1894 : Blanchisseur. Inconstant.

Virmaître, 1894 : Vol à la marque. Il se pratique dans les voitures de blanchisseuses qui viennent de la campagne et contient leurs voitures à la garde d’un enfant (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Blanchisseur de campagne (Argot des voleurs).

France, 1907 : Garçon de lavoir ; blanchisseur. Argot des voleurs.

Papillon d’auberge

Rigaud, 1881 : Linge, vaisselle, batterie de cuisine. — M. Fr. Michel ne donne pas à cette expression de signification normale. M. Ch. Nisard traduit par coups de poing, soufflet, s’appuyant sur l’autorité de quatre vers également cités par M. Fr. Michel et tirés des Porcherons, ch. III. (Amusemens rapsodi-poêtiques, 1773.)

Bientôt, au défaut de flamberges
Volent les « papillons d’auberges » ;
On s’accueille à grands coups de poing
Sur le nez et sur le grouin.

M. Ch. Nisard a pu mal interpréter l’expression « papillon d’auberge » en lui donnant le sens de soufflet, coups de poing. En argot papillon correspond à linge. Papillon d’auberge serait donc linge d’auberge et, par extension, tout ce qui se rapporte à la table.

La Rue, 1894 : Assiette.

France, 1907 : Assiette ; appelée ainsi parce que, dans les disputes d’auberge, elles volent à la tête des convives.

Bientôt, à défaut de flamberges,
Volent les papillons d’auberges ;
On s’accueille à grands coups de poing
Sur le nez et sur le grouin.

(Les Porcherons)

On appelle aussi de ce nom le linge de table.

Papillon de l’amour

Delvau, 1864 : Vulgo morpion. Petit insecte qui, voyageant de vit en con et de couille en cul, se cramponne à l’un ou à l’autre, dans un but de colonisation.

Ma maîtresse, l’autre jour.
Se grattait, fallait voir comme…
Ainsi que se gratte un homme,
Je me grattais à mon tour.
Or, Suzon me déculotte.
Je la trousse sans détour :
Nous étions pleins, vit et motte,
De papillons de l’amour.

Hip. Chatelin.

Papillonne

Delvau, 1866 : s. f. Amour du changement, ou plutôt Changement d’amour, — dans l’argot des fouriéristes. On dit aussi Alternante.

Papillonne (la)

France, 1907 : Mot créé par Paul Fourier. C’est la passion du changement, le papillon voltige de fleur en fleur, comme le volage d’amourette en amourette. Il n’est guère homme qui, au temps de sa prime jeunesse, n’ait été plus ou moins atteint de la papillonne.

Papillonner

d’Hautel, 1808 : Être inconstant, léger ; voltiger d’objets en objets à la manière des papillons.

Delvau, 1866 : v. n. Aller de belle en belle, comme le papillon de fleur en fleur, — dans l’argot du peuple. Il y a près de deux siècles que le mot est en circulation. On connaît le mot de madame Deshoulières à propos de mademoiselle d’Ussel, fille de Vauban : « Elle papillonne toujours, et rien ne la corrige. » Fourier n’a inventé ni le nom ni la chose.

Rigaud, 1881 : Voler du linge.

France, 1907 : Voler du linge dans les voitures de blanchisseuses.

Papillonneur

Larchey, 1865 : Voleur exploitant les voitures des blanchisseurs qui apportent le linge à Paris (id.).

Rigaud, 1881 : Voleur de linge, voleur qui exploite les voitures de blanchisseurs.

La Rue, 1894 : Voleur de linge dans les voitures de blanchisseurs.

France, 1907 : Voleur qui rôde autour des voitures de blanchisseuses arrêtées sur la voie publique et guette l’occasion de les dévaliser.

Papillons noirs

France, 1907 : Idées tristes.

Papillotage

d’Hautel, 1808 : Faux brillant ; paroles pompeuses, mais dénuées de sens.

Papillote

d’Hautel, 1808 : Il a les yeux en papillotte. Se dit d’un homme qui a bu plus que de coutume, et à qui le besoin de dormir fait fermer les yeux.

Papilloter

d’Hautel, 1808 : Babiller avec facilité ; se servir de grands mots pour de petits sujets.

Papillotes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Billets de banque, — dans lesquels les gens aussi riches que galants enveloppent les dragées qu’ils offrent aux petites dames.

France, 1907 : Billets de banque, allusion à la finesse du papier semblable à celui avec lequel les femmes se font des papillotes.

Papotage

Delvau, 1866 : s. m. Causerie familière ; bavardage d’enfants ou d’amoureux. Argot des gens de lettres.

France, 1907 : Bavardage ; bruit de vaines paroles.

La voici près de lui, assise, d’une cuisse, au bord du petit lit de fer qui plie un peu, sous son poids. Et ce sont des confidences d’amoureux ; des papotages puérils, le trop-plein qui déborde, des câlineries et des tendresses, tandis qu’au dehors la pluie redouble.

(Georges Courteline)

Papoter

Delvau, 1866 : v. n. Babiller comme font les amoureux et les enfants, en disant des riens.

France, 1907 : Bavarder. Dans le patois du Centre, c’est parler entre ses dents.

Quiconque n’a pas traversé les jardins où ce vieux petit peuple tient ses assises, se groupe par affinités de tempérament ou de profession ; papote, jacasse, avec des voix fragiles, comme fêlées et déjà lointaines ; discute sur l’avenir (ou sur la soupe) ; débat les plus ardus problèmes de philosophie, ou la conduite d’une nonagénaire « qui, décidément, flirte trop », n’a pas contemplé un des spectacles les plus touchants et les plus caractéristiques qu’il soit possible d’observer.

(Séverine)

Papyrolithe

France, 1907 : Papier-pierre. Néologisme. Aux États-Unis, l’on construit des maisons entières en papier. Ce papier est réduit en pâte, puis comprimé. Un inventeur allemand préconise le papyrolithe pour la confection de planchers qui, ne présentant pas de rainures, seraient exempts de poussière et par conséquent de microbes. Il existe déjà depuis quelques années dans les services auxiliaires de l’armée française des ambulances de campagne démontables, en carton comprimé, d’une étanchéité et d’une solidité absolues. Du reste, un constructeur américain proposait récemment de bâtir une cathédrale en papyrolithe.

Paquecin

Larchey, 1865 : « Ne faut-il pas que baluchons et pacquecins (paquets) disparaissent subitement comme dans une féerie ? Personne n’égale le cambrioleur dans l’art de déménager sans bruit. » — A. Monnier.

Paquecin, paquemon

La Rue, 1894 : Paquet.

Paquelin

anon., 1827 : L’enfer.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Enfer.

Bras-de-Fer, 1829 : L’enfer.

un détenu, 1846 : Pays.

Halbert, 1849 : Flatteur ou l’enfer.

La Rue, 1894 : Flatteur. Paqueliner, flatter.

France, 1907 : Flatteur ; corruption de patelin. Argot des voleurs.

Paqueliner

France, 1907 : Flatter.

Paquemon

Delvau, 1866 : s. m. Paquet ou ballot, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Paquecin.

France, 1907 : Paquet. Voir Paccin.

Pâquerettes de cimetière

France, 1907 : On désigne ainsi ces excroissances, ces verrues couvertes de poils blancs qu’on remarque sur la figure de quelques vieilles gens. C’est aussi les premiers poils blancs.

Il n’est plus bien jeune non plus et sa barbe est fleurie déjà de ces petites fleurs blanches que le poète appelle des pâquerettes de cimetière…

(Colombine, Gil Blas)

Pâques

d’Hautel, 1808 : Il est en train comme un lundi de pâques. Se dit de quelqu’un qui est distrait dans son travail ; qui n’a pas envie de travailler ; qui est enclin à la débauche.
À pâques on s’en passe, à la pentecôte quoi qu’il en coûte. Cela s’entend des habits d’été qui ne sont nécessaires qu’en ce temps-là.

Pâques ou à la Trinité (à)

France, 1907 : Ce dicton fort ancien remonte au XIIIe siècle où, par certaines ordonnances, les rois de France promettaient à leurs créanciers de les rembourser soit à Pâques, soit cinquante-six jours plus tard, à la Trinité. Bien entendu, la Trinité se passa sens qu’on vit revenir l’argent, pas plus que ne revint Malbrough.

Paquet

d’Hautel, 1808 : Pour gausse, mensonge, hâblerie, contes en l’air, subterfuge, gasconnade.
Ne nous donnez plus de ces paquets-là. Pour, ne nous faites plus de pareils contes.
Paquet, signifie aussi brocard, lardon, paroles malignes et piquantes.
Donner dans un paquet. Être pris pour dupe ; être attrapé.
Donner à chacun son paquet. Faire des réprimandes à tous ceux que l’on trouve en faute.
On dit aussi, donner à quelqu’un son paquet, pour faire taire quelqu’un par des réponses vives, mordantes et ingénieuses.

d’Hautel, 1808 : Il ne remue pas plus qu’un paquet de linge sale. Se dit d’un homme insouciant, paresseux et sans activité, qui a de la peine à se mouvoir pour ses propres affaires.
On dit d’une demoiselle, dont le corsage s’est épaissi, et à qui l’embonpoint a fait perdre de ses graces, qu’Elle est devenue un peu paquet.
Des paquets.
On donne cette épithète incivile à des personnes âgées qui, dans un bal, ne font plus que regarder danser.
Risquer le paquet. S’engager dans une affaire douteuse ; hasarder une demande au risque d’être refusé.
Įl a fait son paquet. Pour, il s’en est allé ; il a quitté cette maison.
Il porte son paquet avec lui. Se dit par raillerie d’un bossu, pour lui reprocher son infirmité.

Delvau, 1864 : Ornement naturel de la culotte de l’homme, qui monte si fort la tête aux femmes ; ornement postiche, parce qu’exagéré, de la culotte des danseurs espagnols, nécessaire pour donner de la verve à leurs danseuses.

T’as un beau paquet, mon chéri !

Lemercier de Neuville.

Sur cet insolent paquet,
Je lâche un vigoureux pet.

(Parnasse satyrique.)

Delvau, 1866 : s. m. Compte, — dans l’argot du peuple. Avoir son paquet. Être complètement ivre. Recevoir son paquet. Être congédié par un patron, ou abandonné par un médecin, ou extrême onctionné par un prêtre. Faire son paquet. Faire son testament. Risquer le taquet. S’aventurer, oser dire ou taire quelque chose.

Rigaud, 1881 : Femme habillée sans goût.

Fustier, 1889 : Injure employée surtout dans la classe ouvrière et qui est synonyme d’imbécile.

Tout à coup deux… braves gens, porteurs de deux belles casquettes neuves, les abordent et l’un d’eux, sur un air connu, en fixant Joseph : Oh ! regarde-moi donc ce paquet !

(Gazette des Tribunaux, 1882.)

La Rue, 1894 : Compte. Recevoir son paquet. Ivresse.

Virmaître, 1894 : Homme ou femme gros, court sur pattes, sans élégance, ressemblant à un paquet de chair (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Bête, imbécile.

Hayard, 1907 : Homme ou femme, épais et naïf.

France, 1907 : Personne lourde, gênante qui pèse comme un paquet dans une réunion. Femme habillée d’une façon ridicule. Injure que s’adressent les voyous.

Un simple racleur de guitare,
Moi, si tu veux, dare dare
Peut te rabattre ton caquet,
Et te mettre dans les ordures,
Sans préjudice des futures
Représailles, ton nez, paquet !

(Raoul Ponchon)

Paquet (avoir son)

France, 1907 : Être ivre. Risquer le paquet, s’aventurer ; faire ou préparer le paquet, arranger un jeu de cartes pour tricher ; attraper son paquet, être réprimandé, tancé ; recevoir son paquet, être renvoyé ; faire son paquet, se préparer à la mort ; lâcher de paquet, avouer.

Les faux amours, l’hypocrisie,
Il met tout au même baquet :
Le Faubourg et la Bourgeoisie,
Chacun attrape son paquet.

(Jacques Rédelsperger)

Paquet (faire le)

Fustier, 1889 : Argot de grecs. Ranger les cartes en les battant de façon à se donner les bonnes.

Paquet (lâcher le)

Rigaud, 1881 : Tout révéler, faire des aveux.

Paquet (recevoir son)

Rigaud, 1881 : Recevoir son congé, être renvoyé.

Paquet de couenne

Rigaud, 1881 : Garde national. Allusion au laisser-aller des couennes à l’étalage du tripier. Le garde national n’a jamais brillé par la correction de sa tenue.

Paquet de couennes

France, 1907 : La garde nationale, c’est-à-dire tas d’imbéciles, de maladroits ; d’où le singulier nom paquet de couennes donné aux membres de cette institution.

— Est-ce que tu ne t’aboulais pas me voir, toi, la vieille, quand j’étais paquet de couennes au rempart pendant le siège ?

(Serge Basset)

Paquetier

Boutmy, 1883 : s. m. Compositeur qui ne fait que des lignes qu’il met ensuite en paquets. Paquetier d’honneur, c’est, dans certaines maisons, le premier paquetier d’un metteur en pages. Il ne manque jamais de copie, et participe largement aux honneurs le jour où l’on arrose une réglette.

France, 1907 : Compositeur qui ne fuit que des lignes qu’il met ensuite en paquets. Paquetier d’honneur, premier paquetier d’un metteur en pages. Metteurs en pages et paquetiers se coufondent sous la dénomination commune de typographes.

Au point de vue de la hiérarchie, les typographes peuvent être rangés sous trois catégories : le prote, le metteur en pages et le paquetier ; mais ces distinctions sont, à vrai dire, à peu près fictives : un prote peut perdre son emploi et redevenir metteur en pages… il n’est pas rare de voir un metteur en pages reprendre la casse et lever la lettre comme à ses débuts.

(Eugène Boutmy)

Paquets

Delvau, 1866 : s. m. pl. Médisance, ragots. Faire des paquets. Médire et même calomnier.

Paquets (faire des)

Larchey, 1865 : Médire, Tricher en interpolant des cartes préparées dans son jeu.

La Rue, 1894 : Commérer, médire.

France, 1907 : Commérer, médire, faire marcher sa langue, comme les commères groupées sur le pas de leurs portes et qui habillent de belle sorte toutes les femmes qui passent.

Paquets (faire ses petits)

Rigaud, 1881 : Agoniser. Allusion aux mouvements des moribonds qui ramènent à eux leurs couvertures.

Par ma fine !

d’Hautel, 1808 : Interjection usitée parmi les paysans, et qui équivaut à, par ma foi !

Par pari refertur

France, 1907 : Locution latine signifiant : on rend la pareille. La loi mosaïque œil pour œil, dent pour dent, etc., procède par pari refertur.

Le quartier de… n’étant point enclos de murailles, il est on ne peut plus facile aux cavaliers de franchir à volonté les petits fossés dont il est entouré, et qui ont à peine trois ou quatre pieds de profondeur.
Des factionnaires sont, il est vrai, espacés autour de cette enceinte.
Mais tout en ignorant pour la plupart l’axiome latin : par pari refertur, les hommes du régiment ne se gênent nullement pour le mettre en pratique.
« Si je le laisse découcher aujourd’hui, il me laissera découcher demain, donc… va ton train, mon petit bonhomme. »

(Charles Dubois de Gennes, Le Troupier tel qu’il est à cheval)

Par-dessus

d’Hautel, 1808 : J’en ai cent pied par-dessus la tête. Pour exprimer que l’on est dégoûté de quelque chose, ou que l’on est sur le point de perdre patience.
Tu l’auras par-dessus l’épaule. C’est-à-dire, jamais.

Para, parar

France, 1907 : Apprêter, embellir, parer, disposer. « Ourbi la bousse e para l’esquie », ouvrir la bourse et tendre l’échine (payer l’impôt et tout subir).

Parabole

France, 1907 : Paradis ; argot des voleurs.

Paraches

France, 1907 : Paroles inutiles, exagération de langage. « Quel tas de paraches à propos de rien ! »

Parade

Boutmy, 1883 : s. f. Synonyme de postiche.

France, 1907 : Plaisanterie d’atelier bonne ou mauvaise ; argot des typographes. Voir Postiche.

Parade (bénédiction de)

France, 1907 : Coups de pied au derrière ; allusion aux coups de pied que se donnent les paillasses et les clowns sur les parades foraines. Argot populaire.

Parade (défiler la)

Larchey, 1865 : Mourir.

Alors tout l’monde défile à c’te parade d’où l’on ne revient pas sur ses pieds.

Balzac.

Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon des troupiers.

Merlin, 1888 : S’en aller, disparaître, mourir.

France, 1907 : Mourir ; argot militaire.

Parade (faire la)

Rigaud, 1881 : C’est commencer le spectacle par une petite pièce sans importance, en attendant le public. (Petit dict. des coulisses.)

Parade (une)

Hayard, 1907 : Une observation, garantie.

Paradis

d’Hautel, 1808 : Les riches ont leur paradis en ce monde. Pour dire, qu’ils y ont toutes leur commodités, qu’ils y goûtent toutes les jouissances de la vie.
Il a heurté à la porte du paradis. Se dit d’un homme qui a été dangereusement malade.
C’est le chemin du paradis, on n’y va qu’un à un. Se dit en plaisantant d’un chemin difficile et fort étroit, où l’on est obligé de passer l’un après l’autre.
Paris est le paradis des femmes, le purgatoire des hommes, et l’enfer des chevaux. Jamais proverbe ne fut d’une plus exacte vérité.
Il croit être en paradis. Se dit de quelqu’un qui passe tout d’un coup d’un emploi pénible et turbulent à une condition douce et paisible, ou qui est dans la joie et l’ivresse.

Delvau, 1866 : s. m. La fosse commune, — dans l’argot ironique des marbriers de cimetière.

Delvau, 1866 : s. m. Amphithéâtre des quatrièmes, — dans l’argot des coulisses.

France, 1907 : Amphithéâtre des quatrièmes, les places lus plus élevées d’un théâtre.

À l’orchestre d’un théâtre du boulevard, un spectateur demande à son voisin en levant les yeux vers les dernières places :
— Pourquoi diable appelle-t-on cela le Paradis ?
— Sans doute parce que c’est le ciel relativement au parterre, répond celui qu’on interroge.
— Du tout ! s’écrie Dumas fils, c’est parce qu’on y mange des pommes.

(Eugène de Mirecourt)

France, 1907 : Jeu de marelle, à cause du nom donné au point gagnant ; patois meusien.

Paradis (ne pas porter en)

France, 1907 : Ne pas mourir sans avoir expié un méfait. « Tu as mis un polichinelle dans le tiroir de la pauvre Alice, tu ne le porteras pas en paradis. — Naturellement, mais en nourrice. »

Paradis (porter en)

Larchey, 1865 : « Vous voulez parler du coup de poing. — Oui ; oh ! Le beau jeune homme ne portera pas cela en paradis, allez ! » — Ricard. — C’est-à-dire : Il me le paiera avant sa mort.

Paradis de Mahomet (le)

Delvau, 1864 : Le seul auquel les vrais croyants doivent croire, parce qu’il est « pavé de pucelages, » au lieu d’être, pavé de bonnes intentions, comme l’autre.

Paradouze

Delvau, 1866 : s. f. Paradis, — dans l’argot calembourique du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme en témoignent ces vers extraits du Roman du Renart :

Li sainz Esperiz
De la seue ame s’entremete
Tant qu’en paradouse la mete,
Deux lieues outre Paradiz,
Où nus n’est povre ne maudis.

Rigaud, 1881 : Paradis ; changement de la dernière syllabe pour obtenir un jeu de mots sur dix et douze.

France, 1907 : Jeu de mot faubourien sur paradis.

Paralance

Larchey, 1865 : Parapluie. V. Lance.

Rigaud, 1881 : Parapluie.

France, 1907 : Parapluie ; il pare la lance (pluie). Argot populaire.

Paralysie de la queue

Delvau, 1864 : Impuissance ; insensibilité du membre viril — qui a été trop sensible.

Paramour

France, 1907 : Soutien, défenseur des beautés faciles.

Parangonner

Boutmy, 1883 : v. intr. Allier des caractères de force différente, de façon qu’ils s’alignent ensemble. Au figuré, se parangonner, c’est se consolider en s’appuyant ; s’arranger de façon à ne pas tomber lorsqu’on se sent peu solide sur ses jambes.

Virmaître, 1894 : Arranger au moyen d’interlignes des caractères de différents corps (Argot d’imprimerie).

France, 1907 : « Allier des caractères de force différente, de façon qu’ils s’alignent ensemble. Au figuré, se parangonner, c’est se consolider en s’appuyant ; s’arranger de façon à ne pas tomber lorsqu’on se sent peu solide sur ses jambes. »

(Eug. Boutmy, Argot des typographes)

Parapet

d’Hautel, 1808 : Beaucoup disent, par corruption, parapel.

Paraphe

Delvau, 1866 : s. m. Soufflet, — dans l’argot du peuple, qui se plaît à déposer son seing sur la joue de ses adversaires. Détacher un paraphe. Donner un soufflet.

France, 1907 : Coup au visage, soufflet ; argot populaire. Détacher un paraphe.

Paraphe (en détacher un)

Virmaître, 1894 : Donner un soufflet à quelqu’un. On dit aussi :
— Je vais te poser un cachet.
Détacher un paraphe
est rarement employé, c’est trop long ; bègne vaut mieux (Argot du peuple).

Parapher, détacher un paraphe

Rigaud, 1881 : Signer son nom avec la main sur la joue de quelqu’un.

Parapluie

La Rue, 1894 : Mari.

France, 1907 : Niais. Il sert à couvrir les fredaines de son épouse en vertu de cet axiome : « Le pavillon couvre la marchandise. »

Parapluie de l’escouade

Merlin, 1888 : Au bleu, au conscrit naïf, les loustics font croire que chaque escouade possède un gigantesque parapluie, que le dernier arrivant est chargé de porter aux exercices, manœuvres, marches militaires et revues.

Paravent

d’Hautel, 1808 : Un chinois de paravent. Un petit homme laid, difforme, mal bâti ; un maussade, original ; par allusion à ces figures chinoises que l’on met comme ornement sur les paravens.

Parbleu !

d’Hautel, 1808 : Espèce d’interjection qui marque l’affirmation.
Parbleu ! je le crois bien capable de cela. Pour assurément, en vérité.

Parc

France, 1907 : Théâtre.

Parc aux huîtres

Virmaître, 1894 : Mouchoir. L’allusion n’est pas tout ce qu’il y a de plus distingué, mais l’image est juste (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Mouchoir.

Hayard, 1907 : Mouchoir.

France, 1907 : Mouchoir de poche.

Parcere personis, dicere de vitiis

France, 1907 : Dire tout des vices, épargner les personnes. Locution latine tirée du poète Martial et dont l’Année littéraire fit son épigraphe. Chamfort raconte que quelqu’un ayant rappelé ce vers au satirique anglais John Doune, qui ne ménageait personne, en lui disant : « Tonnez sur les vices, mais ménagez les vicieux », Doune répondit : « C’est cela ! Condamner les cartes et pardonner aux escrocs ! »

Parcere subjectis et debellare superbos

France, 1907 : Pardonner aux vaincus, combattre les superbes. Locution latine tirée de l’Énéide de Virgile.

Parchemin

d’Hautel, 1808 : Allonger le parchemin. Pour, multiplier les écritures sans nécessité ; faire des frais de chicane inutiles.

Pardine, pardienne, par dieu !

d’Hautel, 1808 : Espèce d’interjections vulgaires qui marquent la certitude, l’affirmation et la plainte.
Pardine ou pardienne, s’il m’avoit aidé, je ne serois pas dans l’embarras. Pour assurément, certainement.

Pardonner

d’Hautel, 1808 : Péché caché est à demi pardonné. Mauvaise maxime dont il ne faut pas se prévaloir, et qui signifie, que quand le scandale n’est pas joint au péché, la faute en est beaucoup plus excusable.
Dieu me pardonne. Pour dire en vérité.

Paré

Rossignol, 1901 : Avoir un alibi, c’est être pari. Un médecin militaire disait à un malade qui était maître d’armes : « Je vous mets à la diète parez-moi ce coup-là. » — Le maître d’armes sortit de sa table de nuit un énorme morceau de pain et lui répondit : « Je suis paré, Monsieur le docteur. »

Hayard, 1907 : À l’abri du besoin.

Paré (être)

Delvau, 1866 : Avoir subi la « fatale toilette » et être prêt pour la guillotine, — dans l’argot des prisons. Les bouchers emploient la même expression lorsqu’ils viennent de faire un mouton.

Rigaud, 1881 : Avoir été coiffé et attifé par ce terrible perruquier-barbier qui répond au nom du bourreau ; c’est être préparé pour l’échafaud.

France, 1907 : Être prêt pour l’exécution. On sait que le condamné est soumis à une sorte de préparation qu’on appelle la toilette.

Pare-à-lance

Delvau, 1866 : s. m. Parapluie, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi En-tous-cas. Cette dernière expression, dit Vidocq, — et cela va scandaliser beaucoup de bourgeoises qui l’emploient de confiance, lui croyant une origine honnête, — cette dernière expression a été trouvée par un détenu de Bicêtre, le nommé Coco.

Pareatis

France, 1907 : Obéissez. On appelait de cette formule latine la requête qu’un huissier présentait à un juge pour obtenir dans l’étendue de sa juridiction la sentence prononcée par le juge d’une autre juridiction.

Paréchème

France, 1907 : Défaut de langage ou de style par lequel on place à côté l’une de l’autre deux syllabes du même son ; du grec para, à côté, et chein, retentir. Peu d’écrivains évitent le paréchème.

Parée comme une épousée de village

France, 1907 : Avoir une mise prétentieuse et ridicule. Les paysannes, on le sait, n’ont pas l’apanage du bon goût ; plus elles se parent, plus elles paraissent grotesques et gauches, Telle fille, jolie en sa simple coiffe de village, devient laideron sous un chapeau de ville.

Pareil (être)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Être d’accord.

France, 1907 : Agir de concert ; argot des voleurs.

Pareil au même (du)

Delvau, 1866 : La même chose ou le même individu, — dans l’argot des faubouriens.

Parent

d’Hautel, 1808 : Il est son parent du côté d’Adam. Se dit par raillerie de quelqu’un qui se dit parent d’un autre dans un degré fort éloigné.
Quand on est riche on a beaucoup de parens. Signifie que tout le monde se dispute l’honneur d’être de votre famille, ce qui n’arrive pas lorsqu’on est pauvre et ignoré.

Halbert, 1849 : Paroissien.

France, 1907 : Paroissien ; argot des voleurs.

Parent de la côte d’Adam

France, 1907 : Petit cousin, parent à un degré très éloigné. « Nous sommes tous parents par la côte d’Adam », dit un vieux dicton.

Parentèle

France, 1907 : Parents ; vieux français.

Parer

d’Hautel, 1808 : Paré comme un autel, comme une chasse. C’est-à-dire, d’une manière ridicule ; surchargé d’ornemens.

Rigaud, 1881 : « À chaque morceau réclamé par ses collègues, le chef du garde-manger découpe à même la pièce et pare la viande. Parer un morceau, c’est en enlever la parure, c’est-à-dire l’excédant de graisse. Le boucher reprend à 75 cent, le kilo la parure (graisse crue), qu’il revend au fondeur pour faire des chandelles. » (Eug. Chavette, Restaurateurs et restaurés, 1867.)

La Rue, 1894 : Remplir. La parer, secourir.

France, 1907 : Remplir ; vieil argot.

France, 1907 : C’est, en terme de boucherie, ôter les peaux et les graisses superflues d’un morceau de viande pour le rendre plus présentable, et aussi sculpter sur une bête dépouillée des dessins dignes des impressionnistes.

Au côté, en bandoulière, il était flanqué d’une gaine de bois d’où émergeaient les manches de ses couteaux. L’étui enfermait cinq ou six lames bien affilées et une lancette pour parer, c’est-à-dire pour sculpter dans la graisse badigeonnée de sang frais ces arabesques étranges, palmes et fleurs, qui font de la boucherie fine une section originale des arts décoratifs.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Parer (la)

Rigaud, 1881 : Secourir. — La rien parer à un aminche, venir en toute hâte au secours d’un ami ; c’est-à-dire parer la botte portée à un ami.

Parer la coque

Delvau, 1866 : v. a. Échapper par la fuite à un châtiment mérité ; parer habilement aux inconvénients d’une situation, dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine.

France, 1907 : Échapper par la fuite à une punition ; argot faubourien.

Parer sa côtelette

France, 1907 : Se bien vêtir, soigner sa mise.

— Les demoiselles dégotent un boucher dans l’art de parer leurs côtelettes.

(Paul Mahalin, Mesdames de Cœur-Volant)

Paresse

d’Hautel, 1808 : On le relèvera du péché de paresse. Signifie qu’on avisera au moyen d’empêcher qu’une personne sur laquelle on a de l’autorité, s’accoutume à manquer par paresse à son devoir.

Parfait

d’Hautel, 1808 : C’est parfait. Pour, c’est excellent, c’est le mieux du monde.

Parfait amour

Delvau, 1866 : s. m. Liqueur de dames, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Crème de cocu.

France, 1907 : Liqueur pour dames. On dit aussi crème de cocu. Parfait amour de chiffonnier, eau-de-vie commune.

Parfait amour de chiffonnier

Delvau, 1866 : Eau-de-vie d’une qualité au-dessous de l’inférieure.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie.

La Rue, 1894 : Eau-de-vie mauvaise.

Virmaître, 1894 : Eau-de-vie vendue dans les assommoirs (Argot du peuple).

Parfaite égalité

Fustier, 1889 : Sorte de jeu de hasard.

Parfond

anon., 1827 : Pâté.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pâté.

Bras-de-Fer, 1829 : Pâté.

Halbert, 1849 : Pâté.

France, 1907 : Pâté, pour profond ; allusion au creux des anciens pâtés.

Au matin, quand nous nous levons,
J’aime la croûte de parfond,
Dans les entonnes trimardons,
Ou aux creux de ces ratichons
J’aime la croûte de parfond.

(Chanson de l’argot)

Parfond n’est pas, comme l’écrivent certains argotiers, une corruption de profond, c’est le contraire qui existe, parfond étant le vieux mot.

Triste me sens, m’amour, m’amye ;
En mon cueur croist et le morfond
Ung mal meschant, un mal parfont,
Ung mal noir que l’on ne voit mye.

(G. Calvé des Jardins, Les Oberliques)

Parfonde

anon., 1827 : Cave.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Cave. J’ai du pivois dans la parfonde, j’ai du vin en cave.

Bras-de-Fer, 1829 : Cave.

Halbert, 1849 : Cave.

Rigaud, 1881 : Cave. Variantes : Profonde, prophète. — Pive en parfonde, vin en cave.

France, 1907 : Poche, cave ; vieux mot pour profonde.

Parfumeur

Virmaître, 1894 : Avocat. Mot à mot : il couvre son client de fleurs (Argot du peuple). V. Blanchisseur.

France, 1907 : Avocat. Il encense son client.

Parigo, parigot

France, 1907 : Sobriquet que les provinciaux donnent aux Parisiens.

Pour lors, dans la nuit du 17 au 18 mars, ce charognard bas-du-cul (Thiers) fit envahir par une chiée de troubades, afin de désarmer le populo pendant qu’il roupillait.
Il restait des canons et une quantité énorme de flingots.
Turellement, les Parigots ne voulurent rien lâcher, sachant bien qu’une fois désarmés, les bandits de la haute les feraient virevolter à leur gré, kif-kif une toupie hollandaise.

(Le Père Peinard)

Parigo, quoi !… des Batigneule,
Toujours prêt à coller un paing,
Mais j’comprends pas qu’on s’cass’ la gueule
Pour gagner d’quoi s’y fout’ du pain.
El’travail, c’est ça qui nous crève,
Mêm’les ceux qu’est les mieux bâtis,
V’là pourquoi que j’m’ai mis en grève.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Parigot

Fustier, 1889 : « C’est le surnom qu’on donne à la campagne au malheureux enfant de Paris, placé par l’Assistance publique. »

(Bibliothèque universelle, novembre 1887.)

Mme de Pressensé a écrit une nouvelle qui a pour titre : Parigot.

La Rue, 1894 : Parisien, dans l’argot des paysans.

Paris

France, 1907 : Sobriquet donné dans les départements du centre aux enfants confiés aux soins des nourrices des campagnes par les hospices de Paris.

Parisianisme

France, 1907 : Habitude, état d’esprit, manière de penser ou d’agir des Parisiens.

Consultez-les, les magnats de la publicité ; s’ils daignent répondre, ils vous affirmeront d’abord qu’ « on ne peut écrire qu’à Paris ». Est-ce qu’on pense, est-ce qu’on parle français en province ? Y connait-on l’esprit parisien, le parisianisme, comme d’aucuns disent, cette qualité maîtresse, qui figure au nombre des grandes découvertes de ce siècle ?

(Est Républicain)

Il est atteint d’une infirmité : c’est une variété du snobisme, que l’on pourrait appeler le parisianisme aigu.

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Parisien

Larchey, 1865 : Matelot indiscipliné et négligent.

Ah ! mille noms ! faut-il être Parisien ! j’ai oublié l’ampoulette !

Phys. du Matelot, 1843.

Delvau, 1866 : s. m. Vieux cheval invendable, — dans l’argot des maquignons.

Delvau, 1866 : s. m. Niais, novice, — dans l’argot des marins.

Delvau, 1866 : s. m. Homme déluré, inventif, loustic, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Rosse caractérisée ; cheval bon pour l’abattoir, — dans le jargon des maquignons.

Rigaud, 1881 : Quelles que soient sa nationalité et sa condition sociale, tout être humain qui fait de la villégiature, soit pendant un jour, soit pendant six mois est un Parisien, c’est-à-dire un imbécile bon à duper, — dans le jargon des paysans des environs de Paris, qui ont le plus profond mépris pour tout ce qui vient de la ville. Œufs frais de deux mois, volailles étiques, asperges à grosses épaulettes, fruits pourris, tout ça c’est « bon pour les Parisiens ». Et le Parisien paye tout cela très cher, trouve tout cela exquis et appelle le paysan « nature simple et primitive ». Parisien. Sottise la plus grande, la plus injurieuse à un matelot. Désignation, dans les bâtiments, d’un pauvre sujet et quelquefois d’un mauvais sujet. (Villaumez, Dict. de marine.)

Rigaud, 1881 : Petite tricherie aux dominos, pose d’un domino non correspondant au précédent ; par exemple : du quatre sur du cinq, du trois sur du deux. Quelquefois comme « le premier pas » le parisien se fait sans qu’on y pense.

La Rue, 1894 : Vieux cheval pour l’abatage.

France, 1907 : Épithète injurieuse donnée autrefois dans les régiments aux mauvais soldats, aux tireurs de carottes, aux fortes têtes, à ceux qui esquivent le service. Il serait curieux de rechercher l’origine de cette appellation, qui ne remonte pas, comme quelques-uns l’ont prétendu, aux événements de juin 1848 où la troupe eut maille à partir avec les Parisiens, car on trouve dans Vadé à l’adresse de ceux-ci une appréciation fort injurieuse. Dans un Extrait de l’inventaire des meubles et des effets trouvés dans le magasin d’une des harengères de la Halle, il donne ironiquement, sous forme de qualités, la nomenclature des défauts reprochés à différents peuples ou différentes provinces de la France :

Plusieurs autres grands traités sur divers sujets, en un petit volume, savoir :
De la constance des Français dans la manière de s’habiller !
De la bonne foi des Italiens.
De l’humanité des Espagnols et des Gascons.
De la sobriété des Allemands et des Polonais.
De la fidélité des Anglais.
De la propreté des Hybernois.
De la politesse des Suisses et des Flamands.
De la probité des Normands.
De la simplicité des Manceaux.
De la subtilité d’esprit des Champenois.
Des ruses des Picards.
De la bravoure des Parisiens.

 

— Un marin, c’est celui-là, voyez-vous, qui n’est ni pioupiou, ni Parisien, sauf votre respect ; un homme comme moi, quoi !

(G. de La Landelle, Les Gens de mer)

France, 1907 : Cheval bon pour l’abattoir ; sans doute une allusion au surmenage des chevaux de Paris qui sont vite fourbus

Parisien à gros bec

Virmaître, 1894 : Quand, dans les ateliers, un provincial fait de l’embarras, qu’il prend des airs casseurs, qu’il fait le crâne et dit : nous autres Parisiens, parce qu’il habite la capitale depuis six mois, on lui répond :
— Tu n’es qu’un Parisien à gros bec (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Provincial fraîchement débarqué à Paris.

Parisienne

France, 1907 : « Vergue placée à une petite hauteur au-dessus du pont, et sur laquelle sont d’abord exercés les fistots, incapables naturellement de manœuvrer sur les vergues ordinaires, avant d’avoir pris de l’aplomb et s’être débarrassés du vertige.
Ce nom de Parisienne vient de la piètre estime dans laquelle tout matelot tient les recrues nées à Paris, loin de la mer, et qui sont considérées comme peu aptes à faire de bons gabiers.

(Un ancien officier, Histoire de l’École navale)

France, 1907 : Pantalon de grosse toile que les ouvriers passent par-dessus leur pantalon ordinaire pour le garantir pendant le travail.

Parisine

France, 1907 : Mot inventé par Nestor Roqueplan, qui prétendait que l’atmosphère de Paris, l’air qu’on y respire, « son ambiance », suivant l’expression d’aujourd’hui, étaient imprégnés à haute dose, saturés d’un relent spécial qui donnait une sorte de vernis d’esprit même aux nombreux imbéciles qu’on rencontre à chaque pas dans la Ville-Lumière. Ce vernis d’esprit, dénommé avant lui bagout parisien, il l’a baptisé du nom de parisine.
Certains provinciaux de bon sens affirment que la parisine n’est qu’un composé d’ignorance, de j’m’enfoutisme et de hâblerie !

Parlage

d’Hautel, 1808 : Pour bavardage, abondance de paroles inutiles, et qui n’ont le plus souvent ni rime ni raison.

France, 1907 : Paroles inutiles et sans portée. Discours funéraire.

Parlement

d’Hautel, 1808 : C’est un parlement sans vacances. Se dit par mépris d’un homme qui ne décesse de parler, d’un grand babillard, d’un par leur éternel.

Rigaud, 1881 : Langue. — Ouvrir le parlement, faire l’ouverture du parlement, parler.

France, 1907 : Bavardage. Parlement sans vacances, bavard insupportable. Ouvrir le parlement, commencer à bavarder. « Dès que la vieille ouvre le parlement, elle n’en finit plus. »

Parlement n’a presque jamais dansé sans viole

France, 1907 : Vieux dicton dont Gaignères donne ainsi l’explication.

La famille de Violle est assez ancienne dans le Parlement de Paris, et il y eu jusqu’à dix ou douze conseillers en divers temps. Depuis l’an 1506 que Jean Viole y fut reçu, Pierre en 1522, Jacques en 1543, Guillaume en 1550, Claude en 1553, Jacques en 1574, Nicolas en 1575, Nicolas en 1596, Jacques en 1604, Pierre en 1625, Pierre en 1642, et autres, ce qui, par allusion au nom de Viole, a fait dire que le Parlement n’a presque jamais dansé sans Viole, à cause qu’il y en a eu beaucoup dans cette cour.

Parlementage

d’Hautel, 1808 : Pour propos, commérage, bavardage ; discussion, conversation frivole, qui ne peut qu’être nuisible.

Rigaud, 1881 : Discours, conversation. (1824.)

France, 1907 : Bavardage.

Un méchant bailli de malheur
S’avisi de rendre eun’ sentence…
Mais si j’savions l’parlementage,
Tous ces messieurs qui ont d’l’honneur
Auriont réparé not’ malheur,
En empêchant toutes leux malices
Par la bonté de leux justice.

(Les Citrons de Javotte)

Parlementer

d’Hautel, 1808 : Entrer en composition ; chercher à s’entendre, à s’accorder.
Ville qui parlemente est à demi-rendue. Pour dire que quand on en vient à parlementer, c’est un signe que l’on ne peut plus se défendre.

Parler

d’Hautel, 1808 : Parler à une femme. Pour dire la courtiser ; faire le galant auprès d’elle ; lui conter fleurettes.
Parler comme saint Paul la bouche ouverte. C’est-à-dire, parler à haute et intelligible voix ; de manière à être entendu de tous ceux qui sont présens.
Voilà ce qui s’appelle parler. Se dit lorsque quelqu’un fait des propositions beaucoup plus avantageuses que celles auxquelles on avoit droit de s’at tendre.
C’est parler français. Pour dire c’est s’expliquer clairement.
Vous parlez ďor. Pour, votre avis est excellent. Parler de la pluie et du beau temps. Discourir sur des objets frivoles ; s’entretenir de choses indifférentes.
Faire parler quelqu’un. Ajouter aux paroles de quelqu’un ; y donner un autre sens que le véritable.
Quand les ânes parleront latin. Pour dire que quelque chose n’arrivera jamais.
Il vaudroit autant parler à un sourd. Se dit d’une personne qui ne veut point entendre ce qu’on lui dit, ou qui feint de ne pas comprendre.
Parler le cœur dans la main. Pour dire sincèrement ; avec franchise.
Trouver à qui parler. Rencontrer quelqu’un capable de tenir tête.
Parler des grosses dents. Maltraiter quelqu’un en paroles ; l’apostropher avec vigueur ; s’emporter, se mettre en colère.
Parler d’une affaire à bâtons rompus. En parler à plusieurs reprises, sans suite et sans amener de résultat.
Parler en l’air. Sans aucun dessein ; sans vue particulière, d’une manière indifférente.
Il parle pour parler. Locution vicieuse et explétive qui se dit d’un homme dont les discours n’ont aucun sens.
Il parle comme un perroquet.
Pour, il répète ce qu’il a entendu dire ; sans savoir ce qu’il dit.
Parler à cheval à quelqu’un. Lui parler avec hauteur, et d’un ton dur.
Il faut laisser parler le monde. Pour dire, il ne faut pas s’inquiéter des propos publics.
Cela ne vaut pas la peine d’en parler. Se dit de quelque chose de peu de valeur, ou d’un service peu considérable, dont on ne veut pas accepter de remercîment.
Parler à son bonnet. Parler à soi-même ; parler tout seul.
Parler des yeux. Faire des signes ; être d’intelligence.
Les murailles parlent. Pour dire qu’il se trouve souvent des témoins dans les choses que l’on croit les plus cachées.
Parler par compas et par mesure. Parler d’une manière affectée et ridicule.

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Il parla à la belle cordonnière dessous sa robe à part.

(Les Cent Nouvelles nouvelles.)

Parlez toujours, voyez combien
Je me plais à votre entretien.

Collé.

France, 1907 : Euphémisme qu’emploient les bourgeoises pour copuler. « Mon mari me parle tous les matins, dit une prude, — Oh ! répond son amie jalouse, le mien n’est pas aussi bavard. »

Parler à son bonnet

France, 1907 : Se parler à soi-même.

Parler boutique

Delvau, 1866 : v. n. Ne s’entretenir que des choses de l’état qu’on exerce, de l’emploi qu’on remplit, contrairement aux règles de la civilité, qui veulent qu’on s’occupe peu de soi quand on cause avec les autres. Argot du peuple.

France, 1907 : Ne s’entretenir que du métier ou de la profession qu’on exerce, ce qui assomme généralement ceux qui sont étrangers à cette profession.

Parler chrétien

Delvau, 1866 : v. n. Parler nettement, clairement, de façon que personne ne s’y trompe.

France, 1907 : Parler clairement, nettement, raisonnablement. Dicton de dévot devenu populaire, le christianisme étant pour les fidèles la seule religion raisonnable et sensée. De même on disait d’une jolie femme : C’est une belle chrétienne.

Parler comme le diable toujours en l’Évangile

France, 1907 : Se dit des escrocs et des filous qui parlent sans cesse de leur probité.

Parler comme Sénèque de la pauvreté

France, 1907 : Mentir à ses théories, afficher des principes que l’on ne met pas en pratique, être faux sage, faux vertueux. La prétendue sagesse de Sénèque consistait à ne pas manger de viande et à ne pas boire de vin, suivant les préceptes de Pythagore ; mais, à part ces vertus négatives, il cultivait tous les vices. Il séduisit la femme de Domitius, son bienfaiteur, fut exilé en Corse, puis chassé de Corse pour ses mauvaises mœurs, car il n’aimait pas la viande des animaux morts, il aimait la chair vivante des fillettes et des petite garçons. S’il dédaignait les plaisirs de la table, il ne se refusait aucun des autres. Il professait le mépris des richesses et sa maison était la plus somptueusement meublée de Rome. Il se fardait. portait des vêtements efféminés et écrivit sur un pupitre d’or massif ses plus éloquentes pages sur la pauvreté. Tel est celui dont « Rome estimait les vertus ». Combien, dans le monde, de vertueux comme Sénèque ! Méfions-nous des stoïques et des purs !

Parler comme une nouvelle mariée

France, 1907 : Parler inconsidérément, à tort et à travers.
À Rome, les nouveaux époux donnaient à leurs amis un grand repas le lendemain des noces. La mariée y présidait avec son mari sur le lit nuptial et le traitait publiquement, dit C. de Méry, avec une familiarité excessive. Elle mettait ordinairement si peu de réserve dans sa conversation que lorsque, dans d’autres circonstances, une femme parlait inconsidérément, on disait : « Elle parle comme une nouvelle mariée. »

Parler du puits

France, 1907 : Perdre son temps en propos inutiles, et pour une chose qui ne vaut pas la peine qu’on s’en occupe. Cette expression est employée par les gens de théâtre et en voici, d’après Joachim Duflot, l’origine :

Bouffé est un artiste très consciencieux, mais surtout très méthodique ; il ne se laisse pas guider par l’inspiration, tout doit être convenu à l’avance : paroles, gestes et pas. Dans un vaudeville dont nous tairons le titre, Bouffé devait descendre dans un puits. Dès le premier jour, il s’inquiéta de quel côté il descendrait dans le puits, et cette question donna lieu à une discussion fort longue. L’heure accordée passa, et la répétition fut remise au lendemain. Le lendemain, Bouffé crut s’apercevoir que la margelle du puits n’était pas assez large. Grande discussion à propos de la margelle. – « On ne peut se risquer à entrer dans ce puits avec une margelle aussi étroite. Qu’on fasse une autre margelle et je descendrai. » Le jour suivant, on essaie la nouvelle margelle : elle est d’une largeur ridicule, elle rend le puits trop étroit, on ne peut s’y mouvoir. — «  Gardez la margelle si vous voulez, mais élargissez le puits. » On défait, on refait, puis on démolit, puis on recommence, puis chaque jour une heure se passe à parler du puits, — c’est-à-dire d’une chose qui ne mérite pas tant de salive. Bouffé sera mort depuis longtemps qu’on parlera encore du puits.

Parler en bas-relief

Delvau, 1866 : v. n. À voix basse, entre ses dents. Argot des artistes.

France, 1907 : Parler à voix basse ; argot des sculpteurs.

Parler français comme une vache espagnole

France, 1907 : Telle qu’elle est écrite et répétée, cette expression n’a aucun sens. C’est parler le français comme un Basque l’espagnol qu’il faut dire. L’erreur vient de la confusion que font les Espagnols entre le b et le v. De basque, en latin vasco (gascon), on a fait vache. Et le proverbe est resté ainsi. La langue basque, langue celtique, n’a aucune similitude avec l’espagnol, pas plus qu’avec le français. Aussi dit-on d’un personne qui écorche notre langue qu’elle la parle aussi mal qu’un Basque parle l’espagnol.

Parler frelu

France, 1907 : Cette expression a deux significations dans le patois du Centre : 1o parler avec affectation, avec recherche, comme les beaux messieurs de la ville, les freluquets, dont frelu est l’apocope ; 2o parler argot, frelu signifiant autrefois vaurien, larron, voleur de grand chemin.

Parler gras

Delvau, 1864 : Tenir des propos gaillards ; appeler les choses par leur véritable nom, et non par les ridicules périphrases dont les habille la pudeur de mauvais aloi des bourgeois et des bégueules.

Parler landsman

Delvau, 1866 : v. n. Parler la langue allemande, — dans l’argot des ouvriers.

France, 1907 : Parler allemand ; argot des faubouriens.

Parler latin aux bêtes

France, 1907 : Donner des explications à des imbéciles, tenir à des sots des conversations qu’ils sont incapables de comprendre ou qu’ils entendent de travers.

Le valet du comédien Valeran le Picard se plaignoit que le latin de son maistre les feroit mourir tous deux de faim, car un pauvre lui ayant prié de demander à son maistre s’il lui vouloit rien donner, et Valeran lui ayant répondu : Nolo, nolo, le valet, entendant nos lots, nos lots, bailla le lot plein de vin au pauvre. Peu après, un autre mendiant s’estant présenté au mesme valet, et prié de dire à son maistre s’il pouvoit luy donner quelque chose, qu’il le fist, Valeran ayant répondu : Non possum, non possum, le valet pensant qu’il dist nos poissons, donna les deux poissons qu’il avoit apprestés pour le diner de Valeran. Ces équivoques font trouver le proverbe véritable qu’il ne faut pas parler latin aux bestes.

(Bigarrures du Seigneur des Accords)

Parler latin devant des cordeliers ou devant des clercs

France, 1907 : Parler de choses devant des personnes qui les savent mieux que vous. Les cordeliers, en leur qualité de moines, savaient le latin ; et l’on appelait clerc tout étudiant ayant fait ses humanités, c’est-à-dire sachant le latin et le grec.

Parler papier

Larchey, 1865 : Écrire.

C’est lui qui parle papier pour moi à mon oncle.

Vidal, 1833.

Delvau, 1866 : v. n. Écrire, — dans l’argot des troupiers.

France, 1907 : Écrire ; argot des faubouriens.

Parler vougri

France, 1907 : Parler auvergnat, ainsi appelé à cause du mot vougri, corruption de bougre, qui, ainsi que fouchtra, se présente continuellement dans la conversation des charbonniers natifs de l’Auvergne.

Et quand il le vit bien allumé, il lui lâcha sa petite histoire : comme quoi il y avait une certaine charbonnière qui et que, mais avec laquelle on n’arrivait à lutter que par ruse ; qu’il fallait, pour s‘introduire dans l’arrière-boutique, que le baron se camouflât en gars de Saint-Flour et parlât vougri et fouchtra, et usât alors quasi de violence.

(Jean Richepin)

Parler ze-ze

Delvau, 1866 : v. n. Bléser, substituer une consonne faible à une consonne forte, ou l’s au g, ou le z à l’s. Argot du peuple.

France, 1907 : Substituer une consonne faible à une consonne forte, zézayer comme font les petits enfants ; argot populaire.

Parlère

France, 1907 : Parlerie, babil, abondance de paroles oiseuses et inutiles.

Parlerie

d’Hautel, 1808 : Bavardage, propos, commérage, caquetage.

Parleur

d’Hautel, 1808 : Faire le beau parleur. Affecter un langage précieux et ridicule.

Parleux

France, 1907 : Causeur, bavard.

Parloir des singes

Delvau, 1866 : s. m. Parloir où les prisonniers sont séparés des visiteurs par un double grillage. Argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Parloir à double grillage, — dans le jargon des prisons.

Virmaître, 1894 : Parloir des prisons. Allusion aux trois grilles entre lesquelles sont enfermés les visiteurs et les prisonniers (Argot des voleurs).

France, 1907 : Salle où l’on permet aux prisonniers de voir leurs visiteurs, dont ils sont séparés par une double grille.

Parlotte

Larchey, 1865 : Lieu où l’on commère.

La Chambre des députés n’est plus qu’une buvette, un cercle, une parlotte.

Alph. Karr.

Delvau, 1866 : s. f. Lieu où l’on fait des commérages, que ce soit la Chambre des députés ou le Café Bouvet ; tel foyer de théâtre ou telle loge de danseuse. Plus spécialement l’endroit où se réunissent les avocats.

France, 1907 : Bavardage. On dit aussi parlotterie.

Bellac, ce soir-là, semblait un robinet de fontaine et sa parlotte coulait, coulait, blanche, terne, exaspérante, à endormir tous ceux qui l’écoutaient.

(Mora, Gil Blas)

France, 1907 : Lieu où l’on parle. « La Chambre des députés, disait Alphonse Karr, n’est plus qu’une buvette, un cercle, une parlotte. »

Parlotter

Delvau, 1866 : v. n. Bavarder.

France, 1907 : Bavarder.

Parlotterie

Delvau, 1866 : s. f. Abondance de paroles avec une pénurie d’idées. L’expression est d’Honoré de Balzac.

Parlottes

France, 1907 : On appelait ainsi, sons la restauration, des salles de conférences oû venaient s’exercer aux luttes de la tribune les jeunes sens qui se destinaient à la vie politique.

Parlotteur

Delvau, 1866 : s. m. Bavard.

France, 1907 : Bavard ; orateur de réunions publiques ; débiteur de lieux communs.

Le système néo-chrétien de Tolstoï ne serait vrai que s’il réunissait un jour l’unanimité des suffrages, et ce jour-là est aussi loin que la Jérusalem céleste, et que tous les paradis promis. En attenant, il faut vivre avec les loups en leur résistant et en les refoulant le plus possible ; il faut faire valoir son droit à la force du poignet ; il faut toujours être prêts à se rebiffer contre l’exploiteur. Et si jamais la guerre devient impossible, si l’autorité croule et s’effondre, ce sera seulement quand le peuple conscient de sa force aura chassé tous les loups dévorants et ne consentira plus à servir les dirigeants, à nourrir les possédants. Nous, qui ne voyons pas plus l’histoire contemporaine et l’ensemble du mouvement actuel qu’un nageur sur le dos ne voit le mouvement des flots, nous ne savons pas trop si nous avançons ou si nous reculons ; et peut-être que, dans cinquante ans d’ici, quand nous serons tous claqués ou bien près, on dira des hommes de la fin du XIXe siècle que c’étaient des avachis, des parlotteurs et des imbéciles.

(Le Père Peinard)

Parmentière

France, 1907 : Nom donné primitivement à la pomme de terre, à cause du célèbre agronome Parmentier qui l’introduisit du Hanovre en France

Parmesard

Delvau, 1866 : s. m. Pauvre diable à l’habit râpé comme parmesan, — dans l’argot facétieux des faubouriens.

France, 1907 : Pauvre diable dont les vêtements sont râpés et montrent la corde. Jeu de mot sur parmesan ; en d’autres termes : râpé comme du parmesan.

Parmezard

Rigaud, 1881 : Pauvre ; pour parmesan, c’est-à-dire râpé comme du parmesan, — dans le jargon des voleurs.

Parnassien

France, 1907 : Nom donné à une réunion de jeunes poètes qui, vers 1860, se proposèrent de réagir contre l’influence de Lamartine et d’Alfred de Musset, raillant la fausse sentimentalité et les négligences de la forme, proclamant la souveraineté du style. Ils prirent comme axiome cette strophe de Théophile Gautier :

Point de contraintes fausses !
Mais que, pour marcher droit,
Tu chausses,
Muse, un cothurne étroit.

Cette pléïade compta nombre de poètes devenus célèbres depuis : Théodore de Banville, Leconte de Lisle, Sully-Prudhomme, Armand Silvestre, Catulle Mendés, François Coppée.
Catulle Mendès a publié un volume ou il donne l’histoire du Parnasse.

Parnelliste

France, 1907 : Partisan de la politique de Parnell, patriote irlandais, c’est-à-dire partisan de la séparation et de l’indépendance de l’Irlande.

Paroisse

d’Hautel, 1808 : Un habit de trente-six paroisses. Pour dire, un habit composé de plusieurs étoffes, de différentes couleurs.
C’est le coq de sa paroisse. Pour dire, le plus hupé, le plus riche.

Paroisse de Saint-Pierre-aux-Bœufs (être de la)

France, 1907 : Se disait autrefois et se dit encore en certains coins de province d’un homme lourd, grossier, stupide.

Paroissien

d’Hautel, 1808 : Il a affaire au curé et aux paroissiens. Pour dire, il a à contenter des personnes qui ont des intérêts très opposés.

Larchey, 1865 : Individu.

Que de paroissiens fameux dont il ne serait plus question par ici, si un homme de talent n’était là pour leur y tailler une couronne de n’importe quoi sur la mémoire !

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. m. Individu suspect, — dans l’argot du peuple. Drôle de paroissien. Homme singulier, original, qui ne vit pas comme tout le monde.

Rigaud, 1881 : Inconnu de mauvaise mine. Paroissien de Saint-Pierre-aux-Bœufs, niais.

France, 1907 : Individu quelconque ; s’emploie en mauvaise part. « Qu’est-ce que c’est encore que ce paroissien-là ? » « Fourrez-moi ce paroissien au bloc. »

Paroissien de saint Pierre aux bœufs

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, — dans l’argot du peuple, qui sait que ce saint est le patron des grosses bêtes.

Paroitre

d’Hautel, 1808 : Il n’y a rien qu’il y paroisse. Pour dire, cela est encore très-visible, frappe les yeux.

Parole

d’Hautel, 1808 : Il n’a pas deux paroles dans le ventre. Se dit d’un idiot, d’un homme ignorant et stupide dont on ne peut tirer une parole satisfaisante ; qui n’a point de conversation.
À grand seigneur peu de paroles. Pour dire, qu’il ne faut pas abuser de leur audience.
Les paroles ne puent pas. Trivialité dont on se sert pour excuser des propos sales et obscènes.
Les paroles du matin ne ressemblent pas à celles du soir. Pour dire que les hommes sont sujets à changer d’avis.
La parole vaut le jeu. Se dit lorsqu’on joue une somme quelconque, sans la mettre effectivement au jeu.
On lui fera rentrer les paroles dans le ventre. Se dit par menace à quelqu’un qui s’est permis de dire des paroles choquantes ; de tenir de mauvais propos.

Parole d’angelot, ongle de diabletot

France, 1907 : Méfiez-vous des gens à parole mielleuse.

Parole est argent, silence est d’or

France, 1907 : Sage maxime que nombre de parlementaires devraient suivre. « Assez sçait qui sçait vivre et se taire », disait encore un vieux proverbe, renouvelé du latin : Sapit qui vivere et silere novit.

Paroler

France, 1907 : Bavarder, dire des paroles inutiles et oiseuses comme les commères qui vont jacasser de porte en porte ; patois picard. En patois normand, c’est parler avec emphase, affectation.

Paroli

d’Hautel, 1808 : Faire paroli. Signifie, tenir tête, vouloir égaler quelqu’un d’un mérite supérieur, renchérir sur ce qu’il a dit ou fait.

Parolier

France, 1907 : Auteur collaborant avec le compositeur pour écrire le livret d’un opéra ou le texte d’une romance.

Paron

Delvau, 1866 : s. m. Palier de maison, carré, — dans l’argot facétieux des voleurs.

Rigaud, 1881 : Carré, palier d’étage ; jeu de mots : pas rond.

La Rue, 1894 : Palier d’étage. Carré.

France, 1907 : Carré, palier d’étage ; argot des voleurs ; littéralement, pas rond.

Parouflard

France, 1907 : Paroissien.

Paroufle

Halbert, 1849 : Paroisse.

Virmaître, 1894 : La paroisse. C’est un sale parouflard ; pour sale paroissien (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Paroisse.

France, 1907 : Paroisse.

Paroxiste

Delvau, 1866 : s. m. Écrivain qui, comme Alexandre Dumas, Eugène Sue, Paul Féval et Ponson du Terrail, recule les limites de l’invraisemblance et de l’extravagance dans le roman. Le mot est de Charles Monselet.

Parpaillot

France, 1907 : Vieux sobriquet donné aux protestants. Il s’est conservé dans les localités où il existe encore un antagonisme entre les deux communions chrétiennes.
Le Duchat donne de ce mot, qui n’est guère employé que par les protestants de la Provence et du Languedoc, l’étymologie suivante : « François-Fabrice Sorbellon, parent du pape, ayant fait décapiter à Avignon messire Jean Perrin, seigneur de Parpaille, président à Orange, le 8 août 1562, c’est de là qu’est venu le nom de parpaillot qui fut renouvelé au siège de Montauban. »

Parque (la)

Delvau, 1866 : La Mort, — dans l’argot des académiciens.

Parrain

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Témoin. Faire suer les parrains, assassiner les témoins d’un crime.

Bras-de-Fer, 1829 : Témoin.

Clémens, 1840 : Plaignant.

un détenu, 1846 : Avocat d’un accusé.

Halbert, 1849 : Juge assistant le président.

Larchey, 1865 : Témoin. — Allusion à la fonction du parrainage qui consiste à donner votre nom, à faire constater votre identité. — Parrain fargueur : Témoin à charge. — Parrain d’altèque : Témoin à décharge. — V. Estourbir.

Des parrains aboulés dans le burlin du quart d’œil ont bonni qu’ils reconobraient ma frime pour l’avoir allumée sur la placarde du fourmillon, au moment du grinchissage.

Vidocq.

Delvau, 1866 : s. m. Avocat d’office, dans l’argot des voleurs. Signifie aussi Témoin. Parrain fargueur. Témoin à charge. Parrain d’altèque. Témoin à décharge.

Rigaud, 1881 : Témoin, dans l’ancien argot. — Parrain fargueur, témoin à charge. — Parrain d’altèque, témoin à décharge. — Parrainage, témoignage.

La Rue, 1894 : Témoin. Avocat. Juge assistant le président.

Virmaître, 1894 : Avocat. Il sert en effet de parrain à l’accusé, il le tient sur les fonds baptismaux en cour d’assises (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Plaignant d’un vol.

Rossignol, 1901 : Avocat.

France, 1907 : Témoin ; argot des voleurs. « Des parrains aboulés dans le burlin du quart d’œil ont bonni qu’ils reconnobraient ma frime pour l’avoir allumée sur la placarde du fourmillon au moment du grinchissage. »

(Mémoires de Vidocq)

Le parrain d’altèque est le témoin à décharge ; le parrain fargueur, le témoin à charge. Parrain à la manque, faux témoin.

Parrain bêcheur

France, 1907 : Procureur de la République.

Parrainage

France, 1907 : Déposition.

Part

d’Hautel, 1808 : Il a fait son pot à part. Se dit d’un homme qui, sous l’apparence de la réserve et de la discrétion, ne s’est point oublié dans une affaire.
On vous en garde dans un petit pot à part. Se dit ironiquement pour faire entendre à quelqu’un qu’il n’y a rien à espérer pour lui dans une distribution.
Part à nous deux. On se sert de cette locution quand quelqu’un avec lequel on va de compagnie, fait une trouvaille quelconque, pour dire qu’on en retient sa part ; qu’on espère en avoir sa part.
Avoir part au gâteau. Être intéressé dans les bénéfices d’une entreprise, ou dans une succession.

Part à douze

France, 1907 : Paradis ; argot militaire. Jeu de mot sur part à dix.

— Ah ! nom d’une soupe à l’oignon, ils ne le porteront pas en part à douze…

(Ch. Dubois de Gennes)

Part aux chiens (ne pas donner sa)

France, 1907 : Ne pas abandonner ce à quoi l’on a droit.

Ce sont les compagnons qui nous taillent la soupe,
Du diable si j’en vais donner ma part aux chiens.

(Paul Déroulède, Chants du soldat)

Part du capitaine

France, 1907 : La plus belle part d’un butin : la plus jolie fille de la place prise d’assaut.

Partagas

Rigaud, 1881 : Cigare supérieur de la Havane ; du nom du fabricant. Comme prix, l’antipode du petit-bordeaux, quelquefois tout aussi mauvais.

Partage

d’Hautel, 1808 : C’est le partage de Montgommeri, tout d’un côté rien de l’autre. Se dit quand on fait un partage d’une inégalité choquante.

Partager

d’Hautel, 1808 : Partager en frères. Pour dire sans contestation, sans dispute, amiablement.
Partager le différent pas la moitié. Se relâcher chacun de ses prétentions pour conclure une affaire.
Partager un cheveu. Pour dire jusqu’aux plus minutieux objets.

Partageuse

Delvau, 1866 : s. f. Femme entretenue qui a l’habitude de prendre la moitié de la fortune des hommes, — quand elle ne la leur prend pas tout entière. Argot des gens de lettres. L’expression date de 1848, et elle appartient à Gavarni.

France, 1907 : Femme ou fille entretenue.

Partageux

Delvau, 1866 : s. m. Républicain, — dans l’argot des paysans de la banlieue.

France, 1907 : Nom donné par les paysans aux républicains.

Ainsi fit jadis Bonaparte quand il préparait son coup d’État. Tandis qu’il affichait, pour séduire les ouvriers des grandes villes, des tendances socialistes, les comités qui recevaient ses instigations faisaient répandre à profusion par les campagnes de petits livres haineux prêchant aux paysans l’horreur et l’effroi des partageux.

(Marcel Sembat, Le Souverain)

Voici comment l’on entend d’ordinaire le partage. Un Parisien disait à un vieux paysan : « Comment, voilà que vous devenez partageux ? Mais vous ne savez donc pas que le jour où l’on mettrait tout en commun, vous n’auriez pas cent écus pour votre part ?
— Eh ben ?… avec ce que j’ai déjà ! »

(Dr Grégoire, Turlulaines)

Partance

d’Hautel, 1808 : Voilà le coup de partance. Se dit en plaisantant, pour l’heure à laquelle on est contraint de se rendre quelque part.

Parterre

d’Hautel, 1808 : Faire un parterre. Se laisser tomber, se laisser choir.

France, 1907 : Chute ; patois du Centre. On dit généralement, pour faire une chute, prendre un billet de parterre, faire un parterre, jeux de mot.

Parterre (prendre un billet de)

Larchey, 1865 : Tomber. — Calembour.

Parthe (flèche de)

France, 1907 : Lancer une flèche de Parthe, c’est lancer en se retirant une épigramme, un mot méchant auquel celui qui le reçoit n’a pas le temps de répondre. Allusion à l’ancienne manière de combattre des Parthes qui, excellents cavaliers et excellents archers, harcelaient l’ennemi par des charges consécutives, puis fuyaient en lançant leurs traits, pour recommencer ensuite l’attaque. C’était la tactique des Arabes pendant les guerres de la conquête de l’Algérie.

Parthénomancie

France, 1907 : Divination d’après les signes de la virginité.

Parti

d’Hautel, 1808 : Prendre son parti en grand capitaine. Se dit en plaisantant, lorsqu’on se détermine après avoir hésité long-temps à quelque chose, soit au jeu, soit à une affaire de peu d’importance.
Jouer un mauvais parti à quelqu’un. Lui faire de mauvais tours, le friponner, l’attraper.

Larchey, 1865 : Ivre, endormi.

Allons, les voilà partis, dit Vautrin en remuant la tête du père Goriot et celle d’Eugène.

Balzac.

Parti (être)

Delvau, 1866 : Être gris, parce qu’alors la raison s’en va avec les bouchons des bouteilles vidées. Argot des bourgeois. On dit aussi Être parti pour la gloire.

France, 1907 : Être ivre, parti pour la gloire.

Parti national

France, 1907 : Nom donné au parti boulangiste qui comprenant des gens de toutes les opinions politiques, unis dans le but de renverser le gouvernement opportuniste.

Depuis 1889, la honte du Parlement s’est accrue bien au delà de ce qu’annoncèrent, dans leur pessimisme éclairé, les prédicateurs du Parti national. Ce que nous requérions de justice en ce temps devient, pour les adversaires mêmes, une évidence imminente à réaliser.

(Paul Adam)

Parti, parti pour la gloire

Rigaud, 1881 : Mis en gaité par le vin. Excité par les charmes d’une femme, sur la pente des folies amoureuses.

Particulier

d’Hautel, 1808 : Pour quidam, homme individu.
C’est un particulier qui ne s’endort pas. Pour, c’est un homme intéressé, qui est vigilant pour ses intérêts.
On dit aussi, en parlant d’une femme dont la conduite est peu régulière et la vertu suspecte : C’est une particulière qui a fait des siennes.
En son petit particulier.
Pour, dire en son intérieur, en soi-même.

Larchey, 1865 : Individu. Pris souvent en mauvaise part.

Ah ça ! mais vous êtes donc un particulier dépourvu de toute espèce de délicatesse.

L. Reybaud.

Delvau, 1866 : s. m. Individu quelconque, — dans l’argot du peuple, qui prend ordinairement ce mot en mauvaise part.

Delvau, 1866 : s. m. Bourgeois, — dans l’argot des troupiers.

France, 1907 : Individu quelconque ; civil.

Particulière

Larchey, 1865 : Maîtresse.

Ce terme, si trivial en apparence, appartient à la galanterie la plus raffinée et remonte aux bergers du Lignon. On lit à chaque instant dans l’Astrée : Particulariser une dame, en faire sa particulière dame, pour lui adresser ses hommages. Ces locutions ont sans doute été transmises par le Secrétaire des amants à nos soldats, qui n’ont fait que les abréger.

Laveaux.

Dans l’armée, particulier et particulière sont synonymes de bourgeois et bourgeoise.

Larchey, 1865 : Fille suspecte.

Les mauvaises têtes du quartier qui tiraient la savate pour les particulières de la rue d’Angoulême.

Ricard.

Voilà qu’un mouchard m’amène une particulière assez gentille.

Vidal, 1833.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, bonne amie, — dans l’argot des troupiers. D’après Laveaux, cette expression remonterait aux bergers du Lignon, c’est-à-dire au XVIIe siècle. « On lit à chaque instant dans l’Astrée : Particulariser une dame, en faire sa particulière dame, pour lui adresser des hommages. Ces locutions ont sans doute été transmises par le Secrétaire des Amants à nos soldats, qui n’ont fait que les abréger. »

Fustier, 1889 : Femme légitime. Argot du peuple. Trimballer sa particulière, promener son épouse.

France, 1907 : Maîtresse, femme, fille ; argot de troupier. D’après Laveaux, cette expression remonterait aux bergers de Lignon, c’est-à-dire au XVIIe siècle. « On lit à chaque instant dans l’Astrée : Particulariser une dame, en faire sa particulière dame, pour lui adresser des hommages. Ces locutions ont sans doute été transmises par le Secrétaire des amants à nos soldats, qui n’ont fait que les abréger. »

(A. Delvau)

— Eh ben ! que répondit La Ramée, sans vous commander, mon colonel, je voudrais censément faire une connaissance.
Il n’avait pas plutôt fini de parler, qu’il vit sortir d’un buisson deux particulières comme il n’en avait même jamais vu et qu’il n’y a pas un officier qui puisse se vanter d’en avoir jamais eu une de ce calibre.

(Jules Noriac, Un grain de sable)

Partie

d’Hautel, 1808 : Une partie fine. On appelle ainsi un tête à tête amoureux ; un divertissement secret.
Partie quarrée. Divertissement, partie de plaisir composée de quatre personnes, moitié hommes, moitié femmes.
Il est la partie honteuse de cette compagnie. Se dit de celui qui, par ses vices, déshonore une compagnie.
Qui n’entend qu’une partie n’entend rien. Signifie que dans une affaire, il ne faut jamais prononcer sans avoir entendu tous les intéressés.
Parties d’apothicaires. Mémoires surchargés ou il y a beaucoup à rabattre.
Qui quitte la partie la perd. Signifie que celui qui quitte le jeu, qui se retire d’un emploi ou d’une affaire n’a plus droit au bénéfice.
Il ne faut pas remettre la partie au lendemain. Pour, il ne faut jamais différer ce que l’on peut faire à l’instant.
Faire un coup de partie. Faire quelque chose qui emporte avec soi la décision ou l’avantage d’une affaire.

Delvau, 1864 : Le membre viril.

Elle l’atteint par l’énorme partie.
Dont cet Anglais profana le couvent.

Voltaire.

Et je suis mort en la partie
Qui fait la garée et le cocu.

Maynard.

De sorte que l’on pouvait voir sans difficulté ses parties.

Ch. Sorel.

On ne doit pas dire les parties honteuses, car on ferait tort à la nature, qui n’a rien fait de honteux.

(Moyen de parvenir.)

Le marquis, de plus en plus étonné, et se reboutonnant pour ne pas laisser voir ses parties, vraiment honteuses en ce moment…

Jean Du Boys.

Delvau, 1866 : s. f. Pièce montée où chacun paie son rôle, — dans l’argot des acteurs amateurs. C’est une sorte de pique-nique théâtral. Monter une partie. Monter une pièce destinée a être jouée sur un théâtre de campagne.

Delvau, 1866 : s. f. Aimable débauche de vin ou de femmes. Partie carrée. Partie de plaisir à quatre, deux hommes et deux femmes. Partie fine. Rendez-vous amoureux dans un cabinet particulier. Être en partie fine. Être avec une dame n’importe où.

La Rue, 1894 : Petite débauche. Partie fine, rendez-vous amoureux dans un cabinet particulier. Être en partie fine, être avec une dame. Partie carrée, partie de plaisir à quatre, deux hommes et deux femmes.

France, 1907 : Petite débauche. « Faire une partie. » Quand c’est avec une femme, on dit : « partie fine » et « partie carrée », partie à quatre personnes, deux hommes et deux femmes.

Ce furent des parties carrées dans les canots de louage, près des saules du Bas-Meudon et sous les tonnelles à fritures, où des fourmis courent sur la nappe, !

(François Coppée, Le Coupable)

Partie (faire une)

La Rue, 1894 : Se battre.

Partie (monter une)

Rigaud, 1881 : Donner, en bénéficiaire, une représentation dramatique avec le concours gratuit de camarades, dans une salle louée ad hoc. C’était autrefois à la salle Chantereine que se montaient de préférence les parties ; aujourd’hui c’est à l’École lyrique.

Partie de jambes en l’air

France, 1907 : L’œuvre d’amour.

Partie de traversin

France, 1907 : Somme.

Partie de traversin (faire une)

Delvau, 1866 : Dormir à deux, — dans l’argot des faubouriens. Les Anglais ont une expression analogue : To read a curtain lecture (faire un cours de rideaux), disent-ils.

Partie liée

France, 1907 : Terme de sport désignant une course en plusieurs épreuves.

Parties

Larchey, 1865 : « La fille à parties n’est qu’une prostituée en carte ou isolée, mais avec plus de formes… Si elle se fait suivre par sa tournure élégante ou par un coup d’œil furtif, on la voit suivant son chemin, les yeux baissés, le maintien modeste ; rien ne décèle sa vie déréglée. Elle s’arrête à la porte d’une maison ordinairement de belle apparence ; là, elle attend son monsieur, elle s’explique ouvertement avec lui, et s’il entre dans ses vues, il est introduit dans un appartement élégant ou même riche, où l’on ne rencontre ordinairement que la dame de la maison. » — F. Bérand. Le théâtre de cette rencontre se nomme maison à parties ou maison de passe. L’acte des clientes est qualifié de passe ou passade. — C’est un terme qui remonte au dix-huitième siècle.

Parties (fille à)

France, 1907 : Prostituée élégamment mise avec laquelle on peut faire une partie de plaisir en ville où à la campagne.

Parties charnues

France, 1907 : Le derrière.

Parties charnues (les)

Delvau, 1866 : Les nates, — dans l’argot des bourgeois.

Partir

d’Hautel, 1808 : S’en aller. Si vous êtes pressé, partez devant. Se dit à quelqu’un qui marque beaucoup d’impatience.

France, 1907 : Partager ; vieux français encore en usage dans de Midi ; d’où maille à partir.

Partir à l’anglaise

France, 1907 : S’en aller sans prendre congé de la compagnie. Les Anglais nous retournent le compliment en disant to take a french leave. Mais ce mot french n’est que le résultat d’une ignorance étymologique. French est une corruption de franc, franche, libre, aisée. Prendre un franc congé, s’en aller sans rien dire, n’est-ce pas encore ce qu’il y a de plus discret, car quoi de plus ennuyeux pour soi-même et tous les autres que d’interrompre une conversation dans le seul but de s’incliner devant la maîtresse de maison et de faire mille sourires et autant de grimaces ; la vraie politesse est de ne gêner personne et de s’éclipser sans qu’on fasse attention à vous.

Partir du pied droit

Delvau, 1866 : Bien commencer une affaire, l’engager gaiement et résolument. Argot du peuple. Quand on veut décider quelqu’un on dit : « Allons, partons du pied droit ! » C’est un ressouvenir des superstitions païennes. Quand Encolpe et Ascylte se disposent à entrer dans la salle du banquet, un des nombreux esclaves de Trimalcion leur crie : Dextro pede ! Dextro pede !

France, 1907 : S’engager gaiement et franchement dans une affaire. Cette expression vient, sans doute, de ce que les soldats, dans les mouvements militaires, partent toujours du pied droit. Cependant A. Delvau prétend que c’est un ressouvenir des superstitions païennes. « Quand Encolpe et Ascylte se disposent à entrer dans la salle du banquet, un des nombreux esclaves de Trimalcion leur crie : Dextro pede ! Dextro pede ! « Pied droit ! Pied droit ! »

Partir la paille au c…

Merlin, 1888 : Être libéré, quitter le régiment, alors qu’on était puni de prison ou de salle de police, dont la paille est encore adhérente à la culotte du troubade.

Partir la paille au cul

France, 1907 : S’en aller mal noté ; être expulsé ; rentrer chez soi après avoir passé par la prison, allusion à « la paille humide des cachots ».

Partir le gâteau ou manger le cochon ensemble

France, 1907 : Vivre dans l’intimité de quelqu’un. Partir est ici dans le sens de partager.

Partir pour Cracovie

France, 1907 : Voir Niort.

Partir pour crevant

France, 1907 : Voir Niort.

Partir pour dormillon

France, 1907 : Voir Niort.

Partir pour la gloire

France, 1907 : Être ivre. L’homme ivre, en effet, ne doute de rien et se croit capable de tout vaincre.

Parturient montes

France, 1907 : « Les montagnes accoucheront. » Locution latine tirée d’Horace, qualifiant des promesses qui ne seront jamais suivies d’effet. De quoi accoucheront les montagnes ? C’est à quoi La Fontaine a répondu dans l’une de ses fables : d’une souris.

Pas

d’Hautel, 1808 : Peines, démarches. Il plaint ses pas. Se dit d’un homme qui ne prodigue pas ses démarches, qui n’aime pas à prendre de la peine pour autrui. On dit dans un sens opposé, Il ne plaint pas ses pas.
C’est tout près, il n’y a qu’un pas.
Se dit par raillerie en parlant d’un lieu très-éloigné.
Pas de clerc. Fausse démarche, course vaine et inutile.
Aller à pas de loup. Marcher doucement sur la pointe des pieds, dans le dessein d’épier ou de surprendre quelqu’un.
Il a sauté le pas. Pour dire il est mort.
La peur a bon pas. Pour dire, que quand on a peur, on fuit avec promptitude.
Faire un faux pas. Manquer à l’honneur ; faire banqueroute.

Pas (faire manquer le)

Merlin, 1888 : Faire attendre.

Pas (mettre au)

Merlin, 1888 : Réprimander ou punir.

France, 1907 : Réprimander, corriger.

Pas (ne), ne rien

Larchey, 1865 : Négation est ironiquement prise pour une affirmation dans le peuple de Paris.

Ernest : Avec qui que tu veux que je soye donc ? — Eugène : Merci, tu n’es pas rageur.

Monselet.

On dit de même : Il n’est pas chien pour il est avare ; il n’est rien dégoûté pour il est difficile.

Pas (sauter le)

Larchey, 1865 : Mourir (d’Hautel, 1808). — V. Arnant.

Un étudiant dans sa mansarde, Disposait de sa dernière harde, Puis après, voulait sauter le pas.

Chanson.

Pas clocher devant les boîteux (se)

France, 1907 : Ne faire aucune allusion aux défauts naturels de son prochain. Ne pas parler de corde dans la maison d’un pendu. Les gens affligés d’infirmités physiques ou morales sont généralement fort susceptibles et aptes à se blesser des plus involontaires allusions.

Pas cuit

Virmaître, 1894 : Un courtier demande à un libraire un livre ou une revue ; s’ils ne sont pas parus, on lui répond laconiquement : pas cuit. Mot à mot : ils sont encore au four (en confection) (Argot des libraires). N.

Pas d’arsenal

Merlin, 1888 : Les artilleurs qui vont au polygone prennent le pas d’arsenal, c’est-à-dire une allure lente ; par contre, lorsqu’ils reviennent, la corvée étant faite, et la soupe les attendant, leur allure devient plus vive.

Pas d’omelette sans casser d’œufs

France, 1907 : Cette locution s’explique d’elle-même. Pour obtenir une chose, il faut en sacrifier une autre, et l’on ne vit pas de l’air du temps. Mais d’où vient le mot omelette, ce mets exquis inconnu des Anglais et que seuls les Français savent bien réussir ? Littré n’en donne qu’une vague étymologie ; il se contente de dire qu’en picard l’on dit amelète et amelette dans le bas Maine, ce qui donnerait quelque appui à ceux qui y voient un diminutif d’âme, l’âme de l’œuf ! Il ajoute qu’au XIVe siècle on a dit alumelle et alumette parce que l’omelette est plate commune une alumelle, lame de couteau, amelète étant une corruption d’alumelle. D’autres donnent une étymologie plus tourmentée encore ; ils font venir omelette de l’italien animella et du grec ama luein. Il n’était pas besoin de chercher hors de France, ni de remonter aux temps héroïques. Omelette vient tout simplement d’œufs-meslettes, vieux français diminutif d’œufs mêlés.

Pas de boulot (n’avoir)

France, 1907 : Être sans travail ; et quand on est sans travail, l’on n’a rien à boulotter.

Pas de ça, Lisette !

Larchey, 1865 : Formule négative due sans doute à la vogue de cette chanson connue : Non ! non ! vous n’êtes plus Lisette, etc.

Un jeune drôle fait la cour à ma nièce… pas de ça, Lisette !

Ricard.

Delvau, 1866 : Formule de refus ou de négation, — dans l’argot du peuple, qui connaît son Béranger.

France, 1907 : Formule de négation ou de refus.

Elle les connaissait maintenant, les hommes. Tous des égoïstes et des trahisseurs. Encore un amant, pour qu’il vous plante là, quand il en aura assez, n’est-ce pas ? Et peut-être avec un second bébé. Pas de ça, Lisette !… D’ailleurs, elle ne pensait plus à la bagatelle. Fini, l’amour. La maternité l’avait calmée, assagie.

(François Coppée, Le Coupable)

Pas de chahut

France, 1907 : Fantaisie où l’acrobatie joue le principal rôle, Voir Chahut.

Quelques femmes chantaient et riaient en esquissant un pas de chahut sur la chaussée sous l’œil impassible d’un gardien de la paix qui, le képi sur les yeux et les mains ballantes, demeurait droit comme un bec de gaz et ne daignait rien voir.

(Edmond Lepelletier)

Pas de clerc

France, 1907 : Façon d’agir maladroite, bévue comme en font d’ordinaire les jeunes gens ; les clercs étant généralement des jeunes gens usant leur apprentissage pour des professions exigeant une grande attention et une expérience qu’on n’acquiert qu’avec l’âge.

Pas de fumée sans feu

France, 1907 : Il suffit de connaître un peu la chimie pour savoir que nombre de réactions donnent lieu à un dégagement de fumée sans feu ; quoi qu’il en soit, cela signifie que tout effet a une cause ; quand de méchants bruits courent sur quelqu’un, ils ne sont pas sans fondement. Les commères prisent fort ce dicton, menteur comme beaucoup d’autres.

Pas de petit mercier qui ne sache faire sa loge

France, 1907 : Nul ne peut exercer une profession ou un métier s’il ne sait préparer de lui-même tout ce qui est nécessaire à cet effet. Allusion aux colporteurs et petits marchands ambulants qui, bien que portant sur leur dos tout leur fonds de commerce, savent s’installer dans les gares et les marchés de façon à occuper une place qui représente une loge ou boutique convenable.

Pas de pire eau que celle qui dort

France, 1907 : Défiez-vous des gens mornes et taciturnes, qui songent ordinairement à faire du mal en trahison, disaient nos pères, qui comparaient ces sournois aux eaux dormantes généralement traîtresses et dangereuses. « Évite les gens sournois et taciturnes, est-il écrit dans les Distiques de Caton, car plus un fleuve est silencieux, plus l’eau y est profonde. »

Pas dormir pour tout le monde (ne)

France, 1907 : Fermer par intérêt, faiblesse ou flatterie les yeux sur les méfaits de quelqu’un, mais les tenir grands ouverts sur les fautes des autres. Une amusante anecdote se rattache à ce dicton.
Le fameux Mécène, tant de fois chanté par Horace à cause de ses largesses, avait une femme fort jolie dont l’empereur Auguste devint amoureux. Peu de dames résistent à la passion d’un souverain et Mécène, trop bon courtisan pour ne pas se prêter aux caprices du maître, fermait volontiers les yeux. Une nuit que l’empereur soupait chez Mécène, près de la belle Térentia, il se gêna si peu qu’il prit les dernières libertés. Mécène, pour ne rien voir, se hâta de dormir. Mais, après le tour du maitre, un des familiers d’Auguste s’approcha de Térentia et commença de petites privautés, préliminaires de plus grandes. Le mari, offensé, ouvrit les yeux et s’écria plein de colère : Non omnibus dormio ! « Je ne dors pas pour tous ! » Tous les convives s’esclaffèrent et, dès le lendemain, le mot courait dans Rome.

Pas fait pour mesurer de l’avoine

France, 1907 : Les parties sexuelles de la femme.

Y a belle lurette que la vieille « sagesse des nations » a dit que c’est pas fait pour mesurer de l’avoine…

(Le Père Peinard)

Pas grand’chose

Larchey, 1865 : Personne de médiocre vertu.

Tu as filé avec ta pas grand’chose.

P. de Kock.

Delvau, 1866 : s. m. Fainéant ; homme sans moralité et sans courage, vaurien.

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse, bastringueuse, vaurienne.

Pas la graine

France, 1907 : Point du tout ; patois poitevin. « Il ne m’aime pas la graine. » « As-tu mangé aujourd’hui ? — Pas la graine. » Rabelais emploie grain au lieu de graine.

— Tu as assez crié pour boyre. Tes prières sont exaulcées de Jupiter. Reguarde laquelle de ces trois est ta coingnée et l’emporte. — Couillatris sublieve la coingnée d’or, il la reguarde et la trouve bien poisante : puys dict à Mercure : Marmes, ceste cy n’est mie la mienne. Je n’en veulx grain

(Pantagruel, livre IV, Nouveau Prologue)

Pas mal pour le canal

France, 1907 : Bonne à noyer. Se dit d’une femme laide on acariâtre.

Pas méchant

Delvau, 1866 : adj. Laid, pauvre, sans la moindre valeur, — dans l’argot des faubouriens et des filles, qui emploient cette expression à propos des gens comme à propos des choses. Ainsi, un chapeau qui n’est pas méchant est un chapeau ridicule — parce qu’il est passé de mode ; un livre qui n’est pas méchant est un livre ennuyeux, — parce qu’il ne parle pas assez de Cocottes et de Cocodès, etc.

Pas mèche

Virmaître, 1894 : Impossible de réussir. Mèche pour moyen.
— J’ai beau la chauffer, pas mèche d’y arriver (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Impossible, pas moyen. « Prête-moi un louis ? — Il n’y a pas mèche, je n’ai pas le sou. » — « Peux-tu me faire travailler chez toi ? — Il n’y a pas mèche, il n’y a pas d’ouvrage. »

Pas mettre le doigt entre le bois et l’écorce (ne)

France, 1907 : Il ne faut point se mêler des querelles de personnes naturellement unies, par exemple, d’un mari et de sa femme ; l’on s’expose alors à des désagréments.

Pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe (il n’est)

France, 1907 : Vieux dicton grec passé en latin, puis en français : Non licet omnibus adire Corinthum. Ou encore, suivant l’adage d’Horace :

Non cuivis homini contingit adire Corinthum.

Traduction vulgaire : L’on ne fait pas ce que l’on veut. L’on ne peut se lancer dans telle ou telle entreprise, car il en coûte des efforts et de l’argent. Corinthe, dans l’antique Grèce, étant autrefois, à cause de son temple de Vénus, habitée par nombre de courtisanes. Le poète Anacréon, qui ne comptait à Athènes que trente-cinq maîtresses, en avait une légion à Corinthe. C’est lui qui le dit ; il est à présumer qu’il se vante comme un simple Marseillais, car il ajoute : « Compte-m’en de Lesbos, d’Ionie, de Carie et de Rhodes deux mille. Mais quoi, tu parais surpris de me voir tant de maîtresses ! Je ne t’ai pas encore nommé celles de Syrie, de Canope ni de Crète où le fils de Vénus cache ses mystères. Et je ne pourrais entreprendre de nombrer celles que j’ai eues au delà de Gadès, de la Bactriane et des Indes ! » Et encore le jeune Bathilde n’est pas dans le tas ! Voilà des mœurs qui effaroucheraient fort M. le sénateur Bérenger ! Quoi qu’il en soit, s’il faut s’en rapporter au voluptueux poète de l’Amour mouillé, c’était à Corinthe que l’on trouvait les plus belles filles de la Grèce. Le lieu était donc très couru et, en conséquence, la vie fort chère. On y poussait le luxe à l’extrême et Aspasies et Phrynés, les horizontales de l’époque, y trafiquaient de leurs charmes à des prix exagérés. Les opulents seuls pouvaient se permettre d’affronter un voyage dans la capitale de l’Achaïe et les dépenses excessives d’un séjour dans cette ville de plaisirs. De là le dicton passé à travers les âges.

Sapho, qui va trop loin se perd,
Je crains un labyrinthe ;
Le chemin ne m’est point ouvert
Pour aller à Corinthe.

(De Coulanges)

Érasme donne une autre version. D’après lui, l’aphorisme grec viendrait de ce qu’il était très difficile et dangereux d’entrer dans le port de Corinthe à cause des nombreux écueils qui l’entouraient. Nous préférons la première version.

Pas plan

France, 1907 : Pas moyen, impossibilité de faire une chose ; on dit aussi pas mèche.

— Ah là là ! On souffre ben, mon fi. Et, en plus, v’là que tu pars à la guerre ? Tout ça, c’est ben du deuil à la fois.
Le fils. — Faut pas vous affliger.
Le père. — Je m’afflige point. Mais je suis vexé. Et tu n’verras pus la mère, en ce cas ?
Le fils. — Non, y a pas plan.
Le père. — All’ va être vexée.
Le fils. — Moi aussi. Ça me fait gros dans le cœur quand j’y pense.

(Henri Lavedan)

Pas se cailler le sang

Rossignol, 1901 : Ne s’émotionner de rien et ne pas se faire de bile.

Pas se faire déchirer le manteau (ne)

France, 1907 : Ne pas se faire prier. Allusion à la scène biblique qui se passa entre Joseph et l’épouse de Putiphar, qui retint Joseph par son manteau et le déchira dans la résistance que lui opposa le vertueux serviteur. Les livres saints ne disent pas si Mme Putiphar était jeune et jolie ou vieille et laide. En ce dernier cas, la vertu du digne Joseph est de peu de mérite.

Pas si cher

Virmaître, 1894 : Silence, parlez plus bas, on nous écoute. Expression employée dans les prisons pour signaler l’arrivée d’un gardien qui punirait les causeurs. Synonyme de : il pleut, employé dans les imprimeries quand le prote ou le patron entre à l’atelier (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Pas si vite, pas tant. Le contraire de cherrer.

Pas si cher !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des voleurs, pour qui c’est un signal signifiant : « Parlez plus bas » ou : « Taisez-vous. »

Pas tant de beurre pour faire un quarteron

France, 1907 : Phrase populaire par laquelle on coupe court aux explications longues mais peu probantes, aux raisons nombreuses mais insuffisantes. Elle appartient à Cyrano de Bergerac, qui l’a mise dans la bouche de Mathieu Gareau, du Pédant joué.

(Delvau.)

Pas tant de beurre pour faire un quarteron !

Delvau, 1866 : Phrase populaire par laquelle on coupe court aux explications longues mais peu probantes, aux raisons nombreuses mais insuffisantes. Elle appartient à Cyrano de Bergerac, qui l’a mise dans la bouche de Mathieu Gareau, du Pédant joué.

Pas un rotin (n’avoir)

France, 1907 : D’après un document signé Dubourguier dans l’Écho du Public, l’origine de cette expression viendrait du temps où l’on introduisit en France, pour en faire des cannes, les tiges de rotin ou rotang. Ces cannes solides et peu coûteuses firent fureur. Tout le monde voulait avoir son rotin, et il fallait être bien pauvre pour ne pas se le paver ; d’où l’on a pu dire pour désigner une personne dans la misère : « Elle ne peut même pas avoir son rotin », et, par corruption : « Elle n’a pas un rotin. »

Pas vu, pas pris

Merlin, 1888 : Refrain des bataillons d’Afrique.

Pascailler

Delvau, 1866 : v. n. Prendre le tour de quelqu’un, lui enlever un avantage, le supplanter. Argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Passer.
— Le gonce a pascaillé avant toi au carré des petites gerbes, il est enflaqué pour dix berges.
Pascailler
veut dire également prendre le tour ou la place de quelqu’un.
— J’ai pascaillé la Môme Livarot au Rouquin (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Passer, se faufiler dans une foule, prendre la place d’un autre ; argot des voleurs.

Pascal

Delvau, 1864 : Le vit. Pascal, comme Jacques, Thomas, Jacquot… ou etc., etc., etc.

…Il ne m’importe guères,
Que Pascal soit devant, ou Pascal soit derrière.

Scarron (Don Japhet d’Arménie).

Moi, je suis impartial
Entre Florence et Cythère,
Pourvu qu’on loge Pascal,
Le reste n’importe guère.

Collé.

Pasquelin

anon., 1827 : Pays.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pays.

Bras-de-Fer, 1829 : Pays.

Pasquin

d’Hautel, 1808 : Nom d’un personnage comique ; se dit par mépris d’un mauvais plaisant, d’un farceur, d’un batteleur, d’un histrion.

Pasquinade

d’Hautel, 1808 : Farce, raillerie ; mauvaise plaisanterie ; fredaines, écarts de jeunesse.

Pasquiner la maltouse

Halbert, 1849 : Faire la contrebande.

Passacailler

Larchey, 1865 : Supplanter (Vidocq).

Rigaud, 1881 : Supplanter ; passer avant son tour.

Passade

d’Hautel, 1808 : Cela est bon pour une passade. Pour, cela passe une fois, mais il ne faut plus recommencer.
Demander la passade. C’est-à-dire, la charité, l’aumône.

Delvau, 1866 : s. f. Jeu de scène qui fait changer de place les acteurs, — dans l’argot des coulisses. Régler une passade. Indiquer le moment où les personnages doivent se ranger dans un nouvel ordre, — le numéro un se trouvant à la gauche du public.

Delvau, 1866 : s. f. Feu de paille amoureux, — dans l’argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : s. f. Action de passer sur la tête d’un autre nageur en le faisant plonger ainsi malgré lui. Argot des écoles de natation. Donner une passade. Forcer quelqu’un à plonger en lui passant sur la tête.

Rigaud, 1881 : Plongeon forcé.

On appelle passade, dans les écoles de natation, l’opération au moyen de laquelle un nageur fait passer entre ses jambes le nageur qui se trouve devant lui, et, appuyant sa main sur sa tête, le pousse brusquement au fond de l’eau.

(H. Berlioz.)

Rigaud, 1881 : Changement de place des acteurs en scène. Régler une passade, régler le moment et la disposition du changement de place.

Boutmy, 1883 : s. f. Secours pécuniaire que les passants ont coutume d’aller demander et de recevoir dans les ateliers où l’on ne peut les embaucher. On dit aussi caristade.

Fustier, 1889 : Femme galante. On l’appelait autrefois fille à parties. Quant à ce mot de passade, il n’est point difficile à expliquer pour celui qui sait sous quelle appellation triviale on désigne les maisons dites de rendez-vous.

Nous ne saurions trop féliciter l’Administration, puisqu’on veut une soirée tout à fait bécarre, d’exclure de cette représentation (une soirée de gala à l’Opéra) toutes les passades qui sont aux grandes courtisanes ce que sont les souteneurs de Montmartre aux petits rez-de-chaussée.

(Gil Blas, décembre 1886.)

Elle est d’un maintien très décent et, sans être absolument jolie, peut être considérée comme une passade fort aimable.

(Gil Blas, février 1888.)

France, 1907 : Rencontre fortuite entre personnes de différent sexe, qui s’aiment pendant la durée d’un jour, d’une heure et même moins. Ne pas confondre avec passe.

Pour désigner cette courte flambée des sens, plus sérieuse que les vulgaires coucheries, moins intéressante que les folies de tête, les professionnels ont trouvé ce nom, jovial comme un nom libertin, sinistre comme un coup de lance : une passade.

(Willy, Gil Blas illustré)

France, 1907 : Secours que les typographes sans ouvrage, les passants vont demander dans les ateliers où ils ne peuvent être embauchés.

France, 1907 : Plongeon forcé.

Passade (faire une)

Delvau, 1864 : Tirer un coup en passant.

Si tu veux passer, la nuit, mon chéri, ce sera vingt francs ; si ce n’est qu’une passade, c’est dix francs : décide-toi.

A. François.

Pour s’amuser qu’Apollon l’entreprenne :
D’une passade elle vaut bien la peine.

Parny

Je n’ai, camarades,
Jamais que des passades ;
Mais je les aime mieux
Que des amours trop vieux.

Collé.

Passage

d’Hautel, 1808 : Oiseau de passage. Homme qui change souvent de demeure ; qui ne se trouve bien nulle part.
Il me trouvera sur son passage. Menace que l’on fait à quelqu’un, et qui signifie que l’on cherchera toutes les occasions de lui nuire.

Passage à tabac

France, 1907 : Formidable raclée que reçoivent certains infortunés trainés au poste de police et qui n’ont pas montré à Messieurs les agents tous les égards voulus. Ceux-ci se vengent alors dans le huis clos du poste.

Écoutez-le, ce personnage, écoutez-le parler des pauvres bougres, des mal vêtus, qui ont risqué leur peau, leur place, leur salaire, leur liberté, le supplice du passage à tabac, les tortures de la prévention, simplement parce que la jeunesse des Écoles avait crié autour d’un cadavre, sous le poing de la police : « À nous, ceux des faubourgs ! »

(Séverine)

Passans ou Passifs

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Souliers.

Passant

Rigaud, 1881 : Soulier. Les variantes sont : Passe, passade, passide, passif passifle, paffier, paffe, — dans le jargon des voleurs, qui ont un si grand choix de mots pour désigner les souliers et qui, souvent, n’en ont pas aux pieds.

France, 1907 : Soulier. On dit aussi passe.

Passant, passif, passifle

Larchey, 1865 : Soulier. — Passifleur : Cordonnier. — Le soulier sert à faire des pas.

Passante

France, 1907 : Volant.

Passants

Bras-de-Fer, 1829 : Souliers.

Passants, passifs

anon., 1827 : Souliers.

Passe

Bras-de-Fer, 1829 : Peine de mort.

Delvau, 1864 : Passade intéressée, côté des dames. Faire une passe. Amener un homme galant dans une maison qui reçoit aussi les filles — galantes.

Larchey, 1865 : Guillotine. V. Gerber. — Allusion à la passe de la fatale lunette. — Passe-crick : Passe-port (Vidocq).Passe-lance : Bateau (id.) V. Lance. — Passe-singe : Roué (id.), homme dépassant un singe en malice.

Delvau, 1866 : s. f. Situation bonne ou mauvaise, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Guillotine, — dans l’argot des voleurs. Être gerbé à la passe. Être condamné à mort.

Delvau, 1866 : s. f. « Échange de deux fantaisies », dont l’une intéressée. Argot des filles. Maison de passe. Prostibulum d’un numéro moins gros que les autres. M. Béraud en parle à propos de la fille à parties : « Si elle se fait suivre, dit-il, par sa tournure élégante ou par un coup d’œil furtif, on la voit suivant son chemin, les yeux baissés, le maintien modeste ; rien ne décèle sa vie déréglée. Elle s’arrête à la porte d’une maison ordinairement de belle apparence ; là elle attend son monsieur, elle s’explique ouvertement avec lui, et, s’il entre dans ses vues, il est introduit dans un appartement élégant ou même riche, où l’on ne rencontre ordinairement que la dame de la maison ». Faire une passe. Amener un noble inconnu dans cette maison « de belle apparence ».

Rigaud, 1881 : Série de coups heureux, — dans le jargon des joueurs. J’ai eu une passe de dix.

Rigaud, 1881 : Secours, assistance, — dans le jargon des voleurs. Donner la passe, faire la passe, secourir.

Rigaud, 1881 : Guillotine, — dans l’ancien argot. — Gerber à la passe, guillotiner ; c’est le passage de la vie à la mort.

La Rue, 1894 : Secours. Assistance. Guillotine.

France, 1907 : Condamnation à mort ; argot des voleurs ; de passe, situation pénible.

France, 1907 : Permis de passage gratuit.

France, 1907 : Court passage.

La vie d’Henri Rochefort est assez connue. Il est homme public, comme on est femme publique, c’est-à-dire que, sans avoir fait jamais partie fixement d’aucun monde gouvernemental — rien que des passes — il est de tous les mondes gouvernementaux. Une de ses stupeurs doit être d’avoir été un instant on vrai membre du gouvernement de la Défense nationale.

(Paul Buguet, Le Parti ouvrier)

France, 1907 : Moment qu’un monsieur passe avec une racoleuse ou dame de maison démesurément numérotée. Le prix de la passe varie suivant les établissements.

Non… vrai… ces chos’s-là, ça m’dépasse !
Faut-i’ qu’eun’ gouzess soy’ paquet
D’prendre un france cinquant’ pour eun’ passe,
Quand a’ peut d’mander larant’quet… !
Ah ! faut vraiment qu’a soy’ pas fière !…
Moi, quand ej’vois des tas d’homm’s saouls
Qui veul’nt pas donner plus d’trent’ sous,
Ej’les envoye à la barrière.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Chez la vicomtesse de Santa-Grua, la conversation, fort animée, roule sur l’hypnotisme.
Un jeune avocat, hypnotiseur fameux à ses moments perdus, dit qu’il lui a suffit de deux passes pour endormir une demoiselle.
— Juste ce qu’il faut pour réveiller la vicomtesse, réplique Taupin, toujours galant.

Passe (être gerbé à la)

Virmaître, 1894 : Mauvaise affaire pour celui qui est dans ce cas-là. Être gerbé à la passe, c’est être condamné à mort. La passe, c’est la guillotine (Argot des voleurs).

Passe (faire une)

Rigaud, 1881 : Accorder dans une maison mixte ou chez soi une courte audience au dieu de Lampsaque, — dans le jargon des filles.

Virmaître, 1894 : Fille qui raccroche sur la voie publique et conduit ses clients de hasard au premier hôtel venu. Elle ne fait que passer. Faire une passe vient aussi de faire un passant (Argot des filles).

Passe (la)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Peine de mort.

Passe (maison de)

Rigaud, 1881 : Maison d’amour de passage, maison de passage de l’amour à prix divers. Lieu mixte où la prostitution dresse un autel hâtif. La misère, la soif du luxe et la débauche, trois insatiables pourvoyeuses, jettent dans ces antres des femmes de toutes les classes, depuis l’insoumise famélique jusqu’à la grande dame à qui la fortune de son mari ne permet pas de dépenser cinquante mille francs par an pour ses toilettes.

Hayard, 1907 : Maison hospitalière.

France, 1907 : Lieu où les prostituées du trottoir conduisent leur miché.

Passe (une)

Rossignol, 1901 : Une fille publique qui vient d’avoir des relations avec un michet a fait une passe.

Passé au bain de réglisse

France, 1907 : Nègre.

Passé au bain de réglisse (être)

Delvau, 1866 : Appartenir à la race nègre, — dans l’argot des faubouriens.

Passe bourgeoise

France, 1907 : Femme mariée qui contribue au budget conjugal en donnant des rendez-vous dans les maisons de passe.

Passe le gant (l’amitié)

France, 1907 : Entre amis, nul besoin de cérémonie. Allusion à l’ancien usage encore existant en Angleterre de retirer un gant pour se donner la main. Excuse my glove, « excusez mon gant », dit-on au cas où on le garde.

Passé singe

France, 1907 : Fin matois, rusé, qui ne se laisse pas prendre ; argot populaire.

— Pas de ça, Lisette ! casquez d’abord. Je vous connais, vous êtes marlou, mais je suis passé singe.

(Mémoires de Vidocq)

Passe vanterne

Virmaître, 1894 : Échelle. Mot à mot : passer par la fenêtre (Argot des voleurs).

Passe-à-la-rousse

France, 1907 : Escarpin. Cette chaussure ne faisant pas de bruit permet d’esquiver la police, de passer devant la rousse.

Passe-bourgeoise

Virmaître, 1894 : Femme mariée, habituée des maisons de rendez-vous et qui, par ses passes, aide à faire bouillir la marmite (Argot du peuple).

Passe-campagne

France, 1907 : Vin de médiocre qualité dont on se contente faute de mieux, et qui sert à passer l’année.

Passe-carreau

Delvau, 1866 : s. m. Outil de bois sur lequel on repasse les coutures des manches. Argot des tailleurs.

Passe-chien

France, 1907 : Ouverture dans une haie.

Passe-cric

Delvau, 1866 : s. m. Passeport, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Passeport.

France, 1907 : Passeport ; argot des voleurs

Passe-crick

Rigaud, 1881 : Passe-port.

Passe-lacet

Delvau, 1866 : s. m. Fille d’Opéra, ou d’ailleurs, — dans l’argot des libertins d’autrefois, qui est encore celui des libertins d’aujourd’hui.

Rigaud, 1881 : Prostituée.

La Rue, 1894 : Gendarme.

France, 1907 : Gendarme ; argot des voleurs.

France, 1907 : Prostituée ; argot populaire.

Passe-lance

Delvau, 1866 : s. m. Bateau, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Bateau.

La Rue, 1894 : Bateau.

France, 1907 : Bateau ; littéralement, passe l’eau.

Passe-matagot

d’Hautel, 1808 : Terme d’escamoteurs, de joueurs de gobelets, lorsqu’ils font quelques tours d’adresse ; ils l’emploient comme une expression de grimoire, pour faire croire aux spectateurs que, sans cela, ils ne pourroient réussir à faire leurs tours.

Passe-passe

d’Hautel, 1808 : Tours de passe-passe. Fourberie, tromperie, finesse, supercherie. Il se dit aussi pour, tours de main, tours d’adresse, subtilités des doigts des joueurs de gobelets, des escamoteurs.

France, 1907 : Tricherie au jeu qui consiste à faire filer adroitement une carte.

Passe-port

d’Hautel, 1808 : Il porte son passe-port avec lui. Se dit d’un homme connu pour honnête, et qui a l’extérieur agréable.

Passe-rose

France, 1907 : Coquelicot.

Passe-singe

Rigaud, 1881 : Très malicieux ; c’est-à-dire : qui dépasse le singe en malice.

Passé-singe

Delvau, 1866 : s. m. Roué, roublard, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Roué. A. D. Singe ne doit pas ici être pris dans le sens de patron ; singe est l’animal de ce nom. Passé-singe, passé maître dans l’art de faire des grimaces et de se contorsionner. Synonyme de souplesse et d’agilité.
— Il est donc passé-singe qu’il a pu cromper la tante, malgré l’oncle et les barbauttiers (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Malin, rusé.

Passe-vanterne

France, 1907 : Échelle.

Passe, passade

La Rue, 1894 : Amour de passage. Maison de passe, lieu où les prostituées ou passades entraînent leurs galants d’un quart d’heure.

Passelance

Halbert, 1849 : Bateau.

Passeport jaune

Delvau, 1866 : s. m. Papiers d’identité qu’on délivre aux forçats à leur sortie du bagne.

Passer

d’Hautel, 1808 : Faire passer quinze pour douze. Abuser de la confiance et de la crédulité de quelqu’un, pour le tromper, lui en faire accroire.
Passer quelque chose au gros sas. Pour, le faire à la hâte, sans précaution.
Il veut passer pour beau. Se dit de celui qui ne veut rien payer d’un écot, d’une dépense qui s’est faite en commun.
Passer de fil en aiguille. Pour dire, d’un discours à l’autre.
Jeunesse est forte à passer. Signifie qu’il est difficile à passer son jeune âge sans faire de folies.
Cela lui passera devant le nez. Pour dire, il n’y aura point part ; ce n’est point pour lui.
Il a passé comme une chandelle. Pour dire, il est mort sans crise ; dans le moment où on s’y attendoit le moins.
Le temps passe et la mort vient. Signifie que quelque soit le sort auquel on se trouve réduit, le temps n’en passe pas moins vite pour cela.
Passer par l’étamine. Être examiné sévèrement ; connoître l’infortune et l’adversité.
Passe-moi la rhubarbe, je te passerai le séné. Se dit de deux personnes qui conviennent mutuellement de se pardonner leurs erreurs.
Passe pour cela. Pour, je consens à cela ; je l’accorde ; cela peut être admis.
S’il passe par mes mains, gare à lui ! Se dit par menace d’une personne dont on a reçu quelque offense, pour faire entendre qu’on s’en vengera dès que l’on en trouvera l’occasion.

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des bourgeois.

Passer à gauche

France, 1907 : Être frustré de sa part de vol ; argot des grecs.

Que le gérant lorsque l’on fauche
Ne passe pas trop à gauche.

(Hogier-Grison)

Passer à l’as

Rossignol, 1901 : Si dans une affaire ou partage on n’a rien pour soi, on passe à l’as.

France, 1907 : Être pris.

Rameneur, donne de ton claque
Au pigeon une contremarque,
Fais-le nettoyer chiquement
Pour affurer ton cinq pour cent.
Si par hasard le grec qui l’fauche
Voulait te fair’ passer à gauche,
Dis : « Si tu m’fais passer à l’as,
J’te bidonn’, tu poiss’ras Mazas. »

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

Passer à la casserole

France, 1907 : Opération dangereuse qui consiste à placer un syphilitique dans une sorte de chaudière à vapeur et de l’y laisser jusqu’à l’évanouissement ; il en sort, dit-on, mort ou guéri. Dans l’argot des voleurs, passer à la casserole, c’est être dénoncé.

Passer à la couverte

France, 1907 : Brimade militaire qui consiste à faire sauter un homme dans une couverture, à le berner.

À peine le Suisse venait-il de fermer l’œil que ses camarades de chambrée l’empoignèrent, lui jetèrent dans une couverture en compagnie d’une paire de bottes éperonnées, de deux pistolets et de deux étrilles, et bientôt, au commandement trois, le malheureux fut lancé dans l’espace à l’aide d’une savante et méthodique secousse imprimée à la couverture par huit vigoureuses poignes. C’est ce que s’appelle sauter en couverte. Le brigadier faisait mine de ronfler.

(Les Joyeusetés du régiment)

Passer à la patience, à la croupière

Merlin, 1888 : Punition assez scabreuse à définir et que les troupiers infligent à un mauvais camarade à un voleur ou à un délateur.

Passer à la pipe

Virmaître, 1894 : Quand un individu est arrêté et conduit dans un poste, les agents le battent. On le passe à la pipe. Mot à mot : il est fumé. Synonyme de passer à tabac (Argot du peuple).

Passer à la plume

Rigaud, 1881 : Être maltraité par un agent de la sûreté, — dans le jargon des voleurs qui disaient autrefois, dans le même sens : Passer à la dure. La variante est : Passer au tabac.

France, 1907 : Être maltraité, à moitié assommé par les agents de police. On dit aussi passer à tabac, ou filer à la pipe.

Passer à la plume, passer à tabac, filer la pipe

La Rue, 1894 : Être maltraité, bourré de coups par les agents de police.

Passer à la sorgue

Fustier, 1889 : Dormir. (V. Delvau : Sorgue.)

Passer à tabac

Virmaître, 1894 : Cette expression est toute récente. Quand un individu est arrêté et conduit dans un poste de police, il est souvent frappé par la police, de là : passer à tabac (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Recevoir ou donner des coups. Passer à tabac veut aussi dire être réprimandé.

Hayard, 1907 : Occupation ordinaire des agents envers ceux qu’ils arrêtent ; assommade à coups de botte et de casse-tête.

France, 1907 : Être assommé par la police, mais spécialement à huis clos dans le poste.

Un mot d’un individu en uniforme suffit. On vous saisit, on vous bouscule, on vous assomme, on vous traîne au poste, et si vous résistez !
— Ah%#8239;! tu fais de la rouspétance, mon bonhomme !… Attends un peu !
Et sans tambour ni trompette on passe le « bonhomme » à tabac.

(Hector France, La Vierge russe)

Ce que je pense des sergots, je ne le mâche pas assez pour qu’on l’ignore ! et voilà quinze jours qu’ici même je blaguais leurs bottes, leur coupe-choux, et leur omnipotence en matière de témoignage judiciaire.
Mon nom, prononcé dans un poste par un innocent arrêté, suffit pour le faire immédiatement passer à tabac ; et ma carte, dans un commissariat, déposée de main en main avec d’infinies précautions, tournée, retournée, consultée, auscultée, manque d’être envoyée, comme engin suspect, au Laboratoire municipal.

(Séverine, Le Journal)

Passer à travers

France, 1907 : Échapper aux mailles de la Justice.

Il est évident qu’avec le système anglais lorsqu’il sera adopté, l’innocent arrêté aura des garanties qu’il ne possède pas actuellement dans nos habitudes judiciaires.
Mais, en revanche, combien de coupables échapperont au châtiment qu’ils ont mérité, et, comme disent les agents dans leur argot, passeront à travers !

(Mémoires de M. Goron)

Passer au banc

France, 1907 : Être fustigé, recevoir la bastonnade ; argot des bagnes.

On nous dirigea vers un plateau que nous connaissions tous de renom et de vue : c’était l’endroit où la guillotine était dressée les jours d’exécution. Est-ce qu’il allait y avoir une décapitation ? Mais on avait entendu parler d’aucune condamnation à mort. Nous demeurions tous oppressés, anxieux, regardant si le bourreau ne venait pas monter sa machine, quand un détachement d’infanterie de marine déboucha, baïonnette au canon. Il se retourna et forma un carré ouvert nous enveloppant. Puis deux hommes parurent. L’un d’eux portait un banc, l’autre un fouet à plusieurs lanières.
L’homme au banc disposa son appareil devant le front du carré ouvert. L’homme au fouet, un Arabe, examina attentivement chaque lanière et les pressa entre le pouce et l’index pour s’assurer de la solidité des nœuds.
Nous savions alors quelle lugubre cérémonie nous avait fait quitter le travail et retarder la soupe : on allait passer au banc un des nôtres.

(Edmond Lepelletier)

Passer au bleu

Larchey, 1865 : Disparaître.

Plus d’un jaunet passe au bleu.

Jouvet, Chansons.

Équivoque basée sur un procédé de blanchissage. V. Laver, Nettoyer, Lessiver. — La passer douce : vivre à l’aise. — On sous-entend vie. — Se passer de belle : Ne pas recevoir sa part de vol (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. Supprimer, vendre, effacer ; manger son bien. Argot des faubouriens. On disait, il y a cinquante ans : Passer ou Aller au safran. Nous changeons de couleurs, mais nous ne changeons pas de mœurs.

France, 1907 : Se dit d’une chose perdue, vendue, supprimée. « — Où est ta montre ? — Passée au bleu. » On disait autrefois passé au safran.

Passer au dixième

Delvau, 1866 : v. n. Devenir fou, — dans l’argot des officiers d’artillerie.

Rigaud, 1881 : Devenir fou, — dans l’argot des officiers d’artillerie.

Passer au gabarit

France, 1907 : Rogner.

Passer aux engrenages

France, 1907 : Punition infligée aux mouchards, aux écoles des arts et métiers.

On passe le mouchard aux engrenages, c’est-à-dire entre deux rangées de gadzarts au nombre d’une cinquantaine et de l’un à l’autre on se renvoie le mouchard à coups de pieds et à coups de poings ; il en sort moulu et quelquefois dangereusement blessé.

(R. Roos)

Passer d’hommes (se)

Delvau, 1864 : Jouir sans la collaboration de l’homme, avec le doigt ou le godemichet. — Se passer de femmes, se masturber.

Comment peuvent-elles donc faire pour se passer d’hommes, quand l’envie leur en prend et les tourmente si fort que, le con étant tout en chaleur, il n’y a aucune allégeance, de quelque façon que vous le frottiez.

Mililot.

Passer de belle (se)

Delvau, 1866 : Ne pas recevoir sa part d’une affaire, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Ne rien trouver à voler, être trompé par un complice au moment de recevoir une part de butin. — Recevoir des conseils au lieu d’argent.

Virmaître, 1894 : Ne pas recevoir sa part d’un vol ou d’une affaire. Il s’en passe de belles : homme qui vit joyeusement. Mot à mot : qui passe de belles journées. Il s’en passe de belles pour exprimer que dans tel endroit il se passe de vilaines choses. Il en fait de belles : commettre de mauvaises actions.
— Il en fait de belles ton vilain sujet, il crèvera sur l’échafaud (Argot du peuple et des voleurs). N.

Passer debout

Rigaud, 1881 : Venir à l’heure au magasin, — dans le jargon des commis de nouveautés. Par opposition à être couché. (F. ce mot.)

Passer devant la glace

Delvau, 1866 : v. n. Payer, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que, même dans leurs cafés populaciers, le comptoir est ordinairement orné d’une glace devant laquelle on est forcé de stationner quelques instants.

Virmaître, 1894 : Payer. Allusion à la glace qui est toujours derrière le comptoir, chez le marchand de vin (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Payer en sortant d’un débit.

France, 1907 : Payer ; allusion à la glace placée généralement derrière le comptoir des cafés et restaurants.

Passer devant la mairie

Delvau, 1866 : v. n. Se marier sans l’assistance du maire et du curé, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Se marier sans l’assistance du maire ni du curé. « Que de couples à Paris passent devant la mairie, et ça ne fait pas les plus mauvais ménages ! » On disait, avant adjonction de la banlieue, se marier au treizième arrondissement, Paris n’en ayant alors que douze.

Passer devant le four du boulanger

Virmaître, 1894 : Voilà une expression qui n’est pas banale et qui est très usitée. Quand un gamin ou une gamine sont trop précoces, qu’ils ont l’esprit plus éveillé qu’il ne faudrait, on emploie ce mot. Mais il est plus typique dans ce sens. Quand une toute jeune fille a avalé son pépin et qu’elle pose quand même pour la vertu, on lui dit :
— Ne fais donc pas tant ta gueule, tu as passé devant le four du boulanger.
Mot à mot, elle a vu enfourner (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Synonyme d’avoir vu le loup, mot à mot : savoir comment on enfourne.

Passer l’arme à gauche

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des troupiers et du peuple. On dit aussi Défiler la parade.

Virmaître, 1894 : Mourir (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

— Il est mort ?
— Oui, passé l’arme à gauche ce matin, et comme il était déjà pas mal faisandé, il parait qu’il trouillote, aussi c’est demain qu’on le porte au jardin des claqués. Monte à la chambre, on t’en dira des nouvelles.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Encore un que la mort fauche
Sans se lasser de faucher,
Un qui passe l’arme à gauche,
Sans pourtant être gaucher.

(Raoul Ponchon, Gazette rimée)

Passer l’éponge

Virmaître, 1894 : Oublier, pardonner. Mot à mot : laver le passé (Argot du peuple).

Passer la jambe

Larchey, 1865 : Donner un croc-en-jambes, et par extension, supplanter.

Son ennemi roulait à ses pieds, car il venait de lui passer la jambe.

Vidal, 1833.

Passer la jambe à Thomas (V. ce mot), c’est, dans l’armée, être de corvée pour l’enlèvement des goguenots. — Allusion à l’action de les renverser dans les latrines.

Delvau, 1866 : v. a. Donner un croc-en-jambe.

Passer la jambe à Jules

Rigaud, 1881 : Enlever les tonneaux de vidange, — dans le jargon des troupiers.

Passer la jambe à Thomas

Delvau, 1866 : v. n. Vider le baquet-latrine de la chambrée, — dans l’argot des soldats et des prisonniers.

Merlin, 1888 : Voyez Jules.

France, 1907 : Vider le baquet-latrines ; argot des troupiers. On dit aussi prendre l’oreille à Jules.

C’est un vrai velours que la goutte
Pour les débiles estomacs,
Surtout si cela te dégoûte
De passer la jambe à Thomas.

(Raoul Fauvel)

Passer la jambe à Thomas, à Jules

La Rue, 1894 : Vider la tinette.

Passer la main sur le dos de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le flatter, lui dire des choses qu’on sait devoir lui être agréables. Argot du peuple. On dit aussi Passer la main sur le ventre.

Passer la mer rouge

France, 1907 : Avoir ses menstrues.

Passer la nuit

Delvau, 1864 : Coucher au bordel.

Comben qui faut t’ rend’, mon bibi ? — Garde tout, j’ passe la nuit.

H. Monnier.

Passer la rampe (ne pas)

France, 1907 : Se dit, en argot théâtral, d’une pièce qui n’a aucun succès, c’est-à-dire qui ne porte pas sur le public.

Passer la rampe (ne point)

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot des coulisses — de toute pièce ou de tout comédien, littéraire l’une, consciencieux l’autre, qui ne plaisent point au public, qui ne le passionnent pas.

Passer le goût du pain

Virmaître, 1894 : Étrangler un individu, lui faire passer le goût du pain (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Étrangler sa femme est lui faire passer le goût du pain.

Passer le goût du pain (faire)

France, 1907 : Tuer ; assassiner ; se suicider.

Chez nous, en France, on ne se fait passer le goût du pain que pour deux raisons, d’abord parce qu’on manque dudit pain. Et ce serait logique si ce n’était anormal. Une société où un sociétaire manque de ce minimum de subsistance, le pain, est une société dont le pacte est rompu par la simple constatation du fait.

(Émile Bergerat, Le Journal)

Passer le Rubicon

France, 1907 : Franchir un passage dangereux. Se lancer tête baissée dans une audacieuse entreprise. Allusion à César qui, marchant sur Rome, fut un moment indécis avant de franchir le Rubicon, petite rivière appelée aujourd’hui Fiumicino, qui séparait la Gaule cisalpine de l’Italie et qu’il était défendu, sous peine de mort, aux généraux de franchir avec leurs troupes. César, qui visait à la dictature, franchit le Rubicon avec son armée (49 ans av. J.-C.) en s’écriant : Alea jacta est ! (Le sort en est jeté !) Alors éclata la guerre civile qui se termina à Pharsale.

Ma foi, passons le Rubicon !
Je m’en vais frapper à ta porte,
Et qu’à l’instant Satan m’emporte
Si tu me vois, sous ton balcon,
Comme une rosse de manège,
Tourner encor pieds dans la neige !

(G. Remi)

Passer par la voie d’Angoulême

France, 1907 : Avaler. Voir Niort.

Passer par les mains d’un homme ou d’une femme

Delvau, 1864 : Coucher ensemble.

Est-ce qu’ils ne font pas tous des listes vraies ou fausses des femmes qui leur ont passé par les mains ?

La Popelinière.

L’Opéra n’eut jamais de danseuse on d’actrice
Qui ne lui passât par les mains.

Sénecé.

Toute la jeunesse de la cour lui passa par les mains.

(La France galante.)

Passer par un fidelium

France, 1907 : Un fidelium est le nom de la dernière oraison dont on ferme les prières des morts dans l’Église romaine. Nombre de prêtres ayant plusieurs messes de mort à dire se débarrassaient de leur besogne et passant de suite à l’un fidelium. Aussi, quand au lieu de s’acquitter de plusieurs choses auxquelles on est obligé, on s’en exempte en passant rapidement à la dernière, on dit qu’on les a passées par un fidelium.

Passer par-devant l’huis du pâtissier, boire toute honte

France, 1907 : Ce dicton s’appliquait aux ivrognes et aux débauchés qui se moquaient de tous les reproches qu’on pouvait leur faire. Autrefois, les pâtissiers tenaient cabaret sur le derrière de leur logis, où les buveurs honteux entraient par une porte dérobée, mais quand ils entraient par le devant de la boutique, bravant le qu’en-dira-t-on, on disait qu’ils avaient toute honte bue.

Passer sa fantaisie ou son envie

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Et après eu avoir très bien passé ma fantaisie.

Brantôme.

Car le roi n’eut pas plus tôt passé sa fantaisie avec la princesse de Monaco, qu’il pardonna à monsieur de Lauzun.

(La France galante.)

Et pour votre présidente, ce ne sera pas apparemment en restant, à dix lieues d’elle que vous vous en passerez la fantaisie.

De Laclos.

Car sans cesser, ou sur banc, ou sur lit.
Elle voulut en passer son envie.

Cl. Marot.

Voilà ; quand je suis amoureux.
J’en passe incontinent l’envie.

J. Grevin.

Si vous aimez ce garçon, eh bien ! ne pourriez-vous en passer votre envie ?

Tallemant des Réaux.

Passer sous la porte Saint-Denis (ne pouvoir)

France, 1907 : Se dit d’un mari malheureux dont les cornes symboliques atteignent une telle hauteur qu’il ne pourrait passer sous la porte Saint-Denis.

Passer sous la table

France, 1907 : Perdre au jeu. Même sens que baiser le cul de la vieille.

Passer sur le banc

Fustier, 1889 : Expression qu’emploient les forçats quand ils vont, pour une infraction au règlement, recevoir des coups de corde.

Combien j’ai vu d’hommes passer sur le banc et s’en relever, atteints pour jamais dans les sources de la vie, parce qu’ils avaient, en présence d’un argousin, imprudemment laissé tomber de leur poche un mince cahier ou simplement quelques feuilles de papier à cigarette !

(Humbert : Mon bagne.)

Passer une femme à la chaussette à clous

France, 1907 : La battre, la martyriser.

Passerons

France, 1907 : Plaques muqueuses aux commissures labiales.

Passette

France, 1907 : Vrille de tonnelier.

Passeur

Delvau, 1866 : s. m. Individu qui passe les examens de bachelier à la place des jeunes gens riches qui dédaignent de les passer eux-mêmes, — parce qu’ils en sont incapables.

Rigaud, 1881 : Pauvre diable qui, moyennant un peu d’argent, passe le baccalauréat au lieu et place de certains jeunes cancres.

Passez-moi la casse, je vous passerai le séné

France, 1907 : Échange de bons procédés. Louangez-moi, je vous louangerai à mon tour. C’est le dicton de la camaraderie, celle de gens de lettres surtout. La casse est l’ancien nom de la cannelle, le séné est également une plante aromatique ; mais, en fait de casse, c’est généralement le sucre que l’on casse sur la tête des camarades.
Au lieu de casse, on dit parfois rhubarbe.

Passez-moi le fil

Merlin, 1888 : Expression goguenarde et sans équivalent dans le langage ordinaire, quelque chose comme : elle est bonne, celle-là !

France, 1907 : Expression militaire ironique signifiant : Quoi encore ?

Passier

Halbert, 1849 : Soulier.

France, 1907 : Soulier.

Passif

M.D., 1844 : Soulier.

Virmaître, 1894 : Homme pour homme, celui qui subit. Habitué des latrines de la berge du Pont-Neuf, des bains de la rue de Penthièvre ou des pissotières des Champs-Élysées. Dans le peuple on dit :
— Il va ramasser des marrons dans l’allée des Veuves.
L’allusion est claire (Argot du peuple).

Passiffe

Halbert, 1849 : Chaussure.

Passifleur

Delvau, 1866 : s. m. Cordonnier, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Cordonnier.

France, 1907 : Cordonnier.

Passifs

Clémens, 1840 : Souliers.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Souliers d’occasion, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens. Le mot est expressif : des souliers qui ont longtemps servi ont naturellement pâti, souffert, — passus, passivus, passif. On dit aussi Passifles.

Boutmy, 1883 : s. m. Chaussures, souliers.

Et mes passifs, déjà veufs de semelles,
M’ont aujourd’hui planté là tout à fait.

dit l’humoristique auteur de la chanson du Rouleur.

La Rue, 1894 : Souliers. Passifleur, cordonnier.

Virmaître, 1894 : Souliers. Il en est peu, en effet, qui résistent au mauvais temps, surtout depuis l’invention des semelles en cuir factice (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Souliers.

France, 1907 : Souliers, chaussure. La chaussure supporte tout, Argot des typographes.

Et mes passifs, déjà veufs de semelle,
M’ont aujourd’hui planté là tout à fait.

(Chanon du rouleur)

Passifs (les)

Hayard, 1907 : Les souliers.

Passim

France, 1907 : Adverbe latin signifiant çà et là, dont on fait suivre le titre d’un ouvrage cité. Ainsi : Voir le Dictionnaire philosophique de Voltaire sur les Préjugés, pages 37, 40 et passim.

Passion

d’Hautel, 1808 : Il est triste comme la passion. Se dit de quelqu’un ou de quelque chose qui est triste, ennuyeux.
Il est connu comme Barrabas et la passion. Voy. Barrabas.

Passions (à)

Larchey, 1865 : « Vous êtes trop jeune pour bien connaître Paris ; vous saurez plus tard qu’il s’y rencontre ce que nous nommons des hommes à passions. Ces gens-là n’ont soif que d’une certaine eau prise à une certaine fontaine, et souvent croupie. » — Balzac, Père Goriot.

Passons au déluge (avocat)

France, 1907 : Venons en au fait ; assez de bavardage, de détails inutiles. Cette expression proverbiale vient d’une scène de la comédie des Plaideurs de Racine, où l’avocat remonte dans sa défense avant la naissance du monde : « Avocat, passons au déluge », l’interrompt en bâillant le juge Dandin.

Pastille

Rigaud, 1881 : Pièce de dix sous, — dans le jargon des joueurs. — Plus rien, pas une pastille pour ponter.

France, 1907 : Pièce de dix sous. On dit aussi belette et pépette.

France, 1907 : Pet.

Pastille dans le culbutant (détacher une)

France, 1907 : Lâcher un vent ; argot des faubourgs. Allusion ironique aux pastilles du sérail.

Pastiquer

Larchey, 1865 : Passer. — Corruption de mot. V. Abadis.

Delvau, 1866 : v. a. Passer, — dans l’argot des voleurs. Pastiquer la maltouze. Faire la contrebande.

Rigaud, 1881 : Passer, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Passer. Pastiquer la maltouse, passer de la contrebande.

France, 1907 : Passer. Pastiquer la maltouze, passer quelque chose en contrebande

Pastoure

France, 1907 : Petite bergère ; abréviation de pastourelle, féminin de pastoureau, du latin pastorellus, diminutif de pastor, pasteur. Patois du Berry.

La Guillette prit avec sa fille une douzaine de jeunes et jolies pastoures, amies et parentes de sa fille, deux ou trois respectables matrones voisines fortes en bec, promptes à la réplique et gardiennes rigides des anciens us.

(George Sand, La Mare au diable)

Pastourelle

Rigaud, 1881 : « Les cavaliers désignent ainsi la sonnerie des hommes punis. » (Fr. de Reiffenberg.) Les cavaliers pour la pastourelle, en avant !

France, 1907 : Sonnerie qui appelle les hommes consignés au peloton de punition. On sait que la pastourelle est un terme de danse.

France, 1907 : Comédie religieuse qui se jouait autrefois aux laudes de Noël.

Patac

France, 1907 : Coup : vieux mot encore en usage dans le Midi et qu’on trouve orthographié dans Rabelais patact, coup de poing.

Patachier, patachon

France, 1907 : Conducteur de la voiture non suspendue appelée patache, autresfois fort en usage. Conduire en patachon, c’est conduire assis sur le brancard.

Patachon (vie de)

France, 1907 : Vie déréglée, agitée, mouvementée comme celle d’un conducteur de patache.

Elle avait constamment ses regards tournés vers le ciel comme si elle y cherchait la place où elle serait un jour assis et employait ses journées non en aumônes et en bonnes œuvres, mais à courir les sacristies. Dans toutes, elle y connaissait quelque prêtre, jeune ou vieux, jeune surtout à qui elle demandant des avis, des consolations, des conseils. Et dans cette quiétude de l’église, ce silence des heures ou l’autel est désert, elle trouvait une paix, un bien-être réel après sa vie de patachon.

(Hector France)

Patachonneux

France, 1907 : Scandaleux, déréglé.

Avant d’être marié, et avec la plus charmante femme qui soit au monde, Paul Bourget avait mené une vie patachonneuse et toute de bâtons de chaises. Je le tiens de lui-même. Sa jeunesse ne fut qu’une orgie.

(Émile Bergerat, Mon Journal)

Patafiole

d’Hautel, 1808 : Mot baroque et interjectif qui marque l’impatience et le mécontentement.
Que le bon Dieu te patafiole. Pour, que le bon Dieu te bénisse.

Patafioler

Larchey, 1865 : Confondre.

Aux gardes du commerce !… Que le bon Dieu les patafiole !…

Gavarni.

V. pour l’étymologie de ce mot le Magasin pittoresque, t. II, p. 247.

Delvau, 1866 : v. a. Confondre — dans l’argot du peuple. Ce verbe ne s’emploie ordinairement que comme malédiction bénigne, à la troisième personne de l’indicatif : — « Que le bon Dieu vous patafiole ! »

Rigaud, 1881 : Confondre. — Que le bon Dieu vous patafiole ! — Enlever. Que le diable le patafiole !

La Rue, 1894 : Confondre.

France, 1907 : Écraser, anéantir. Ce mot employé dans nombre de provinces, outre Paris, est l’antiphrase de bénir. L’on s’en sert presque exclusivement dans cette phrase : « Que le bon lieu vous patafiole ! » En Bourgogne, patafioler signifie ennuyer. Le même patois a également affioler pour faire enrager, rendre fou, corruption évidente d’affoler. Charles Nisard explique la syllabe pat par cette expression : « Que le bon Dieu ne pas t’affiole. » Ce qui serait justement le sens contraire de ce qu’on lui donne.

Patagueule

Delvau, 1866 : s. m. Homme compassé, qui fait sa tête et surtout sa gueule, — dans l’argot des sculpteurs sur bois.

Rigaud, 1881 : Ennuyeux, pas drôle.

C’est lui qui trouvait ça patagueule de jouer le drame devant le monde !

(É. Zola.)

France, 1907 : Imbécile qui prend de grands airs. Être patagueule, faire parade d’affectation ridicule.

C’est lui qui trouvait ça patagueule, de jouer le drame devant le monde ! elle le prenait peut-être pour un dépuceleur de nourrices, à venir l’intimider avec ses histoires ?

(Émile Zola, L’Assommoir)

Patapatapan

d’Hautel, 1808 : Mot imitatif, pour exprimer le bruit du tambour, lorsqu’on bat un rappel.

France, 1907 : Onomatopée du tambour français, comme colin-tampon l’était du tambour suisse, suivant certains étymologistes.

Patapouf

Larchey, 1865 : Gros homme soufflant plus qu’il ne respire. — Onomatopée.

Delvau, 1866 : s. m. Homme et quelquefois Enfant bouffi, épais, lourdaud. On dit aussi Gros Patapouf mais c’est un pléonasme inutile.

Rigaud, 1881 : Homme d’un embonpoint respectable, soufflant, suant, geignant à chaque pas. Gros patapouf.

Virmaître, 1894 : Homme gros et court sur jambes, qui peut à peine souffler en marchant. Dans le peuple on dit :
— Ce patapouf souffle comme un phoque (Argot du peuple).

France, 1907 : Corpulent, lourd.

Pataquès

d’Hautel, 1808 : Quiproquo, calembourg, mot mal prononcé, mal interprêté ; faute de langue ; sottise, imbécilité.
Un faiseur de pataquès. Celui qui pèche continuellement contre la grammaire ; qui fait des cuirs en parlant.

Delvau, 1866 : s. m. Faute de français grossière, liaison dangereuse, — dans l’argot des bourgeois, qui voudraient bien passer pour des puristes.

Pataquès (faire des)

France, 1907 : Fautes de langage consistant à faire entendre un t final quand il faut sonner l’s ou réciproquement, et plus généralement à faire entendre à la voyelle initiale d’un mot une consonne qui ne termine pas le mot précédent. Domergue, dans son Manuel des amateurs de la langue françoise, donne l’origine de cette expression qui devrait s’écrire pat-à-qu’est-ce : Un plaisant était à côté de deux dames : tout à coup il trouve sous sa main un éventail. — « Madame, dit-il à la première, cet éventail est-il à vous ? — Il n’est point-z-à moi, Monsieur. — Est-il à vous, Madame ? dit-il en le présentant à l’autre. — Il n’est pas-t-à moi, Monsieur. — Puisqu’il n’est point-z-à vous et qu’il n’est pas-t-à vous, ma foi, je ne sais pas-t-à-qu’est-ce. L’aventure fit du bruit, et donna naissance à ce mot populaire encore en usage aujourd’hui. »

Pataraffe

d’Hautel, 1808 : Ce mot ne s’emploie que par dérision, et dans le sens de paraffe, gribouillage, griffonage qu’on ne peut déchiffrer.

Patarasses

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Petites pelottes dont les forçats se servent pour empêcher le froissement des fers sur la peau.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Tampons que les forçats glissent entre leur anneau de fer et leur chair, afin d’amortir la pesanteur de la manicle sur les chevilles et le coude-pied.

Patard

d’Hautel, 1808 : Un patard. Nom que l’on donne à un gros sou double.
C’est aussi un sobriquet que l’on donne à un lourdaud, à un homme rustique et grossier.

Larchey, 1865 : Monnaie de billon — En 1808, on donnait ce nom à un gros sou double. V. d’Hautel. — Le patar était une monnaie flamande qui valait un sou au quinzième siècle. V. Du Cange.

Delvau, 1866 : s. m. Pièce de monnaie, gros sou, — dans l’argot des faubouriens, qui ne se doutent pas qu’ils emploient là une expression du temps de François Villon :

Item à maistre Jehan Cotard
Auquel doy encore un patard…
À ceste heure je m’en advise.

(Le Grand-Testament.)

Rigaud, 1881 : Pièce de deux sous.

La Rue, 1894 : Pièce de deux sous.

France, 1907 : Pièce de deux sous ; au temps de Rabelais, patac. Argot populaire. Le nom vient d’une vieille monnaie flamande de la valeur d’un sou. On trouve le mot dans le Testament de François Villon :

Item à maistre Jehan Cotard
Auquel doy encore ung patard.

En picard, en Flandre, dans le Hainaut et le pays de Liège, patar se dit pour sou.

France, 1907 : Jeu de bouchon.

Bientôt, la bataille recommença, et on n’entendit plus que des voix grêles et potinières, avec le refrain des joueurs et le cliquetis des domaines sur la table de marbre.
— À vous la pose !
— J’ai le patard.
— Du quatre.
— Et du re-quatre.

(Dubut de Laforest, Morphine)

Patarosses

France, 1907 : Bourrelets que font les forçats avec des chiffons pour se garantir les jambes du douloureux frottement de l’anneau de la chaîne.

Patata-patata

d’Hautel, 1808 : Mot qui rappelle le bruit d’un cheval courant au grand galop.

Patati-patata

France, 1907 : Onomatopée, dont on se sert pour exprimer un bavardage ennuyeux qui n’en fini pas, une suite de rengaines sur un air connu.

— Depuis longtemps, il m’adorait. Nos âmes sœurs ! Cruelle énigme ! et patati et patata… J’affectai de rire pour geler un peu son éloquence…

(Paul Adam)

Patatra

d’Hautel, 1808 : Interjection populaire ; espèce d’exclamation ironique que l’on fait lorsqu’on voit tomber quelqu’un-

Patatro

Hayard, 1907 : Fuite.

Patatrot (faire le)

France, 1907 : Décamper, se sauver ; corruption de pattes au trot. « Faire un patatrot », poursuivre à grande vitesse.
Les synonymes sont nombreux ; en voici les principaux :

Jouer la fille de l’air, faire le lézard, le jat jat, la paire, cric, gilles ; se déguiser en cerf, s’évanouir, se cramper, tirer sa crampe, se lâcher du ballon, se la couler, se donner de l’air, se pousser du zeph, se sylphider, se la trotter, se la couvrir, se faire la débinette, jouer des fourchettes, se la donner, se la briser, ramasser un bidon, se la casser, se la tirer, tirer ses grinches, valser, se tirer les pincettes, se tirer des pieds, se tirer les baladoires, les pattes, les trimoires ou les flûtes ; jouer des guibes ou des quilles, se carapater, se barrer, bandrouiller, se cavaler, faire une cavale, jouer des paturons, happer le taillis, flasquer du poivre, décaniller, décarer, exhiber son prussien, démurger, désarrer, gagner les gigoteaux, se faire une paire de mains courante à la mode, fendre l’ergot, filer son nœud, se défiler, s’écarbouiller, esballonner, filer son câble par le bout, faire chibis, déraper, fouiner, se la fracturer, jouer des gambettes, s’esbigner, ramoner ses tuyaux, foutre le camp, tirer le chausson, se vanner, ambier, chier du poivre, se débiner, caleter, attacher une gamelle, camper.

Patatrot (faire)

La Rue, 1894 : S’enfuir. Courir. Un patatrot, une course rapide. Jouer du jaja un patatrot, jouer des jambes, s’enfuir.

Pataud

Delvau, 1866 : s. et adj. Lourdaud, grossier, niais, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Nom donné, au XVIIe siècle, aux chiens de cuisine. Ménage fait dériver ce mot de patte, à cause des grosses pattes de ces chiens, et Charles Nisard du vieux mot pitaud, homme pesant, lourdaud au physique comme au moral.

Ce pitaud doit valoir…
Bachelier et docteur ensemble.

(La Fontaine)

Patauder

France, 1907 : Marcher lourdement comme un pataud.

Patauger

d’Hautel, 1808 : Marcher dans la boue, barbotter, courir les rues dans un mauvais temps, et sans nécessité.

Delvau, 1866 : v. n. Ne pas savoir ce qu’on fait ni ce qu’on dit.

Pate

d’Hautel, 1808 : Des pates de mouche. C’est ainsi que l’on appelle une écriture très-fine et mal formée.
Faire patte de velours. Faire l’hypocrite, déguiser sous des dehors caressans, une ame noire et le dessein de nuire.
Pate. Se prend aussi pour main.
Une pate d’arraignée. Se dit d’une main sèche et décharnée.
Il a de grosses vilaines pates. Se dit par raillerie de quelqu’un qui a les mains fortes et rudes.
Marcher à quatre pates. Marcher sur les pieds et sur les mains
Il ne peut remuer ni pied ni pate. Se dit de quelqu’un qu’une grande lassitude, ou une grande fatigue empêche de marcher.
Mettre la pate sur quelqu’un. Le battre, le maltraiter.
Si jamais il tombe sous ma pate, gare à lui. Espèce de menace que l’on fait à quelqu’un pour dire, qu’on ne l’épargnera pas, quand on en trouvera l’occasion.
Être entre les pates de quelqu’un. Être soumis à sa censure ; se dit en mauvaise part d’un homme dont on a sujet de craindre la sévérité.
Donner un coup de pate. Lâcher un trait malin et piquant.
Graisser la pate à quelqu’un. Le corrompre, le gagner par argent.

Bras-de-Fer, 1829 : Lime.

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de patron, — dans l’argot des graveurs sur bois.

Rigaud, 1881 : Lime. — Patron.

France, 1907 : Abréviation de patron.

Pâte

d’Hautel, 1808 : C’est une bonne pâte d’homme. Se dit au propre, d’un homme fort et robuste ; au figuré, d’un homme simple et sans malice ; d’un bon enfant.
Il est d’une bonne pâte. Locution ironique qui se dit en mauvaise part de celui qui fait à un autre des propositions ridicules.
N’avoir ni pain : ni pâte. Pour, n’avoir rien à manger.
Il ne sent que la pâte. Se dit du pain qui est gras-cuit, qui a été saisi par le feu.
Mettre la main à la pâte. Se dit ordinairement lorsque, dans une maison, chacun travaille à la cuisine, ou contribue de sa part au succès d’une affaire. Voy. Main.

Pâté

d’Hautel, 1808 : Un gros pâté. Nom que l’on donne familièrement à un enfant gros, gras et bien portant.
Crier les petits pâtés. Se dit par plaisanterie des femmes quand elles sont en mal d’enfant.
Un pâté. Goutte d’encre tombée sur le papier.

Delvau, 1866 : s. m. Tache d’encre sur le papier, — dans l’argot des écoliers, qui sont de bien sales pâtissiers. On dit aussi Barbeau.

Delvau, 1866 : s. m. Mélange des caractères d’une ou plusieurs pages qui ont été renversées, — dans l’argot des typographes. Faire du pâté, c’est distribuer ou remettre en casse ces lettres tombées.

Rigaud, 1881 : Mauvaise besogne, — dans le jargon des typographes.

Boutmy, 1883 : s. m. Caractères mêlés et brouillés qu’on fait trier par les apprentis. Faire du pâté, c’est distribuer ces sortes de caractères.

France, 1907 : Caractères mêlés et brouillés que les apprentis doivent remettre dans leurs cases respectives ; argot des typographes.

Pate (la)

anon., 1827 : La lime.

Pâte (mettre en)

Boutmy, 1883 : v. Laisser tomber sa composition ou sa distribution. Quelquefois, une forme entière mal serrée est mise en pâte quand on la transporte. Remettre en casse les lettres tombées, c’est faire du pâté. Par extension, on dit de quelqu’un qu’il s’est mis en pâte, quand il a fait une chute. Être mis en pâte, Recevoir dans une rixe quelque horion ou quelque blessure.

France, 1907 : C’est, dans l’argot des typographes, laisser tomber sa composition. Au figuré, être mis en pâte, c’est recevoir des horions dans une rixe.

Pâte (tomber en)

Rigaud, 1881 : Renverser un ou plusieurs paquets composés. — Forme tombée en pâte, forme qui se renverse pendant le trajet de l’atelier de composition à l’imprimerie, forme qui n’est pas assez serrée et dont les caractères s’éparpillent et tombent, — en terme de typographe.

Pâté d’ermite

anon., 1827 : Des noix.

Bras-de-Fer, 1829 : Des noix.

Delvau, 1866 : s. m. Noix, — dans l’argot du peuple, qui sait que les anachorètes passaient leur vie à mourir de faim.

Rigaud, 1881 : Noix.

La Rue, 1894 : Noix.

France, 1907 : On en trouve la formule dans le Moyen de parvenir : « Il ne faisoit chez soi plus grand festin que de pastez d’hermile. — Qu’est-ce que cette viande ? — Noix, amandes, noisettes. »

Pâté de veille

Boutmy, 1883 : s. m. Collation que l’on fait dans les ateliers le premier jour des veillées. Hélas ! comme beaucoup d’autres coutumes, le pâté de veille est tombé en désuétude.

France, 1907 : On appelait ainsi un collation que faisaient dans leurs ateliers les typographes la première nuit des veillées. Cet usage est tombé en désuétude.

Pâte ferme

Delvau, 1866 : s. f. Article sans alinéas, — dans l’argot des journalistes.

Pâte-ferme

France, 1907 : Article sans alinéas ; argot des journalistes. « Léon Cladel était célèbre pour ses pâte-ferme. »

Pâtée

d’Hautel, 1808 : Au propre, nom que l’on donne aux alimens que l’on prépare à certains animaux ; et par une extension basse et triviale, à la nourriture de l’homme.
Aller manger la pâtée. Pour aller prendre de la nourriture, ses repas accoutumés.
C’est une véritable pâtée. Se dit par mépris, des mets, des alimens qu’on a laissés trop cuire, et qui sont en bouillie.

Larchey, 1865 : Correction.

Il avait voulu manger un grand gaillard. Aussi a-t-il reçu une pâtée.

Delagny, les Souteneurs, 1861.

Delvau, 1866 : s. f. Nourriture, — dans l’argot des faubouriens. Prendre sa pâtée. Déjeuner ou dîner.

Delvau, 1866 : s. f. Correction vigoureuse et même brutale. Recevoir une pâtée. Être battu.

France, 1907 : Volés, raclée ; argot populaire.

Pâtée (donner la)

Rigaud, 1881 : Donner des coups. — Recevoir la pâtée, recevoir quelque chose de solide en fait de coups, comme une pâtée. On dit plus fréquemment : tremper la soupe.

Patelette (la)

Rossignol, 1901 : Postérieur.

Patelin

Fustier, 1889 : Compatriote.

En qualité de patelins, nous avions été assez bien accueillis…

(Humbert : Mon bagne.)

Signifie aussi pays, lieu de naissance, — dans l’argot militaire.

La Rue, 1894 : Compatriote. Le pays natal V. Pacquelin.

Virmaître, 1894 : Pays. Corruption du vieux mot pasquelin, qui signifiait la même chose (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Pays.

Hayard, 1907 : Pays.

France, 1907 : Pays, villages même sens que paquelin dont il est la déformation.

Y a à Amiens une floppée de fistons qui ont pris une riche habitude ; tous les dimanches ils s’en vont en balade dans les environs, choisissant les patelins où y a une fête, puis, une fois là, ils guignent le cabaret ou le café qui leur semble le plus vaste, s’y rendent et, sans faire de magnes, ils poussent des chansons anarchotes, débitent des monologues.
C’est de la bonne propagande et les idées s’infiltrent en douceur.

(Le Père Peinard)

Il en a pour vingt ans d’Nouvelle ;
On en r’vient pas de c’pat’lin-là,
Mais l’on part avec sa donzelle,
C’est tout c’qu’i’ faut pour vivr’ là-bas.

Patenôtre

d’Hautel, 1808 : Dire la patenôtre du singe. Murmurer entre ses dents, gronder tout bas.

Patenôtre blanche

France, 1907 : Prière cabalistique des paysannes du Centre, à l’aide de laquelle on est certain d’aller en paradis.

Patenôtre du loup

France, 1907 : Paroles cabalistiques à l’aide desquelles les bergers prétendent éloigner les loups.

Patenôtres (diseur ou mangeur de)

France, 1907 : Dévot, hypocrite ou idiot qui prie continuellement.

Français, dessillez-vous les yeux,
Apprenez pour vous et les vôtres
Qu’il n’y a de gens si factieux
Que des diseurs de patenôtres.

(Satire Ménippée)

De faux mangeurs de patenôtres,
Gens qui font enrager les autres,
Dont ici-bas les gens de bien
À mon gré se passeraient bien.

(Scarron)

Patente

Delvau, 1866 : s. f. Casquette, — dans l’argot des faubouriens, qui ont traduit à leur façon le patent qui se trouve sur tous les produits anglais, chapeaux, manteaux, etc.

Rigaud, 1881 : Casquette de voyou, casquette de soie plaquée sur la tempe. C’était, autrefois, la coiffure typique des souteneurs de barrière, leur patente. Ils l’ont remplacée par la desfoux, encore plus grotesque.

La Rue, 1894 : Casquette de soie à ponts.

Rossignol, 1901 : Casquette.

France, 1907 : Casquette de souteneur.

Une de ces casquettes molles rabattant sur le nez qui font aux souteneurs de barrières une coiffure si caractéristique. Comme elle n’est portée que par eux, elle est en quelque sorte la patente de leur ignoble métier.

(Paul Parfait)

Je préfère l’explication donnée par A. Delvau qui explique le mot de patente par le patent qui se trouve au fond des coiffures anglaises et vendues bon marché aux ouvriers.

Patenté

Fustier, 1889 : Souteneur.

France, 1907 : Souteneur, qui porte une casquette dite patente.

Pater

d’Hautel, 1808 : Il sait cela comme son pater. Pour, il y est très-expert, très-versé ; il le sait par cœur.
Il ne sait pas seulement son pater. Pour dire, il est excessivement ignorant.

Pater de pèlerin

France, 1907 : Juron ; expression méridionale.

Pater familias

France, 1907 : Père de famille.

Raidi dans sa cravate et dans sa dignité, M. Lescuyer avait fait si souvent l’éloge, devant Chrétien, de la société romaine, du pater familias antique, de l’autorité du chef de famille, et tonné contre la perte du respect, les dangereuses familiarités, le relâchement des mœurs modernes.

(François Coppée, Le Coupable)

Patere quam ipse fecisti legem

France, 1907 : « Subis la loi que toi-même as faite. » Locution latine que James Lynch, maire de Galway (Irlande) appliqua à son propre fils, en le pendant en dehors de sa fenêtre pour avoir volé et tué des étrangers.

Paternel

France, 1907 : Père ; argot des écoles. « Le paternel refuse de casquer. »

Pâtés d’ermites

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Nois.

Patience

d’Hautel, 1808 : Il a de la patience comme un chat qui s’étrangle. Se dit en plaisantant d’une personne vive, pétulante, sujette à la colère et aux emportemens.
Il faut prendre de la racine de patience. Signifie, il faut se tenir à deux mains, pour ne pas s’impatienter, pour ne pas perdre courage ; se dit aussi quand on est vivement contrarié, ou qu’on est livré à un travail pénible et rebutant.
Un ouvrage de patience. C’est-à-dire, qui demande une grande application, de grands soins, du temps et de la constance.
La patience est la vertu des ânes. Parce que cet animal endure beaucoup de mauvais traitemens sans se plaindre.
Patience ! Espèce d’interjection, qui équivaut à un moment donc, attendez, ne m’interrompez pas.
Patience ! j’aurai mon tour. Menace que l’on fait à quelqu’un dont on a reçu une offense, pour dire qu’on s’en vengera.

Delvau, 1866 : s. f. Jeu de cartes, — ou plutôt série de jeux de cartes, car il y a une trentaine de jeux de patience : la Loi salique, la Blocade, la Nivernaise, la Gerbe, le Crapaud, la Poussette, la belle Lucie, etc., etc.

Patiens quia æternus

France, 1907 : « Patient parce qu’il est éternel » ; locution latine tirée de saint Augustin qui l’applique à Dieu.

Le progrès ne va point sans de grands espoirs suivis de désillusions correspondantes. Patiens quia æternus est la devise du porteur de vérité. Il ne manque au philosophe pour avoir raison que de vivre toujours.

(G. Clemenceau, L’Aurore)

Patin (jouer du)

France, 1907 : Se dépêcher. Quand un ancien crie à un fistot : « Patin ! » cela veut dire : dépêche-toi. Argot du Borda.

Patinage

Fustier, 1889 : Attouchement indécent. (V. Delvau : Patiner.)

Patiner

d’Hautel, 1808 : Au propre ; glisser sur la glace avec des patins.
Patiner. Tâter, farfouiller indiscrètement, porter une main luxurieuse sur les appas d’une femme.

Delvau, 1864 : Badiner — d’une façon indécente.

S’approchant des comédiennes, il leur prit les mains sans leur consentement et voulant un peu patiner.
Car les provinciaux se dêmènent fort et sont grands patineurs.

Scarron.

Ah ! doucement, je n’aime point les patineurs.

Molière.

Mais Quand Bacchus vient s’attabler
Près de fille au gentil corsage,
Je me plais à gesticuler ;
J’aime beaucoup le patinage.

L. Festeau.

Parfois il lui suffit de voir, de patiner.
De poser sur la motte une brûlante lèvre :
Il satisfait ainsi son amoureuse fièvre.

L. Protat.

Les petites paysannes
Qu’on patiné au coin d’un mur.
Ont, plus que les courtisanes.
Fesse ferme et téton dur.

De la Fizelière.

Tandis qu’elle lui fait cela, elle le baisa, coulant sa main sur son engin, qu’elle prend dans la braguette, et, quand elle l’a patiné quelque temps, elle le fait devenir dur comme un bâton.

Mililot.

Quand ils ont tout mis dans la notre, ils se délectent encore, en faisant, à nous sentir la main qui leur patine par derrière les ballottes.

Mililot.

Parmi les catins du bon ton,
Plus d’une, de haute lignée,
À force d’être patinée
Est flasque comme du coton.

E. Debraux.

Delvau, 1866 : v. a. et v. n. Promener indiscrètement les mains sur la robe d’une femme pour s’assurer que l’étoffe de dessous en est aussi moelleuse que celle du dessus. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Se livrer à des attouchements trop libres sur la personne d’une femme.

Il a voulu patiner. Galanterie provinciale qui tient plus du satyre que de l’honnête homme.

(Scarron, Roman comique, Ire partie, ch. x.)

Patiner la dame de pique, patiner le carton, jouer aux cartes. — Patiner le trimard, faire le trottoir.

La Rue, 1894 : Se presser. Galoper. Manier.

France, 1907 : Caresser les formes d’une femme ; même sens que peloter.

Des femmes, parfois, telles qu’une plaine,
Montrent leur poitrine où de froids boutons
Poussent désolés : j’avais la main pleine
Quand je patinais ses fermes tétons.

(A. Glatigny, Joyeusetés galantes)

Patiner (se)

Delvau, 1866 : Se sauver, Jouer des pattes, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Déguerpir, — dans le jargon du peuple.

Virmaître, 1894 : Se sauver.
— Je me patine parce que je suis en retard.
Allusion aux patineurs qui avancent rapidement.
Patiner veut aussi dire se dépêcher de terminer une besogne.
— Je me patine de finir ma pièce, autrement samedi pas de galette.
Patiner du chiffon rouge,
se patiner de la langue : parler vite (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Se dépêcher.

France, 1907 : Se presser, courir.

— Donnez-moi votre bagage tout en bloc, que j’arrange tout ça en deux temps et cinq mouvements ; il s’agit de se patiner en double.

(Ch. Dubois de Gennes)

Patiner la dame de pique

France, 1907 : Jouer aux cartes.

Patiner les trois brêmes

France, 1907 : Tenir au jeu de bonneteau. On sait que ce jeu de filou est composé de trois cartes.

Au lieu de filer des luctrêmes,
Patine plutôt des trois brêmes.

(Hogier-Grison, Maximes des tricheurs)

Patineur

d’Hautel, 1808 : Celui qui se plait à patiner, qui glisse avec des patins.

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme qui aime à patiner les femmes.

Rigaud, 1881 : Cultivateur en attouchements lascifs.

Ah ! doucement ! je n’aime point les patineurs.

(Molière, George Dandin.)

Fustier, 1889 : Argot des voleurs et notamment des joueurs de bonneteau. Le patineur, c’est le banquier, celui qui tient les cartes, les patine et peut ainsi se livrer à toutes les tricheries. (V. Chocolat.)

La Rue, 1894 : Bonneteur (celui qui tient les cartes).

Patiras

Delvau, 1866 : s. m. Souffre-douleur de l’atelier. Les gens distingués disent Patito, comme à Florence.

Pâtissier

d’Hautel, 1808 : Un pâtissier Jacques. Sobriquet que l’on donne à un mauvais pâtissier, dont la pâtisserie est matte, lourde et indigeste. Voy. Patronet.

Pâtissier (sale)

Larchey, 1865 : Homme malpropre. V. Boulette.

Pâtissier, sale pâtissier

Rigaud, 1881 : Tripoteur d’affaires ; homme sans aucune espèce de délicatesse et sans conscience en affaires.

Patito

France, 1907 : Souffre-douleur ; complaisant supportant tous les caprices de sa femme ou de sa maîtresse. Italianisme.

Voyons, Messieurs, n’avons-nous pas assez de belles causes pour sacrifier notre vie, sans encore aller risquer, avec notre honneur, à ce jeu de l’amour et du hasard qui ne vaut même pas la chandelle… que tiennent les patitos de ces dames ?

(Lutécius)

Patoche

Delvau, 1866 : s. f. Férule, — dans l’argot des enfants, dont les mains en conservent longtemps le souvenir.

France, 1907 : Férule.

France, 1907 : Main. Déformation de patte.

Y faut que larg’ soit ta patoche,
Qu’ton palpitant n’soit pas de roche ;
Et donner au pont’ du nanan
En taillant une banque au flan !

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

Patoches

Delvau, 1866 : s. f. pl. Mains.

Patoire

France, 1907 : Personne endurante, qui supporte tout, qui pâtit.

Patoiser

France, 1907 : Parler patois.

On s’ennuie tant qu’il faut bien chercher à se distraire et, distraction pour distraction, c’en est une d’aller écouter patoiser, dans la rauque et rude langue du pays, tous ces longs gars à type chevalin, aux yeux naïfs.

(Jean Lorrain)

Patouillard

France, 1907 : Terme de mépris donné par les élèves du Borda aux navires de commerce.

Patouille

France, 1907 : Aviron à l’avant et à l’arrière des bateaux et, par extension, ceux qui les manient. La patouille est le corps des bateliers. Terme des bateliers de la Loire.

Dans la cour où, pour la circonstance, on avait réuni par tas la patouille, les musiciens, le pantalon retroussé, attendaient l’ordre du départ, en lançant quelques notes en sourdine.

(Harry-Alis, Petite Ville)

Patouiller

Delvau, 1866 : v. n. Barboter, patauger. On dit aussi Patrouiller. Ce verbe est dans Rabelais.

Delvau, 1866 : v. a. Manier, peloter. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Tourner et retourner une marchandise comestible, la manier grossièrement, de manière à la défraîchir.

Virmaître, 1894 : Manier.
— Vous n’avez pas bientôt fini de me patouiller avec vos sales pattes ?
On patouille dans un coffre-fort.
On dit également patrifouiller.
— Ce cochon de quart d’œil a passé deux heures à patrifouiller dans mes frusques pour trouver de quoi me faire sapé, mais il est grinchi. C’était au moulin.
Patrifouiller
est le superlatif de fouiller (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Palper, toucher, manier. Faire des attouchements à une personne est la patouiller.

France, 1907 : Manier, tourner et retourner un objet, tripoter.

Patouiller, tripatouiller

La Rue, 1894 : Tourner et retourner. Manier. Peloter.

Patouilleur

Delvau, 1866 : s. m. Peloteur.

Patouilleuse (mer)

France, 1907 : Mer grosse relativement aux petites embarcations. Une lame patouilleuse est une lame courte, agitée dans tons les sens. Terme de marine.

Patraque

d’Hautel, 1808 : Une patraque. Pour dire une mauvaise montre ; se dit généralement de toute chose mécanique dont les ressorts sont usés.
Une vieille patraque. Terme injurieux et de mépris, qui se dit d’une personne âgée, foible et débile, qui est hors d’état de supporter le travail et la fatigue.

Larchey, 1865 : Patrouille (Vidocq). — Jeu de mots ironique. — On sait que les anciennes patrouilles étaient peu redoutables ; elles marchaient aussi mal qu’une patraque. V. Moucharde.

Larchey, 1865 : Montre bonne ou mauvaise. — Patraque : En mauvais état de santé.

Delvau, 1866 : s. f. Vieille montre qui marche mal ; machine usée, sans valeur.

Delvau, 1866 : adj. Malade ou d’une santé faible, dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Patrouille.

La Rue, 1894 : Patrouille.

France, 1907 : Patrouille ; vieil argot.

France, 1907 : Personne maladive, indolente, qui semble avoir toujours quelque chose de détraqué, et, par extension, vieilleries.

Antiques mœurs et lois patraques,
Trône, églises, tsars, dieux (ces craques),
Vieille Societé, tu craques !
Hymne auguste qui s’était tu
Et renait chanson, la Vertu
A pour refrain : Turlututu !

(Catulle Mendès)

Patres

d’Hautel, 1808 : Envoyer quelqu’un ad patres. Pour l’envoyer promener lorsqu’il vous importune.
Il est allé ad patres. Pour, il est mort.

Patres (ad)

Delvau, 1866 : adv. Au diable, — dans l’argot du peuple, qui se soucie peu de ses « pères ». Envoyer ad patres. Tuer. Aller ad patres. Mourir.

France, 1907 : Mourir ; aller rejoindre ses pères. Envoyer quelqu’un ad patres, c’est l’envoyer au diable, ce qui est peu flatteur pour les ancêtres.

Patricole

France, 1907 : Bavard, individu qui parle à tort et à travers. Au pluriel, propos incohérents, commérages.

Patricotage

Virmaître, 1894 : Les danseurs patricotent des jambes. On dit aussi :
— Il a patricoté dans la caisse.
Patricoter est ici pour tricoter (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Remuement de jambes.

Patricoter

France, 1907 : Danser.

Patrie

Delvau, 1866 : s. f. Commode, — dans l’argot des bohèmes, qui serrent leurs hardes dans les grands journaux comme la Patrie, le siècle, etc., leurs seuls meubles souvent.

Patrifouiller

France, 1907 : Fouiller en tous sens ; argot des voleurs.

Patriotique

d’Hautel, 1808 : La scie patriotique. On appeloit ainsi ironiquement et d’une manière triviale, les corvées que les citoyens, dans les troubles de la révolution, étoient obligés de faire, et qui consistoient à monter la garde aux prisons, à servir d’escorte dans les fêtes populaires, etc., etc., etc.

Patron

Rigaud, 1881 : Marchand de vin quand il fait crédit. Lorsqu’il réclame son argent, c’est un empoisonneur, un pétroleur, — dans le vocabulaire des ivrognes.

Fustier, 1889 : Colonel. Argot militaire.

Patron (manger le)

France, 1907 : Quand la fête d’une localité arrive le dimanche, on dit que l’on mange le patron ou le saint patron.

Patron-jaquet (dès le)

France, 1907 : De très grand matin. On disait autrefois potron, ainsi qu’il appert dans Cartouche ou le Vice puni de Nicolas de Grandval :

Durant tout le chemin il n’eut point d’avanture
Digne d’être transmise à la race future ;
Il avançoit pays monté sur son criquet,
Se levoit tous les jours dés le potron-jaquet.

D’après quelques étymologistes, potron signifiait petit et jaquet ou jacquet, écureuil, nom que cet animal porte encore en Normandie ; dès le potron-jaquet signifierait donc dès le petit écureuil, sous-entendu : levé. Mais l’on dit encore actuellement en Normandie : « dès le paître jacquet », dès le moment où l’écureuil va paître ; potron serait donc une singulière corruption de paître. Il en serait de même de cette autre expression : dès le patron-minet. Voir ce mot.

Patron-minet

France, 1907 : De très grand matin. Même sens que patron-jaquet ; ce serait une corruption de dès le paître minet, c’est-à-dire aussitôt que le chat se lève pour chercher sa pâture. D’autres expliquent ainsi cette expression en disant que le patron et le chat étant d’ordinaire les deux premiers levés de la maison, le patron-minet est devenu de la sorte le prototype de la diligence matinale. À cette explication un peu fantaisiste je préfère celle qu’offre naturellement le parler normand : dès le paître minet.

Dès le patron-minet, installé derrière le rideau de sa fenêtre, il guettait avec une patience de vieux matou le lever de sa voisine. Quand il apercevait un bout de chair blanche, ne fût-ce que l’espace d’une demi-seconde et la largeur de deux centimètres, il écarquillait les yeux comme s’il voulait les faire jaillir de l’orbite.

(Les Propos du Commandeur)

On dit aussi patron-minette.

Patron-minette

Delvau, 1866 : s. f. Association de malfaiteurs, célèbre il y a une trentaine d’années, à Paris comme la Camorra, à Naples.

Rigaud, 1881 : Association de malfaiteurs, sous le règne de Louis-Philippe.

Quand le président des Assises visita Lacenaire dans sa prison, il le questionna sur un méfait que Lacenaire niait. — Qui a fait cela ? demanda le président. Lacenaire fit une réponse énigmatique pour le magistrat, mais claire pour la police. — C’est peut-être Patron-Minette.

(V. Hugo.)

La Rue, 1894 : L’aube.

France, 1907 : Association de malfaiteurs qui, vers 1840, exploitait la banlieue de Paris, appelée ainsi parce qu’ils opéraient à l’aube.

Patron-Minette (dès)

Delvau, 1866 : adv. Dès l’aube, — dans l’argot du peuple.

Patrone

France, 1907 : Ancien nom de la giberne et que les Allemands ont conservé pour la cartouche.

Patronet

d’Hautel, 1808 : Sobriquet railleur et méprisant que l’on donne à un mauvais pâtissier ; à un Jacques, à un gargotier.

France, 1907 : Apprenti pâtissier, appelé aussi gâte-sauce.

Patrougner

France, 1907 : Souiller en le maniant, tripoter quelque chose que l’on destine à la cuisson. « Cette vieille patrougne tout ce qu’elle donne à manger, sans compter les roupies dont elle assaisonne ses plats. »

Patrouillage

d’Hautel, 1808 : Saleté, malpropreté qu’on fait en barbottant, en patrouillant.

Patrouillard

France, 1907 : Patriote.

Ces bougres d’arbis aiment leur indépendance et veulent rester maîtres chez eux.
Les bons patrouillards français qui ont toujours la larme à l’œil, à propos de l’Alsace et de la Lorraine, ne comprennent rien à cela.

(Le Père Peinard)

Patrouille (en)

Larchey, 1865 : « Quatre jours en patrouille, pour dire en folies bachiques. »

Cabarets de Paris, 1821.

Patrouille (être en)

Delvau, 1866 : Courir les cabarets, ne pas rentrer coucher chez soi. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Être en tournée nocturne pour cause de débauche.

France, 1907 : Aller de cabaret en cabaret, comme la patrouille va de poste en poste. On dit aussi faire le chemin de la croix, allusion aux dévots qui s’arrêtent et bredouillent leurs patenôtres devant les douze tableaux représentant la passion, accrochés aux murs ou aux piliers des églises.

Patrouiller

d’Hautel, 1808 : Au propre l’action de faire patrouille ; au figuré, remuer de l’eau croupie, sale et bourbeuse ; manier malproprement les choses auxquelles on touche ; les gâter, les mettre en désordre ; virer, tourner de côté et d’autre.

Larchey, 1865 : Manier, patiner. — Mot à mot : rouler dans ses pattes.

Mais c’est vrai, tiens ! ça vous patrouille c’te marchandise, et puis ça part.

Vadé, 1788.

Larchey, 1865 : Faire patrouille.

En ma qualité de caporal postiche de voltigeurs, j’ai passé la nuit à patrouiller.

Festeau.

Delvau, 1866 : v. n. Faire patrouille, — dans l’argot des bourgeois, soldats-citoyens.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Peloter.

France, 1907 : Tripoter avec les doigts, retourner en tous sens un objet. Voir Patouiller et Patrougner.

… Ça vous patrouille
C’te marchandise, et puis ça part. Adieu !…

(Vadé)

Patrouillis

d’Hautel, 1808 : Barbotage, bourbier, fange, vilenies.

Patte

Larchey, 1865 : Pied. — Le testament de Villon parle déjà de « Soy soutenir sur les pattes. »

On en voit qui se faufilent dans des omnibus. Le reste s’en retourne à pattes, honteusement.

Alb. Second.

Larchey, 1865 : Main.

Et toujours de ma patte Frisé comme un bichon.

Vadé, 1788.

Larchey, 1865 : Habileté de main.

Mal dessiné, mais beaucoup de chic. — Oui, il a de la patte.

L. de Neuville.

Delvau, 1866 : s. f. Main, — dans l’argot des faubouriens. Le coup de patte, au figuré, est plutôt un coup de langue.

Delvau, 1866 : s. f. Grande habileté de main, — dans l’argot des artistes. Avoir de la patte. Faire des tours de force de dessin et de couleur.

Rigaud, 1881 : Pied, main, jambe. À patte, à pied.

France, 1907 : Lime.

France, 1907 : Pied, main. Aller à pattes, marcher.

Patte (coup de)

France, 1907 : Propos méchant, insinuation malveillante. « Avez-vous fini de me donner des coups de patte ? »

Patte cassée (avoir la)

La Rue, 1894 : Être découvert. Se casser la patte, se faire prendre.

France, 1907 : Être pris, découvert. Avec une patte cassée, il est difficile de courir, par conséquent de s’échapper.

Patte d’araignée (faire la)

Delvau, 1864 : Passer doucement et habilement les quatre doigts et le pouce sur le membre d’un homme, et ses tenants et aboutissants, afin de provoquer une érection qui ne viendrait pas sans cette précaution.

J’avais beau patiner sa couille renfrognée,
Lui faire avec cinq doigts la patte d’araignée,
Sa pine, peu sensible à mes soins superflue.
Demeurait flasque et molle et ne rebandait plus.

Louis Protat.

Patte d’éléphant

France, 1907 : Pantalon évasé par le bas, comme le portent les marins.

Patte d’oie

Larchey, 1865 : Triple ride qui imprime au coin de chaque œil, trois sillons d’apparence palmipède.

Aux tempes la patte d’oie caractéristique et au front les marches du palais montraient des rides élégantes, bien prisées à la cour de Cythère.

Balzac.

La Rue, 1894 : Carrefour. Rides près de l’œil.

France, 1907 : Carrefour.

France, 1907 : Rides qui partent du coin des paupières et s’étendent triangulairement sur les tempes.

Puis, quand les années arrivèrent, quand le corsage devint plus riche et moins ferme, quand la patte d’oie brida les yeux, quand les lèvres, plus molles, eurent perdu leur fraîcheur, elle se vit subitement délaissée pour d’autres aussi folles qu’elle, qui arrivaient, radieuses, avec le sourire de leurs vingt ans.

(Edmond Deschaumes)

Patte de chat (la)

Delvau, 1864 : Bordel fameux, situé sur le boulevard Courcelles, où presque toute la présente génération aura passé.

Ils entretienn’nt des gonzesses
Qui log’t à la Patt’ de chat.

Guichardet.

Patte de crapaud

France, 1907 : Épaulette de gendarme.

Patte de velours (faire)

Virmaître, 1894 : Avoir envie de dire des injures à quelqu’un et au contraire lui faire risette. Avoir envie d’égratigner et au contraire caresser. Allusion au chat qui rentre ses griffes quand il est content :
— Il fait patte de velours (Argot du peuple). N.

Patte mouillée

France, 1907 : Chiffon mouillé dont se servent les tailleurs pour enlever à l’aide d’un fer chaud les marques du lustre sur le drap.

Patte-d’oie

Delvau, 1866 : s. f. Les trois rides du coin de l’œil, qui trahissent ou l’âge ou une fatigue précoce. Argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. f. Carrefour, — dans l’argot du peuple et des paysans des environs de Paris.

Rigaud, 1881 : Carrefour.

Patte-mouillée

Delvau, 1866 : s. f. Vieux chiffon imprégné d’eau, qui, à l’aide d’un carreau chaud, sert a enlever les marques du lustre sur le drap. Expression de l’argot des tailleurs.

Pattes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Pieds, — dans l’argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Jambes, — dans l’argot des faubouriens. Fournir des pattes. S’en aller, s’enfuir. On dit aussi Se payer une paire de pattes, et Se tirer les pattes.

Pattes (à)

Delvau, 1866 : adv. Pédestrement.

Pattes (être sur ses)

Rigaud, 1881 : Être debout, être levé. Mot à mot : être sur ses jambes. — Être sur ses pattes dès patron-minette.

Pattes (se tirer les)

Rigaud, 1881 : S’en aller. La variante est : Se tirer les paturons.

Pattes de crapaud

Merlin, 1888 : Épaulettes.

Pattes de lapin

France, 1907 : Petits favoris ne dépassant pas l’oreille.

Ce compagnon semblait avoir dépassé la soixantaine. De petits favoris coupés en patte de lapin hérissaient ses jouets creuses ; au-dessus d’une bouche en coup de sabre, édentée, saillait un grand nez anglais, chevalin et droit.

(Hugues Le Roux)

Pattes de mouche

Larchey, 1865 : Caractères très fins.

Et l’écriture, il était avec des petites pattes de mouche bien agréables.

Festeau.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Lettre de femme ou grimoire d’avocat. Argot du peuple.

France, 1907 : Écriture très fine.

Pattu

Delvau, 1866 : adj. Épais, lourd, — dans l’argot du peuple.

Pâture

d’Hautel, 1808 : C’est une bonne pâture. Pour une nourriture saine et bienfaisante.

Pâturer

Delvau, 1866 : v. n. Manger, — dans l’argot des ouvriers. On dit aussi Prendre sa pâture.

Paturon

Halbert, 1849 : Pied.

Larchey, 1865 : Pied, pas. — Terme hippique. — V. Flacul, Rebâtir.

Paturon de cornaut

Halbert, 1849 : Pied de bœuf.

Paturon de morne

Halbert, 1849 : Pied de mouton.

Paturons

anon., 1827 : Les pieds.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Pieds.

Bras-de-Fer, 1829 : Les pieds.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les pieds, — dans l’argot des Faubouriens, qui disent cela au moins depuis Vadé :

À cet ensemble on peut connoître
L’élégant et le petit-maître
Du Pont-aux-Choux, des Porcherons,
Où l’on roule ses paturons.

Jouer des paturons. Se sauver.

France, 1907 : Pieds. « Jouer des paturons », se sauver ; « rouler ses paturons », se promener.

Du Pont aux choux des Porcherons,
Où l’on roule ses paturons.

(Vadé)

Paturons (les)

M.D., 1844 : Les pieds.

Paturons de cornant

anon., 1827 : Pieds de bœuf.

Paturons de morne

anon., 1827 : Pieds de mouton.

Bras-de-Fer, 1829 : Pieds de mouton.

Paturot

Delvau, 1866 : s. m. Bonnetier, homme crédule, — dans l’argot des cens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir du roman de Louis Reybaud.

Paufer

France, 1907 : Levier en fer dont se servent les carriers.

Paul Niquet

France, 1907 : « Eau-de-vie, du nom d’un débit de liqueurs voisin des Halles qui restait ouvert tout la nuit et servait de souricière. »

(Lorédan Larchey)

Pauline

France, 1907 : Ancienne diligence.

Mais la grande source de l’ivresse, du vertige qui triomphait des joueurs hésitants, c’était, avec des piaffements de sabots, des cabrements de bêtes, des cris de conducteurs, les départs des grandes « Paulines » à cinq chevaux, menées à fond de train, dans un tourbillon de grelots et de coups de fouet.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Paume

Delvau, 1866 : s. f. Perte, échec quelconque, — dans l’argot des faubouriens. Faire une paume. Faire un pas de clerc.

Rigaud, 1881 : Perte, insuccès. Faire une paume, ne pas réussir. — Paumer, perdre.

La Rue, 1894 : Perte. Insuccès.

France, 1907 : Balle élastique ; vieux mot.

Paumé

Clémens, 1840 : Arrêté, pris.

Virmaître, 1894 : Être pris, empoigné. Les agents arrêtent un voleur en lui mettant généralement la paume de la main sur l’épaule. L’allusion est claire. Être empaumé : être fourré en prison (Argot des voleurs).

Paumé (être)

Hayard, 1907 : Être pris, empoigné.

Paumé marron

Virmaître, 1894 : Paumé, pris, marron, l’être. Je suis marron signifie être refait. Un gogo est marron dans une affaire qui rate.
— On m’a pris ma place, je suis marron.
Synonyme de rester en panne (Argot des voleurs). N.

Paumelle

France, 1907 : Morceau de cuir dont les cordiers se garnissent la main pour filer le chanvre ; outil de bois dont le corroyeur s’enveloppe la paume de la main.

Paumer

un détenu, 1846 : Prendre, saisir, empoigner.

Larchey, 1865 : Perdre.

Je ne roupille que poitou ; je paumerai la sorbonne si ton palpitant ne fade pas les sentiments du mien.

Vidocq.

Larchey, 1865 : Empoigner. V. Du Cange. — Du vieux mot paumoier. — V. Cigogne.

Rends-moi la bourse, ou sinon je te paume.

le Rapatriage, parade, dix-huitième siècle.

Delvau, 1866 : v. a. Perdre, — dans l’argot des voleurs. Paumer la sorbonne. Devenir fou, perdre la tête.

Delvau, 1866 : v. a. Empoigner, prendre — avec la paume de la main. S’emploie au propre et au figuré. Être paumé. Être arrêté. Être paumé marron. Être pris en flagrant délit de tricherie, de vol ou de meurtre.

Rigaud, 1881 : Perdre, — dans le jargon des voleurs. — Paumer l’atout, perdre courage.

Rigaud, 1881 : Dépenser, — dans le jargon des ouvriers. Paumer son fade, dépenser l’argent de sa paye.

Rigaud, 1881 : Arrêter, appréhender au corps. Se faire paumer ; mot à mot : se faire mettre la paume de la main au collet.

La Rue, 1894 : Perdre. Dépenser. Empoigner. Arrêter. Se paumer, s’égarer.

Virmaître, 1894 : Perdre.
— Tu fais une drôle de gueule.
— J’avais deux sigues d’affure et j’en paume quatre, y a de quoi.
— Fallait pas jouer (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Prendre, surprendre, arrêter. — « J’ai été paumé par ma mère au moment où je fouillais dans sa bourse. » — « Le môme Bidoche a été paumé en volant à l’étalage. »

Rossignol, 1901 : Perdu. — « J’ai paumé ma bourse. » — « J’ai paumé au jeu. » — Celui qui a de la perte a de la paume.

Hayard, 1907 : Perdre.

France, 1907 : Prendre, arrêter, saisir ; littéralement, tenir dans la paume de la main, Argot populaire.

Il y a trois ans, les enjuponnés cherchaient les assassins d’un paysan et de sa femme ; ils en avaient déjà deux dans les griffes, il leur manquait un troisième.
Au hasard, ils paumèrent un pauvre bougre qui n’était pour rien dans l’affaire.

(Le Père Peinard)

Paumer sur le tas, arrêter en flagrant délit. Paumé dans le dos, flambé, perdu.

— Faut gicler, les gonzesses, on va vous paumer su’l’tas.

(A. Bruant, Les Bas-Fonds de Paris)

France, 1907 : Dérober, détourner adroitement quelque chose, mettre la paume de la main sur un objet.

France, 1907 : Manger avec avidité.

France, 1907 : Donner, lancer. « Paumer la gueule à un roussin », donner un coup de poing sur la figure d’un agent. Argot des voyous.

Paumer ses plumes

La Rue, 1894 : S’ennuyer.

France, 1907 : Perdre ses cheveux, se faire vieux, s’ennuyer.

Paupière (se battre la)

Larchey, 1865 : Voir œil.

Pauses (compter des)

Rigaud, 1881 : Dormir à côté de son pupitre, — dans le jargon des musiciens de théâtre.

France, 1907 : Respirer bruyamment en dormant.

Pauteau

Rossignol, 1901 : Associé, complice. On dit aussi mon social ou sociable.

Pautre

Bras-de-Fer, 1829 : Bourgeois.

Pauvrard

France, 1907 : Pauvre, miséreux.

Pauvrard, e

Delvau, 1866 : adj. et s. Excessivement pauvre.

Pauvre

d’Hautel, 1808 : Pauvre comme Job. Se dit d’une personne extrêmement indigente, mais qui cependant à l’exemple de ce patriarche, reste constamment fidèle aux lois de la probité.
C’est un pauvre homme. Se dit par mépris d’un homme, sans talent, sans capacité.-

Pauvre comme Job

France, 1907 : Le saint homme Job, qui est devenu si fameux par son humble patience, avait, durant toute sa vie, allié deux choses bien difficiles, une grande vertu avec de grandes richesses… Le démon ne put souffrir une si haute vertu sans lui donner quelque atteinte. Il osa porter ses calomnies jusqu’à Dieu même, et, ne trouvant rien dans la vie de Job qu’il pût blâmer, il accusa ses intentions cachées, soutenant devant Dieu qu’il ne le servait qu’à cause des avantages qu’il en recevait. Dieu, pour confondre ce méchant calomniateur, lui donna la puissance de lui ravir tout son bien. Le démon usa de ce pouvoir avec toute sa malignité ; et pour mieux accabler ce saint homme, il fit en même temps piller ses troupeaux par des voleurs, périr ses brebis par le feu du ciel, emmener ses chameaux par les ennemis, et mourir tous ses enfants sous les ruines d’une maison qu’il fit tomber pendant qu’ils étaient à table. Job reçut ces tristes nouvelles sans que sa vertu en fût ébranlée. Il se prosterna, bénit Dieu et dit ces paroles : « Dieu me l’a donné, Dieu me l’a ôté ; que son saint nom soit béni !… » Le démon alors frappa Job d’un ulcère épouvantable qui lui couvrait tout le corps. Il fut réduit à s’asseoir sur un fumier, et à racler avec le têt d’un pot la pourriture qui sortait de ses plaies et les vers qui s’y formaient. Il ne lui restait alors de tout ce qu’il possédait autrefois dans le monde que sa femme seulement, que le démon lui avait laissée pour être, non la consolatrice, mais la tentatrice de son mari, et pour le porter à l’impatience. Car cette femme, jugeant que la piété de ce saint homme était vaine, tâcha de le jeter dans des paroles de blasphème et de désespoir … Et saint Augustin, admirant sa fermeté en cette rencontre, dit que Job, n’ayant point succombé à cette Eve, est devenu incomparablement plus glorieux sur son fumier qu’Adam ne le fut autrefois dans toutes les délices du Paradis (Histoire de l’Ancien et du Nouvenu Testament).
C’est M. Lemaistre de Sacy qui analyse ainsi l’Ancien Testament sans rire, et il a la bonté de mettre en note qu’il ne sait pas au juste en quel temps s’est passée cette histoire, mais qu’il y a apparence que ce fut durant que les Israélites étaient dans le désert !

Pauvres clercs

France, 1907 : Le nom de clerc s’appliquait pendant le moyen âge, non seulement à tout individu qui étudiait ou avait étudié, mais à tous ceux qui fréquentaient les universités, ce qu’aujourd’hui l’on nomme les étudiants. Actuellement, cette sorte de privilège de suivre les cours aux universités est réservée à la bourgeoisie, ou tout au moins aux familles qui peuvent subvenir aux frais de l’éducation et de l’entretien de leur fils. Il n’en était pas ainsi autrefois et les pauvres clercs, les étudiants sans sou ni maille, abondaient à Paris. Comment vivaient-ils ? D’aumônes la plupart, et d’autres de moyens illicites et que punissait la corde. À l’instar de François Villon, dont le nom signifie voleur, plusieurs se faisaient escrocs et coupeurs de bourses. C’est pour subvenir aux besoins des plus méritants et des plus pauvres que nombre de bourses furent créées dans différents collèges. En tout cas, leur indigence était devenue proverbiale et l’on disait pour exprimer grande misère : Famine de povres clercs.

Pauvreté

d’Hautel, 1808 : Il se jette dessus vous comme la pauvreté sur le monde. Se dit d’un homme importun, qui ne cesse de tourmenter, qui obsède par ses demandes indiscrètes.
Pauvreté n’est pas vice ; non, mais c’est bien pis, répondoit l’ingénieux Dufresny, à qui l’on faisoit fréquemment l’application de ce proverbe.
Pauvreté. Pour sottises, paroles dénuées de sens ; discours insensés.

Pauvreté d’un homme (la)

Delvau, 1864 : Son membre, qui est une richesse pour lui — quand il est maquereau.

Il montra toute sa pauvreté.

(Moyen de parvenir.)

N’avez-vous pas honte de montrer ainsi votre pauvreté !

Cervantes.

Pauvreté n’est pas vice

France, 1907 : Ce vieux et honnête proverbe de la sagesse des nations est un des rares qui ne souffrent pas de contradictions. Mais, en pratique, c’est celui que l’on observe le moins, car le premier sentiment à l’égard du pauvre est la méfiance, le même qu’à l’égard du vice. Nos pères disaient : « Pauvreté n’est pas vice, mais c’est une espèce de ladrerie (lèpre), chacun la fuit. » Les choses n’ont guère changé depuis. En tout cas, si pauvreté n’est pas vice, elle y pousse fortement.

Pavé

d’Hautel, 1808 : Il a la tête dure comme un pavé. Se dit d’une personne sans intelligence et sans pénétration.
Être sur le pavé. Pour être hors de maison, n’avoir pas d’ouvrage.
C’est tout pavé d’ici là. Manière goguenarde de dire qu’une course est très-longue, qu’un lieu est très-éloigné d’un autre.
Tâter le pavé. Agir avec prudence et circonspection.
Être sur le pavé du roi. Être dans un lieu public, d’ou personne n’a le droit de vous renvoyer.
Il est tombé sur le pavé. Pour dire sa fortune est bouleversée, il est ruiné.
Il a le gosier pavé. Se dit d’un goulu qui mange des alimens bouillans.
De pavé sec et bois mouillé, libera nos domine. Dicton populaire qui signifie que l’un et l’autre de ces inconvéniens sont dangereux.

Larchey, 1865 : Éloge maladroit. — Allusion au pavé de la Fontaine.

C’était un journal pavé de bonnes intentions ; mais on y rencontrait plus de pavés encore que de bonnes intentions.

Alb. Second.

Delvau, 1866 : s. m. Bonne intention malheureuse, comme celle de l’ours de la Fontaine. Réclame-pavé. Éloge ridicule à force d’hyperboles, qu’un ami, — ou un ennemi, — fait insérer à votre adresse dans un journal.

Delvau, 1866 : adj. Insensible, — dans l’argot du peuple. Avoir le gosier pavé. Manger très chaud ou boire les liqueurs les plus fortes sans sourciller.

Rigaud, 1881 : Éloge exagéré et si maladroitement lancé qu’il assomme celui qui en est l’objet.

Pavé (battre le)

France, 1907 : Marcher dans les rues longtemps et vainement ; faire des courses inutiles ; courir à la recherche d’un emploi. « Combien de misérables battent le pavé ! »

Pavé (c’est tout)

France, 1907 : Expression populaire ironique signifiant : « C’est loin, mais la route est bonne. »

Pave (on)

Rigaud, 1881 : Lorsqu’un débiteur prudent ne veut pas passer dans une rue où il compte un créancier il dit qu’on pave. Quand on possède plusieurs créanciers dans la même rue : « Il y a des barricades ». On dit encore : la rue est barrée, c’est-à-dire barrée par les créanciers.

Virmaître, 1894 : Rue dans laquelle on ne peut passer à cause d’un créancier (Argot du peuple).

Pavé de l’ours

France, 1907 : Témoignage maladroit d’amitié. Allusion à l’ours de la fable qui, pour écraser une mouche qui chatouille le front de son ami endormi, lui lance un pavé. Rien de plus terrible que les amis obtus, ce qui donne lieu au proverbe : « Mieux vaut un sage ennemi qu’un sot ami. » On appelle réclame-pavé un éloge ridicule inséré dans un journal par un ami maladroit ou un habile ennemi, qui attire l’attention sur vous en vous assommant.

Pavé mosaïque

Delvau, 1866 : s. m. Le sol de la salle des réunions, — dans l’argot des francs-maçons.

Pavée (rue)

France, 1907 : Rue où l’on ne passe pas, à cause du créancier qui l’habite : on fait un détour comme pour les rues que l’on pave.

Pavie jaune

France, 1907 : Voir Mirlicoton.

Pavillon

un détenu, 1846 : Fou.

Larchey, 1865 : Fou, homme dont les idées flottent tous les vents comme un pavillon. — Pavillonner : Deviser joyeusement, plaisanter, déraisonner.

On renquillera dans la taule a mesigue pour refaiter gourdement, et chenument pavillonner, et picter du pivois sans lance.

Vidocq.

Delvau, 1866 : s. et adj. Fou, — dans l’argot des faubouriens.

La Rue, 1894 : Fou. Mensonge fait sans nécessité.

France, 1907 : Évaporé, tête folle, cerveau versatile qui n’a pas d’idée fixe, qui tourne à tous les vents comme un pavillon.

Pavillon (baisser)

France, 1907 : Rabattre des prétentions que l’on avait émises, s’incliner devant une volonté plus forte.

Pavillon, pavillonne

Rigaud, 1881 : Fou, folle. — Pavillonnage, folie. Pavillonner, déraisonner.

Pavillonner

Delvau, 1866 : v. n. Avoir des idées flottantes ; déraisonner. On dit aussi Être pavillon.

France, 1907 : Faire ou dire des folies ; mentir ; répondre évasivement à une question.

Pavoi

Halbert, 1849 : Insensé.

Pavois

Larchey, 1865 : « Être pavois, c’est être dans la vigne du Seigneur, dans toute la joie de Bacchus, atteindre le parfait bonheur, c’est enfin être au pavois. » — Ch. Coligny.

Delvau, 1866 : adj. et s. En état d’ivresse. Être pavois. Être gris, déraisonner à faire croire que l’on est gris.

France, 1907 : Timbré ou ivre ; agité de mille pensées confuses et diverses comme les pavillons multiples et multicolores dont se pavoise un navire à certaines fêtes. Ces jours-là, il y a généralement ripaille à bord et les matelots sont pavoisés comme leur vaisseau.

Ne flanche pas si t’es pavois,
Tu n’affurerais que la poix.

(Hogier-Grison)

Pavois ou pivois

La Rue, 1894 : Ivre.

Pavoisé

Rigaud, 1881 : Mis en gaieté par le vin, — dans le jargon des ouvriers. — Se pavoiser, se mettre en ribotte. On disait autrefois ; pavois, être pavois, par altération, sans doute, de pivois.

Pavoiser (se)

Larchey, 1865 : Faire toilette. V. Astiquer.

Delvau, 1866 : S’endimancher. Argot des marins. S’endimancher, pour les faubouriens, a un double sens : il signifie d’abord mettre ses habits les plus propres ; ensuite s’amuser, c’est-à-dire boire, comme ils en ont l’habitude à la fin de chaque semaine.

France, 1907 : Faire toilette, se mettre en grande tenue ; terme de marine, allusion au navire qu’on pavoise.

Paxon

Rossignol, 1901 : Paquet.

Payant

Rigaud, 1881 : Et, plus fréquemment, imbécile de payant. Dans le jargon des coulisses tout spectateur naïf et enthousiaste a été baptisé du sobriquet de « payant, imbécile de payant ».

Paye

d’Hautel, 1808 : Il a reçu sa paye, on lui a donné sa paye. Se dit d’un enfant auquel on a infligé quelque correction ; que l’on a maltraité, battu.

Paye (bonne)

Larchey, 1865 : Débiteur solvable.

Une lorette très-mauvaise paye.

Ed. Lemoine.

Payent l’amende (les battus)

France, 1907 : Cette vielle et amère boutade de la sagesse des nations a malheureusement été vraie à toutes les époques et l’est trop souvent encore aujourd’hui. Le faible, le miséreux, les pauvres gens que l’adversité accable sont punis comme des coupables. On emprisonne parce qu’on n’a pas de gite, parce qu’on est pauvre, parce qu’on a faim, Au moyen âge, cette expression n’avait rien de figuré. C’était la réalité même. On vidait un différend par les armes. Le juge prononçait qu’il échéait gage de bataille, et les deux parties allaient plaider leur cause en champ clos sous les yeux du juge. Les nobles combattaient avec l’épée, les vilains se servaient du bâton. La victoire prouvait le droit ; la raison du plus fort était la meilleure. « Quand, dit Didier Loubens, les contestations reposent sur des matières criminelles, le vaincu, s’il ne succombait pas sous l’arme de son adversaire, était livré au bourreau pour avoir la main coupée… Lorsque, au contraire, elles appartenaient à des matières civiles, le vaincu et les témoins qui avait pris son parti se rachetaient de la peine encourue par la défaite en payant une amende plus ou moins forte comme satisfaction au vainqueur, de là le proverbe : « Les battus payent l’amende. » Bon vieux temps ! Le duel n’est qu’un restant de cet âge de barbarie.

Payer

d’Hautel, 1808 : Adieu, porte-toi bien ; je payerai le médecin. Plaisanteries, goguettes populaires, usitées en se séparant de gens avec lesquels on est très-familier.
Il veut tout savoir et ne rien payer. Se dit d’un investigateur, d’un curieux fort avare.
Payer ric à ric. Se faire tirer l’oreille pour payer une somme ; la payer par petits à comptes.
Il payera les pots cassés. Signifie qu’on fera retomber sur quelqu’un le dommage survenu dans une affaire.
Tant tenu, tant payé. Pour dire qu’on ne doit payer un ouvrier qu’à proportion du temps qu’on l’a employé.
Payer en monnoie de singe, en gambades. Signifie se moquer de celui à qui l’on doit.
Payer bouteille, pinte, chopine, demi-setier. Pour dire payer à boire à quelqu’un.

Fustier, 1889 : Argot des lycées. S’exonérer, au moyen d’une exemption, d’un satisfecit, d’une punition encourue. Payer ses arrêts, sa retenue. Sortie payante, sortie de faveur accordée à relève qui remet en paiement une ou plusieurs exemptions que son travail, sa bonne conduite lui ont fait obtenir.

Depuis longtemps, la France a protesté contre les sorties dites payantes ou de faveur et contre les punitions actuellement en vigueur.

(France, 1881.)

La Rue, 1894 : Faire, accomplir. Être condamné. Avoir payé, avoir subi des condamnations, faire payer, condamner.

Payer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’offrir, se donner, se procurer, — dans l’argot des petites dames et des faubouriens. Se payer un homme. Avoir un caprice pour lui. Se payer une bosse de plaisir. S’amuser beaucoup.

Rigaud, 1881 : Se passer une fantaisie.

France, 1907 : Se passer une fantaisie. « Voilà une petite femme que je me payerais volontiers. »

Hue ! nom de Dieu !… v’là qu’ j’ai l’hoquet !
Ça s’rait du prop’ que j’dégobille ;
Si j’trouve encore un mastroquet
D’ouvert, je m’ paye eun’ petit’ fille,
Ça m’débarbouill’ra l’cœur et pis
D’abord, ej’suis rond comme un disque,
J’m’arrondirai pas pus que j’suis.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Payer au marc le franc

France, 1907 : Répartir une somme entre les créanciers proportionnellement à ce qui est dû à chacun.

Payer bouteille

Delvau, 1866 : Offrir à boire chez le marchand de vin. Argot des ouvriers.

Payer de toupet

France, 1907 : Faire un coup d’audace.

Babylas, le cantinier, surprend sa femme en conversation animée avec un jeune conscrit.
Celui-et paie de toupet.
— Venez vite, cantinier, votre femme se trouve mal.
— Mais vous, espèce de bleu, vous avez l’air de la trouver bien.

(La Baïonnette)

Payer en monnaie de singe

France, 1907 : Saint Louis avait toujours besoin d’argent : il rendit une ordonnance soumettant à un droit de péage tout animal entrant dans Paris. Les bateleurs qui presque tous possédaient des singes pour amuser le public dans leurs parades, cherchèrent naturellement à esquiver ce nouvel impôt. Ils s’arrêtaient donc aux barrières et faisaient danser et grimacer leurs singes devant les commis du fisc, qui, pour les récompenser de ce spectacle, les faisaient passer sans payer. Cet usage était tellement enraciné que Louis IX établit un tarif réglant à ce sujet les droits de péage : « Si le singe est à un joueur, celui-ci le fera jouer devant le péager, qui sera tenu de se contenter de cette monnaie x» ; au cas contraire, il payait 4 deniers.
On dit donc de quelqu’un qu’il paye en monnaie de singe lorsqu’il s’acquitte de sa dette par des grimaces, des révérences et des promesses. Une vieille coutume existait en Normandie par laquelle on pouvait défrayer son hôte par un conte ou une chanson :

Usages est en Normandie
Que qui hébergiez est qu’il die
Fable ou chanson die à son oste :
Cette coutume pas n’en oste
Sire Jehan de Chapelain.

(Jean le Chapelain)

Payer l’intérêt de sa mine

France, 1907 : On ne connaît pas le vin au cerceau, ni l’homme au chapeau, et cependant que de gens reçoivent un bon ou mauvais accueil suivant qu’ils sont bien ou mal vêtus. Que de sots et d’ignorants élégamment mis l’emportent dans les choses de la vie sur des hommes intelligents vêtus avec simplicité ! L’habit ne fait pas le moine, mais cependant que de gredins honorés comme moines parce qu’ils en portent la robe !

Garde-toi, tant que tu vivras.
De juger des gens par la mine,

vieux proverbe auquel on ne fait jamais attention. Philopœmen, le plus grand capitaine qu’ait eu la Grèce, le dernier des Grecs, comme l’appelaient les Romains, véritable artiste en guerre suivant l’expression de Plutarque, joignait à ses talents et à ses vertus civiques et guerrières la plus grande simplicité. Jamais de pompeux étalage, jamais de suite nombreuse comme avaient coutume d’en avoir les généraux grecs. Un jour, invité chez un ami, il arrive, suivant son habitude, simplement vêtu et sans serviteur. La maîtresse du logis, qui ne le connaissait pas et qui était en ce moment fort affairée et fort troublée par l’attente de l’illustre général des Achéens, voyant cet homme, le pria sans façon de fendre un peu de bois pour son feu qui n’allait pas à son gré. Philopœmen sourit, se dépouilla de son manteau et se mit gravement à l’œuvre. Le mari entre sur ces entrefaites, et quelle n’est pas sa stupéfaction de voir le général occupé, dans sa propre maison, à cette besogne d’esclave — « Qu’est-ce que cela ? s’écrit-il stupéfait. Quoi ! seigneur… — Je paie l’intérêt de ma mauvaise mine, dit en riant Philopœmen. » Les Arabes disent : Selon l’habit, l’hospitalité.

Payer la goutte (faire)

Delvau, 1866 : Siffler, — dans l’argot des coulisses.

Rigaud, 1881 : Siffler un acteur.

Payer les pots cassés

France, 1907 : Pâtir pour les fautes d’autrui.

J’ai faim, disait ventre creux
Devenu sceptique,
Je suis las des fruits véreux
De la politique,
Tiens ! je paie assez
Les vieux pots cassés.
Les partis
Sont petits.
Chacun a sa bande.
J’aime mieux la viande !

(Eugène Pottier, Chansons révolutionnaires)

Payer les violons

France, 1907 : Payer sans y prendre part les plaisirs d’autrui, avoir la peine sans le profit. Cette expression est fort ancienne. Molière l’a introduite dans une de ses comédies, La Comtesse d’Escarbagnas : « Pour moi, je ne suis pas d’honneur à payer les violons pour faire danser les autres. »
Les Romains disaient : Delirant reges, plectuntur achivi, « les rois font des turpitudes et c’est le peuple qui souffre. »

Payer sa fiole, sa hure, sa tête (se)

France, 1907 : Se moquer de quelqu’un.

Tous ces conscrits auraient bougrement envie de pleurer, — mais, tous, ravalent leurs larmes, crainte que les camaros se payent leur fiole et aussi pour montrer qu’on est un homme.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Amédée de Saint-Gapour crut comprendre, à ce moment, que la dame se payait sa tête.
Très vexé et fou d’amour, il se précipita sur elle en imitant, à s’y méprendre, le cri du carme.
(Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.)

(Alphonse Allais)

Quelqu’un veut se payer ma tête…
Mais j’ai bon œil et bon poignet,
Et d’une aventure aussi bête
Avant peu j’aurai le cœur net !

(Jules Célès)

Payer un homme (se)

Virmaître, 1894 : Moyen que possèdent toutes les femmes sans débourser d’argent. Cette expression est généralement employée par les femmes à caprices.
— Elle se paye autant d’hommes qu’elle change de chemises (Argot des filles). N.

Payer un moos, la goutte (se faire)

Fustier, 1889 : Argot théâtral. Jouer un rôle à emboîtage.

Payer une bosse (s’en)

France, 1907 : S’en donner à cœur joie.

Aplati sous le joug d’une bossue atroce (Louis XII)
Il la quitte, et bientôt avec sa liberté,
Recouvre le bonheur et la tranquilité ;
De là le mot fameux : « S’en payer une bosse ! »

(Charles Tabaraud)

Payer une course (se)

Delvau, 1866 : Courir, — dans l’argot des faubouriens.

Payer, Aglaé (tu vas me le) !

Rigaud, 1881 : Locution très répandue, il y a une dizaine d’années, lorsqu’on était mécontent de quelqu’un, lorsqu’une proposition paraissait extravagante ou déplacée, une prétention exagérée.

Payette

France, 1907 : Diminutif de paye ; petite récompense. Lorsque les bergères du Centre sont contentes de leurs chiens, elles les rappellent en criant : « À la payette ! »

Payot

Bras-de-Fer, 1829 : Forçat écrivain.

Delvau, 1866 : s. m. Forçat chargé d’une certaine comptabilité.

Rigaud, 1881 : Forçat cantinier et comptable, une des places les plus recherchées des anciens bagnes. C’était une place accordée ordinairement aux anciens notaires, aux agents de change qui avaient eu des malheurs.

France, 1907 : Forçat chargé des comptes.

Le payot distribue les vivres, fait la paye et se charge à juste prix de la correspondance des camarades. C’est à la fois un fourrier du bagne et un écrivain public.

Pays

d’Hautel, 1808 : Bonjour pays. Se dit en saluant un compatriote.
C’est mon pays. Pour dire il est né dans le même pays que moi.
Autant de pays, autant de guises. Pour dire que chaque peuple à des mœurs différentes.
Juger à vue de pays. Pour dire par approximation ; sans être précisément certain.
De quel pays venez-vous donc ? Se dit à celui, qui ignore une nouvelle que tout le monde sait depuis long-temps.
Il lui a fait voir bien du pays. Signifie, qu’on a donné bien de l’exercice à un homme ; qu’on l’a entretenu d’affaires pénibles.
Il a gagné le pays, il a vidé le pays. Pour, il s’est sauvé, il s’est enfui.
Battre du pays. S’éloigner de son sujet, dire un grand nombre de choses inutiles.
Il est encore bien de son pays celui-là. Pour, il est bien sot, bien ridicule, bien niais, de s’imaginer cela ; se dit généralement de ceux qui font des propositions que l’on ne peut accepter.

Larchey, 1865 : Compatriote. V. d’Hautel, 1808. — V. Coterie.

Falleix trouvait son vieux pays trop cher.

Balzac.

Ces primeurs exposées pour le plaisir des caporaux et de leurs payses.

Id.

Delvau, 1866 : s. m. Compatriote, — dans l’argot des soldats.

Delvau, 1866 : s. m. Compagnon, — dans l’argot des ouvriers.

Pays Bréda

Delvau, 1866 : Le quartier Bréda, une des Cythères parisiennes. Argot des gens de lettres.

Pays de cocagne

France, 1907 : Pays où tout abonde, où l’on fait grande chère, où l’on vit bien sans travailler.
On n’est pas d’accord sur l’étymologie de ce nom. Le savant évêque Daniel Huet, qui fut adjoint à Bossuet pour l’éducation du Dauphin, prétend que c’est une corruption de gogaille, gogue, goguette. La Monnoye, l’auteur de la célèbre chanson de M. de la Palisse, philologue érudit, le fait venir de Merlin Coccaio, qui, dans sa manière macaronée, décrit une contrée qui serait un paradis pour les gastrolâtres. Mais bien avant le moine Théophile Falengo, caché pendant la première moitié du XVIe siècle sous le pseudonyme de Merlin Coccaie, on trouve le mot cocagne dans les vieux fabliaux. Un d’eux, écrit au XIIIe siècle, a même pour titre : C’est li fabliou de Coquaigne. Il est fort curieux et débute ainsi :

Li païs a nom Coquaigne,
Qui plus y dort, plus y gaaigne ;
Cil qui dort jusqu’a miedi,
Gaaigne cinc sols et demi,
De bars, de saumons et d’aloses
Sont toutes les maisons encloses ;
Li chevrons y sont d’esturgeons,
Les couvertures de bacons (jambons)
Et les lates sont de saucisses…
Par les rues vont rostissant
Les crasses oes (les grasses oies) et tornant
Tout par elles (d’elles-mêmes) et tout ades
Les suit la blanche aillie (sauce à l’ail) après.

C’est ce qui a fait croire à Geruzez et à Littré après lui que cocagne venait de coquina (cuisine) ou de coquere (cuire) en passant par le catalan coca.
Voilà bien de l’érudition et c’est remonter à bien des sources quand l’étymologie se trouvait, c’est le cas de le dire, sous la main.
Cocagne vient de coquaigne, justement comme on le trouve écrit dans de fabliau du recueil de Méon, et coquaigne est un pain de pastel du Languedoc. Comme la vie y était facile, la terre fertile, les fruits en abondance et le climat charmant, on appelait ce pays, pays de Coquaigne, c’est-à-dire où les habitants mangeaient d’excellents petits gâteaux à très bon marché, buvaient de bon vin à peu de frais, enfin ne travaillaient guère.
Legrand, dans le Roi de Cocagne, a donné de ce merveilleux pays un tableau qui est loin de valoir celui du fabliau du XIIIe siècle :

Veut-on manger, les mets sont épars dans les plaines ;
Les vins les plus exquis coulent de nos fontaines ;
Les fruits naissent confits dans toutes les saisons ;
Les chevaux tout sellés entrent dans les maisons ;
Le pigeonneau farci, l’alouette rôtie,
Vous tombent ici-bas du ciel comme la pluie.

Terminons par cette fin de la satire de Boileau :

Paris est pour le riche un pays de Cocagne ;
Sans sortir de la ville, il trouve la campagne ;
Il peut, dans son jardin tout peuplé d’arbres verts,
Recéler le printemps au milieu des hivers ;
Et, foulant le parfum de ses plantes fleuries,
Aller entretenir ses douces rêveries,
Mais moi, grâce au destin, qui n’ai ni feu ni lieu,
Je me loge où je puis, et comme il plaît à Dieu.

Pays des marmottes (le)

Delvau, 1866 : La terre, — dans l’argot du peuple. S’en aller dans le pays des marmottes. Mourir. On dit aussi le Royaume des taupes.

Pays Latin

Delvau, 1866 : Le quartier des Écoles, genus latinum. On dit plutôt le Quartier latin.

France, 1907 : Le quartier des Écoles.

Code, amour, chant, tout marche à l’unisson !
Voilà comme on vit,
Comme on chante soir et matin,
Voilà comme on rit
Dans notre beau Pays Latin !

(Henry Murger)

Pays-Bas

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les possessions de messire Luc, — métropole et colonies.

France, 1907 : Le postérieur et ses environs. « Dites donc, vous, Monsieur le gandin, avez-vous fini d’explorer les Pays-Bas de ma fille ? — Vous faites erreur, Madame Cardinal, je ne suis que dans le Bas-Rhin ! »

Pays-Bas (les)

Delvau, 1864 : La nature de la femme et les parties circonvoisines.

Ce ne sont point ses draperies,
Son tabac ni ses broderies
Dont on fait cas ;
Mais chemise fine et de Frise
Donne goût pour la marchandise
Des Pays-Bas.

Collé.

Pays, payse

Merlin, 1888 : Compatriote.

France, 1907 : Compagnon, compatriote ; nom que les soldats donnent à leur maîtresse et réciproquement.

Une conversation des plus intéressantes était engagée entre le biffin et la nounou qui avait tout d’un coup découvert qu’ils étaient presque pays. — C’est toujours comme cela que ça commence…

(La Baïonnette)

Paysage (faire bien dans le)

Rigaud, 1881 : Concourir au coup d’œil général, produire bon effet, rehausser une toilette. — Pour les mondaines, un bracelet en diamants fait bien dans le paysage, les soirs d’Opéra. Pour un ivrogne, une rangée de bouteilles sur le dressoir fait bien dans le paysage.

Paysan

d’Hautel, 1808 : C’est un gros paysan. Se dit par mépris d’un rustre, d’un lourdaud, d’un homme grossier et stupide.
C’est lui qui est le paysan. Pour dire, c’est lui qui est dupe de la farce ; qui supporte les charges de cette affaire.

Payse

Delvau, 1864 : Qualité que se donnent devant leurs maîtres les bonnes et les cuisinières, pour avoir le loisir de causer de — et de piner avec — son pays, qui est ordinairement un troupier français.

Mais, ne t’ai-je pas dit, Chauvin,
Que je n’ puis plus boire de vin ?
Combien de fois faut-il que je te l’dise ;
Je m’ai pas assez méfié d’la pays…
Pas assez méfié d’ la payse.

Allard.

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot des soldats, qui sont volontiers du même pays que la bonne d’enfants qu’ils courtisent.

Pchutt

France, 1907 : Élégance, bon ton. Voir Pshutt.

Péaix

un détenu, 1846 : Malin, méchant. Faire le péaix : faire le méchant.

Peau

d’Hautel, 1808 : Il crève dans sa peau. Se dit de quelqu’un qui éprouve une jalousie intérieure, un dépit secret.
La peau lui démange. Se dit d’un querelleur, d’un homme qui cherche dispute sans fondement ; qui s’expose à se faire battre.
Elle a envie de sa peau. Se dit d’une femme qui recherche un homme en mariage.
Je ne voudrois pas être dans sa peau. Signifie qu’on ne voudroit pas être à la place de quelqu’un qui s’est attiré une mauvaise affaire.
Il ne changera pas de peau ; il mourra dans sa peau. Se dit d’un homme incorrigible.

Larchey, 1865 : Laide ou vieille prostituée.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de très mauvaise vie, — dans l’argot des faubouriens. C’est le jeu de mots latins : pellex et pellis. On dit aussi Peau de chien.

Rigaud, 1881 : Prostituée de rebut.

La Rue, 1894 : Basse prostituée. De la peau ! Non, rien.

France, 1907 : Prostituée, fille ou femme de mauvaise vie ; argot populaire. On dit aussi dans le même sens ; peau de chien ou peau de requin.

Quelle est donc cette petite peau de chien que vous veniez de lever l’autre jour sur le boulevard ?
— C’est ma sœur !

(Henri Rochefort)

— L’grand Joseph, du boulevard Barbès, payait-i’ pas l’aut’ soir à diner et d’son pognon, à la grande Irma, du Joubert, et Albertine du Grand-Seize, deux peaux de requins qui n’marchent qu’ensemble et qui s’sont bien offert sa fiole au restaurant d’la Pêche miraculeuse ?

(Jean Lorrain)

Peau (de la) !

Fustier, 1889 : Non ! Rien !

Peau (en)

La Rue, 1894 : Nu. Femme en robe décolletée.

Peau (être en)

France, 1907 : Être en robe décolletée.

Peau (la) !

France, 1907 : Exclamation faubourienne signifiant rien ; synonyme de du flan ! des nèfles !

Y a-t-il espoir d’arriver à quelque chose en changeant encore la couleur du député ?
La peau ! On peut en coller d’aussi radicaux, d’aussi socialos, d’aussi fulminants qu’on voudra, — ce sera toujours la même ritournelle !

(Le Père Peinard)

Hier, je m’suis dit : De la peau !
Non, je n’sors pas mon drapeau
Sur l’ordre du père La Famine
Et ce que je pense en d’dans
Y’ l’dirait même à Lépine…
Moi, j’aime pas les présidents.
C’est un tas de vieux gâteux
Qu’ont toujours la mite aux yeux
Et qui vous font d’la morale.
Y sont grincheux et pédants,
Ou faut qu’on leur rince la dalle…
Moi, j’aime pas les présidents.

(La Petite République)

Faire quelque chose pour la peau, c’est-à-dire pour rien, équivalent de « travailler pour le roi de Prusse ».

Peau (porter à la)

France, 1907 : Exciter les désirs sensuels. « Il est des femmes qui, quoique jolies, ne portent pas à la peau, tandis que des laides font commettre des folies. »

Cela lui rappelait Emma, une institutrice de grande maison ! Très jolie, très romanesque, très idéale ! Elle avait la passion des billets doux et l’avait inondé de son style pendant plus d’un an ! Chose étrange ! Cette femme ne lui portait pas à la peau, et il l’avait aimée plus que toutes les précédentes. Un changement de garnison les avait séparés. Depuis, il avait appris qu’elle s’était mariée à un fils de famille qui s’était toqué de ses yeux bleus et de son style passionné.

(Monthabor, Le Régiment illustré)

Peau (traîner sa)

Rigaud, 1881 : Traîner son corps de côté et d’autre ; ne savoir que faire de sa personne.

Peau courte (avoir la)

Virmaître, 1894 : Accident qui arrive à ceux qui mangent trop de haricots. Mot à mot : péter (Argot du peuple).

France, 1907 : Elle se crève et il en sort un vent ; euphémisme populaire pour péter.

Peau d’ane

Delvau, 1866 : s. f. Tambour, — dans l’argot des troupiers, qui ne savent pas que cet instrument de percussion est plus souvent recouvert d’une peau de chèvre ou de veau. Faire chanter ou ronfler la peau d’âne. Battre le rappel, — dans l’argot du peuple, à qui cette chanson cause toujours des frissons de plaisir.

Peau d’âne

Rigaud, 1881 : Tambour.

Merlin, 1888 : Tambour.

France, 1907 : Le tambour ; argot militaire. « Faire ronfler la peau d’âne. »

Je me lève, avec lenteur, car on a tant abusé du tambour depuis quelques mois !… Cependant, il y a bien une quinzaine de jours que la peau d’âne n’a ronflé.

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

Peau de balle

France, 1907 : Rien, néant ; argot populaire. Cette singulière expression est parfois suivie de cette autre : balai de crin.

— Vous ne vous intéressez plus à rien, ni aux êtres, ni aux choses, ni aux idées ?
— Je m’intéresse à peau de balle !
— Qu’est-ce que c’est que ça, peau de balle ?
— C’est un mot appartenant naguère au répertoire de l’armée et signifiant le néant. Ce terme passa bientôt dans le domaine civil, où il fit une rapide fortune.

(Alphonse Allais)

Il nous arrive assez souvent
De suivre une blonde jeunesse,
Et de lui dire en la suivant
Combien elle nous intéresse.
« Mademoiselle, écoutez-moi,
Depuis si longtemps je désire
Vous entretenir de ma foi !
Ou donc vous voir ? daignez le dire,
— Un rendez-vous ?
J’vous l’donn’ chez nous ;
J’suis fille honnête
À conscienc’ nette ;
Papa s’y trouv’ra,
De cett’ façon-là
Vous d’mand’rez ma main ;
On vous attend d’main…
(Parlé.) Sinon, peau d’balle et balai d’crin !

(Belhiatus)

Peau de bite et balai de crin

Rigaud, 1881 : Même signification, — dans l’argot de la marine, que peau de libi et peau de nœud, — dans celui-de l’armée de terre. C’est une formule dénégative qui équivaut à : rien, pas le sou, jamais de la vie.

Peau de bouc

Fustier, 1889 : Sein. Argot des régiments d’Afrique qui donnent aussi le nom de peau de bouc aux petites outres goudronnées qui leur servent de bidons.

Peau de lapin

Rigaud, 1881 : Nom qu’on donne aux professeurs les jours de cérémonie, parce que l’insigne de leur grade est une peau d’hermine. (Albanès, Mystères du collège, 1845.)

Virmaître, 1894 : Nom donné aux ouvrières cartonnières :
— Jamais mes peaux de lapins ne turbinent le lundi (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Cartonnière. Faire la peau de lapin, vendre des contremarques à la porte des théâtres.

Peau de lapin (faire la)

Rigaud, 1881 : Agioter sur les contre-marques, — dans le jargon des voyous.

Peau de libi

Rigaud, 1881 : Non, ne pas, — dans le jargon du régiment. Et les synonymes : peau de balle, peau de nœud. Se dit souvent d’une manière ironique. Il est poli, peau de nœud ! traduisez : On n’a jamais vu de particulier moins poli. — Dans le jargon des voleurs : Faire peau de balle signifie avoir manqué un vol, n’avoir rien trouvé à voler.

Peau de tambour (faire)

France, 1907 : Ne rien faire ; même sens que peau de balle et balai de crin.

Première femme. — C’est pas tout cela ; il faut payer. Què’que t’as fait, toi, ce soir ?
Seconde femme. — Moi ? peau de tambour.
Troisième femme. — C’est que c’est vrai. On ne f… plus rien. Si on n’avait pas des amis à passion, il faudrait tout bazarder.

(Le Gil Blas)

Peau de zébi

France, 1907 : Rien. Même sens que peau de balle, peau de tambour. Argot rapporté des troupiers d’Afrique. Zébi est en arabe le membre viril.

À Biribi c’est là qu’on marche,
Faut pas flancher ;
Quand l’chaouch crie : « En avant ! marche ! »
I’faut marcher,
Et quand on veut fair’ des épates,
C’est peau d’zébi :
On vous fout les fers aux quat’ pattes,
À Biribi !

(Aristide Bruant)

Allons, y a trop longtemps qu’on t’gourre !
Vieux populo, soupé cett’ fois.
Dis au politicard qu’il t’courre
Sur l’haricot avec ses lois !
Dis-lui : J’ai maré d’la pestaille,
Frocards, jugeurs et autr’ fourbis
Du mêm’ tonneau, qui font ripaille,
Quand moi que j’trim’ j’ai peau d’zébi !

(Le Père Peinard)

Peau de Zobi

Rossignol, 1901 : Ce mot qui se dit souvent, même dans les chansons de cafés-concerts, ne veut toujours rien dire de la façon dont il est employé. Zobi est arabe, c’est le superflu qui distingue l’homme de la femme. J’ai bien souvent entendu des gens se servir de ce mot, ignorant ce qu’ils disaient.

Peau et chemise (être comme)

France, 1907 : Être liés, attachés l’un à l’autre comme le sont la peau et la chemise.

Étant sergent-major, il a mangé deux ans de Biribi pour détournements de fonds. Il m’a raconté ça, dans le temps ; car nous sommes très liés, amis comme peau et chemise.

(Le Journal)

Peau ou Peau de balles

Rossignol, 1901 : Rien. Celui qui ne possède que peau, nib ou gninte n’est pas riche. — « Je devais t’acheter des bottines, mais tu n’auras que peau de balles. » Diminutif de balloches, allusion à l’appendice qui distingue le sexe.

Peau trop courte (avoir la)

Rigaud, 1881 : C’est une aimable plaisanterie qu’on lance pour s’excuser d’une incongruité sonore. — Parler, pendant le sommeil, avec l’antipode de la bouche.

Peaufin, peaufine

France, 1907 : Nom que l’on donne dans les écoles militaires aux élèves de jolie figure. Petits qui remplissent près des grands le rôle d’Alcibiade près du sage Socrate : dans les lycées, on les appelle lapins.

Peaufiner (se)

France, 1907 : Se parer, faire toilette ; argot du Borda. Parfaire une chose, dans l’argot populaire.

Peaufinoir

France, 1907 : Miroir ; argot du Borda.

Peausser (se)

Larchey, 1865 : Se déguiser. — Mot à mot : se cacher dans la peau de.

Je vais me peausser en gendarme.

Balzac.

Rigaud, 1881 : Se déguiser.

France, 1907 : Se déguiser, littéralement prendre une autre peau ; argot des voleurs.

— Je vais me peausser en gendarme.

(Balzac)

Peautre

d’Hautel, 1808 : Envoyer quelqu’un à peautre. Phrase triviale et populaire qui signifie, chasser, renvoyer quelqu’un.

Pébroque

Hayard, 1907 : Parapluie.

Pec

France, 1907 : Niais, imbécile, idiot, fém. pèque ; les diminutifs sont peguin et pegot, radical de pécore, du latin pecus, pecoris. Voir Pékin.

Peccata

d’Hautel, 1808 : C’est un gros peccata. Pour dire un rustre, un grossier personnage.

Peccavi

Halbert, 1849 : Péché.

France, 1907 : Péché ; argot des voleurs, qui ont, nous ne savons comment, retenu ce latinisme.

Péché

d’Hautel, 1808 : Elle est laide comme un péché mortel. Locution satirique, pour dire qu’une femme est laide à faire peur.
Ils se sont dit les sept péchés mortels. Pour ils se sont dit les plus grosses injures.
Péché mignon. Inclination vicieuse de laquelle on ne peut se défaire.
Mettre quelqu’un au rang des péchés oubliés. N’y vouloir plus songer ; en perdre le souvenir, la mémoire.
Rechercher les vieux péchés de quelqu’un. Rechercher minutieusement les erreurs passées d’une personne ; scruter sa vie privée, à dessein de lui nuire.

Pêche

Fustier, 1889 : Tête, physionomie.

France, 1907 : Tête. Se faire épiler la pêche, se faire raser.

France, 1907 : Excrément. Déposer une pêche, faire ses besoins.

Comm’ j’étais pressé, j’me dépêche,
Et me faufil’ comme un cabot,
Et j’pos’ delicat’ment ma pêche
Dans eune espèce d’lavabo.

(Aristide Bruant)

Pêché (à chef de)

France, 1907 : À fin de compte, enfin. Cette vieille expression, que l’on trouve souvent répétée dans les Cent Nouvelles nouvelles, est encore usitée dans nombre de campagnes.

Pêche (poser une)

Fustier, 1889 : Alvum deponere.

Pêche à quinze sous

Delvau, 1866 : s. f. Lorette de premier choix, — dans l’argot des cens de lettres, qui consacrent ainsi le souvenir du demi-Monde d’Alexandre Dumas fils.

Rigaud, 1881 : Pécheresse du dessus du panier… de la prostitution. — Métaphore du cru Dumas fils, tonneau du Demi-Monde.

Je sais bien qu’on n’a encore aujourd’hui qu’une médiocre estime pour le panier des pêches à quinze sous.

(Ed. Texier, Les Choses du temps présent.)

N’étaient-elles pas plus sympathiques, ces filles de Paris… que toutes ces drôlesses, pêches à quinze sous de Dumas fils ?

(Maxime Rude.)

France, 1907 : Prostituée de premier choix ; la fleur du panier de Vénus.
Cette expression appartient à Alexandre Dumas fils.

C’était à la Comédie-Française, le soir de la reprise du Derni-Monde. On voyait là tout le champ familier des nobles et purs castors et même une jolie variété de pêches à quinze sous.

(Dubut de Lafrorest)

Pécher

d’Hautel, 1808 : Qui perd pèche. Proverbe qui signifie que celui qui a perdu quelque chose se laisse souvent aller à des jugemens téméraires, et passe quelquefois les bornes de la justice et de la modération.

Delvau, 1864 : Faire l’acte copulatif, — qui est bien le plus agréable des sept péchés capitaux.

Si le cœur vous en dit, et si votre âme goûte
Les appas d’un si doux péché,
Achetez un galant.

De Senserade.

Combien de fois s’est commis le péché ?
Trois fois sans plus, répond le camarade.

Grécourt.

Ma fille et ce jeune homme
Sont dans cet âge où, n’en déplaise à Rome,
Il faut pécher si l’on veut être heureux.

Comte de Chevigné.

Pêcher

d’Hautel, 1808 : Pour dire, prendre.
Où a-t-il donc pêché cet argent là ? Se dit d’un homme sans fortune, sans moyens, qui fait tout-à-coup de grosses dépenses.
Pêcher en eau trouble. Se prévaloir du désordre d’une affaire pour en faire son profit, s’enrichir des misères publiques.
Pêcher au plat. Prendre au plat ; se dit particulièrement de quelqu’un qui aime à jouir de ce qui ne lui cause point de peine.
Toujours pêche qui en prend un. Pour dire que celui qui fait un petit gain ne perd pas son temps.

France, 1907 : Prendre de l’eau, être envahi par l’eau. « Cette rivière à un gué où la voiture pêche. » Prendre, retirer avec un certain effort, avec adresse et précaution. Se dit de toute espèce d’objets et dans un sens dérivé de la pêche. « Pêcher des outils dans un magasin, pêcher du linge dans un coffre. » En Touraine, on va jusqu’à dire : « pêcher des rats dans un grenier ; pêcher des moineaux » ; on dit même pêcher de l’eau, puiser.
Les mariniers disent : « se pêcher et se repêcher », pour trouver fond avec leur bourde (bâton ferré).

(Gloss. du Centre)

Pêcher en eau trouble

France, 1907 : But de presque tous les politiciens.

Quand l’eau des rivières est bien troublée par suite des pluies, les pêcheurs ont beau jeu, parce que les poissons, ne pouvant apercevoir les filets, y entrent plus facilement. De ce fait, on a établi la comparaison avec ce qui se passe dans une nation lorsqu’elle est agitée par les discussions et les discordes civiles. Ceux qui manient les affaires publiques et veulent y faire des profits spéculent sur le malheur des temps et satisfont sans se gêner leur cupidité et leur ambition. Ils pêchent en eau trouble.

(Didier Loubens)

Pêcher une friture dans le Styx

Delvau, 1866 : Être mort, — dans l’argot des faubouriens qui ont lu M. de Chompré. Aller pêcher une friture dans le Styx. Mourir.

France, 1907 : Mourir. Le Styx est, on le sait, le fleuve qui, d’après la mythologie des Grecs et des Romains, tournait sept fois autour de l’enfer.

Pécheresse

Delvau, 1864 : Gourgandine, femme qui veut être juste et qui, en conséquence, pèche sept fois par jour, en collaboration avec les hommes.

Il ne veut pas affirmer, ni que ce fût une pécheresse, ni qu’elle fût femme de bien.

Sarrazin.

Pécheur

d’Hautel, 1808 : Un vieux pécheur. Pour dire, un vieux libertin, un homme qui, quoique dans un âge avancé, a conservé toux les vices d’une jeunesse corrompue.

Péchon

La Rue, 1894 : Enfant.

Péchon, peschon de Ruby

Rigaud, 1881 : Petit vaurien, enfant ; du provençal pichoun, petit, — dans l’ancien argot.

Pechonner

France, 1907 : Voler. Vieux mot.

Péchonner

La Rue, 1894 : Voler. Péchonnerie, vol.

Péchonnerie

France, 1907 : Vol.

Pécore

d’Hautel, 1808 : Une petite pécore. Une petite fille sottement orgueilleuse ; une petite impertinente.

Pécoreur

France, 1907 : Tricheur au jeu, grec.

Pecque

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux que l’on applique à une femme revêche et acariâtre, à une pie grièche qui se mêle dans toutes les affaires pour les envenimer.

Pectoral (s’humecter le)

Rigaud, 1881 : Boire. (Dict. comique.)

Pécume

Halbert, 1849 : Argent.

Pécune

d’Hautel, 1808 : Pour, argent monnoyé.

Larchey, 1865 : Argent. — Vieux mot. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. f. Argent, — dans l’argot du peuple, fidèle à l’étymologie (pecunia) et à la tradition : « Repoignet-om nostre trésor el champ, et nostre pécune allucet-om el sachet. » (Sermons de saint Bernard.)

Rigaud, 1881 : Argent.

France, 1907 : Argent. Vieux mot, du latin pecunia, encore employé dans le Midi.
« Les nerfs des batailles sont les pécunes », dit Rabelais.

La lune au ras des flots étincelants
Casse en morceaux ses jolis écus blancs.
Bon sang ! que de pécune !
Si ton argent, folle, t’embarraissait,
Pourquoi ne pas le mettre en mon gousset,
Ohé, la lune ?

(Jean Richepin, La Mer)

Pédaler

France, 1907 : Monter en vélocipède, bicycle, bicyclette, tricycle, etc. Néologisme. Ce fut un serrurier-charron de Paris, Pierre Michaux, qui, en 1855, eut l’idée d’adapter des pédales à une sorte de vélocipède primitif appelé draisienne ou célérifère, incommode et lourd, qu’on lui avait donné à réparer et qui apporta par cette adaptation une révolution dans la vélocipédie.

— D’ailleurs, au Point-du-Jour, plus rien à faire depuis que les barbeaux de Montmartre et de Batignolles y descendent le lundi y faire leur poussière en bicyclettes, crevant de santé dans des maillots chiffrés, des maillots de soie comme des copailles, les mollets nus (as-tu fini !), et sans leurs biceps, l’air de ronds-de-cuir des ministères, parole ! de sales bourgeois, de ceusse qui, tous les dimanches, pédalent et suent sur leurs machines, entre Saint-Cloud et la Grande-Jatte, ou bien de Neuilly à Bougival. D’abord, y en a plus que pour eux et leurs sales poires ; le moyen d’aborder une menesse ? ils jouent les michés, parole ! plus moyen d’engailler, d’embarquer une bergère, plus de place pour un chopin.

(Jean Lorrain)

Chacun voudrait s’en aller
Avec sa compagne,
C’est si bon de pédaler
En pleine campagne !

(Victor Leca, Écho de la Pédale)

Pédaleur, pédaleuse

France, 1907 : Personne qui monte en vélocipède.

Y en a qui s’conduisent très bien,
À qui l’on n’peut reprocher rien,
Mais la plupart sont des farceuses,
Les pédaleuses.
Y en a qu’ont très peu pédalé,
Mais y en a qu’ont beaucoup roulé,
Car ell’s sont très aventureuses
Les pédaleuses.

(Émile Hauton)

Pédaliser

France, 1907 : Autre forme de pédaler. La quelle est la bonne ?

Le ménage s’est offert pour neuf cents francs de pneumatiques, tout le monde ne peut pas rouler en voiture. Madame fait des records inquiétants ; Madame si mince il y a cinq ans, a trente ans aujourd’hui, et les mollets lui sont venus : Ursule, qui va sur sa onzième, pédalise comme père et mère, et tous les dimanches, des patron-minette, le temps d’installer le jambon, le poulet froid et le vin cacheté dans le panier, tout ce petit monde s élance sur ses montures d’acier, file et fend l’air et l’espace, épatant les concierges par d’étranges tenues de médailles du Club Alpin, le gras des jambes au vent, fait des records à travers le bois de Boulogne et rentre à minuit, abominé par les cochers de fiacre.
Mais quelle belle journée et quel bain d’air !

(Jean Lorrain)

Pedan, pedané

France, 1907 : Inférieur, d’ordre subalterne : vieux mot, qu’on trouve dans Rabelais : « juge pedané ». Les cours pedanes étaient des tribunaux d’ordre inférieur. On appelait. notaire pedan celui qui exerçait près de ces petits tribunaux. D’après Bescherelle, ce mot viendrait de ce que les juges de ces petits tribunaux rendaient la justice debout dans les villages ; d’après d’autres, de ce que leur médiocre fortune ne leur permettait que d’aller à pied ; suivant d’autres enfin, de ce qu’ils s’asseyaient sur des sièges plus bas que ceux des autres juges. Du latin pedaneus.

Pédard

France, 1907 : Nom donné par les cyclistes à ceux d’entre eux qui ne se conforment pas aux règlements qui prescrivent une allure modérée en traversant les villes ou villages, l’obligation d’un grelot ou d’un timbre avertissant le jour, et d’un lumignon la nuit. « Les pédards, dit Rastignac, ont amené un tollé contre leurs courses effrénées. Le vélocipède a ses Bérengers qui protestent contre la licence des roues. »
Dans le Petit Journal, Thomas Grimm donne une amusante définition du pédard :

Le mot pédard, devenu courant dans notre vocabulaire parisien de cette fin de siècle, est évidemment un diminutif de vélocipédard. Le mot vélocipédard est lui-même une altération du mot vélocipédiste, altération faite avec un sens de dénigrement. Un pédard est un cycliste qui ne se respecte pas, un cycliste dénaturé et sans mœurs.
Le pédard est au cycliste ce qu’est le collignon maraudeur au cocher, le carabin au médecin, le pirate au corsaire. Or, le pédard est le pire ennemi du cycliste, parce que le public, qui n’a pas le temps de faire de distinctions, est tout à fait enclin à généraliser, à reprocher à l’immense et très estimable confrérie des vélocipédistes raisonnables des méfaits commis par quelques douzaines de malencontreux pédards.

Pédé

Halbert, 1849 : Sodomiste.

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Pédéraste, — dans l’argot des voyous, imitateurs inconscients de ces grammairiens toulousains du VIe siècle, qui disaient tantôt ple pour plenus, tantôt ur pour nominatur.

Pédé (?)

Rossignol, 1901 : Actif de chatte. Si vous voyez un individu mettre la main sur le cou d’un jeune homme et lui demander : « Sais-tu lire ? — Oui, Monsieur. » S’il lui met ensuite la main sur les reins, et qu’il lui demande : « Tu sais écrire ? — Oui, Monsieur. » Et qu’il descende la main encore plus bas en demandant : « Tu sais calculer ? — Oui, Monsieur. » Et si l’individu tape avec satisfaction à l’endroit où il a mis la main en dernier en disant : « J’aime ça, j’aime ça, »vous pouvez croire que c’est un pédé.

Pédé, pédéro

Rigaud, 1881 : Pédéraste.

France, 1907 : Abréviations de pédéraste.

Ben, ya du bon pour les coquines,
Les Laguenille, les astros,
Les brun’s, les blondes, les rouquines,
Les tatas et les pédéros,
I’s doiv’nt trouver qu’la presse est bonne,
I’s sont joyeux, les p’tits frisés,
Depuis qu’i’s sont tous accusés
D’avoir occis la vieill’ baronne.

(Aristide Bruant)

Pédéraste

Virmaître, 1894 : Ce mot est trop connu pour avoir besoin de l’expliquer autrement que par ceci : homme qui commet volontairement des erreurs de grammaire et met au masculin ce qui devrait être au féminin (Argot du peuple).

Pedero

un détenu, 1846 : Sodomiste.

Pédéro

Delvau, 1866 : s. f. Non conformiste, — dans l’argot des faubouriens. Ils disent quelquefois aussi, facétieusement, Don Pédéro.

Pédéro, pédé

Larchey, 1865 : Pédéraste (Vidocq).

Pedesouille

France, 1907 : Paysan. Mot à mot : pied souillé, le paysan ne nettoyant guère ses chaussures que le dimanche et ses pieds plus rarement encore.

Il est des endroits où l’on ne peut aller « qu’en chapeau haut de forme ». De sorte que Catulle Mendés, Silvestre, Bergerat et quelques autres amateurs de coiffures molles passeraient en ces lieux pour de négligeables pedesouilles, si leurs physionomies n’avaient été depuis longtemps vulgarisées par le diligent Pierre Petit !

(George Auriol)

Pedigree

France, 1907 : Généalogie d’un cheval de course ; anglicisme.

Pedzouille

Rigaud, 1881 : Paysan. — Homme faible, sans énergie, poltron.

Peg

un détenu, 1846 : Péril, danger.

Pégal

Rossignol, 1901 : Mont-de-piété.

Pégale

Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété, — dans le jargon des voyous. En argot, pèse a le sens d’argent. Pégale doit être un dérivé de pèse et une déformation de pésale.

Pège

France, 1907 : Poix ; patois du Centre.

Péger

France, 1907 : Poisser. « Le jus de cette pêche m’a pégé les doigts. » Patois du Centre. Espagnol, pegar, coller ; latin, picare.

Pégeux

France, 1907 : Poisseux, visqueux, gluant.

Jus de raisin pégeux,
Vin sera bon et liquoreux.

(Proverbe du Berry)

Pégoce

Delvau, 1866 : s. m. Pou, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Puce d’hôpital.

Rigaud, 1881 : Pou. La variante est : puce d’hôpital. — Pégosier, pouilleux.

Virmaître, 1894 : Pou. On dit aussi gau. Abasourdir des gaux : tuer les poux qui morganent sur son cuir (Argot des voleurs).

France, 1907 : Pou ; argot des voleurs, du vieux français pegons, cramponné, tenace.

Pégoces

anon., 1827 : Pous.

Bras-de-Fer, 1829 : Poux.

Halbert, 1849 : Pous.

Pégocier

France, 1907 : Pouilleux.

Pégole (mettre au)

France, 1907 : Engager ses effets.

Pegosse

un détenu, 1846 : Vermine.

Pégosse

Hayard, 1907 : Pou.

Pégots

Rossignol, 1901 : Poux. Pégosses, poux.

Pégrage

France, 1907 : Vol.

— Nous sommes parés. De quoi retourne-t-il ?
— Voici le plan, C’est simple… un refroidissement avec pégrage…

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Pégraine

un détenu, 1846 : Misère.

Delvau, 1866 : s. f. Faim, — dans l’argot des vagabonds et des voleurs. À proprement parler, cela signifie, non qu’on n’a rien du tout à manger, mais bien qu’on n’a pas trop de quoi, — une nuance importante. Caner la pégraine. Mourir de faim.

France, 1907 : Faim. Voir Pégrenne.

Pègre

M.D., 1844 : Voleur.

un détenu, 1846 : Petit voleur.

Larchey, 1865 : Voleur.

Un jour à la Croix-Rouge, nous étions dix à douze, tous pègres de renom.

Vidocq.

Pégrenne : Faim, misère. — Pégrenner : Faire maigre chère. V. Bachasse.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur. Ce mot est fils du précédent, comme le vice est fils de la misère — et surtout de la fainéantise (pigritia, — piger). Pègre à marteau. Voleur de petits objets ou d’objets de peu de valeur.

Delvau, 1866 : s. f. Le monde des voleurs. Haute pègre. Voleurs de haute futaie, bien mis et reçus presque partout. Basse pègre. Petits voleurs en blouse, qui n’exercent que sur une petite échelle et qui ne sont reçus nulle part — qu’aux Madelonnettes ou à la Roquette.

Rigaud, 1881 : Voleur, de l’italien pegro, pigro, fainéant.

La Rue, 1894 : Voleur. La pègre, le monde des malfaiteurs. Pègre ou peigne à marteau, voleur sans notoriété. Pegriot, jeune voleur. Pègre de la grande vergne, voleur de Paris.

France, 1907 : Faussaire, filou, escroc et voleur, et aussi le monde des voleurs. Du mot latin pigrilia, paresse, mère de tous les vices et de tous les crimes.

Les pègres se divisent en deux classes principales : la haute et la basse pègre.
La haute pègre comprend les escrocs raffinés et de bonne compagnie, les beaux voleurs, qui savent mettre leurs mains dans nos poches pour les soulager de leur contenu, avec grâce et sous les formes les plus exquises.
La basse pègre réunit tous les prolétaires de la profession, ceux qui pratiquent le vol ordinaire et banal, souvent sans spécialité définie, vivant, comme les filles, de la rencontre et du hasard…
La haute et la basse pègre travaillent quelquefois de concert, mais alors c’est la basse qui est l’instrument, la main-d’œuvre, tandis que la haute se borne à l’initiative et à la direction ; elle ordonne et on lui obéit. Le travail fait, on partage le gain, puis on se sépare et l’on ne fraie pas ensemble.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Pègres traqueurs, qui voulez tous du fade,
Prêtez l’esgourde à mon due boniment :
Vous commencez par tirer en valade,
Puis au grand truc vous marchez en taffant,
Le pante aboule,
On perd la boule,
Puis de la toile on se crampe en rompant,
On vous roussine
Et puis la tine
Vient remoucher la butte en rigolant.

(Lacenaire)

Pègre (haute)

Larchey, 1865 : « Association des voleurs les plus anciens et les plus exercés ; ils ne commettent que de gros vols et méprisent les voleurs ordinaires qui sont appelés dérisoirement pégriots, chiffonniers, pègre à marteau, ou blaviniste, par un pègre de la haute. » — Vidocq.

La première catégorie de voleurs se compose de la haute pègre, c’est-à-dire le vol en bottes vernies et en gants jaunes. C’est un homme jeune, élégant, distingué ; vous ne le rencontrerez qu’en coupé… Deux ou trois fois par an, il travaille, mais ses expéditions sont toujours fructueuses.

Canler.

Pègre (la)

Rigaud, 1881 : Le monde des malfaiteurs. « Le troisième dessous », suivant l’expression de Victor Hugo. Il comprend les escarpes et les grinches, qui se subdivisent, pour les derniers, d’après les spécialités, en bonjouriers, caroubleurs, chanteurs, cambrioleurs, roulottiers, chineurs, robignolleurs, cerfs-volants, etc. etc. Depuis le pégriot, qui vole le mouchoir, jusqu’au drogueur de la haute, qui émet pour plusieurs centaines de mille francs d’actions imaginaires, depuis le voleur qui travaille sur la grande route avec accompagnement de gourdin, jusqu’à l’assassin de profession, tout ce qui vit de vol et d’assassinat fait partie de la pègre. De même qu’il y a la haute et la petite banque, le haut et le petit commerce, de même il y a la haute et la petite pègre. La haute pègre ou les pègres de la haute, c’est l’aristocratie du vol et de l’assassinat ; la basse pègre ou pégriots, c’est le prolétariat du crime.

La haute pègre a ses grands hommes, ses héros. Lacenaire, Verger, sont les demi-dieux de la haute pègre. Dumollard n’est qu’un ignoble pégriot.

(Moreau-Christophe, Le Monde des coquins.)

Pègre à la redresse

France, 1907 : Voleur déterminé, prêt à tout.

— Vous voici réunis, comme au temps où Général commandait la bande… Parbleu ! voilà une vraie collection de pègres à la redresse. Paris tremblera encore longtemps si nous restons unis.

(Michel Morphy, Les Mystères du crime)

Pègre à marteau

France, 1907 : Voleur d’objets de peu de valeur.

Pègre à marteau, Pégriot

Rigaud, 1881 : Voleur à qui l’occasion ou l’audace a manqué pour se faire un nom dans le monde des scélérats ; c’est le prolétaire du vol. — C’est un affreux voyou doublé d’un voleur.

Pègre de la grande vergue

France, 1907 : Voleur de Paris.

Pègre, pégriot

Hayard, 1907 : Voleur ; petit voleur.

Pegrenne

La Rue, 1894 : Misère, malheur. Faim.

Pégrenne

Rigaud, 1881 : Misère, malheur, faim. Caner la pégrenne, casser la pégrenne, mourir de faim. Fine pégrenne, à toute extrémité, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Misère, faim ; de pigrilia, paresse.

Pigrilia, dit Victor Hugo, est un mot terrible. Il engendre un monde, la pègre, lisez le vol, et un enfer, la pégrenne, lisez la faim. Ainsi la paresse est mère. Elle a un fils, le vol, et une fille, la faim.

Caner la pégrenne, être affamé, mourir de faim.

Si quelquefois la fourgate et Rupin ne lui collaient pas quelques sigues dans l’arguemine, il serait forcé de caner la pégrenne.

(Mémoires de Vidocq)

Pégrenné

Rigaud, 1881 : Affamé ; très misérable.

Pégrenner

France, 1907 : Mourir de faim ; argot des voleurs.

Pégrer

Delvau, 1866 : v. n. Voler. Signifie aussi : Être misérable, souffrir.

France, 1907 : Ce verbe, dans l’argot des voleurs, a plusieurs significations. Il veut dire à la fois voler, arrêter, être dépourvu.
« Je suis pégré, je me suis fait pégrer toute ma galette. » « Je me suis fait cric et la riflette a cavalé derrière moi pour me pégrer. »

Pègres

Virmaître, 1894 : Voleurs. Les pègres forment deux catégories : la haute et la basse pègre (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Voleurs.

Pègres de la grande vergne

Bras-de-Fer, 1829 : Voleurs de grande ville.

Pegriot

Larchey, 1865 : Apprenti voleur se faisant la main aux étalages. — Canler. — V. Boucannier.

Pégriot

Halbert, 1849 : Petit voleur.

Delvau, 1866 : s. m. Apprenti voleur, ou qui vole des objets de peu de valeur.

Virmaître, 1894 : Petit voleur. Diminutif de pègre. Le pégriot est d’une très grande utilité pour les ratiboiseurs de boutanches, qui pratiquent le vol au radin (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Jeune voleur.

France, 1907 : Jeune voleur, apprenti du crime. « Le pégriot, dit Canler dans ses Mémoires, débute dans cette triste carrière à l’âge de dix à douze ans : alors il vole aux étalages des épiciers, fruitiers ou autres. »

Les pégriots et les escarpes sont en général vantards et prodigues. Un trait distinctif de leur caractère sauvage, c’est le mépris qu’ils professent pour les femmes, leurs gerces, leurs marmites ou leurs ouvrières. De là à être mac, il n’y a qu’un pas, vite franchi…

(Aristide Bruant, Les Bas-Fonds de Paris)

On appelle aussi pégriot les petits voleurs, les larrons à l’étalage qui ne volent que des objets de peu de valeur. « Le pégriot, dit encore Canler, occupe les derniers degrés de l’échelle au sommet de laquelle sont placés les pègres de la haute. »

Ces deux pégriots ne sortaient point du pavé ; ils y étaient tombés de plus haut et des vestiges de leur éducation ancienne leur donnaient une physionomie spéciale dans cette populace.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Pégriot (brûler le)

La Rue, 1894 : Effacer les traces d’un vol.

France, 1907 : Faire disparaître toute trace de vol ou de crime.

Peigne

d’Hautel, 1808 : Se donner un coup de peigne. Pour dire, se battre ; vider une querelle, un différend à coups de poing.
Sale comme un peigne. C’est-à-dire, au-delà de toute expression.

Delvau, 1866 : s. m. Clé, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Clé. De même que le peigne débrouille les cheveux, la clé débrouille la serrure.

La Rue, 1894 : Clé.

France, 1907 : Clé ; argot des voleurs, qui disent aussi pigne. « Faire le pique », prendre Ja fuite

Peigné

d’Hautel, 1808 : Un mal peigné. Un homme mal vêtu, malpropre, dont l’habillement est dans un grand désordre, ce qui dénote fort souvent un vaurien.

Peigne à marteau

Clémens, 1840 : Mauvais, ou petit voleur.

Peigne d’Allemand

France, 1907 : Les doigts. Vieille expression que l’on trouve dans Rabelais :

Après se peignoit du peigne de Almaing, c’estoit des quatre doigts et le poulce.

Peigne de Vénus

France, 1907 : Espèce de chicorée que l’on mange en salade, ou cuite au beurre ; en terme de botanique, scandix pecten.

Peigne des Allemands

Delvau, 1866 : s. m. Les cinq doigts.

Peigne-cul

Delvau, 1866 : s. m. Fainéant, traîne-braies, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Mal appris, grossier.

Virmaître, 1894 : Homme vil, bas, flatteur. Mot à mot : homme de rien. Terme de profond mépris, en usage dans les ateliers, pour qualifier un ouvrier qui donne toujours raison au patron (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Voyez fleure-fesses.

France, 1907 : Individu méprisable ; fainéant, lâche flatteur.

Peignée

d’Hautel, 1808 : Pour batterie, dispute, rixe, querelle où l’on en vient aux coups.
Ils se sont donnés une bonne peignée. Pour, ils se sont battus ; ils se sont arrangés comme il faut.

Delvau, 1866 : s. f. Coups échangés, — dans l’argot des faubouriens, qui se prennent souvent aux cheveux. On dit aussi Coup de peigne. Se foutre une peignée. Se battre.

Rigaud, 1881 : Scène de pugilat entre dames. La peignée a pour synonyme le crêpage de chignons.

France, 1907 : Coups. Recevoir une peignée, être battu.

Mais enfin ils s’accordaient, et ne se fichaient guère de peignées qu’une ou deux fois l’an, aux lundis consacrés fêtes par une loi nouvelle, ce qui est vraiment si peu de chose que cela ne vaut pas la peine d’en parler.

(Marc Anfossi)

Peignée, coup de peigne

Larchey, 1865 : Lutte dans laquelle on s’empoigne aux cheveux, et, par extension, combat.

Les enfants des sans-culottes qui vont se f… un coup de peigne avec les brigands de la Vendée.

1793, Hébert.

Là-dessus, elles commencent à se repasser une peignée des mieux administrées, criant, jurant, se rossant comme deux enragées.

Vidal, 1833.

Peigner

d’Hautel, 1808 : Se peigner. Pour dire se battre se prendre aux cheveux.
Peigner quelqu’un à la turque. Le maltraiter, le rosser, lui donner la bastonnade.

Peigner (avoir d’autres chiens à)

France, 1907 : Avoir de plus importantes affaires ; synonyme d’« avoir d’autres chats à fouetter ».

— Vous comprenez, Mame Pivoine, que j’ai d’autres chiens à peigner qu’à passer mon temps à reluquer les dessous de votre demoiselle.

(Les Joyeusetés du régiment)

Peigner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se battre. C’est le verbe to pheese des Anglais. On dit aussi Se repasser une peignée.

Rigaud, 1881 : Se battre. Ici les poings font l’office de peigne et démêlent le différend.

La Rue, 1894 : Se battre.

Peigner un diable qui n’a pas de cheveux

Virmaître, 1894 : Réponse d’un débiteur malheureux à un créancier obstiné (Argot du peuple).

Peignes retroussés

France, 1907 : Sobriquet donné à la jeunesse dorée du Directoire. Voir Oreilles de chien.

Peinard

Delvau, 1866 : s. m. Vieillard ; homme souffreteux, usé par l’âge ou les chagrins, — dans l’argot du peuple.

Rossignol, 1901 : Prudent, malin.

France, 1907 : Vieillard misérable on souffreteux ; argot populaire.

Peinard (en)

Hayard, 1907 : Doucement.

Peindre en pleine pâte

Delvau, 1866 : v. a. Peindre à pleines couleurs, — dans l’argot des artistes.

Peine

d’Hautel, 1808 : Il a perdu son temps, aussi sa peine. Pour, il a travaillé inutilement, il a pris des soins inutiles.
Peine de vilain n’est comptée pour rien. Signifie qu’on fait peu d’attention à la peine d’un artisan, tandis qu’au contraire on exalte le plus petit travail, les moindres fatigues, ou démarches d’un homme de qualité.
Elle en vaut bien la peine. Pour dire que quel qu’un mérite les égards, le respect qu’on a pour sa personne. Se dit aussi d’une femme jolie à qui l’on fait la cour.
Ce n’est pas la peine d’en parler. Se dit finement pour exagérer un service, tout en feignant de vouloir en diminuer le prix.
À grand peine. Pour dire aisément, facilement.
Homme de peine. Nom que l’on donne communément à un portefaix, à un crocheteur, et à tout homme dont l’industrie consiste dans la force physique.

Peine (à chaque jour suffit sa)

France, 1907 : Se contenter de ses fatigues et chagrins journaliers, sans se préoccuper ou s’affliger d’avance de ceux qui pourront arriver dans la suite. Ce proverbe se trouve au chapitre VI de l’Évangile selon saint Matthieu : «  Ne soyez pas en souci pour le lendemain ; car le lendemain aura soin de ce qui le regarde. À chaque jour suffit sa peine. »

Peine (en sentir à la)

France, 1907 : « Être à portée de faire une chose, en avoir la possibilité, ne pas rencontrer trop d’empêchement à la faire : « Je ferai cette chose, j’irai voir telle personne, je ferai telle chose dans un mois, si j’en sens à la peine. » S’applique à toute action, qu’elle soit avantageuse ou non, agréable on fâcheuse. La teinte mélancolique dont cette locution est empreinte semble se rapporter au sentiment des chances de la vie humaine. »

(Comte Jaubert, Glossaire du Centre)

Peine (faire de la)

France, 1907 : Expression euphémique employée dans le centre de la France pour : mettre une fille dans l’embarras, c’est-à-dire lui faire un enfant

Peine-à-rire

France, 1907 : Maussade, grognon, grincheux. On dit aussi rit-tard.

Peiner

Rigaud, 1881 : Travailler beaucoup, se donner beaucoup de mal à l’ouvrage ; avoir beaucoup de peine, beaucoup d’ennui.

Peintre

Larchey, 1865 : Balayeur. V. Pinceau.

Delvau, 1866 : s. m. Balayeur, — dans l’argot des troupiers.

France, 1907 : Balayeur. Il manie le balai, en argot : pinceau.

Peinture

d’Hautel, 1808 : En peinture. Expression comique passée parmi le peuple, qui s’en sert à tort et à travers.
Il est, brave, mais c’est en peinture. Se dit d’un hâbleur, d’un fanfaron qui recule au champ d’honneur.
Il est riche, mais c’est en peinture. Se dit d’un olibrius, d’un gascon qui vante sans cesse ses biens et ses terres, et qui a à peine de quoi dîner.
On dit aussi d’un homme qui n’a pas quitté le clocher de son village, et qui parle continuellement de pays qu’il n’a point vus, il a voyagé, mais c’est en peinture ; etc, etc, etc.

Peinture (ne pouvoir voir en)

Larchey, 1865 : Détester quelqu’un au point de ne pouvoir souffrir son image.

Peintureur

d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un peintre au balai, à un barbouilleur.

Peinturlure

Delvau, 1866 : s. f. Mauvaise peinture, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Mauvais tableau.

Peinturlurer

Delvau, 1866 : v. a. et n. Barbouiller une toile sous prétexte de peindre.

France, 1907 : Barbouiller, peindre médiocrement ou mal.

Et que Bouguereau, ce grand homme,
Peinturlure, comme en se jouant,
Des chromos pour sucres de pomme
Qu’on trouve au buffet de Rouen ?

(Jacques Rédelsperger, Nos ingénues au Salon)

Peinturlurer (se)

Delvau, 1866 : Se maquiller.

Peinturlureur

Larchey, 1865 : Mauvais peintre. — On emploie le verbe Peinturlurer.

Delvau, 1866 : s. m. Barbouilleur, mauvais peintre.

France, 1907 : Mauvais peintre. « La plupart des peintres soi-disant indépendants ne sont que des peinturlureurs. »

Peinturomanie

France, 1907 : Manie des tableaux.

Peket

France, 1907 : Eau-de-vie de genièvre dans les Ardennes.

À son deuxième verre de peket, la mazette se trouva grise. C’est alors qu’elle en raconta de toutes les couleurs. La grosse cantinière, qui n’avait jamais vu sa fille en cet état et jamais soupçonné qu’elle en savait si long, en restait toute ébaubie, ouvrant des yeux comme des ronds de soucoupe.

(Les Joyeusetés du régiment)

Pékin

Larchey, 1865 : « On nomme Pékin tout ce qui n’est pas militaire, comme nous appelons militaire tout ce qui n’est pas civil. » — Talleyrand.

De vieux dialogues militaires des règnes de Henri III et Henri IV emploient souvent le mot piquini ou péquin pour désigner les adversaires en religion. Ainsi, dans un de ces dialogues, nous voyons un papiste traiter Coligny de pékin ; un autre est intitulé les Pékins de Montauban.

Ambert, Constitutionnel du 25 juin 1854.

Delvau, 1866 : s. m. Bourgeois, — dans l’argot des troupiers, qui ont le plus profond mépris pour tout ce qui ne porte pas l’uniforme. On écrit aussi Péquin.

Rigaud, 1881 : Sujet de la cour des Miracles qui faisait partie de l’armée des croisés, au XIIe siècle. (Hist. de la prostitution, par Pierre Dufour.)

Merlin, 1888 : Civil, bourgeois.

Pékin de bahut

Rigaud, 1881 : Élève de Saint-Cyr qui a fini ses études. Il est affranchi de l’école, du bahut.

France, 1907 : Sobriquet donné par les saint-cyriens aux candidats admis à l’École militaire. Tous les ans, à l’époque des examens, les cornichons ou candidats à Saint-Cyr font un monôme partant de la place du Panthéon et chantent le Pékin de bahut, dont voici l’un des couplets :

Vous qui, dans l’espoir de Saint-Cyr,
Pâlissez sur vos noirs bouquins,
Puissiez-vous ne jamais réussir :
C’est le vœu de vos grands anciens.
Si vous connaissiez les horreurs
De la « pompe » et du « bataillon »,
Vous préféreriez les douceurs
De la vie que les fumist’ ont !!!
Oh ! Pékin de bahut,
Viens, nous t’attendons tous ;
Nous leur ferons tant de chahut
Qu’à la Pompe, ils en seront fous (bis).

Pékin, péquin

Rigaud, 1881 : Bourgeois, tout individu qui ne porte pas l’uniforme militaire, — dans le jargon des troupiers. Mot à mot : habitant de Pékin, Chinois, pour exprimer et la distance qui sépare le civil du militaire et le peu de cas qu’on fait du bourgeois au régiment.

Les pékins et les militaires,
Toujours courant, toujours dehors,
Vont et viennent, fiévreuse foule
Comme une frémissante houle.

(A. Pommier, Paris.)

France, 1907 : Sobriquet que les militaires donnent aux civils. Depuis l’obligation pour tous du service militaire, ce mot est beaucoup moins en usage qu’autrefois. L’orthographe diffère suivant l’origine qu’on lui donne et en cela les étymologistes ne sont nullement d’accord. Littré était d’abord disposé à ne voir dans pékin que l’étoffe de ce nom que, sous le premier empire, les civils portaient en pantalon comme les militaires le nankin. On distinguait de la sorte à première vue, dit-il, le militaire de celui qui ne l’était pas. Mais, d’après le supplément de son Dictionnaire, pékin daterait de la fête de la Fédération. « À cette fête il y avait des délégués militaires et des délégués des cantons ; la plaisanterie vit dans les cantons la ville de la Chine, et y substitua le nom de la capitale, Pékin. »
Ampère, de son côté, pense que ce mot vient du latin paganus, paysan, villageois, par opposition à soldat ; d’autres lui donnent pour origine l’espagnol pequeno, petit ; d’autres encore en font une altération des vieilles expressions injurieuses piquechien et pissechien. « à moins, dit Charles Royan dans ses Petites Ignorances de la conversation, qu’il ne soit tout simplement une façon de dire chinois, mot qui se prend vulgairement dans un sens dédaigneux et burlesque ».
Mais, ajoute-t-il, mous inclinons à penser que péquin, usité surtout dans l’armée, a pris naissance au milieu des soldats, et c’est pourquoi nous adoptons plus volontiers l’explication du colonel Aubert : « Le père Daniel, dans son Histoire de la milice française, parle des piquenaires, sorte de soldats à pied, qu’il ne faut pas confondre avec les piquichinis, mauvais soldats, sorte de valets d’armée, fort nombreux dans les armées de Charles VI. Les piquichinis ou piquinis, d’origine italienne, méprisés des véritables soldats, firent tant par la maraude que leur nom devint un terme de mépris dans les armées. De vieux dialogues militaires des règnes de Henri III et Henri IV emploient souvent le mot piquini ou péquin pour désigner les adversaires en religion. Ainsi, dans un de ces dialogues, nous voyons un papiste traiter Coligny de pékin ; un autre dialogue est intitulé les pékins de Montauban. »
Élisée Reclus, de son côté, donne une autre explication qu’il a trouvée dans les ouvrages du docteur Louis-Joseph Janvier :

Les Pauvres Haïtiens étaient toujours prêts à se soulever, dans l’espérance constamment déçue d’arriver enfin à cette possession du sol qui pouvait les rendre libres. Haïti eut ses guerres de paysans ou de piquets. Telle serait aussi en France l’origine du mot péquin, changé en pékin, qu’emploient les soldats de métier pour qualifier les civils ou militaires d’occasion, c’est-à-dire des gens simplement munis de pèques ou piques, armes impuissantes contre les fusils et les canons.

Après l’expédition de Chine, le général de Montauban, averti que Napoléon III désirait lui accorder un titre rappelant ses victoires, avait une peur atroce que l’empereur ne le fit duc de Pékin. « Duc de Pékin, disait-il, cela sonnerait bien mal pour un militaire. » On sait qu’il fut fait comte de Palikao.

En vain l’on veut rester pékin,
Quand on a-z-eu la chance
De s’fourrer dans le creux d’la main
Un numéro de partance.
Le sac sur le dos,
En bott’s ou sabots,
N’y a qu’un parti-z-à prendre ;
La loi vous le dit :
En route, conscrit !
Au corps il faut se rendre.

Disons, pour terminer, que dans le patois des Pyrénées, pec, peguin signifient niais, imbécile, idiot. Ne faudrait-il pas aller là pour trouver l’étymologie de pekin ?

Pélago

Delvau, 1866 : n. de l. La prison de Sainte-Pélagie, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Prison de Sainte-Pélagie, la patronne des journalistes. Les journalistes, qui subissent une condamnation pour délit de presse, sont pensionnaires de Sainte-Pélagie. Mais, il faut tout dire, ils sont séparés des malfaiteurs.

La Rue, 1894 : La prison de Sainte-Pélagie.

Virmaître, 1894 : La prison de Sainte-Pélagie. Cette expression est une défiguration du mot Pélagie par l’emploi du suffixe go. Ce fait se produit souvent en argot (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Prison de Sainte-Pélagie, démolie en l’année 1899.

Hayard, 1907 : Sainte-Pélagie.

France, 1907 : Prison de Sainte-Pélagie.

Si vous l’appelez sergot,
Il vous promet Pélagot
Et vous administre un’ pile,
L’sergent d’ville ;
Après, chez l’quart, l’air bravache,
Il va prétendre en rageant
Que vous l’avez traité d’vache,
Le parfait agent (bis).

(E. Blédort)

Pelard

M.D., 1844 : Du foin.

Delvau, 1866 : s. m. Foin, — dans le même argot [des voleurs].

La Rue, 1894 : Foin.

France, 1907 : Métier qui consiste à arracher l’écorce des chênes pour les mégissiers.

— Qu’est-ce que c’est que ça, le pelard ?
— Comment ! tu ne sais pas ? En voilà un métier facile et pas éreintant ! Il s’agit simplement d’arracher l’écorce des chênes pour les mégsissiers. On gagne trente sous du mètre cube, et l’on peut facilement compter sur son mètre par journée. Veux-tu que je te fasse engager par l’entrepreneur ?
— J’te crois que je l’veux ! s’écria Gilbert enchanté.
Et, deux jours après, dans les grands bois pleins de bruyères roses et de mûres sanglantes, Gilbert exerçait son nouvel état et travaillait au pelard.

(William Busnach, Le Petit Gosse)

France, 1907 : Foin ; argot des voleurs. Diminutif du vieux français pel, poil, d’où l’on a fait pelouse, pelletier.

Pelarde

Delvau, 1866 : s. f. Faulx.

France, 1907 : Faux. Elle pèle la toison des prés.

Pelaud

France, 1907 : Sou, corruption populaire de palet.

— Si tu fais ce coup-là, j’arrose de deux litres de marc ! — Ça y est ; fais voir tes pelauds.

(Georges Courteline)

Pelé

d’Hautel, 1808 : Qui n’a point de cheveux. Il y avoit trois pelés et un tondu. Se dit par dérision d’une compagnie peu nombreuse, d’une cérémonie, d’une fête où il n’y avoit presque personne.
C’est un pelé qui se moque d’un tondu. Se dit d’un homme qui a les mêmes défauts que celui dont il veut se moquer.

Delvau, 1866 : s. m. Sentier battu.

Rigaud, 1881 : Grande route. Elle est aussi chauve qu’une demi-douzaine d’Académiciens.

La Rue, 1894 : Grand chemin, route.

France, 1907 : Route, sentier. « Arpenter le pelé. » Argot des voleurs.

Pèle une figue à ton ami et une péche à ton ennemi

France, 1907 : Ce conseil assez canaille vient de la croyance erronée que l’enveloppe de la figue est un poison et que la pêche est un fruit malsain dont le contrepoison serait la pelure. Cette croyance est partagée par les Italiens, qui se servent du même dicton : All’ amico si pela il fico, al nemico il persico. Aussi, à la personne qu’on estime, dit le Dr Silva, et même dans les grands repas italiens, la maîtresse de maison offre-t-elle parois une figue dépouillée de son enveloppe.

Pélerin

d’Hautel, 1808 : Pour, fourbe, hypocrite, qui fait le bon apôtre.
Vous ne connoissez pas le pélerin. Se dit en mauvaise part ; pour, vous ne connoissez pas l’homme.
Rouge au soir, blanc au matin, c’est la journée du pélerin. Signifie, qu’il faut boire du vin blanc le matin, et du rouge le soir ; et dans un autre sens que ces deux couleurs de l’horizon, dénotent que le jour qui commence sera beau.

France, 1907 : Individu quelconque. Ce mot est employé généralement en mauvaise part : « Je connais le pèlerin », dit-on d’une personne dont on a eu à se plaindre.

À son avidité naturelle, il joignait le plus insupportable des vices que donne la civilisation : le drôle était économiste. Il me fit un sermon en trois points pour me démontrer que bien vivre et à bon marché était la misère des peuples sans commerce et sans industrie, tandis que la cherté est la marque de la civilisation la plus avancée… Discuter avec ces fanatiques, qui n’ont qu’une idée, le ciel m’en garde. Je connais ces pèlerins. La France, ses arsenaux, sa marine, ses armées, sa gloire, ses droits, ils livreraient tout au Grand Turc, s’il leur promettait en échange la liberté… de la boucherie.

(René Lefebvre, Paris en Amérique)

C’était chose ordinaire de trouver quatre ou cinq pendus se balancer au vent du matin, à Denver particulièrement, surtout sur le pont du Cherry, jeté sur la crique de ce nom. On faisait monter le pèlerin sur le parapet auquel on avait attaché une corde, et un nœud coulant au cou, il sautait, bon gré mal gré, dans l’éternité.

(Hector France, Chez les Indiens)

Pèlerin

Rigaud, 1881 : Individu dont on ignore le nom, particulier, le premier venu. — Quel est ce pèlerin-là ?

Fustier, 1889 : Gardien de la paix. Argot du peuple. Allusion aux pèlerines en caoutchouc que les gardiens portent depuis l’année dernière.

Pèlerin de grande vergue

France, 1907 : Voleur de grand chemin.

Pèleriner

Rigaud, 1881 : Faire un pèlerinage.

Sans le 4 septembre, les pèlerins ne pèlerineraient pas, n’auraient jamais songé à la possibilité de pèleriner.

(G. Guillemot, Le Mot d’ordre, du 5 septembre 1877.)

Pelés et un tondu (trois)

Rigaud, 1881 : Société peu nombreuse. Très peu de monde dans une réunion, dans une soirée, dans une salle de spectacle, à une solennité quelconque.

Les trois pelés et un tondu qui ont manifesté ces jours-ci sur la place de la Bastille.

(Le Triboulet, du 6 juin 1880.)

Pelet

France, 1907 : Pellicule, peu de chose, un rien. Vieux mot.

Pélican

La Rue, 1894 : Paysan.

France, 1907 : Paysan ; argot des voleurs.

France, 1907 : Chef de salle ; argot de l’École polytechnique.

Pelisson

France, 1907 : Même sens que pelisse. On écrivait autrefois peliçon : « Le gros du ciel emporte le large du peliçon. » (Proverbes ruraux)

Pellard

anon., 1827 : Du foin.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Foin.

Bras-de-Fer, 1829 : Foin.

Halbert, 1849 : Du foin.

Larchey, 1865 : Foin (Vidocq). — Diminutif du vieux mot pel : poil. L’herbe est le poil de la terre. On dit pelouse.

Rigaud, 1881 : Foin, — dans le jargon des voleurs.

Pelle

d’Hautel, 1808 : C’est la pelle qui se moque du fourgon. Se dit d’un homme qui reprend dans les autres les défauts dont il est personnellement entaché.

Larchey, 1865 : Chemin (Id.). — Pelle au cul (Recevoir la) : Être mis violemment à la porte.

Mon rival, J’en suis convaincu, Va recevoir la pelle au cu.

De Longchamps, 1809.

France, 1907 : Chemin ; argot des voleurs ; variante de pelé.

France, 1907 : Prostituée élégamment mise qui racole dans les cafés à la mode et sur les grands boulevards.

C’est nous les malins,
Les joyeux malins,
Qui ne savons ce qu’on appelle
Une pelle…
C’est nous les malins, les joyeux malins,
Posant pour le torse et des mollets pleins.

Pelle (ramasser une)

Merlin, 1888 : Faire un impair.

Rossignol, 1901 : Faire une chute, tomber. Ce mot veut aussi dire ne pas réussir une entreprise, une chose, y perdre de l’argent.

France, 1907 : Tomber, faire une chute, mais plus particulièrement pour le cas où le corps est projeté obliquement sur le sol, comme si l’on voulait s’y enfoncer, les bras en avant, et en soulever une partie, en somme, faire œuvre de pelle. « Et de même que, dit M. T. Pavot dans l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, dans : boire un verre de vin, verre est mis pour verrée, le contenant pour le contenu, de même aussi ramasser une pelle devra s’entendre, non de l’outil lui-même, mais de la pelletée. Bien des gens en effet, par vice de langage, emploient un mot pour l’autre, disant : une pelle de terre, une pelle de charbon. »

Toto n’a aucun soin de ses affaires. Il a égaré les objets qui lui servaient à confectionner des pâtés de sable, et il demande au cousin de sa maman, qui revient, en boitant, d’une excursion à bicyclette :
— Tu n’as pas trouvé, par hasard, ma pelle et mon seau ?
— Je n’ai pas vu de seau, répond le cousin, l’oreille basse, mais je suis sûr d’avoir ramassé une pelle.

(Le Journal)

Pelle se moque du fourgon (la)

France, 1907 : On se moque de ses propres défauts quand on les voit chez les autres ; la vieille histoire évangélique de la poutre et de la paille. On dit aussi : L’hôpital se moque de la charité. Les filous se traitent entre eux de sales voleurs et quans les noirs se querellent, ils ne manquent pas de s’appeler vilains nègres. Ce dicton est commun à toutes les nations.
Les Anglais disent : The pot calls the kettle black bottom. (Le pot appelle la bouilloire cul noir.)
Les Italiens : La padella dice al pajaolo : Fatti in la che tu mitigni. (La casserole dit au pot : Éloigne-toi, tu vas me salir.)
Les Espagnols : Dijo la corneja al cuervo : Quitate alla, negro ! (La corneille dit au corbeau : Va-t’en, moricaud !)
Les Allemands : Ein Esel schimpft den andern, Langohr. (Un âne surnomme l’autre : Longues oreilles.)
Les Arabes, fertiles en paraboles, ont exprimé la même pensée : « Une prostituée que ses voisines empêchaient de dormir cria une nuit : Où donc est la police qu’elle ne mous débarrasse pas des filles de mauvaise vie ? » On dit encore chez nous : Le four appelle Le moulin, brûlé ; — Les morveux veulent toujours moucher les autres ; — Tous les chassieux prétendent être oculistes.
Ne vit-en pas la horde des politiciens, les poches pleines de l’argent volé dans les tripotages du Panama, reprocher au général Boulanger ses cigares et le traiter de voleur !

Pelle-au-cul (recevoir la)

France, 1907 : Être ignominieusement chassé ; argot populaire.

Peller (se)

Rossignol, 1901 : Tomber.

Pelletas

France, 1907 : Pauvre diable ; argot populaire.

Pour huit mois de grande pêche
Passé février ;
Laissant là charrue et bêche
Sans se faire prier ;
À bord d’une goélette
Ou d’un grand transport,
Quand fleurit la violette,
Joyeux je quittons le port,
Oui, nous sommes les pell’tas,
Les pell’tas, fils de pell’tas,
Oui, nous sommes les pell’tas
Qui n’ont pas peur de couler en tas.

(Jules Heurtel)

Pélo

Rigaud, 1881 : Sou, — dans le jargon des ouvriers.

Virmaître, 1894 : Sou.
— Je suis dans une dèche carabinée, depuis une semaine je n’ai pas touché un pélo (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Sou.

Hayard, 1907 : Sou.

Pelochon

France, 1907 : Traversin ; argot populaire. « Se flanquer un coup de pelochon », dormir.

Pelot

France, 1907 : Paletot. En patois béarnais, pelot, diminutif de pele, est un vêtement léger ou en mauvais état.

— Eh bien ! frangin, il s’agit de travailler dans les pelots… retiens ton battant et suis bien la losèchem… nous ralégons (entrons) dans un laféquem, un beau cafmar, car nous ne la relevons que dans le riche (nous ne cherchons que dans les endroits élégants)… faut conobler la manière de s’en servir… J’ai un lardussépem (pardessus)… j’entre le premier, je l’accroche à une patère où il y a déjà un beau pelot… je m’assieds et je commande une consommation, je prends un faffe (journal) et je lis… Tu entres, tu t’assois loin de moi, tu siffles un bock, tu aboules ta monnaie, puis, pendant que le garçon a le dos tourné, moi je casse un verre : tout le monde se retourne… vite tu décroches le pardessus que tu as remarqué, le plus cossu n’est pas toujours le plus rupin, il faut grincher celui où il y aurait des papiers, un portefeuille, des objets bourrant les poches… tu files à la douce pendant que tout le monde regarde de mon côté, tu portes le pelot sur ton bras… et l’affaire est gerbée…

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Pélot

France, 1907 : Sou. Voir Pelaud.

Ça l’a mis quasiment à sec ; comme il n’avait pas l’œil chez un bistrot, il s’est trouvé fauché, vanné en un rien de temps : plus un pélot en poche !…

(Le Père Peinard)

Vrai… y a des mois qu’on n’a pas d’veine ;
Quand j’dis des mois, j’sais pas c’que j’dis :
J’m’ai toujours connu dans la peine,
Sans un pélot, sans un radis…
Ça s’rait pas trop tôt que j’boulotte,
J’vas tomber malade à la fin ;
I’fait chaud et pourtant j’grelotte…
C’est-i’ la fièvre ou ben la faim ?

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Pelot, pépète

La Rue, 1894 : Pièce d’un sou.

Pelotage

Rigaud, 1881 : Flatterie. — Lascif égarement des mains. « À bas les pattes, pas de pelotage, ça porte malheur ! » ont l’habitude de dire les demoiselles qui n’ont pas celle de se laisser séduire par de belles paroles.

France, 1907 : Action de tâter, de caresser les rondeurs d’une fille où d’une femme. « Il y a du pelolage », se dit d’une personne dodue.

Les pelolages de la Russie ont fini de nous abrutir : l’Orient a déteint sur nos tronches ! Or, comme dans les patelins asiatiques la vie humaine ne pèse pas plus qu’un grain de sable et qu’en fait de liberté y à peau de zébi, on s’accoutume à chérir l’esclavage et à considérer notre carcasse comme étant un ustensile dont les puissances usent et abusent.

(Le Père Peinard)

Pelotage (avoir du)

France, 1907 : Avoir des formes rebondies.

Pelote

d’Hautel, 1808 : Elle a fait sa pelote. Se dit en mauvaise part d’une personne qui s’est enrichie d’une manière illicite ; et familièrement d’un homme qui à force d’économie, est parvenu à se composer une petite fortune.

Delvau, 1866 : s. f. Gain plus ou moins licite, — dans l’argot du peuple. Faire sa pelote. Amasser de l’argent.

Rigaud, 1881 : Bourse, — dans l’ancien argot. — Économies. Faire sa pelote, mettre de l’argent de côté.

France, 1907 : Bourse. Au pluriel, ce sont les seins d’une femme.

Il la prit sur ses genoux et passant doucement la main sur ses seins, il lui dit : — Oh ! les bonnes petites pelotes !

(Les Propos du Commandeur)

Pelote (faire sa)

Larchey, 1865 : Arrondir sa bourse.

J’fais, comme on dit, ma p’tite p’lote Tout en élevant mes bambins.

Dalès, Chansons.

Pelote (vol à la)

France, 1907 : Vol commis sur les petites filles. Le voleur les attire par des caresses, les pelote, et leur enlève leurs bijoux.

Peloter

d’Hautel, 1808 : Peloter en attendant partie. S’amuser, s’essayer à quelque chose, que l’on doit par la suite embrasser sérieusement.
Se peloter. Pour dire, se battre, se prendre aux cheveux.

Larchey, 1865 : Caresser des charmes arrondis en pelote. — Pelotteur : Flatteur.

Se montrer rampant, pelotteur et bêta.

Wado, Chansons.

Delvau, 1866 : v. a. Manquer de respect à une femme honnête en se livrant de la main, sur sa personne, aux mêmes investigations que Tartufe sur la personne d’Elmire. Par extension, Amadouer par promesses quelqu’un dont on attend quelque chose.

Rigaud, 1881 : C’est l’équivalent de patiner, mais avec plus de délicatesse de touche. — Flatter quelqu’un pour obtenir un service. — Peloter le carton, peloter la dame de pique, jouer aux cartes. — Peloter le carme, faire les yeux doux aux sébiles des changeurs, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Flatter. Courtiser une femme avec la main.

France, 1907 : Palper, caresser les formes d’une femme.

— Laissez-moi vous caresser, vous aimer, vous dorloter, vous peloter, petite Vanina !
— Ici ?
— Oui, ici. Tandis que le peuple chante, danse, rit ; tandis qu’il est tout à la joie, au son des marches guerrières, enfilons la cadence d’amour. Nos soupirs battront la mesure…

(Fin de Siècle)

Albertine, qui savait ce que peloter veut dire, ne se scandalisait pas pour si peu. En gloussant de plaisir comme une poule, elle ne trouva que cette protestation assez vague : — Vous me chatouillez.

(Jean Deslilas, Fin de Siècle)

Au flambe il faut voir la bergère
Sans lui peloter le derrière.

Ce distique, tiré de Pigeons et Vautours d’Hogier-Grison, ne renferme aucune idée indécente, il signifie simplement en argot des grecs :

Au jeu il faut voir la dernière carte
Sans être obligé de la toucher.

France, 1907 : Flatter, flagorner.

Il ne blaguait plus le sergent de ville en l’appelant Badingue, allait jusqu’à lui concéder que l’empereur était un bon garçon… C’était visible, il le pelotait.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Peloter (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se disputer et même se battre, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Peloter avec quelqu’un.

Peloter le carme

Virmaître, 1894 : On sait que les changeurs, pour attirer les regards, placent dans leurs vitrines des sébiles remplies d’or ; les pauvres diables s’arrêtent a contempler ces richesses comme le savoyard mange son pain à l’odeur des cuisines du Café Anglais. Ils pelotent le carme… moralement (Argot du peuple).

France, 1907 : Contempler d’un œil avide l’or et les billets de banque que les changeurs étalent dans leur vitrine à la convoitise des passants.

Peloter les couilles d’un homme

Delvau, 1864 : Lui passer une main vive et légère — un souffle ! — sur les testicules, afin de provoquer l’érection de son membre et par conséquent la jouissance.

La femme d’une main lui pelote la couille ;
L’autre, dans mille endroits en tous sens le chatouille.

Louis Protat.

Peloter sa bûche

Delvau, 1866 : v. a. Travailler avec soin, avec goût, avec amour du métier. Argot des tailleurs.

France, 1907 : Travailler avec goût, avec amour du métier ; du verbe argotique bûcher.

Pelotes

Hayard, 1907 : Seins.

Peloteur

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme oui aime à flatter les femmes — de la main.

Rigaud, 1881 : Libertin qui, à l’exemple de Tartuffe, se livre sur la première Elmire venue à des effets de main. Le peloteur est au patineur ce que le peintre qui peint à petits pinceaux est à celui qui peint en pleine pâte.

Rigaud, 1881 : Bas flatteur qui cherche à obtenir quelque chose. — Ouvrier qui fait le bon apôtre auprès du patron, qui le flatte et l’encense à tout propos.

France, 1907 : Amateur des belles formes, qui aime à des caresser, à les sentir sous sa main ; se dit aussi d’un flatteur, d’un flagorneur, en un autre terme argotique, d’un lèche-cul.

Peloton

d’Hautel, 1808 : C’est un vrai peloton de graisse. Se dit d’un enfant de bel embonpoint, frais et vermeil.

Peloton de chasse

Rigaud, 1881 : Peloton de punition. (L. Larchey)

Merlin, 1888 : Peloton de punition, le bal.

France, 1907 : Exercice supplémentaire imposé aux hommes punis ; argot militaire.

Deux ou trois fois par jour, le trompette de garde sonnait au pélolenr de chinsse : Sur quoi les hommes punis se hâtaient de se mettre en tenue, pantalon de cheval et dolman, et de prendre leur mousqueton au râtelier. Flick, dans la cour, les attendait. Il les faisait placer en file, le nez au mur, et leur faisait exécuter une heure et demie de maniement d’armes en décomposant chaque mouvement.

(Georges Courteline, Les Gaietés de l’escadron)

Adieu l’clou, la sall’ de police ;
La grand’ boîte, le lazaaro
Où l’adjudant (qu’Dieu le bénisse !…)
Se faisait, hélas ! mon bourreau ;
Je dis zut au p’loton de chasse,
Mon cauchemar, mon désespoir,
V’là que nous sommes de la classe
Et que la classe part ce soir !…

(Chanson de régiment)

On dit aussi pelote : « Faire la pelote. »

Pelou

France, 1907 : Épluchure.

Pelouet

Halbert, 1849 : Loup.

France, 1907 : Loup ; argot des voleurs ; formé de velu, poilu.

Pelouette

Halbert, 1849 : Louve.

Pelure

un détenu, 1846 : Redingotte.

Larchey, 1865 : Vêtement. — C’est en effet une pelure pour le corps. V. Épates.

Delvau, 1866 : s. f. Habit ou redingote, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Habit, redingote, paletot. — Pelure d’oignon, vêtement très léger, vêtement très usé.

La Rue, 1894 : Habit.

Virmaître, 1894 : Paletot ou veston.
— J’enquille ma pelure à manger le rôti (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Vêtement que l’on a sur soi.

Hayard, 1907 : Paletot.

France, 1907 : Habit, vêtement, paletot. « Enquiller sa pelure. » À noter qu’en vieux français un habit fourré s’appelait pelé.

En un tour de main, vous auront forcé d’essayer un habillement complet, du galurin aux ripatons, en passant par le culbutant, qui est le pantalon, et par la limace qui est la chemise. Puis après que vous leur aurez payé quinze francs une pelure ou paletot qu’elles vous faisaient cent cinquante…

(Paul Mahalin)

I’s sont frusqués avec des p’lures
Qu’on leur-z’y fait esprès pour eux,
L’hiver, ils s’coll’nt dans les fourrures…
Dame ! y a pas qu’nous qu’est des frileux…

(Aristide Bruant)

France, 1907 : Objet de nulle valeur, comme la pelure d’un fruit.

Ce qui est chic, pas ordinaire, épatant, c’est d’avoir ça au veston à vingt ans au plus, quand on a encore l’air d’un gamin et qu’on n’a pas de poil. Alors les passants sont embrochés, les vieux généraux qu’on croise vous reluquent avec des prunelles de conseil de guerre, les femmes vous rient des yeux et de la bouche, tout le monde pense : « Vous avez vu ce gringalet, qui est décoré ? C’est à crever de rire ! Qui c’est-il ? Qu’est- ce qu’il a fait ? Il a pour le moins arrêté un train express ? ou sauvé la Banque de France ? » Enfin, on ne passe pas inaperçu, on goûte la gloire. Comme ça, la Légion d’honneur, oui, ça vaut le coup ! Mais à trente, quarante ans, dans le tas, comme les dix-sept cent mille voyous qu’on rencontre partout, en omnibus, à pied, en chemin de fer ? Ah non ! De la pelure !

(Henri Lavedan)

Penaillon

d’Hautel, 1808 : Pour dire haillon, guenille.
Un vieux penaillon. Terme injurieux et de mépris, que l’on donne à un vieux libertin, à un homme que l’âge n’a pu rendre sage.

Penaillons

France, 1907 : Jupons, cottes.

Rien ne restait de son ancienne coquetterie. Même devant le monde, elle trôlait avec le roulement de sa ceinture devenue énorme, ses penaillons remontés à ses genoux, les bras et la face poissés de crasse noire, supportant de ses mains larges ouvertes sur le bas-ventre la rondeur douloureuse de sa maternité.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Penard

d’Hautel, 1808 : Terme de raillerie. Grison, vieillard pervers et libertin, qui courtise les fillettes.

Pénard

Rigaud, 1881 : Tranquille, — dans le jargon des voleurs.

Penaud

d’Hautel, 1808 : Il est penaud comme un fondeur de cloches. Pour dire que quelqu’un est honteux de n’avoir point réussi dans une affaire.

Pend au nez (ça vous)

Rigaud, 1881 : Cela vous arrivera bientôt, infailliblement. — En épousant une pareille femme, il le sera… ça lui pend au nez.

Pendaison

d’Hautel, 1808 : Exécution de pendu. Terme burlesque par lequel le peuple exprime l’action d’attacher quelqu’un à une potence, au gibet.

Pendant

d’Hautel, 1808 : Ce sont les deux pendans. Se dit par raillerie de deux personnes qui ont les mêmes inclinations, les mêmes habitudes, les mêmes défauts.

Pendante

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Chaîne de montre.

Larchey, 1865 : Boucle d’oreilles, chaîne (Vidocq).

Rigaud, 1881 : Boucle d’oreilles.

France, 1907 : Chaîne de montre, boucle d’oreille ; argot des voleurs.

Pendantes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Boucles d’oreilles, — dans l’argot des voleurs.

Pendard

d’Hautel, 1808 : Vaurien, coquin, fripon qui mérite la corde ; libertin, homme de mauvaise vie.
On dit dans le même sens, au féminin, une pendarde.

Pendards

Virmaître, 1894 : Seins qui pendent comme de vieilles vessies. Cette expression est attribuée à Talleyrand. Il assistait à la toilette d’une grande dame. Il regardait une femme de chambre lui lacer son corset ; elle lui dit en minaudant :
— Vous regardez mes petits coquins ?
— Vous pourriez dire vos grands pendards (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Seins.

France, 1907 : Seins pendants.

Cette expression, dit Charles Virmaître, est attribuée à Talleyrand.
Il assistait à la toilette d’une grande dame et regardait une femme de chambre lui laçant son corset ; elle lui dit en minaudant :
— Vous regardez mes petits coquins ?
— Vous pourriez dire vos grands pendards.

Pendiller

d’Hautel, 1808 : Se dit des choses viles ou de peu d’importance qui, suspendues en l’air, sont agitées par le vent.

Pendilleuse

M.D., 1844 : Des boucles d’oreilles.

Pendre

d’Hautel, 1808 : Cela lui pend au nez comme une citrouille. Pour, cela ne peut lui échapper ; c’est inévitable.
Par compagnie, on se fait pendre. Se dit quand on fait quelque chose d’illicite pour complaire à sa compagnie.
Il se feroit pendre pour cela. Se dit pour exprimer la passion de quelqu’un pour un objet quel conque.
Il est toujours pendu à sa ceinture. Se dit ironiquement de quelqu’un qui accompagne continuellement une personne, qui la suit partout.
Il y a de quoi se pendre. Se dit par exagération d’un évènement désespérant ; de quelque chose qui excite le dépit, et pour marquer le regret qu’on a d’avoir manqué une occasion favorable.
Je veux être pendu, etc. Espèce de serment que l’on fait pour affirmer quelque chose.
Dire pis que pendre de quelqu’un. Ternir sa réputation par des médisances, de noires calomnies.
Autant vous en pend à l’œil. Pour, vous êtes menacé du même accident.
Il est sec comme un pendu. Se dit d’un homme d’une extrême maigreur.
Il a sur lui de la corde de pendu. Se dit d’un homme qui a du bonheur au jeu ; qui y gagne beaucoup, et généralement de ceux qui réussissent dans toutes leurs entreprises.

Pendre au nez

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot du peuple — à propos de tout accident, heureux ou malheureux, coups ou million, dont on est menacé. On a dit autrefois Pendre aux oreilles. (V. le Tempérament, 1755)

Pendu

Rigaud, 1881 : Professeur adjoint à l’école de Saint-Cyr, — dans le jargon des Saint-Cyriens.

France, 1907 : Instructeur à l’École spéciale militaire ; argot des saint-cyriens.

France, 1907 : Vêtement accroché à l’étalage d’un brocanteur. « Se payer un pendu », s’habiller chez un marchand de vieux habits. Argot populaire.

France, 1907 : Pièce d’étoffe étendue et suspendue ; argot des drapiers.

Les pièces de drap sont étalées dans de vastes couloirs et suspendues dans toute leur longueur. Ce sont ces pièces de drap que l’on nomme des pendus.

(Macé, Mon premier crime)

Pendu (avoir de la corde de)

France, 1907 : Réussir dans ses affaires, gagner au jeu, avoir du bonheur ; synonyme de chance de cocu. Dès la plus haute antiquité, on attribuait certaines propriétés merveilleuses à la corde qui avait servi à pendre quelqu’un ; cette superstition traversa le moyen âge pour arriver jusqu’à nous. Au moyen âge, vu les nombreuses pendaisons, cette corde était commune ; elle est plus rare aujourd’hui, car il n’y a guère que celle des suicidés, ce qui la rend d’autant plus précieuse. Dans les pays où l’on pend encore, tels que l’Angleterre, le bourreau se fait un appoint considérable avec la corde de pendu.

Pendu (se payer un)

Virmaître, 1894 : On sait que les brocanteurs pendent à leur étalage les vêtements qu’ils ont à vendre. Ils passent les manches dans un bâton, ce qui donne l’aspect des bras. Vu d’un peu loin, on jurerait un pendu. Se payer un pendu, c’est acheter ce vêtement (Argot du peuple).

Pendu glacé

Halbert, 1849 : Réverbère.

Delvau, 1866 : s. m. Réverbère. Argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Réverbère.

La Rue, 1894 : Réverbère.

Virmaître, 1894 : Le candélabre en forme de potence qui supporte le bec de gaz. Les voleurs n’aiment pas beaucoup ces pendus-là.
— J’ai été paumé pour avoir barbotté un pante, sans ce chameau de pendu glacé, je me cavalais à la frime du sergot (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Réverbère d’autrefois suspendu au milieu des rues au moyen d’une corde fixée à deux maisons se faisant face, ou à un candélabre en forme de potence.

Penduglacé

Larchey, 1865 : Réverbère (Id.). — Allusion à la suspension et au vitrage du réverbère.

Pendulard

Virmaître, 1894 : Voleur de pendules. Les Allemands, en 1870, nous ont donné un joli échantillon de leur savoir faire dans ce genre de vol. Ce sont les bonjouriers qui pratiquent ce vol, principalement dans les loges de concierges (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Sobriquet donné aux Allemands depuis la guerre de 1870-71, parce qu’ils firent main basse sur les pendules des habitants chez qui ils logeaient.

— Ils reviennent ! cria tout à coup un éclaireur de la Seine qui passait bride abattue, ils arrivent ! ils sont là !
— Qui ?
— Les pendulards !
En effet, c’était l’ennemi, plus compact et devant qui se trouvaient une foule de brancardiers qu’il avait eu l’impudence de bombarder.

(Léon Cladel, Crête-Rouge)

Pendule (coup de la)

France, 1907 : Mettre un homme la tête en bas et le secouer vigoureusement pour faire tomber l’argent et les objets qu’il peut avoir dans les poches. Pour de vigoureux coquins, ce moyen est plus expéditif que celui de fouiller.

Pendule (remonter sa)

Rigaud, 1881 : Battre sa femme de temps en temps, pour ne pas en perdre l’habitude, — dans le jargon du peuple.

France, 1907 : Battre sa femme.

— La gouge était acariâtre, rechignait, ne marchait pas… aussi étais-je obligé chaque matin de remonter à coups de trique la pendule. Alors ça allait à peu près bien pour une douzaine d’heures.

(Les Joyeusetés du régiment)

Pendule à plumes

Delvau, 1866 : s. f. Coq, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont lu la Vie de Bohème.

Virmaître, 1894 : Le coq qui chante chaque matin à heures fixes. On dit également réveil-matin. C’en est un très économique qui n’a pas besoin d’être remonté et qui a l’avantage de pouvoir être mangé quand il a cessé de plaire (Argot du peuple).

France, 1907 : Coq.

Péniche

Rigaud, 1881 : Pied, — dans le jargon des voyous. — Il repousse des péniches, il sent mauvais des pieds. Allusion à la barque appelée « péniche ».

La Rue, 1894 : Galoche. Grand pied.

Péniches

Virmaître, 1894 : Souliers, lorsqu’ils sont d’une dimension démesurée (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Chaussures.

Hayard, 1907 : Souliers.

France, 1907 : Gros souliers ; argot militaire.

Mon meilleur copain, c’est Bouroite,
C’est lui qui m’explique un peu tout,
Y m’apprend à fair’ d’mi tour droite !
Et la pos’ du soldat sans l’sou,
Pourtant, des fois, y n’fait des niches
Y vers’ l’eau dans mon culbutant,
Ou ben d’la soup’ dans mes péniches…
C’est malheureux d’trinquer tout l’temps.

(Th. Aillaud)

Péniches, lattes, schlapins

anon., 1907 : Souliers.

Pénil

Delvau, 1864 : (du latin penicillus, dérive de penis). Selon Lignac, c’est le membre viril. — Selon d’autres savants c’est la partie antérieure de l’os qui environne les parties naturelles, et où pousse le poil, qui est l’indice de la puberté. — Le pénil s’appelle aussi Mont de Vénus.

Penillière

Delvau, 1864 : Poil qui couvre la nature de la femme.

Moi, grands dieux ! oublier ton joli cripsimen,
Sa brune pénilliêre et ton dur abdomen,
Ton ostium et ces fessons d’albâtre !

(T. du Bordel.)

Et puis se redressant un peu.
Rouge comme un tison de feu,
L’enfonça dans sa pénillière.

(Cabinet satyrique.)

Et sans cacher sa pénillière
Fut des fillettes chambrière.

(Recueil de poésies françaises.)

Pénitence (être en)

Fustier, 1889 : « Un autre coin amusant est celui des femmes en pénitence. On appelle Être en pénitence, à Monte-Carlo, ne pas jouer. Elles sont en pénitence pour la journée, la semaine ou la fin du mois, parce qu’elles ont perdu ce qu’elles avaient à jouer et que leurs maris ou leurs fils ne veulent plus desserrer les cordons de leurs bourses. C’est un véritable enfer que de voir jouer et de ne pas jouer. »

(Revue politique et littéraire, 1882.)

France, 1907 : Ne pouvoir jouer faute d’argent ; argot des croupiers. « On voit à Monte-Carlo les joueurs malheureux rôder autour des tables regardant tristement le tapis ; les habitués et les croupiers disent qu’ils sont en pénitence. »

Elles sont en pénitence pour la journée, la semaine ou la fin du mois, parce qu’elles ont perdu ce qu’elles avaient à jouer.

(Revue politique et littéraire)

Pénitencier

France, 1907 : Condamné à être enfermé dans une maison de correction ; argot des voleurs.

Penne

France, 1907 : Plume pour écrire. Vieux mot que les Anglais ont conservé, épelé ainsi : pen.

Un chapeau ondulé d’une toison de plumes, un trophée mouvant de pennes dont avantageusement se serait affublée une femme apache dansant une pyrrhique…

(Camille Lemonnier)

Pour t’escripre, vouldrove avoir
Legière penne d’arondelle
Penne doulce, penne fidèle,
Penne de nid…

(G. de Colvé des Jardins, Les Oberliques)

France, 1907 : Fausse clé ; argot des voleurs.

Penne, peigne

Larchey, 1865 : Clé (Vidocq)

Pennon

d’Hautel, 1808 : Faire de pennon bannière. Passer d’une place obscure à une grande dignité.

Penser

d’Hautel, 1808 : Honny soit qui mal y pense. Proverbe qui signifie qu’il ne faut pas faire de jugemens téméraires ; se défier des apparences, et ne pas interprêter mal ce qui est innocent.

Pensionnaire

d’Hautel, 1808 : Pensionnaire du roi. Prisonnier ; homme détenu, qui est nourri aux dépens du roi.

Pensum

France, 1907 : Agent de police ; jeu de mot de collégien : pince-homme.

Pente

d’Hautel, 1808 : Pour, fredaine, farce, tour de jeunesse.
Se donner des pentes. Prendre des airs, des tons au-dessus de sa condition ; dépenser plus que les moyens ne le permettent ; se choyer, se dorlotter.

Halbert, 1849 : Poire.

France, 1907 : Poire ; argot des voleurs. La poire, par son poids, pend plus que tout autre fruit sur l’arbre.

Pente (avoir une)

Larchey, 1865 : Être ivre à trébucher sur un terrain plat comme si on rencontrait une pente brusque.

Delvau, 1866 : v. a. Être gris ou commencer à se griser, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Être ivre ; argot populaire.

Péon

France, 1907 : Conducteur de mules au Venezuela et dans l’Amérique du Sud. Le pluriel est péones.

Nous passons à table. Le péon, invité à s’y asseoir, à nos côtés, est énormément flatté de ce qu’il considère comme une haute distinction. Les clients habituels sont des ingénieurs anglais, qui conservent, pendant le voyage aux mines, le même flegme britannique, la même morgue, fille légitime du cant et de la fashion, et le même parapluie.

(Ch.-P. Gachet. Excursion au Pays de l’or)

Pépé

Merlin, 1888 : Se dit d’un Espagnol.

Pépée

Delvau, 1866 : s. f. Poupée, — dans l’argot des enfants.

Pépète

Delvau, 1866 : s. f. Pièce d’un sou, — dans l’argot des ouvriers ; de cinquante centimes, — dans l’argot des voleurs ; d’un franc, — dans l’argot des filles.

Pépètes

Virmaître, 1894 : Sous.
— Ça commence à être rudement rasant, pas un pé-pète à la clé (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Sous.

Pépette

Rigaud, 1881 : Pièce de dix sous, — dans le jargon du peuple. C’est-à-dire petite pièce ; déformation de piécette.

Je tope dans les gens à remontoir, plus de beignes et des pépètos.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

France, 1907 : Pièces de cinquante centimes ; argot populaire ; au pluriel, c’est de l’argent en général. « Il ne manque pas de pépettes. »

Un retentissant succès à pépettes.

(Trublot, Le Cri du Peuple)

Pépettes

Hayard, 1907 : Sous, argent.

Pépie

d’Hautel, 1808 : Petite peau blanche qui vient sur la langue des oiseaux, et qui les empêche de boire.
Avoir la pépie. Manière bachique qui signifie avoir soif de vin.
Il n’aura pas la pépie. Se dit en plaisantant d’un bon buveur, d’un homme qui boit dur et sec.
On dit aussi d’une petite babillarde, qu’Elle n’a pas la pépie.
Vulgairement, et par corruption, on prononce pipi.

France, 1907 : Soif ; argot populaire.

Pépie (avoir la)

Delvau, 1866 : Avoir soif, — maladie des oiseaux, état normal des ivrognes. Mourir de la pépie. Avoir extrêmement soif.

Pépin

Larchey, 1865 : Vieux parapluie.

De vilains noms qu’on l’apostrophe, Qu’on l’appelle pépin, rifflard, Le parapluie est philosophe.

V. Mabille.

Delvau, 1866 : s. m. Vieux parapluie, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Rifflard.

Delvau, 1866 : s. m. Enfant — dans l’argot des fantaisistes qui ont lu Shakespeare (Conte d’Hiver). De l’enfant-pépin sort en effet l’homme-arbre.

Rigaud, 1881 : Le pépin est un vieux parapluie, un parapluie grotesque, démodé.

Mon riflard deviendra pépin
Ses ressorts perdront leur souplesse.

(J. Cabassol, Ma Femme et mon parapluie, chanson.)

La Rue, 1894 : Vieux parapluie. Caprice. Passion.

Virmaître, 1894 : Avoir un pépin, aimer quelqu’un. Se dit aussi à la poule qui se joue au billard. Quand un joueur a derrière lui un adversaire maladroit, il est protégé par un pépin, il est couvert. Pépin, par le même motif, signifie parapluie (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Parapluie.

France, 1907 : Parapluie. D’après Lorédan Larchey, ce nom viendrait d’un des complices de Fieschi, Pépin, qui ne sortait jamais sans cet appendice du costume moderne. D’après la chanson Ma femme et mon parapluie, le pépin ne serait qu’un vieux riflard.

Mon riflard deviendra pépin,
Ses ressorts perdront leur souplesse.

Enfin, s’il faut s’en rapporter à Ch. Virmaître, pépin serait une allusion à la poule du jeu de billard, où un joueur maladroit est appelé pépin, il couvre son adversaire.

Muni d’un immense pépin,
Le bas et cauteleux Rodin,
Parfait jésuite,
Frac boutonné jusqu’au menton,
Allonge un énorme piton
En pomme cuite.

(Chanson du Père Lunette)

France, 1907 : Béguin, caprice, fantaisie. « Avoir un pépin pour une femme. »

Que sur sa tête un nuag’ crève,
Pour le militair’, c’est un rêve,
Le pépin !
Pour l’argotier, la fantaisie
Se nomme, avecque… poésie,
Un pépin.

(E. Blédort, Chansons de faubourg)

France, 1907 : Étron. « Déposer un pépin au coin d’un mur. »

Pépin (avoir avalé un fameux)

Rigaud, 1881 : Être très visiblement enceinte.

Pépin (avoir avalé un)

France, 1907 : Être enceinte.

— La petite à la mère Badoure a avalé un fameux pépin, car le ventre lui enfle joliment.

Pépin (avoir un)

Hayard, 1907 : Avoir un caprice.

Pépitier

France, 1907 : Chercheur d’or ; aventurier qui part aux colonies pour y faire fortune : de pépite.

Péquet

France, 1907 : Eau-de-vie, dans les départements du nord. « L’huile des hommes, c’est le péquet. » Voir Péket.

En même temps elle berçait Mélie, lui donnait la mamelle, et, un bras pris par l’enfant, travaillait de l’autre, souvent à jeun des jours entiers, se ravigourant uniquement de péquet, qu’elle lampait à pleins verres.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Péquin

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux qui équivaut à ignorant, sot, imbécile ; homme intéressé, avare au dernier degré. C’est aussi un sobriquet que les soldats se donnent entre eux.

Per fas et nefas

France, 1907 : Location latine signifiant par tous les moyens, littéralement : par ce qui est permis et par ce qui est défendu.

Si, sous un prétexte quelconque, vous admettez l’attentat à la vie humaine qui s’appelle la guerre, qu’il s’autorise de l’intérêt dynastique on du salut public, vous ne pouvez plus exciper d’une règle morale pour condamner l’homicide. Napoléon, personnification de la gloire militaire, entreprit certes des guerres iniques et gagna des batailles qui coûtèrent des centaines de mille têtes d’êtres humains. La Révolution française, créatrice de la France moderne, mit à l’ordre du jour le tribunal sommaire dont la guillotine fut l’instrument. Plus d’un souverain, pour établir son prestige et assurer la succession de sa dynastie, engagea son peuple dans des aventures sanglantes et funestes ; sous la présidence de M. Thiers, le maréchal de Mac-Mahon, vainqueur de la Commune, laissa fusiller dans les rues de Paris 25,000 Parisiens. Croyez-vous que l’individu, seul arbitre de son moi, ne possède pas des droits égaux à ceux des capitaines et des princes : qu’un jeune homme, pour donner à manger à sa mère, pour préserver sa sœur de la prostitution, ne soit pas fondé à acquérir de l’argent, per fas et nefas, en supprimant une créature inutile ou nuisible ?

(Henry Bauer, L’Écho de Paris)

Per obitum

France, 1907 : Par mort. Expression latine usitée en matière bénéficiale : bénéfice vacant per obitum.

Perce

d’Hautel, 1808 : Il n’a ni trou ni perce. Se dit en plaisantant d’un habit qui, quoique fort usé, n’a point de trou, n’est pas déchiré.

Perce-oreille

d’Hautel, 1808 : Sorte de petit insecte long et menu ; beaucoup disent vicieusement, Pince-oreille.

Percentage

Rigaud, 1881 : Synonyme de tant pour cent, — dans l’argot de la Bourse.

Percer

d’Hautel, 1808 : Les os lui percent la percent la peau. Se dit par exagération d’une personne fort maigre Voyez Bas, Panier.

Percer d’un autre (en)

Delvau, 1866 : Raconter une autre histoire ; faire une plaisanterie d’un meilleur tonneau.

Percetoile

France, 1907 : Voleur de bains de mer, qui opère en perçant les toiles des cabines.

Perche

d’Hautel, 1808 : C’est une grande perche. Se dit par raillerie d’une femme de grande stature, dépourvue de tous les agrémens de son sexe.

Rossignol, 1901 : Priape.

Perche (être à la)

Rigaud, 1881 : Ne pas manger tous les jours ; crever la faim ; faire concurrence à une perche comme maigreur, — dans le jargon des ouvriers.

France, 1907 : Mourir de faim.

Perche (notaire du)

France, 1907 : Pauvre notaire. Le vieux dicton dit : « Notaire du Perche, il passe plus d’échalliers que de contrats. » Les échalliers sont des ouvertures dans les haies, barrées par des pieux ; le notaire allait donc voler dans le jardin du voisin.

Perche à houblon

France, 1907 : Lance ; argot militaire, et, par comparaison, homme grand et mince.

Percher

d’Hautel, 1808 : Se percher. Se dit de ceux qui montent sur des endroits élevés pour mieux entendre ou pour mieux voir.

Delvau, 1866 : v. n. Habiter, loger au hasard, — dans l’argot des bohèmes, qui changent souvent de perchoir, et qui devraient bien changer plus souvent de chemise.

La Rue, 1894 : Loger.

Virmaître, 1894 : Loger au hasard, tantôt ici, tantôt là. Allusion à l’oiseau qui perche tantôt sur une branche tantôt sur une autre (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Loger, demeurer.

Hayard, 1907 : Loger.

France, 1907 : Aller se coucher, loger ; argot populaire.

— Mon garçon m’écrit qu’il va se marier et me demande de lui envoyer ses papiers. Je m’exécute et sur mon pauvre argent le lui avance les frais. Fini, plus de lettres… Je ne sais même pas s’il est marié et où il perche… Un polisson dont j’ai payé les mois d’école pendant huit ans.

(André Theuriet)

Perdre

d’Hautel, 1808 : Prends garde de le perdre. Locution ironique et adversative pour faire entendre à quelqu’un qu’une chose ne s’accomplira pas selon qu’il le prétend ; qu’il se flatte d’une vaine espérance.
C’est le jeu de coquinbert, où qui gagne perd. Facétie qui se dit quand on perd par complaisance et quand l’occasion le demande.
Il ne faut pas laisser perdre les bonnes coutumes. Se dit par raillerie de quelqu’inclination vicieuse ; de quelque défaut dont on ne peut se déshabituer.
Se dit aussi en parlant d’une fête, d’une partie de plaisir qui arrive annuellement.
Quelle heure est-il ? — Il est l’heure perdue, la bête la cherche. — Réponse triviale et facétieuse que l’on fait à celui qui demande quelle heure il est.
Courir comme un perdu ; crier comme un perdu. Courir à toutes jambes, crier de toutes ses forces.
C’est du bien perdu. Se dit en parlant d’un prodigue auquel on fait des libéralités, et généralement de tout ce qu’on donne aux personnes qui ne peuvent ou ne savent pas en profiter.
Pour un de perdu cent de retrouvés. Se dit pour faire entendre que la perte qu’on a faite est de peu de valeur, qu’on peut la réparer facilement.

Perdre (le)

Larchey, 1865 : Perdre son pucelage.

Je l’ai perdu, s’écriait la jeune Perrette. De mon hymen, c’était le gage.

Gustave, Ch., 1836.

Perdre de vue

Rossignol, 1901 : Perpétuité.

Perdre la boussole

France, 1907 : Perdre la tête, divaguer. C’est par la boussole qu’on dirige les navires : la boussole perdue, le vaisseau devient un corps sans âme ou plutôt sans cervelle.

Perdre la clé de son dressoir

France, 1907 : Se trouver dans l’incapacité de sacrifier à Vénus.

Car mon mari, chaque soir,
Perd la clé de son dressoir.

(Ancien Théâtre Français)

Perdre la tramontane

France, 1907 : Perdre la tête, être déconcerté, ne plus savoir que faire.
Ce proverbe est évidemment antérieur à l’invention de la boussole (1362), que nous tenons des Arabes. On appelait tramontane l’étoile du nord, seul guide des anciens mariniers, transmontana, de trans, au delà, et montes, les monts, parce qu’elle paraissait aux yeux des marins de la Méditerranée, au delà des cimes des Alpes. Lorsque le pilote perdait cette étoile de vue, il n’avait plus rien pour diriger sa course et se trouvait égaré dans l’immensité jusqu’à ce qu’il la vit de nouveau briller à l’horizon.
Dans le langage des marins de la Méditerranée, tramontane était aussi le vent du nord ; celui du sud était le mijour ; celui du nord-est, le grec, du sud-est le siroc, appelé encore aujourd’hui siroco ; celui du sud-ouest le lebêche, et du nord-ouest le mistral.

Pour deux gouttes de marasquin
Et quatre de vin de Catane,
L’abbé, qui perd la tramontane,
Se conduit comme un Algonquin.
Il pince sous le casaquin
Lisette en l’appelant : Sultane !

(Catulle Mendès)

Perdre le goût du pain

Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot du peuple. Faire perdre à quelqu’un le goût du pain. Le tuer.

France, 1907 : Mourir.

Perdre le la

France, 1907 : Perdre la mesure.

Je me rappelle avoir vu houler, rouler, sous mes fenêtres, à Arles, la veille ou l’avant-veille du départ des troupes, une retraite aux flambeaux échevelée et clamante. Les officiers étaient rentrés, pour n’avoir pas à sévir, laissant aux soldats la bride sur le cou. Et l’instinct s’était déchaîné, accéléré, avivé par les libations. La musique avait perdu de la, la foule avait perdu le pas, les têtes avaient perdu le nord.

(Séverine, La Libre Parole)

Perdre le Nord

Delvau, 1866 : v. a. Se troubler ; s’égarer ; dire des sottises ou des folies, — dans l’argot du peuple, qui n’a pas inventé pour rien le mot boussole. Autrefois on disait Perdre la tramontane, ce qui était exactement la même chose, tramontane étant une corruption de transmontane (transmoutanus, ultramontain, au-delà des monts, d’où nous vient la lumière).

Rossignol, 1901 : Celui qui perd la mémoire ou qui est déséquilibré perd le Nord. On dit aussi d’un individu atteint d’une maladie contagieuse : il a perdu le Nord, il est au Midi.

Combien de gens ici-bas, sur la terre,
En voyageant ont visité le Midi ;
D’autres y sont nés, de leur pays sont fiers.
C’est là que trop souvent on m’a dit :
Il y a un autre Midi en France,
Que beaucoup de gens ne connaissent encore :
C’est l’hôpital où l’on voit la souffrance,
Qui est combattue par le docteur Ricord.

France, 1907 : Se tromper, s’égarer ; terme emprunté aux marins, comme perdre la boussole, la tramontane.

Tuant la raison et la rime,
Plein d’une sotte vanité,
Plus d’un auteur en vain s’escrime,
Croyant un jour être porté
Au sein de l’immortalité.
À chacun de ces faux poètes
Mon refrain s’adresse d’abord ;
Nous avons déjà trop de bêtes ;
Tu perds le nord !

(H. Parra, Le chansonnier philosophe)

Perdre sa clé

France, 1907 : Avoir la diarrhée.

Perdre sa clef

Fustier, 1889 : Avoir la colique.

Perdre ses bas

Delvau, 1866 : Ne plus savoir ce que l’on fait, par distraction naturelle ou par suite d’une préoccupation grave.

Virmaître, 1894 : Oublier.
— Tu perds donc tes bas, que tu manques au rendez-vous que tu m’as donné ?
— Prêtez-moi mille francs.
— Vous perdez donc vos bas, mon vieux ?
Ici le sens est ironique. On dit aussi :
— Tu fais dans tes bas.
Pour : Tu te moques de moi (Argot du peuple).

France, 1907 : Être distrait, ne plus savoir ce que l’on fait.

Perdre ses légumes

Rigaud, 1881 : Aller à la garde-robe, — dans le jargon des ouvriers.

France, 1907 : Faire sous soi. « Sa bouche d’égout est défoncée, il perd ses légumes. » Argot des voyous.

Perdre son bâton

Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela probablement par allusion au bâton, ressource unique des aveugles pour marcher droit.

France, 1907 : Être de mauvaise humeur ; argot des coulisses. D’après Alfred Delvau, cette expression daterait d’une pièce du Vaudeville, Le Sergent Mathieu, où débuta l’acteur Arnal. « Il s’était choisi, pour jouer son rôle, un bâton avec lequel il avait répété et auquel il paraissait tenir beaucoup. Malheureusement, le jour de la première représentation, au moment où il allait entrer en scène, impossible de retrouver le bâton magique ! Arnal est furieux et surtout troublé : il entre en scène, il joue, mais sans verve, — et l’on siffle ! »

Perdre son innocence

Delvau, 1864 : C’est-à-dire son pucelage, — bien après sa chasteté. — Baiser ou être baisée pour la première fois, au sortir du collège ou du couvent où l’on a fait ses études pour cela.

Enfin, ma pauvre âme aux abois
N’opposa que faible défense,
Et je perdis mon innocence
Dans l’épaisseur du bois.

A. Pécatier.

Perdre son latin

France, 1907 : Travailler inutilement à quelque chose, où n’y rien comprendre. « L’aventure me passe et j’y perds mon latin. » (Molière.) C’est-à-dire  : le latin que j’ai appris ne me sert de rien. « J’avais, dit le chevalier de Grammont, tellement le jeu dans la tête, que le précepteur et les régents perdaient leur latin en me le voulant apprendre. » « Être au bout de son latin », ne savoir plus que dire ni que faire.
L’expression perdre son latin est fort ancienne, car on la trouve dans un poème de la première moitié du XIVe siècle, époque où le latin était la langue courante des savants de tous les pays d’Europe :

En el mois de setembre, qu’été va à déclin,
Que cil oisillons gays ont perdu lore latin,
Vie de plaisir et mort de saint.
Le diable y perd son latin.

On dit aussi, mais plus rarement, perdre son allemand.

Ces êtres s’aimaient jadis,
Mais qui viendrait le leur dire
Ferait éclater de rire
Ces bouches du Paradis.
Bah ! le baiser, le serment,
Rien de tout cela n’existe :
Le myosotis tout triste
Y perdrait son allemand.

(Victor Hugo, Chansons des rues et des bois)

Perdre son temps et sa lessive (à dégraisser un vilain c’est)

France, 1907 : On a tort de se donner du mal pour essayer d’éduquer un sot ou un rustre ; non seulement on sème sur le sable, mais on ne récolte que désagréments.

Mais ma candeur est excessive ;
Je perds mon temps et ma lessive
Avec toi, Rommel. Dors en paix.
Je perds également des rimes
Excellentes, et pour des frimes :
Chante à l’âne, il te fait des pets.

(Raoul Ponchon)

Perdre un quart

Delvau, 1866 : v. a. Aller au convoi d’un camarade, — dans l’argot des tailleurs, qui, pendant qu’ils y sont, perdent bien toute la journée.

Perdrix

d’Hautel, 1808 : On mange bien des perdrix sans orange. Se dit lorsqu’il manque quelqu’assaisonement à un ragoût, à un mets quelconque, que l’économie a fait retrancher ; ou pour faire entendre qu’il ne faut pas être délicat sur le manger qu’il faut savoir se passer des choses que l’on ne peut se procurer.
À la S. Remi tous perdreaux sont perdrix.
Perdrix de Gascogne.
Terme ironique pour dire de l’ail, parce que les Gascons en sont très amateurs.

Perdrix (chasser la)

France, 1907 : Combattre les troupes républicaines. Expression des chouans.

Monsieur de Charette a dit à ceux de Vitré :
Avancez,
L’oreille au guet et le pas bien léger,
Prends ton fusil, Grégoire,
Prends ta gourde pour boire,
Prends ta vierge d’ivoire !
Nos messieurs sont partis
Pour chasser la perdrix.

(Oscar de Poll)

Perdrix (entendre la)

France, 1907 : Entendre siffler les balles.

Les pièces de canon crachent la mitraille, les balles sifflent par milliers, déchirant l’air de ce trrouit sinistre, qui fait dire au troupier, insouciant et gouailleur, même au plus fort du feu : « Entends-tu la perdrix ? »

(Dick de Lonlay, Français et Allemands)

Perdrix de Gascogne

France, 1907 : Ail. On dit aussi chapon de Gascogne. Allusion à la vantardise des Gascons.

Perdrix de mer

France, 1907 : Sole.

Perdrix hollandaise

Rigaud, 1881 : Pigeon domestique, — dans le jargon des chasseurs. Lorsque, faute de mieux, le fusil d’un chasseur a descendu un pigeon, le chasseur dit qu’il a tué une perdrix hollandaise.

France, 1907 : Pigeon ; argot des sportsmen.

Perdrix sans orange (savoir manger la)

France, 1907 : Se contenter d’une bonne chose sans désirer de raffinements.

Perdu (l’avoir)

Delvau, 1866 : N’avoir plus le droit de porter à son corsage le bouquet de fleurs d’oranger symbolique. Argot des bourgeois. On dit de même, en parlant d’une jeune fille vierge : Elle l’a encore. Je n’ai pas besoin d’ajouter que, dans l’un comme dans l’autre cas, il s’agit de Pucelage.

Perdu son bâton (avoir)

Delvau, 1866 : Être de mauvaise humeur, — dans l’argot des coulisses. L’expression date d’Arnal et du Sergent Mathieu, sa pièce de début au théâtre du Vaudeville. Il s’était choisi, pour jouer son rôle, un bâton avec lequel il avait répété et auquel il paraissait tenir beaucoup. Malheureusement, le jour de la première représentation, au moment où il allait entrer en scène, impossible de retrouver le bâton magique ! Arnal est furieux et surtout troublé ; il entre en scène, il joue, mais sans verve, — et l’on siffle !

Perdues (à bûches)

France, 1907 : « Mode de transport des bois par le flottage dans les ruisseaux du Morvan. Voyager à bûches perdues, un peu au hasard, sans se presser, en faisant des détours, en zigzags, comme dit Topffer, l’auteur des Nouvelles Genevoises. La métaphore « voyager à bûches perdues » a été recueillie dans une conversation de salon en Morvan : le sens propre fourni par l’industrie du pays est sans doute le seul que connaissent les vrais Morvandiaux. »

(Jaubert, Glossaire du centre de la France)

Père

d’Hautel, 1808 : Ce mot joint à un nom propre, désigne parmi nous la familiarité, il ne s’emploie qu’en parlant à un homme âgé. Parmi les Grecs et les Latins, c’étoit une épithète honorable que les cadets donnoient à leurs aînés.
Un père Duchesne. Pour dire, un criard, un homme qui s’emporte sans sujet, et dont la colère n’est nullement à craindre.
Le père la Ressource, la mère la Ressource. Sobriquet flatteur que l’on donne à une personne fertile en expédiens, à laquelle on a toujours recours dans de mauvaises affaires, et qui, par ses conseils, sa fortune ou son crédit sait vous tirer d’embarras.
À la ronde, mon père en aura. Pour point de façon, point de cérémonie, chacun à son tour. Se dit lorsque dans une distribution, quelqu’un refuse la part qu’on lui présente pour l’offrir à son voisin.
Un père, ou une mère la joie. Homme ou femme d’une humeur joviale, qui amusent les autres par des bouffonneries, et qui mettent tout en train.
Le Père ou la mère aux écus. Personnes fortunées, mais dont l’extérieur n’est pas fastueux.
Je l’ai renvoyée chez son grand-père. Pour, je l’ai tancé fortement ; je l’ai envoyé promener.
Quand ce seroit pour mon père, je ne le ferois pas mieux. Se dit par exagération ; pour, il m’est impossible de mieux faire.
Un père douillet. Homme qui se dorlotte, qui aime à prendre ses commodités.
Le père aux autres. Se dit en plaisantant des personnes ou des choses dont le volume est très considérable,

Père aux écus

Delvau, 1866 : s. m. Homme riche, — dans l’argot du peuple.

Père avare, enfant prodigue

France, 1907 : Dicton qui donne un démenti à cet autre : Tel père, tel fils. Quoi qu’il en soit, ce proverbe se retrouve au XIIIe siècle sous cette forme : Kanques amasse avers tout emporte Maufèz, « tout ce qu’amasse l’avare est emporté par le diable » : le diable, en ce cas, est le mauvais fils. Un second dicton, celui-là du XVIe siècle, se rapproche plus du nôtre : De père saintelot, enfant diabelot. Et il ne faut pas s’en plaindre, car le fils en gaspillant la fortune amassée par un père voleur ou avare rend à la circulation ce que l’autre en avait retiré. Les Allemands ont le même dicton : À thésauriseur, héritier gaspilleur.

Père Caillou

Rigaud, 1881 : Individu insensible aux avances des grecs ; celui qui, aussi dur à entamer qu’un caillou, résiste à toutes les séductions d’une partie de cartes, — dans le jargon des tricheurs.

Père Coupe-toujours

Rigaud, 1881 : Le bourreau, — dans le jargon des voyous.

France, 1907 : Le bourreau.

Père des mouches

France, 1907 : Dieu ; argot faubourien.

Dans les temps anciens, le pauvre monde endurait la mistoufle sur terre, et il prenait patience, convaincu qu’un de ces quatre matins le Père des mouches, à califourchon sur les nues, s’amènerait pour chambarder la vieille société et établir le paradis de l’Apocalypse.
Et le populo coupait, se roulant les pouces, croupissant dans la misère et se dispensant d’agir !…
Un jour vint où cette bourde idiote de la révolution opérée, grâce à l’intervention divine, ne fut plus de saison : le populo trouvait enfin la couleuvre trop dure à avaler.
Jusque-là les ratichons et toute l’engeance qui se posait comme représentant Dieu sur la terre y avaient seuls trouvé leur bénef : ces salops avaient fait leurs choux gras de la bêtise humaine.
Hélas, le populo n’avait pas fini de croire !
Il ne sortait d’une erreur que pour piquer la tête dans une autre : désormais toute la puissance, toute la force, tous les espoirs qu’il avait accumulés sur cette vesse-de-loup baptisée « Dieu », il allait les reporter sur une abstraction terrestre, — une sorte de Dieu visible : l’État.
C’est l’État qui allait faire les miracles que le Père des mouches avait été impuissant à réaliser.

(Le père Peinard)

Père Douillard

Rigaud, 1881 : Entreteneur. Homme qui a de l’argent, de la douille, — dans le jargon des filles.

Père éternel à trois francs la séance

Rigaud, 1881 : Modèle d’atelier qui pose les têtes de saints, les têtes de Dieu le père. — Tête de vieillard à barbe blanche.

Père Fauteuil

Delvau, 1866 : s. m. Le cimetière du Père Lachaise, — dans l’argot facétieux des marbriers.

France, 1907 : Le cimetière du Père-Lachaise ; jeu de mot des marbriers.

Père François

Rossignol, 1901 : Le coup du père François est de mettre autour du cou d’un passant un foulard ou une courroie au moment où il tourne le dos à l’agresseur. Celui qui a passé le foulard fait aussitôt un demi-tour et, tout en retenant les deux bouts, se courbe en avant ; de ce fait la victime perd pied, et instinctivement prend avec les deux mains l’objet qui l’étrangle, ce qui permet au complice de fouiller les poches tout à son aise. En plaisantant J’ai fait un jour le coup du père François à un de mes amis, un Italien de première force. Je ne l’ai tenu sur mes épaules que le temps de le soulever de terre, ce qui ne l’a pas empêché de tomber inerte ; et il a été un moment avant de reprendre connaissance. Je me suis bien juré de ne jamais recommencer, et je ne conseille à personne de jouer de la sorte.

France, 1907 : Célèbre inventeur du coup fameux qui a gardé son nom. Ce bandit légendaire étranglait encore à soixante ans. Il travaillait en solitaire, sans complice ni recéleur : d’où sa longue impunité. Quand il fut pris, il avait atteint l’âge où la peine de mort n’est plus appliquée.

— Jamais vous ne verrez opérer le « coup du père François » dans les rues de Constantinople. Le lutteur pour la vie, que vous y pouvez rencontrer, vous demande poliment de renoncer à votre bourse à son profit. Si vous lui prouvez que vous n’en avez point, il n’insiste pas, et il ne vous tue que si vous tentez de lui résister, ce qui est bien le moins, n’est-il pas vrai ?

(Simon Boubée, Le Testament d’un martyr)

Père Frappart

Larchey, 1865 : Marteau (Vidocq). — Calembour.

Delvau, 1866 : s. m. Marteau, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Marteau.

Père la Capote

Rigaud, 1881 : Sergent d’habillement.

Père la Pudeur

France, 1907 : Pudibond, grotesque. Le père La Pudeur appartient généralement à l’une des nombreuses sectes protestantes où l’on s’effarouche du mot et où l’on se délecte en secret de la chose. C’est un fâcheux hypocrite et grotesque, un empêcheur de danser en rond. Le prototype du père La Pudeur est de nos jours le sénateur Bérenger. Il s’appelait autrefois Tartufe.

Tous ces dépravés de la Ligue contre la licence des rues, que Séverine appelle avec juste raison de « vieux dégoûtants piqués de cantharides », ces pères La Pudeur n’ont assurément nulle goutte de sang gaulois dans les veines et, si l’on remontait aux origines, on y reconnaitrait de copieuses infusions saxonnes, suisses ou belges, à moins que le pesant marteau du huguenotisme n’ait aplati un coin de leur cervelet. Pas de notre race, Gaulois et Francs, tous ces gens-là ont besoin d’être recuits !

Père la Reniflette

France, 1907 : Le préfet de police : argot des voleurs qui disent aussi père des renifleurs.

Père la Tuile

France, 1907 : Dieu ; argot des faubouriens sur lesquels il fait tomber plus de tuiles que de brioches.

Père la Tuile (le)

Delvau, 1866 : Dieu, — dans l’argot des faubouriens, qui ne sont pas plus irrévérencieux que les peintres qui l’appellent le Père Eternel.

Rigaud, 1881 : Dieu.

Virmaître, 1894 : Dieu. Il n’est pourtant jamais tombé sur personne. Cette expression est en usage dans le monde des prisons.
— As-tu entendu le ratichon balancer sa jasante au Père la Tuile (Argot des voleurs).

Père la Violette

Rigaud, 1881 : Napoléon Ier.

France, 1907 : Nom donné par les bonapartistes à l’empereur pendant la Restauration, à cause de cette fleur adoptée par Napoléon.

Père la Violette (le)

Delvau, 1866 : L’empereur Napoléon Ier, — dans l’argot des bonapartistes, qui disaient cela sous la Restauration, à l’époque où mademoiselle Mars était forcée d’arracher une guirlande de violettes qu’elle avait fait coudre à sa robe dans une pièce nouvelle.

Père Peinard (en)

Virmaître, 1894 : Y aller doucement, sans se presser, sans se faire de bile. Les agents arrivent en Père Peinard pour surprendre un voleur en flagrant délit (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Doucement, sans se presser, tout à la douce ; argot populaire.

Peregrin

France, 1907 : Voyageur. Vieux mot, du latin peregrinus.

Perette

d’Hautel, 1808 : Perette à l’ognon. Nom que l’on donne à une petite fille indiscrète et babillarde ; ou qui s’en fait trop accroire.

Performance

France, 1907 : Représentation, exhibition, exécution d’une chose. Vieux mot, du latin performare, tombé en désuétude et passé dans la langue anglaise, d’où il nous est revenu par l’argot des théâtres.

Ah ! jeunes gens, vos paroles, vos manifestes, quand nous vous connaissons si bien par les performances de vos pères ! C’est au point que, pour vous évoquer radieux de rêves, pétris d’amour, nous devrions vous supposer bâtards. Hypothèse doublement folle : trop peu de bourgeoises étant dignes des joies de l’adultère, et le nombre des étalons de vertu n’étant pas moins restreint.

(Joseph Caraguel)

Se dit aussi pour la tenue, l’extérieur d’une personne.

— Que cherchez-vous comme ça ? leur demanda la blonde ?
— Une femme, répliqua John.
— Une femme honnête ?
— Non. Nous serions vraiment trop volés.
— Insolent !… Quelle femme alors ?
— Oh ! une perle, un diamant, une femme belle, élégante, spirituelle, de la tenue la plus distinguée, d’une performance parfaite et au besoin d’un entrain endiablé. Nous ne voyons pas ici cet article de luxe. Nous irons le chercher ailleurs.

(Yveling-Rambaud, Haine à mort)

Au pluriel. C’est l’ensemble des résultats obtenus par un cheval de course sur le turf.

Performances

Fustier, 1889 : Argot de turf. Manière de courir d’un cheval, de se comporter pendant la course.

Péril passé, on se moque du saint

France, 1907 : Ce dicton qui n’a pas besoin de commentaire, étant un exemple de l’ingratitude humaine, nous vient en droite ligne des Italiens : Passato il perricolo, gaballo il santo.

Périller

France, 1907 : Être en péril. Vieux mot qui devrait reprendre place dans la langue, puisqu’il exprime en un seul mot ce qu’on est obligé de dire en trois.

Péripatéticienne

France, 1907 : Nom que les intellectuels donnent aux prostituées de bas étage.

Les cuisinières se parfument au patchouli et les pompiers raffolent de cette odeur. Les soldats n’ont pas de préférence, sans doute parce que les bonnes qu’ils fréquentent volent généralement les parfums de leurs maîtresses et s’imprègnent indifféremment de toutes les essences odorantes qui leur tombent sous la main. Les prostituées de bas étage, celles qu’on appelle les péripatéticiennes, se parfument au musc, et les gens du peuple qui les suivent sont entraînés par cette odeur pénétrante qui simule assez celle d’une femelle en rut. Les petites ouvrières se parfument à la violette ou à la rose, odeurs tendres et douces comme leurs petites âmes aimantes. Aussi les calicots inondent-ils leurs mouchoirs de ces parfums sentimentaux. Les bourgeoises passionnées se parfument avec des odeurs pénétrantes, comme l’héliotrope blanc, le jasmin, l’ylang-ylang et ces odeurs grisent, paraît-il, les hommes qui frisent l’âge ingrat. Les demi-mondaines préfèrent les odeurs fines ou bien compliquées comme leurs vices : le muguet, le corylopsis, le réséda. Les femmes amoureuses et portées à la poésie où à la mélancolie se créent des parfums tout à fait spéciaux qui, le plus souvent, n’ont le don de charmer qu’elles seules.

(Dr Laurent)

Périsprit

France, 1907 : D’après les théories spirites, intermédiaire entre le corps et l’esprit, sorte de lien fluidique qui relie l’esprit au corps et qui, à la mort, se dégage de celui-ci pour accompagner celui-là. Du grec peri, autour.

Les spirites attribuent à l’âme une tendance à un perfectionnement indéfini, qui s’opère au moyen d’incarnations successives. L’âme, accompagnée de son perisprit, doit se réincarner autant de fois qu’il lui est nécessaire pour qu’elle ait atteint son parfait développement. Entre ces incarnations, elle flotte dans les espaces interplanétaires, mais elle peut être rappelée à la surface de la terre par l’action de certains hommes et entrer en communication avec les vivants.
Au moment de la mort, le périsprit abandonne progressivement le corps, entraînant l’esprit et le laissant dans le trouble et dans le doute de la mort. Le mort voit encore ses parents et peut se manifester à eux par l’action de son périsprit sur les objets matériels ; de là ces craquements bizarres, inexpliqués, attribués parois à des influences météorologiques.

(Les Mystères des sciences occultes)

Péritorse

Delvau, 1866 : s. m. Paletot ou redingote, — dans l’argot des étudiants, qui, frais émoulus du collège, n’ont pas de peine à parler grec.

France, 1907 : Pardessus, habit ; argot des étudiants. Péri, autour, en grec : autour du torse.

Perle

d’Hautel, 1808 : La perle des garçons ou des filles. Pour, dire un jeune homme, une jeune demoiselle recommandables par des qualités personnelles et par leurs vertus.
Je ne suis pas venu ici pour enfiler des perles. C’est-à-dire, pour perdre mon temps à des bagatelles, à des frivolités.

France, 1907 : Vent intestinal : ne s’emploie que dans cette expression : lâcher une perle.De quoi donc ?… on dirait d’un merle ;
Ej’ viens d’entendre un coup d’sifflet !…
Mais non, c’est moi que j’lâche eun’ perle,
Sortez donc, Monsieur, s’i’ vous plait…
Ah ! mince, on prend des airs de flûte,
On s’régal’ d’un p’tit quant à soi…
Va, mon vieux, pêt’ dans ta culbute,
T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.

(Aristide Bruant, Dans la rue)

Perlé

d’Hautel, 1808 : De l’ouvrage perlé. Pour dire un ouvrage fait avec un soin infini.

Perler

Delvau, 1866 : v. a. Travailler avec soin, avec minutie, — dans l’argot des bourgeois. Perler sa conversation. N’employer, en parlant, que des expressions choisies — et prétentieuses.

Perlinpinpin (poudre de)

France, 1907 : Poudre imaginaire que la croyance populaire attribuait aux sorciers, et au moyen de laquelle ils guérissaient ou jetaient des sorts. Figurativement c’est un médicament sans valeur : des boulettes de mie de pain, ou de la brique pulvérisée. Que de médecins se servent de la poudre de perlinpinpin !

Mais devant le sombre avenir, la grande majorité des esprits est pleine d’inquiétude et de découragement. Nous ne pouvons plus nous exalter aux lyriques espérances des Michelet et des Victor Hugo, et les rêves de pédants nous affligent. Nous admirons, certes, les bienfaits de la science : et le rayon de Rœntgen nous émerveille ; mais nous savons, hélas ! Qu’il n’y à point, au fond de tous les matras et de toutes les cornues, une seule once d’une poudre de perlinpinpin qui fasse oublier à l’homme les misères de sa destinée et son angoisse devant le mystère de la vie et de la nature.

(François Coppée)

Perlo

Rossignol, 1901 : Tabac.

Perlot

La Rue, 1894 : Tabac.

Virmaître, 1894 : Tabac — dérivé de semper. L. L. Semper s’écrit Saint-Père dans toutes les prisons. À la centrousse de Melun, on chante depuis des années :

Pour du tabac, disait un pègre,
Et pour trois pouces de Saint-Père. (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Tabac.

France, 1907 : Tabac ; argot des ouvriers.

anon., 1907 : Tabac à fumer.

Perlot, perlo

Rigaud, 1881 : Tabac à fumer. — dans le jargon des chiffonniers.

Perlotte

Delvau, 1866 : s. f. Boutonnière, — dans l’argot des tailleurs, qui perlent ordinairement cette partie des vêtements.

Rigaud, 1881 : Boutonnière, — dans le jargon des tailleurs.

France, 1907 : Boutonnière ; argot des tailleurs, qui perlent, c’est-à-dire cousent avec soin cette partie du vêtement.

Permanence

Fustier, 1889 : Argot de joueurs. Série de numéros qui sortent à la roulette ou au trente et quarante.

Il (le marqueur) a d’abord ses abonnés à qui il vend les permanences vingt francs par semaine.

(Revue politique et littéraire, 1882.)

France, 1907 : « C’est, dit G. Macé, la partie disponible du personnel de police, prête à marcher de nuit et de jour. Ce sont les chasseurs sans armes, chargés de surveiller, traquer et prendre le gibier malfaisant, nuisible… Agents et malfaiteurs sont constamment en éveil, il n’y a pour eux ni jour mi nuit, et l’année ne finit pas. C’est le mouvement perpétuel. »

(G. Macé, Un Joli Monde)

Permanences

France, 1907 : Série de numéros ou de couleurs qui se suivent à la roulette ou au trente et quarante.

Permettre

d’Hautel, 1808 : À vous permis. Pour, vous pouvez faire ce que vous jugerez à propos, ce qui vous plaira.

Permis de battre sa femme, mais pas de l’assommer

France, 1907 : Vieille formule de droit coutumier. En certaines provinces, plusieurs chartes bourgeoises autorisent les maris à battre leurs femmes, même jusqu’à effusion de sang, pourvu que ce ne fût pas avec un fer émoulu et qu’il n’y eût point de membre fracturé. « Les habitants de Villefranche, en Beaujolais, dit M. Quitard, jouissaient de ce brutal privilège qui leur avait été concédé par Humbert IV, sire de Beaujeu, fondateur de cette ville. Quelques chroniques assurent que le motif d’une telle concession fut l’espérance qu’avait ce seigneur d’attirer un plus grand nombre d’habitants, espérance qui fut promptement réalisée. » Voilà qui donne une singulière idée des aménités conjugales de nos aïeux. On trouve, dans un de ces vieux almanachs qui indiquaient ce qu’on devait faire chaque jour, cet avertissement répété chaque mois : « Bon battre sa femme en huis. »
« Cette odieuse coutume, continue M. Quitard, qui se maintint légalement en France jusqu’au règne de François Ier parait avoir été fort répandue dans le XIIIe siècle, mais elle remonte à une époque bien plus reculée. Le chapitre 134 des Lois anglo-normandes porte que le mari est tenu de châtier sa femme comme un enfant si elle lui fait infidélité pour son voisin. » La fessée, on le sait, existe du reste encore en Angleterre, et est réglementaire dans nombre de pensionnats et d’écoles publiques, non seulement de garçons, mais de demoiselles.

Permission (se faire signer une)

Fustier, 1889 : Argot militaire. Présenter une feuille de papier à cigarette et se faire donner le tabac. (Ginisty : Manuel du parfait réserviste.)

Permission de 24 heures

Merlin, 1888 : Garde à monter en dehors de la caserne. Faveur peu enviée.

Permission de 24 heures (avoir une)

Fustier, 1889 : Argot militaire. Prendre la garde.

Permission de dix heures

Delvau, 1866 : s. f. Pardessus de femme, à capuchon, taillé sur le patron du manteau des zouaves, et fort à la mode il y a vingt-ans.

Rigaud, 1881 : Canne à épée, gourdin, bâton ferré.

France, 1907 : Rotin, canne à épée, coup de poing américain.

Permission de dix heures, de minuit

La Rue, 1894 : Gourdin, canne à épée.

Permission de vingt-quatre heures

France, 1907 : Expression employée ironiquement par les soldats commandés de garde. Les gardes, on le sait, durent ce laps de temps.

Permission trempe (la)

Rigaud, 1881 : Permission attendue et sur laquelle on fonde peu d’espoir, — dans le jargon des troupiers.

Peronnelle

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et de mépris, qui se dit d’une jeune femme sotte, dédaigneuse et impertinente ; d’une coureuse ; d’une mauvaise langue.

Pérorateur

France, 1907 : Bavard, débitant de panacée universelle, guérisseur idiot des misères sociales, exploiteur verbeux de la sottise ou de la crédulité populaire.

J’allai entendre des orateurs, et puis des pérorateurs. En démocratie, on est exposé partout à ce plaisir. Et là, le désespoir me prit, non point tant de constater l’ânerie de l’exercice que de savoir qu’il était rapporté par la critique à l’art littéraire. Jeunes écoliers, n’en croyez pas un mot, vos professeurs vous trompent. Si l’art oratoire se rattache à la littérature, c’est comme le singe se rattache à l’arbre, par la queue.

(Émile Bergerat)

Pérou

d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas le Pérou que ta connoissance. Propos vulgaire et grossier qui se dit par mépris à quelqu’un, pour lui faire entendre qu’on ne met aucune importance à cultiver son amitié ; qu’il n’y a rien à gagner avec lui.

Larchey, 1865 : « Ce n’est pas le Pérou que ces bougres-là » — Hébert, 1793. — C’est-à-dire : Ce sont de pauvres bougres. — Allusion aux richesses naturelles du Pérou.

Pérou (ce n’est pas le)

Delvau, 1866 : Expression de l’argot du peuple, qui l’emploie ironiquement à propos d’une chose qui ne lui paraît pas difficile à faire, ou qu’on lui vante trop. Se dit aussi à propos d’une affaire qui ne parait pas destinée à rapporter de gros bénéfices.

France, 1907 : Le n’est pas grand’-chose, ça n’a pas grande valeur. L’on sait que le Pérou a longtemps désigné l’endroit où l’or se trouvait en plus grande abondance. C’est de cette partie de l’Amérique méridionale qu’au XVIe et au XVIIe siècle les Espagnols tirèrent, à force de crimes et d’extorsions sur les malheureux habitants, leurs immenses richesses réduites à néant aujourd’hui.

Perpendiculaire

France, 1907 : Chaîne de montre pendant sur le gilet ; argot des voleurs. Secouer la perpendiculaire, voler une chaîne de montre.

Perpète

Delvau, 1866 : s. f. Apocope de Perpétuité, — dans l’argot des forçats.

France, 1907 : Perpétuité. Être gerbe à perpète, être condamné à perpétuité.

Perpète (à)

Rigaud, 1881 : À perpétuité, — dans le jargon des voleurs. — Être à perpète, être condamné à perpétuité.

Perpette

Rossignol, 1901 : Perpétuité.

Perpétuel

d’Hautel, 1808 : C’est un mouvement perpétuel. Se dit d’une personne d’une vivacité, d’une turbulence insupportables, qui ne peut rester une minute tranquille.

Perpignan

Fustier, 1889 : Nom que les charretiers donnent au manche de leur fouet. Les meilleurs manches de fouet se fabriquent, paraît-il, en cette ville.

France, 1907 : Manche de fouet flexible. Le chef-lieu des Pyrénées-Orientales jouit, à tort ou à raison, de la réputation d’en fabriquer les meilleurs.

Perrette (boîte à)

France, 1907 : Tirelire.

Perroquet

d’Hautel, 1808 : Un perroquet. On appelle ainsi un homme qui répète, sans comprendre, ce qu’il a entendu.
De la soupe à perroquet. Pour dire, du pain trempé dans du vin.

Delvau, 1864 : Le membre viril, qui répète toujours la même chose — sans parvenir à ennuyer les femmes.

Elle m’a prêté sa cage
Pour loger mon perroquet.

Gautier-Garguille.

Delvau, 1866 : s. m. Verre d’absinthe, — dans l’argot des troupiers et des rapins, qui font ainsi allusion à la couleur de cette boisson, que l’on devrait prononcer à l’allemande : poison. Étouffer un perroquet. Boire un verre d’absinthe. L’expression a été employée pour la première fois en littérature par Charles Monselet.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui ne sait que ce qu’il a appris par cœur. Argot du peuple.

La Rue, 1894 : Verre d’absinthe. L’étrangler, le boire.

Virmaître, 1894 : Absinthe. Allusion à la couleur verte de la liqueur, qui ressemble à celle du perroquet (Argot du peuple). V. Poileuse.

Rossignol, 1901 : Verre d’absinthe pure.

Hayard, 1907 : Absinthe.

France, 1907 : Verre d’absinthe. Étouffer, étrangler ou plumer un perroquet, boire un verre d’absinthe ; allusion à la couleur verte qui est celle de beaucoup de perroquets. On dit aussi perruche.

— Tu réclames tes deux béquilles, sale boiteux, dit-il en débouchant à nouveau la bouteille, et, coup sur coup, les perroquets se suivent.
Il appelle le quatrième « l’adjudant de semaine ». Les derniers sont les « trainards », le « gibier d’arrière-garde », les « vieux carottiers. »

(René Maizeroy, Portraits parisiens)

France, 1907 : Douanier, à cause de l’uniforme vert.

France, 1907 : Bavard, parlementaire, rabâcheur de vieilles théories ressassées, comme les orateurs de mastroquets en rabâchent dans les réunions publiques.

Le comble de l’ironie,
Quand tu crèv’s de faim,
C’est d’entendr’ la Bourgeoisie
T’app’ler Souverain.
Celui qui veut ton suffrage
T’prend pour un jobard,
Fous-lui ton poing su’l’visage,
Te dit l’pèr’ Peinard.
Ah ! nom de Dieu ! faut qu’ça change,
Assez d’perroquets !
Y faut sortir de c’tte fange,
Ouvrons les quinquets !
Gouvernant, patron, jésuite,
Tout ça sent l’mouchard ;
Faut leur foutr’ d’la dynamite !
Te dit l’pèr’ Peinard.

(François Brumel)

Perroquet (étouffer un)

Larchey, 1865 : « Cette locution signifie, dans le langage des ateliers, prendre un verre d’absinthe. » — M. Bayeux. — Allusion à la couleur verte du verre à pattes dont la main du buveur semble en effet étrangler le cou.

Perroquet (un)

Rigaud, 1881 : Un verre d’absinthe. — Étouffer, asphyxier un perroquet, boire un verre d’absinthe.

Perroquet à foin

France, 1907 : Âne.

Diable de perroquet à foin,
Mousquetaire de Piquepuces,
Jardin à poux, grenier à puces.

(Vadé)

Perroquet de falaise

Fustier, 1889 : Douanier. Allusion de couleur.

Perroquet de Montfaucon

France, 1907 : Vieil argot pour corbeau. On sait que Montfaucon était célèbre comme lieu de pendaison.

Voyez ce muguet trousse-cotte
Qui voudrait nous manier la m…
Oui, c’est pour lui qu’on cuit chez moi !
Tiens, l’abbé, v’là toujours pour toi…
N’me touche pas, c’est autant d’taches,
Ou je te frise la moustache
Avec le cul de mon chaudron,
Chien d’perroquet de Montfaucon !

(Vadé, Nouveau Catéchisme poissard)

Perroquet de savetier

Delvau, 1866 : s. m. Le merle, — dans l’argot des faubouriens. On le dit quelquefois aussi de la Pie.

Rigaud, 1881 : Pie, merle, geai.

France, 1907 : Merle ou pie.

Perroquet vert (fête du)

France, 1907 : Le dimanche el les jours fériés, à cause de la quantité énorme d’absinthe qui s’y consomme.

Le jour dominical n’est plus que le retour périodique de la fête du perroquet vert, où l’on voit attablés autour des verres jaunes la foule des snobs béatifiés par l’action réflexe du breuvage troublant et hallucinateur.

(L.-A. Levat, Petit Marseillais)

Perruche

Rossignol, 1901 : Verre d’absinthe mêlée de sirop ou de sucre.

Perruche (une)

Rigaud, 1881 : Un verre d’absinthe, — dans le jargon des ivrognes qui veulent varier un peu les dénominations et préfèrent la femelle, la perruche, au mâle, le perroquet.

Perruque

Larchey, 1865 : Suranné. — V. Mâchoire.

Le mot perruque était le dernier mot trouvé par le journalisme romantique qui en avait affublé les classiques.

Balzac.

Larchey, 1865 : Détournement, abus de confiance. — C’est un superlatif de faire la queue.

Delvau, 1866 : s. f. Détournement de matériaux appartenant à l’Etat, — dans l’argot des invalides, souvent commis à leur garde. Faire une perruque. Vendre ces matériaux.

Delvau, 1866 : s. f. Cheveux en broussailles, mal peignés, — dans l’argot des bourgeois, ennemis des coiffures romantiques.

Delvau, 1866 : adj. et s. Vieux, suranné, classique, — dans l’argot des romantiques, qui avaient en horreur tout le siècle de Louis XIV. Le parti des perruques. L’École classique, — qu’on appelle aussi l’École du Bon Sens.

Rigaud, 1881 : Vieux, passé de mode. Lors de la querelle des classiques et des romantiques, ces derniers traitaient les classiques de « Perruques ». Racine était une « perruque et un polisson ».

Rigaud, 1881 : Vente clandestine d’objets appartenant à l’État ou à une grande administration. — Faire une perruque, vendre clandestinement des objets appartenant à une grande administration. C’est une variante de faire la queue. — En terme d’atelier, c’est faire un outil pour soi, dans les usines où les ouvriers sont censés fournir leurs outils.

Le travailleur prend le bois et fait son outil au compte de la maison. S’il est aux pièces, il remet son désir pour le moment où il sera à la journée.

(Le Sublime.)

La Rue, 1894 : Vol au détriment de l’État. Le fonctionnaire qui le commet se nomme perruquier.

Virmaître, 1894 : Vieille perruque, vieux serin, homme qui n’est pas fin-de-siècle. Perruque (En faire une) : Vendre des matériaux qui appartiennent à autrui (Argot des entrepreneurs).

France, 1907 : Sobriquet que les jeunes gens donnent aux célébrités d’autrefois. Ainsi Racine, Molière, Corneille sont des perruques. Cette expression date du commencement du XIXe siècle, où l’usage des perruques n’était plus suivi que par les vieilles gens — restés fidèles aux modes de leur jeunesse. Le surnom vieille perruque est encore donné aux personnes âgées attachées obstinément aux choses de jadis.

Le baron de Pitensac, seigneur de Pétenler et autres lieux, avait mené comme il convient joyeuse vie jusqu’à soixante ans. Ce bel âge le surprit avec moins d’entrain, de souplesse et d’élégance, — ses jambes raidies, rouillées, se refusaient aux escales et aux agenouillements répétés qu’exige la conquête d’un cœur, et un habile maquillage n’arrivait qu’imparfaitement à cacher toutes ses rides. Aussi les femmes commençaient-elles à le traiter d’être insignifiant, de vieille perruque, le dédaignant pour de plus jeunes.

(Daniel Riche)

Perruque (donner une)

France, 1907 : Infliger une semonce. Cette expression, qui n’est plus guère employée qu’en province, tire son origine des couvents de dominicains. Quand ces moines qui ont la tête rasée chassaient du couvent l’un d’entre eux, pour quelque péché de fornication ou autre qui causait scandale, ils lui donnaient une perruque afin qu’il pût se présenter ailleurs sans attirer la déconsidération sur l’ordre en laissant voir par son crâne rasé qu’il avait appartenu au monde monastique. De là l’expression : « Vous vous ferez donner une perruque », c’est-à-dire : Vous vous ferez chasser de la maison.

Perruque (faire en)

France, 1907 : Faire en fraude.

— Le patron croit qu’il ne paye pas nos outils, mais les trois quarts sont faits en perruque.

(Le Sublime)

Faire la perruque, détourner chez un patron de menus objets ; argot des ouvriers.

Perruque (faire)

La Rue, 1894 : Fabriquer avec des matériaux soustraits.

Perruquemar

Delvau, 1866 : s. m. Coiffeur, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Perruquier.

France, 1907 : Perruquier ; argot populaire.

Perruquer (se)

Delvau, 1866 : Porter de faux cheveux pour faire croire qu’on en a beaucoup. Argot du peuple. Du temps de Tabourot, on disait une perruquée en parlant d’une Coquette à la mode qui ajoutait de faux cheveux à ses cheveux naturels, — comme faisaient les coquettes du temps de Martial, comme font les femmes de notre temps. D’où vient cette épigramme du seigneur des Accords :

Janneton ordinairement
Achepte ses cheveux, et jure
Qu’ils sont à elle entièrement :
Est-elle à vostre advis perjure ?

Vous devinez la réponse : Non, elle n’est point « perjure » parceque ce que nous achetons est nôtre.

Perruquier

d’Hautel, 1808 : C’est moi qui suis le perruquier dans cette affaire. Locution triviale ; pour dire que l’on est dupé dans une affaire, que les frais en demeurent à votre charge.
On prononce vulgairement perrutier.

Perruquier (laissez passer le)

Merlin, 1888 : Signal d’avertissement donné aux travailleurs de la tranchée, lorsque arrive un obus ou une bombe qui les rasent souvent de près.

Perruquier de la crotte

Rigaud, 1881 : Décrotteur.

France, 1907 : Décrotteur.

Perruquier de la sérieuse

France, 1907 : Le bourreau. Il procède à la dernière toilette.

— Ouvrez donc, bistro de malheur !… J’ai une soif carabinée, et tout est fermé dans ce sacré pays… C’est un désert depuis Clichy !… Ouvres-tu ? puisqu’il y a de la lumière, c’est que tu es encore là…
À présent le tenace consommateur tambourinait le volet avec les poings.
— Si je le laisse dehors, pensa l’assassin, il va ameuter les environs… des gendarmes faisant leur ronde peuvent passer, et ils s’informeront… et alors gare au perruquier de la sérieuse… Non ! je ne me laisserai pas comme ça rafraîchir les douilles…

(Edmond Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Persiennes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Lunettes, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Lunettes.

France, 1907 : Lunettes ; argot populaire.

Persigner

Rigaud, 1881 : Enfoncer. Se dit au figuré et au propre. — Persigner une lourde, enfoncer une porte. Persigner un client, tromper un individu.

France, 1907 : Enfoncer, ouvrir de force et en brisant. « Persigner une lourde », fracturer une porte.

Persil

d’Hautel, 1808 : Grêler sur le persil. Exercer son autorité, son pouvoir, son crédit, sa critique contre des gens foibles, ou sur des sujets de nulle importance.

Rigaud, 1881 : Exercice de la promenade au point de vue de la prostitution.

C’était la grande retape, le persil au clair soleil, le raccrochage des catins illustres.

(E. Zola, Nana.)

Virmaître, 1894 : Faire le persil, aller au persil : raccrocher. On n’est pas fixé sur l’origine et la valeur de cette expression. Francisque Michel la fait venir de pesciller ; Delvau dit qu’elle a pour motif que les filles raccrochent dans les terrains vagues où pousse le persil ; le peuple, qui ne connaît ni l’un ni l’autre, applique cette expression aussi bien aux filles de la rue qu’à celles du boulevard, parce que la fille trotte dans la boue et qu’elle a les pieds sales ; or, depuis plus de cinquante ans, on dit d’une fille qui a les pieds malpropres :
— Elle a du persil dans les pieds ; de là : faire son persil (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Une fille publique fait son persil, lorsqu’elle fait les cent pas dans la rue à la recherche de michets.

France, 1907 : Le monde des cocottes, le commerce de la prostitution. Ce mot a dû être importé à Paris par les filles du midi de la France, où persil signifie argent, à moins qu’il ne vienne du latin percilum, œillade.

C’est le grand jour du Cirque, jour du persil et du gratin ; le jour des demoiselles qui se respectent et qui sont seules, du reste, à remplir cette fonction, et des messieurs dont la boutonnière se fleurit d’un gardénia acheté un louis à la bouquetière du cercle.

(Paul Mahalin, Mesdames de Cœur-Volant)

Aller au persil, faire son persil, travailler dans de persil, autant d’expressions courantes pour signifier raccrocher les hommes ; aussi dénomme-t-on les raccrocheuses Mesdames du Persil. Une partie très fréquentée du bois de Boulogne est appelée le Persil depuis la transformation et l’embellissement du bois, sous le second empire, à cause du nombre de filles galantes qu’on y rencontre soit à pied, soit en voiture.

Yen a des tas, yen a d’partout :
De la Bourgogne et du Poitou,
De Nanterre et de Montretout,
Et d’la Gascogne ;
De Pantin, de Montmorency,
De là d’où, d’ailleurs et d’ici,
Et tout ça vient fair’ son persil
Au bois d’Boulogne.

(Aristide Bruant)

Persil (aller au)

Halbert, 1849 : Accoster le passant.

Rigaud, 1881 : Faire une promenade intéressée dans les rues et lieux publics, — dans le jargon des filles. Les variantes sont : Persiller, faire son persil.

Persil (faire son persil)

Hayard, 1907 : Faire le trottoir.

Persil (grêler sur le)

France, 1907 : Exercer son pouvoir, son ressentiment contre des gens infimes, qui ne valent pas la peine de notre colère ; frapper rudement, brutalement un être faible, sans défense. Cependant on trouve dans le Dictionnaire de Trévoux :

Le diable de Papefiguière ne savait grêler que sur les choux et sur le persil, c’est-à-dire il ne faisoit point de mal.

Persil dans les pieds (avoir du)

Delvau, 1866 : Se dit d’une femme qui a les pieds sales — à force d’avoir marché.

Persil en fleur

Halbert, 1849 : Commerce florissant d’une fille.

Persil, persillage

La Rue, 1894 : Promenade d’une femme qui exerce la prostitution. Elle va persiller, faire son persil. Le persil c’est le miché sérieux. On la nomme persilleuse. V. Biche. Le persil désigne encore la partie la plus fréquentée du bois de Boulogne.

Persillard

France, 1907 : Pédéraste qui erre dans les lieux publics à la recherche d’un client ; argot populaire. On dit aussi persilleuse.

Voici comment un douillard, celui qui cherche son persillard ou sa persilleuse, se reconnait… Le douillard porte une canne à bec recourbé. Il fait un léger attouchement de sa canne ou de l’épaule gauche à l’épaule droite du persillard.

(Mémoires de M. Claude)

Persiller

Delvau, 1864 : Se promener, le soir, quand on est putain libre, sur le trottoir des rues et des boulevards où l’on est assurée de rencontrer des hommes qui bandent ou à qui l’on promet de les faire bander.

Pour persiller l’ jour dans la pépinière,
De vingt penauds, j’ lui paye un p’tit panier.

Elles explorent le boulevard, persillent dans les squares.

Lynol.

Delvau, 1866 : v. n. Raccrocher, — dans l’argot des souteneurs de filles. On dit aussi Aller au persil et Travailler dans le persil. Francisque Michel, qui se donne tant de peine pour retrouver les parchemins de mots souvent modernes qu’il ne craint pas, malgré cela, de faire monter dans les carrosses du roi, reste muet à propos de celui-ci, pourtant digne de sa sollicitude. Il ne donne que Pesciller, prendre. En l’absence de tout renseignement officiel, me sera-t-il permis d’insinuer que le verbe Persiller pourrait bienvenir de l’habitude qu’ont les filles d’exercer leur déplorable industrie dans les lieux déserts, dans les terrains vagues — où pousse le persil ?

France, 1907 : Raccrocher les passants.

Trop giron, trop bot pour rien faire,
C’est naturel qu’y soit feignant,
Pauvr’ chat, l’turbin c’est pas sa sphère,
Moi, j’m’en rattrape en persillant,J’me ballade, quand y pleut j’me mouille,
Y m’attend tranquill’ment au lit
Et quand j’rapporte la douille,
Ah ! faut voir comme il est poli,
Et puis l’matin, l’amour ça creuse,
J’y port’ dans l’pieu son chocolat :
C’est vraiment chouett’ pour un’ pierreuse
D’avoir un mec comm’ celui-là.

(André Gill, L’Éponge à Polyte)

Persiller, cueillir du persil, faire son persil

Larchey, 1865 : Raccrocher.

Elles explorent les boulevarts, persillent dans les squares nouveaux, dans l’espoir d’y rencontrer des miches sérieux.

Lynol.

Le miché représente ici le persil indispensable au pot-au-feu de la prostitution. V. Tante.

Persilleuse

Delvau, 1866 : s. f. Femme publique. Se dit aussi du Jeune homme qui joue le rôle de Giton auprès des Encolpes de bas étage.

Rigaud, 1881 : Prostituée qui se promène pour chercher de l’ouvrage. — Les persilleuses typiques ou boulonnaises, se tiennent le long des allées, des contre-allées du bois de Boulogne, du bois de Vincennes. Ces hamadryades entraînent dans les taillis les infortunés que leurs charmes ont séduits. La persilleuse est souvent une pseudo-ouvrière ou une ouvrière sans ouvrage. Elle va alors au persil avec un petit panier à la main. Bien des filles du peuple font croire à leurs parents qu’elles vont à l’atelier et n’ont d’autre occupation que de faire leur persil.

Rossignol, 1901 : Celle qui fait le persil.

France, 1907 : Raccrocheuse.

Un soir, elle descendit poussée par la faim… Quinze jours plus tard, elle était une habituée de Mabille, et faisait rager d’envie les persilleuses célèbres qu’elle éblouissait par un luxe princier. Elle devint, plus tard, une grande dame, et renia Clara et Pomaré, qui furent, avec elle, les étoiles du chahut !

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

On donne aussi ce sobriquet aux ignobles jeunés gens qui servent aux plaisirs des pédérastes.

La persilleuse est toujours cravatée (cravaté, voulais-je dire) à la Colin ; sa coiffure est une casquette dont la visière de cuir verni tombe sur les yeux et sert en quelque sorte de voile ; elle porte une redingote courte ou une veste boutonnée de manière à dessiner fortement la taille qui déjà est maintenue dans un corset.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Personne

d’Hautel, 1808 : J’ai trouvé monsieur personne. Pour dire que l’on a trouvé les portes fermées, que tout le monde étoit sorti dans la maison où l’on alloit pour affaire.
Il y a personne et personne. Pour dire que toutes les personnes ne se ressemblent pas, qu’on en rencontre dans la société de différentes conditions.

Personnette

France, 1907 : Petite personne ; ne s’emploie qu’en parlant d’une très jeune fille ou d’une femme mièvre, mignonne ou sans importance.

— Monsieur, j’ai aimé l’argent plus que tout ; à cause de l’argent je ne me suis pas marié, encore que j’aie rencontré, une ou deux fois, des personnettes qui me revenaient et à qui je ne déplaisais pas. Mais je ne voulais pas d’enfants, pas de dépense de cotillon ; j’ai donné trois tours de clef à ma serrure et je me suis dit : « Gagne d’abord de quoi vieillir tranquille ; les outils dont tu n’aurus pas usé te serviront, tout neufs, dans ta cinquantaine. Et puis tu seras toujours assez aimé si tu as du bien. »

(Hugues Le Roux)

Personnifié

d’Hautel, 1808 : C’est l’insolence, la bêtise personnifiée. Pour dire qu’une personne a les caractères distinctifs d’un impertinent, d’un sot, d’une bête, d’un stupide.

Pert

France, 1907 : Parait. « Il y pert », il y paraît. Vieux mot resté en quelques provinces.

Point ne compte bourdes ne gloses ;
Je ne parle que par raison ;
Il y pert pour planté de choses,
De preuves j’offre grant foyson.

(G. de Colvé des Jardins, Les Oberliques)

Perte

d’Hautel, 1808 : Il n’y a pas grand’perte. Se dit par mépris d’une personne ou d’une chose facile à remplacer, à réparer.

Perte de vue (à)

France, 1907 : À perpétuité. Fagot à perte de vue, condamné aux travaux forcés à perpétuité. Argot des voleurs.

Pertuis

France, 1907 : Trou, ouverture. Vieux mot.

Pertuis aux légumes

Delvau, 1866 : s. m. La gorge, — dans l’argot des ouvriers qui ont servi dans l’infanterie de marine. D’où : Faire tour-mort et demi-clef sur le pertuis aux légumes, pour : Étrangler quelqu’un.

France, 1907 : Le gosier. « Faire tour mort et demi-clef sur le pertuis aux légumes » étrangler.

Pesant

d’Hautel, 1808 : Il vaut son pesant d’or. Manière d’exagérer le mérite de quelqu’un. On dit dans le sens opposé et par ironie d’un homme sans capacité, qu’il vaut son pesant de plomb.

Pesanteur

d’Hautel, 1808 : Il est d’une pesanteur ! Manière satirique, de dire qu’un homme a l’esprit lourd, qu’il est d’un ennui mortel.

Pesciller

Larchey, 1865 : Prendre. — Du vieux mot peschier : pêcher. Servir, Criblage.

La Rue, 1894 : Prendre.

France, 1907 : Saisir ; argot des voleurs. Pesciller d’esbrouffe, prendre de force.

— Quel mal qu’il y aurait à lui pesciller d’esbrouffe tout ce qu’elle nous a esgaré, la vielle altriqueuse ?

(Mémoires de Vidocq)

Pesciller (se)

France, 1907 : Se fâcher.

Pesciller d’esbrouffe

Delvau, 1866 : Prendre de force, d’autorité — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Prendre d’autorité. Le voleur à l’esbrouffe pescille de cette façon le portefeuille ou le portemonnaie du bourgeois (Argot des voleurs). V. Vol à l’esbrouffe.

Pesé

Clémens, 1840 : Argent.

Pèse

un détenu, 1846 : Argent monnayé.

Rigaud, 1881 : Argent, paye. — Descendre son pèse, dépenser son argent.

France, 1907 : Argent. « Fusiller son pèse », dépenser son argent.

L’expression, dit Ch. Virmaître, est due à Frédérick-Lemaitre. Il jouait avec Clarisse Miroy à la Porte-Saint-Martin, sous la direction Hurel. Ce dernier n’aimait pas payer. Un soir qu’il était en retard avec les appointements du grand artiste, celui-ci ne voulut pas entrer en scène avant d’être réglé. Il envoya Clarisse à la caisse : elle en revint peu après avec un énorme sac de pièces de cent sous, Elle le tendit à Frédérick :
— Tiens, pèse !
Depuis ce temps, on dit dans le peuple :
— As-tu du pèse ?

Le peuple était donc présent à la scène ? Malheureusement pour la véracité de l’origine de cette expression, le mot peze se trouve dans les Mémoires de Vidocq antérieurs à Frédérick-Lemaitre, et, de plus, il n’est qu’une forme ancienne de pièce. On dit encore dans de Béarn et les Pyrénées : pèce, ou pesse, pour pièce, pessette ou pecete, petite pièce de monnaie ; la peseta, en espagnol, répond à notre franc.

Pesé ou Pèze

Delvau, 1866 : s. f. Résultat d’une collecte faite entre voleurs libres au profit d’un voleur prisonnier ; résultat pesant.

Pèse-les-œufs

France, 1907 : Avare, homme chiche, celui par exemple qui donnerait comme motif de sa préférence pour son restaurant habituel qu’on lui servirait des œufs plus gros qu’ailleurs. Patois du Centre.

Pèse, pèze

La Rue, 1894 : Argent. Collecte.

Peser

d’Hautel, 1808 : Il ne pèse pas lourd. Se dit par raillerie d’un fanfaron ; pour exprimer qu’il fait plus d’embarras qu’il n’est fort.
Il ne pèse pas deux onces. Se dit au propre d’un homme d’une très-foible constitution ; au figuré de quelqu’un qui marque une grande vivacité, une joie excessive, comme par exemple, lorsqu’on a déchargé sa conscience d’un grand fardeau.
Il ne pèse pas plus qu’une plume. Se dit par exagération d’une personne très-légère.
Il pèse à la main. Se dit d’un homme qui a l’esprit lourd ; qui manque d’intelligence.

Pessigner

France, 1907 : Voler ; argot des voleurs.

Je rembroque au coin du rifle
Un messière qui pionçait ;
J’ai sondé dans ses vallades,
Lonfa malura dondaine !
Son carle j’ai pessigné,
De Lonfa malura dondé !

Pessigner ou pessiguer

Virmaître, 1894 : Ouvrir.
— J’ai une carouble qui pessigne toutes les lourdes sans fric-frac (Argot des voleurs).

Pessiguer

Delvau, 1866 : v. a. Ouvrir, soulever, — dans l’argot des voleurs. Pessiguer une lourde. Ouvrir une porte.

Rigaud, 1881 : Soulever ; du provençal pessuguer, pincer, voler habilement.

France, 1907 : Maltraiter ; du provençal pessiguar. Argot des voleurs.

Pessiguier

La Rue, 1894 : Ouvrir. Soulever. Maltraiter.

Pessiller

Halbert, 1849 : Prendre.

Pessiller (se)

Rigaud, 1881 : S’emporter, — dans le jargon des voleurs.

Pestaille

Rossignol, 1901 : Agent de police.

France, 1907 : Agent, la police en général ; argot des voleurs.

Pestailles

Virmaître, 1894 : Agents de la sûreté ou sergents de ville. Pour les voleurs, ce sont des pestes ; ils ont ajouté la finale de railles, l’ancien mot, et n’en ont fait qu’un (Argot des voleurs). N.

Peste

d’Hautel, 1808 : Un petit peste. Un petit garçon malicieux, espiègle, rusé et enjoué.

d’Hautel, 1808 : C’est une peste. Se dit d’une personne qui a l’incommodité de lâcher de mauvais vents.

France, 1907 : Même sens que pestaille.

Peste !

d’Hautel, 1808 : Interjection, qui marque la surprise, l’étonnement, le mécontentement.

Peste, pestaille

Hayard, 1907 : Agent de la sureté.

Pester

d’Hautel, 1808 : Pester entre cuir et chair. Éprouver un dépit intérieur, sans oser le faire éclater.

Pet

d’Hautel, 1808 : Fier comme un pet. Pour dire, hautain, orgueilleux ; qui affecte l’air méprisant et dédaigneux.
Pet en l’air. On appeloit ainsi à Paris, il y a quelques années, une espèce de casaquin que portoient les femmes.
Pet de nonne. Espèce de pâtisserie soufflée.
Un pet à vingt ongles. Manière burles désigner l’enfant dont une fille est accouchée.
On tireroit plutôt un pet d’un âne mort. Se dit d’un homme avare et dur à la desserre.

Clémens, 1840 : Manquer un vol.

Delvau, 1866 : s. m. Incongruité sonore, jadis honorée des Romains sous le nom de Deus Crepitus, ou dieu frère de Stercutius, le dieu merderet. Glorieux comme un pet. Extrêmement vaniteux. Lâcher quelqu’un comme un pet. L’abandonner, le quitter précipitamment.

Delvau, 1866 : s. m. Embarras, manières. Faire le pet. Faire l’insolent ; s’impatienter, gronder. Il n’y a pas de pet. Il n’y a rien à faire là dedans ; ou : Il n’y a pas de mal, de danger.

Virmaître, 1894 : Signal convenu pour prévenir ses complices qu’il y a du danger.
— Pet, pet, v’là les pestailles.
On dit également :
— Au bastringue du Pou Volant, il y aura du pet ce soir (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Danger.

Sauvons-nous, il y a du pet.

France, 1907 : Bruit, tapage, plainte en justice. Faire du pet, causer du bruit, du scandale ; faire le pet, manquer son coup. Il y a du pet, les choses tournent mal ; les voleurs, les escarpes, les souteneurs, pour prévenir d’un danger, crient : Pet ! pet ! comme des collégiens disent : Vesse ! vesse !

— Dis donc, Paul, il parait qu’il y a du pet, ce soir ?
— Je te crois ! Et les maqués du passage ont écopé… Y a Julot qui a voulu défendre sa femme ; on l’a fourré dedans… Un coup de rébellion… Tu sais, avec ses six jugements, il est foutu de passer l’eau. Les gonzesses des Princes osent plus sortir… J’ai été les prévenir.
— Et ma sœur ?’Tas pas vu ma sœur ?

(Oscar Méténier)

Il n’y a pas de pet, tout est tranquille. Cette expression signifie également : C’est bien certain, il n’y a pas d’erreur.

La foi est-elle morte, bon dieu ? ou la putain d’Église va-t-elle se ravigotter, entassant dans son giron les bons bougres en foultitude ?
Y’a pas de pet ! la foi est morte ; le paysan ne croit plus aux balourdises du prêtre, il n’y croit plus et n’y croira jamais !

(Le Père Peinard)

Glorieux comme un pet, vaniteux à l’excès ; lâcher quelqu’un comme un pet, l’abandonner brusquement.

Pet (curieux comme un)

Rigaud, 1881 : Extrêmement curieux. Le pet n’est pas casanier de son naturel ; il demande à sortir et à se produire.

Pet (faire le)

Rigaud, 1881 : Faire faillite.

Pet (il y a du)

Rigaud, 1881 : Attention ! la police est là ! — dans le jargon des voleurs. — Attention ! le patron est de mauvaise humeur, il va y avoir de l’abattage, des réprimandes, — dans le jargon des ouvriers. Il y a du pet, ça sent mauvais, quand le patron ou le contre-maître fait une réprimande d’ensemble.

La Rue, 1894 : Attention ! Méfiez-vous.

Hayard, 1907 : Il y a du danger.

Pet à vingt ongles

Delvau, 1866 : s. m. Enfant nouveau-né, — dans l’argot du peuple. Faire un pet à vingt ongles. Accoucher.

Rigaud, 1881 : Nouveau-né. Abouler un pet à vingt ongles, accoucher.

Virmaître, 1894 : Enfant nouveau-né (Argot du peuple).

France, 1907 : Enfant nouveau-né. « Abouler un pet à vingt ongles », accoucher. Argot populaire.

Pet d’un âne mort

France, 1907 : Rien ou peu de chose. Pet ne serait-il pas une défiguration de pe, peau, abréviation de pel, du latin pellis ? Pet se prononçait pé.

Du haut en bas du gouvernement, en long et en large, tout le monde ment, ne songe qu’à son intérêt personnel, qu’à tirer les marrons du feu, les épingles du jeu, les pets d’un âne mort, personne ne pense à la patrie, aux nobles réformes, et très peu même, dégoûtés de tout et du reste, hurlent en pleine indépendance.

(Léon Daudet)

— Tout ce que tu diras, c’est des pets d’âne mort, et on va y aller de la fin de son rouleau.

(Georges d’Esparbès)

Pet de chèvre au milieu du bois

France, 1907 : Chose méprisable ; synonyme de pet d’un âne mort. « Quand il serait tout de poudre, il ne ferait pas un gros pet », se dit d’un petit homme qui fait l’important.

Pet de cul !

France, 1907 : Rien du tout, vaine promesse ; expression méridionale.

Pet de lapin

Rossignol, 1901 : Une chose qui ne vaut rien, ne vaut pas un pet de lapin.

France, 1907 : Rien. « Ne pas valoir un pet de lapin », ne rien valoir. Même observation que pour pet d’un âne mort.

— Si j’étais que Madame, je me ferais pas tant de bile.
— Et pourquoi donc, ma bonne Julie ?
— Le meilleur des hommes ne vaut pas un pet de lapin.

(Fin de Siècle)

Les hommes, les hommes,
Ça n’vaut pas les quatr’ fers d’un chien !
Nous sommes, nous sommes,
Les seules qui les connaiss’nt bien.
Quand même, on aime :
Pour eux, nous avons un pépin !
Quoiqu’ils n’vaill’nt pas un pet d’lapin,
Nous les gobons tout d’même.

(René Esse)

Pet honteux

Rigaud, 1881 : Exhalaison fondamentale sortant sans tambour ni trompette. L’éclair sans le tonnerre.

France, 1907 : Vesse.

Pet-en-coque

France, 1907 :

Qu’est-ce que tu dis là, loufoque,
Docteur plus fier que pet-en-coque,
Rommel, en ton jars prussien ?
C’est trop sur ta gueule d’empeigne,
Qui pourtant réclame une beigne
D’un poing d’académicien.

(Raoul Ponchon)

Pet-en-l’air

Fustier, 1889 : Petit veston court.

Contre l’habit léger et clair
La loutre a perdu la bataille :
Nous arborons le pet-en-l’air,
Et les femmes ne vont qu’en taille.

Richepin.

France, 1907 : Veston, jaquette courte.

Contre l’habit léger et clair
La loutre a perdu la batailles ;
Nous arborons le pet-en-l’air,
Et les femmes ne vont qu’en taille.

(Jean Richepin)

Pet, pétage

Rigaud, 1881 : Plainte en justice.

Pétage

France, 1907 : Jugement, procès ; argot des voleurs.

Petaliller

France, 1907 : Faire claquer un fouet à plusieurs reprises sans nécessité. Tirer des coups de fusil répétés, en parlant des chasseurs ; patois du Centre. « Il n’a fait que petailler, et il est revenu bredouille. »

Pétarade

d’Hautel, 1808 : Longue suite de pets.

Delvau, 1866 : s. f. Longue suite de sacrifices au dieu Crepitus, — dans l’argot des faubouriens, amis des joyeusetés scatologiques, et grands amateurs de ventriloquie.

Pétarade (la)

France, 1907 : L’hôpital de la Salpêtrière ; argot des voleurs. Allusion au salpêtre qui entre dans la composition de la poudre.

Pétard

Clémens, 1840 : Éveil, se faire de la bile.

un détenu, 1846 : Un sou.

Delvau, 1866 : s. m. Derrière de l’homme ou de la femme. Se dit aussi pour Coup de pied appliqué au derrière.

Delvau, 1866 : s. m. Bruit, esclandre.

N’bats pas l’quart,
Crains l’pétard,
J’suis Bertrand l’pochard !

dit une chanson populaire.

Rigaud, 1881 : Derrière. — Haricot. Le haricot est tantôt un musicien, tantôt un pétard, tantôt exécutant, tantôt musique. Allusion compréhensible, même pour les enfants.

Fustier, 1889 : Sou.

À droite, un comptoir en étain
Qu’on astique chaque matin.
C’est la qu’on verse
Le rhum, les cognacs et les marcs
À qui veut mettre trois pétards
Dans le commerce.

(Gaulois, 1882.)

Fustier, 1889 : Argot des artistes et des gens de lettres. Succès bruyant.

Pourquoi ce qui n’avait pas réussi jusqu’alors, a-t-il été, cette fois, un événement de librairie ? ce qu’on appelle, en argot artistique, un pétard.

(Gazette des Tribunaux, 1882. )

La Rue, 1894 : Un sou. Soumet. Haricot. Postérieur. Bagarre.

Virmaître, 1894 : Sou. C’est une corruption du mot patard, expression employée par François Villon. En Suisse, il y a des siècles, patard était une monnaie divisionnaire ; en terme de mépris, on disait : un patard de vache (Argot du peuple). N.

Virmaître, 1894 : Le derrière.
— Crois-tu qu’elle est bien en viande ? Quel riche pétard ! On en mangerait une tranche.
L’allusion se devine ; souvent il tire des feux d’artifice (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Tapage, bruit.

Avez-vous fini de faire du pétard, on n’entend que vous.

Rossignol, 1901 : Sou.

Rossignol, 1901 : Le derrière.

France, 1907 : Le derrière, maître Luc, ce que l’intellectuel Armand Silvestre admire le plus chez la femme.

Le timbré s’est fait une théorie bien à lui sur les différents types de femmes. Il prétend qu’il faut être, et il est, lui, gourmand avec les brunes, gourmet avec les blondes, glouton avec les rousses, et goinfre avec les châtaines bien capitonnées, aux tétons fermes et abondants, aux croupes plantureuses et charnues, car l’adjudant apprécie la quantité au même titre que la qualité.
— J’aurais dû rentrer dans l’artillerie ou le génie, dit-il quelquefois, car j’adore les pétards, moi !

(Le Régiment)

Je les ai vus égayant
La foules ivre d’allégresse :
Chacun d’eux, certe, est bruyant
Étincelant, flamboyant,
Mais, je le confesse,
Rentré chez moi sur le tard,
Je me suis dit à moi-même :
« Ces pétards, nom d’un pétard !
Ne valent pas le pétard
De celle que j’aime !

(Gil Blas)

France, 1907 : Bruit, tapage.

Comment, v’là d’jà ménuit qui sonne !
Ej’ croyais pas qu’l’était si tard,
C’est vrai qu’on rencont’ pus personne
Et qu’on n’entend pus grand pétard.
Vrai, si j’étais propriétaire,
J’irais ben m’coucher un moment…
Mais je n’suis mêm’ pas locataire…

(Aristide Bruant)

Faire du pétard, faire du bruit, récriminer, protester vigoureusement, causer du désordre.

Autrefois, elle était fantasque,
Capricieuse, et f’sait du pétard,
Ne r’gardant pas à faire un’ frasque,
Encor moins à faire un cornard.
Mais maintenant on peut sur elle
Se reposer de tout souci,
Comme un pigeon dessous une aile…

(Henri Bachmann, La Femme mûre)

Faire un pétard est, en terme littéraire et artistique, produire une œuvre sensationnelle, qui heurte les idées courantes, choque les préjugés bourgeois, et l’on ne se doute pas du nombre de bourgeois que contient le monde artistique et littéraire. En littérature, Nana, d’Émile Zola, fut un pétard ; en peinture, la Salomée de Henri Regnault en fut un également.

Si je fais du théâtre, ce sera pour être joué, et, tout en le faisant comme je comprends qu’il doit être, — l’image de la vie. Je ne casserai aucune vitre, ne lancerai aucun pétard.

(Émile Zola)

France, 1907 : Pièce d’un sou ; corruption du vieux français patard.

— J’aimerais mieux encore turbiner d’achar du matois à la sorgue pour affurer cinquante pétards par luisant que de goupiner.

(Mémoires de Vidocq)

À droite un comptoir en étain
Qu’on astique chaque matin :
C’est là qu’on verse
Les rhums, les cognacs et les marcs
À qui veut mettre trois pétards
Dans le commerce.

(Chanson du Père Lunette)

France, 1907 : Soufflet. Ça claque.

Pétard (faire du)

Hayard, 1907 : Faire de l’esclandre.

Pétard, patard

Hayard, 1907 : Sou.

Pétard, péteux

Larchey, 1865 : Derrière. — On entend de reste l’étymologie de ce bruyant synonyme.

Sur son péteux, V’là que je l’étale.

Le Casse-Gueule, ch., 1841.

Pétard : Haricot (Vidocq). — Effet pris pour la cause.

Pétard, petgi

Rigaud, 1881 : Esclandre, tapage, scène violente et imprévue c’est le moment qui suit la découverte du pot-aux-roses. Lorsqu’un mari revient à l’improviste de la chasse, et que sa femme… il fait un pétard s’il est expansif et verbeux.

Pétarder

France, 1907 : Faire du bruit, crier, protester, causer du scandale.

C’est nous qui somm’s les gardes
Municipaux,
Droits comm’ des hallebardes
Sur nos chevaux,
Si le peuple pétarde,
Nous montrons aux badauds
Que c’est pas des manchots
Les gard’s municipaux !

(Blédort)

Pétardier

Rossignol, 1901 : Celui qui a l’habitude de faire du pétard. Pétardier est aussi celui qui se fâche, qui s’emporte à tous propos. Une femme est pétardière.

Pétardier, pétardière

Virmaître, 1894 : Faire du tapage, du bruit.
— Ah ! tu sais, il ne faut pas remmener quand il a le nez sale, c’est un pétardier (Argot du peuple).

France, 1907 : Fauteur et fautrice de scandales ; personne dont les éclats de voix attirent la police.

— J’ai ici une clientèle de vieux messieurs, des négociants mariés que je retrouve à jour fixe aux mêmes endroits, dont je connais les pelites habitudes… C’est ma rente et c’est le plus sûr. Avec ceux-là, y a jamais de danger, pourvu qu’on soit discrète et pas pétardière, c’est comme cela qu’on se les attache. J’appelle ça mon fixe… Le reste, c’est du casuel… Mais, tu comprends, on n’arrive à ces résultats-là qu’après des années et des années…

(Oscar Méténier, Madame la Boule)

Pétards

Delvau, 1866 : s. m. pl. Haricots.

France, 1907 : Haricots, dénommés aussi musiciens.

Pétase

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau ridicule, — dans l’argot des romantiques, qui connaissent leur latin (petasus). Employé pour la première fois en littérature par Bonnardot (Perruque et Noblesse, 1837).

Virmaître, 1894 : Chapeau ridicule comme en portent les paysans les jours de fête. Ce chapeau se transmet de père en fils, tant pis si la tête est plus ou moins forte. Il en est qui datent du siècle dernier (Argot du peuple).

Pétasse

Rigaud, 1881 : Fille publique, pour putasse.

Virmaître, 1894 : Vieille femme avachie qui perd ses vestiges en marchant. Putain et soularde (Argot des souteneurs).

Hayard, 1907 : Sale femme.

France, 1907 : Chapeau ridicule, hors de mode, comme on en porte encore dans les campagnes éloignées des centres.

France, 1907 : Vieille femme.

— C’est dégoûtant, ça aussi, d’être insulté par une pétasse qui vous traite de vieille ordure et qui dit comme ça que je suis saoul.

(Georges Courteline)

France, 1907 : Prostituée.

T’es pas dessalée que j’te dis,
T’as trimardé tout’ la soirée
Et te v’là ’cor sans un radis,
C’est toujours el’ dix ed’ purée,
Vrai, j’en ai les trip’ à l’envers !
Ça m’fait flasquer d’voir eun’ pétasse
Qui pass’ tous les soirs à travers !
Bon Dieu ! faut-i’ qu’tu soy’s conasse !

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Pétaud

d’Hautel, 1808 : La cour du roi Pétaud. Pour dire, une maison en désordre ; une assemblée tumultueuse ; un lieu où chacun est maître.

Pétaudière

d’Hautel, 1808 : C’est une véritable pétaudière. Locution ironique, qui a toutes les acceptions de la cour du roi Pétaud.

Delvau, 1866 : s. f. Endroit tumultueux, où l’on crie tellement qu’il est impossible de s’entendre, — dans l’argot des bourgeois, qui connaissent de réputation la cour du roi Pétaud.

Petdeloup

France, 1907 : Sobriquet donné aux chefs d’institution. Il a été mis à la mode par Nadar en 1849 où, dans son Histoire de M. Réac, se trouve M. Petdeloup. « homme sévère mais juste ».

Les vieux bibliothécaires sadiques et les divers Petdeloups que la pensée du fouet émerillonne et ravit ont une circonstance atténuante : c’est qu’ils sont les derniers conservateurs d’une longue tradition. La fessée a été pendant des siècles considérée par tous les peuples comme une institution des plus utiles. Une fresque d’Herculanum en donne une vue prise sur le vif. Horace reçut le fouet dans son enfance et en garda rancune à son pédagogue, qu’il qualifie de plagosus.

(Léon Fouchet)

Pète ou que ça dise pourquoi (il faut que ça) !

Rigaud, 1881 : Il faut qu’une chose, qu’un ouvrage se fasse à n’importe quel prix.

Pète-bas

France, 1907 : Personne de petite taille. « Elle est gironde, mais un tantinet pète-bas. » Argot faubourien.

Pète-sec

Delvau, 1866 : s. m. Patron sévère, chef rigide, qui gronde toujours et ne rit jamais.

France, 1907 : Chef sévère, qui ne badine pas dans le service et ne manque aucune occasion de punir les fautes et les manquements à la discipline. Argot militaire.

— Le sous-lieutenant ! Il sort à peine de Saint-Cyr. Quand il est arrivé au corps, l’autre mois, il frappait pour entrer chez le double et lui disait : « Monsieur » ; maintenant, c’est un pète-sec qui ne punit jamais les hommes, mais flanque les gradés dedans, à propos de bottes.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Pète-sec (monsieur)

Virmaître, 1894 : Individu qui ne rit jamais et paraît toujours en colère. Surnom donné au régiment aux officiers dont la rigueur est proverbiale (Argot du peuple).

Petée

France, 1907 : Fornication. Tirer une petée, forniquer.

France, 1907 : Bataille à coups de poings. « Se flanquer une petée. » Argot populaire.

Péter

d’Hautel, 1808 : On dit trivialement, et par raillerie, d’un homme logé au dernier étage d’une maison, qu’Il entend les anges péter.
Pète qui a peur.
Se dit par plaisanterie aux gens poltrons, pour les défier, les narguer ; et pour faire entendre que ceux qui sont peureux ne doivent pas s’engager dans des affaires périlleuses.
Il ne pétera plus. Se dit par ironie d’un homme qui est mort, et pour lequel on n’avoit aucune considération.
Péter comme un roussin. Péter fréquemment.
Péter plus haut que le cul. Voyez Cul.
Péter à la sourdine. Vesser ; lâcher des vents coulis, faire des pets étouffés, qui, sans faire de bruit, se font néanmoins sentir vivement à l’odorat.
Péter dans la main. Ne pas tenir sa parole ; y manquer dans le moment où la personne à laquelle on l’avoit engagée a le plus besoin de secours.

Larchey, 1865 : Se plaindre en justice (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. n. Se plaindre à la justice. Argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Se plaindre en justice.

La Rue, 1894 : Se plaindre en justice.

Virmaître, 1894 : Se plaindre.
— Ah ! mon vieil aminche, comme ta frime est toquarde, tu as les douilles savonnées, d’où que tu sors ?
— De la boîte aux cailloux. À cause d’un mec qui a pété au moissonneur, j’ai passé à la planche à pain.
Péter,
mot à mot : faire du pet, se plaindre à la justice (Argot des voleurs). N.

France, 1907 : Dénoncer, se plaindre à un magistrat ; argot des voleurs.

Péter au point

Rigaud, 1881 : Perdre au jeu de cartes faute d’un point.

Péter dans la main

Larchey, 1865 : Pousser trop loin la familiarité. Faire défaut au moment nécessaire. — Dans ce dernier sens, allusion au levier qui éclate entre les mains. (V. d’Hautel, 1808.)

Delvau, 1866 : v. n. Être plus familier qu’il ne convient. Argot du peuple. Signifie aussi : Manquer de parole ; faire défaut au moment nécessaire.

Rigaud, 1881 : Laisser échapper une bonne occasion, rater une affaire au dernier moment, voir une place qui vous était promise donnée à un autre.

France, 1907 : Manquer à sa promesse, être d’une familiarité excessive.

Péter dans la soie

Rigaud, 1881 : Être vêtue d’une robe de soie.

France, 1907 : Se vêtir richement.

Péter dans le linge des autres

Rigaud, 1881 : Porter des habits d’emprunt, être habillé avec la défroque d’un autre.

France, 1907 : Se servir de vêtements empruntés.

Péter de graisse

Rigaud, 1881 : Être très gras. Et la variante : Péter dans sa peau.

Péter la châtaigne (faire)

Rigaud, 1881 : Métamorphoser une fille en femme.

Péter la sous-ventrière (s’en faire)

Virmaître, 1894 : Terme ironique employé pour dire à quelqu’un qui vous fait une demande saugrenue :
— Tu t’en ferais péter la sous-ventrière.
Synonyme de : Tu n’en voudrais pas.
Avoir mangé à s’en faire péter la sous-ventrière (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Boire et manger avec excès ; argot militaire passé dans le peuple. Un cheval qui a trop bu ou trop mangé est serré dans sa sous-ventrière à la rompre, à la faire péter.

J’ai dit un reste de dîme, et je ne m’en dédis pas, nom de dieu. Le curé troque sa bénédiction et ses chants baroques pour des poulardes, des œufs, des primeurs et de quoi s’empiffrer des mois durant à s’en faire péter la sous-ventrière. Son bedeau, ses enfants de chœur, sa gouge s’en retournent chargés comme des ânes de moulins.

(Le Père Peinard)

Cette expression s’emploie aussi ironiquement pour refus : « Tu crois que je vais te donner ma fille, tu t’en ferais péter la sous-ventrière ! » On dit également dans le même sens : « S’en faire péter le compotier. »

— Et pour porter mon sabre sous le bras, c’est midi sonné : tu t’en ferais péter le compotier !

(Georges Courteline)

Péter plus haut que le cul

Delvau, 1866 : v. n. Faire le glorieux ; entreprendre une chose au-dessus de ses forces ou de ses moyens ; avoir un train de maison exagéré, ruineux. Faire le pet plus haut que le cul, c’est ce que Henry Monnier, par un euphémisme très clair, appelle Sauter plus haut que les jambes.

Rigaud, 1881 : Faire plus de dépense que n’en comporte la position de fortune.

Virmaître, 1894 : Faire de l’embarras, de l’esbrouffe, vouloir prouver que l’on est riche lorsque l’on n’a pas le sou. Homme ou femme qui s’habille élégamment en se privant sur la nourriture :
— Ils veulent péter plus haut qu’ils n’ont le cul.
C’est le cas des filles de boutique et des commis de magasins. Dans le peuple, par ironie, on les appelle :
Tout sur le dos, rien dans l’estomac (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Faire ses embarras, vouloir passer pour un seigneur quand on n’est qu’un gueux.

Vous que cet exemple touche
Ça vous fait ben voir
Que fille qu’est sur sa bouche
Manque à son devoir ;
Et par cette historiette,
On s’est convaincu
Qu’il ne faut pas que l’on pète
Plus haut que le cul.

(Vadé, Histoire de Manon Giroux)

Péter son lof

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des marins, pour qui c’est changer de lof, c’est-à-dire naviguer sur un autre bord. Ils disent aussi Virer de bord.

France, 1907 : Mourir.

Péter sur le mastic

Delvau, 1866 : v. n. Renoncer à travailler ; envoyer promener quelqu’un. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Abandonner l’ouvrage, envoyer l’ouvrage au diable.

La Rue, 1894 : Renoncer au travail.

France, 1907 : Abandonner son travail.

Péter un zouave en tenue de campagne

France, 1907 : Chose impossible ; argot militaire. « Si pareille chose arrive, je pète un zouave en tenue de campagne », expression analogue à celle-ci : Je veux être pendu.

Péteur

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme qui se plaît à faire de fréquents sacrifices au dieu Crépitus.

Virmaître, 1894 : Dénonciateur. Comme pour dénoncer il faut parler, le mot péteur doit être pris dans le sens de péter du bec (Argot des voleurs).

France, 1907 : Dénonciateur, individu qui se plaint, qui fait du pet.

Péteur, péteuse

Rigaud, 1881 : Plaignant, plaignante.

Péteux

d’Hautel, 1808 : Mot poissard et trivial. Pour le derrière, les fesses.
Tomber sur son péteux. Pour se laisser tomber sur le derrière, sur les fesses.
Un péteur. Terme injurieux qui équivaut à lâche, poltron ; freluquet.

Delvau, 1866 : s. m. Messire Luc, l’éternelle cible aux coups de pied.

Delvau, 1866 : s. m. Homme honteux, timide, sans énergie.

Rigaud, 1881 : Qui se sent fautif.

France, 1907 : Honteux ; vieux mot.

Et l’autre en fut chassé comme un péteux d’église.

(Regnier, Satires)

France, 1907 : Douteux, repentant, « Îl est sorti tout péteux du bloc. »

Une personne, que ses occupations au journal appelaient à se rendre dans les bureaux, fut témoin de cette entrevue et peignit, devant nous et quelques amis communs, l’étonnante surprise que lui avaient causée la vue et le langage de Rochefort de cette façon un peu triviale, mais fort simple :
— De ma vie, je n’ai vu homme ayant l’air si péteux !

(Jean Allemane, Le Parti ouvrier)

France, 1907 : Le derrière ; pantalon.

Peteux (des)

M.D., 1844 : Des haricots.

Petillards

Virmaître, 1894 : Diamants. Pétiller est dit pour briller. C’en est le superlatif.
— Les durailles de la gonzesse sont pétillants aux pendus glacés (Argot des voleurs). N.

Pétillards

France, 1907 : Diamants ; argot des voleurs.

Petin Tondu (le)

Delvau, 1866 : L’empereur Napoléon Ier, — dans l’argot des invalides.

Petiot

France, 1907 : Diminutif de petit, en usage chez le peuple des villes et des campagnes.

Pour exploiter les gosses, les crapulards ont plus d’un joint.
Il y a d’abord le coup de l’apprentissage : on colle le gosse à l’atelier et on lui fait remplir les fonctions d’homme de peine.
Il y a aussi des bagnes où on n’exploite quasiment que des mômes, sous l’hypocrite prétexte de faire de la boite une vague école professionnelle.
Mais fichtre, le pire enfer pour les mômes, c’est ces cochonnes de maisons de correction où on claquemure les petiots, — le plus souvent pour d’insignifiantes babioles qui ne seraient pas répréhensibles dans une societé libre — en supposant qu’elles y fussent encore possibles !
À un âge où les pauvrets ne devraient songer qu’à se laisser vivre, à rigoler, à chahuter, — et à s’instructionner quand ils s’en sentiraient le besoin, — on les fourre au ballon et on les traite kif-kif des forçats.

(Le Père Peinard)

Ouvrez la porte
Aux petiots qui ont bien faim,
Les petiots claquent des dents.
Ohé ! Il faut qu ils entrent,
Vous mangez là-dedans,
Bonnes gens,
Eux n’ont rien dans le ventre.
Ouvrez la porte
Aux petiots qu’ont un briquet,
Les petiots grincent des dents.
Ohé ! les durs d’oreilles !
Nous verrons là-dedans,
Bonnes gens,
Si le feu vous réveille.

(Jean Richepin)

Petit

d’Hautel, 1808 : Manger des petits pieds. Pour dire vivre de perdrix, de faisans, de chapons, de volailles fines, d’ortolans ; se délicater, se choyer.
Mon petit. Ma petite. Nom de bienveillance et d’amitié que les gens de condition donnent aux personnes qui sont dans leur familiarité.
Les gros mangent les petits. Pour dire que souvent les hommes puissans oppriment les hommes foibles.
Être réduit au petit pied. Être ruiné ; vivre médiocrement.
C’est du petit monde. Se dit par mépris des gens pauvres ; du menu peuple.

Delvau, 1866 : s. m. Enfant, — dans l’argot du peuple, qui ne fait aucune différence entre la portée d’une chienne et celle d’une femme.

Rigaud, 1881 : Bout de cigarette encore fumable, — dans le jargon des voyous. — Suivant la longueur du bout c’est le mègo, l’orphelin, le petit.

Rigaud, 1881 : Amant de cœur, — dans le jargon des femmes galantes.

Petit (en faire un)

Rigaud, 1881 : Mot à mot : faire un petit baccarat, — dans le jargon des joueurs. — Nous ne sommes pas venus ici pour enfiler des perles : si nous en faisions un petit ?

Hé ! Zéphirin, en fait-on un petit, cette nuit ?

(Cavaillé, Les Filouteries du jeu.)

Petit (faire le)

France, 1907 : Uriner ; par opposition à faire le gros.

Petit (le)

Rigaud, 1881 : Le point de huit au baccarat, — dans le jargon des joueurs. — C’est le plus petit des deux plus beaux points du jeu.

Rigaud, 1881 : Le derrière, — dans le jargon des filles.

Petit blanc

Delvau, 1866 : s. m. Vin blanc.

Rigaud, 1881 : Vin blanc très ordinaire.

Petit bleu

Rigaud, 1881 : Vin rouge au litre, mauvais vin rouge.

France, 1907 : Nom que les ouvriers donnent au vin, surtout celui de mastroquet qui lorsque suffisamment falsifié au bois de campêche, a des teintes bleuâtres.

Il paraîtrait — les savants l’affirment — que, enfant, on aime le jaune ; en grandissant c’est le rouge que l’on préfère, puis, au moment où le cœur parle, on rêve du bleu ; enfin, une fois adulte et marié, le jaune ne compte plus de partisan.
Adulte, adultère, cela n’a pas besoin d’explication.
Le bleu continue d’avoir des partisans, et combien y en a-t-il qui chantent le Petit Bleu !

(Gil Blas)

Brisson, ton erreur n’est pas mince :
Tu te mets les dix doigts dans l’œil
Quand tu déclares que j’en pince
Pour le petit bleu d’Argenteuil,
M’as-tu pas déjà que j’use
Sans broncher de douteux mégots ;
Tu veux aussi que je m’abuse
Sur des petits bleus visigoths ?…
C’en est trop, sans me crier gare,
Sache ceci : de même que
J’en tiens pour le parfait cigare,
Il me faut du vrai vin, morbleu !

(Raoul Ponchon)

France, 1907 : Télégramme expédié par tube pneumatique.

Petit bocson

France, 1907 : Église ; argot des ouvriers qui prétendent que l’église est la perte des femmes. On dit aussi rampante.

La gueuse ne quittait pas le petit bocson. Matin, soir, on la voyait se pâmer devant les autels, guignant de l’œil le curé et ses vicaires. Elle était bien connue du bedeau, du suisse et de la loueuse de chaises. Ah ! malheur ! Et pendant ce temps-là, les enfants piaillaient à la maison et le rôti brûlait dans la casserole.

(Les Propos du Commandeur)

Petit bœuf

France, 1907 : Apprenti ; argot des tailleurs, qui disent aussi tartare.

Petit bonhomme d’un sou

Delvau, 1866 : s. m. Jeune soldat.

France, 1907 : Sobriquet donné autrefois aux soldats du Centre.

Petit bonhomme de chemin (aller son)

France, 1907 : Aller doucement, droit devant soi, sans perdre de vue son but, sans s’inquiéter de ce qui se passe à droite et à gauche, des bavardages et du qu’en-dira-t-on.

Jacques Bonhomme procède comme le lièvre, par bonds et par saccades ; d’une enjambée, il sait atteindre le but et dépasser quand il veut la tortue ; mais il a des retours en arrière que la tortue ne connut jamais, et même, quand il ne rétrograde pas absolument, il s’attarde, il s’amuse en route à brouter un brin d’herbe ou à bayer aux corneilles. Ce qui manque à Jacques Bonhomme, c’est la méthode ; trop d’élan parfois et pas assez d’esprit de suite…
Ces vicissitudes, ces alternatives de haut et de bas, d’avancement et de recul, John Bull Tortue ne les connait pas. John Bull-Tortue va toujours son petit bonhomme de chemin, sans se laisser influencer où émouvoir par les excitations du dehors. Il est dit expressément dans l’Évangile : « Frappez à la porte, et on vous ouvrira. » Mais John Bull, si fervent dévot de l’Évangile qu’il se dise, n’ouvre pas ainsi à première sommation. Il faut, avec lui, frapper fort et frapper souvent.

(Gabriel Guillemot)

Petit bonhomme vit encore

France, 1907 : Vous me croyiez mort, eh bien ! non, je suis vivant. Cette expression vient d’un jeu symbolique des Athéniens consistant à courir dans la lice en se passant de main en main un flambeau allumé, emblème de la vie. Ce jeu est imité chez nous, mais une allumette a remplacé le flambeau : on se la passe à la ronde et celui en la main de qui elle s’éteint paye l’amende.

Le vieillard, certes, tout honteux
Du feu sacré qui le dévore,
Lui dit tout bas, baissant les yeux :
Petit bonhomme vit encore.
De Cythère j’ai fait le tour…
Mon cœur, hélas ! ne bat plus guère…
J’ai trop fait la chasse à l’amour
Et l’amour m’a trop fait la guerre.
Près de vous, Madame, pourtant
Mon couchant redevient aurore
Et je répète en soupirant :
Petit bonhomme vit encore.

(Bouilly)

Petit Bordeaux

Delvau, 1866 : s. m. Petit verre de vin de Bordeaux.

Delvau, 1866 : s. m. Cigare de cinq centimes, de la manufacture de Tonneins. Argot du peuple.

Petit cadeau

Delvau, 1864 : Les deux sous du garçon des filles, — avec cette différence que les garçons les attendent, et qu’elles les demandent avant de commencer les exercices, car après, l’homme, un peu fatigué, redemanderait plutôt son argent que de redonner la moindre chose.

Dis donc, joli garçon, si tu veux que je sois bien gentille il faut me faire ton petit cadeau… tu sais, le cadeau qu’on fait toujours aux petites dames.

Lemercier de Neuville.

Je compris qu’un petit cadeau
N’était qu’une vétille ;
Bref, je tombe dans le panneau.
Puis, de fil en aiguille,
Ell’ montre tout son petit jeu.
-Qu’abat la quille à Mayeux…
Qu’abat (bis) la quille ?

Alex. Marie.

Petit camarade

Delvau, 1866 : s. m. Confrère malveillant, débineur, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont emprunté cette expression aux acteurs. Pour la rendre plus ironique, on dit : Bon petit camarade.

Petit camarade (bon)

France, 1907 : Terme ironique par lequel on désigne dans le monde littéraire et artistique les confrères malveillants. « On ne rencontre généralement dans la presse que de bons petits camarades. »

Petit caporal

Larchey, 1865 : Napoléon Ier. — Allusion au grade imaginaire que lui décerna l’enthousiasme de ses soldats, au lendemain d’une victoire.

Le souhait de S.M. Prussienne et les appréciations du petit caporal.

M. Saint-Hilaire.

Delvau, 1866 : n. d’h. Napoléon, — dans l’argot des vieux troupiers. Ils disaient encore : l’Autre, le Petit Tondu et le Père la Violette.

Merlin, 1888 : Les anciens soldats désignaient ainsi Napoléon Ier, qu’ils appelaient également le petit Tondu, l’Autre, la Redingote grise, le père La Violette.

Petit centre (le)

Delvau, 1864 : Par devant, le con ; — le cul par derrière.

Elle est sourde ainsi comme un sourd
À ceux qui lui parlent d’amour ;
Mais, touchez-lui son petit centre.
Cela s’endure doucement,
Et pour écouter son amant,
Elle a l’oreille au bas du ventre.

(Cabinet satyrique.)

Petit chapeau

France, 1907 : Nom donné aux élèves de l’École polytechnique qui, à certaines années exceptionnelles, sont envoyés sur demande à l’École d’application de l’artillerie et du génie, après une seule année de séjour à l’École. Ils conservent à Fontainebleau l’uniforme et le chapeau de Polytechnique pendant une année jusqu’à ce qu’ils soient promus sous-lieutenants. Les premières promotions de petits chapeaux datent de 1840 et 1841. « Dans les salons de la ville de Metz, disent MM. Albert Lévy et G. Pinet, les danseuses remarquèrent l’élégance du chapeau de ces polytechniciens, à côté du formidable blockhaus des artilleurs et de l’immense frégate des sapeurs ; ce furent elles qui baptisèrent les nouveaux venus du nom de petits chapeaux… Les petits chapeaux sont promus sous-lieutenants le 30 septembre, un peu avant leurs camarades de la promotion régulière ; ils arrivent au régiment un an plus tôt. »

Nous formons trois belles brigades,
Très fiers d’avoir lâché l’X,
Et sachez, pauvres camarades,
Qu’il n’est chez nous que des phénix,
Les moins malins ont l’assurance,
Dans quinze ans, d’être généraux :
Nous faisons une poire intense,
Car nous sommes petits chapeaux.

(Les Petits Chapeaux)

Petit chien, grosse queue

Delvau, 1864 : Façon de parler proverbiale pour dire que les hommes de petite taille ont presque toujours un fort membre, comme contraste à l’Hercule ancien, qui n’avait qu’une quéquette.

Petit co

France, 1907 : Élève de la première année à Saint-Cyr. Abréviation de petit conscrit.

Dans son étroite cellule du vieil « Ours » de Saint-Cyr, Tissac se morfondait à regarder le pan de ciel bleu que découpait, au-dessus de sa tête, la lucarne grillée servant à éclairer sa turne.
Tous les petits cos étaient partis depuis quinze jours, et lui restait là, seul, prisonnier, à expier les fautes qui l’avaient mis sous les verrous…

(Fernand Dacre)

Petit cochon

Delvau, 1866 : s. m. Dame qu’on n’a pu rentrer assez vite et qui se trouve bloquée dans le camp de l’adversaire. Argot des joueurs de jacquet. Engraisser des petits cochons. Avoir plusieurs dames bloquées.

France, 1907 : Terme du jeu de jaquet, pour désigner une dame bloquée. « Engraisser des petits cochons », avoir plusieurs dames bloquées.

Petit cœur

France, 1907 : Nom bénin que donnent les prêtres aux fillettes.

Il s’était offert pour conquérir « ces petits cœurs », comme il nommait les jeunes filles ; mais le prêtre, inquiet de ses regards luisants, lui avait formellement interdit de mettre les pieds dans la cour. Il se contentait, lorsque les religieuses tournaient le dos, de jeter des friandises aux petits cœurs, comme on jette des miettes de pain aux moineaux. Il emplissait surtout de dragées le tablier d’une servante blonde, la fille d’un tanneur, qui avait, à treize ans, des épaules de femme faite.

(Émile Zola, La Conquête de Plassans)

Petit con, grand verre

Delvau, 1864 : « Heureux qui, méprisant les grandeurs de la terre,
Fout dans un petit con et boit dans un grand verre,
Vide l’un, remplit l’autre, et passe avec gaîté
Du cul de la bouteille au con de la beauté.
 »

Boufflers.

Petit crevé

France, 1907 : Petit jeune homme élégant, oisif et nul.
Ces parasites sociaux ont existé de tout temps. L’antiquité grecque et romaine après les Medes, les Perses et les Égyptiens a fourni ses contingents de jeunes riches inutiles. On trouve chez les Grecs, dit le Courrier de Vaugelas dans son étude sur les Métamorphoses du fat à travers les âges, le kinaïdos ou mignon, qui s’épilait les jambes ; le kelidonios, aux joues enduites de vermillon, aux yeux peints, au regard mobile ; le hierogamos, paré pour les noces sacrées ; le kalos, genre Alcibiade ; le néanios ou neaniskos, petit jeune homme.
Les Romains avaient, eux, les bene barbati ou belles barbes, portant des gants et des tuniques longues jusqu’au talon ; les barbatuli, blancs-becs, dont s’entourait Catilina ; les formosuli, jeunes gens bien tournés qui marchent sur la plante des pieds, effleurant à peine le sol ; les forosi, élégants adorateurs de leur propre ventre ; les delicati, les précieux ; les gloriosi, les fanfarons ; les lepidi, les agréables ; les comatuli, les cincionatuli, les petits bouclés, les petits frisés ; les cirrati, les pommadins ; les calamistrati ; les trossuli ou petits-maîtres, dont la vague dura plus de trois cents ans.
On voit que nos petits crevés, nos boudinés, nos faucheurs ne proviennent pas d’une génération spontanée. En cela comme pour beaucoup de choses nous ne faisons que recommencer l’antiquité.

Pendant qu’aristos et millionnaires, mâles et femelles, godaillaient au bazar de la Charité, étalant leurs falbalas et se foutant du pauvre monde autant qu’un poisson d’un parapluie, voilà que la fatalité s’abat sur eux !
L’incendie les mange !
Et alors, dans ce grand bazar d’où, avec de la présence d’esprit, y aurait en mèche de sortir sans grands avaros, voilà que les petits crevés de la haute se sont fichus à cogner dur sur les femmes, à coups de canne, afin de leur passer sur le corps.

(Le Père Peinard)

Petit crochet (lingère à)

France, 1907 : Chiffonnière. Cette expression est vieillie.

— Ma mère, voyant qu’elle ne ferait rien dans le métier d’actrice publique pour le chant, voulut entrer dans le commerce et se mit lingère à petit crochet.

(Amusements à la grecque)

Petit doigt me l’a dit (mon)

France, 1907 : Les anciens avaient consacré chacun des doigts à une divinité : le pouce à Vénus, l’index à Mars, le médium à Saturne, l’annulaire à Apollon, le petit doigt à Mercure, dénominations que la chiromancie a, du reste, conservées. Comme Mercure était le dieu des voleurs, des gens rusés, des espions, le petit doigt devint, en quelque sorte, le confident des choses secrètes.
Consulter son petit doigt, c’était consulter Mercure, De là le proverbe.
Dans le Malade imaginaire, Orgon dit à la petite Louison :
— Prenez-y bien garde, au moins ; car voilà un petit doigt qui sait tout, et qui me dira si vous mentez.
Et plus loin : « Voilà mon petit doigt pourtant qui gronde quelque chose. (Mettant son doigt à son oreille.) Attendez. Hé ! Ah ! ah ! Oui ? Oh ! oh ! Voilà mon petit doigt qui me dit quelque chose que vous avez vu, et que vous ne m’avez pas dit. — Ah ! mon papa, votre petit doigt est un menteur. »

Petit duc

France, 1907 : Petite voiture découverte à deux places, que le maître conduit lui-même.

Petit frère (?)

Rossignol, 1901 : Voir bogue.

Petit frère (le)

Delvau, 1864 : Le membre viril — pour qui toutes les femmes sont des sœurs (en Jésus-Christ) avec lesquelles on est heureux de commettre des incestes.

Chez la mariée, au matin,
Une prudente mère
Lui doit du plus heureux destin
Confier le mystère.
La mariée, en soupirant,
Attend le petit frère,
Vraiment,
Attend le petit frère.

Ducray-Duminil.

Petit gôt (le)

France, 1907 : Livre de magie qu’on nomme aussi le Petit Albert. « Les sorciers qui possèdent le Grand Albert, autrement dit le Grand Gôt, sont bien plus puissants que ceux qui n’ont à leur disposition que le Petit. Rien ne leur est impossible. » D’où viennent ces deux noms : Grand Gôt et Petit Gôt ? Jaubert, dans son Glossaire, se demande « s’ils n’auraient pas quelque rapport avec ce roi des Goths qui n’avait qu’à poser son bonnet d’une certaine façon pour soulever un orage, ou bien avec un de ces grimoires traitant de la goétie, espèce de magie » ?

Petit homme

France, 1907 : Amant de cœur d’une fille publique.

Car ceci est le phénomène caractéristique de ce genre de relations : la fille s’attache à son petit homme en proportion directe des sommes qu’elle lui verse… La fille est folle du petit homme qu’elle nourrit, qu’elle appointe, qu’elle gratifie de cadeaux. C’est sa manière de se venger des hommes qui la paient et qu’elle hait.
On peut donc émettre cet axiome : la fille a l’horreur de l’homme qui l’achète et est folle de l’homme qu’elle se paie, parce qu’elle se le paie.

(Edmond Lepelletier, Écho de Paris)

Petit homme noir

France, 1907 : Broc de vin.

Petit hôtel

France, 1907 : Poste de police ; argot des voleurs. « Faire une pose au petit hôtel. »

Petit jeu

France, 1907 : Dans l’argot des mendiants par lettres ou à domicile, clique très nombreuse à Paris, c’est la liste des personnes charitables, sur lesquelles on peut plus ou moins compter. Il y a le petit jeu et le grand jeu.

À Paris, « pays de l’aumône », a dit le comte Molé, rien n’est plus facile que de réaliser des recettes de 15 ou 20 francs par jour et de faire face à ses besoins, en mendiant. M. Paulian offre de le prouver à nouveau, quand on voudra. À peine est-il nécessaire, pour obtenir ce résultat, de se composer un type, de savoir lequel vaut le mieux du service sédentaire ou du service actif, et, si c’est celui-ci qu’on choisit, de posséder le grand ou le petit jeu, qui coûtent, l’un 6, l’autre 3 francs, et donnent, accompagnée d’une notice biographique, l’adresse d’un certain nombre de personnes charitables. Vos préférences vont-elles aux secours en nature, il vous suffira de consulter la liste des sociétés de bienfaisance, à la porte desquelles vous n’aurez qu’à frapper simultanément. Leur fonctionnement défectueux permet le cumul.

Cependant le comte Molé fait erreur, le vrai « pays de l’aumône » n’est pas Paris, mais Londres. Chez nos voisins, la mendicité s’introduit partout et sous toutes les formes. Des institutions prospères et puissantes ne vivent que de mendicité, soit avec ou sans le secours du grand et du petit jeu.

Petit jeu, grand jeu

France, 1907 : Art de lire l’avenir au moyen des cartes. Il y a le petit et le grand jeu. Le premier se fait au moyen de trente-deux cartes ; pour le second, plus compliqué, il faut soixante-dix-huit cartes dites tarots, qui contiennent la clé, affirment les tireuses, de toutes les révélations du passé et du présent avec les interprétations de l’avenir.

Petit jeune

France, 1907 : Jeune godelureau sans expérience, sans pratique de la vie, tout frais émoulu du collège, dupe prête pour les fripons.

Parfois titré, mais d’une noblesse trop fraîche qui sent la peinture comme les maisons remises à neuf, parfois étranger, il en impose aux petits jeunes, aux bons juifs et aux rastas. On le consulte. On l’implore. On le dorlote. On s’ingénie à connaître ses goûts et ses manies. Il sert d’enseigne. Il passe de main en main. Il consacre. Il remplit un véritable et dérisoire sacerdoce.

(Colombine, Gil Blas)

Petit jeune homme

Delvau, 1864 : Le membre viril.

Quand de tes bras le monsieur se dégomme.
Avec pudeur, avec honnêteté,
Fais la toilette à son petit jeune homme :
Il faut avoir de l’amabilité.

L. Festeau.

Petit lait

Delvau, 1866 : s. m. Chose de peu d’importance ; vin faible, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Boisson faible.

Petit lait (c’est du)

Rigaud, 1881 : Ça ne fait pas de mal. On dit d’un vin léger, peu fourni en alcool :

Ça se boit comme du petit lait.

Petit lapin

Delvau, 1864 : La nature de la femme, à laquelle nous faisons une chasse passionnée, armés du fusil à deux ou trois coups fabriqué par le Devismes céleste.

Le p’tit lapin d’ma femme !

dit le refrain d’une chanson indécente moderne autorisée par la préfecture de police.

Petit manteau bleu

Larchey, 1865 : Homme bienfaisant — L’usage de ce mot est la plus belle récompense qu’ait pu ambitionner un philanthrope bien connu.

On parlerait de toi comme d’un petit manteau bleu.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Homme bienfaisant, — dans l’argot du peuple, qui a ainsi consacré le souvenir des soupes économiques de M. Champion.

Rigaud, 1881 : Philanthrope. — En souvenir de « l’homme au petit manteau bleu ».

France, 1907 : Homme charitable, s’occupant exclusivement de faire du bien aux pauvres, allusion au philanthrope Edmé Champion, connu sous le nom de l’« homme au petit manteau bleu » et qui, dans les dernières années de la Restauration et sous Louis-Philippe, pratiquait avec un peu d’ostentation des œuvres de charité en faisant distribuer des soupes et en distribuant lui-même des secours en argent et en nature aux pauvres de Paris. Champion mourut en 1842.

Petit monde

Delvau, 1866 : s. m. Les membres de la famille, femme et enfants. Se dit aussi à propos d’une Maîtresse.

Delvau, 1866 : s. m. Lentille, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Lentille, — dans l’ancien argot. — La petite bourgeoisie, le monde des boutiquiers, — dans le jargon des vieux débris du faubourg Saint-Germain.

Virmaître, 1894 : Lentille. On dit aussi par allusion de forme et presque de couleur : punaise (Argot des voleurs).

France, 1907 : Lentilles ; argot des voleurs.

Petit noir

France, 1907 : Café ; argot populaire.

Petit nom

Delvau, 1866 : s. m. Prénom, nom patronymique, — dans l’argot du peuple, et spécialement celui des petites dames. C’est le short name des biches anglaises.

Petit papier

France, 1907 : On nomme ainsi les notes, documents recueillis sur certains personnages en vue, pour s’en servir contre eux à un moment donné.

Le petit papier a fait tache d’huile. Il s’est vulgarisé. Il a passé des couloirs de la Chambre, qui ont toujours été des foyers d’intrigue, sur la place publique, que nous autres, vieux républicains, nous nous plaisons toujours à nous figurer accessible seulement aux tourmentes de l’opinion, au soulèvement des passions émancipatrices.

(Germinal)

Petit père noir

Delvau, 1866 : s. m. Broc de vin rouge, — dans l’argot des faubouriens. Petit père noir de quatre ans. Broc de quatre litres.

Rigaud, 1881 : Broc de vin. — Litre de vin rouge.

France, 1907 : Petite mesure de vin ; vieil argot.

— Bravo ! s’écrièrent les bandits en empoignant des petits pères noirs. À la santé du birbe !

(Mémoires de Vidocq)

Le petit père noir de quatre ans est une mesure contenant quatre litres.

Petit pied, petit con

Delvau, 1864 : Proverbe qui forme pendant avec cet autre : Long nez, longue pine.

Regarde au nez et tu verras combien
Grand est celui qui aux femmes fait bien ;
Regarde su pied pour au rebours connaître
Quel le vaisseau d’une femme doit être.

(Moyen de parvenir.)

Petit pot

France, 1907 : Nom que l’on donnait autrefois à une maîtresse qui se chargeait du ménage.

Petit que

France, 1907 : Point et virgule ; argot des typographes ; « ainsi nommé, dit Eug. Boutmy, parce que le signe (;) remplaçait autrefois le mot latin que dans les manuscrits et les premiers livres imprimés ».

Petit saint Jean (nu comme un)

France, 1907 : Cette expression vient de l’usage que l’on avait autrefois de faire figurer dans la procession un petit enfant presque nu, simplement revêtu d’une peau de mouton, à l’instar de saint Jean-Baptiste, dont le costume était des plus primitifs.

Le gendarme, il ôte ses hottes,
Et sa tunique et ses culottes,
Même sa chemise, en songeant
Qu’il en doit couvrir l’indigent.
Aux mains, il se met les menottes,
Puis, nu comme un petit saint Jean,
Dans l’aire du soir il va nageant ;
Et son sabre pour tout insigne,
Son parfum pour feuille de vigne,
En prison, selon la consigne,
Il se conduit lui-même, digne.

(Jean Richepin)

Petit salé

Virmaître, 1894 : Petit enfant.
— Tu ne vas pas faire taire ton salé ; fous-y donc sa gamelle pourqu’il ne chialle plus (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Jeune enfant.

France, 1907 : Enfant nouveau-né.

L’autre après-midi elle est arrivée au Moulin-Rouge suivie d’une nourrice en pélerine classique, avec des rubans… larges comme ça !… pendant jusque sur ses bottines. Et, bien entendu, la nourrice avait un poupon sur les bras. Rose, blond, un vrai chérubin.
Ce cortège a mis en rumeur tout l’établissement. Le directeur est arrivé tout essoufflé. Il a demandé avec stupéfaction :
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— C’est à moi.
— À toi ! Depuis quand ?
— Depuis avant-hier. C’est le petit salé de ma sœur… Y a fallu que je lui donne deux mille francs pour l’avoir ! C’est-y Dieu possible ! Si j’avais fait un enfant comme ça, moi, j’donnerais deux mille francs pour le garder.

(Hugues Le Roux)

Petit sou

France, 1907 : Petit verre d’eau-de-vie d’un sou.

Au coin de la rue du Pollet, un débitant enlevait ses volets. Ils entrèrent prendre un petit sou, debout devant le comptoir. Enfin, tout proche, le clairon sonna le réveil, gaillard et sans rhume.

(Lucien Descaves, Sous-offs)

Petit tondu

France, 1907 : Sobriquet donné par les soldats à l’empereur Napoléon Ier.

Petit tracas (faire le)

France, 1907 : Expression par laquelle nos pères désignaient l’acte vénérien.

Petit trou (le)

Delvau, 1864 : La nature de la femme.

Vilaine ! tu prétends faire entrer cela dans ton petit trou ! Je t’en, défie.

La Popelinière.

O petit trou, trou mignard, trou velu,
D’un poil follet mollement crespelu,
Qui, à ton grè, domptes les plus rebelles.

(Cabinet satyrique.)

Petit vase

Delvau, 1864 : Le con.

Bien connaissez, ami lecteur,
Une espèce de coquillage,
Conque de mer qu’on nomme un pucelage !
Hé bien, de ce vase enchanteur
Tels sont les bords qui de la rose,
Ou plutôt du plus fin corail
Ont la couleur…

Plancher-Valcour.

Petit vitrier

France, 1907 : Chasseur à pied. Jeu de mot sur le vert de l’uniforme.

Les petits vitriers — c’est ainsi qu’on les nomme —
Ont mis leur baïonnette au bout de leur fusil ;
Ils passent lestement sous les pommiers sans pomme,
Ils vont, et leurs pieds noirs font chanter le grésil.

(Paul Déroulède, Chants du soldat)

Petit voltigeur (le)

Delvau, 1864 : Le membre viril, qui, par ses évolutions habiles et réitérées, fait la joie du corps dans lequel il sert comme engagé volontaire.

Dieux ! qu’il sera beau sous les armes.
Quand l’Amour, ce dieu protecteur.
Mouillera, pour doubler ses charmes,
Le front du petit voltigeur.

Guillemé.

Petit-Bleu

Fustier, 1889 : Carte-télégramme. V. Omnibus.

Petit-Hôtel

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Lieu où l’on est déposé avant que d’être conduit en prison. Faire une pose au petit-hôtel, être mis au corps-de-garde.

Petit-maître

France, 1907 : Ce sobriquet fut d’abord appliqué au prince de Condé et à ceux de sa suite qui, après les victoires de Lens, etc., revinrent à Paris et choquaient tout le monde par leur orgueil et leurs grands airs.

Franc étourdi qui se faisait connaitre,
Par ses grands airs, pour homme écervelé,
Et qu’à la cour on nommait petit-maître,
Vieux sobriquet qui s’est renouvellé.

(Grécourt)

Petit-Mazas (le)

Rigaud, 1881 : Le passage du Soleil à Clichy-la-Garenne, un des quartiers habités par les chiffonniers, qui se plaisent à donner des noms pittoresques à leurs cités, comme ceux de : La Cité des Vaches, route de la Révolte ; La Fosse-aux-Lions, à Grenelle ; Le Petit-Bicêtre, du côté de la barrière de Fontainebleau ; La Butte-aux-Puces, quartier des Buttes-Chaumont.

Petit-monde

Larchey, 1865 : Lentille (Vidocq). — Allusion de forme.

Petit-noir

Rigaud, 1881 : Petit ramoneur.

Rigaud, 1881 : Mélange de chicorée et de marc de café vendu et 10 centimes le bol.

Quelques ouvriers retardataires fumaient leur pipe en sirotant un petit noir.

(Hennique, La Dévouée.)

Par extension, débit de café pour les ouvriers.

Fonds de commerce à vendre. Crémerie. Petit-noir. Loyer neuf cents francs.

(Petit Journal, du 1er juillet 1880.)

Petit-nommer

Delvau, 1866 : v. a. Appeler quelqu’un par son petit nom.

Petit-pont (plus bavard qu’une harengère du)

France, 1907 : Le Petit-Pont dont ce vieux dicton fait mention était le plus ancien de Paris et servait de communication entre la Cité et le quartier Saint-Jacques. On le nommait Petit-Pont pour le distinguer du Grand Pont (le Pont au change) sur le grand bras de la Seine. Le Petit-Pont, devenu le pont Saint-Michel, était garni de chaque côté par les étalages des marchandes de poisson, qui clamaient à qui mieux mieux les mérites de leurs marchandises, appelaient les passants, s’apostrophaient entre elles, enfin faisaient un bruit étourdissant ; d’où le dicton.

Petit-que

Boutmy, 1883 : s. m. Le point-virgule ; il est ainsi nommé parce que ce signe (;) remplaçait autrefois le mot latin que dans les manuscrits et les premiers livres imprimés.

Petite (belle-)

France, 1907 : Euphémisme pour cocotte. On dit aussi petite dame, petite femme.

Il est sans exemple qu’une femme qui sait son monde montre maintenant d’autres sentiments que celui d’une complaisante curiosité, lorsqu’il est question d’une belle-petite honnêtement entretenue et en situation de faire bonne figure un peu partout.

(Octave Uzanne., La Française du siècle)

Petite bête (chercher la)

Rigaud, 1881 : Chercher dans une œuvre les fautes de détail ; rechercher les petites erreurs qu’a pu commettre un écrivain.

France, 1907 : Chercher les moindres défauts d’une personne ou d’une œuvre.

— Mon cher, sans moi, ils n’en finissaient pas ; ils discutaient tous les paragraphes de l’acte ; ils ergotaient sur des riens, ils cherchaient la petite bête.
— Alors ils t’ont trouvé pour les mettre d’accord.

(Le Parti ouvrier)

Petite bière

France, 1907 : Chose de peu de valeur, de nulle importance.

Il y a là, au premier rang, un Marseillais plein de verve et de fougue, un capitaine du 3e escadron nommé Barban. En vieil Africain qu’il est, car il a passé la moitié de son existence en Algérie, il se moquait des pierrrots et des bleus qui prétendaient avoir reçu le baptême du feu quelques jours auparavant. Les escadrons avaient en effet servi de cible pendant une demi-heure aux batteries allemandes, mais tout cela était de la petite bière, racontait-il. Changeant de ton cette fois, il s’écrie : — Aujourd’hui, mes frères, est le baptême du feu de tous les diables. Gare aux têtes, surtout ceux qui les ont trop près du bonnet !

(Georges Bastard, Un Jour de bataille)

Ce journaliste intrigant
Gagnant cent mille francs par an,
Celui-là c’est pas d’la p’tit’ bière.

(Ed. Mony, La Chanson du Petit Sucrier)

Petite bière (ce n’est pas de la)

Rigaud, 1881 : C’est fameux, c’est important, pris dans un sens ironique ; c’est-à-dire : ça n’est pas fameux, ça ne vaut pas grand’chose.

Petite bière (ce n’est pas de la) !

Delvau, 1866 : Expression de l’argot du peuple qui l’emploie le plus souvent avec ironie, en parlant de choses d’importance ou qu’on veut faire passer pour importantes.

Petite cavalerie

France, 1907 : Nom que les zouaves et les chasseurs à pied se donnent à eux-mêmes, à cause de la rapidité de leur marche et de leurs mouvements.

Petite chapelle

France, 1907 : Coterie politique, artistique ou littéraire.

France, 1907 : Posture d’une femme assise à croupetons et jupes un peu relevées.

Mes bras, mes jambes, mes appas
Tout ça foutait l’camp, à grands pas,
J’osais pus fair’ la p’tite chapelle
À Grenelle.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Petite chatte

Delvau, 1866 : s. f. Drôlesse qui joue avec le cœur des hommes comme une véritable chatte avec une véritable souris, — dans l’argot de M. Henri de Kock, romancier, élève et successeur de son père.

Petite Conservatoire

France, 1907 : Jeune fille élève du Conservatoire.

Ah ! la plaisante jérémiade habituelle sur la démoralisation par le livre où il est parlé d’amour, par la gravure où s’embrassent des couples ! Ce n’est pas cela qui pourrit le cœur des trottins, des corsagières ou des petites Conservatoire. C’est la victoria de Mlle X…, c’est l’hôtel, c’est les diamants de toutes les autres.

(Marcel Prévost)

Petite dame

Delvau, 1864 : Fille ou femme souvent grande, ou tout au moins de taille ordinaire, qui ne se trouve pas dans le cas de la fille de Jephté, pleurant de n’avoir pu perdre sa virginité.

Je suis la patronne de ce bazar, la mère de dix-huit petites dames auxquelles il te sera défendu de toucher, par exemple.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme, grande ou petite, qui depuis plus ou moins de temps, a jeté son bonnet par-dessus les moulins et sa pudeur par-dessus son bonnet et qui fait métier et marchandise de l’amour.

Rigaud, 1881 : Femme plus ou moins entretenue.

Petite église

France, 1907 : Coterie. On dit aussi petite chapelle.

Tous ces sectaires se divisent en petites églises, ayant chacune son pontife, choisi naturellement par l’imbécillité de son clan, parmi les énergumènes les plus intrigants, ou bien les plus vides d’idées, mais les plus braillards.

(Hector France, L’État aux vérités)

Petite femme

France, 1907 : Nom donné aux dames de mœurs faciles, femmes mariées ou demoiselles du bitume ; euphémisme pour cocotte.

— Garçon, il n’y a pas de petites femmes qu’on pourrait faire monter ?
— Ma foi, Messieurs, ce soir, il n’y a presque personne… Mais si ces Messieurs veulent que j’aille en chercher ?…

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

On dit aussi petite dame :

Boulevard Montmartre.
Un monsieur vient de glisser.
— Saperlotte ! comme Paris est mal entretenu, voilà un trottoir qui ne vaut plus rien.
Une petite dame, avec un soupir :
— À qui le dites-vous, Monsieur !

(Le Journal)

Petite fille

Delvau, 1866 : s. f. Bouteille. Argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Demi-bouteille.
— Viens-tu boire une bouteille ?
— Non, une petite fille suffira (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Demi-bouteille de vin.

France, 1907 : Demi-bouteille de vin.

Les petites files que j’aime
D’un amour extrême,
Ah ! ah ! ah !
C’est les petites filles vermeilles,
Les petit’s demi-bouteilles.

dit une chanson du faubourg.

Hu’ ! nom de Dieu !… v’là qu’j’ai l’hoquet !
Ça s’rait du prop’ que j’dégobille ;
Si j’trouve encore un mastroquet
D’ouvert, je m’paye un’ petit’ fille,
Ça m’débarbouill’ra l’cœur et pis
D’abord, ej’ suis rond comme un disque,
J’m’arronidirai pas pus que j’suis !
Hu ! pis j’m’en fous, moi, qu’est-c’ que j’risque ?

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Petite flûte (la)

Delvau, 1864 : Le membre viril, dont savent jouer les Tulou femelles connues sous le nom de suceuses.

Petite main

France, 1907 : Apprentie fleuriste.

Il raffolait des trottins et principalement des fleuristes. Toutes ces petites mains frétillantes l’émoustillaient à tel point qu’il passait des heures, au coin de la rue, à attendre la sortie des ateliers. Alors il s’attachait aux pas de l’une d’elles, la suivait jusqu’à sa demeure parfois, lui murmurant à l’oreille : « Petite main, petite main, veux-tu gagner vingt francs et un bon souper. »

(Les Propos du Commandeur)

Petite maison

Delvau, 1864 : Bordel particulier qu’avaient, au siècle dernier, aux portes de Paris, les grands seigneurs et les gros financiers : personne n’y baisait qu’eux, et ils y baisaient le plus de filles qu’ils pouvaient.

Mener des fermes de nom
À sa petite maison,
Voilà les belles manières.

Collé.

Petite marine

Bras-de-Fer, 1829 : Bande de voleurs.

Petite oie

France, 1907 : Voir Oie.

Petite oie (la)

Delvau, 1864 : Le travail — attrayant — qui précède le coït ; pelotage des couilles de l’homme par la femme, gamahuchage de la femme par l’homme, etc., etc. La petite oie est moins indigeste — pour la pine — que la grande oie : il y a des gens qui s’en contentent — de peur de vérole.

Or, n’est-il pas certain que l’homme qui triche et ceux qui, comme nous, jouissent des plaisirs de la petite oie, ne font rien de plus que ces moines, que ces religieuses, que tout ce qui vit dans le célibat ? Ceux-ci conservent dans leurs reins, en pure perte, une semence que les premiers répandent on pure perte.

(Thérèse philosophe.)

Elle avait déjà laissé prendre la petite oie à un homme qui la cajolait.

Tallemant des Réaux.

Et il fut maître de ce que nous appelons en France la petite oie.

(La France Galante.)

La petite oie, enfin ce qu’on appelle
En bon français les préludes d’amour.

La Fontaine.

Je ne vis pas dessous la soie
Jambes, cuisses et la petite oie.

Théophile.

Petite Provence

France, 1907 : « Il y a, dans le jardin du Luxembourg, derrière l’ancienne Orangerie, aujourd’hui arrangée en Musée des artistes vivants, une allée large, bien sablée, sans arbres, et doucement baignée de soleil, dans les heures, trop rares, où il daigne sourire aux Parisiens. Le long du bâtiment, règne une série de bancs de pierre encastrés dans la muraille, exposés en plein midi, abrités du vent froid et tout de suite tiédis par le moindre rayon. On trouve des coins semblables dans la plupart des promenades publiques, et tous ont reçu, comme celui-ci, le nom de Petite Provence. Les nourrices et les bonnes d’enfants s’y donnent, naturellement, rendez-vous et l’on y rencontre aussi quelques vieilles gens qui viennent là distraire leur tristesse oisive et chauffer leurs rhumatismes. »

(François Coppée)

Petite-main

Rigaud, 1881 : Ouvrière fleuriste qui fait les pétales et commence à gaufrer, — dans le jargon des fleuristes.

Fustier, 1889 : Il est assez difficile de définir exactement ce que, dans l’argot des ateliers, on entend par cette expression. L’exemple suivant le fera comprendre :

Ils n’étaient que sept pour suffire à cela : un homme, un contre-maître, une femme, la monteuse et sept enfants, les petites-mains. On appelle petites-mains des jeunes gens, filles et garçons qui ne sont plus des apprentis et ne sont pas encore des ouvriers. Il y en a beaucoup même qui n’ont jamais été des apprentis et ne seront jamais des ouvriers. On les reconnaît à ceci : qu’ils reçoivent un salaire d’apprenti pour un travail d’ouvrier.

(Fournière : Sans métier.)

Petites maisons

France, 1907 : Nom donné autrefois aux maisons où l’on enfermait les fous et aux villas où les financiers du siècle dernier cachaient leurs amours illicites.

Nous autres Parisiennes, nous jouissons d’une liberté sans limite ; il est absolument admis que nous sortons à 2 heures pour ne rentrer qu’à 7, sans avoir le moins du monde à rendre compte de nos faits et gestes. La couturière, la modiste et les longues stations faites dans les grands magasins de nouveautés constitueraient, d’ailleurs, le cas échéant, tous les alibis nécessaires à la justification d’une honnête journée. Chacun s’occupe fort peu de ce que fait son voisin, et il y a, de par la grande ville, des rez-de-chaussée à deux issues qui ont remplacé les petites maisons chères aux créanciers du siècle dernier.

(Colombine, Gil Blas)

Petits cadeaux entretiennent l’amitié

France, 1907 : C’est surtout l’amour qu’ils entretiennent, et rien de plus vu que ce conte espagnol : Une jeune et belle marquise accueillit un jour d’un air boudeur son amant qui venait les mains vides. C’était, sans doute, un poète plus amoureux que riche, il s’étonna de sa froideur, surtout quand il en sut le motif : « Hélas ! dit-il, je n’ai que mon cœur à vous offrir. » Alors la marquise lui fit ce discours : « Souvenez-vous que s’il arrivait à une reine de recevoir les vœux d’un valet de ses écuries, elle attendrait de lui quelque petit présent, ne fût-ce que son étrille. » Là-dessus le poète, qui n’était pas sot, réprliqua : « Sans doute, mais elle préférerait le bouchon », faisant allusion au bouchon avec lequel on frotte les chevaux.
Les Anglais ont le même dicton : Giff-gaff makes good friends. Un autre vieux proverbe français dit : Bon présent en amour sert mieux que babil.

Petits cons

Delvau, 1864 : Synonymes : l’anneau, le bijou, le petit centre, le conin, le conichon, l’hiatus divin, le petit lapin, la pissette, le trou chéri, etc., etc. Voici le pour :

Dans un petit con de jeunesse,
Qui n’entend ruse ni finesse,
Jamais je ne vais que le pas.
Je n’ai à faire aucun partage,
Je laboure tout l’héritage,
Encor ne me suffit-il pas.
[…]
Ces petits cons à grosse motte
Sur qui le poil encor ne flotte.
Sont bien de plus friands boucons ;
Le monde s’en irait grand erre
Si j’étais tout seul sur la terre
Et qu’il n’y eût que des grands cons.

Le Sr de Sygognes.

Le contre :

Les cons si estroits de closture
Mettent un vit à la torture
Et le laissent sans mouvement :
J’aimerais mieux branler la pique
Que de foutre en paralytique :
Le plaisir gît au remûment.
[…]
Foutre des cons de ces pucelles,
Serrés comme des escarcelles,
Où te vit n’est en liberté ;
J’ai dans le con de ma voisine
Ma chambre, antichambre et cuisine,
Logis d’hiver, logis d’été.

Motin.

Petits pains (faire des)

Delvau, 1866 : Faire l’aimable, le gentil, afin de se rabibocher. Argot des coulisses.

France, 1907 : Faire l’aimable, flatter, courtiser.

Eulalie trouva son séduiseur dans la rue, en train de faire des petits pains à une autre.
Furibonde, la pauvre abandonnée empoigna quelques cailloux et les foutit à la margoulette du salopiaud. Oh ! il fut peu mouché : une égratignure au-dessus de l’œil.

(Père Peinard)

Petits pieds sales

France, 1907 : Petites figurantes à l’Opéra qui n’ont pas encore trouvé de protecteurs riches pour leur payer une voiture.

— Alors, marquis, lui disait la Salvia, vous donnez dans les petits pieds sales ? On m’a parlé de cela à l’Opéra. Il paraît qu’elle est très jolie de corps et qu’elle a une jambe parfaite… Soyez francs, dans combien de temps allez-vous me lâcher tout à fait et jusqu’à quel âge laissez-vous mûrir ce petit abricot ?…

Les petits pieds sales couraient se regarder dans une large glace qui était au fond de la loge ; elles se plantaient devant, se tournaient, se retournaient, appelaient l’habilleuse ou leur mère si quelque chose n’allait pas bien, sortaient pour descendre au foyer, et, dès qu’elles avaient fini, elles remontaient en sautant, en gambadant, se déshabillaient hâtivement, jetaient leur costume à l’habilleuse, passaient leurs robes, et se dispersaient.

(Edgar Monteil, La Jambe)

Petits soldats de plomb

France, 1907 : Caractères d’imprimerie. « Aligner des petits soldats de plomb », c’est composer ; argot des typographes.

Quand on sait bien aligner les petits soldats de plomb, on vous colle devant une casse, et vous bourrez à quart de pièces ; un peu plus tard, vous avez demi-pièces et ça vous mène à la fin de l’apprentissage.

Petits vernis

France, 1907 : Jeune élégant ridicule. Voir Petit crevé.

Petits vits

Delvau, 1864 : Synonymes : l’asticot, la bibite, le fifre, guiguitte, la quéquette, le salsifis, etc., etc.

Ces petits vits desquels l’enflure
À peine garnit l’ouverture
Des cons, voire des plus petits,
Sont haïs de nous autres, filles,
Et les estimons inhabiles
À chatouiller nos appétits.
Ces petits vits à la douzaine
Ne rendent la nature pleine
Et ne donnent jusque au bout ;
Il semble qui l’on nous farfouille
Ou d’un fétu, ou d’une douille :
Il faut égalité partout
[…]
Ils vont vagabonds par la place,
Sans marquer ni chemin ni trace :
Les murs n’approchent nullement,
Le plancher sur leur chef se hausse,
C’est une volupté sans sauce :
Le plaisir vient du frottement.

Le Sr de Sygognes.

Petmuche

France, 1907 : Signal que se crient les voleurs et les voyous pour annoncer l’approche d’un danger. « Il y a du petmuche », voici la rousse.

Petoche (être en)

France, 1907 : Suivre quelqu’un de près.

Pétomane

France, 1907 : Néologisme inventé depuis quelques années par une célébrité foraine qui s’est baptisée ainsi.

Le pétomane, en noir,
Le faisant à la pose,
À des parfums, chaqu’ soir,
Qui ne sent’nt pas la rose,
Parmi les vents, presto,
Laissant la bergamote,
Il égrène sa note
Au parfum d’haricot.

(Léo Lelièvre)

Peton

d’Hautel, 1808 : Diminutif. Petit pied. Il ne se dit que par plaisanterie des pieds des enfans.

France, 1907 : Petit pied.

— Toi, tu n’as qu’à te mettre une jupe, un bas de tricot, et à poser ton peton sur un tabouret, tu feras un amour de femme géante, à Saint-Cloud. Messieurs les militaires tâteront ton petit mollet, et ils en rêveront la nuit.

(Henri Lavedan, Leur beau physique)

Ah ! que j’en sais, belle nourrice,
Et qui ne sont pas loin d’ici,
Qui se tiendraient heureux de baiser seulement
Les petits bouts de vos petons !

(Molière)

Péton

Rigaud, 1881 : Petit pied. — De jolis petits pétons.

Pétons

Delvau, 1866 : s. m. pl. Pieds, — dans l’argot des enfants, des mères et des amoureux.

Petouner

France, 1907 : Aller furetant, s’occuper de petites choses où l’on n’a que faire. Du français peton, diminutif de pied. Patois du Centre.

Petouze

anon., 1827 : Pistole.

Bras-de-Fer, 1829 : Pistole.

France, 1907 : Pistole ; vieil argent.

Pétouze

Halbert, 1849 : Pistole.

Pétouze, pitroux

Rigaud, 1881 : Pistolet, fusil, — dans l’ancien argot.

Petpet

France, 1907 : Physique ; argot du Borda. D’après une Histoire de l’École navale, ce serait le bruit strident produit par l’étincelle électrique qui aurait fait donner au cours de physique ce singulier nom.

Petpetard

France, 1907 : Professeur de physique ; argot du Borda.

Pétra

Delvau, 1866 : s. m. Paysan, homme grossier, — dans l’argot des bourgeois.

Pétras

d’Hautel, 1808 : Mot vulgaire et trivial qui signifie, balourd, ignorant, grossier personnage.

Pétrifier

d’Hautel, 1808 : Être pétrifié. Pour, rester stupéfait ; être saisi d’étonnement ; rester en extase.

Pétrin

d’Hautel, 1808 : Pour, embarras, peine, mauvais état des affaires.
Il s’est mis dans le pétrin jusqu’au cou. Pour, il s’est fourré dans une mauvaise affaire.

Delvau, 1866 : s. m. Embarras, position fausse ; misère, — dans l’argot du peuple, qui geint alors. Être dans le pétrin jusqu’au cou. Être dans une misère extrême.

Pétrin (être dans le)

Rigaud, 1881 : Être dans rembarras, dans la gêne.

Pétrir

d’Hautel, 1808 : Il est pétri de vif-argent. Pour, il est très-vif, très-turbulent ; il se met facilement en colère.
Elle est pétrie de graces. Pour exprimer qu’une femme ou une demoiselle a de l’aisance, de l’amabilité, de la grace dans tous ses mouvemens.

Pétrole

Rigaud, 1881 : Mauvais vin. — Mauvaise eau-de-vie.

Virmaître, 1894 : Mauvaise eau-de-vie servie dans les assommoirs. Elle brûle l’estomac (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Eau-de-vie ; argot populaire ; ce que les Anglais appellent French cream, crème française.

Des bouges où se rassemble la racaille de l’égout ; où les faces blêmes sont souvent tatouées de pochons noirs, où il coule partout du sang dans les saladiers gluants de vin bleu, où les pierreuses viennent se donner du cœur à l’ouvrage en avalant un verre de pétrole qui leur flanque un coup de fer rouge dans l’estomac…

(Jean Richepin, Le Pavé)

France, 1907 : Mauvais marchand de vin.

Pétroler

Rigaud, 1881 : Incendier les maisons et les monuments publics au moyen du pétrole comme sous la Commune.

Pétroleur

Rigaud, 1881 : Marchand de vin, — dans le jargon des ouvriers qui ont à se plaindre des consommations ou à qui le marchand de vin réclame avec acharnement de l’argent.

Pétroleur, pétroleuse

Rigaud, 1881 : Incendiaire sous la Commune. Partisan de la Commune.

France, 1907 : Injure donnée, en 1871, aux partisans de la Commune et à nombre de pauvres diables accusés par le premier venu d’avoir, à l’aide de bidons de pétrole, mis le feu aux maisons et aux édifices publics, accusation qu’ils payaient de leur vie.

Pétrouille

France, 1907 : Tête. « Dévisser la pétrouille », taper sur la tête.

Pétrousquin

Delvau, 1866 : s. m. La partie du corps sur laquelle on tombe le plus souvent, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Petzouille. Privat d’Anglemont (Paris-Anecdote) donne à ce mot la signification de Bourgeois, public. Il s’est trompé.

Rigaud, 1881 : Derrière. Paysan. — Public, dans le jargon des saltimbanques. Entortiller le pétrousquin en faisant la manche, soutirer de l’argent au public en faisant la quête.

La Rue, 1894 : Le postérieur. Badaud.

Virmaître, 1894 : La partie du corps sur laquelle on tombe le plus souvent. A. D. Pétrousquin, paysan. Malgré la croyance populaire, le paysan n’est pas aussi cul qu’il le paraît. Ce n’est donc pas de là, que vient l’expression. Pétrousquin, ne viendrait-il pas de Pétrus, avec une finale ajoutée (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Paysan.

Hayard, 1907 : Paysan.

France, 1907 : Paysan, badaud ; euphémisme pour cul. D’après Lorédan Larchey, Pétrousquin serait un nom d’homme, diminutif de Petrus, Pierre.

France, 1907 : Fainéant, vaurien. C’est, en terme propre, le derrière.

Je fréquente un tas de pétrousquins dont les figures ne me vont guère.
— Comment ?
— Des pratiques, des loupeurs, des gouapes. La vermine de Paris, parbleu !

(Paul Mahalin, Le Meg)

Petsouille

Virmaître, 1894 : Cette expression est suffisamment claire. Elle désigne un jardinier habitué à travailler la terre ; elle est un terme de mépris lorsqu’elle est employée vis-à-vis d’un bourgeois (Argot du peuple).

Pétun

France, 1907 : Tabac ; vieil argot, d’un mot brésilien.

Pétuner

France, 1907 : Fumer.

Lorsque l’ivresse opportune
N’a point noyé mon souci,
Vite, pour qu’il soit roussi,
À sa barbe je pétune.

(Jean Richepin)

Pétunière

France, 1907 : Tabatière, blague à tabac.

Petzouille

Rigaud, 1881 : Derrière.

Rossignol, 1901 : Paysan, campagnard.

Hayard, 1907 : Même sens — paysan.

Peu

d’Hautel, 1808 : Si peu que rien. Pour dire, très-peu, excessivement peu.
Peu ou prou ; ni peu ni prou. Pour, peu ou beaucoup ; ni peu ni beaucoup.
Excusez du peu. Se dit ironiquement de quelqu’un qui, quelque chose qu’on fasse, se plaint qu’on ne lui donne pas assez ; se dit aussi dans le même sens, de celui qui trouve qu’on le surcharge d’un ouvrage désagréable.
Il n’y en a pas pour peu. Pour dire, il y en a beaucoup.

Peu (excusez du)

Larchey, 1865 : Terme ironique pour dire : Excusez l’apparente énormité du chiffre.

Il y avait 25 000 Français par terre… Excusez du peu !

Balzac.

Peu d’honnêtes femmes qui ne soient lasses de leur métier

France, 1907 : Ce vieux dicton de nos pères, moins courtois que nous pour le beau sexe, a été redit par Molière dans Amphitryon :

On se lasse parfois d’être femme de bien.

Le métier d’honnête femme est pour beaucoup tâche difficile et bon nombre ne restent honnêtes que parce qu’elles ne peuvent faire autrement ; aussi l’on disait : « Qui a femme à garder, n’a pas journée assurée  » ; — « Femmes et frontières sont mauvaises à garder, car la femme estime toujours que son voisin est violette. »

Peu mon neveu (un)

Rigaud, 1881 : Oui ; je crois bien.

Peuple

d’Hautel, 1808 : Du petit peuple. Nom de mépris que l’on donne aux artisans, aux ouvriers de la plus basse classe du peuple, qui, cependant, par leur industrie, leurs fatigues et leurs peines, font la fortune de nos gros négocians.
La voix du peuple est la voix de Dieu. Pour dire que le sentiment général, ordinairement, est fondé sur la justice et la vérité.

Delvau, 1866 : s. m. Public, — dans le même argot [des faubouriens]. Se foutre du peuple. Insulter à l’opinion reçue, accréditée. Un faubourien dit volontiers à un autre, lorsqu’il est molesté par lui ou lorsqu’il en reçoit une blague un peu trop forte : Est-ce que tu te fous du peuple ?

Delvau, 1866 : s. et adj. Commun, vulgaire, trivial, — dans l’argot des bourgeoises, qui peut-être s’imaginent être sorties de la cuisse de Jupiter ou d’un Montmorency. Être peuple. Dire ou faire des choses de mauvais goût.

France, 1907 : Peuplier ; argot populaire. Vieux mot, du latin populeus.

Peuple (faire un)

Fustier, 1889 : Argot des voyous. Faire partie de la figuration dans un théâtre quelconque.

Peuple, du public (se moquer du)

Larchey, 1865 : Insulter à l’opinion.

Grande colère du père Duchesne contre M. Veto qui se fout du peuple.

1793, Hébert.

Encore fort usité.

Peuplier

Fustier, 1889 : Gros fragment de tabac.

Peur (la)

France, 1907 : On désignait ainsi, dans les provinces du Centre, l’époque de la Revolution, où des terreurs paniques faisaient prendre les armes à toute la France. On disait : « Mon père est né l’année de la Peur. »

Peurette (à la)

France, 1907 : À l’aise. Se mettre à la peurette, c’est ne conserver que les vêtements indispensables pour ne pas souffrir de la chaleur sans la décence ; patois meusien, corruption de pureite, qu’on dit encore en Picardie.

Peut

France, 1907 : Laid, vilain, désagréable ; patois lorrain, bourguignon, morvandiau ; du vieux français put, pute, qui vient lui-même du latin putare, puer, d’où nous avons fait pute, putois, putride. Quelques étymologistes font venir pute du sanscrit poutri, fille, d’où le diminutif latin puella, jeune fille, d’où pucelle, bacelle en lorrain, et l’augmentatif italien putana.
Dans le Virgile travesti de Scarron, Jupiter apostrophe ainsi Vénus :

… Petite putine !
D’où depuis on a fait putain,
Car notre langue se raffine.

Dans l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, J. Brivois écrit que dans la partie de la Champagne voisine de la Bourgogne on dit :

Peute femme, beau cul ;
Peut chien, belle queue.

Dans une chanson nivernaise on trouve ce quatrain :

Quand elles sont gentes,
Réveillons les filles ;
Quand elles sont peutes,
Laissons-les dormir.

En d’autres patois, peut signifie petit : Peute gache, petite fille.

À peute chatte, jolis mirons.

Peut-être

d’Hautel, 1808 : Un peut-être empêche de mentir.

Pévéreux

d’Hautel, 1808 : Pour, pédant, homme fier, hautain, orgueilleux.
Il fait son pévéreux. Pour, il fait le précieux, l’important.

Pèze

Larchey, 1865 : Argent (Vidocq). — De pesos, monnaie espagnole.

Rossignol, 1901 : Argent.

Hayard, 1907 : Argent.

France, 1907 : Argent. Voir Pèse.

Les chouettes zigues qui m’ont fait affurer du pèze…

(Mémoires de Vidocq)

Pèze ou pèse

Virmaître, 1894 : Argent. L’expression est due à Frédérick-Lemaître. Il jouait avec Clarisse Miroy à la Porte-Saint-Martin sous la direction Harel. Ce dernier n’aimait pas payer ; un soir qu’il était en retard avec les appointements du grand artiste, celui-ci ne voulut pas entrer en scène avant d’être réglé. Il envoya Clarisse à la caisse ; elle en revint peu après avec un énorme sac de pièces de cent sous. Elle le tend il à Frederick.
— Tiens, pèse !
Depuis ce temps, on dit dans le peuple :
— As-tu du pèse ? (Argot du peuple).

Phalange

Fustier, 1889 : Main.

Ils vous ont des façons étranges,
Pires que des étaux de fer.
De vous écraser les phalanges,
En vous disant : « Bonjour, mon cher ! »

(Frondeur, déc. 1879.)

France, 1907 : Main : ne s’emploie guère que dans de sens : serrer les phalanges, serrer la main.

Phalangekès

La Rue, 1894 : Doigt.

Phallus impudicus

France, 1907 : Sorte de champignon qui affecte la forme d’un membre viril. On l’appelle aussi satyre impudique.

Pharamineux

Larchey, 1865 : Éblouissant comme un phare.

Delvau, 1866 : adj. Étonnant, prodigieux, inouï, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Fameux, merveilleux, éblouissant ; c’est-à-dire lumineux comme un phare.

France, 1907 : Étonnant, extraordinaire ; argot populaire. C’est l’adjectif appliqué dans les campagnes bourguignonnes aux loups-garous et autres bêtes fantastiques. On trouve également cette expression dans le patois saintongeais. Ce n’est peut-être que la corruption du grec phénomenon.

Pharaon

Delvau, 1866 : s. m. Roi de n’importe quel pays, — dans l’argot gouailleur des gens de lettres.

Phare

Delvau, 1866 : s. m. Lampe, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Lampe, — dans le jargon des typographes.

France, 1907 : Lampe ; argot des typographes.

Pharos

anon., 1827 : Gouverneur d’une ville.

Bras-de-Fer, 1829 : Gouverneur d’une ville.

Halbert, 1849 : Gouverneur d’une ville.

Rigaud, 1881 : Gouvernement. — Ministre. — Préfet et, en général, tous les hauts fonctionnaires ! de l’État, qui, en grand uniforme, sont éblouissants comme des phares, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Chef ; argot des voleurs.

L’ancien abbé éleva sa lumière à hauteur de son visage, et, éclatant de rire :
— Allons, taffeurs, ne renaudez pas ! fit-il ; me prenez-vous pour un raille ou le rabouin ?
Alors, tout à coup, ce fut une explosion de cris, d’exclamations de joie et de surprise :
— Le grand pharos !
— Le grand meck !
— Le grand dab !
Et les yeux étincelants, la figure enluminée par une douce émotion, agitant leurs bonnets, aspirant à lui serrer la main, tous se précipitèrent, l’entourèrent, le pressèrent, l’acclamèrent.

(Edmond Ladoucette, Le Petit Caporal)

Phecy

France, 1907 : Calotte ou fez des chasseurs d’Afrique. Les polytechniciens appelaient autrefois le ce nom leur calotte d’intérieur.

Phénix est la femme oisive et sage

France, 1907 : Ce dicton, tiré d’une maxime de Pythagore, corrobore cet autre parfaitement vrai que « l’oisiveté est la mère de tous les vices », car une honnête femme n’est jamais oisive. « Femme qui ennuy file, disaient nos pères, (femme désœuvrée) porte chemise vile. » Et encore : « Fille oisive, au mal est pensive. » On appelle phénix une chose rare, extraordinaire ; un sonnet sans défaut, comme disait Boileau, et la femme en question, plus rare encore à trouver que le susdit sonnet.
Le phénix était un oiseau fabuleux adoré par les Égyptiens. Ils le figuraient de la grandeur d’un aigle, la tête surmontée d’une huppe. Il n’y en avait jamais qu’un à la fois et toujours le même, car après avoir vécu 500 ans il volait sur les bords du Nil, se préparait un nid de plantes aromatiques qu’il exposait au soleil, l’allumait lui-même en battant des ailes, se posait dessus et se consumait. Mais de ces cendres naissait un ver qui se transformait peu à peu en un phénix semblable au premier. Ovide, dans ses Métamorphoses, raconte tout cela et fort sérieusement. Hérodote est le premier écrivain qui ait parlé du phénix. Sous ces fables ridicules se cachait le symbole de l’immortalité de l’âme.
C. de Méry a donné en vers la traduction d’Ovide :

Un oiseau merveilleux, unique dans le monde,
Ressuscite et renait de sa cendre féconde ;
C’est le phénix. Nourri dans des bois odorans
Et des sucs de l’amour et des pleurs de l’encens,
Il dédaigne du grain la pâture grossière.
Après cinq cents étés, terme de sa carrière,
Au sommet d’un palmier, à l’aide de son bec,
Il se bâtit un nid, ramasse du bois sec,
Y joint l’épi du nard, la myrrhe, la cannelle.
Couché sur ce bûcher, où la flamme étincelle,
Il meurt dans les parfums : sa tombe est son berceau.
Du phénix qui n’est plus, naît un phénix nouveau,
Qui vit cinq cents étés, et qui meurt pour revivre,
Quand l’âge à son essor a permis qu’il se livre,
De son nid suspendu dégageant le rameau,
Il l’enlève, et, chargé de ce pieux fardeau,
Au temple où du soleil on admire l’image,
Des cendres de son père il apporte l’hommage.

Phénomène

Delvau, 1866 : s. m. Parent qui vient pleurer sur une tombe, ou seulement la visiter, — dans l’argot cruel et philosophique des marbriers de cimetière.

Rigaud, 1881 : Original.

Philanthrope

Larchey, 1865 : Filou (Vidocq). — Jeu de mots.

Delvau, 1866 : s. m. Filou, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Filou, — dans le jargon des voleurs. Et la variante : Philibert. — Jeu de mots par changement de finales.

La Rue, 1894 : Filou.

France, 1907 : Filou ; jeu de mot des voyous.

Philatéliste

France, 1907 : Collectionneur ou amateur de timbres-poste.

L’empereur Alexandre III était, on le sait, un philatéliste distingué, et l’on raconte, au sujet de sa collection, une anecdote curieuse.
Un jeune homme du Wisconsin avait consacré ses épargnes à l’achat des timbres nouveaux rappelant le centenaire de la découverte de l’Amérique et les avait fait parvenir au puissant souverain. Le tsar répondit à cet envoi par celui d’une collection complète de timbres russes de toutes les émissions et n’ayant jamais servi.

Philémon-baucis

Virmaître, 1894 : Quand deux bourgeois jouent aux dominos, et que l’un d’eux se débarrasse du double-six, il s’écrie en riant :
— Filez mon beau six (Argot des bourgeois).

Philibert

Rossignol, 1901 : Celui qui fait le Philippe.

Philippe

Larchey, 1865 : Écu à l’effigie de Louis-Philippe.

On dit que tu as poissé nos philippe.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Pièce décent sous en argent à l’effigie de Louis-Philippe, de Charles X ou de Napoléon, — dans l’argot des faubouriens, qui ont voulu avoir leurs louis comme les gentilshommes.

Rossignol, 1901 : Celui qui a la spécialité de faire le vol au rendez-moi ou rendem, fait le philippe.

France, 1907 : Pièce de cent sous ; argot des faubouriens.

Philippes

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Écus de six francs.

Bras-de-Fer, 1829 : Écus.

Philippine (bonjour)

France, 1907 : Expression dont on se sert dans le Nord pour réclamer de quelqu’un de connaissance un petit présent, après qu’à table on a partagé une amande double. À la première rencontre, la personne qui dit de suite : Bonjour, Philippine ! gagne un cadeau à la discrétion du perdant. Cet usage vient d’Allemagne. Philippine est une altération de l’allemand Philippchen, qui est lui-même une altération de viel liebchen, bien aimé ; c’est dire qu’est Allemagne ce petit jeu ne se fait qu’entre personnes de sexe différent.

Philistin

Larchey, 1865 : « À propos, qu’est-ce qu’un Philistin ? — Autrefois, en Grèce, il s’appelait béotien ; on le nomme cokney en Angleterre ; épicier ou Joseph Prud’homme à Paris, et les étudiants d’Allemagne lui ont conféré l’appellation de Philistin. » — Neuville.

Delvau, 1866 : s. m. Vieil ouvrier abruti, — dans l’argot des tailleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Bourgeois, — dans l’argot des romantiques.

Rigaud, 1881 : Ouvrier abruti par la boisson, — dans le jargon des tailleurs.

Fustier, 1889 : Ouvrier tailleur.

Les ouvriers aux pièces, les plus gais, ont la qualification de philistins.

(Henri IV, 1882.)

La Rue, 1894 : Bourgeois n’aimant ni les arts, ni les lettres.

France, 1907 : Terme de mépris par lequel les étudiants allemands désignent les gens étrangers aux universités, principalement les marchands, et qui est passé chez nous avec le sens d’ignorant, de bourgeois, d’étranger aux choses de l’art.

À propos, qu’est-ce qu’un philistin ? Autrefois, en Grèce, il s’appelait Béotien ; on le nomme cockney en Angleterre, épicier ou Joseph Prudhomme à Paris, et les étudiants d’Allemagne lui ont conféré l’appellation de philistin.

(L. de Neuville)

À tout prix, on ne veut pas être confondu avec un philistin ou — comme dit énergiquement l’argot moderne — aves un « mufle ». Le moindre bourgeois prétend désormais au titre de dilettante. Mais, comme il n’a pas, en ces matières difficiles, de goût spécial, de préférence personnelle, il accepte avec obéissances le dernier caprice de la mode, il répond passivement à l’appel du dernier cri, il s’embarque, sans dire « ouf » sur le dernier bateau. Bien vite, le plus ordinairement, la mode change, le cri s’éteint, le bateau fait naufrage. Qu’importe ! Le faux artiste, le snob, en est quitte pour changer d’avis, pour demander le nouveau mot d’ordre et se conformer à la consigne la plus récente.

(François Coppée)

France, 1907 : Vieil ouvrier abruti ; argot des tailleurs.
On dit, par plaisanterie, de quelqu’un qui s’appuie la mâchoire sur sa main : « Il se prépare à faire la guerre aux philistins », c’est-à-dire « Il est un âne » ; allusion à la fameuse mâchoire dont se servit Samson contre ces ennemis du peuple d’Israël et avec laquelle il en tua mille !

Philosophe

Larchey, 1865 : Pauvre. — Philosophie : Misère (Vidocq). — Allusion ironique à la nécessité de la sagesse. — Philosophe : Savate, vieux soulier revenu des vanités de ce monde V. Arpion.

Delvau, 1866 : s. m. Misérable, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Misérable, — dans l’argot de la police. — Grec opérant sans compère. (L. Larchey) Dans l’argot des grecs, on entend encore, par philosophe, le tricheur qui se contente d’un petit bénéfice et cultive les dupes d’un petit rapport. C’est sous ce nom que les matadors de la Grèce désignent leurs confrères en blouse qui exercent chez les marchands de vin.

Fustier, 1889 : Argot des lycéens. Élève de la classe de philosophie.

La Rue, 1894 : Misérable. Grec. Vieux soulier.

France, 1907 : Misérable, voleur.

Lorsqu’un de ces philosophes fait un bon coup, il enlève ses loques, prend un bain pour tuer sa vermine, s’habille au Temple et devient souteneur, camelot, vendeur de programmes, de contremarques, et quelquefois l’aide d’un petit bookmaker. Le fourline ou philosophe est de tous les malfaiteurs le moins habile ; toute prévoyance, même élémentaire, lui est inconnue, il ne dérobe que ce qu’il voit bien à sa portée. D’abord on se défie de lui, car sa misère et ses haillons le font facilement connaitre. Il explore de préférence les poches apparentes, larges, et commet souvent le vol « au poivrier. »

(G. Macé, Un Joli Monde)

Philosophes

Halbert, 1849 : Souliers.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Souliers d’occasion, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Vieux souliers.

Virmaître, 1894 : Des souliers. Ils sont bien forcés d’accepter le temps comme il est, boue ou neige, et le pied qui les chausse. On appelle également philosophes des grecs qui opèrent seuls dans les cercles et dans les tripots. Le philosophe d’allumage est celui qui prépare les pontes, qui en ce cas deviennent des pantes (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Souliers.

France, 1907 : Chaussures ; elles supportent tout. Philosophes de neuf jours, souliers percés.

Philosophes de neuf-jours

Delvau, 1866 : Souliers percés.

Philosophie

Delvau, 1866 : s. f. Misère.

Rigaud, 1881 : Misère. — Faire sa philosophie, être malheureux, — dans le jargon des déclassés.

La Rue, 1894 : Misère.

France, 1907 : Misère.

Photo

Rigaud, 1881 : Photographie. Photographe. — Aller chez le photo ; se payer sa photo.

France, 1907 : Abréviation de photographie ; argot courant.

Photographe

Rossignol, 1901 : Aide de l’exécuteur qui tient par les oreilles la tête du condamné, lorsqu’il a le cou dans la lunette de la guillotine ; il tire dessus de façon qu’il ne la rentre pas dans les épaules, et que le couteau lui tombe sur le cou. L’aide qui fait habituellement le photographe est en activité depuis quarante ans, ayant débuté à l’âge de 16 ans. Il était précédemment exécuteur en Corse. Il y avait à une époque un bourreau par cour d’appel et, lors de leur suppression, il vint comme aide à Paris où il construisit les guillotines actuelles, les anciennes ayant été brûlées en 1871. Étant le plus ancien et le seul de première classe, il comptait sur la succession de Deibler qui lui revenait de droit, mais le ministre de la Justice a jugé à propos de nommer le plus jeune, arrivé, il y a six ans, d’Algérie, où il était aide de l’exécuteur Rasenœud [NDLR : Rasseneux], nom prédestiné.

Photographier (aller se faire)

Rigaud, 1881 : Aller se faire f…iche, comme l’écrivait le père Duchêne. Variante adoucie.

Phraseur

Delvau, 1866 : s. m. Beau diseur de phrases, c’est-à-dire bavard, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Bavard.

Phyllorodomancie

France, 1907 : Divination tirée du bruit produit par une feuille de rose plissée que l’on fait éclater en la frappant sur le front.

Physique

d’Hautel, 1808 : Il a un drôle de physique. Se dit par ironie d’un homme dont la constitution est bizarre, originale, difforme ; qui a la figure risible et singulièrement contournée.

Phytolatrie

France, 1907 : Culte des forêts et des arbres qui se trouve ou dont on trouve les traces chez presque tous les peuples, dans l’Inde, en Perse, en Grèce, en Italie, chez les Germains, les Slaves, les Gaulois, les Sibériens, les Finnois, en Amérique comme en Océanie. Néologisme formé du grec phyton, plante, et latreia, culte.

Piaf

Larchey, 1865 : Vanité, orgueil (Vidocq). — Au moyen âge. l’homme fastueux était un piafart. V. Roquefort. — Mot expressif : — Le vaniteux piaffe comme un cheval de luxe.

Rigaud, 1881 : Orgueil, amour-propre. De piaffer ; emprunt au vocabulaire hippique. Le cheval qui piaffe témoigne de l’orgueil à sa manière, un orgueil mêlé d’impatience.

Piaffe

d’Hautel, 1808 : Hâblerie, fanfaronnade ; éclat emprunté.
Tout en lui n’est que piaffe. Pour, il n’a qu’un luxe imposteur ; tout en lui n’est que faux brillant.

Delvau, 1866 : s. f. Orgueil, vantardise, esbrouffe.

France, 1907 : Orgueil, ostentation. Vantardise, « Faire de la piaffe. » Argot populaire.

De l’éducation ébauchée par une mère qui était Florentine, qui avait dans l’être toutes les ardeurs dévotieuses, toutes les croyances étroites de cette race italienne si étrange, à la fois jouisseuse, affolée de plaisir, de piaffe, de chimères et hantée par l’effroi de l’au-delà, par le remords du péché.

(R. Maizeroy, Vieux garçon)

Piaffer

France, 1907 : Faire le beau.

Les ardents, les grands coureurs, les bons buveurs, ceux qui rient à se déboutonner d’un coup, ceux qui blaguent et baffrent et piaffent autour des filles, ce sont nos papas.
Leurs fils, mièvres, malsains, dégoûtés, font des mines de nonnettes scandalisées, rêvent, sourient à peine du bout du poil rare qui pousse à leurs lèvres, et se reposent avec des gestes las.
S’ils daignent parler, c’est de la tristesse de vivre.

(Le Journal)

Piaffeur

d’Hautel, 1808 : Pompeux, brillant, magnifique ; qui impose par des dehors trompeurs.

Piaffeuse

Fustier, 1889 : La dernière expression du chic est celle de piaffeuse pour désigner la femme élégante et bien prise dans le harnais de la mode. Le mot n’a rien de désobligeant ; piaffeuse : qui se tient droite et porte beau.

(Gaulois, sept. 1887.)

Piaille

Rossignol, 1901 : Domicile, maison.

Piailler

d’Hautel, 1808 : Crier, dire des injures, jeter les hauts cris.

Delvau, 1866 : v. a. Crier.

France, 1907 : Crier. Ce mot est assez général dans toutes les provinces, l’orthographe et la prononciation seules diffèrent. En Lorraine, piaï.

Maintenant que l’alliance russe est devenue sérieuse, je veux espérer que les faiseurs brevetés de revues et les fournisseurs habituels de cafés-concerts vont nous épargner l’audition de chansons soi-disant patriotiques piaillées par des demoiselles mal bâties et affublées d’un uniforme soi-disant russe.

(Le Gil Blas)

Piaillerie

d’Hautel, 1808 : Criaillerie, clabauderie.

Piailleries

France, 1907 : Cris.

Les mots lui venant à travers une volubilité effrénée, elle les lui jetait à la figure coup sur coup ; et on n’entendait plus dans la maison que ses piailleries qui dominaient jusqu’à l’égosillement des pinsons, mis en gaieté par le bruit.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Piailleur

d’Hautel, 1808 : Celui qui ne fait que piailler ; qui crie pour la moindre chose.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui aime à gronder, à crier après les gens. On dit aussi Piaillard.

Pian-pian

d’Hautel, 1808 : Mots dérivés de l’Italien, et qui signifient tout doucement.
Qui va pian va san, qui va san va long-temps. Signifie que celui qui va doucement va plus loin que celui qui va d’abord trop vivement.

Piane-piane

Delvau, 1866 : adv. Doucement, piano-piano, — dans l’argot des bourgeois.

Pianeuse

France, 1907 : Tapoteuse de piano, la peste des maisons parisiennes et autres.

Aussi, je vous le dis sans fard, laissons les pauvres bas-bleus à leur marotte inoffensive et exterminons la pianeuse. La grande maladie de la femme, c’est la gamme. Tout son malheur vient de là, et tout son crime. Rendons le piano à la musique et les enfants à leurs mères.

(E. Bergerat)

Pianiser

France, 1907 : Jouer du piano d’une façon plus ou moins passable et assommante pour les auditeurs.

Elle est folâtre, elle est touchante,
Elle pianise, elle chante
Et lit les auteurs en renom
Bref, rien ne l’empêche de prendre
Cet ange très bouffant, sinon
Que tu balances à te pendre.

(Louis Veuillot, Les Couleuvres)

Pianiste

Rigaud, 1881 : Valet de bourreau. Celui qui accompagne le bourreau comme un pianiste accompagne un chanteur ; celui qui joue une partie accessoire dans la représentation de la mort juridique, — dans le jargon des voyous.

La Rue, 1894 : Valet de bourreau.

France, 1907 : Valet de bourreau ; argot populaire.

C’est le pianiste qui a l’honneur d’accompagner l’exécuteur des hautes œuvres sur le théâtre rouge. C’est lui qui boucle sur la touche unique du clavecin sinistre le patient qui va éternuer dans le son, comme disent les surineurs en leur langage cynique.

(Émile Gouget, L’Argot musical)

Piano

Rossignol, 1901 : Poêle, cuisinière, ainsi nommé par les chefs de cuisine.

Piano (jouer du)

Rigaud, 1881 : Trotter d’une manière irrégulière, — dans le jargon des maquignons.

France, 1907 : Se dit d’un cheval qui a le trot désuni ; on dit aussi qu’il forge.

Piano (vendre son)

Rigaud, 1881 : « Le moindre récit pathétique, une phrase sentimentale, un mot touchant, un mouchoir sur les yeux, une larme et la croix de sa mère, tout cela se traduit par : vendre son piano. Depuis le jour où Bouffé, dans Pauvre Jacques, fit couler des ruisseaux de larmes dans une scène où il est forcé de vendre son piano, les verbes s’attendrir, pleurer, s’apitoyer, larmoyer, etc. ont été remplacés par : vendre son piano. » (J. Dullot.)

Piano de Savoyard

France, 1907 : Vielle ; argot populaire.

Piano du pauvre

France, 1907 : Haricots.

L’abbé possédait en son grenier six sacs énormes de ce légumineux populaire qu’un homme d’esprit a appelé le piano du pauvre.

(Marc Anfossi)

Piano du pauvre (le)

Virmaître, 1894 : Des haricots. Allusion au bruit du lendemain (Argot du peuple).

Piano-morbus

France, 1907 : Maladie endémique instrumentale qui détruit la santé des jeunes filles et assomme les générations.

Piano-piano

France, 1907 : Doucement.

Pianomane

Rigaud, 1881 : Infortuné de l’un ou de l’autre sexe atteint de la manie du piano.

La loge Asberg était mélomane, pianomane forcenée, en la personne de sa fille chérie.

(Ch. de Boigne.)

Pianopolis

France, 1907 : Paris ; argot des pianophobes.

Pianotage

Rigaud, 1881 : Action de mal jouer du piano.

Pianoter

Larchey, 1865 : Jouer médiocrement du piano.

On ne devait pas pianoter pendant la nuit.

Balzac.

Delvau, 1866 : v. n. Toucher du piano, médiocrement ou non, — dans l’argot du peuple, ennemi de cet instrument de bourgeois.

Rigaud, 1881 : Jouer suffisamment du piano pour se faire plaisir à soi-même et agacer les autres.

France, 1907 : Remuer les doigts de façon à indiquer à un joueur les cartes de son adversaire.

Un ser qu’est rup, servant croupier,
C’est en croupant de pianoter.

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

France, 1907 : Jouer du piano comme la généralité des demoiselles, c’est-à-dire assommer ses voisins et même ses proches.

Les femmes qui écrivent sont dix fois moins nombreuses que les femmes qui peignent. Les femmes qui peignent sont cent fois inférieures en nombre à celles qui jouent la comédie. Les femmes qui jouent la comédie sont, aux femmes qui pianotent, comme un est à cent mille, attendu que toutes les femmes pianotent et égratignent l’ivoire.

(Émile Bergerat)

Pianoter, jouer du piano

Rigaud, 1881 : Filouter, — dans l’argot des voyous.

Pianoteur

Delvau, 1866 : adj. et s. Amateur qui connaît le piano pour en avoir entendu parler et qui tape dessus comme s’il était sourd — et ses voisins aussi. Au féminin Pianoteuse.

Piasser

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Se coucher.

Piau

d’Hautel, 1808 : Mot du jargon typographique qui signifie mensonge, bourde, conte fait à plaisir.
Conter sa piau. Causer au lieu de travailler.

anon., 1827 : Lit.

Bras-de-Fer, 1829 : Lit.

Delvau, 1866 : s. f. Mensonge, histoire, blague, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Plaisanterie, charge d’atelier. — Mensonge, — dans le jargon des typographes.

Rigaud, 1881 : Lit. Pincer le piau, garder, prendre le lit.

Notre auteur a été si fourlour qu’il s’est vu contraint de pincer le piau.

(La Caricature, journal, dessin de Traviès.)

Boutmy, 1883 : s. f. Conte, plaisanterie incroyable, menterie. Conter une piau, c’est mentir, faire un conte invraisemblable. Nous ne connaissons pas l’origine de cette locution.

La Rue, 1894 : Lit. Mensonge. Plaisanterie, blague. Piausser, se coucher.

Virmaître, 1894 : Cette expression est employée dans les ateliers de composition en réponse à une question indiscrète ou ridicule. Piau, c’est tout dire. Quand on ne veut pas répondre, on se contente de dire :
— Il est derrière le poêle chez Cosson. C’est tout.
Si l’insistance est trop grande, on dit :
— Va donc chier dans le cassetin aux apostrophes.
Cette dernière expression est également employée quand un camarade devient riche :
— Il a chié dans le cassetin aux apostrophes.
En ce cas, elle ne sert pas souvent, car nos camarades, les typos, nous ressemblent, le travail ne les enrichit guère (Argot d’imprimerie). N.

France, 1907 : Vantardise, mensonge, conte invraisemblable ; argot des typographes.

Piaulard

d’Hautel, 1808 : Qui crie, qui pleure toujours. Le peuple prononce pialard.

Piaule

M.D., 1844 : Maison.

Halbert, 1849 : Chambre, taverne.

Virmaître, 1894 : La maison.
— Y a pas, faut rappliquer à la piaule de la dabe, sans ça pas de boulottage à la clé.
Pourquoi piaule ? Delvau dit que c’est une allusion aux nombreux enfants qui piaillent dans la maison. Ne serait-ce pas plutôt à cause du pieu (lit) dont par déformation on a fait piaule ? C’est plus que probable (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Maison.

France, 1907 : Maison, chambre, logis ; argot populacier. On écrit aussi piole.

Où aller ? Se rentrer à la piaule ? Non, il a peur d’être seul… Il a vagabondé… attiré par la boustifaille, comme les mouches par la lumière, il est venu s’affaler à la porte d’un restaurant.
Du sous-sol l’odeur du frichti monte, il entend les bruits de la vaisselle, les rigolades des boustifailleurs…
Il n’en peut plus, le pauvre bougre ; les jambes coupées par la famine, il s’avachit sur le trottoir.

(Le Père Peinard)

anon., 1907 : Chambre.

Piaule ou Piolle

Delvau, 1866 : s. f. La maison, le logis, — dans l’argot des voleurs, qui peut-être ont voulu faire allusion aux nombreux enfants qui y piaillent comme autant de moineaux affamés. La piaule a l’air rupin. L’appartement est bon à dévaliser.

Piaule, piolle

Larchey, 1865 : Taverne. — Du vieux mot piot : vin. V. Roquefort. Ce dernier donne pioller, s’enivrer. V. Artie.

Piauler

d’Hautel, 1808 : Se dit des enfans qui crient, qui pleurent sans motifs.

France, 1907 : Crier, même sens que piailler.

Grand brouhaha. On court dans toutes les directions, les femmes crient, les enfants piaulent, les chiens aboient ; des hommes grimpent sur les chariots, d’autres s’embusquent dessous, tandis que deux en avant du corral me couchent en joue, — Bonjour, étrangers ! dis-je, ôtant mon chapeau et faisant un grand salut. Vous semblez un peu excités. Que diable avez-vous ?

(Hector France, Chez les Indiens)

Piauler (se)

France, 1907 : Rentrer chez soi.

Piaulle

La Rue, 1894 : Maison. Logement. Se piauller, rentrer chez soi.

Piaulle, piolle

Rigaud, 1881 : Maison, logement, chambre. — Piauler, dormir.

Piausser

Bras-de-Fer, 1829 : Se coucher.

Delvau, 1866 : v. n. Mentir, blaguer, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Se coucher. C’est la variante de pioncer et de piauler, dormir.

Rigaud, 1881 : Blaguer, mentir, plaisanter, faire des charges, — dans le jargon des typographes. — Piausseur, mauvais plaisant, conteur de bourdes.

Boutmy, 1883 : v. intr. Dire des piaux, mentir.

France, 1907 : Mentir, dire des piaux ; argot des typographes.

France, 1907 : Dormir, se coucher ; argot des voleurs ; du vieux français piautre, paillasse. De piausser on a fait pioncer.

Piausser (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Revêtir un vêtement nouveau, une nouvelle peau, — dans l’argot des voyous. Quelques-uns, puristes du ruisseau, disent Peausser.

Piausser ou pioncer

Halbert, 1849 : Se coucher, dormir.

Piausseur

Delvau, 1866 : s. m. Menteur, blagueur.

Boutmy, 1883 : adj. Qui conte des piaux, qui fait des mensonges.

France, 1907 : Menteur ; argot des typographes.

Piautre

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais garnement, — dans l’argot du peuple. Envoyer au piautre. Envoyer au diable. Vieille expression se trouvant dans Rétif de la Bretonne.

France, 1907 : Mauvais garnement. « Envoyer aux piautres », envoyer au diable.

On l’eût pris, sans mentir, à son air, à sa grâce,
À son joli menton non encor cotoné,
Pour le jeune Apollon ou Cupidon l’aîné.
J’avais pour cet ingrat écartés tous les autres,
Les envoyant tretous, comme l’on dit, aux piautres.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Pic

France, 1907 : Apocope de picaillon.

Pic (à)

Delvau, 1866 : adv. A point nommé, à propos, heureusement. Venir ou Tomber à pic. Arriver au moment le plus opportun.

France, 1907 : À point nommé, au moment opportun.

— J’étais en train de m’étirer dans mon lit et de bayer aux corneilles lorsque la petite Séraphine, la fille de la concierge, est montée. On peut dire qu’elle arrivait à pic.

(Les Propos du Commandeur)

Pic (tomber à)

Larchey, 1865 : Tomber à point.

Pic en terre

Clémens, 1840 : Poularde.

Picahou !

France, 1907 : Cri que poussent les enfants la veille de Noël, à Orthez.

Ils s’en vont par les rues, criant : Picahou ! hou ! hou ! et s’arrêtent particulièrement devant les maisons où ils savent qu’il y a des nouveaux-nés. On leur jette des pommes, des châtaignes et des noix.

(V. Lespy et P. Raymond)

Picaillon

France, 1907 : Argent ; synonyme de quibus ; corruption de picaron, monnaie espagnole ; argot populaire. On dit dans le Béarn picahou.

Avec des pains d’sucr’ son père,
Avait gagné des millions,
Amassant des picaillons,
Spéculant sur la misère
D’l’ouvrier qui, pour trois francs,
Va s’crever douze heur’s de temps.

(Ed. Momy, La Mort du soldat millionnaire)

Pour gagner quèqu’ picaillons,
On a bien du mal sans r’proches ;
Mais ceux-là qu’ont des millions,
Y les ont pris dans nos poches !

(Victor Meusy)

Picaillons

Larchey, 1865 : Écus.

Je lui pinçais ses picaillons.

Robert Macaire, ch., 1836.

J’leur donnerons des picalions. Vive la paix ! Vive la nation !

Chanson poissarde du Consulat. Tourneur fils.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Pièces de monnaie, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Pièces de cinq francs. — Un certain nombre de pièces de monnaie d’argent. Avoir des picaillons.

Madame Zéphyrin l’aurait plumé, lui aussi s’il avait eu des picaillons.

(Vast-Ricouard, Le Tripot.)

Picards (fumée des)

France, 1907 : Il ne s’agit pas ici de la fumée des pipes, mais de la fumée symbolique qui monte à la tête quand on l’a chaude. Les gens de Picardie ont toujours passé à tort ou à raison pour avoir, comme on dit vulgairement, la tête près du bonnet. De là le charitable avis que donne un quatrain du XVe siècle :

De plusieurs choses Dieu vous garde,
De toute femme qui se farde,
De la fumée des Picards
Avec les boucons des Lombards.

Pichenet

Delvau, 1866 : s. m. Petit vin de barrière agréable, — dans l’argot des ouvriers.

Virmaître, 1894 : Petit vin aigre que l’on boit à Argenteuil (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Vin.

France, 1907 : Vin léger ; argot faubourien.

Le pichenet et le vitriol l’engraissaient positivement.

(Émile Zola)

Pichepin

France, 1907 : Sapin résineux.

Qu’elle soit de vulgaire pichepin ou de bois des îles, bons menuisiers, sachons d’abord raboter notre planche. L’œuvre de l’homme ne vaut que par le tour de main.

(Émile Bergerat)

Pichèrre

France, 1907 : Bouteille de deux litres dont on se sert dans le Midi. Voir Pichet.

Pichet

Delvau, 1866 : s. m. Litre de vin.

France, 1907 : Petit vin suret ; on dit aussi pichnet ; argot populaire.

France, 1907 : Litre de vin. En vieux français, c’est un vase, pour le vin, de terre ou de métal. Dans les Pyrénées, on appelle bouteille de piché une bouteille qui contient deux litres.

— Qu’avez-vous donc ? me demanda-t-elle, on dirait que vous êtes ivre. Ivre ? Pourquoi ? C’est à peine si, à l’auberge où nous déjeunâmes, vous avez bu deux pichets de petit vin légers ; et il me souvient que, dans nos folies nocturnes, vous videz sans être incommodé quatre bouteilles du plus capiteux bourgogne…

(Catulle Mendès)

Pichet, pichnet, piccolet, piccolo, piccolino

Rigaud, 1881 : Petit vin suret. Vin du pays de Suresnes ou d’Argenteuil, vin d’un pays qui n’a jamais été renommé par ses vignobles.

Pichet, pichnet, piccolo, picton

La Rue, 1894 : Petit vin suret.

Pichnet, pichenet

France, 1907 : Petit vin suret.

Picholeil

France, 1907 : Pissenlit.

Pichon

France, 1907 : Petit enfant ; vieux mot.

Pick-pocket

Delvau, 1866 : s. m. Voleur, — dans l’argot des anglomanes et des gens de lettres.

Pickpocket

France, 1907 : Voleur qui fouille dans les poches. Anglicisme : de pick, ramasser, et pocket, poche. Pourquoi avoir emprunté à l’anglais quand nous avions le vieux et énergique mot de vide-gousset ?

Le pickpocket de nationalité anglaise est le plus connu — on le rencontre partout — mais il n’est point le plus habile. On lui a fait une réputation qu’il ne mérite pas.
Il est raide, compassé dans ses mouvements et, tout en possédant une grande dextérité de mains, il se ressent du flegme national.
Par exemple, c’est un marcheur infatigable ; dans une journée, il parcourt tous les principaux points de Paris où se porte la foule, et les agents qui lui donnent la chasse, guettant le moment psychologique du flagrant délit pour l’arrêter, sont brisés de fatigue, quand ils rentrent chez eux.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Par un abominable barbarisme on a fait un féminin :

Les véritables pickpockettes ont les allures, les manières, la tenue de bonnes bourgeoises en villégiature, et leur costume varie selon les endroits où elles doivent voler. On les rencontre aux gares, aux guichets de chemins de fer, aux stations de bateaux, sur les promenades, dans les théâtres, les musées et les grands magasins. Elles ne s’attaquent qu’aux femmes.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Picolo

France, 1907 : Petit vin suret.

Les sales charognes qui trouvent le joint d’utiliser les progrès de la chimie pour fabriquer vinaigres et vins sans y foutre un grain de raisin, empoisonnent le populo qui n’a pas les moyens de s’offrir du picolo nature — et s’enrichissent vivement.
Car foutre, c’est à remarquer : les plus grands bandits, les plus grands assassins, sont — dans la société actuelle — les mieux cotés et les plus riches.

(Le Père Peinard)

Picorage

Larchey, 1865 : Vol commis sur la grande route (Vidocq). — Allusion ornithologique.

Delvau, 1866 : s. m. Travail sur les grandes routes, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Butin provenant d’un vol de grand chemin. (Fr. Michel.) Le picorage n’est autre chose que le grapillage, la maraude, genre de vol pratiqué dans les campagnes au préjudice de la récolte.

France, 1907 : Vol sur les grands chemins ; rapine, maraude. Argot des voleurs.

Picorer

France, 1907 : Voler, rapiner.

En entendant drelin drelin, mon cousin a couru à son bureau, et il a trouvé la concierge de la maison en train de picorer dans le tiroir. En l’apercevant, la bonne femme s’est laissée choir dans la corbeille à papier, les mains encore pleines de louis… ce qui ne l’empêchait pas de protester de son innocence.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Picoreur

Virmaître, 1894 : Voleur de grands chemins. Le picorage est le vol commis au hasard sur le passant qui est picoré, ou dans les fermes isolées. Le voleur picore comme la poule, dans les armoires ; il y trouve plus de butin que sur le fumier (Argot des voleurs).

France, 1907 : Voleur, maraudeur. Vieux français conservé dans le patois du Béarn.

Nous avons trouvé que de tout temps ces bons montagnards ont été gaigneurs et picoreurs. Il est si naturel de vouloir vivre, et bien vivre ! Surtout il est si doux de vivre aux dépens d’autrui ! Jadis, en Écosse, tout vaisseau naufragé appartenait aux gens de la côte ; les navires brisés leur arrivaient comme les harengs dans la saison, récolte héréditaire et légitime ; ils se jugeaient volés quand un naufragé tâchait de garder son habit. De même ici les étrangers. L’arrière-garde de Charlemagne y périt avec Roland ; les montagnards avaient roulé sur elle une avalanche de pierres ; après quoi ils se partagèrent les étoffes, l’argent, les mulets, les bagages, et chacun s’en fut dans sa tanière.

(Taine, Voyage aux Pyrénées)

Picot

France, 1907 : Coup de cloche. Voir Piquette.

Picote

France, 1907 : Petite vérole. La personne marquée de la petite vérole est picotée. C’est la variole dans le Béarn. Picote bourde, varicelle.

Picoterie

d’Hautel, 1808 : Lardon, trait satirique, raillerie ; mot piquant, et quelquefois offensant.

Picotin

Delvau, 1866 : s. m. Déjeuner ou souper, — dans l’argot du peuple, qui travaille en effet comme un cheval. Le slang anglais a le mot équivalent dans le même sens (peck). Gagner son picotin. Travailler avec courage.

France, 1907 : Repas. Avoir son picotin, gagner son picotin. Argot des ouvriers : du las batin picotinus, petite mesure, suivant Ménage, ou, suivant Charles Nisard, de picoter, piquer à coups redoublés comme fait la volaille qui mange le grain :

Une poule sur un mur
Qui picotait du pain dur,
Picoti
Picota
Trousse la couette
Et puis s’en va.

France, 1907 : Le devoir qu’on rend aux dames. Vieille expression.

Un gentilhomme grand seigneur, ayant été absent de sa maison pour quelque temps, print le loisir de venir voir sa femme, laquelle estoit jeune, belle et en bon poinct. Et pour y être plus tôt, print la poste environ deux journées de la maison ; là où il arriva sus le tard, et lorsque sa femme estoit couchée, se met auprès d’elle. Incontinent elle fust esveillée, bien joyeuse d’avoir compagnie, s’attendant qu’elle auroit son petit picotin…

(Bonaventure des Perriers, Contes et Nouvelles)

Je trouvais Guillot Martin
Avecque sa nièce Sabine
Qui vouloit pour son butin
Son beau petit picotin,
Non pas d’orge ni d’avoine.

(Clément Marot)

Picotin d’avoine

Delvau, 1864 : Ration de sperme que l’homme marié donne plus ou moins fréquemment a sa femme, afin qu’elle n’aille pas se plaindre a ses voisines — et surtout se faire consoler par ses voisins.

Soudain que la gouge on emmanche,
Lui rebailler le picotin,
Si l’instrument ne se démanche.

G. Coquillart.

Picoure

Halbert, 1849 : Haie ou épine.

Delvau, 1866 : s. f. Haie, — dans l’argot des voleurs, qui, en leur qualité de vagabonds, ont eu de fréquentes occasions de constater que les oiseaux y viennent picorer. Déflotter la picoure. Voler le linge qui flotte sur les haies. La picoure est fleurie. Le linge sèche sur les haies. On dit aussi Picouse.

France, 1907 : Haie. Défleurir da picoure, voler sur les haies le linge que les paysannes y mettent sécher. La picoure est fleurie, il y du linge sur la haie. Argot des voleurs. On dit aussi picouse.

Picouse

Larchey, 1865 : Haie d’épines. V. Défleurir.

Rigaud, 1881 : Haie. — Défleurir la picouse, voler du linge qui sèche en plein air.

Picouse, picoure

La Rue, 1894 : Haie. Défleurir la picoure, voler du linge sur les haies.

Pictancher, picter

La Rue, 1894 : Boire.

Picter

anon., 1827 : Boire.

Bras-de-Fer, 1829 : Boire.

Clémens, 1840 : Boire.

M.D., 1844 : Boire.

Halbert, 1849 : Boire.

Larchey, 1865 : Boire. — De piquette : petit vin. V. Pavillonner.

Hayard, 1907 : Boire.

France, 1907 : Boire. Picter des canons, boire des verres de vin. Argot populaire.

Comme moi gagne de la pièce,
Tu pourras picter des canons,
Et sans aller trimer sans cesse,
Te lâcher le fin rigaudon.
Ne crains pas le pré que je brave,
Car de la bride je n’ai pas peur ;
Dans une tôle enquille en brave,
Fais-toi voleur !

(Chanson tirée des Mémoires de Vidocq)

Picter ou Pitancher

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Boire.

Picter, pictonner

Rigaud, 1881 : Boire. — La picter à la douce et la flancher au frotin, boire, sans se presser, une bouteille de vin et la jouer au billard.

Picton

anon., 1827 : Boisson.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Boisson.

Bras-de-Fer, 1829 : Boisson.

Clémens, 1840 : Vin.

un détenu, 1846 : Vin.

Delvau, 1866 : s. m. Vin bleu, sûret, — dans l’argot du peuple, qui se pique la langue et le nez en en buvant, surtout comme il en boit. « Il en boit comme un Poitevin, » dirait un étymologiste en s’appuyant sur les habitudes d’ivrognerie qu’on prête aux Pictones.

Rigaud, 1881 : Petit vin nouveau.

Vive le picton, Le picton a du bon.

(Louis Huart, Ulysse ou les porcs vengés.)

Un coup d’picton / Moi je m’en fiche / Il faut que j’liche / Un coup d’picton, / J’aime bien mieux l’huil’ que l’ coton.

(B. Dorilas, Un coup de picton.)

France, 1907 : Vin. C’est avec le vin qu’on se pique le nez. Le jus de la treille a dans la langue des ouvriers et des voleurs nombre de qualificatifs dont voici les principaux : bleu, petit bleu, gros bleu, briolet, ginglet, ginglard, huile, pive, pivois, vinasse, etc.

Encore un coup d’picton,
La mère Gaspard, il n’est pas tard,
Encore un verre ;
Encore un coup d’picton
Pour nous mettre à la raison.

(Vieille chanson)

Soiffans picton sans lance,
Pivois non maquillé.

(Chanson argotique)

Picton, piqueton

Larchey, 1865 : Vin supérieur à la piquette. — L’un et l’autre mot font allusion à l’effet produit par le vin commun qui picote le palais. V. Biture.

Si l’ancien picton n’est que de la piquette, Espérons ct’année en fair’ de meilleur.

Layale, ch., 1855.

Pictonner

Delvau, 1866 : v. n. Boire ferme et longtemps. On dit aussi Picter et Pictancer.

France, 1907 : Se livrer à la boisson.

Pie

d’Hautel, 1808 : Jaser comme une pie borgne, comme une pie dénichée. Caqueter, parler beaucoup, faire de propos, des commérages.
Pie grièche. Femme qui a l’humeur maussade, acariâtre. Le peuple dit, par corruption, pégrièche.
Il donne à manger à la pie.
Se dit d’un joueur qui met dans sa poche une partie du gain qu’il a fait au jeu, pour faire croire qu’il a très-peu gagné.

La Rue, 1894 : Vin. V. Pivois.

Pie au nid

France, 1907 : Chose difficile à trouver. La pie, en effet, plaçant son nid au sommet des arbres, voit de loin venir le danger et quitte son nid bien avant qu’on ne puisse l’atteindre.

Les autres cependant cherchent le personnage ;
Mais ne le trouvant point, le chef dit : Ah ! j’enrage :
Par où s’est pu sauver ce scélérat maudit ?
Je pensois bien avoir trouvé la pie au nid.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Être au nid de la pie, c’est avoir atteint le plus haut degré des honneurs et de la fortune. Allusion à la pie qui fait son nid au haut des plus grands arbres qu’elle peut choisir.

Pie-grièche

Delvau, 1866 : s. f. Femme criarde et querelleuse, — dans l’argot du peuple, qui a souvent le malheur de tomber, comme Trimalcion, sur une Fortunata pica pulvinaris.

France, 1907 : Femme criarde et querelleuse, dans l’argot du peuple qui — dit Alfred Delvau — a souvent le malheur de tomber, comme Trimalcion, sur une Fortunata pica pulvinaris. Il suffit de passer une nuit dans une cité ouvrière pour constater le fait.

Piéçard

Rigaud, 1881 : Ouvrier qui travaille à ses pièces, — dans le jargon des carrossiers.

Pièce

d’Hautel, 1808 : Une bonne pièce, une méchante pièce. Se dit en plaisantant d’une personne fine, adroite et rusée, et notamment d’un enfant espiègle.
Il est tout d’une pièce. Pour, il a trop de roideur dans son maintien ; il a l’air gauche et emprunté.
Emporter la pièce. Railler quelqu’un d’une manière outrageante.
Mettre quelqu’un en pièces. Le déchirer par des médisances, des calomnies.
C’est l’ordinaire, c’est la pièce de bœuf. Se dit de quelque chose qui est d’un usage journalier ; d’un ouvrage de longue haleine, que l’on peut suspendre et reprendre à volonté.
Jouer pièce à quelqu’un. Lui faire quelques méchans tours, quelqu’affront.
Il lui donnera la monnoie de sa pièce. Pour, il lui rendra injure pour injure ; mauvais traitement contre mauvais traitement.
Être près de ses pièces. Être mal dans ses affaires ; être dénué d’argent.
On lui a donné la pièce. Pour dire, on lui a donné une petite gratification, un pour-boire.

Delvau, 1866 : s. m. Lentille, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Entière et Petit Monde.

Rigaud, 1881 : Lentille, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Lentille.

France, 1907 : Lentille ; argot des voleurs.

Pièce (bonne)

Rigaud, 1881 : Mauvais sujet ; par ironie.

Pièce (tuer une)

Rigaud, 1881 : Abîmer une pièce, — dans le jargon des charpentiers.

Pièce à femmes

Rigaud, 1881 : Exhibition de femmes sur un théâtre, dans une pièce où les mollets doivent avoir de l’esprit, les épaules de la finesse, et les yeux du jeu.

Pièce à tiroirs

Delvau, 1866 : s. f. Drame à changements a vue, vaudeville à travestis. Argot des coulisses.

Rigaud, 1881 : Pièce dans laquelle un acteur change plusieurs fois de rôle. Levassor excellait dans les pièces à tiroirs. Aujourd’hui c’est Brasseur qui a recueilli son héritage.

France, 1907 : Pièce avec tableaux et nombreux changements de décors.

Pièce à trucs

Rigaud, 1881 : Féerie, pièce où l’auteur s’efface devant le machiniste.

Pièce d’architecture

Delvau, 1866 : s. f. Discours en prose ou pièce de vers, — dans l’argot des francs-maçons.

France, 1907 : Discours ; argot maçonnique.

Pièce d’eau des cuisses

France, 1907 : Appareil de toilette féminine généralement connu sons le nom de bidet.

Et les vieux céladons vont accourir en foule
Et les femmes sans sexe, à figure de goule,
Pour regarder de près, sinon pour acheter,
Ces objets par qui les hommes se font mater,
Et vous savez quel meuble fera leurs délices ?
Ce qu’un docteur nomme : la pièce d’eau des cuisses.

(Le Don Juan)

Pièce d’estomac

Delvau, 1866 : s. f. Amant. — dans l’argot des filles. L’expression a plus d’un siècle.

France, 1907 : Amant d’une fille publique ; argot des prostituées.

Pièce d’été

Delvau, 1866 : s. f. Vaudeville ou drame médiocre, — dans l’argot des comédiens, qui ne jouent leurs bonnes pièces que l’hiver.

France, 1907 : Mauvaise pièce. Elle fait le vide dans la salle comme les fortes chaleurs ; argot des coulisses.

Pièce de 4

Merlin, 1888 : Seringue.

Pièce de bœuf

Larchey, 1865 : « Grand article de pathos sur les choses du moment qui ouvre les colonnes de Paris. On l’appelle aussi la pièce de résistance. Un excellent journal qui ne servirait pas tous les jours à ses abonnés la pièce de bœuf ne serait pas sûr de réussir. » — 1826, Biog. des Journalistes. — On dit aujourd’hui tartine.

Delvau, 1866 : s. f. Drame, comédie ou vaudeville où l’on a le plus de succès. Argot des coulisses. On dit aussi Rôle de bœuf.

Delvau, 1866 : s. f. « Grand article de pathos sur les choses du moment qui ouvre les colonnes de Paris. » Argot des journalistes. On dit aussi Pièce de résistance.

France, 1907 : Pièce de théâtre dont le succès est assuré : argot théâtral. C’est comme la pièce de bœuf qui est le morceau de résistance des dîners.

Pièce de dix ronds

France, 1907 : Anus ; argot faubourien. N’avoir plus sa pièce de dix ronds, se livrer à la pédérastie passive.

Pièce de dix sous

Delvau, 1866 : s. f. Le derrière du corps humain, — dans l’argot des troupiers. On dit aussi Double six.

Virmaître, 1894 : Monnaie affectionnée par les pédérastes. Ils la préfèrent particulièrement quand elle est neuve (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Voir bocal.

Hayard, 1907 : Anus.

Pièce de dix sous (cracher des)

France, 1907 : Être altéré, avoir le gosier sec.

Coupeau voyant le petit horloger cracher des pièces de dix sous, lui montra de loin une bouteille.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Pièce de quatre

France, 1907 : Seringue ; argot militaire.

Pièce de résistance

Rigaud, 1881 : Premier Paris, article d’en-tête d’un journal, — dans le jargon des journalistes. — Le filet rôti, l’aloyau, la dinde, dans un dîner bourgeois.

Pièce de sept

Fustier, 1889 : Individu corpulent.

France, 1907 : Homme vigoureux.

Pièce de six liards

Rossignol, 1901 : Voir bocal.

Pièce du milieu

Delvau, 1864 : La nature de la femme, a laquelle l’homme se plaît a substituer son morceau.

Le dieu d’amour se pourrait peindre
Tout aussi grand qu’un autre dieu,
N’était qu’il lui suffit d’atteindre
Jusqu’à la pièce du milieu.

Regnier.

Elle sautait dans le lit sans craindre de montrer ses pièces.

D’Ourville.

Pièce du Pape, pièce suisse

Rigaud, 1881 : Femme de mauvaise mine. Les voyous employaient cette expression à l’époque où la convention monétaire n’existait pas entre la France et les États-Romains, entre la France et la Suisse. Les pièces du Pape et les pièces suisses étaient refusées.

Pièce forcée (vol à la)

France, 1907 : Ce genre de vol nécessite deux complices dont le premier fait dans une boutique ou sur le comptoir d’un marchand de vin un achat ou une consommation quelconque qu’il paye généralement d’une pièce d’or, pièce préalablement marquée d’un signe quelconque. Quand on lui a rendu la monnaie, son complice entre, achète ou consomme à son tour et sans avoir rien payé réclame sa monnaie au marchand indigné, il soutient qu’il a payé avec telle pièce dont il donne l’exacte description, et que le marchand trouve en effet dans son comptoir, puisqu’il vient de la recevoir du premier filou.

Pièce fourrée

France, 1907 : Pièce de monnaie rognée.

Pièce grasse

Merlin, 1888 : Sobriquet des cuisiniers en pied qui sont loin de briller par la propreté. La pièce grasse, proprement dite, est un morceau d’étoffe, imbibé d’huile et servant à l’entretien du flingot.

Fustier, 1889 : Argot militaire. Cuisinier.

France, 1907 : Cuisinier ; argot militaire.

Pièce tapée

France, 1907 : C’était autrefois et c’est encore aujourd’hui, dans les départements du Centre, une récompense en une pièce de monnaie de quelque valeur. On trouve cette expressions dans Molière :

— Moi, j’ai bravement bouté à terre quatre pièces tapées et cinq sous en double.

(Le Festin de Pierre)

Pièce tapée s’est dit de certains sous parisi au milieu desquels on avait ajouté la marque d’une fleur de lis pour en faire des sous tournois.

Pièces (coupeurs de)

Rigaud, 1881 : « Leur métier consiste à abréger les mélodrames en vogue et les mettre à la portée des théâtres de marionnettes qui courent les foires. Cette mutilation se paye dix francs la pièce. » (Privat d’Anglemont.)

Pied

d’Hautel, 1808 : Donnez un coup de pied jusqu’à cet endroit. Manière de parler métaphorique, pour engager quelqu’un à se transporter dans un lieu.
Il a un petit pied, mais les grands souliers lui vont bien. Se dit par raillerie d’une personne qui a le pied gros et mal fait, et qui a la prétention de se chausser en pied mignon.
Mettre les pieds dans le plat. Pour, ne plus garder de mesure ; casser les vitres.
J’en ai cent pieds par-dessus la tête. Pour, je suis dégoûté de cette affaire ; je donnerois volontiers tout au diable.
Il a trouvé chaussure à son pied. Pour dire, il a rencontré ce qu’il lui falloit ; et, dans un sens contraire, il a trouvé à qui parler ; quelqu’un qui lui a résisté.
Déferré des quatre pieds. Battu à plattes coutures.
Il se trouvera toujours sur ses pieds. Signifie qu’un homme industrieux et laborieux, quelque chose qui arrive, trouvera toujours de quoi subsister.
Il croit tenir Dieu par les pieds. Se dit pour exagérer le contentement de quelqu’un.
Il a eu un pied de nez. Se dit d’un homme qui a été trompé dans ses espérances ; qui a reçu quelque mortification.
La vache a bon pied. Pour dire qu’un plaideur est riche ; qu’il peut satisfaire aux frais d’un procès.
Elle n’a point de pieds. Se dit d’une chose que l’on attend, et qui n’arrive pas comme on le désire.
Tenir le pied sur la gorge à quelqu’un. Lui faire des propositions déraisonnables ; le tenir avec beaucoup de sévérité.
Il fait cela haut le pied. Pour, d’une manière supérieure, avec habileté, perfection.
Elle sèche sur pied. Se dit d’une personne consumée par le chagrin et la tristesse.
Il voudroit être à cent pieds sous terre. Se dit d’un homme qui est dégoûté de la vie ; qui mène une vie malheureuse.
C’est un pied d’Escaut, un pied plat, un pied poudreux. Se dit d’un misérable, d’un chevalier d’industrie, d’un homme obscur, sans moyens, sans fortune, et qui ne jouit d’aucune considération.
Chercher quelqu’un à pied et à cheval. Le chercher partout.
Faire rage de ses pieds tortus. Intriguer ; se donner beaucoup de mouvement pour la négociation d’une affaire.
Les petits pieds font mal aux grands. Se dit d’une femme qui se trouve souvent mal dans sa grossesse.
Quand on lui donne un pied, il en prend quatre. Se dit d’un homme entreprenant, qui abuse de la liberté qu’on lui a donnée.
Faire le pied de derrière. Saluer avec le pied ; faire des révérences à n’en plus finir.
Faire le pied de grue. C’est-à-dire, le soumis, l’hypocrite, le tartuffe ; s’humilier devant quelqu’un dont on veut tirer parti.
Faire le pied de veau. Flatter, caresser, cajoler quelqu’un qui est puissant ; lui marquer de l’obéissance, de la soumission.
Il ne faut pas lui marcher sur le pied. Se dit d’une personne susceptible qui se pique de la moindre des choses, et que l’on n’offense pas impunément.
Être en pied. Pour dire, être sur ses gardes ; être en mesure ; être en fonds ; être bien dans ses affaires.
Faire pieds neufs. Mettre un enfant au monde ; accoucher.
Mettre quelqu’un au pied du mur. Le réduire au silence ; le confondre ; le mettre hors d’état de répondre.
Au pied de la lettre. Pour dire, à proprement parler.
Des pieds de mouches. On appelle ainsi une écriture mal formée, difficile à lire.
Disputer sur des pieds de mouches. C’est-à dire, sur des bagatelles.
Mettre quelqu’un sur le bon pied. Le contraindre à faire son devoir.
Aller de son pied gaillard. Voyager lestement et sans frais.
Vous êtes encore sur vos pieds. Pour dire, vous êtes encore en état de faire ce qu’il vous plaira.

Halbert, 1849 : Sol.

Fustier, 1889 : Part. Ce à quoi on a droit.

Mon pied ! ou je casse ! Ma part ou je te dénonce.

(Humbert : Mon bagne.)

La Rue, 1894 : Part. En avoir son pied. En avoir suffisamment.

Hayard, 1907 : Partage.

France, 1907 : Part, affaire ; argot faubourien. En avoir son pied, en avoir assez ; ça fait le pied, ça fait l’affaire ; il y a pied, il y a moyen. Mon pied, ou je casse, ma part ou ça va se gâter.

Pied (avoir son)

Rossignol, 1901 : Part, compte.

J’ai quatre atouts dans mon jeu, j’ai mon pied.

Pied (donner un coup de)

Larchey, 1865 : Marcher vivement. — V. d’Hautel, 1808.

Je vais donner un coup de pied jusque dans les salons.

About.

Pied (en avoir son)

Rigaud, 1881 : En avoir assez.

France, 1907 : En avoir assez.

Pied (être)

Rigaud, 1881 : Étaler sa bêtise, — dans le jargon des collégiens.

La Rue, 1894 : Être bête (comme ses pieds).

Pied (lever le)

France, 1907 : Partir, se sauver.

La petite baronne a quitté le baron. Il paraît qu’il la battait comme plâtre. « Puisqu’il levait la main sur moi, j’ai levé le pied, dit-elle. »

Au pied levé, rapidement.

Un inconnu se précipite chez l’avocat :
— Pardonnez-moi mon indiscrétion… C’est une affaire à plaider au pied levé.
L’avocat, se disposant à prendre des notes :
— Très bien… Chez qui étiez-vous caissier ?

(Le Journal)

Pied (mettre à)

France, 1907 : Suspendre un employé de ses fonctions.

Pied (ne pas se moucher du)

Rigaud, 1881 : Être riche, être à son aise. — Faire bien les choses. Chez le peuple on se mouchait et l’on se mouche encore avec le mouchoir de ses cinq doigts ; on secoue le résultat et lorsqu’on est propre on l’essuie avec le pied. Celui qui ne se mouche pas du pied a donc le moyen d’acheter des mouchoirs, un luxe pour beaucoup de gens. L’expression est vieille. On la trouve dans les Turlupinades recueillies et réunies en une comédie par Adrien de Monluc, prince de Chabanois.

La fortune m’a tourné le dos, moy qui avais feu et lieu, pignon sur rue, et une fille belle comme le jour, que nous gardions à un homme qui ne se mouche pas du pied.

(La Comédie des Proverbes.)

Pied bleu

Larchey, 1865 : Conscrit portant encore les guêtres bleues du paysan.

Le pied bleu ne prête pas longtemps à rire par sa gaucherie.

La Bédollière.

Delvau, 1866 : s. m. Conscrit, — dans l’argot des troupiers.

France, 1907 : Conscrit. On dit plus généralement pied. Engueuler quelqu’un comme un pied, c’est-à-dire comme un conscrit.

Il prend un air digne, toise l’infirmier de haut en bas, et te l’engueule comme un pied.

(Georges Courteline)

Pied de banc

Delvau, 1866 : s. m. Sergent, — dans le même argot [des troupiers].

Merlin, 1888 : Sergent. Quatre pieds à un banc, quatre sergents dans une compagnie.

France, 1907 : Sergent, appelé ainsi parce qu’il y a quatre de ces sous-officiers dans une compagnie placés à chaque extrémité pour la diriger, la soutenir comme les pieds d’un banc.

Les sous-officiers sont l’âme de l’armée si les officiers en sont la tête… les soldats le savent et le disent bien, et se rendant compte de l’utilité de ces subalternes, ils les appellent les pieds de banc. Enlevez un lieutenant ou un sous-lieutenant à la compagnie, nul ne s’apercevra du vide ; ôtez un sergent, elle clochera, deviendra boiteuse.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Pied de biche

Halbert, 1849 : Outil de voleur casseur de portes.

Virmaître, 1894 : Pince (Argot des voleurs). V. Monseigneur.

Rossignol, 1901 : Sonnette. Se dit aussi d’une pièce en fer à l’usage des voleurs.

Pied de biche (faire le)

La Rue, 1894 : Faire une collecte. Mendier à domicile.

Pied de biche (tirer le)

Rossignol, 1901 : Mendier à domicile.

Pied de cochon

Larchey, 1865 : Pistolet. — Allusion de forme.

Delvau, 1866 : s. m. Pistolet.

Rigaud, 1881 : Pistolet.

Fustier, 1889 : Farce, tromperie. Jouer un pied de cochon à quelqu’un, lui faire une plaisanterie d’un goût douteux.

France, 1907 : Pistolet d’arçon.

Pied de cochon (jouer un)

Rigaud, 1881 : Mystifier.

France, 1907 : Tromper, faire une mauvaise farce.

Pied de con (un)

Delvau, 1864 : Un con qui aurait la capacité d’engloutir un vit de douze pouces.

J’ croit ben qu’ la seul’ médecine
Qui pourrait m’guérir tout d’ bon
Et m’empêcher d’ fair’ bâton,
Ce s’rait d’fair’ sombrer ma pine,
Capitain’, dans un pied d’con.

G. de la Landelle.

Pied de grue (faire le)

France, 1907 : Attendre longtemps sur ses pieds. Lorsque les grues sont réunies, l’une d’elles se détache de la troupe et, perchée sur un pied, se met en sentinelle, prête à donner l’alarme au moindre danger. Racine, dans les Plaideurs, a employé cette expression :

Est-ce qu’il faut toujours faire le pied de grue ?

Les Anglais disent : to dance attendance.

Il suffit d’une taille accorte,
De longs cils autour d’un œil noir,
D’une arrière-main un peu forte,
D’un corsage rempli d’espoir ;
De quelques boucles ondulées
Sous les plumes d’un grand chapeau,
Ou de dentelles étalées
Sur de blancs petits coins de peau,
Pour qu’au détour de chaque rue
Surgisse, à quatre heures du soir,
Un pontife de pied de grue,
Chevalier errant du trottoir.

(Jacques Rédelsperger)

Faire le pied de grue,
Le soir, sous le balcon,
C’est chercher l’inconnue
Dans une équation.

(L’Argot de l’X)

Pied de nez

Clémens, 1840 : Fait, attrapé.

Delvau, 1866 : s. m. Polissonnerie des gamins de Paris, que connaissaient déjà les gamins de Pompéi. Faire des pieds de nez à quelqu’un. Se moquer de lui. Avoir un pied de nez. Ne pas trouver ce qu’on cherche ; recevoir de la confusion d’une chose ou d’une personne.

Delvau, 1866 : s. m. Pièce d’un sou, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Pièce d’un sou.

France, 1907 : Sou ; argot des mendiants qui espèrent recevoir davantage.

Pied de nez (avoir un)

France, 1907 : Éprouver une déception, une mortification. On disait autrefois avoir autant de nez. Le Roux de Lincy cite au sujet de cette expression ce passage du Dictionnaire de Nicod :

On ne s’en sert quand on veut désigner quelqu’un qui ayant entrepris de faire quelque chose n’en est pas venu à bout, n’a de grâce que quand il est accompagné d’un geste qui luy est propre, ce que l’on fait en serrant les deux points clos de tous les doigts, réservés les deux pouces, l’un desquels se joint au bout du nez et l’autre au petit doigt d’iceluy, de sorte qu’ainsy rangés ils peuvent faire la longueur d’un quart d’aulne et avec cette gesticulation les Italiens disent : Tanto di naso.

Voir Faire la nique.

Pied de veau (faire le)

France, 1907 : Faire bassement et servilement sa cour à un supérieur ; flagorner quelqu’un dont on attend des avantages.

Pied de vit (un)

Delvau, 1864 : Un membre de douze pouces. On vous en souhaite. — Va-t’en voir s’ils viennent !

— Alors, dit Cloris tout allègre,
Un pied de mouton au vinaigre
Est bon selon mon appétit.
Mais Charlotte ces mots rehausse :
— J’aime mieux un ton pied de vit ;
Il n’y faut point chercher de sauce.

(Épigramme sur les appétits de quelques dames.)

Sans-bruit, accourez à moi ;
Avec un bon pied-de-roi,
Tous serez tôt secourue.

(Variétés hist. et littér.)

Pied droit (partir du)

Merlin, 1888 : Contrairement aux principes. Lors de sa libération, le militaire se promet de partir du pied droit de la caserne, c’est-à-dire en narguant cette discipline qui lui est à charge.

Pied levé (jouer au)

France, 1907 : Remplacer, sans en avoir été prévenu à l’avance, un artiste indisposé ou manquant.

Pied-de-biche

France, 1907 : Instrument pour crocheter les portes ; appelé aussi Jacques, Sucre de pomme, Biribi et Charlotte. Faire le pied-de-biche, mendier de porte en porte.

Pied-de-biche, charlotte

La Rue, 1894 : Pince d’effraction.

Pied-de-chat

France, 1907 : Renoncule à fleurs jaunes dont les racines sont en forme de griffes.

Pied-de-cochon

La Rue, 1894 : Pistolet. Mauvais tour que l’on joue à quelqu’un avant de se sauver.

Pied-plat

Delvau, 1866 : s. m. Homme du peuple ; goujat, — dans l’argot des bourgeois, qui s’imaginent peut-être avoir le fameux cou-de-pied à propos duquel lady Stanhope fit à Lamartine ces prophéties de grandeurs que devait réaliser en partie la révolution de Février.

La Rue, 1894 : Goujat.

France, 1907 : Goujat, homme de basse extraction. Un cou-de-pied fort étant, d’après les anthropologistes, un signe de distinction ; le pied-plat se rapprochant du pied du singe et du nègre. On sait qu’en voyant le cou-de-pied très développé de Lamartine, la fameuse lady Stanhope lui prophétisa une haute destinée.

Pied, bon œil (avoir bon)

France, 1907 : Être encore solide ; pouvoir, malgré l’âge, sacrifier à Vénus.

Bah ! qu’importe ? Il était jeune ; il avait bon pied, bon œil et le jarret solide. Les belles dames de la ville avaient bien voulu le trouver aimable et beau garçon, les paysannes seraient-elles plus difficiles ? Une femme est toujours une femme après tout, et pourvu qu’elle soit complaisante et jolie, que peut-on demander de plus ?

(Hector France, Marie Queue-de-Vache)

Pieds (avoir avalé ses)

Rigaud, 1881 : Avoir l’haleine fétide.

Pieds (avoir mangé ses)

France, 1907 : Avoir mauvaise haleine.

Pieds (bénir des)

France, 1907 : Être pendu. Expression tombée en désuétude depuis le remplacement de la potence par la guillotine.

Pieds (où mets-tu tes)

Fustier, 1889 : Locution militaire voulant dire : De quoi te mêles-tu ?

Pieds (se tirer des)

Rigaud, 1881 : Se sauver, quitter un lieu, une société.

Merlin, 1888 : S’évader, s’échapper, fuir.

Pieds à dormir debout

Delvau, 1866 : s. m. pl. Pieds plats et spatulés. — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Pieds longs et larges.

Pieds attachés ou gelés (avoir les)

La Rue, 1894 : Ne pas pouvoir ou ne pas vouloir faire une chose commandée ou désirée.

Pieds blancs

Merlin, 1888 : Fantassins. Allusion à leurs guêtres.

Pieds chauds (avoir les)

France, 1907 : On disait autrefois d’un homme bavard : il a les pieds chauds, par allusion aux brigands du dernier siècle qui chauffaient les pieds le leurs victimes pour les forcer à parler, les obliger à dire où elles avaient caché leur argent, leurs bijoux.

Pieds dans le dos (avoir les)

La Rue, 1894 : Être suivi par les gendarmes.

France, 1907 : Être poursuivi par la police.

Grec, si t’as les pieds dans le dos,
Ne fuis pas ces bons rigolos.

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

Pieds dans le plat (mettre les)

Rigaud, 1881 : Ne plus garder aucune espèce de ménagements.

Pieds de châlits (avoir les)

Rigaud, 1881 : Être minutieux ; ne rien laisser traîner, — dans le jargon des troupiers.

Pieds de mouche

Delvau, 1866 : s. m. pl. Notes d’un livre, ordinairement imprimés en caractères minuscules, — dans l’argot des typographes. Et, à ce propos, qu’on me permette de rappeler le quiproquo dont les bibliophiles ont été victimes. On avait attribué à Jamet l’aîné, bibliographe, un livre en 6 vol. in-8o, intitulé : Les Pieds de mouche, ou les Nouvelles Noces de Rabelais (V. la France littéraire de 1769). Or, savez-vous, lecteur, ce que c’était que ces nouvelles noces de maître Alcofribas Nasier ? C’étaient les notes — en argot de typographes, pieds de mouche — qui se trouvent dans l’édition de Rabelais de 1732, en 6 vol. pet. in-8o. Faute d’impression au premier abord, et plus tard ânerie dont eût ri François Rabelais à ventre déboutonné.

Pieds de Philoctète

Delvau, 1866 : s. m. pl. Pieds fâcheusement sudateurs, — dans l’argot des gens de lettres, qui font allusion à l’empoisonnement de l’île de Lemnos par l’exécuteur testamentaire d’Hercule. Avoir avalé le pied de Philoctète. Avoir une haleine digne du pied du fils de Pœan.

Pieds en avant (sortir les)

Rigaud, 1881 : Sortir de chez soi dans un cercueil.

Il arriva donc à la maison de Jeoffrin et monta dans la chambre d’où la trépassée ne devait plus sortir que les pieds en avant.

(Hennique.)

Pieds funiculés (avoir les)

Virmaître, 1894 : Refuser de marcher. Allusion au funiculaire de Belleville qui marche quand il veut (Argot du peuple). N.

Pieds humides

France, 1907 : Sobriquet donné à une bande d’agioteurs véreux pour la plupart qui s’agitent, végètent et tripotent autour de la Bourse, pieds humides, parce qu’ils sont généralement boueux et crottés. Ils se livrent au commerce bizarre de titres tombés en défaveur, d’actions de sociétés en déconfiture.
Certaines de ces valeurs sont cotées quarante sous et sont achetées par des escrocs de haut vol, qui en bourrent leurs portefeuilles, des faiseurs qui en garnissent leurs coffres-forts vides, afin d’éblouir M. Gogo. D’autres de ces papiers à vignettes ne valent plus un sou, ainsi les chemins de fer d’intérêt local en faillite. C’est à l’aide de ces valeurs qu’un certain nombre de Pieds humides, réunis en une sorte de syndicat, parviennent à faire des dupes. Ils font courir le bruit que les dites sociétés se relèvent, que des commandites sont fournies, et envoient des rabatteurs dans les cafés, sur les boulevards, qui amènent au jardin de la Bourse des gogos aux yeux desquels ils font miroiter des bénéfices exorbitants avec toutes sortes de chiffres et de preuves à l’appui.

Pieds nattés (avoir les)

Rigaud, 1881 : Ne pas avoir l’intention ou la possibilité de sortir. — Ne pas être disposé à danser, — dans le jargon des soldats de cavalerie. — Alors, comme ça, Mam’zelle a les pieds nattés ?

France, 1907 : Ne pas s’en aller d’un endroit, devenir importun et indiscret en prolongeant une visite.

Pieds ronds (avoir les)

France, 1907 : Se dit, dans le Centre, de quelqu’un qui est ivre et qui se balance en marchant comme si ses pieds étaient des boules.

Pieds terreux

France, 1907 : Paysan : on dit aussi cul terreux.

Tant que pour députés vous ne nommerez pas des paysans, comme cela se fait en Suède et au Danemark, vous ne serez pas représentés. Les avocats, les médecins, les journalistes, les bourgeoisots de toute espèce que vous expédiez là-haut, ne demandent qu’une chose : rester à Paris le plus longtemps possible, pour traire la vache et tirer sur le râtelier… Mais si vous choisissiez des paysans, ils penseraient à l’épargne, ils diminueraient les grosses places, ils ne feraient jamais la guerre, ils creuseraient des canaux, ils aboliraient les droits réunis et se presseraient de régler les affaires pour retourner à leur champ, avant moisson… Dire pourtant qu’il y a en France plus de vingt millions de pieds terreux et qu’ils n’ont pas l’intelligence d’envoyer trois cents d’entre eux pour représenter la terre ! Que risquerait-on d’essayer ? Ce serait bien un tel hasard si ceux-là faisaient plus mal que les autres !

(Frédéric Mistral)

Pieds-de-biches (polisseur de)

Hayard, 1907 : Mendiant à domicile.

Pieds-de-mouche

France, 1907 : Petits caractères d’imprimerie, employés généralement pour les notes d’un livre ; argot des typographes.

Pier

Rigaud, 1881 : Boire, — dans l’ancien argot ; d’où sont venus pionner et pictonner.

France, 1907 : Boire. « Mieux vaut pier du pivois que de la lance. »

Pierre

d’Hautel, 1808 : Jeter des pierres dans le jardin de quelqu’un. Faire devant lui des reproches qu’il ne peut s’empêcher de s’attribuer.
Du vin à fendre les pierres. Hyperbole, pour dire, que du vin est spiritueux, excellent.
La pierre en est jetée. Pour, il n’est plus temps de changer de résolution : parodie du proverbe latin, alea jacta est.
Trouver des pierres en son chemin.
Pour dire des obstacles, des empêchemens à ce qu’on a dessein de faire.
Une pierre de scandale. Personne ou action qui porte au scandale.
Il ne trouvera pas la pierre philosophale. Se dit par raillerie d’un homme peu intelligent, sans pénétration, et qui fait le bel esprit.

Pierre (la)

France, 1907 : C’est la vieille tribune aux harangues rustiques que l’on voit encore dans nombre de villages et qui sert pour les publications officielles. Elle est formée d’un bloc de pierre taillé ou d’une ancienne dalle tumulaire portée sur deux blocs plus petits, et généralement placée auprès de l’église. Monter sur la pierre, c’est faire une publication.

Pierre à affuter

Virmaître, 1894 : Le pain. En le coupant, cela n’affûte pourtant pas le couteau, mais c’est une allusion au va et vient du couteau sur la pierre à repasser, quand le rémouleur lui donne le fil, ou quand le boucher l’aiguise sur son fusil (Argot du peuple).

Pierre à affûter

Delvau, 1866 : s. f. Le pain, — dans l’argot des bouchers.

Rigaud, 1881 : Pain, — dans le jargon des bouchers, et pierre brute, — dans celui des francs-maçons.

La Rue, 1894 : Pain.

Rossignol, 1901 : Le pain.

France, 1907 : Pain ; argot populaire.

Pierre à décatir

Delvau, 1866 : s. f. Farce des tailleurs à l’usage de tout nouveau. C’est leur huile de cottrets.

Pierre blanche

Fustier, 1889 : Échafaud. Guillotine. Allusion aux pierres blanches qui se voient encore sur la place de la Roquette et sur lesquelles reposaient autrefois les montants de la guillotine.

Je sais ce qui m’attend, les trois pierres blanches ou la perpett.

(Gazette des Tribunaux, août 1883.)

Pierre brute

Delvau, 1866 : s. f. Pain, — dans l’argot des francs-maçons. Ils disent aussi Manne.

France, 1907 : Pain ; argot des francs-maçons.

Pierre d’aigle

France, 1907 : Variété géodique de fer hydroxydé renfermant un noyau mobile qui fait du bruit quand on secoue la pierre. On la trouve en assez grande quantité dans les environs de Trévoux. La croyance populaire leur attribuait des vertus particulières telles que celle de diminuer les douleurs de l’enfantement. M. Léon de Laborde cite ce passage d’un testament daté de 1604 et trouvé dans les archives de Béthune :

Jean de Charmolue lègue à sa cousine une pierre d’aigle garnye d’argent, la plus belle et bonne quy se puisse voyr. Elle soulage fort les femmes grosses en leur accouchement, la lyant à la cuisse gauche, et la fault retirer incontinent que l’enfant est au monde.

Cette superstition existe encore dans certains cantons du Midi et du Centre. On les appelle pierres d’aigles parce qu’on prétendait que ces oiseaux les portaient dans leurs nids pour faire éclore leurs petits.

Pierre d’Israël

France, 1907 : Encore une autre pierre douée de vertus magiques. Celle-ci est généralement une pierre précieuse, finement gravée, représentant un sujet ou une inscription indéchiffrable pour le vulgaire. « Lorsque, dit M. Léon de Laborde, la crédulité, du XIe au XIVe siècle, prit des formes nouvelles pour produire de nouvelles absurdités, ces pierres furent considérées comme l’origine hébraïque et se revêtirent d’une autorité cabalistique. On les appela pierres d’Israël, et l’on rédigea un code en règle de leurs propriétés magiques, d’après les sujets qu’elles représentaient. »

Pierre de chapon

France, 1907 : Les paysans ignares de certaines campagnes appellent ainsi une pierre soi-disant extraite du gosier d’un chapon et qui possède quelque vertu magique. Cette superstition est de vieille date. La pierre de chapon était autrefois religieusement conservée et mise en chaton comme pierre précieuse. On trouve dans l’inventaire du duc de Berry (1416) : Une pierre de chapon, tachée de blanc et de rouge, assise en un annel d’or.

Pierre de touche

Delvau, 1866 : s. f. Confrontation, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Confrontation.

La Rue, 1894 : Confrontation.

France, 1907 : Confrontation d’un malfaiteur avec sa victime ; argot des voleurs.

Pierre du lu

France, 1907 : Nom que l’on donne en quelques endroits à des blocs de pierre qui sont sans doute d’origine druidique, Lu est employé probablement pour aulu, qui signifie but, lieu réservé, refuge.

Pierre nu-tête

Rossignol, 1901 : Voir bogue.

Pierre philosophale (chercher la)

France, 1907 : Passer son temps à des recherches inutiles. Cette expression remonte au moyen âge, à l’époque où les croisés rapportèrent l’alchimie d’Orient, du XIe au XIIIe siècle. Les alchimistes, désignés sous le nom de philosophes, se mirent à l’œuvre pour découvrir, à l’aide du sel, du soufre et du mercure, un composé qui devait se transformer en or ou en argent, et qu’on désignait sous le nom de pierre philosophale. Si les recherches des alchimistes furent vaines sous ce point, elles contribuèrent néanmoins à de nombreuses découvertes en physique et en chimie. Au sujet des chercheurs de pierre philosophale, un nommé Guichard fit ce quatrain :

Chercher sans cesse une pierre introuvable,
C’est délirer au dernier point ;
À ce travail en se rend méprisable,
L’argent s’en va et l’or ne revient point.

Pierre qui roule n’amasse pas mousse

France, 1907 : Ce dicton se trouve à peu près dans toutes les langues. Pietra mossa son fa muschio, disent les Italiens qui ont traduit le latin Saxum volutum non obducitur musco. On disait encore :

Pierre souvent remuée
De la mousse n’est vellée.

C’est l’expression de l’esprit casanier de nos ancêtres qui n’aimaient guère à se déplacer, un des défauts des races latines filles de la Grèce, dont ce dicton est originaire. Les Italiens disent encore : Albero spesso traspiantato mai di frutti é caricato, traduction d’un autre vieux dicton français :

Arbre souvent transplanté
Ne porte pas fruit à planté.

Cependant les Anglais, voyageurs par excellence, ont adopté ce mot à mot du nôtre : A rolling stone gathers no moss. Mais il y a des gens prudents et timorés partout.

Va, mon vieux, va comme j’te pousse,
À gauche, à droit’, va, ça fait rien,
Va, pierr’ qui roule amass’ pas mousse,
J’m’appell’ pas Pierre et je l’sais bien.

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Pierres de lynx

France, 1907 : Bélemnites fossiles qui, dans les campagnes du Centre, passent pour avoir servi de jeu de quilles à l’enfant Jésus ! Les bonnes femmes s’en servent pour guérir les maux d’yeux. On sait que le lynx passe pour avoir la vue très perçante ; de là le nom.

Pierrette

Rigaud, 1881 : Femelle du pierrot, personnage de carnaval.

Une Pierrette qui se respecte, vois-tu, n’a jamais qu’un pierrot. — À la fois.

(Gavarni.)

Pierreuse

d’Hautel, 1808 : Prostituée, vile courtisane, raccrocheuse dans le plus bas degré. Ce sobriquet a été donné à ces femmes parce qu’elles font ordinairement leur honteux commerce dans les lieux où l’on bâtit, et où il y a un grand nombre de pierres.

Larchey, 1865 : « Prostituée qui, même dans sa sphère de turpitudes, est tombée au plus bas degré de l’abjection… elle cherche toujours les ténèbres… Derrière des monceaux de démolition, des tas de pierres, des restes d’édifices en ruines, elle traque l’homme que le hasard amène. » — F. Béraud. — V. d’Hautel, 1808.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui, dit F. Béraud, même dans sa sphère de turpitudes, est tombée au plus bas degré de l’abjection. Son nom lui vient de ce qu’elle exerce dans les lieux déserts, derrière des monceaux de démolition, etc.

Rigaud, 1881 : Misérable prostituée qui rôdaille autour des maisons en construction, aux abords des terrains vagues, sans feu ni lieu, et n’a pour alcôve qu’un amas de graviers. — La pierreuse est souvent doublée d’un macrotin qui se tient à distance et surgit à l’improviste, lorsque le moment de dévaliser le client paraît propice.

La Rue, 1894 : Prostituée errante.

Virmaître, 1894 : Fille publique qui bat son quart dans les terrains vagues, où il se trouve plus de cailloux que d’herbe (Argot des souteneurs).

Hayard, 1907 : Fille publique.

France, 1907 : On donne ce nom à un genre particulier de femmes qui ont vieilli dans l’exercice de la prostitution du plus bas étage, qui sont trop paresseuses pour chercher du travail, et trop repoussantes pour être accueillies nulle part. Le jour, on ne les voit pas : elles sortent la nuit et vont roder dans les endroits retirés. Ces filles sont rarement affectées de syphilis ; mais cela tient à ce qu’elles ne s’exposent jamais à la contracter.

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Les pierreuses n’ont d’autre domicile que les chantiers de maisons en démolition on en construction ; exercent la prostitution à la belle étoile, sous les ponts, sur les berges, aux remparts et dans les fossés des fortifications, quelquefois même dans les allées des maisons sans concierge.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Combien de belles l’ont maudit !
Séduisant la brune et la blonde,
Pierreuses et femmes du monde,
Chez toutes il avait crédit…

(Paul Daubry)

Pierrot

Larchey, 1865 : Niais. — Même allusion funambulesque.

Le valet de cantine se fait rincer l’bec par les pierrots.

Wado, Chansons.

Larchey, 1865 : Collerette à grands plis comme celle du pierrot des Funambules.

Mme Pochard a vu les doigts mignons d’Anne aplatir sur son corsage les mille plis d’un pierrot taillé dans le dernier goût.

Ricard, 1820.

Delvau, 1866 : s. m. Vin blanc, — dans l’argot des faubouriens. Asphyxier le pierrot. Boire un canon de vin blanc.

Delvau, 1866 : s. m. Couche de savon appliquée à l’aide du blaireau sur la figure de quelqu’un, — dans l’argot des coiffeurs, qui emploient ce moyen pour débarbouiller un peu leurs pratiques malpropres, auxquelles ils veulent éviter le masque de crasse que laisserait le passage du rasoir. Le pierrot n’est en usage que dans les faubourgs, où la propreté est une sainte que l’on ne fête pas souvent.

Delvau, 1866 : s. m. Collerette à larges plis, du genre de celle que Debureau a rendue classique.

Rigaud, 1881 : Le mâle de la pierrette, personnage de carnaval.

Rigaud, 1881 : Au bout d’une année de présence sous les drapeaux, de « bleu » qu’il était, le soldat reçoit le sobriquet de pierrot, qu’il conservera jusqu’à la quatrième année, époque à laquelle il obtient le surnom de « la classe ».

Merlin, 1888 : Terme injurieux et méprisant ; épithète donnée au mauvais soldat.

Fustier, 1889 : Argot d’école. Dans les écoles d’arts et métiers on désigne ainsi l’élève de première année.

Les anciens ont tous démissionné. Nous ne sommes plus que des pierrots et des conscrits.

(Univers, 1886.)

France, 1907 : Conscrit ; argot militaire.
Quand les loustics d’une chambrée out affaire à un pierrot dont la physionomie offre tous les caractères du parfait du Jean-Jean, ils s’empressent de le rendre victime d’un certain nombre de plaisanteries, pas bien méchantes, pas bien spirituelles, mais qui prennent toujours. Elles consistent à l’envoyer chercher un objet quelconque qui n’existe que dans leur imagination et paré d’un nom plus ou moins abracadabrant. Le pauvre pierrot s’en va en répétant le nom, crainte de l’oublier, et il erre de chambre en chambre, de peloton en peloton, toujours renvoyé plus loin, faisant balle parfois, jusqu’au moment où il revient à son point de départ, bredouille naturellement, et salué à sa rentrée par les rires homériques de ses mystificateurs.

C’est ainsi qu’il part à la recherche :
De la boite à guillemets ;
De la boite à matriculer les pompons ;
Du moulin à rata ;
Du parapluie de l’escadron ;
De la clé du terrain de manœuvre ;
De la selle de la cantinière ;
Du surfaix de voltige du cheval de bois ;
De la croupière de la cantinière, etc.

France, 1907 : Individu quelconque. Terme de mépris.

Les opportunards ont eu le pouvoir et ils n’ont fait rien de rien, — à part s’engraisser.
Après eux, la radicaille s’est assise autour de l’assiette au beurre — et ça a été le même fourbi : l’emplissage des poches par toute la racaille dirigeante.
Et on a eu de grands et fantastiques tripotages : le Tonkin, les Conventions scélérates, le Panama… Et des pierrots qui, la veille, s’en allaient le cul à l’air, se sont retrouvées millionnaires !…

(Le Père Peinard)

France, 1907 : Sobriquet donné autrefois par les régiments de ligne aux soldats des gardes.

On choisit huit compagnies de grenadiers, tant du régiment du roi que d’autres régiments, qui tous méprisent fort les soldats des gardes qu’ils appellent pierrots.

(Lettre de Racine à Boileau, 1691)

France, 1907 : Petit verre de vin blanc pris le matin à jeun ; argot militaire. Asphyxier un pierrot, boire un verre de vin blanc.

France, 1907 : Nom vulgaire du moineau franc. Georges d’Esparbès à fait une comparaison charmante entre le pierrot oiseau et le pierrot conscrit, au moment de l’appel.

Ce sont des voix niaises, des voix lestes qui me répondent, et d’escouade en escouade, ces cris voltigent par-dessus nos sacs, au ras des fusils, comme un essaim d’alouettes. Ha, ces petits noms ! ils arrivent du chaume et de l’impasse, et lorsqu’ils éclatent, lancés dans le silence des rangs, toute la joie libre des plaines et la gaminerie des squares chante en eux ! Ce sont les oiseaux des villes en cage avec ceux des bois. Ils se tiennent serrés, l’aile contre leur Lebel, hardis et frileux, avec du grain et des cartouches dans leur sac, de quoi picorer, de quoi se battre, et pendant que l’oiseleur au képi d’or attend l’appel, pour voir si les pierrots sont là, prêts à voler en campagne, la bande entière secoue ses plumes, raidit ses pattes rouges, et finalement s’immobilise, impatiente, le bec ouvert.

France, 1907 : Collerette à larges plis.

France, 1907 : Couche de savon que le coiffeur applique sur le visage d’un client malpropre qui a oublié de se le laver en venant se faire faire la barbe, afin de ne pas laisser par le passage du rasoir une marque de crasse. « Le pierrot, dit Alfred Delvau, n’est en usage que dans les faubourgs, où la propreté est une sainte que l’on ne fête pas souvent. »

Pierrot !

Delvau, 1866 : Terme de mépris, fréquemment employé par les ouvriers, et qui sert de prologue à beaucoup de rixes, — celui qui est traité de pierrot voulant prouver qu’il a la pince d’un aigle. Les femmes légères emploient aussi ce mot, — mais dans un sens diamétralement opposé au précédent.

Pierrot (un)

Rigaud, 1881 : Un verre de vin blanc.

Piersonnage

France, 1907 : Proxénétisme maternel. Le mot ne fut guère employé que vers 1830 à cause d’une femme nommée Pierson qui trafiquait des charmes de sa fille.

Il y a des mères qui ne craignent pas de prendre l’initiative de la prostitution de leurs filles, et de les lancer elles-mêmes dans ce monde déplorable. C’est ce que le Figaro appelle le piersonnage. Ceux qui fréquentent la Closerie des Lilas y connaissent bien une fort jolie demoiselle, qui ne vient jamais seule, Si quelqu’un l’aborde : « Adressez-vous à ma mère !  ;» dit-elle.
Je m’arrête… Mais je dois dire que ce qui m’a plus indigné encore que cette infâme spéculation, c’est le calme parfait et souriant avec lequel la mère, — car c’est une vraie mère ! — pose et discute ses conditions !

(Ces Dames, 1850)

Piétiner

d’Hautel, 1808 : Frapper des pieds contre terre, comme le font ordinairement les enfans quand ils sont en colère.

Piètre

d’Hautel, 1808 : Mesquin, chétif, triste, abattu, harrassé ; tout ce qui est d’une qualité ou d’une condition médiocre.

Clémens, 1840 : Jeannot, niais, dont se servent les tireurs de cartes.

Rigaud, 1881 : Ancien sujet de la Cour des Miracles. Le piètre jouait le rôle de faux boiteux dans la grande comédie des infirmités pour rire. On dit encore en Basse-Normandie piètre, pour boiteux.

La Rue, 1894 : Compère des tireurs de cartes. Faux estropié.

France, 1907 : Faux estropié ; argot des voleurs.

Piétrerie

d’Hautel, 1808 : Lâdrerie, mesquinerie, chose vile et méprisable. Le peuple dit par corruption pieutre, pieutrerie.

Piètres

anon., 1827 : Estropiés.

Bras-de-Fer, 1829 : Estropiés.

Pieu

d’Hautel, 1808 : Roide comme un pieu. Se dit d’une personne qui a de la roideur dans son maintien, dans ses manières, entièrement dépourvue de graces.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Lit.

M.D., 1844 : Un lit.

un détenu, 1846 : Lit.

Halbert, 1849 : Lit.

Larchey, 1865 : Lit. — Allusion à la dureté des lits de bagne, de prison et de corps-de-garde.

On peut enquiller par la venterne de la cambriolle de la larbine qui n’y pionce quelpoique, elle roupille dans le pieu du raze.

(Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Lit, couchette, — dans l’argot des faubouriens. Aller au pieu. Aller se coucher. Se coller dans le pieu. Se coucher. Être en route pour le pieu. S’endormir.

Rigaud, 1881 : Lit ; barre ; traverse. — Rivé au pieu, passionnément épris d’une fille, d’une femme galante ; c’est-à-dire rivé au lit.

Ce mot terrible, dont l’argot a baptisé le lit des sales amours.

(Ed. et J. de Goncourt, Le Vieux Monsieur.)

Merlin, 1888 : Lit. — Le lit militaire n’a, en effet, rien à envier à la dureté du pieu.

La Rue, 1894 : Lit.

Virmaître, 1894 : Le lit. Se fourrer au pieu. Se coller dans le pieu. Allusion à ce que l’on s’y enfonce comme le pieu s’enfonce dans la terre (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Lit.

Hayard, 1907 : Lit.

France, 1907 : Lit ; argot populaire et militaire. Ce mot ne vient pas de ce que le lit de troupe ou celui du pauvre est dur comme un pieu, mais du vieux français piautre, paillasse, dont l’argot du voleur a fait piaucer, dénaturé en pioncer par l’argot populaire.

— À peine était-elle fourrée au pieu que j’allais l’y rejoindre. Ah ! mes enfants, si vous aviez entendu ses petits cris étouffes ! « Allez-vous-en ! me disait-elle. Vous avez encore un rude aplomb, vous ! Allez-vous-en, ou j’appelle maman ! — Appelle si tu l’oses. – Oui, je vais oser. — Ose donc ! » Il n’y avait pas de danger. J’étais trop sûr de mon affaire, et je continuais à me glisser dans le petit pieu.

(Les Joyeusetés du régiment)

A’s ont pus d’pain
Car le chopin
N’est pas rupin…
C’est du lapin.
A’s ont pus d’feu,
A’s pri’nt l’bon Dieu,
Qu’est un bon fieu,
D’chauffer leur pieu.

(Aristide Bruant)

Être rivé au pieu, être attaché passionnément a une femme.

anon., 1907 : Lit.

Pieu (le)

Delvau, 1864 : Le membre viril — qu’où enfonce dans ce terrain mouvant qu’on appelle le vagin de la femme.

Jamais mon pieu ne ballotte,
Et sitôt qu’je l’ pousse d’un bord,
Crac ! il se dress’ comme un r’ssort.

G. de la Landelle.

Pieuter

Rossignol, 1901 : Se coucher.

Pieuter (se)

anon., 1907 : Se coucher.

Pieuvre

Delvau, 1866 : s. f. Petite dame, femme entretenue, — dans l’argot des gens de lettres, qui disent cela depuis l’apparition des Travailleurs de la mer, où V. Hugo décrit si magistralement le combat de Giliatt contre un poulpe monstrueux. L’analogie est heureuse : jamais les drôlesses n’ont été plus énergiquement caractérisées.

Rigaud, 1881 : Femme galante. Ainsi désignée en 1866, en souvenir de la pieuvre des Travailleurs de la mer de V. Hugo.

Pieuvrisme

Delvau, 1866 : s. m. Métier de fille, corruption galante, commerce d’amour.

Pieux

d’Hautel, 1808 : Mot équivoque et satirique qui signifie qu’une personne sue des pieds, qu’elle exhale une mauvaise odeur.

Pif

Delvau, 1866 : s. m. Nez, dans l’argot du peuple. N’en déplaise à Francisque Michel qui veut faire ce mot compatriote de Barbey d’Aurevilly, je le crois très parisien. On disait autrefois se piffer de vin, ou seulement se piffer :

On rit, on se piffe, on se gave !

chante Vadé en ses Porcherons. Se piffer de vin, c’est s’empourprer le visage et spécialement le nez, — le pif alors ! On dit aussi Piton.

La Rue, 1894 : Nez. Vin. Se piffer, s’enivrer.

France, 1907 : Nez. Abréviation du vieil argot se piffer, boire. En buvant longtemps et ferme on se culotte le nez, on se fait un pif. Suivant Émile Goujet, auteur de l’Argot musical, ce mot viendrait du vieux français pifre, fifre, en italien piffero ; ce serait alors un jeu de mot sur flûter.

Il y a nez et nez, ceci est incontestable : et le langage imagé du peuple, l’argot des foules et des casernes, nous rappellent par leurs expressions triviales pif, trogne, mufle, piton, que le nez s’écarte quelquefois des règles normales de la plastique. Malgré leur plate vulgarité, ces expressions n’en sont pas moins les reflets d’une saisissante vérité sur laquelle nous tomberons tous d’accord, si nous nous appliquons à observer un peu autour de nous.

(A. Bue, Revue prytanéenne)

La petite n’est pas bégueule,
Elle saurait, comme un chicard,
Avoir des mots gras plein la gueule
Et se tendre d’un grand écart.
Elle pourrai blaguer d’un geste
Les gens en frac, plus droits qu’un pal,
Et faire bondir son pied leste
Jusqu’au pif du municipal.

(Jean Richepin, Les Blasphèmes)

Pif d’occase

France, 1907 : Client de passage d’une fille publique ; argot des prostituées. Faire un pif d’occase.

— J’ai fait que poiroter sous les lansquines en battant mon quart pour faire un pif d’occase qui me donne de quoi que mon marlou ne m’éreinte pas de coups.

(Louise Michel)

Pif, paf

d’Hautel, 1808 : Pour exprimer le bruit que l’on fait, en frappant quelqu’un, en le souffletant, ou le bruit de quelqu’arme à feu que l’on décharge.

Pif, piffard, piton

Rigaud, 1881 : Nez et principalement nez bien en chair et haut en couleur, nez d’ivrogne.

L’aubergine de leur pif.

(A. Pommier, Paris.)

Pif, pivase

Larchey, 1865 : Nez. — Ce dernier mot donne à penser que pif vient de pivois. Ce serait alors un nez de buveur.

L’autre jour, rue Saint-Martin, Voilà qu’un plaisant gamin le dit, riant aux éclats : C’cadet-là quel pif qu’il a !

Guinad, Ch., 1839.

Piffard

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme d’un nez remarquable, soit par son volume, soit par sa couleur.

France, 1907 : Possesseur d’un gros et grand nez ; argot populaire.

Piffe

Halbert, 1849 : Nez.

Piffer

un détenu, 1846 : Avoir en horreur, détester.

France, 1907 : Être mécontent, synonyme de faire son nez ; argot populaire.

Piffer (se)

Rigaud, 1881 : Se bourrer de nourriture ; pour s’empiffrer.

France, 1907 : Boire ; vieil argot.

On rit, on se piffe, on se gave !

(Vadé, Les Percherons)

Pifferaro

France, 1907 : Musicien italien qui joue soit de la cornemuse, soit d’une petite flûte appelée en Italie piffero. Le pluriel est pifferari.
À Paris, les pifferari de la campagne romaine et les Napolitaines aux seins brunis viennent se grouper, pendant les belles matinées, aux environs de la fontaine de la place Pigalle. C’est le marché aux modèles italiens.

Piffin (Biffin)

un détenu, 1846 : Chiffonnier.

Piffre

d’Hautel, 1808 : Un gros piffre. Une grosse piffresse. Se dit par raillerie de personnes excessivement grosses et replettes, et qui mangent goulument.

Pige

Larchey, 1865 : Année (Vidocq). — Mot à mot : mesure de temps. V. Piger.

Delvau, 1866 : s. f. Le nombre de lignes que tout compositeur de journal doit faire dans une heure. Prendre sa pige. Prendre la longueur d’une page, d’une colonne.

Delvau, 1866 : s. f. Défi, — dans l’argot des écoliers. Faire la pige. Se défier à jouer, à courir, etc.

Delvau, 1866 : s. f. Année, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Année. — Nombre de lignes qu’un typographe doit composer dans un temps donné.

Boutmy, 1883 : s. f. Tâche que doivent faire, pour être admis à la commandite, les compositeurs de journaux. La pige est de 30, 35, 40 et 42 lignes à l’heure.

La Rue, 1894 : Année. La tâche du typographe.

Virmaître, 1894 : Expression employée dans les imprimeries pour constater quel est celui des compositeurs qui lève le plus de lignes à l’heure (Argot des imprimeurs).

Virmaître, 1894 : Employé par les enfants quand ils jouent aux billes ; à l’aide d’une paille ou d’un petit morceau de bois, ils mesurent la distance de la bille la plus près du but pour trancher le différend (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Année. Synonyme de berge (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Année.

Hayard, 1907 : Année.

France, 1907 : Piège. Faire la pige, tromper, attraper.

Voyons, c’est pas la République qui vous effarouche ? Vous savez bien que pour la rosserie elle ne se laissera faire la pige par aucun roi.

(Le Père Peinard)

France, 1907 : Année ; argot des voleurs.

France, 1907 : Prison ; argot des voleurs. On est pige quand on est en prison.

France, 1907 : Heure. Dans l’argot des typographes, c’est un certain nombre de lignes que l’on doit composer dans une heure. Prendre sa pige, s’assurer de la longueur d’une page ou d’une colonne.

Pigeon

d’Hautel, 1808 : Un niais, un sot, un homme simple et crédule, que les fripons attirent dans un piège pour le duper ; l’escroquer.
Plumer le pigeon. Filouter, duper, tromper un homme simple et naturel.
Il ne faut pas laisser de semer, par la crainte des pigeons. Signifie qu’il ne faut abandonner une affaire, pour quelque léger inconvénient qu’on y rencontre ; ni se laisser décourager par les clameurs des sots et des ignorans.

Clémens, 1840 : Facile à gagner au jeu.

Delvau, 1864 : Jeune homme innocent, ou vieillard crédule, dont les filles se moquent volontiers, prenant son argent et ne lui laissant pas prendre leur cul, et le renvoyant, plumé a vif, au colombier paternel ou conjugal.

Près de là je vois un pigeon,
Qui se tenait droit comme un jonc,
Le nez au vent et l’âme en peine,
Il regardait d’un air vainqueur,
Ma nymphe qu’avait mal au cœur :
Pour un cœur vierge, quelle aubaine !

Ant. Watripon.

J’lui dit : Ma fille, allons, n’fais pas d’ manière. Et j’ la conduit moi-même au pigeonnier.

(Chanson nouvelle.)

J’ai ma colombe.
— Moi, je tiens mon pigeon.

(les Bohémiens de Paris.)

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui se laisse volontiers duper par les hommes au jeu et par les femmes en amour. Avoir son pigeon. Avoir fait un amant, — dans l’argot des petites dames. Plumer un pigeon. Voler ou ruiner un homme assez candide pour croire à l’honnêteté des hommes et à celle des femmes. On dit aussi Pigeonneau. Le mot est vieux, — comme le vice. Sarrazin (Testament d’une fille d’amour mourante, 1768), dit à propos des amants de son héroïne, Rose Belvue :

…De mes pigeonneaux
Conduisant l’inexpérience,
Je sus, dans le feu des désirs,
Gagner par mes supercheries
Montres, bijoux et pierreries,
Monuments de leurs repentirs.

Delvau, 1866 : s. m. Acompte sur une pièce à moitié faite, — dans l’argot des vaudevillistes.

Rigaud, 1881 : Avance sur un livre, sur une pièce de théâtre, — dans le jargon des libraires.

La Rue, 1894 : Dupe. Acompte. Pigeon voyageur, prostituée exploitant les trains de banlieue.

Virmaître, 1894 : Homme facile à plumer. Plumer un pigeon, c’est plumer un individu qui a un béguin pour une fille.
— Je tiens mon pigeon, il laissera sa dernière plume dans mon alcôve (Argot des filles).

France, 1907 : Dupe, simple, naïf, facile à attraper. Élever des pigeons, engager des dupes à jouer pour les tricher et leur vider les poches.

Il est malheureusement avéré qu’une partie de la population des grandes villes sert de pâture a l’autre, mais il faut avouer aussi que l’étourderie et la distraction de certains pigeons font la partie trop belle aux exploiteurs.

(Charles Reboux, Les Ficelles de Paris)

Au salon — quelques bambins absorbés par l’innocent jeu de « pigeon vole », les yeux fixés sur la jeune fille qui parle :
— Hanneton vole !
Une douzaine de petits doigts montrent le plafond.
— Mon oncle Charles vole !
Personne ne bouge.
— Tout le monde un gage, dit Bébé.
Récriminations sur toute la ligne ; intervention de l’oncle Charles qui demande une explication.
— Mais oui, que tu voles, faut l’espiègle, parce que petite mère a dit que pour te faire plumer comme ça tous les jours à la Bourse, il fallait que tu sois un fameux pigeon.

(Aladin, Germinal)

France, 1907 : Part des recettes dues à un auteur par un directeur de théâtre ou acompte que reçoit l’auteur sur une pièce à l’étude.

France, 1907 :

Qui veut tenir nette sa maison
N’y mette prêtre ni pigeon.

(Vieux dicton)

Pigeon (ailes de)

France, 1907 : Genre de coiffure qui fut à la mode autrefois et qui figurait au moyen de la frisure d’une touffe de cheveux une aile de chaque côté de la figure.

Adieu ma gloire ! Adieu mes honoraires !
Tout est perdu. Nos indignes enfants
Ont méconnus les leçons de leurs pères
Et de notre art sapé les fondements,
La cacatois s’est hélas ! écroulée,
On a coupé les ailes de pigeons,
Et du boudoir la pommade exilée
Se réfugie au dos des postillons.

(Scribe, Le Coiffeur et le Perruquier)

Pigeon voyageur

Rigaud, 1881 : Fille publique qui choisit les trains de banlieue pour exercer son industrie. — Le pigeon voyageur va se réfugier de préférence dans un wagon occupé par un monsieur seul… À la première station, le pigeon passe dans un autre wagon, et ainsi de suite. Il y en a qui poussent de la sorte jusqu’à Versailles.

France, 1907 : Prostituée qui exploite les trains de banlieue et opère dans les compartiments où elle se trouve seule avec un homme.

Pigeonnage

France, 1907 : Cloison de plâtre.

Pigeonner

Larchey, 1865 : Duper. Le mot est vieux ; la chose est toujours nouvelle.

Un de ceux qui se laissent si facilement pigeonner.

Dialogues de Tahureau, 1585.

Delvau, 1866 : v. a. Tromper.

Rigaud, 1881 : Tromper.

France, 1907 : Duper ; argot populaire.

Ce n’est plus moi qui pige, c’est moi qui suis pigeonné.

(Mémoires de M. Claude)

Pigeonnier

Rigaud, 1881 : Le boudoir d’une femme galante.

France, 1907 : Boudoir d’une cocottte ; on y attire les pigeons pour les plumer vifs.

Pigeons (élever des)

Rigaud, 1881 : Gagner au jeu l’argent des dupes, vulgo : pigeons, — dans l’argot des grecs. C’est encore tenir une table d’hôte où les imbéciles tombent victimes de leur passion pour le jeu.

Piger

d’Hautel, 1808 : Terme de jeu, dont les écoliers, les enfans se servent, dans les cas douteux, et qui signifie, disputer, contester entre soi l’avantage de la partie, prétendre être le plus près du but, vouloir l’emporter sur son adversaire.
J’en pige. Pour dire je gagne, je l’emporte, je fais des points dans cette partie.

un détenu, 1846 : Prendre quelqu’un sur le fait.

Larchey, 1865 : Saisir. V. d’Hautel, 1808.

Larchey, 1865 : Mesurer. — La pige est chez les ouvriers un morceau de bois donnant la longueur indiquée par le plan. — Au moyen âge on appelait pigours les fabricants de certaines mesures de capacité ?

Larchey, 1865 : Considérer, mesurer de l’œil.

Pige-moi ça, regarde-moi un peu ce chique !

La Bédollière.

Delvau, 1866 : v. n. Mesurer, — dans l’argot des écoliers lorsqu’ils débutent. On dit aussi Faire la pige.

Delvau, 1866 : v. a. Prendre ; appréhender au collet, — dans l’argot du peuple. Se faire piger. Se faire arrêter, se faire battre. Signifie aussi S’emparer de… Piger une chaise. Piger un emploi.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Considérer, contempler, admirer. Piges-tu que c’est beau ? C’est-à-dire : Vois-tu comme c’est beau ?

Rigaud, 1881 : Prendre, filouter. — Regarder. — Mesurer. — On m’a pigé mon porte-plume. — Je te pige, va ! — Il faut que je pige pour la justification, — en terme de typographe.

Rigaud, 1881 : Prendre en flagrant délit, — dans le jargon des collégiens. — Le pion m’a pigé à cramer une sèche et m’a collé pour dimanche.

Rigaud, 1881 : Dépasser, — dans le jargon des canotiers de la Seine. Avec sa périssoire il pige tous les canots.

Fustier, 1889 : Lutter. Se mesurer avec quelqu’un. « Je ne vois guère que le Président de la République qui pourra piger avec lui, et encore ! »

(Figaro, 1882.) — Battre.

La Rue, 1894 : Prendre, filouter. Regarder. Mesurer. Aller plus vite ou faire mieux. Frapper.

France, 1907 : Mesurer.

France, 1907 : Tromper.

France, 1907 : Attraper, prendre, obtenir.

Après une demi-douzaine de visites au ministre, visites pendant lesquelles celui-ci défendait sa porte, elle pigea le ruban rouge pour son mari. Ce n’est pas plus malin que ça.

(Les Propos du Commandeur)

Comme, en le voyant entrer sans crier gare, les gens s’étaient dressés ébahis, interrompaient leur partie, le peintre très aimablement les pria de ne pas se déranger, leur expliqua à peu près la cause de cette indiscrète interruption.
— J’ai toujours dit à Madame qu’elle était trop imprudente, qu’elle finirait par se faire piger, s’exclama la femme de chambre d’un ton grave.

(René Maizeroy)

France, 1907 : Voir, trouver.

— Tiens, c’est ta femme, cette colombe-là͇? Où as-tu pigé ce canasson-là ? C’est bon pour le Muséum, mon cher.

(Baumaine et Blondelet, Les Locutions vicieuses)

Ils vont, revolver au poing
Et le regard rouge,
Guettant s’ils ne pigent point
Un homme qui bouge.
Ils explorent l’atelier
En quête d’alerte,
Tout prêts à tout mitrailler.
La Chasse est ouverte.

(Le Patronnet, La Petite République)

France, 1907 : Concourir, rivaliser.

Je vous jure bien que dans cette foule de fillettes de magasin qui descendent en capeline… petites gueules fraîches toussotant à la brune, toujours talonnées de quelque galant, aucune n’aurait pu piger avec elle.

(Alphonse Daudet)

France, 1907 : Comprendre ; argot de voleurs.

— Piges-tu, pas de braise ; ceux qu’ont du poignon dans les finettes peuvent décaniller.

(Louise Michel)

Piger la vignette

Boutmy, 1883 : v. Regarder avec complaisance quelqu’un ou quelque chose de divertissant.

France, 1907 : Regarder attentivement et avec plaisir une scène ou une personne.

Piges

un détenu, 1846 : Années.

Piget

Larchey, 1865 : Château (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Château, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Château.

France, 1907 : Château ; argot des voleurs. Sans doute, abréviation de pigeonnier.

Piget, pipet

Rigaud, 1881 : Château, — dans l’ancien argot.

Pigler

France, 1907 : Sauter.

Pignard

Larchey, 1865 : Postérieur (id). — Ancien. V. Roquefort, Pigné.

France, 1907 : Pantalon ; argot de voleurs. C’est aussi le derrière.

Pignard ou proie

Halbert, 1849 : Cul, derrière.

Pignocher

d’Hautel, 1808 : Manger sans appétit, et avec dégoût, tripoter dans son assiette,

Delvau, 1866 : v. n. Manger avec dégoût, trier les morceaux qu’on a sur son assiette. Argot du peuple. On disait autrefois Épinocher.

Delvau, 1866 : v. a. Peindre ou dessiner avec un soin méticuleux, — dans l’argot des artistes, ennemis de l’art chinois.

Fustier, 1889 : Peindre minutieusement. Argot des artistes. — Manger du bout des dents.

Un soir qu’il pignochait des œufs qui sentaient la vesse.

(Huysmans : À vau-l’eau.)

Virmaître, 1894 : Terme employé dans les ateliers de peintres pour désigner un artiste qui peint à petits coups de pinceau. Il pignoche sa toile. Meissonier était le roi des pignocheurs (Argot des artistes).

France, 1907 : Trop finir une œuvre, dans l’argot des artistes peintres ; synonyme de fignoler.

Pignocher (se)

Rigaud, 1881 : Se battre. C’est une variante de se peigner.

La Rue, 1894 : Se battre.

France, 1907 : Se battre.

Pignocheur

d’Hautel, 1808 : Qui mange sans appétit, qui n’est pas en train, qui se fait violence pour manger.

Pignon

d’Hautel, 1808 : Avoir pignon sur rue. Avoir une maison à soi ; avoir un magasin, ou une boutique qui donne sur la rue.

Pignon sur rue (avoir)

France, 1907 : Posséder une maison sur la rue. Le pignon est la partie du mur d’une maison qui s’élève en triangle et sur laquelle porte l’extrémité de la toiture. Autrefois le pignon de toutes les maisons faisait face à la rue. Les pauvres gens avaient leur pignon que dans les ruelles ou les cours. Avoir pignon sur rue était donc le fait d’un propriétaire aisé.

Pignouf

Larchey, 1865 : Homme grossier, mal élevé.

Cet animal d’Amédée n’a pas le sou. — Prends-en un autre. — Où ça ! tous des pignoufs ici.

1860, À bas le quartier latin.

Larchey, 1865 : Chez les cordonniers, le maître s’appelle pontif, l’ouvrier gniaf, et l’apprenti pignouf.

Rigaud, 1881 : Apprenti cordonnier. — Grossier personnage, malappris.

En voilà un petit pignouf de calicot, qui m’a fait boire de la groseille quand j’avais demandé du madère !

(G. Lafosse, Petit journal amusant.)

Le Pignouflard, c’est le pignouf dans toute sa beauté, la dernière expression du goujat.

Fustier, 1889 : Élève reçu à l’École normale, mais qui n’a pas encore subi l’épreuve du canularium. (V. ce mot.)

La Rue, 1894 : Grossier. Avare. Goujat. Apprenti cordonnier.

Virmaître, 1894 : Un miché qui pose un lapin à une fille est un pignouf (Argot des filles).

France, 1907 : Individu grossier, avare, égoïste, glouton. Terme de mépris que l’on adressait autrefois dans les régiments à ceux qui buvaient seuls, qui faisaient suisse. L’Intermédiaire des chercheurs et curieux donne, sous la signature Ego E-G, l’explication de ce mot :

D’après nos professeurs de langue verte, ce mot s’applique à tout individu considéré comme un goujat, un grossier personnage, comme un homme malpropre et malappris ; c’est le dernier échelon, en outre, de l’échelle sociale des savetiers, au sommet de laquelle trône le chef de l’atelier du pontife, tandis que l’ouvrier ou gniaf siège plus bas ; telle est, au figuré comme au sens propre, la signification générale de cette grotesque locution. Quant à son étymologie, faut-il la voir dans le vieux mot français pigne (peigne), dont se servaient jadis Rabelais, Regnier, Villon et leurs émules, afin de mieux adapter une portée dédaigneuse à leur pensée et qui s’est implanté plus tard, chez nous, dans une conception identique, accompagné d’une interjection (ouf) capable de lui donner à la fois un son moins vague et radical ? Doit-on, au contraire, le puiser avec un peu plus de succès dans les pinons (pommes de pin), dont la corruption a fait pignons et même peignons, afin de désigner directement ce qui reste de la laine, après qu’elle a été peignée (postquam carminata fuit tana) comparaison qui nous conduit à regarder toujours le mot dans son acception présente ? ou bien, en remontant jusqu’au celtique pen (tête, sommet), faut-il y voir le motif d’une allusion portée jusqu’au comble du mépris pour l’individu qu’elle frappe ? Quelle que soit l’origine que l’on préfère, on y trouvera toujours une portée presque identique et qui se résume dans la désignation frappante de l’homme sale comme un peigne et malappris.

 

Quelques coryphées très jeunes causent au foyer de la danse :
Qu’est-ce que c’est que les sénateurs ?
— Un tas de vieux, répondent les mieux renseignées.
— Et les députés… sont-ils plus jeunes ?
— Ils sont moins vieux.
D’où cette réflexion surnaturaliste d’une petite marcheuse, ayant déjà beaucoup marché :
— C’est donc ça qu’ils sont plus pignoufs !

Pignouf ou pignoufle

Delvau, 1866 : s. m. Paysan, — dans l’argot des voyous. Voyou, — dans l’argot des paysans de la banlieue de Paris. Apprenti, — dans l’argot des ouvriers cordonniers. Homme mal élevé, — dans l’argot de Bréda-Street.

Pignouflard

France, 1907 : Augmentatif de pignouf.

Pigoche

Delvau, 1866 : s. f. Morceau de cuivre, et ordinairement Écrou avec lequel les gamins font sauter un sou placé par terre, en le frappant sur les bords. Jouer à la pigoche. Faire sauter un sou en l’air. C’est l’enfant qui le fait sauter le plus loin qui a gagné.

France, 1907 : Jeu de sous. La pigoche est un morceau de cuivre ou un bouton de métal avec lequel on fait sauter un sou posé par terre en le frappant sur les bords.

Nous arrachons tout, les boutons
Des portes et des pantalons,
Pour la pigoche.

(De Chatillon)

Pigrer

La Rue, 1894 : Voler. Pigrage, vol.

Pigut

Fustier, 1889 : Argot des lycées. Lieux d’aisances. Piguter, aller aux lieux d’aisances.

France, 1907 : Lieux d’aisances ; argot des lycéens.

Piguter

France, 1907 : Aller aux lieux d’aisances.

Pihouais

France, 1907 : Vin.

Pilaf

France, 1907 : Plat turc composé de riz, qu’on a fait gonfler dans une petite quantité de bouillon, puis retiré du feu en couvrant le vase ; on y mêle du blanc de poulet.

Pilche

Rigaud, 1881 : Étui, — dans l’ancien argot, de l’anglais pilcher, fourreau.

France, 1907 : Étui ; argot des voleurs.

Pile

d’Hautel, 1808 : N’avoir ni croix ni pile. Être dépourvu, dénué d’argent.

Delvau, 1866 : s. f. Correction méritée ou non, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Volée de coups de poing et de coups de pied. — Pile sterling, forte pile, tout ce qu’il y a de mieux en fait de pile. — Flanquer une pile que le diable en prendrait les armes, battre avec acharnement.

La Rue, 1894 : Correction, volée de coups. Valeur de 100 francs.

France, 1907 : Cent francs ; allusion au rouleau d’écus.

France, 1907 : Volée de coups. Flanquer une pile à sa femme.

— Après la pose de la première pierre du pont-Alexandre III par le tsar, pose de la première pierre du pont Troïtsky par le président de la République…
— Et l’on peut dire des piles de ces ponts-là que ce sont les seules que deux grandes nations devrait jamais échanger !

(Est républicain)

Pile !

Delvau, 1866 : Exclamation du même argot [des faubouriens], lorsque quelque chose tombe et se casse.

France, 1907 : Exclamation argotique quand on entend tomber et se casser quelque chose.

Pile (en recevoir une)

Virmaître, 1894 : Être battu à plate couture (Argot du peuple).

Pile (recevoir une)

Hayard, 1907 : Recevoir une volée.

Pile (une)

Virmaître, 1894 : Cent francs (Argot des voleurs).

Pile ou face

Rigaud, 1881 : Exclamation faubourienne usitée lorsque quelqu’un se laisse tomber ou laisse tomber quelque chose.

Piler

Delvau, 1866 : v. a. Pousser plus ou moins brutalement, — plutôt plus que moins, — dans l’argot des gamins. Signifie aussi Battre.

France, 1907 : Pousser brutalement ; argot des voyous.

Piler du poivre

Larchey, 1865 : Marcher avec la plante des pieds écorchées, en souffrant à chaque pas comme si du poivre pilé brûlait la chair.

Delvau, 1866 : Avoir des ampoules et marcher sur la pointe des pieds, par suite d’une très longue marche, — dans l’argot du peuple. Se dit également des cavaliers ou amazones novices, par suite d’exercices équestres trop prolongés. S’emploie aussi pour signifier Médire de quelqu’un en son absence, et S’ennuyer à attendre. Faire piler du poivre à quelqu’un. Le jeter plusieurs fois par terre, en le maniant avec aussi peu de précaution qu’un pilon.

Rigaud, 1881 : Ne pas se tenir d’aplomb à cheval, suivre, à contre-temps, le mouvement du trot, de façon à ce que le postérieur s’enlève de la selle et y retombe avec force, mouvement qui rappelle l’action de piler du poivre dans les mortiers des droguistes.

Merlin, 1888 : Marquer le pas, ou monter une faction. En cavalerie, enfourcher sans étriers un cheval à réactions dures.

Virmaître, 1894 : Individu qui a des chaussures neuves qui lui font mal ; il marche sur la pointe des pieds. Il pile du poivre. On dit également :
— Il est dans la prison de Saint-Crépin.
Quand une personne est absente et que l’on médit d’elle, on pile du poivre sur son compte.
On connaît cette anecdote de Tortoni :
Il y avait une vingtaine de journalistes réunis. Chaque fois que l’un s’en allait, aussitôt il était arrangé de belle façon, et ainsi de suite jusqu’au dernier.
Celui-là, en partant, se dit : au moins on ne pilera pas de poivre sur mon compte ; je reste seul.
Le garçon l’accompagna et dit en fermant la porte : — Quel crétin que ce coco-là, il se croit l’égal de Victor Hugo et il est plus bête que trente-six cochons.
Le garçon pilait du poivre.
Faire piler du poivre à quelqu’un :
lui casser la tête sur le pavé (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Être monté sur un cheval qui trotte sec ; argot militaire.

On use une culotte en trois séances, mais on y gagne un appétit qui ne peut être assouvi par la cantine de l’École que si le bienheureux propriétaire a des revenus princiers. Ajoutez que cet exercice vous fait marcher large, parce qu’il détériore d’une façon très sensible ce qui, dans votre individu, se montre rarement à visage découvert. On appelle cet piler du poivre.

(Théo-Critt, Nos farces à Saumur)

France, 1907 : Marcher difficilement, soit par suite de fatigue ou de blessure aux pieds.

France, 1907 : Médire derrière quelqu’un, synonyme de casser du sucre, c’est l’habitude des journalistes et des gens de lettres de piler du poivre en l’absence d’un camarade.
On connait cette anecdote de Tortoni :

Il y avait une vingtaine de journalistes réunis. Chaque fois que l’un s’en allait, aussitôt il était arrangé de belle façon, et ainsi de suite jusqu’au dernier.
Celui-là, en partant, se dit : Au moins on ne pilera pas de poivre sur mon compte ; je reste seul.
Le garçon l’accompagna et dit en fermant la porte :
— Quel crétin que ce coco-là ; il se croit l’égal de Victor Hugo et il est plus bête que trente-six cochons !
Le garçon pilait du poivre.

(Ch. Virmaître)

Piler le bitume

France, 1907 : Se dit d’une fille publique qui arpente le trottoir à la recherche d’un client.

Piler le poivre

Delvau, 1866 : Monter une faction, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Être en faction, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Monter une faction.

Piler ou polir le bitume

Halbert, 1849 : Se promener pour chercher pratique.

Pilier

d’Hautel, 1808 : Se frotter au pilier. Prendre les mauvaises habitudes des personnes que l’on fréquente.
Un pilier de cabaret. Ivrogne de profession, qui du matin au soir ne décesse de boire, ne bouge pas du cabaret.
Il a de bons gros piliers. Se dit en plaisantant d’un homme qui a les jambes grosses et massives.

Halbert, 1849 : Maître de maison de femme.

Larchey, 1865 : Habitué dont la présence soutient un établissement comme un pilier soutient un plafond.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui ne bouge pas plus d’un endroit que si on l’y avait planté. Argot du peuple. Pilier de cabaret. Ivrogne. Pilier d’estaminet. Culotteur de pipes. Pilier de Cour d’assises. Qui a été souvent condamné.

Rigaud, 1881 : Fidèle habitué d’un endroit. — Pilier de café, pilier de bal public.

Rigaud, 1881 : Commis. — Pilier de boutanche, commis de magasin. — Pilier de paquelin, commis voyageur. — Pilier du creux, pilier de la boîte, chef de maison, patron d’un établissement.

La Rue, 1894 : Le mari de la matrone au prostibulum.

Pilier de boutanche

Delvau, 1866 : s. m. Commis, — dans l’argot des voleurs. Pilier de paclin. Commis voyageur. Pilier du creux. Patron, maître du logis.

France, 1907 : Boutiquier ; argot des voleurs.

Pilier de cabaret

Virmaître, 1894 : Soulard qui ne quille pas le mastroquet. C’est, en effet, une des colonnes de la boutique. Les ménagères emploient souvent cette expression quand leur mari rentre par trop imbibé (Argot du peuple).

Pilier de cour d’assises

Virmaître, 1894 : Récidiviste qui a subi plusieurs condamnations. Cheval de retour (Argot du peuple).

Pilier de pacquelin

France, 1907 : Voyageur de commerce ; argot des voleurs.

Pilier de paquelin

La Rue, 1894 : Faux commis-voyageur exploitant les hôtels de province en se faisant donner par le propriétaire des avances sur de prétendus ballots de marchandise qu’il doit recevoir, et qu’il ne reçoit jamais.

Pilier du creux

Larchey, 1865 : Maître du logis. — Même allusion. Pilier nous paraît plutôt une forme de pilleur, pillard dans Pilier de boutanche : Commis de boutique, et Pilier de pacquelin : Commis voyageur. Ces deux derniers volent leurs patrons et leurs hôteliers.

Pillard

d’Hautel, 1808 : Maraudeur, escogrife ; homme qui aime à prendre, plagiaire.

Pille

France, 1907 : Mille francs ; argot des voleurs.

Piller

d’Hautel, 1808 : Se piller. Se prendre de paroles ; se dire réciproquement des injures.
Pille-moi ça. Se dit pour agacer un chien.

Boutmy, 1883 : v. intr. Prendre des sortes dans la casse de ses compagnons. C’est voler.

Pillerot

Fustier, 1889 : Voleur.

Pilleur de boîtes

Boutmy, 1883 : s. m. Celui qui pille la casse de ses camarades. V. Fricoteur.

Piloche

Rigaud, 1881 : Dent, — dans le jargon des voleurs.

Piloches

France, 1907 : Dents ; argot des voleurs. « La vieille harpie n’avait plus que trois piloches. »

Piloirs

France, 1907 : Doigts ; argot des voleurs.

Pilon

Rigaud, 1881 : Doigt, — dans le même jargon.

Fustier, 1889 : Argent. Argot du peuple. Pilonner, tuer pour avoir de l’argent.

La Rue, 1894 : Doigt.

Rossignol, 1901 : Mendiant. Le mendiant pilon est celui qui a une jambe de bois.

France, 1907 : Pouce ; argot des voleurs.

France, 1907 : Mendiant estropié.

Pilon, pilonner

anon., 1907 : Mendiant, mendier.

Pilonner

Rossignol, 1901 : Mendier.

France, 1907 : Mendier.

Qu’est-c’ que vous dit’s, mosieu l’gendarme,
Que j’pilonn’, que j’n’ai pas d’métier,
Que j’suis sans aveu-z-et sans carme,
Vous rigolez, mon brigadier,
Quels sont mes moyens d’existence ?
D’où que j’viens ?… Ej’viens d’n’importe où…
Quant à c’que j’fais, y a pas d’offense,
Ej’ vends mon crayon pour un sou.

(Aristide Bruant)

Pilons

Delvau, 1866 : s. m. pl. Les doigts, et spécialement le pouce, — dans le même argot [des voleurs].

Pilote

France, 1907 : Indicateur de voleur.

Piloter

Delvau, 1866 : v. a. Conduire, guider, — dans l’argot du peuple.

Pilule (dorer la)

France, 1907 : Essayer, par de belles paroles, de couvrir le côté désagréable d’une chose, donner un tour plaisant à ce qui est pénible, à l’instar des pharmaciens qui recouvrent certaines pilules d’une couche dorée pour empêcher celui qui les avale d’en sentir l’amertume ou simplement pour empêcher de voir qu’elles ne sont que de simples boulettes de mie de pain. « Si pilule avait bon goût, on ne la dorerait pas », disent les Espagnols. On dit d’une personne qui reçoit un reproche, endure un affront sans mot dire, qu’elle avale la pilule. Molière disait : « Le mépris est une pilule que l’on peut bien avaler, mais qu’on ne peut mâcher sans faire la grimace. » C’est à peu près la traduction du dicton latin : Pilulæ sunt glutiendæ, non manducandæ, « on doit avaler les pilules et non les manger », c’est-à-dire, il faut avaler les injures et ne pas les savourer ; c’est la nécessité du faible en face du fort, et du pauvre devant le riche.

Ainsi les serments d’une belle
Sont les pilules perpétuelles
Ah ! ah ! mes chers enfants !
Qu’elle offre à chaque nouvel amant.

(Henry Naulus)

Pimbèche

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux ; impertinente, sotte bégueule ; précieuse ridicule.

Pimbêche

Delvau, 1866 : s. f. Femme dédaigneuse, — dans l’argot des bourgeois.

Pimpant

d’Hautel, 1808 : Faire le pimpant. Terme railleur et plaisant qui signifie faire l’élégant, le faquin, le fringant ; se donner des airs, se carrer ; être recherché dans sa parure.

Pimpeloter (se)

France, 1907 : S’amuser, boire et manger de son mieux, soigner son coffre ; argot populaire.

Pimpelotter (se)

Larchey, 1865 : Se régaler.

Elle n’haït pas de gobichonner et de se pimpelotter.

La Correctionnelle.

Delvau, 1866 : S’amuser, rigoler, gobichonner, — dans l’argot des faubouriens.

Pimper

France, 1907 : Regarder.

Pimpin

France, 1907 : Précieuse, mijaurée, pincée. Une pimpin qui court le matin les églises et le soir les galants. Patois du Béarn. À Montpellier, on dit pimpia.

Pimpions

Larchey, 1865 : Espèces monnayées. — Au moyen âge, on appelait Pipion une petite monnaie espagnole. Du Cange.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Pièces de monnaie, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Monnaie, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Pièces de monnaie ; argot des voleurs. Le pimpion était une petite monnaie espagnole en cours au XIIIe siècle.

Pimprenelle

France, 1907 : Jeune fille ; patois bourguignon. Proprement, de jeunes pimprenelles sont de jeunes personnes éveillées, évaporées, ne demandant qu’à s’amuser. On disait aussi pimpreneau, dans le sens de petit éventé. « Ces mots de pimprenelle et de pimpreneau viennent, dit Bernard de la Monnoye, de ce que l’herbe appelée pimprenelle échauffe le foie, si l’on en croit les médecins, réjouit le cœur et donne de la vivacité. »

Pinard

France, 1907 : Adroit, rusé.

Pinçant

Halbert, 1849 : Ciseaux.

Rigaud, 1881 : Ciseaux, — dans l’ancien argot.

Pinçants

Delvau, 1866 : s. m. pl. Ciseaux, — dans le même argot [des voleurs].

La Rue, 1894 : Ciseaux.

France, 1907 : Ciseaux ; vieil argot. On dit aussi fauchants, fauchettes.

Pinçard

Fustier, 1889 : Bon cavalier. Argot des élèves de l’école de Saumur.

Il s’en va de la queue au crâne de la bête,
Tantôt penche à tribord, tantôt penche à bâbord.
S’il est vraiment pinçard, il entre dans le port.
Mais s’il est maladroit, hélas ! pique sa tête.

(Nos farces à Saumur.)

France, 1907 : Cavalier qui possède de longues jambes à l’aide desquelles il peut serrer fortement les flancs de son cheval ; terme d’équitation.

Il s’en va de la queue au crâne de la bête,
Tantôt penche à tribord, tantôt penche à bâbord,
S’il est vraiment pinçard, il entre dans le port,
Mais s’il est maladroit, hélas ! pique une tête.

(Théo-Critt, Nos farces à Saumur)

Pinçart

Rigaud, 1881 : En terme de maréchal-ferrant, un cheval est pinçart quand il marche sur la pince du pied.

Pince

d’Hautel, 1808 : Il est sujet à la pince. Se dit d’un homme dont la bonne foi est souvent en défaut.
Il craint la pince. Pour il redoute les poursuites de la justice.
Il a de bonnes pinces. Se dit de quelqu’un qui a le poignet fort ; qui sert vigoureusement ce qu’il tient.

Rigaud, 1881 : Main, — dans le jargon du peuple.

Ne vous essuyez pas la pince à votre mouchoir ou à votre paletot.

(L’art de se conduire dans la société des pauvres bougres.)

Pincé

Virmaître, 1894 : Être pincé, être pris. Être pincé : être amoureux.
— Je suis pincé pour Nana. Je n’en dors plus.
En pincer pour quelqu’un, c’est avoir un ardent désir (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Pris, surpris en fautant.

Pince (chaud de la)

Larchey, 1865 : Débauché. — Corruption de mot.

C’était un chaud de la pince, Qui peuplait dans chaqu’ province L’hospice d’s enfants trouvés.

Festeau.

Pince (tenir à la)

Rigaud, 1881 : Exercice acrobatique qui consiste à tenir le sommet du crâne de son partner entre les cinq doigts, — dans le jargon des saltimbanques.

Pince sans rire

d’Hautel, 1808 : Railleur, homme qui, sans avoir l’air d’y toucher, dit des choses piquantes et offensantes.

Larchey, 1865 : Homme sévère.

Pince-cul

Larchey, 1865 : Bal public de dernier ordre. — V. Casse-gueule.

Ce bal inouï que l’argot téméraire de ses habitués avait surnommé le pince…

P. Féval.

Delvau, 1866 : s. m. Bastringue de la dernière catégorie. Argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Bastringue, où les amateurs de la liberté de pincer peuvent prendre du plaisir à pleine main.

Une fille qui respecte sa parentelle peut aller danser au Banquet d’Anacréon : ou aux Mille Colonnes, seulement elle ne va pas au bal Grados. C’est une infamie que ce pince-cul-là !

(Huysmans, Les Sœurs Vatard.)

La Rue, 1894 : Bal, bastringue de la plus basse catégorie.

Virmaître, 1894 : Bal de bas étage où l’on pelote la marchandise avant de l’emmener bacher (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Bal de bas étage.

Pince-dur

Delvau, 1866 : s. m. Adjudant, — dans l’argot des soldats, qui ont la mémoire des punitions subies.

Rigaud, 1881 : Adjudant sous-officier.

Pince-loque

Halbert, 1849 : Aiguille.

Pince-loques

Virmaître, 1894 : Aiguille, l’aiguille, en effet, sert à repriser les loques, à les raccommoder. Elle rapproche les trous, elle les pince (Argot des voleurs).

Pince-maille

d’Hautel, 1808 : Avare, pauvre hère ; celui qui vit misérablement.

Pince-sans-rire

Delvau, 1866 : s. m. Agent de police, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Homme caustique, qui blesse les gens sans avoir l’air d’y toucher, ou qui dit les choses les plus bouffonnes sans se dérider. On dit aussi Monsieur Pince-sans-rire.

Rigaud, 1881 : Agent de police, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Agent de police.

Pinceau

d’Hautel, 1808 : On lui a donné un vilain coup de pinceau. Se dit d’un homme contre lequel on s’est permis quelque satire, que l’on a tourné en ridicule.

Larchey, 1865 : Balai. — Allusion de forme. — V. Giberne.

Les hommes de corvée sont tous là prêts le pinceau eu main, je veux dire le balai en joue.

Vidal, 1833.

Delvau, 1866 : s. m. Plume a écrire, — dans l’argot des francsmaçons.

Delvau, 1866 : s. m. La main ou le pied, — dans l’argot des faubouriens, qui ont entendu parler du peintre Ducornet. Détacher un coup de pinceau. Donner un soufflet.

Delvau, 1866 : s. m. Balai, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Balai, — dans le jargon du régiment. — Voyons voir, administrez un coup de pinceau, et là, vivement !

Merlin, 1888 : Balai.

La Rue, 1894 : Balai. Pied.

Virmaître, 1894 : Balai.
— Quel riche coup de pinceau (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Balai.

Hayard, 1907 : Balai.

Pinceau (faire)

Rigaud, 1881 : Peindre sa flamme sur la porte du temple de Cythère avec le pinceau de l’amour.

Pincer

d’Hautel, 1808 : On l’a pincé. Pour dire on s’est saisi de sa personne ; on l’a incarcéré.
Pincer sans rire. Piquer, offenser quelqu’un sans avoir l’air d’y penser.

anon., 1827 : Prendre.

Bras-de-Fer, 1829 : Prendre.

Clémens, 1840 : Arrêter.

Halbert, 1849 : Prendre.

Larchey, 1865 : Exécuter.

En revenant, je pinçais la chansonnette.

Ricard.

Le professeur nous pinçait une nuance de cancan véritablement inédite.

L. Reybaud.

Larchey, 1865 : Arrêter.

Nomme l’coupable, qu’on l’pince

1813, Désaugiers.

En pincer : Avoir du goût.

Comm’ j’en pince pour le spectacle, j’vas souvent z’à la Gaîté.

1809, Brazier.

On dit par extension en pincer pour Mme X : Aimer Mme X.

Delvau, 1866 : v. n. Être vif, — dans l’argot du peuple. Cela pince dur. Il fait très froid.

Delvau, 1866 : v. a. Voler, filouter, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : v. a. Prendre sur le fait, arrêter. Pincer au demi-cercle. Arrêter quelqu’un, débiteur ou ennemi, que l’on guettait depuis longtemps.

Delvau, 1866 : v. a. Exécuter. Pincer le cancan. Le danser. Pincer de la guitare. En jouer. Pincer la chansonnette. Chanter.

Rigaud, 1881 : Filouter. — Exécuter. — Pincer le cancan, danser le cancan. — Pincer de la guitare, pincer de la harpe, être sous les verrous.

La Rue, 1894 : Filouter. Exécuter. Arrêter sur le fait. Pincer de la harpe. Être en prison. V. Harpe.

Pincer (en)

Rigaud, 1881 : Faire partie de, en être, — dans le jargon des voleurs.

Quand je vous récidive qu’on en pince et dur.

(P. Mahalin, Les Monstres de Paris.)

Pincer de la guitare

Delvau, 1866 : v. n. Être prisonnier, — par allusion à l’habitude qu’ont les détenus d’étendre les mains sur les barreaux de leur prison ou sur le treillage en fer du parloir grillé. On dit aussi pincer de la harpe.

Virmaître, 1894 : Toutes les fenêtres des cellules des prisonniers sont garnies de barreaux de fer. Ils pincent de la guitare avec les barreaux. Allusion aux cordes de la guitare (Argot des voleurs).

Pincer des frétillantes

Virmaître, 1894 : Danser. L’image est jolie, les jambes frétillent. Quand la Goulue pince des frétillantes dans un cavalier seul distingué, elle pince le pas du hareng saur en détresse (Argot du peuple).

Pincer le cul

Delvau, 1864 : Aimer à prendre à belles mains les fesses d’une femme, — où d’un homme quand on est pédéraste.

Il lui pince amoureusement le cul.

H. Monnier.

Godefroy, la nuit, après boire,
Pinça le cul, sournoisement
À Renaud encor presque imberbe.

B. de Maurice.

Pincer pour (en)

Rigaud, 1881 : Être épris de, être amoureux de. — J’en pince dur pour la blonde du second.

Pincer un coup de sirop

Delvau, 1866 : v. a. Boire à s’en griser un peu, — dans l’argot des faubouriens.

Pincer, rattraper au demi-cercle

Larchey, 1865 : Prendre à l’improviste. — Terme d’escrime.

Pinces

anon., 1907 : Mains.

Pinces (les)

Hayard, 1907 : Les mains.

Pincette

d’Hautel, 1808 : Baiser en pincette ou à la pincette. Serrer doucement avec les doigts, les joues de la personne que l’on veut embrasser.

Pincette (baiser à la)

Rigaud, 1881 : Baiser que donnent les enfants en pinçant de chaque main les joues de la personne qu’ils embrassent.

Pincettes

Delvau, 1866 : s. f. pl. Mouchettes, — dans l’argot des francs-maçons, qui disent aussi Pinces.

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les jambes, — surtout lorsqu’elles sont longues et maigres. Argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Jambes, quand elles sont minces.
— Tu fais sécher les bas sur des pincettes (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Les jambes.

Pincettes (se tirer les)

Rigaud, 1881 : Décamper. Les pincettes, ce sont les jambes, qui ont fourni à l’argot un assez joli contingent de transformations.

Pinchard

Delvau, 1866 : s. m. Siège pliant, — dans l’argot des artistes.

Pinchard, e

Delvau, 1866 : adj. De mauvais goût, un peu canaille, — dans l’argot des gens de lettres. Se dit surtout à propos de la Voix de certaines filles habituées à parler haut dans les soupers de garçons.

Pine

Delvau, 1864 : L’outil masculin, l’engin avec lequel l’humanité pine et se perpétua. On n’ose pas prononcer le mot, mais on adore la chose, et il n’est pas de rêve de jeune fille qui ne soit agréablement troublé par ce dieu qui n’a pas encore trouvé d’athée. Pine vient, soit du grec πηνη, corde, soit du latin pénis, queue, soit du français pénil.

L’autre la nommait sa pine.

Rabelais.

En notre troupe il y avait un prêtre breton qui avait la pine si offensée.

(Moyen de parvenir.)

Ton valet a mal à la pine,
Ton anus est en désarroi,
Fort aisément je m’imagine
Ce qu’il a pu faire avec toi.

(Épigrammes.)

Elle me dit qu’elle était fort étonnée qu’à mon âge je ne fusse pas plus instruite que cela sur le pinage, et qus si je voulais être discrète, elle m’instruirait parfaitement.

(Anaïs.)

Pour lors, un bracquemard du plus fort calibre la finit et la venge cinq ou six fois de l’insuffisante pinette qui vient de l’émoustiller.

(Les Aphrodites.)

Attends que je défasse tout cela : nous verrons la pine après.

La Popelinière.

… Piner est le mot des maçons.

L. Protat.

Dieu…
Pour les sétons et les cautères
Il fit les pois,
Et pour les pines solitaires
Il fit les doigts,

(Parnasse satyrique.)

Pinet

Halbert, 1849 : Denier.

Pingaud

Hayard, 1907 : Joli, élégant, poli, bien élevé.

Pingaud (il est)

Virmaître, 1894 : Il est joli, bien élevé.
— Ah ! Madame, le joli enfant que vous avez là.
— Fais voir à Madame que tu es pingaud ; souhaite-lui le bonjour.
— Est-ce que je la connais, c’te vache-là.
— Oh ! c’est y Dieu possible, un enfant que j’ai porté neuf mois dans mon sein…
— Fous-moi le cul dans ta hotte, tu me porteras trois mois de plus ; ça fera un an (Argot du peuple).

Pingouin

Rigaud, 1881 : Public, — dans le jargon des saltimbanques. Pingouin maigre, public peu nombreux, pingouin gras, public nombreux.

Vois-tu le pingouin, comme il s’allume ?… ça n’est rien… À la reprise je vas l’incendier.

(E. Sue, Les Misères des Enfants-Trouvés.)

Fustier, 1889 : Terme injurieux. Synonyme d’imbécile, de propre à rien.

La Rue, 1894 : Public.

Pingre

d’Hautel, 1808 : Un pingre. Pour dire un avare, un homme parcimonieux et intéressé ; un ladre, un fesse mathieu.

Halbert, 1849 : Pauvre, avare. On dit aussi Arca.

Delvau, 1866 : s. et adj. Avare ; homme qui pousse l’économie jusqu’au vice. Argot du peuple. Signifie aussi Voleur.

Virmaître, 1894 : Avare qui rapine sur tout. Le roi des pingres était un nommé Crétin, un des plus riches propriétaires de Lyon ; il déchirait les marges blanches des affiches apposées sur les murs, pour en faire des quittances pour toucher ses loyers. Quand il pleuvait, il lâchait ses poules dans les champs ; elles lui rapportaient à leurs pattes la terre du voisin ! (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Avare.

Pingrerie

d’Hautel, 1808 : Vilenie, lâdrerie, intérêt bas et sordide.

Delvau, 1866 : s. f. Ladrerie.

Pinos

anon., 1827 : Des deniers.

Bras-de-Fer, 1829 : Des deniers.

Halbert, 1849 : Des deniers.

Pinte

d’Hautel, 1808 : Je donnerois une pinte de mon sang pour lui. Pour exprimer l’extrême attachement qu’on a pour quelqu’un.
Mettre pinte sur chopine. Boire à coups redoublés ; s’enivrer.
Il n’y a que la première pinte qui coûte. Pour dire que dans les plus petites affaires comme dans les plus grandes, il n’y a que le commencement qui donne de la peine.

Pinter

d’Hautel, 1808 : Ivrogner, ribotter, faire débauche de vin.

Delvau, 1866 : v. n. Boire abondamment.

Rigaud, 1881 : Boire. Pinte-à-mort.

Pinxit

Delvau, 1866 : s. m. Peintre, — dans l’argot des artistes, qui font ainsi allusion au verbe latin qu’ils ajoutent toujours à leur nom au bas de leurs toiles.

Pioche

Larchey, 1865 : Travail opiniâtre. V. Bûche.

Les cours cessent au mois de juillet ; le temps de pioche commence.

La Bédollière.

Delvau, 1866 : s. f. Travail, besogne quelconque, — dans l’argot des ouvriers. Se mettre à la pioche. Travailler.

Delvau, 1866 : s. f. Le no 7, — dans l’argot des joueurs de loto.

Delvau, 1866 : s. f. Fourchette, — dans l’argot des francs-maçons.

Delvau, 1866 : s. f. Étude, apprentissage de la science des mathématiques, — dans l’argot des Polytechniciens. Temps de pioche. Les quinze jours qui précèdent les interrogations générales et pendant lesquels les élèves repassent soigneusement l’analyse, la géométrie et la mécanique.

Rigaud, 1881 : Voleur à la tire.

Pioche (être)

Delvau, 1866 : Être bête comme une pioche, — dans l’argot du peuple.

Piocher

d’Hautel, 1808 : Pour travailler avec ardeur, avec assiduité.

Larchey, 1865 : Travailler assidûment. V. d’Hautel, 1808.

Tu peux piocher douze heures par jour… une colonne de feuilleton par heure.

L. Reybaud.

Larchey, 1865 : Battre.

Je te pioche, je te fais danser la malaisée.

Paillet.

Delvau, 1866 : v. n. Avoir recours au tas, — dans l’argot des joueurs de dominos, dont la main fouille ce tas. On dit aussi Aller à la pioche.

Delvau, 1866 : v. a. Battre, donner des coups à quelqu’un, — dans l’argot des faubouriens. Se piocher. Se battre.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Étudier avec ardeur, se préparer sérieusement à passer ses examens, — dans l’argot des étudiants. Piocher son examen. Se préparer à le bien passer.

Rigaud, 1881 : Travailler avec ardeur. — Battre. — Voler à la tire.

La Rue, 1894 : Voler à la tire. Battre. Travailler avec ardeur. La pioche, le travail.

Virmaître, 1894 : Travailler dur et ferme.
— Je pioche mon examen.
Piocher est synonyme de fouiller.
Allusion à l’ouvrier qui fouille la terre en la piochant (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Beaucoup travailler.

Piocher, jouer la pioche

Rigaud, 1881 : Avoir recours au talon, chaque fois qu’un domino demandé manque à l’appel.

Piocheur

d’Hautel, 1808 : Ouvrier qui fait beaucoup d’ouvrage ; qui travaille à bride abattue, et souvent à dessein de rattraper le temps perdu.

Larchey, 1865 : Homme travailleur et judicieux.

Le Piocheur. Celui-ci a pris la carrière au sérieux, il étudie les choses, les hommes, les affaires.

Balzac.

Larchey, 1865 : « Les professeurs établissent deux catégories, celle des élèves forts dans leurs classes, des travailleurs, et celle des faibles qu’on flétrit du nom de paresseux (en style technique, les piocheurs et les cancres). » — H. Rolland.

Delvau, 1866 : s. m. Étudiant qui se préoccupe plus de ses examens que de Bullier, et des cours de l’École que des demoiselles des bastringues du quartier.

Rigaud, 1881 : Travailleur sérieux.

Piole

Clémens, 1840 : Boutique.

Piôle

Hayard, 1907 : Maison.

Pioler

Halbert, 1849 : Tavernier.

Piolet

Halbert, 1849 : Gobelet.

Pioleur, probloque

La Rue, 1894 : Propriétaire.

Piolier

La Rue, 1894 : Tavernier. Hôtelier.

Piolle

anon., 1827 : Cabaret, taverne.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Cabaret.

Bras-de-Fer, 1829 : Cabaret, taverne.

un détenu, 1846 : Maison.

Rigaud, 1881 : Cabaret. — Hôtel garni à la nuit, — dans le jargon des voyous. — Piollier, piollière, cabaretier, cabaretière, logeur à la nuit.

Piollier

anon., 1827 : Tavernier.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Cabaretier.

Bras-de-Fer, 1829 : Cabaretier.

Pion

d’Hautel, 1808 : Damer le pion à quelqu’un. Lui jouer quelque mauvais tour, le supplanter dans une affaire ; l’emporter sur lui avec une supériorité marquée, le contraindre à céder ; le forcer à s’avouer vaincu.

Halbert, 1849 : Ivre.

Delvau, 1866 : s. m. Maître d’études, — dans l’argot des collégiens, qui le font marcher raide, cet âge étant sans pitié.

Rigaud, 1881 : Maître d’étude. Le souffre-douleur d’un collège, d’un pensionnat. La plupartdu temps, c’est un pauvre diable de bacho qui pioche un examen en faisant la classe, en menant les élèves à la promenade, en allant les conduire au lycée.

Quelle est l’étymologie du mot pion ? Un collégien nous fait savoir que généralement on le considère comme un diminutif d’espion

(Albanès, Mystère du collège.)

Rigaud, 1881 : Ivre ; de pier, boire. Être pion, être gris.

La Rue, 1894 : Maître d’études. Être pion, être ivre.

Pion (être)

Delvau, 1866 : Avoir bu, être ivre-mort, — dans l’argot des typographes.

Pionçage

Rigaud, 1881 : Sommeil. De pioncer dormir. Un fort pionçage, un sommeil prolongé.

Pionce

Delvau, 1866 : s. f. Sommeil, — dans l’argot des faubouriens.

Pioncer

anon., 1827 : Dormir.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Dormir.

Bras-de-Fer, 1829 : Dormir.

M.D., 1844 : Dormir.

un détenu, 1846 : Dormir. — Pionçage, sommeil.

Larchey, 1865 : Dormir. — De pieu : lit.

Nous nous sommes mis à pioncer, nous ne pensions plus à l’appel.

Vidal, 1833. — V. Boc.

Delvau, 1866 : v. n. Dormir.

Rigaud, 1881 : Dormir.

Merlin, 1888 : Dormir.

La Rue, 1894 : Dormir.

Virmaître, 1894 : Dormir à poings fermés (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Dormir.

Hayard, 1907 : Dormir.

Pioncer, pionstiquer

anon., 1907 : Dormir.

Pionceur

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme qui aime à dormir.

Pionne

Rigaud, 1881 : Sous-maîtresse, souffre-douleur d’un pensionnat de demoiselles.

Pionser

Clémens, 1840 : Coucher dormir.

Pionville

M.D., 1844 : Être en ribotte.

Piot

d’Hautel, 1808 : Pour vin. C’est un gaillard qui aime le piot. Se dit d’un homme qui a le défaut de boire ; qui est enclin à l’ivrognerie.

Piote

Rigaud, 1881 : Insulte de cavalier à fantassin.

Piou

Delvau, 1866 : s. m. Soldat. On dit plutôt Pioupiou.

Piou, pioupiou

Larchey, 1865 : Soldat du centre. — Corruption du vieux mot pion : fantassin. V. Roquefort.

Militairement parlant, le pioupiou, comme l’euphonie de ce nom semble l’indiquer, est au jean-jean et au tourlourou ce que musicalement parlant le demi-ton est à deux tons naturels qui se suivent dans l’ordre de la gamme.

M. Saint-Hilaire, 1841.

Hier, la cuisinière de mon propriétaire a fait tourner son lait et la tête d’un pioupiou.

Commerson.

Pioupiou

Rigaud, 1881 : Soldat d’infanterie.

L’uniforme blanc des gardes-françaises rappelait un peu leur costume, (le costume des Pierrots) aussi le populaire appelait-il ces soldats « des Pierrots… ». De plus, lorsqu’ils (les Parisiens) voyaient passer un garde-française : — Pioupiou, criaient-ils. Cette moquerie eut pour résultat de faire donner le sobriquet de pioupiou aux soldats de l’infanterie française.

(Aug. Challamel.)

La Rue, 1894 : Soldat d’infanterie de ligne.

Pioupou ou piou

Merlin, 1888 : Fantassin. — M. Francisque Michel fait dériver ce mot de pion, vieux mot français qui signifiait soldat d’infanterie.

Piouvilé

M.D., 1844 : S’être enivré.

Pipe

d’Hautel, 1808 : Fumer sans pipe. Avoir un dépit secret, enrager en soi-même.
Il ne vaut pas une pipe de tabac. Se dit d’une personne médiocre en toutes choses, et pour laquelle on n’a aucune espèce de considération.

Delvau, 1866 : s. f. Tête, visage.

Ils dis’nt en la voyant picter :
Sa pipe enfin commence à s’culotter !

dit une chanson qui court les rues.

Rossignol, 1901 : Faire une cigarette est faire une pipe.

As-tu une pipe à me donner, je n’ai plus de tabac.

Pipé

Delvau, 1866 : s. m. Château, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Découvert.

Virmaître, 1894 : Château. Il est presque impossible de trouver le pourquoi des principales expressions employées par les voleurs pour désigner des choses spéciales, telles que bergerie, grange, ferme, etc., etc. J’en ai questionné un certain nombre, tous m’ont répondu :
— Ça s’appelle comme ça, voilà tout (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Voir pincé.

Pipe (c’est bon dans la)

Rigaud, 1881 : Ça augmente le bien-être, ça améliore la situation, — dans le jargon des troupiers. C’est l’équivalent militaire du : Ça met du beurre dans les épinards.

Pipe (casser ou débourrer sa)

Merlin, 1888 : Mourir.

Pipe (casser sa)

Larchey, 1865 : Mourir. — Ceux qui sont morts ne fument plus.

Papa avait beaucoup de blessures, et un jour il cassa sa pipe, comme on dit au régiment.

Méry.

Rigaud, 1881 : Mourir. Les morts ne fument plus… que la terre. — Cette expression a, sans doute, été consacrée par le peuple qui a voulu faire une vulgaire allusion à un usage emprunté au cérémonial des funérailles des évêques. D’après le cérémonial, la crosse d’un évêque mort est brisée et figure placée sur un coussin, dans le cortège funèbre.

On place aux pieds du prélat (Mgr Dupanloup), sur un second coussin cramoisi, la crosse brisée en trois tronçons.

(Figaro, du 24 octobre 1878, funérailles de Mgr Dupanloup.)

Nous avons prédit cent fois pour une que Dupanloup briserait sa crosse sans être cardinal.

(Tam-Tam, du 20 octobre 1878.)

Pipe (fumer sans)

Rigaud, 1881 : Être en colère. — S’impatienter.

Pipe (tête de)

Virmaître, 1894 : La tête. Allusion à ce que la plupart de nos grands hommes ont eu l’honneur d’être moulés en terre de pipe et fumés par le peuple, culottés quelquefois. Il existe une chanson sur ce sujet :

Ils disent en le voyant picter
Sa pipe enfin commence à s’culotter.

Ou dit d’un individu grotesque qu’il a une tête de pipe (Argot du peuple).

Pipe (une)

Merlin, 1888 : Saxophone recourbé.

Pipée

d’Hautel, 1808 : Prendre à la pipée. Surprendre avec adresse et fourberie ; attrapper, duper quelqu’un.

Pipelet

Larchey, 1865 : Portier. Du nom d’un portier ridicule des Mystères de Paris.

Si vous avez un mauvais portier, envoyez-le-moi : je suis le grand redresseur de torts, le Cabrion des pipelets.

Privat d’Anglemont.

Chapeau Pipelet : Chapeau tromblon. — Même origine.

Delvau, 1866 : s. m. Concierge, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression, qui est une injure, depuis la publication des Mystères de Paris d’Eugène Sue. Chapeau-Pipelet. Chapeau de forme très évasée par le haut, comme en porte, dans le roman d’Eugène Sue, la victime de Cabrion.

Pipelet, lourdier

La Rue, 1894 : Concierge.

Pipelet, pipelette

Rigaud, 1881 : Portier, portière. Pipelet est le nom célèbre d’un des personnages des Mystères de Paris, portier typique qui, depuis le succès de ce roman d’Eugène Sue, a servi de parrain à MM. les concierges.

Piper

d’Hautel, 1808 : Pour tromper, filouter, escroquer.

Larchey, 1865 : Fumer la pipe.

Il me semble qu’on a pipé ici.

Gavarni.

Delvau, 1866 : v. n. Fumer la pipe ou le cigare.

Rigaud, 1881 : Fumer la pipe, le cigare ou la cigarette. — Piper, comme un Turc, fumer beaucoup.

Rossignol, 1901 : Fumer.

Piperie

d’Hautel, 1808 : Tromperie, tricherie, volerie au jeu.

Pipet

anon., 1827 : Château.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Château.

Bras-de-Fer, 1829 : Château.

Halbert, 1849 : Château.

Pipeur

d’Hautel, 1808 : Escroc, filou, qui trompe au jeu.

Pipi

Delvau, 1866 : s. m. Résultat du verbe meiere, — dans l’argot des enfants. Faire pipi. Meiere.

Pipit

Delvau, 1866 : s. m. L’alouette, — dans l’argot des paysans de la banlieue de Paris.

Piposse

Rossignol, 1901 : Mot hébreu qui veut dire bogue ; on le prononce le plus souvent en argot de boucher lipospaime.

Pipot

Rigaud, 1881 : Élève de l’École polytechnique.

Piquage (faire un)

Rigaud, 1881 : Voler du vin ou de l’alcool à l’aide d’un trou pratiqué dans la barrique ; genre de vol en usage chez certains camionneurs, chez certains employés des chemins de fer ; moyen économique de se saouler sans passer par le marchand de vin.

Piquante

M.D., 1844 : Une fourchette.

Larchey, 1865 : Épingle (Vidocq). — Effet pour la cause.

Delvau, 1866 : s. f. Épingle, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Épingle.

La Rue, 1894 : Fourchette. Épingle.

Piquante en dur

Clémens, 1840 : Fourchette.

Piquante en jon

Clémens, 1840 : Épingle en or.

Piquantine

Halbert, 1849 : Puce.

Pique

d’Hautel, 1808 : Il a passé par les piques. Se dit lors que quelqu’un s’est trouvé dans des circonstances périlleuses, qu’il a essuyé quelque perte ; qu’il a couru de grands dangers.
Voilà bien rentrée de piques noires. Se dit de celui qui interrompt mal à propos un autre.
C’est un bon as de pique. Se dit par injure d’un stupide, d’un sot.
Pique. Signifie aussi bisbille, mésintelligence, querelle.

Delvau, 1864 : Le membre viril.

Laquelle passa et repassa par les piques de neuf amoureux.

Brantôme.

Lors la lascive imprudemment applique
Son savoir grec pour redresser ma pique.

(Cabinet satyrique.)

Mais voyez ce brave cynique,
Qu’un bougre a mis au rang des chiens,
Se branler gravement la pique
À la barbe des Athéniens.

Piton.

De vieilles bigornes qui n’épargnent ni or ni argent pour se faire piquer.

Molière.

Il piquait ses pages au lieu de piquer ses chevaux.

Agrippa d’Aubigne.

En jouant au piquet,
Ma Philis me disait :
Je me sens tout en feu
De vie voir si beau jeu ;
Mais que me sert, hélas !
Que j’écarte si bien,
Si, dans ce que je porte,
Il n’entre jamais rien.

(Goguette du bon vieux temps.)

Delvau, 1866 : s. f. Petite querelle d’amis, petite brouille d’amants, — dans l’argot des bourgeois.

Piqué des vers (n’être pas)

Delvau, 1866 : Être bien conservé, avoir de l’élégance, de la grâce, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression à propos des gens et des choses. On dit aussi N’être pas piqué des hannetons.

Piqué des vers (pas)

Rigaud, 1881 : Très frais, très joli. — Elle n’est pas piquée des vers, la bourgeoise ! on dit aussi dans le même sens : Elle n’est pas piquée des z’hannetons.

Pique en terre

Rigaud, 1881 : Volaille ; par allusion à la manière dont les poules cherchent leur nourriture.

Pique escouanes

Clémens, 1840 : Boucle d’oreilles.

Pique-assiette

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux que l’on donne à un parasite, à un écornifleur de dîner ; à un homme qui vit sur le commun.

Pique-chien

Rigaud, 1881 : Concierge de l’École polytechnique, — dans le jargon des élèves de cette école.

Merlin, 1888 : Portier consigne.

Fustier, 1889 : Argot des élèves de l’École polytechnique. Le pique-chien n’est point, à proprement parler, comme le dit Rigaud dans son Dictionnaire d’argot moderne, le concierge de l’École. C’est un adjudant chargé de surveiller la sortie et la rentrée des élèves. Comme là se borne presque toutes ses occupations, il a tout le loisir de dormir, de piquer son chien.

Pique-en-terre

Larchey, 1865 : Volaille. — Mot imagé. On sait que les poules piquent toujours la terre du bec.

Delvau, 1866 : s. f. Volaille quelconque vivante, — dans l’argot des faubouriens.

Pique-escouanes

La Rue, 1894 : Boucles d’oreilles.

Pique-pou, pique-prune

La Rue, 1894 : Tailleur.

Pique-poux

Delvau, 1866 : s. m. Tailleur, — dans l’argot des faubouriens, qui ont voulu faire une allusion au mouvement de l’aiguille sur l’étoffe. On dit aussi Pique-puces et Pique-prunes. Pourquoi ne dit-on pas plutôt Pique-Pouce ?

Pique-prune

Virmaître, 1894 : Ouvrier tailleur. Allusion à la marche de l’aiguille. On dit aussi : Pique-puce et pique-poux. C’est un terme de métier (Argot du peuple).

Pique-prunes

Rossignol, 1901 : Tailleur.

Pique-vert

La Rue, 1894 : Scie faite d’un ressort de montre.

Virmaître, 1894 : Petite scie fabriquée avec un ressort de montre (Argot des voleurs).

Piquelard

Delvau, 1866 : s. m. Charcutier. Le mot sort du Théâtre italien de Ghérardi (les Deux Arlequins).

Piquenique

d’Hautel, 1808 : Repas, partie de plaisir où chacun paye son écot.

Piquenter

M.D., 1844 : Un poulet.

Piquepou

Rigaud, 1881 : Tailleur, — dans le jargon du peuple. C’est sans doute une déformation de piqueprou, c’est-à-dire pique beaucoup, dans l’ancienne langue française. Le mot est loin d’être jeune. La variante est : Pique-prune ; prune également mis pour prou.

Piquer

d’Hautel, 1808 : Il est piqué comme une courte pointe. Se dit d’un homme très-susceptible, qui a pris de l’humeur, qui s’est offensé pour une frivolité, une bagatelle, et dont le silence et la réserve témoignent le mécontentement.
On ne sait quelle mouche l’a piqué. Pour, on ne connoît point le sujet de sa bourderie, de sa mauvaise humeur.
Se piquer. Se vanter, s’énorgueillir de quelques talens ; faire le fanfaron, marquer de l’arrogance et de l’orgueil, comme le font ordinairement les petits maîtres, les fats, les pédans.

Delvau, 1866 : v. a. Faire quelque chose, — dans l’argot des Polytechniciens. Piquer l’étrangère. S’occuper d’une chose étrangère à la conversation.

Rossignol, 1901 : Chiffonner.

Piquer en victime

Delvau, 1866 : v. n. Plonger dans l’eau, les bras contre le corps, au lieu de plonger les mains en avant au-dessus de la tête.

Rigaud, 1881 : Plonger les pieds en avant, le corps raide, les mains collées aux cuisses.

Piquer l’étrangère

Merlin, 1888 : Rêvasser, être distrait.

Fustier, 1889 : Argot du régiment. Tomber de cheval.

Piquer le banc

Rigaud, 1881 : Attendre quelqu’un sur un banc. — Se reposer sur un banc aux Champs-Élysées en attendant un amoureux de rencontre, — dans le jargon des filles.

La Rue, 1894 : Attendre fortune sur un banc public.

Piquer le nez (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Boire avec excès, à en devenir ivre, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Se payer une belle soulographie (Argot du peuple).

Piquer le tasseau (se)

Fustier, 1889 : V. Delvau : Se piquer le nez.

Piquer sa plaque

Delvau, 1866 : v. a. Dormir, — dans l’argot des tailleurs. Signifie aussi, par extension, Mourir.

Piquer son chien

Delvau, 1866 : Dormir, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi, Piquer un chien. D’où vient cette expression ? S’il faut en croire M. J. Duflot, elle viendrait de l’argot des comédiens et sortirait de l’Aveugle de Montmorency, une pièce oubliée. Dans cette pièce, l’acteur qui jouait le rôle de l’aveugle, tenant à ne pas s’endormir, avait armé l’extrémité de son bâton d’une pointe de fer qui, par suite du mouvement d’appesantissement de sa main, en cas de sommeil, devait piquer son caniche placé entre ses jambes, et chaque fois que son chien grognait, c’est qu’il avait piqué son chien, c’est-à-dire qu’il s’était laissé aller au sommeil.

Rigaud, 1881 : Dormir pendant le jour. — Les tailleurs disent avec une variante : Piquer sa plaque.

La Rue, 1894 : Dormir pendant le jour.

Piquer son fard

Virmaître, 1894 : Rougir en entendant un propos grossier (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Rougir.

Piquer son fard, piquer un soleil

Rigaud, 1881 : Rougir.

Piquer son moulin

Virmaître, 1894 : Salade trop épicée. Elle vous pique le moulin (la bouche) (Argot du peuple). N.

Piquer un chien

Larchey, 1865 : Dormir. On trouve dans Rabelais un exemple de dormir en chien.

Sur l’étude passons. Il n’est qu’un seul moyen de la bien employer, c’est de piquer son chien.

Souvenirs de Saint-Cyr.

Larchey, 1865 : Dormir. — Rabelais l’écrit dormir en chien dans son livre IV, page 159. C’est, dit le Duchat, son annotateur, Dormir indifféremment à toute heure et en tous lieux.

Lorsque la nuit est sombre, que les voyageurs pioncent ou piquent leur chien.

Paillet.

Piquer un cinabre

Delvau, 1866 : v. n. Rougir subitement, du front aux oreilles et des oreilles aux mains. Argot des artistes.

Piquer un Pédé

Clémens, 1840 : Lever un rivette.

Piquer un renard

Larchey, 1865 : Vomir. — V. Renard. — Piquer un soleil : Rougir subitement. — Piquer l’étrangère : V. ce mot. — Piquer une tête : S’élancer ou tomber la tête la première. — Piquer un laïus : V. ce mot. — Piquer une carte :

Lui imprimer certaines marques imperceptibles, et susceptibles de ne les faire connaître a d’autres qu’à vous.

Mornand.

Piquer sur quatre : Gagner une partie d’écarté presque perdue, lorsque votre adversaire a sur vous quatre points d’avance. — Se piquer le nez : V. ce mot. — Pas piqué des vers, des hannetons : Vigoureux, intact, frais, sain.

C’est qu’il fait un froid qui n’est pas piqué des vers ici !

Gavarni.

Une jeunesse entre quinze et seize, point piquée des hannetons, un vrai bouton de rose.

Montépin.

C’est qu’elle n’était pas piquée des vers, Et oui, morbleu ! C’est ce qu’il faut à Mahieu.

Les amours de Mahieu, ch., 1832.

Rigaud, 1881 : Restituer forcément un bon ou un mauvais repas.

Piquer un soleil

Delvau, 1866 : v. n. Rougir subitement, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Rougir.

Piquer une m…

La Rue, 1894 : Rester court, interloqué.

Piquer une muette

Fustier, 1889 : Faire silence. Argot de Saint-Cyr.

Aujourd’hui, il sera piqué une muette au réfectoire.

(Maizeroy : Souvenirs d’un Saint-Cyrien.)

Piquer une note

Rigaud, 1881 : Pour le professeur, c’est marquer une note à l’élève ; pour l’élève, c’est obtenir une note : piquer un cinq, un dix, un dix-sept, — dans le jargon des élèves du cours de mathématiques spéciales. Piquer le bâton d’encouragement, obtenir la note 1, la plus mauvaise note. Piquer une huître, ne pas savoir répondre au professeur, quand on passe au tableau en colle.

Piquer une plate

Fustier, 1889 : Ne pouvoir, ne savoir répondre aux questions posées à un examen, argon des élèves de l’École navale. Nos lycéens disent : piquer une sèche.

Le timonier apparaît. — M. A…, au cabinet de bâbord ! — M. A… court un grand danger de piquer une plate. Heureusement l’interrogation est remise à huitaine.

(Illustration, octobre 1885.)

Piquer une romance

Merlin, 1888 : Dormir, renfler.

Fustier, 1889 : Dormir. Argot militaire.

Virmaître, 1894 : Dormir. Allusion au ronflement du dormeur qui est une sorte de chanson en faux-bourdon (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Dormir.

Piquer une sèche

Fustier, 1889 : Argot des lycéens et des élèves des Écoles. Avoir un zéro, c’est-à-dire la note très mal, pour une des parties d’un examen.

Il est constant que tout pipo qui est sorti sans piquer une sèche, de ses examens généraux, se croit parfaitement apte à régenter l’État.

(Gaulois, mars 1881. V. Delvau : Sec.)

Piquet

Rigaud, 1881 : Livre de messe. Juge de paix, dans le jargon du peuple.

Piquette

Virmaître, 1894 : Fourchette. L’allusion est claire (Argot des voleurs). N.

Piqueur

d’Hautel, 1808 : Un piqueur d’assiette. Voy. Pique-assiette.
Un piqueur d’escabelle. Clerc de procureur, ou de notaire.
Un piqueur de coffre. Se dit d’un courtisan, d’un homme qui plante le piquet dans une antichambre.

Piqueuse de trains

Rigaud, 1881 : Raccrocheuse qui attend la pratique dans les gares, assise sur un banc dans une gare de chemin de fer. Elle guette l’arrivée des trains.

Pire

d’Hautel, 1808 : Ça ne va pas pire. Réponse que l’on fait à quelqu’un qui demande comment on se porte, pour exprimer que l’on ne va pas plus mal que de coutume ; qu’on se porte passablement bien.

Piron

M.D., 1844 : Un canard.

Pironien

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme enclin à la gaieté comme les Byroniens à la tristesse ; disciple de Lord Piron, le poète gaillard. Argot des gens de lettres.

Pironisme

Delvau, 1866 : s. m. La gaie science — où excellait Piron.

Pirouette

d’Hautel, 1808 : Un faiseur de pirouettes. Un homme léger, inconstant, qui ne s’amuse qu’à des futilités ; un débiteur qui échappe à ses créanciers, par subterfuge.

Pirouette sur le nombril (faire une)

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Quand j’ rencontre un’ gourgande,
J’ brave encor le péril,
Et j’ lui fais faire, si j’bande,
La pirouett’ sur l’ nombril.

(Chanton d’étudiant.)

Cette expression, très ancienne, serait plus juste, si elle donnait à penser que la femme fait le dessus. Exemple :

Jusqu’à ce que Vénus passe sur le disque du soleil, ou que la sultane Moscha fasse une pirouette sur le nombril de Sa Hautesse ; ce qui revient au même.

(Compère Mathieu.)

Pirouetter

d’Hautel, 1808 : On l’a fait pirouetter d’une rude manière. Se dit d’un homme que les poursuites ont obligé de s’échapper, de fuir.
Il ne fait que pirouetter. Se dit de celui qui répète à chaque instant les mêmes discours, les mêmes propos.

Pis

d’Hautel, 1808 : Vieux mot qui signifioit poitrine. Le peuple l’a conservé, et s’en sert par dérision pour désigner l’estomac, les seins trop volumineux d’une femme.

Delvau, 1866 : s. m. La gorge de la femme, — dans l’argot malséant du peuple :

Les femmes, plus mortes que vives,
De crainte de se voir captives,
Et de quelque chose de pis
De la main se battent le pis.

dit Scarron dans son Virgile travesti.

Pis (tant)

d’Hautel, 1808 : Adverbe. Le peuple dit par barbarisme, tant pire.

Pissat

Delvau, 1866 : s. m. Résultat du verbe Meiere.

Pissat d’âne

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie jaune-clair ; eau-de-vie coupée d’eau. Allusion à la couleur.

Rossignol, 1901 : Bière chaude et mauvaise.

Pissat de vache

Delvau, 1866 : s. m. Mauvaise bière.

Pisse froid

Rigaud, 1881 : Homme méthodique concentré en lui-même.

Virmaître, 1894 : Homme guindé, raide, froid, dont l’aspect vous glace. Homme qui, en parlant, laisse tomber ses mots avec une lenteur monotone. Se dit de tout homme à l’aspect peu sympathique (Argot du peuple).

Pisse-froid

d’Hautel, 1808 : Mot injurieux et satirique, qui se dit d’un homme flegmatique, sombre et sournois, sans vigueur du tempérament.

Delvau, 1864 : Bande-à-l’aise.

Où diable Valère a-t-il raccroché ce pisse-froid-là ?

Comte de Caylus.

Delvau, 1866 : s. m. Homme lymphatique, tranquille qui ne se livre pas volontiers, — dans l’argot du peuple, ennemi des flegmatiques.

Pisse-huile

Rigaud, 1881 : Lampiste, — dans le jargon du collège. (L. Larchey)

Pisse-trois-gouttes

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui s’arrête à tous les rambuteaux. On dit parfois : Pisse-trois-gouttes dans quatre pots de chambre, pour désigner un homme qui produit moins de besogne qu’on ne doit raisonnablement en attendre de lui.

Pisse-vinette

Rossignol, 1901 : Cocons, asticots morts.

Pissenlits (arroser les)

Rigaud, 1881 : Uriner en plein champ.

Pissenlits par la racine (manger des)

La Rue, 1894 : Être mort.

Pissenlits par la racine (manger les)

Rigaud, 1881 : Être mort.

Pisser

d’Hautel, 1808 : Pisser des os. Accoucher ; mettre au monde un enfant.

Pisser (envoyer)

Delvau, 1866 : Congédier brutalement un ennuyeux. On dit aussi Envoyer chier.

Pisser à l’anglaise

Delvau, 1866 : v. n. Disparaître sournoisement au moment décisif.

Virmaître, 1894 : S’en aller subrepticement sans payer son écot. Pisser à l’anglaise : quitter un salon sans saluer les maîtres de la maison pour ne pas jeter le trouble dans la réunion… ou parce que l’on s’embête à quarante francs par tête (Argot du peuple).

Pisser au cul

Rigaud, 1881 : Mépriser profondément ; faire autant de cas de quelqu’un que d’une pissotière, le traiter comme une pissotière.

Pisser au cul de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le mépriser. — dans l’argot des voyous.

Pisser comme les poules

Virmaître, 1894 : Aller au cabinet. Pour qualifier un individu très niais, on dit :
— Il a une gueule à mener les poules pisser (Argot du peuple).

Pisser contre le soleil

Delvau, 1866 : v. n. Faire des efforts inutiles, se tourmenter vainement. On connaît l’enfance de Gargantua, lequel « mangeoit sa fouace sans pain, crachoit au bassin, petoit de gresse, pissoit contre le soleil, » etc.

Pisser de l’œil

Virmaître, 1894 : Pleurer.
— Depuis que mon homme a foutu le camp, je pisse de l’œil comme une fontaine Wallace (Argot du peuple). N.

Pisser des lames de canif, pisser des clous de sabot

Rigaud, 1881 : Souffrir en urinant, par suite d’une maladie de la vessie, par suite d’une maladie vénérienne.

Pisser des lames de rasoir en travers

Virmaître, 1894 : Celui qui est dans ce cas-là n’est pas heureux. L’image est juste pour indiquer les douleurs cuisantes qu’éprouvent les pauvres diables qui ont reçu un coup de pied de Vénus. Pour témoigner à une personne qu’elle vous impatiente, on lui dit : Vous me faites pisser des lames de rasoir en travers (Argot du peuple).

Pisser des lames de rasoir en travers (faire)

Delvau, 1866 : Ennuyer extrêmement quelqu’un, — dans l’argot des faubouriens, qui n’ont pas d’expression plus énergique pour rendre l’agacement que leur causent certaines importunités. On dit aussi Faire chier des baïonnettes.

Rigaud, 1881 : Ennuyer quelqu’un au dernier point ; le faire moralement souffrir à force de l’ennuyer.

Pisser des os

Delvau, 1864 : Accoucher, mettre au monde une pauvre petite créature qui s’en repentira un jour.

Ils lui feront enfler la panse,
Et, comme à moi, pisser des os.

(Cabinet satyrique.)

Delvau, 1866 : v. a. Accoucher, — dans l’argot du peuple. On dit aussi d’une femme qui met au monde un enfant qu’Elle pisse sa côtelette.

Pisser des yeux

Rossignol, 1901 : Pleurer.

Pisser dessus

Fustier, 1889 : Pisser sur quelqu’un. Le mépriser, n’en pas faire cas.

J’en demande pardon à M. le maire et à mes collègues du conseil : Je les couvre de mon mépris et je leur pisse dessus.

(Moniteur universel, 1883.)

Pisser droit

Delvau, 1864 : Bander roide et dru.

Bande ta pine et débande ta lyre :
L’important, au lit, est de pisser droit.

(Parnasse satyrique.)

Pisser les poules (mener)

Rigaud, 1881 : Donner, en riant, un mauvais prétexte pour s’en aller, pour quitter l’ouvrage. — Être occupé à ne rien faire, ne pas vouloir dire où l’on va.

Pisser ou chier (envoyer)

Larchey, 1865 : Renvoyer au loin. — Ce terme injurieux ; remonte à une haute antiquité. — Au mot Pissare, Du Cange cite une lettre de rémission de 1465, où, entre autres injures et grandes parolles reprochées au délinquant, on rapporte qu’il envoya pisser son adversaire. V. Foirer.

Pisser sa côtelette

Larchey, 1865 : Accoucher, mettre au monde un enfant. — d’Hautel (1808) emploie dans le même sens pisser des os.

Rigaud, 1881 : Accoucher.

Pisser une cotelette

Virmaître, 1894 : Accoucher. On dit aussi :
— Elle pisse des os.
Pisser une côtelette
est une allusion à la légende biblique d’Adam et Eve (Argot du peuple).

Pisser une côtelette, pondre

Hayard, 1907 : Accoucher.

Pisseuse

d’Hautel, 1808 : Une pisseuse. Sobriquet injurieux que les polissons donnent aux femmes, et notamment aux petites filles.

Delvau, 1864 : La femme.

De la chatouillarde amourette,
Soudain en la quête on te jette,
Tant qu’on revienne tout tari
Par ces pisseuses de Paris.

Jodelle.

À chaqu’ pisseus’ qu’il rencontrait,
Le petit bandit répétait…

(Chanson anonyme moderne.)

Delvau, 1866 : s. f. Petite fille.

Rigaud, 1881 : Petite fille. Femme. — La voisine a accouché. — Qu’est-ce qu’elle a fait ? — Une pisseuse.

Pissin de cheval

Rigaud, 1881 : Mauvaise bière chaude.

Pissote

Delvau, 1866 : s. f. Endroit où l’on conjugue le verbe Meiere. Le petit café situé vis-à-vis le théâtre du Palais-Royal n’est pas désigné autrement par les artistes.

Pissoter

d’Hautel, 1808 : Uriner ; pisser fréquemment.

Delvau, 1866 : v. n. Avoir une incontinence d’urine.

Pissotière

d’Hautel, 1808 : Vessie urinale. Au figuré, terme de mépris, pour dire un jet d’eau, ou une fontaine qui jette peu d’eau.

Pistache

Rigaud, 1881 : Légère ivresse. Pincer sa pistache, être légèrement ivre. Pourquoi pistache ? — Est-ce que l’ivrogne de la première heure arborerait les tons verts de la pistache ?

La Rue, 1894 : Ivresse.

Rossignol, 1901 : Celui qui est gai d’avoir un peu bu a sa pistache.

Pistache (prendre une)

Merlin, 1888 : Se griser. — On dit aussi, suivant le degré de l’ivresse : prendre une biture, une muffée, une cuite.

Pister

Fustier, 1889 : Suivre les voyageurs à la piste lors de leur arrivée dans une ville et leur offrir un hôtel qu’on leur vante.

Pisteur

Rigaud, 1881 : Homme qui suit les femmes à la piste. Il ne faut pas confondre le pisteur avec le suiveur. Le suiveur est un fantaisiste qui opère à l’aventure. Il emboîte le pas à toutes les femmes qui lui plaisent, ou, mieux, à toutes les jolies jambes. Parmi cent autres, il reconnaîtra un mollet qu’il aura déjà ! chassé. Il va, vient, s’arrête, tourne, retourne, marche devant, derrière, croise, coupe l’objet de sa poursuite, qu’il perd souvent au détour d’une rue. Plus méthodique, le pisteur surveille d’un trottoir à l’autre son gibier. Il suit à une distance respectueuse, pose devant les magasins, sous les fenêtres, se cache derrière une porte, retient le numéro de la maison, fait sentinelle et ne donne de la voix que lorsqu’il est sur du succès. Le pisteur est, ou un tout jeune homme timide, plein d’illusions, ou un homme mûr, plein d’expérience. — Le pisteur d’omnibus est un désœuvré qui suit les femmes en omnibus, leur fait du pied, du genou, du coude, risque un bout de conversation, et n’a d’autre sérieuse occupation que celle de se faire voiturer de la Bastille à la Madeleine et vice versa. Cet amateur du beau sexe est ordinairement un quinquagénaire dont le ventre a, depuis longtemps, tourné au majestueux. Il offre à tout hasard aux ouvrières le classique mobilier en acajou ; les plus entreprenants vont jusqu’au palissandre. Les paroles s’envolent, et acajou et palissandre restent… chez le marchand de meubles. Peut-être est-ce un pisteur qui a trouvé le proverbe : « Promettre et tenir font deux ».

Pistole

d’Hautel, 1808 : Il est cousu de pistoles. Se dit pour exagérer la fortune de quelqu’un.
Pistole de gueux. Liard ; jeton.

Delvau, 1866 : s. f. Cellule à part, — dans l’argot des prisons, où l’on n’obtient cette faveur que moyennant argent. Être à la pistole. Avoir une chambre à part.

Virmaître, 1894 : Pièce de dix francs dans l’argot des maquignons et des bouchers. La pistole, dans les prisons, est une chambre à part où les détenus, par faveur et moyennant une redevance quotidienne, jouissent de quelques douceurs. Sous la Révolution, pour être à la pistole, à la Conciergerie, les prisonniers payaient pour un lit 27 livres 12 sous le premier mois, et 25 livres 10 sous les mois suivants. Sous la Terreur, les prisonniers payaient 15 livres par nuit. Chaque lit rapportait 22 000 livres par mois. Alboize et A. Maquet qui me donnent ces chiffres dans leur Histoire des prisons de l’Europe, ajoutent que la Conciergerie était le premier hôtel garni de Paris. Les détenus qui sont à la pistole s’appellent des pistoliers (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Pièce de dix francs.

Pistole (grande)

Rigaud, 1881 : Pièce de dix francs. — Petite pistole, pièce de dix sous, — dans le jargon des maquignons et des chiffonniers.

Pistolet

d’Hautel, 1808 : Si ses yeux étoient pistolets, ils me tueroient. Se dit d’un homme qui manifeste sa colère, en lançant des regards irrités, foudroyans sur quelqu’un.
Il s’en est allé après avoir tiré son coup de pistolet. Se dit lorsque quelqu’un s’est retiré d’une conversation, d’une dispute, après avoir lâché une apostrophe vive et piquante.

Delvau, 1864 : Le vit.

Une fille de village
M’a prins en affection ;
Je luy donnay mon pistolet
Qu’elle a mis comme relique
Dans le tronc de sa boutique.

(Chansons folastres.)

Larchey, 1865 : Demi-bouteille de champagne. Double allusion au petit calibre de la fiole et à l’explosion de son contenu. — C’est aussi un homme singulier.

On rit avec toi et tu te fâches… En voilà un drôle de pistolet !

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui ne fait rien comme personne. On dit aussi Drôle de pistolet.

Delvau, 1866 : s. m. Demi-bouteille de Champagne.

Rigaud, 1881 : Demi-bouteille de vin de Champagne.

La Rue, 1894 : Demi-bouteille de Champagne. Homme singulier.

Pistolet (drôle de)

Rigaud, 1881 : Original.

Pistolet à 4 nœuds

Merlin, 1888 : Le fouet du tringlot.

Pistolet à la saindhomme

Fustier, 1889 : Petit crochet avec lequel le mégottier exerce son industrie.

La Rue, 1894 : Crochet du ramasseur de mégots.

Pistolet à la saint-homme

France, 1907 : « Petit crochet à l’aide duquel le mégottier exerce son industrie. »

(Gustave Forestier)

Pistolette

France, 1907 : Pièce de dix sous.

Pistolier

France, 1907 : Prisonnier à la pistole. Voir ce mot.

Le régime alimentaire est le même pour les locataires des cellules que pour les hôtes de la salle commune. Mais le cantinier passe une fois par jour faisant ses offres de service. On peut se procurer ainsi de la charcuterie, du chocolat, du tabac et des portions au prix de 60 centimes. Un perruquier s’offre à barbifier et à tondre les pistoliers, nom des locataires des cellules. Certains détenus, condamnés pour diverses causes à des peines n’excédant pas un an, remplissent par tolérance, sous le nom d’auxiliaires, des services domestiques. Ils peuvent être utilisés par les pistoliers pour balayer leur cellule, faire leur lit et autres menus ouvrages. Ces auxiliaires sont vêtus de la casaque et du pantalon de couleur grise, qui est la livrée des établissements pénitentiaires.
Chaque adoucissement au régime se paie. Il faut aussi de l’argent en prison. Là, comme partout dans cette terrible société, la devise désespérante est : « Malheur aux pauvres ! »

(Edmond Lepelletier)

Piston

Larchey, 1865 : Importun. — On connaît l’agaçante régularité du coup de piston. — On use du verbe pistonner. — Piston : Préparateur du cours de physique.

Delvau, 1866 : s. m. Préparateur du cours de physique, — dans l’argot des lycéens.

Delvau, 1866 : s. m. Interne ou externe qu’affectionne, que protège le médecin en chef d’un hôpital. Argot des étudiants en médecine.

Delvau, 1866 : adj. et s. Remuant, tracassier, ennuyeux, — dans l’argot des aspirants de marine.

Rigaud, 1881 : Préparateur d’un cours de physique.

Rigaud, 1881 : Interne protégé par le médecin en chef d’un hôpital.

Rigaud, 1881 : Importun. — Pistonner, ennuyer.

Merlin, 1888 : Voyez Capiston.

La Rue, 1894 : Puissante protection. Homme protégé. Pistonner, protéger.

France, 1907 : Candidat à l’École centrale.

France, 1907 : Préparateur à un cours de physique ou de chimie ; argot des étudiants.

Piston (coup de)

France, 1907 : Démarche, sollicitation en faveur d’un protégé qui agit sur le dispensateur de l’avancement comme un piston de pompe pour lui en extraire le jet du favoritisme. Combien ne doivent leur fortune rapide qu’à des coups de piston !

Par égard pour des coups de piston, on donne de l’avancement avec autant de justice qu’il y en aurait à payer au négligent qui redoit à sa masse le décompte qui revient au soldat économe et soigneux. C’est encore pis. Le décompte n’est qu’une affaire du moment ; tandis qu’en frustrant un homme des galons qu’il a gagnés, on lui rend odieuse une carrière qu’il a commencée peut-être avec répugnance, et dont il a su vaincre les ennuis et les dégoûts.

(A. Longuet, Méditations de caserne)

De piston, on a fait pistonner.

Pistonner

Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer, tracasser, tourmenter.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Diriger, protéger, aider.

France, 1907 : Aider, favoriser quelqu’un, le faire valoir. « Pistonner, dit Léon Daudet, dans l’argot morticole signifie pousser ses élèves aux examens, en dépit de toute justice. » Ce n’est pas seulement aux examens de médecine, c’est partout, dans toutes les carrières, les administrations, l’armée et la magistrature que l’on pistonne et que des incapables passent sur le dos de méritants. Il en fut toujours ainsi, et rien n’indique, la chose étant très humaine, que cet abus aura une fin.

Le marchand de vin sera toujours ménagé tant qu’il restera le grand électeur, tant qu’à son comptoir, au moment des élections, des crédits lui seront ouverts à l’aile des fonds secrets pour faire boire à pleins verres les citoyens sans argent, disposés à voter pour les candidats patronnés et pistonnés par ce courtier en révolution, qui se charge d’apporter l’unique solution du problème social : la réforme de la société… en la supprimant en détail par l’abus et la fraude.

(G. Macé, Un Joli Monde)

Pour remplacer Mme Wasly, le service du personnel fit choix d’une fraîche et sémillante veuve, une Juive, nommée Mme Forbach, qui passait pour une des commises les plus hautement protégées, les plus fortement pistonnées de toute l’administration.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Pitaine-Crayon

Rigaud, 1881 : Garçon de la salle de dessin à l’École Polytechnique, — dans le jargon des Polytechniciens. Pitaine-torchon, garçon de laboratoire à la même école.

Pitance

Halbert, 1849 : Nourriture.

Pitanche

France, 1907 : Boisson, vin ; abréviation du vieil argot pianche, vin, d’où piancher, boire. On trouve dans une moralité de 1507 ce mot dans la bouche d’un cuisinier :

Galans, allons croquer la pie.
Je n’en puis plus si je ne pie (bois)
Quelque pianche bonne et fraîche.

Pitancher

anon., 1827 : Boire.

Bras-de-Fer, 1829 : Boire.

Halbert, 1849 : Manger, boire.

Delvau, 1866 : v. n. Boire, — dans l’argot du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme le prouvent ces vers de Vadé :

Le beau sexe lave sa gueule
Et pitanche tout aussi sec
Que si c’étoit du Rometsec.

On dit aussi Pictancer.

Rigaud, 1881 : Boire. Pitancher à mort, boire jusqu’à plus soif.

La Rue, 1894 : Boire. Manger.

France, 1907 : Boire ; argot populaire ; corruption du vieil argot piancher.

Le beau sexe lave sa gueule
Et pitanche tout aussi sec…

(Vadé)

Pitaud

d’Hautel, 1808 : C’est un franc Pitaud ; une grosse pitaude. Terme de mépris, pour dire, un homme lourd, grossier ; un rustre, un gros paysan.
Pataud est plus usité.

France, 1907 : Lourdaud au physique comme au moral ; vieux français.
On désignait autrefois ainsi des paysans arrachés à la charrue, pour être transformés en soldats. Le féminin est pitaude.

Mouffarde, pitaude, vessue,
Retirez-vous, le nez vous sue,
Et le lard n’est plus de saison.

(Le Seigneur des accords)

Pitié

d’Hautel, 1808 : Après Saint-Victor, c’est la pitié. Se dit par mépris d’un homme misérable ; d’une maison où l’indigence se fait sentir.
Il vaut mieux faire envie que pitié. Signifie qu’il faut se moquer des propos des jaloux.
C’est grand pitié. Se dit par ironie d’une chose que l’on méprise.
Il raisonne à faire pitié. Se dit par mépris pour faire entendre qu’une personne tient des discours qui n’ont pas le sens commun.

Piton

Larchey, 1865 : Nez saillant comme un piton vissé dans une planche.

Ah ! quel nez, quel beau piton ! Chacun dit : Venez donc voir, C’est un marchand d’éteignoirs.

Pecquet, Chansons.

Delvau, 1866 : s. m. Nez d’un fort volume et coloré par l’ivrognerie. Argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Nez extraordinaire qui se rapproche de la trompe de l’éléphant.
— Monsieur, ôtez votre nez de là, dit Gavroche à un homme affligé d’un piton phénoménal, pour que je voie l’heure à Notre-Dame (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Nez.

Hayard, 1907 : Nez.

France, 1907 : Nez. « Piton passé à l’encaustique », nez culotté.

Dans une boutique à paillettes
Ou s’arrêtaient tous les passants,
Se trouvaient rangées les binettes
D’un massacre des innocents.
« Tapez sur les marionnettes
Pour un sou », disait le patron.
Thomas s’arme alors d’un ballon
Et lui flanque sur le piton.

(René Réal)

J’ai l’piton camard en trompette,
Aussi, soyez pa’ étonnés
Si j’ai rien qu’du vent dans la tête :
C’est pac’que j’ai pas d’poils dans l’nez.

(Jean Richepin)

Pitonner

France, 1907 : Bivouaquer sur une hauteur. Néologisme créé pendant la guerre du Tonkin. De piton, sommet d’une montagne élevée.

Cet incident donne la note générale et fait voir, dans une faible mesure, l’abnégation de nos soldats, parmi lesquels on n’entend pas formuler la moindre plainte ; ils marchent, traversent l’eau dix fois par jour, se battent, bivouaquent sur les mamelons (on appelle cela pitonner !), dans l’humidité, le froid et le brouillard, heureux d’avoir gagné du terrain et d’avoir bien servi le drapeau.

(Dick de Lonlay, Au Tonkin)

Pitre

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Paillasse. Faire le pitre, faire le paillasse ou la parade.

Larchey, 1865 : « Qui ça, Giroflée ! — Notre pitre donc, notre paillasse. » — E. Sue.

Delvau, 1866 : s. m. Paillasse de saltimbanque ; bouffon de place publique. Par extension on donne ce nom à tout Farceur de société, à tout homme qui amuse les autres — sans être payé pour cela.

Rigaud, 1881 : Farceur en chambre ; amuseur de société ; celui qui, dans une réunion, dans un dîner, remplit l’office d’un pitre de foire, fait rire les enfants et qu’on invite parce qu’il coûte moins cher qu’un joujou. — Servir de pitre, amuser les autres en faisant rire de soi.

Pitre de Comme

Rigaud, 1881 : Mot à mot : pitre de commerce. Commis-voyageur. On connaît les plaisanteries rances des voyageurs de commerce, la célébrité qu’ils se sont acquise dans les tables d’hôte.

Pitre du comme

Delvau, 1866 : s. m. Commis voyageur, — dans l’argot des voleurs. Quant ils veulent être plus clairs, ils disent : Pitre du commerce.

Pitrou

Delvau, 1866 : s. m. Pistolet, fusil, — dans le même argot [des voleurs].

Pitroux

Larchey, 1865 : Pistolet (Vidocq). — Allusion à la détonation. Au moyen âge, on appelait petereau de petites bouches à feu.

France, 1907 : Pistolet.

Pituite

d’Hautel, 1808 : Flegme ; et non picuite, comme on le dit par corruption.

Pituiter

Larchey, 1865 : Déblatérer. — Allusion au caractère pernicieux de la pituite.

On en a déjà assez pituité sur notre compte.

Lynol.

Delvau, 1866 : v. a. Médire, faire des indiscrétions, bavarder. Argot des faubouriens.

France, 1907 : Médire, bavarder, lancer au figuré sa pituite, sa bave sur le prochain ; argot populaire.

Più

France, 1907 : Plus ; italianisme usité dans l’argot musical et que l’on prononce piou. Più allegro, plus vite ; più lento, plus lentement.

Pivane, pive

France, 1907 : Bouvreuil.

Une pive
Cortive
Anc ses piviots
Cortiviots
Livardiots
S’en va pivant
Cortiviant
Livardiant.

(George Sand, La Petite Fadette)

Le sens des mots cortive, livardiot, etc., dit le comte Jaubert, s’est perdu, ou bien ce sont des agréments rustiques de chant, des fioritures qui n’ont point de sens.

Pivasse

M.D., 1844 : Un enfant.

France, 1907 : Nez de fortes dimensions ; argot populaire.

Pivaste

Halbert, 1849 : Enfant.

France, 1907 : Enfant ; argot des voleurs.

Pive

Virmaître, 1894 : Vin (Argot des voleurs). V. Pivois.

Hayard, 1907 : Vin.

France, 1907 : Vin, Voir Pivois.

C’est comm’ les curés : des Jean-fesse,
Un tas d’clients qui foutent rien
Que d’licher du pive à la messe ;
Ça vaut pas les quatr’ fers d’un chien,
I’s ont beau fair’ les bons apôtres,
Faut leur casser la gueule aussi,
Pis faut casser la gueule aux autres,
Si y a besoin d’quelqu’un… m’voici.

(Aristide Bruant)

Piver

Larchey, 1865 : Ressort de montre ou de pendule servant à couper les barreaux. — Il revient à la charge contre le fer, comme le piver contre l’arbre qu’il perce de son bec.

Pivert

Delvau, 1866 : s. m. Scie faite d’un ressort de montre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Ressort de montre dont les prisonniers se servent en guise de lime. Allusion à la dureté du bec du pivert.

France, 1907 : Petite scie faite avec un ressort de montre et dont les prisonniers se servent pour scier les barreaux de leur cellule. Allusion à la finesse du bec de l’oiseau de ce nom.

Pivoi citron

Halbert, 1849 : Vinaigre.

Pivoi ou Pive

Rossignol, 1901 : Vin.

Pivoi savonné

Halbert, 1849 : Vin blanc.

Pivoi vermoisé

Halbert, 1849 : Vin rouge.

Pivoiner

Delvau, 1866 : v. n. Rougir, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Rougir ; par allusion à la couleur de la pivoine.

France, 1907 : Rougir ; argot populaire.

Pivois

anon., 1827 : Du vin.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Vin. Pivois savoneux, vin blanc.

Bras-de-Fer, 1829 : Du vin.

M.D., 1844 : Du vin.

un détenu, 1846 : Vin.

Larchey, 1865 : Vin — Allusion à la couleur rouge de la pivoine. V. Pavillonner, Solir, Tremblant, Artie.

On s’pousse du pivois à six ronds dans l’battant.

Chansonnier. impr. Stahl, 1836.

Avons-je du vin ? — Non. — Apportez du pivois, hé vite !

Vadé, 1788.

Peut-être aussi est-ce un diminutif du vieux mot piot : vin ? — Pivoiner : Rougir (Vidocq).

Virmaître, 1894 : Vin rouge. Je ne vois guère qu’une raison à cette expression : c’est une allusion de couleur. Pivois vient certainement de pivoine (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Vin.

France, 1907 : Vin rouge. « Un certain vin, dit Charles Nodier, se nomme pivois à cause de la ressemblance de son raisin avec la pive, nom patois du fruit appelé improprement pomme de pin. »

… Avons-nous du vin ? Non.
Parlez donc, Monsieur le garçon,
Apportez du pivois, et vite !
Aussitôt la parole dite,
On renouvelle l’abreuvoir.

(Vadé, La Pipe cassée)

Pivois citron, vinaigre ; pivois vermoisé, vin rouge ; pivois savonné, vin blanc.

Que ce soit le pétrole ou le pivois savonné, dans le godet ou dans l’entonnoir à patte, toujours les buveurs ont soin de dire : À la vôtre, patron !

(Jean Richepin)

Pivois de blanchimont

Virmaître, 1894 : Vin blanc (Argot des voleurs).

France, 1907 : Vin blanc : argot des voleurs.

Pivois ou Pive

Delvau, 1866 : s. m. Vin, — dans l’argot des voleurs, qui l’appellent ainsi peut-être parce qu’il est rouge comme une pivoine, ou parce qu’il est poivré comme l’eau-de-vie qu’ils boivent dans leurs cabarets infects. En tout cas, avant de leur appartenir, ce mot a appartenu au peuple, qui le réclamera un de ces jours. Pivois maquillé. Vin frelaté. Pivois de Blanchimont. Vin blanc. On dit aussi Pivois savonné. Pivois citron. Vinaigre.

Pivois savoné

anon., 1827 : Vin blanc.

Pivois savonné

Bras-de-Fer, 1829 : Vin blanc.

Pivois, pive, pie, picton

Rigaud, 1881 : Vin :

Un certain vin se dit pivois, à cause de la ressemblance de son raisin avec la pive, nom patois du fruit appelé improprement pomme de pin.

(Ch. Nodier.)

La pomme de pin sert encore d’enseigne à maint cabaret de village. — Pive à quatre nerfs, demi-setier ; mot à mot : vin à quatre sous. — Pivois savonné, vin blanc ; pivois citron, vinaigre, — dans l’ancien argot.

Pivot

Larchey, 1865 : Plume. V. Servir. — Le bec d’une plume figure assez bien un petit pivot.

Delvau, 1866 : s. m. Plume, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Plume à écrire.

La Rue, 1894 : Plume à écrire.

France, 1907 : Plume ; argot des voleurs.

Frangin et frangine, je pésigue le pivot pour vous bonnir que mézigue vient d’être servi maron à la lègre de Canelle (la foire de Caen).

(Mémoires de Vidocq)

Pivot de conversion

Merlin, 1888 : Même facétie que pour le parapluie de l’escouade.

Pivoter

Rigaud, 1881 : Obéir. Mot à mot : tourner au commandement, en terme d’école militaire.

Ses supérieurs pourront le faire pivoter à leur aise.

(Saint-Patrice.)

Merlin, 1888 : Travailler, marcher beaucoup.

Fustier, 1889 : Argot militaire. Manœuvrer dur et beaucoup.

France, 1907 : Travailler ; faire l’exercice, monter la garde. Argot militaire.

On nous fait pivoter sur les talons, et nous voilà adossés contre le mur du perron dans une niche où est placée une fontaine, entre le double escalier qui communique avec le bâtiment donnant sur la rue Lepic. Dix ou douze fusils s’abattent d’un seul mouvement, menaçant notre tête et notre poitrine…

(Sutter-Laumann, Histoire d’un Trente sous)

Qu’ils ne fassent donc pas trop la grimace, ceux qui partent aujourd’hui et vont, pendant vingt-huit jours, pivoter le sac au dos et le fusil au poing. Sans doute, parbleu ! ce n’est pas réjouissant et l’on trouverait aisément manière plus récréatrice de passer le temps.

(L.-V. Meunier, Le Rappel)

Pivots, pive

La Rue, 1894 : Vin. Homme ivre.

Pivre, pivoi

Halbert, 1849 : Vin.

Placard

France, 1907 : Emplâtre.

Placarde

Bras-de-Fer, 1829 : Place d’exécution.

Clémens, 1840 : Celui qui figure en plein vent.

Larchey, 1865 : Place. — Diminutif. V. Parrain.

Delvau, 1866 : s. f. La place où se font les exécutions, — dans le même argot [des voleurs]. Avant 1830, c’était la place de Grève ; sous Louis-Philippe, ç’a été la barrière Saint-Jacques ; depuis une douzaine d’années, c’est devant la prison de la Roquette. On dit aussi Placarde au quart d’œil.

Rigaud, 1881 : Place publique, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : La place. Non pas seulement comme le dit A. Delvau la place où se font les exécutions, mais bien n’importe laquelle. La placarde du fourmillon : la place du marché (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Place. Lorsqu’un marchand a obtenu une place dans une fête ou marché, il a sa placarde.

Hayard, 1907 : Place.

France, 1907 : Place publique ; argot des voleurs, qui désignent généralement ainsi la place d’exécution. Ils l’appellent aussi place au quart d’œil ou place de vergne.
C’était, avant 1830, la place de Grève ; puis la barrière Saint-Jacques ; actuellement c’est la place la Roquette. Placarde du fourmillon, place du marché.

Crompe, crompe, mercandière,
Car nous serions béquillés ;
Sur la placarde de vergne
Il nous faudrait gambiller.

(Mémoires de Vidocq)

Placarde (la)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : La place où se font les exécutions.

Place

d’Hautel, 1808 : C’est aujourd’hui la Saint-Lambert, qui quitte sa place la perd. Se dit en plaisantant lorsqu’on saisit l’instant ou quelqu’un se lève pour prendre son siège et s’asseoir à sa place.
Des complimens de la place Maubert. Des injures, ou des civilités communes et triviales.
Se mettre à la place du niais. Prendre la place la plus commode ; se mettre au beau milieu de la table.
Ta place est au cimetière. Se dit à celui qui redemande une place qu’il a quittée, et dont on s’est emparée.

Delvau, 1866 : s. f. Chambre meublée ou non, — dans l’argot des ouvriers qui ont été travailler en Belgique. À Bruxelles, en effet, une chambre seule est une place ; deux chambres sont un quartier. (V. ce mot.)

France, 1907 : Chambre meublée ou non ; argot importé par les ouvriers belges. Voir Quartier.

Placé

Fustier, 1889 : Argot de turf. Un cheval est placé quand il n’est distancé par le gagnant que de quelques longueurs.

Si votre patriotisme vous pousse à prendre un cheval gaulois gagnant, gardez-vous à carreau en prenant en même temps les goddems placés.

(Voltaire, juin 1882.)

Place d’armes

Rigaud, 1881 : Estomac.

Virmaître, 1894 : La poitrine (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Poitrine, estomac.

France, 1907 : L’estomac. C’est en effet de l’estomac que dépend le fonctionnement de tous les organes. Il est comme le bâtiment : quand il va, tout va.

Vous êtes invité à passer la soirée chez des bourgeois… Vous entrez… au lieu de dire : « Bonjour, cher ami, Madame va bien ? Allons, tant mieux ! Enchanté de vous voir en bonne santé », l’on dit carrément : « Bonjour, ma vieille branche, comment va la place d’armes ? » Et le bourgeois, pour se mettre à la mode, répond : « Merci, mon vieux ; ça boulotte. Et ta sœur ? »

(Les Locutions vicieuses)

Place Saint-Pierre

Rossignol, 1901 : Place où l’on monte la guillotine, à la porte de la prison de la Roquette ; allusion aux cinq pierres immobiles sur lesquelles est placée la machine du supplice.

Placer

d’Hautel, 1808 : Avoir le cœur bien placé. Pour avoir de l’honneur, de la vertu ; avoir une grande probité. On dit, dans un sens contraire, avoir le cœur mal placé.

Placeur de lapins

Rigaud, 1881 : Farceur qui fait de la morale, moraliste qui vit aux dépens des autres et produit ses amis dans le monde galant.

Desgenais n’est, malgré ses malédictions à fracas, qu’un simple placeur de lapins.

(L. Chapron, Gaulois du 18 août 1877.)

France, 1907 : Individu qui vit aux dépens des « amis » qu’il présente à des femmes du demi-monde.

France, 1907 : Charlatan hypocrite qui joue au moraliste.

Desgenais n’est, malgré ses malédictions à fracas, qu’un simple placeur de lapins.

(L. Chapron, Le Gaulois)

Placidamente

France, 1907 : Tranquillement. Italianisme passé dans l’argot musical.

Placier

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui fait la place de Paris ; courtier en marchandises. Argot des marchands.

Rossignol, 1901 : Chiffonnier qui a son quartier et rues attitrés ; il y a encore mille cinq cents placiers à Paris. La place se cède entre eux pour la somme de 30 à 150 francs, même plus, et le rapport est de 2 à 3 francs par jour.

France, 1907 : Courtier en marchandises ; homme qui fait la place, qui va de magasin en magasin, de maison en maison, de place en place, offrir les marchandises de la maison qu’il représente.

Plafond

Delvau, 1866 : s. m. Crâne, cerveau, — dans l’argot des faubouriens. Se crever le plafond. Se brûler la cervelle.

La Rue, 1894 : Tête. Front.

France, 1907 : La tête, plus spécialement l’intérieur du crâne. Ne s’emploie guère que dans cette expression : Avoir une araignée dans le plafond, être excentrique, toqué, un peu fou.

— Voilà encore un de nos jolis toqués, disait l’un d’eux à demi-voix.
— Il a une belle araignée dans le plafond, murmurait un autre.

(Philippe Audebrand)

On dit aussi avoir des trichines dans le plafond.

Plafond (avoir une araignée dans le)

Rigaud, 1881 : Dire, faire des extravagances.

Plafond (bas de)

France, 1907 : Imbécile. Un front haut et large étant le signe de l’intelligence, ceux qui ont le front bas sont réputés à tort ou à raison pour avoir peu d’esprit.

Sûr’ment j’vas pas m’salir les pattes
À decrasser tous les crétins !
Puis s’i’ y a des soirs, des matins,
Des poivrots et des hydropathes,
Des malins et des bas-d’-plafond,
Des qui font, des aut’ qui défont.
Ça doit avoir un’ raison d’être ?
Et j’troublerais ma digestion !

(Paul Paillette)

Plafond (se défoncer le)

Rigaud, 1881 : Se brûler la cervelle.

Plaider la ficelle

France, 1907 : C’est, dans l’argot des gens de loi, avoir recours dans une plaidoirie à une ruse pour détourner l’attention du point principal en abordant un sujet étranger au cas.

Plaindre

d’Hautel, 1808 : Se plaindre que la mariée est trop belle. Se plaindre sans sujet, sans fondement ; se récrier sur l’excellence de quelque chose.

Plaîne

France, 1907 : Couteau a deux poignées dont on se sert pour planer les douves.

Plaine rouge

France, 1907 : Place de la Roquette.

Plaire

d’Hautel, 1808 : Plaît-il. Interrogation pour faire répéter ce qu’on n’a pas entendu, ou pas compris ; c’est aussi une manière civile de répondre à quelqu’un qui appelle.

Plaisir (avoir du)

Delvau, 1864 : Jouir, en faisant l’alto venereo, — le seul acte qui cause un vrai plaisir.

Un jeune gars s’accusait d’avoir pris
Le grand plaisir, à qui tout autre cède.

Grécourt.

Je dois au grand sénéchal les prémices de mes plaisirs.

Diderot.

Mais du plaisir avant cette aventure,
Léda connut le trait doux et fatal.

Parny.

Quelle est ma surprise aujourd’hui !
Dans ce nain je trouve un hercule.
Faut-il qu’il soit si ridicule
D’avoir du plaisir avec lui ?

(Chanson anonyme moderne.)

Époux, dans les bras de vos dames.
Vous goûtez les plaisirs des dieux.

Chanu.

Plamousse

Delvau, 1866 : s. f. Soufflet, dans l’argot du peuple, qui a dit jadis Mouse pour Visage.

France, 1907 : Soufflet, gifle ; argot populaire ; littéralement, au plat sur la mousse, vieux mot pour visage.

Plamuf

Hayard, 1907 : Coup.

Plan

d’Hautel, 1808 : Mettre quelque chose en plan. Pour dire mettre un habit, un bijou, un effet quelconque en gage, lorsqu’on a fait de la dépense en un lieu et que l’on n’a pas de quoi payer.

Clémens, 1840 : Étui à l’usage des voleurs.

un détenu, 1846 : Prison. Être au plan : emprisonné ; cachette, Mont-de-Piété.

Halbert, 1849 : Prison, cachot.

Delvau, 1866 : s. m. Prison, — dans l’argot des voleurs. Être au plan. Être en prison. Tomber au plan. Se faire arrêter.

Quoi tu voudrais que je grinchisse
Sans traquer de tomber au plan ?

dit une chanson publiée par le National de 1835.

Delvau, 1866 : s. m. Moyen, imagination, ficelle, — dans l’argot des faubouriens. Tirer un plan. Imaginer quelque chose pour sortir d’embarras. Il n’y a pas plan. Il n’y a pas moyen de faire telle chose.

Delvau, 1866 : s. m. Le Mont-de-Piété, — dans l’argot des faubouriens. Être en plan. Rester comme otage chez un restaurateur, pendant qu’un ami est à la recherche de l’argent nécessaire à l’acquit de la note. Laisser en plan. Abandonner, quitter brusquement quelqu’un, l’oublier, après lui avoir promis de revenir. Laisser tout en plan. Interrompre toutes ses occupations pour s’occuper d’autre chose.

Delvau, 1866 : s. m. Arrêts, — dans l’argot des soldats. Être au plan. Être consigné.

Rigaud, 1881 : Prison. — Hospice des Enfants-Trouvés.

Rigaud, 1881 : Moyen. Il y a plan, il n’y a pas plan ; expression dont se servent beaucoup d’ouvriers lorsqu’ils vont demander de l’ouvrage. — Patron, est-ce qu’il y a plan ? Mot à mot : est-ce qu’il y a moyen de travailler chez vous ?

Oui, il n’y a pas plan, murmurait Céline.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

Rigaud, 1881 : Mont-de-Piété. Mot à mot : la planche où sont les objets laissés en nantissement. — Mettre au plan, engager au Mont-de-Piété ou ailleurs.

M’man, j’ai mis ma veste au plan hier soir.

(Gavarni.)

La Rue, 1894 : Le Mont-de piété. Prison. Abandon. Moyen : il n’y a pas plan. Étui à l’usage des voleurs.

Virmaître, 1894 : Prison.
— Je tire dix berges de plan.
Tomber en plan :
se faire arrêter.
Être en plan : rester en gage pour un écot.
Laisser sa femme en plan c’est synonyme de la lâcher (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Le Mont-de-Piété. Allusion à la planche sur laquelle on emmagasine les effets engagés (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Prison.

Rossignol, 1901 : Mont-de-piété.

France, 1907 : Mont-de-piété ; maison de prêteur sur gage. Mettre sa montre en plan.

Antoinette n’avait que deux partis à prendre si elle ne voulait pas souper en dansant devant le buffet : courir chez le gros major ou mettre sa bague ou plan. Elle préféra courir chez le gros major.

(Les Propos du Commandeur)

France, 1907 : Possibilité. « Peut-on arriver au cœur de Jeannette ? — Oui, il y a plan… en casquant. » Tirer des plans, imaginer quelque chose, chercher un biais.

France, 1907 : Prison. Plan de couillé, temps de prison fait pour un autre ; mot à mot : prison de niais, de couillon ; argot des voleurs. Être mis au plan, être emprisonné.

France, 1907 : Étui ou les voleurs mettent leurs pinces, limes et autres outils d’effraction.

Plan (en)

France, 1907 : Être abandonné, mis de côté, ou être laissé dans un restaurant ou un café par un ami fripon pour régler la note commune. Laisser tout en plan, abandonner une chose entreprise.
« Ne confondons pas, dit Charles Nisard, mettre en plan avec laisser en plan : l’un veut dire mettre en gage ; l’autre, quitter brusquement les gens, se dérober à ses affaires, laisser tout en plan. » Rester en plan, demeurer court ; ne plus savoir que faire, ni que dire.

Plan (le)

Hayard, 1907 : Le mont-de-Piété. La prison.

Plan (mettre en, laisser en)

Rigaud, 1881 : Quitter quelqu’un sans le prévenir, planter là.

Plan (mettre en)

Larchey, 1865 : Engager.

Pour faire à sa belle Un don digne d’elle, L’employé met sa montre en plan.

Désaugiers, 1815.

Plan de couillé

Virmaître, 1894 : Faire de la prison pour un autre. Faire de la prison sans avoir joui du produit de son vol. Couillé est le diminutif de couillon. Dialogue au Dépôt :
— Pourquoi que t’es ici ?
— J’ai pas de piaule pour pagnoter.
— Je file la comète ; j’ai été fabriqué par un sale sergot.
— Et ton nière ?
— Mon orgue ? J’étais méquard de la bande à Bibi.
— Alors tu vas aller au carré des petites gerbes.
— Veux-tu me désenflaquer et m’aider à casser la ficelle ?.
— Pour aller à la boîte aux cailloux, où y a pas mèche de faire chibis ; où on ne boulotte que des bourres-coquins et où on ne lampe que du sirop de macchabée ? y a pas de pet.
— Je te donne la paire de sigues, mais tu ne bonniras que peau.
— Tes sigues, c’est du carme à l’estorgue.
— Non, c’est du bath.
— C’est pas assez, car si les palpeurs me foutent deux berges de Centrousse, ça serait du plan de couillé.
Mot à mot : de la prison pour rien (Argot des voleurs).

Plan de couyé

Halbert, 1849 : Subir une peine pour un autre.

Plancarde

Clémens, 1840 : Bascule de la guillotine.

Planche

d’Hautel, 1808 : Compter sur lui, c’est se fier sur une planche pourrie. Pour dire, qu’une personne ne mérite aucune confiance, qu’on ne doit faire aucun fonds sur ses promesses.
Faire la planche. Donner l’exemple, montrer le chemin, encourager un autre en faisant une chose le premier. Cette expression est aussi reçue parmi les nageurs, et signifie nager étant couché sur le dos.

Rigaud, 1881 : Tableau noir servant aux démonstrations mathématiques, — dans le jargon du collège. — Passer à la planche, passer au tableau.

Rigaud, 1881 : Sabre, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Femme très maigre. — Femme qui n’a pas que l’apparence de la froideur.

France, 1907 : Femme ou fille d’une excessive maigreur, privée de ces séduisantes rotondités qui manquent à la poupée de Jeanneton ; argot populaire.

France, 1907 : Tableau noir des classes de mathématiques. Passer à la planche, aller au tableau ; argot des écoles.

France, 1907 : Sabre ; argot les voleurs.

Planché

Rigaud, 1881 : Condamné.

France, 1907 : Condamné ; argot des voleurs.

Planché (être)

Delvau, 1866 : Être condamné, — dans l’argot des voleurs.

Planche (faire la)

Fustier, 1889 : « Ta maîtresse ? il y a un mois qu’elle vient faire la planche dans mon garni ! »

(Événement, 1885.)

France, 1907 : Se prostituer.

Planche (faire sa)

Larchey, 1865 : Montrer une froideur excessive. — Sans planche : Sans façon.

L’écaillère de ses propos poissards vous entretient sans planche.

Cabarets de Paris, 1821.

Planche au pain : Banc des prévenus.

Delvau, 1866 : Témoigner du dédain, faire sa Sophie, — dans l’argot des faubouriens. Sans planche. Avec franchise, rondement.

France, 1907 : Montrer de l’orgueil, de la raideur ; d’où être sans planche, être sans façon.

Planche (passer à la)

France, 1907 : Être fustigé. Allusion au châtiment infligé aux forçats que l’on bâtonnait étendus sur une planche.

Planche à boudins

France, 1907 : Prostituée.

— Ne vous décarcassez donc pas tant pour cette fille. Ce n’est qu’une planche à boudins.

Planche à grimaces

France, 1907 : Autel ; allusion au cérémonial du prêtre, lequel parait quelque peu grotesque aux gens privés de foi et aux non-initiés aux mystères du culte.

Planche à lavement

Virmaître, 1894 : Le confessionnal. On y lave sa conscience ; pour certains, il faudrait une rude lessive (Argot des voleurs).

France, 1907 : Le confessionnal ; argot des faubouriens. S’est appelé ainsi soit parce qu’on s’y lave de ses péchés, soit parce que les questions du confesseur et les réponses qu’on doit lui faire vous fassent l’effet d’un lavement.

Planche à pain

Merlin, 1888 : Au propre, planche longue et mince destinée à recevoir les rations de pain et de biscuit des hommes ; au figuré, un individu bâti en Don Quichotte.

Virmaître, 1894 : Cour d’assises. Se dit aussi d’une femme maigre (Argot des voleurs). N.

Planche à sapement

France, 1907 : Le tribunal correctionnel ; argot des voleurs.

Planche à tracer

Delvau, 1866 : s. f. Table, — dans l’argot des francs-maçons. Ils disent aussi Plate-forme et Atelier.

Delvau, 1866 : s. f. Feuille de papier blanc, — dans le même argot [des francs-maçons]. Signifie aussi Lettre, missive quelconque.

Rigaud, 1881 : Table à manger, — dans le jargon des francs-maçons qui disent encore atelier.

France, 1907 : Table ou feuille de papier blanc ; argot des francs-maçons.

Planche au pain

Bras-de-Fer, 1829 : Cour d’assises.

Clémens, 1840 : Banc des accusés.

Halbert, 1849 : Banc des accusés, tribunal.

Delvau, 1866 : s. f. Le banc des accusés, — dans l’argot des prisons. Être mis sur la planche au pain. Passer en Cour d’assises.

Rigaud, 1881 : Banc des prévenus. — Lit, — dans le jargon des filles publiques.

La Rue, 1894 : Le banc des accusés. Lit.

France, 1907 : Le tribunal ; appelé ainsi à cause de la position élevée, allusion à la planche à pain des chambrées de soldats, ou à la distribution qui s’y fait de jours, de semaines, de mois ou d’années où l’on mange gratis le pain de l’État ; argot des voleurs. C’est aussi le banc des accusés.

On m’empoigne, on me met sur la planche au pain.

(Victor Hugo)

Planche au pin (la)

M.D., 1844 : Banc des accusés.

Planche aux soupirs

France, 1907 : La guitare ; argot des musiciens, venu de l’argot allemand.

Planche-au-pain

un détenu, 1846 : Banc des accusés.

Plancher

d’Hautel, 1808 : Terme populaire qui équivaut à se moquer, se jouer de quelqu’un, le railler, le persiffler, le promener.
Est-ce que tu planches ? Pour te moques-tu de moi ?

d’Hautel, 1808 : Le plancher des vaches. La terre ferme sur laquelle on marche.
Il n’est rien tel que de marcher sur le plancher des vaches. Pour dire, qu’il y a moins de risque à courir en voyageant sur terre que sur mer.
Il faut soulager le plancher. Se dit, pour inviter quelques personnes à sortir d’une chambre où il y a trop de monde.

Larchey, 1865 : Moquer.

Est-ce que tu planches ? pour : Te moques-tu de moi ?

1808, d’Hautel.

Plancherie : Mauvaise plaisanterie.

I’me propose le bâton. Moi, j’lui dis : Allons donc ! Tu planches.

Ch., Avignon, 1813.

Planché : Condamné.

Delvau, 1866 : v. n. Se moquer, rire, — dans l’argot des voleurs et des faubouriens. On dit aussi Flancher.

Rigaud, 1881 : Quitter un ami de prison, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Plaisanter. — Parles-tu sérieusement ou planches-tu ?

Rigaud, 1881 : Coucher à la salle de police, sur la planche du gouvernement. J’ai planché deux jours, — dans le jargon du régiment.

La Rue, 1894 : Rire, se moquer. Condamner. Quitter un ami de prison.

France, 1907 : Laisser en plan ; argot des voleurs.

France, 1907 : Se moquer ; argot populaire.

— Tu planches, mon homme.

(Mémoires de Vidocq)

France, 1907 : Avoir peur ; corruption de flancher.

Plancher (débarrasser le)

Rigaud, 1881 : S’en aller, lorsqu’on importune quelqu’un. Débarrassez-moi le plancher.

Plancher des vaches

Larchey, 1865 : « La terre était sa vraie patrie ; la terre, le plancher des vaches. »

J. Janin.

Delvau, 1866 : s. m. La terre, — dans l’argot du peuple, à qui Rabelais a emprunté cette expression pour la mettre sur les lèvres de ce poltron de Panurge.

France, 1907 : La terre ; argot des marins.

Plancherie

Rigaud, 1881 : Plaisanterie d’un goût douteux.

France, 1907 : Plaisanterie, moquerie.

Planches

Delvau, 1866 : s. f. La scène, le théâtre en général, — dans l’argot des acteurs. Balayer les planches. Jouer dans un lever de rideau ; commencer le spectacle. Brûler les planches. Cabotiner. Signifie aussi Débiter son rôle avec un entrain excessif.

Delvau, 1866 : s. f. L’établi, — dans l’argot des tailleurs. Avoir fait les planches. Avoir été ouvrier avant d’avoir été patron.

Rigaud, 1881 : Établi de tailleur. — Avoir fait les planches, avoir travaillé comme ouvrier avant d’être devenu patron.

Planches (avoir des)

Rigaud, 1881 : Mot à mot : avoir l’habitude des planches, jouer la comédie depuis longtemps ; être sur la scène aussi à l’aise que chez soi. Madame Thierret avait des planches autant qu’actrice du monde.

France, 1907 : Être habitué à la scène ; argot des théâtres.

Planches (balayer les)

France, 1907 : Voir Essayer le tremplin.

Planches (brûler les)

France, 1907 : Jouer brillamment, avec entrain ; argot des coulisses.

Ce n’était pas un mauvais acteur. Il avait de la chaleur, il brûlait même un peu les planches.

(Edgar Monteil, Cornebois)

Planches (les)

France, 1907 : Le théâtre. Monter sur les planches, se faire comédien.

S’il est un endroit où la vertu est une gloire réelle de demeurer dans sa triple cuirasse de pureté, de vaillance, le sacrifice, c’est certainement dans ce monde d’à côté qu’on appelle les plancher, où la femme est forcée de représenter le pour et le contre de la vérité, le paradoxe, l’envers du vrai, la splendeur du vice élégant moderne. À force de s’inféoder dans toutes les causes, de se faire l’avocat du bien et l’avocat du diable, elle finit par jouer souvent au naturel la comédie qu’elle n’a cru donner que pour les autres.

(Arsène Houssaye)

Planches savoir fait les

France, 1907 : Avoir travaillé comme ouvrier tailleur ; allusion à l’établi sur lequel se posent les pique-prunes.

Plancheur

France, 1907 : Moqueur, farceur.

Plancheur, plancheuse

Rigaud, 1881 : Mauvais plaisant, mauvaise plaisante.

Plançonner

Delvau, 1866 : v. a. Bredouiller, — dans l’argot des coulisses, où l’on a conservé le souvenir du brave Plançon, acteur de la Gaîté.

Rigaud, 1881 : Bredouiller. Dérivé de Plançon, mauvais acteur de la Gaîté qui bredouillait à la fin et souvent au commencement de chaque tirade. (Argot des coulisses).

Plane de mer

France, 1907 : Nom vulgaire de la plie.

Planque

Clémens, 1840 : Cachette.

un détenu, 1846 : Guet. Hommes en planque : hommes qui font le guet.

Halbert, 1849 : Cachette.

Larchey, 1865 : Observation. — On se cache pour bien observer.

J’allai en compagnie de H., et le laissant en planque (en observation), je montai chez Chardon.

Canler.

Larchey, 1865 : Cachette. V. Bayafe. — Planquer : Cacher. V. Déplanquer, Enplanquer.

Delvau, 1866 : s. f. Cachette, — dans l’argot des voleurs. Être en planque. Être prisonnier. Signifie aussi Être en observation.

Rigaud, 1881 : Lieu, endroit, cachette. — Poste d’observation d’où un agent de police surveille un malfaiteur.

La Rue, 1894 : Cachette. Lieu, endroit, maison. Poste d’observation d’un agent qui guette un malfaiteur. Planquer, abandonner, poster, placer. Se planquer, se mettre à couvert.

Rossignol, 1901 : Un agent de police est en planque lorsqu’il est à un endroit quelconque pour surveiller un individu.

Hayard, 1907 : Cachette.

France, 1907 : Vieux mot pour planche. Logis, endroit quelconque, généralement cachette, lieu de retraite.

Par une chouette sorgue, la rousse est aboulée à la taule. Un macaron avait mangé le morceau sur nouzailles et bonni le truc de la planque ; tous les fanandels avaient été servis.

(Mémoires de Vidocq)

anon., 1907 : Habitation, chambre.

Planque (battre une)

France, 1907 : Faire le guet. « Voilà deux roussins qui battent une planque, décanillons. »

Planque (en faire une)

Virmaître, 1894 : Agent qui se planque pour surveiller des individus. Être en planque, être filé. Mot à mot : planque, attendre. La chanson des mecs dit :

Jadis pour une fille, la plus chouette des catins
Tous les mecs se mettaient en planque
C’qui lui valait le flac dont casquaient les rupins
Sans les grinchir ni d’truc ni d’banque. (Argot des voleurs).

Planqué (être)

Halbert, 1849 : Faire le guet.

Planque à corbeaux

France, 1907 : Couvent, séminaire.

Planque à fafiots

France, 1907 : Archives.

Planque à gouapeurs

France, 1907 : Dépôt de la Préfecture de police.

Planque à larbin

Virmaître, 1894 : Bureau de placement spécial pour les domestiques (Argot des voleurs). V. Suce-larbin.

Planque à larbins

Rigaud, 1881 : Bureau de placement.

France, 1907 : Bureau de placement.

Planque à plombes

Rigaud, 1881 : Pendule.

France, 1907 : Horloge.

Planque à sergots

Rigaud, 1881 : Poste de police.

France, 1907 : Poste de police.

Planque à suif

Rigaud, 1881 : Tripot.

France, 1907 : Tripot.

Planque à tortorer

Rigaud, 1881 : Restaurant.

France, 1907 : Restaurant.

Planque aux atigés

France, 1907 : Hôpital.

Planque des gouâpeurs

Rigaud, 1881 : Dépôt de la préfecture de police.

Planquer

un détenu, 1846 : Faire le guet.

Halbert, 1849 : Cacher.

Delvau, 1866 : v. a. Cacher. Signifie aussi Emprisonner.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Mettre quelque chose de côté, — dans l’argot des typographes.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Engager quelque chose au Mont-de-Piété, mettre au plan. Argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Cacher. — Observer. — Mettre de l’argent de côté.

Virmaître, 1894 : Cacher.
— Pour dépister la rousse, je vais me planquer un marqué chez un garnaffier de mes aminches (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Faire une planque ; veut aussi dire cacher, dissimuler.

en me couchant, je suis obligé de planquer mon porte-monnaie pour que ma femme n’y fasse pas une descente.

France, 1907 : Abandonner, laisser en place.

— Et ta ménesse ? — Laquelle ? — La rouquine ? — Elle trouillottait des aisselles ; il y a beau temps que je l’ai planquée.

France, 1907 : Mettre, placer, cacher.

À c’te piaule je suis si bien planquée que je ne crains ni cognes, ni griviers, ni railles, ni quart-d’œil, ni gerbiers.

(Mémoires de Vidocq)

Planquer le marmot, cacher le produit du vol. Planquer les paccins dans un roulant, mettre les paquets dans une voiture.

Planquer (mettre en planque)

Hayard, 1907 : Accumuler.

Planquer (se)

Rigaud, 1881 : Se cacher. — Planquer le marmot, cacher un objet volé.

Planquer des sortes

Boutmy, 1883 : v. Cacher les lettres ou sortes qui entrent en grande quantité dans un travail en cours d’exécution. L’ouvrier qui planque des sortes cause un préjudice à tous ses compagnons, qui ne trouvent plus celles qui devraient être dans des casses ou bardeaux d’un usage commun.

France, 1907 : « Cacher les lettres ou sortes qui entrent en grande quantité dans un travail en cours d’exécution. L’ouvrier qui planque des sortes cause un préjudice à tous ses compagnons, qui ne trouvent plus celles qui devraient être dans des casses ou bardeaux d’un usage commun. »

(Eug. Boutmy, Argot des typographes)

Planquer, mettre à gauche

anon., 1907 : Cacher.

Planques

Rossignol, 1901 : Marques scrofuleuses sur le visage.

Plans (tirer des)

Merlin, 1888 : Chercher un moyen.

Plant

France, 1907 : Nom donné autrefois à la confrérie des gueux.

Plantation

France, 1907 : Arrangement d’une scène sur le théâtre ; argot des coulisses.

— J’avais dit de poser là une chaise pour figurer la porte. Tous les jours il faut recommencer la plantation.

(Émile Zola, Nana)

Planté

France, 1907 : Beaucoup, abondance d’une chose. A planté, abondamment. Provincialisme ; vieux français.

Point ne compte bourdes ne gloses ;
Je ne parle que par raison ;
Il y pert pour planté de choses.
De preuves j’offre grant foyson.

(G. de Colvé des Jardins, Les Oberliques)

Planter

d’Hautel, 1808 : S’il est bien planté, il reviendra. Se dit d’une personne dont on fait peu de cas, et qui s’en est allée avec humeur.
Il est allé planter ses choux. Se dit par raillerie d’un homme qui s’est retiré à la campagne.
Planter là quelqu’un. L’abandonner, le quitter, lui retirer son amitié, sa protection, ses secours.
Arrive qui plante. Locution adverbiale qui marque la résolution dans laquelle on est, de ne pas changer d’idée quelque chose qu’il arrive.
Il m’a planté-là pour reverdir. Pour, il m’a abandonné subitement ; il m’a fait croquer le marmot.

Halbert, 1849 : Laisser.

Fustier, 1889 : Coïre.

La Rue, 1894 : Coïre.

France, 1907 : Sacrifier à Venus.

Planter des cornes

Delvau, 1864 : Introduire son membre dans le vagin d’une femme mariée à un autre homme, — ce qui fait pousser des cornes à celui-ci et quelquefois un enfant à celle-là.

Planter là quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le quitter brusquement, soit parce qu’il vous ennuie, soit parce qu’on est pressé. C’est l’ancienne expression : Planter là quelqu’un pour reverdir, mais écourtée et plus elliptique.

France, 1907 : Le quitter brusquement ; le lâcher. « Planter là quelqu’un pour qu’il reverdisse. »

Planter le harpon

Delvau, 1866 : v. a. Lancer une idée, avancer une proposition, — dans l’argot des marins.

France, 1907 : Faire une proposition, exprimer une idée ; argot des marins.

Planter ses choux

France, 1907 : Se retirer des affaires ; aller vivre à la campagne dans une retraite modeste après une vie de travail ou d’agitation. Un fonctionnaire qui prend sa retraite à la campagne, un notaire, un homme d’affaires ou de commerce qui se retirent en quelque coin de province ou de banlieue, vont planter leurs choux. Allusion à l’empereur Dioclétien qui, après les fatigues de la guerre et les soucis du pouvoir, abdiqua pour se retirer à Salone, sa ville natale, et ne s’occupa plus que de cultiver les légumes, choux et laitues, de son jardin.

Planter son poireau

Delvau, 1866 : v. a. Attendre quelqu’un qui ne vient pas, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Attendre ; synonyme de faire le pied de grue ; argot populaire.

Pendant huit jours consécutifs la petite diablesse me fit planter mon poireau à la sortie de son atelier, lorsque j’appris qu’elle se payait ma poire, et se tirait les flûtes par une porte de derrière.

(Les Joyeusetés du régiment)

Se dit aussi pour coïter.

Planter un acte

Rigaud, 1881 : Veut dire que le mouvement général et les positions en sont fixés. On dit planter la décoration dans le même sens. (A. Bouchard.) Planter un comparse. Le faire grimer, le placer, lui dessiner la marche à suivre et lui donner les indications nécessaires. (Musée Philipon, Théâtre de Bourg-en-Bresse.)

France, 1907 : S’occuper des détails scéniques de cet acte ; argot des coulisses.

Planter un chou

Fustier, 1889 : Tromper indignement.

Mon ci-devant m’a planté un chou colossal.

(Réveil, 1882.)

Planter un comparse

France, 1907 : Donner des instructions à un acteur novice sur les mouvements et les jeux scéniques.

Planter un drapeau

Virmaître, 1894 : Autrefois on disait faire un puff. Les ouvriers et les petits employés ont l’habitude de manger à la semaine ou au mois chez leur restaurateur ; fréquemment quand ils quittent leur place, ils ne payent pas le gargotier.
— Pourquoi ne passes-tu pas par-là ?
— J’ai planté un drapeau.
Allusion au drapeau planté par les cantonniers sur la voie publique qu’ils réparent pour avertir qu’il ne faut pas passer là (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Faire une dette chez un marchand de vin ; on dit aussi faire un pouf.

France, 1907 : Contracter une dette dans un cabaret ou un restaurant. L’on n’ose plus passer dans la rue, qui dès lors est barrée comme lorsque le service de la voirie y fait poser un petit drapeau ronge pour indiquer qu’elle est en réparation et que la circulation y est interdite.

Planter un homme

Delvau, 1864 : Baiser une femme.

Que fais-tu donc là ? demandait un passant à Diogène, qui, en sa qualité de cynique, n’avait pas craint de trousser une fille en plein Agora et était en train de besogner avec elle, — Tu le vois ; je plante un homme, répondit-il.

A. François.

Plantes

France, 1907 : Pieds ; argot populaire.

— Eh bien, vous êtes de la jolie fripouille, cria-t-il, j’ai usé mes plantes pendant trois heures sur la route, même qu’un gendarme m’a demandé mes papiers.

(Émile Zola, L’Assommoir)

Plantes (user ses)

Rigaud, 1881 : Marcher beaucoup. Mot à mot : user les plantes de ses pieds.

Planteur

d’Hautel, 1808 : Un planteur de choux. Se dit par ironie d’un gentilhomme, ou d’un homme de distinction qui s’est retiré à la campagne.

France, 1907 : Paillard ; libertin.

Planteuse de bois

Virmaître, 1894 : Femme qui fait son mari cocu. Mot à mot : elle lui plante du bois sur la tête (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Femme qui trompe son mari, qui lui met au front les appendices du cerf.

Plantureusement

d’Hautel, 1808 : Abondamment, largement, en grande quantité.

Plantureux

d’Hautel, 1808 : Abondant, fertile.
Un pays plantureux. Qui abonde en toute chose.

Plap

France, 1907 : Tache, souillure, marque naturelle sur la peau, le poil, le plumage : de plapa, tacher, marqueter ; patois du Béarn.

Plaque

France, 1907 : Pièce de cent francs ; argot des voleurs.

Croupiers, il faut dans les grands claques
Par nuit étouffer ses trois plaques.

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

Plaque (en)

France, 1907 : En commissionnaire.

Plaque (la)

France, 1907 : La morgue.

Plaque d’égout défoncée (avoir sa)

France, 1907 : Être sodomiste passif.

Plaque de couche (astiquer la)

France, 1907 : Être étendu sur son lit, et, par extension, se coucher ; argot militaire.

— Eh ben, mon colon, faut croire que c’est le monde ertourné, pisque c’est les hommes ed’la classe qui sont commandés de fourrage durant que les bleus n’en fichent pas une secousse. À c’t’heure, j’astique ma plaque de couche et c’est cor’ pas toi qui me feras lever. Voilà !

(Georges Courteline, Les Gaietés de l’escadron)

Plaque tournante

France, 1907 : Cœur.

Ils prirent chacun leur lingue et commencèrent à se scionner jusqu’à ce que la plaque tournante leur pétât.

Plaquer

d’Hautel, 1808 : Plaquer un soufflet sur la joue. Pour donner un soufflet.
Plaquer quelque chose au nez de quelqu’un. Lui faire en face quelques reproches offensans.

Halbert, 1849 : Venir, cacher.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Abandonner, laisser là.

Rigaud, 1881 : Quitter. — Remettre quelqu’un à sa place. Invectiver avec verve sans laisser à l’adversaire le temps de la réplique ; c’est-à-dire appliquer invectives sur invectives, comme on applique plaque sur plaque.

Rigaud, 1881 : Confondre, interloquer, mettre dans l’impossibilité de répondre, aplatir moralement ; c’est le synonyme de coller. — As-tu vu comme je te l’ai plaqué ? il n’a plus soufflé mot.

La Rue, 1894 : Quitter subitement. Venir. Cacher. Confondre, interloquer ; coller. Remettre quelqu’un à sa place. Invectiver vivement.

Rossignol, 1901 : Quitter sa maîtresse est la plaquer. Quitter une société est aussi la plaquer.

Il est tard, bonsoir, je vous plaque.

France, 1907 : Lâcher, abandonner. Synonyme de planter là.

— Un Collignon qui bat son careau, ça me dégoûte. — Mon dernier amant, c’était un cocher de la Compagnie, un nommé Badin, il était chouette pour moi, mais il maltraitait sa bête et il m’a plaquée parce qu’un soir que j’étais en colère, je lui ai dit que l’cheval gagnait l’avoine du cocher et que l’cocher ne gagnait pas le pain de son cheval.

(Louise France, Gil Blas)

— Tu as du chagrin ?… Tu pleures ?
— Georges m’a quittée…
— Ah ! les hommes !… Mais tu voulais, toi- même, le plaquer ?…
— Précisément… j’aurais voulu être la première !

(Le Nain Jaune)

Hélas ! que j’en ai vu mourir des jeunes filles
Bien portantes et qui,
Détruites dans leur fleur par Monsieur Chouberski,
Ont plaqué leurs familles !

(Jules Jouy)

France, 1907 : Mettre. Plaquer sa viande sur l’édredon, se coucher.

Ne fabrique pas un marlou,
Il te ferait plaquer au trou.

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

France, 1907 : Invectiver ; remettre quelqu’un à sa place.

Plaquer (se)

Rigaud, 1881 : Se jeter, se précipiter. — Se plaquer dans la limonade, se jeter à l’eau.

France, 1907 : Se mettre.

Vous comprenez la rigolade
Vous, la p’tit’ mèr’ ; vrai, qué potin !
C’est donc marioll’, c’est donc rupin
De s’plaquer dans la limonade ?
Pourquoi ? Peut-êt pour un salaud,
Pour un prop’ à rien, pour un pante ?
Malheur ! Tiens, vous prenez du vente.
Ah ! bon, chaleur ! J’comprends l’tableau !

(André Gill, La Muse à Bibi)

Plaquer le boulot

France, 1907 : Abandonner le travail ; quitter l’atelier.

Pour ça, l’autre matin, les ouvriers d’un grand bagne ont plaqué le boulot. Illico, d’un bout de l’Angleterre à l’autre, les patrons ont fichu sur le pavé le quart de leurs ouvriers. Sans barguigner, du tac au tac, les mécaniciens ont alors proclamé la grève générale.

(Le Père Peinard)

Plaquer sa viande sous l’édredon

Fustier, 1889 : Se coucher.

À onze heures et demie on a levé la séance. Le fait est qu’il était rien temps d’aller plaquer sa viande sous l’édredon.

(Henri IV, 1882.)

Plaquer un emplâtre

France, 1907 : Poser une portée ; argot des grecs.

Avant de plaquer ton emplâtre,
Tâche au moins qu’elle soit chenâtre.

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

Plaques de garde champêtre

France, 1907 : Nom que l’on donnait à l’époque du service à longue durée aux chevrons des vieux sous-officiers.

Plaques de garde-champêtre

Merlin, 1888 : Les deux ou trois brisques d’un vieux sergent.

Plastronner

France, 1907 : Étaler ses grâces, faire le beau ; vouloir se faire admirer et n’être que ridicule.

Il fait des mots, il plastronne, il étale sa turpitude avec complaisance.

(Francis Chevassu)

Plastronneur

France, 1907 : Élégant, jeune idiot qui met sa gloire à étaler un immense plastron de chemise à l’aide d’un gilet ridiculement ouvert. C’est vers 1869 que commencèrent à devenir à la mode ces ridicules devants de chemise.

Plat

d’Hautel, 1808 : Avoir le ventre plat. Pour n’avoir rien mangé depuis long-temps ; avoir le ventre creux.
Faire merveille du plat de la langue. Dire de belles paroles, tenir de beaux discours, mais ne point les mettre à exécution.
Donner du plat de la langue. Flatter, cajoler, caresser quelqu’un.
Mettre les petits plats dans les grands. Faire beaucoup de frais pour recevoir quelqu’un, mettre tout en l’air, ne rien épargner pour le bien traiter.
Mettre les pieds dans le plat. Voyez Pied.
Un bon plat de gelée. Pour dire une forte gelée.
On dit figurément d’un vin frelaté, sans goût et sans saveur : qu’il est plat.

un détenu, 1846 : Argent en matière.

France, 1907 : Nom donné autrefois, dans l’argot militaire, au hausse-col que portaient les officiers de service et qui remplaçait dans l’infanterie la giberne des officiers de cavalerie.

Plat (faire du plat)

anon., 1907 : Faire des compliments à une femme.

Plat (faire du)

France, 1907 : Cajoler, flatter, faire le plat.

Et dir’ qu’i’s song’ à fair’ du plat !…
Quand on les voit avec un linge
On s’dit : Sûr que c’tte gonzess’-là
Si a pond a va faire un singe !
Tas d’saligauds, tas d’abrutis,
Bons à rien, gonciers d’pain d’épice,
Avant d’songer à fair’ des p’tits,
Allez donc dir’ qu’on vous finisse !

(Aristide Bruant, Fins de siècle)

Plat (homme de)

France, 1907 : Soldat chargé du nettoyage du matériel ; argot de l’infanterie de marine.

Après le repas, l’homme de plat, changé chaque matin, nettoyait le matériel que, par crainte du rabiotage, il traînait tout le jour, pendu par des ficelles à son éternelle couverture.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Plat à barbe

Rigaud, 1881 : Hausse-col d’officier. (L. Larchey)

Plat d’affiches (prendre un)

Rigaud, 1881 : Ne pas avoir de quoi déjeuner, — dans le jargon des ouvriers. À l’heure du déjeuner, celui qui n’a ni argent, ni crédit, flâne comme une âme en peine et fait des stations devant les affiches des théâtres.

France, 1907 : Jeûner, errer par les rues en lisant les affiches à l’heure du repas.

Plat d’épinards

Delvau, 1866 : s. m. Paysage peint, — dans l’argot du peuple et des bourgeois, dédaigneux des choses d’art presque au même degré. Ils devraient varier leurs épigrammes. Je vais leur en indiquer une, que j’ai entendu sortir de la bouche d’un enfant que l’on interrogeait devant un Corot : « Ça, dit-il, c’est de la salade ! »

France, 1907 : Tableau, généralement paysage où le vert abonde.

Plat de chat

Virmaître, 1894 : Il ne s’agit pas de la gibelotte de gouttière servie chez les Borgias à vingt-trois sous (Argot des filles). V. Accouplées.

Plat du jour

Rigaud, 1881 : « Il n’est pas de cabaret où il ne se confectionne chaque jour ce que le restaurateur appelle dans son argot un plat du jour, c’est-à-dire un plat humain, possible, semblable à la nourriture que les hommes mariés trouvent chez eux ; un plat, enfin, que l’on peut manger sans en mourir. » (Th. de Banville, La Cuisinière poétique.)

Virmaître, 1894 : Femme nouvelle servie aux habitués des maisons de rendez-vous avant qu’elle ne serve au public (Argot des filles). N.

France, 1907 : Nouvelle arrivée dans une maison de tolérance que la matrone offre aux clients habituels, aux gros bonnets de la localité avant de l’exposer au salon ; argot des filles.

Plat-cul

Virmaître, 1894 : Tomber sur le côté pile. Les typographes disent sur le côté de deux. Allusion à l’envers de la page (Argot du peuple).

Plat-gueux

Virmaître, 1894 : Homme lâche (Argot du peuple). V. Plat-ventre.

Plat-ventre (se mettre à)

Virmaître, 1894 : Se dit de quelqu’un qui rampe devant un supérieur. Se mettre à plat ventre, c’est le comble de l’humiliation et de l’abaissement (Argot du peuple).

Platatim

d’Hautel, 1808 : Mot adverbial et burlesque, parodié du latin, pour dire plat à plat.

Plateau

Delvau, 1866 : s. m. Plat, — dans l’argot des francs-maçons.

Rigaud, 1881 : Plat, — dans le jargon des francs-maçons.

France, 1907 : Plat ; argot des francs-maçons.

Platée

d’Hautel, 1808 : Ce que contient un plat. Se dit par mépris en parlant d’un plat chargé de mauvaise nourriture, d’alimens vils et bas.

Delvau, 1866 : s. f. Grande quantité de choses ou de gens, — dans l’argot du peuple, par corruption de Plentée, vieille expression qu’on trouve dans le roman d’Aucassin :

Se je vois u gaut ramé.
Jà me mengeront li lé,
Li lion et sengler
Dont il i a plenté. (beaucoup.)

France, 1907 : Grande quantité ; argot populaire. Vieux mot.

Li lion et sanglier
Dont il i a platé.

(Aucassin)

Platée, platelée

Delvau, 1866 : s. f. La quantité de mets contenue dans un plat.

Platiau

France, 1907 : Nénuphar jaune ou blanc, ainsi nommé à cause de la surface plane de ses larges feuilles ; patois du Centre.

Platine

d’Hautel, 1808 : Pour dire une bonne langue, une voix forte, un gosier rustique.
Il a une bonne platine. Se dit d’un grand babillard, d’un homme qui parle avec une grande volubilité et pendant long-temps ; d’un crieur public qui fait de grands efforts de voix.

Larchey, 1865 : « Il a une bonne platine, se dit d’un grand babillard. » — 1808, d’Hautel.

Delvau, 1866 : s. f. Faconde, éloquence gasconne, — dans le même argot. Avoir une fière platine. Parler longtemps ; mentir avec assurance.

Merlin, 1888 : Verve, faconde, — de l’argot parisien.

La Rue, 1894 : Faconde, bavardage.

Rossignol, 1901 : Voir grelot.

France, 1907 : Verve, facilité de parole ; argot populaire.

— Ah ! nom de Dieu ! nom de Dieu ! quelle platine… Comme c’est ça, comme c’est ça… Tu étais née pour être actrice, tu gagnerais ce que tu voudrais sur les planches… Nom de Dieu ! comme c’est bien ça, laisse-moi me déboutonner.

(Rene Maizeroy, Portraits parisiens)

Platine (bonne)

Rigaud, 1881 : Langue bien pendue, loquacité, bavardage.

Plâtre

Halbert, 1849 : Argent. On dit aussi du pognon.

Larchey, 1865 : Argent (Vidocq). — Il bouche plus d’un trou. Malgré la possibilité de cette image, on doit y voir une allusion à la blancheur de l’argent.

Delvau, 1866 : s. m. Argent monnayé, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Pour emplâtre. Mauvais ouvrier typographe, lent au travail.

Rigaud, 1881 : Argent. — Montre, matière d’argent, — dans le jargon des voleurs.

Boutmy, 1883 : s. m. Simple paquetier, et plus spécialement mauvais compositeur.

La Rue, 1894 : Argent. Au plâtre, riche.

Rossignol, 1901 : Argent.

Hayard, 1907 : Argent.

France, 1907 : Mauvais compositeur, abréviation d’emplâtre ; argot des typographes.

France, 1907 : Argent, dans de sens monétaire ; argot des voleurs. Être emplâtre, c’est être riche. Dégringoler un pante en plâtre, assassiner un homme cossu.

Plâtre (en avoir)

Virmaître, 1894 : Posséder beaucoup d’argent. Allusion au propriétaire qui fait construire une maison : il a du plâtre (Argot du peuple).

Plâtre (être au)

Rigaud, 1881 : Avoir de l’argent. L’argent est à la poche ce que le plâtre est à un mur crépi. C’est une figure pour dire que celui qui a de l’argent n’est pas décrépit. Les voleurs ont emprunté cette expression à l’argot des maçons.

Plâtre-chaud

d’Hautel, 1808 : Sobriquet injurieux que l’on donne à un mauvais ouvrier en maçonnerie.

Plâtre, galette, pèze

anon., 1907 : Argent.

Plâtrer

d’Hautel, 1808 : Couvrir, cacher, dissimuler quelque chose sous des apparences peu solides.

Plats à barbe

Rigaud, 1881 : Grandes oreilles.

Merlin, 1888 : Cymbales.

Virmaître, 1894 : Oreilles démesurées, se détachant du visage.
— Faudrait un balai pour nettoyer tes plats à barbe (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Grandes oreilles.

France, 1907 : Longues oreilles, détachées du visage.

Platue

Halbert, 1849 : Galette.

Delvau, 1866 : s. f. Galette, — dans le même argot [des voleurs].

La Rue, 1894 : Galette.

France, 1907 : Langue.

France, 1907 : Galette ; argot des voleurs.

Platventrer

France, 1907 : Être couché à plat ventre ; néologisme.

On grognait alentour. Il ne s’en émut pas. Sûr de sa force, la main au revolver, il était prêt à tuer ; les autres reculèrent, il restait le seul chef de la barricade ; un colonel, la peau trouée, platventrait au dehors ; le capitaine, le crâne ébréché, jurait dans un coin, délaissé, tamponnant sa blessure.
« Chacun pour soi ! »

(Maurice Montégut, Le Mur)

Platventrisme

France, 1907 : Bassesse, avilissement, soumission outrée comme celle du chien qui rampe à plat ventre devant son maître.

Si vous trouvez dans vos recherches un citoyen plus plat que moi devant une manche galonnée, plus lâche devant l’ombre d’une casquette officielle, je m’engage à faire douze cents francs de rente annuelle au malin qui m’amènera ce phénomène d’avilissement.
Si l’on m’interpelle, je salue ; si l’on m’injurie, je souris agréablement. Il suffit de me menacer d’une poussée vers le poste de police pour que je me confonde en honteuses excuses…
Seulement, j’ai parfois mal aux ongles ; il me semble qu’au bout des doigts, entre cuir et chair, il me pousse par gerbes les brûlantes torches de l’incendiaire, et je ne réponds pas qu’un jour mon platventrisme bien connu ne me conduise à l’anarchie.

(Gonzague-Privat, Germinal)

Plaudite, cives

France, 1907 : « Applaudissez, citoyens ! » Latinisme adopté dans notre langue pour indiquer qu’il faut applaudir.

Pleige

France, 1907 : Garant, répondant, caution. Vieux français passé dans la langue anglaise sons la forme pledge.

Terre met sa robbe de neige
Atout ses joyaux de christal,
Quand Froidure on souffle fatal
Navre Flore et son doux cortège,
Très gente, Yver en est le pleige,
Qui l’ayme d’ung amour brutal.

(G. de Colvé des Jardins, Les Oberliques)

En patois béarnais, on écrit plege.

Plein

d’Hautel, 1808 : J’en ai tout plein et puis encore. Locution vicieuse et triviale ; pour j’en ai beaucoup, j’en ai abondamment, excessivement.
Tout plein de gens, tout plein de monde. Pour, un grand nombre de gens, beaucoup de personnes.
Cette bouteille est pleine de vide. Se dit par plaisanterie d’une bouteille où il n’y a plus rien, et où l’on croyoit trouver quelque chose.
Le sac est plein. Se dit quand un homme a mis le comble à ses iniquités, et qu’il provoque sur lui le châtiment et la vengeance. On se sert aussi de cette locution pour exprimer que quelqu’un a beaucoup mangé ; ou qu’une femme est enceinte.
Donner à pleines mains. C’est-à-dire libéralement, avec profusion.
Ce vin sent la framboise à pleines bouche. Pour dire, a le goût de la framboise, laisse à la bouche l’odeur de la framboise.
Être plein de soi. Avoir une grande présomption, être trop favorablement prévenu de son mérite.
Elle a toujours le ventre plein. Se dit par raillerie d’une femme qui a des grossesses très-rapprochées, très-fréquentes.
Un visage de pleine lune. Un visage large, plein et ouvert.
Ce drap est à pleine main. Pour dire qu’il est bien fabriqué, qu’il est bien fourni.

Fustier, 1889 : Argot des joueurs de roulette. L’un des casiers sur lesquels se trouvent inscrits les numéros correspondant à ceux de la roulette. Faire un plein, c’est placer sa mise en plein sur un numéro, au lieu de la disposer soit à cheval, soit d’une façon transversale.

Plein (battre son)

France, 1907 : Être dans tout son éclat.

La vie battait son plein dans cette grande artère parisienne. Sur les trottoirs, une cohue prolétaire ambulait, effarée ; les employés gagnaient leur bureau, les ouvriers se rendaient au travail, les ménagères, le panier à la main, s’approvisionnaient, allant des boutiques, dont l’étalage mangeait la moitié de la chaussée, aux voitures des marchands de quatre-saisons, rangées le long du ruisseau, et pleines, celles-ci de légumes, celles-là de poissons, ces autres de volailles ou de lapins tout dépouillés, dont la chair sanguinolente évoquait des idées de carnage. De leurs voix enrouées, les petits marchands appelaient la clientèle :
— Voyez, Madame, voyez, pas cher !…

(Daniel Riche, L’Agonie d’une jeunesse)

Plein (être)

Delvau, 1866 : Être ivre — à ne plus pouvoir avaler une goutte, sous peine de répandre tout ce qu’on a précédemment ingéré. Argot du peuple. On dit aussi explétivement Plein comme un œuf et Plein comme un boudin.

France, 1907 : Être ivre.
On dit aussi : avoir son plein, être plein comme un œuf, comme la bourrique à Robespierre.
Les Anglais disent : « Plein comme la truie de David. »

H’u !… nom de Dieu !… j’suis amoureux !
Mais ce soir, Cecil’ f’ra la rosse :
Madam’ ne veut pas m’rende heureux,
Quand j’suis plein… alle a peur d’un gosse ;
J’en ai soupé du boniment,
Ej’vas m’payer eune odalisque…
Après, si a’devient maman,
Cell’-là j’m’en fous, h’u !… qu’est-ce que j’risqu’ ?

(Aristide Bruant)

Plein (numéro)

France, 1907 : On appelle ainsi, en terme de joueurs de roulette, le numéro sur lequel on met sa mise et qui, au cas où il sort, vous rapporte trente-cinq fois la valeur de votre argent. Exemple : Si vous placez cinq francs sur le 9 et que ce numéro sorte, le croupier vous paye cent soixante-quinze francs.

Cependant, une vieille Anglaise méthodique, et comme assoupie dans le cercle des joueurs, continuait à pointer sur son petit carton les numéros sortis, à calculer ses martingales, et poussait lentement deux piles de pièces de cent sous sur les six premiers et le « trente-six » plein.

(René Maizeroy, Âmes tendres)

Plein comme un boudin (être)

Virmaître, 1894 : Être repu de nourriture et de boisson. Mot à mot : avoir mangé comme un cochon (Argot du peuple).

Plein comme un œuf

Rigaud, 1881 : Repu. — Avoir son plein, être repu.

Plein de soupe

Delvau, 1866 : s. m. Homme dont le visage annonce la santé. On dit aussi Gros plein de soupe.

France, 1907 : Personne grasse et lourde.

Plein de soupe (gros)

Rigaud, 1881 : Joufflu. — Gros réjoui.

Plein de truffes

France, 1907 : Riche bourgeois, opulent oisif, dans l’argot du peuple qui s’imagine que les gens riches se bourrent de truffes.

Les pleins de truffes sont des ânes bâtés qui s’entêtent à conserver la société telle quelle, quitte à ce qu’elle crève de son engorgement de production.

(Le Père Peinard)

Plein le dos (en avoir)

France, 1907 : En être fatigué, en avoir assez comme quelqu’un qui porte sur son dos un poids trop lourd.

Qu’en ce monde vieillot
Requière encor Bulot,
Que, de l’État, Carnot
Gouverne le canot :
Sol, dont j’ai plein le dos,
Tu n’auras pas mes os !
À moi l’air libre ! Ergo,
Je pars pour Chicago !

(Paul Ferrier)

On dit aussi dans le même sens : en avoir son sac.

Sûr que j’en ai soupé du mac !
J’en ai plein l’dos, j’en ai mon sac !
On fout pus qu’nib à la Courtille.
Et faudrait que j’me r’paye un mec,
Que je l’fringu’, que j’y empâte l’bec,
Quand ej’ fais pas pour ma croustille ?

(Aristide Bruant)

Plein vent

France, 1907 : Arbre isolé planté loin des habitations, des clôtures et qu’on laisse croitre en liberté.

Plein, plein comme un œuf, comme un sac

Larchey, 1865 : Saoul.

Un homme plein comme un œuf, pour avoir trop mangé.

Le Duchat, 1738.

Pleine

France, 1907 : Enceinte.

— V’là la fille à la mère Badoure qu’est pleine. C’est la vielle qui va rien lui tanner la peau.

(Les Joyeusetés du régiment)

Pleine lune

Delvau, 1866 : s. f. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc. On dit aussi Demi-lune.

France, 1907 : Le derrière.

Pleine peau (à)

France, 1907 : Complètement, comme une outre remplie.

Prêtre à pleine peau et ne croyant à rien, ni au ciel, ni à l’enfer, ni même aux vaines choses de ce bas monde, à rien qu’à sa massive et sacerdotale personne et se moquant an monde entier avec un absolu mépris de philosophe luxurieux et sceptique.

(Mona, Gil Blas)

Plenisme

France, 1907 : Système philosophique de ceux qui croient l’univers entier occupé par la matière, contrairement aux vacuistes qui affirment que le vide existe entre les mondes. On appelle plenistes les partisans de ce système.

Plette

Halbert, 1849 : Peau.

France, 1907 : Peau ; argot des voleurs.

Plette, pelette

La Rue, 1894 : Peau.

Pleurant

Larchey, 1865 : Oignon (Vidocq). — Il fait pleurer.

Delvau, 1866 : s. m. Ognon, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Oignon. Il pousse aux larmes ni plus ni moins que certains mélodrames.

La Rue, 1894 : Oignon.

France, 1907 : Oignon ; argot des voleurs. Allusion à la propriété des oignons de piquer les yeux quand on les pèle.

Pleure-misère

France, 1907 : Personne qui se plaint, se lamente continuellement sur une misère vraie ou fausse.

Pleure-pain

France, 1907 : Avare qui gémit sur ce qu’il dépense pour sa maigre pitance.

Pleurer

d’Hautel, 1808 : Il pleure en filou sans verser une larme. Voyez Larme.
Elle pleure aussi facilement qu’un autre pisse. Se dit par raillerie d’une femme qui pleure à volonté ; qui fond en larmes à la moindre contrariété qu’elle éprouve.
Faire pleurer la bonne Vierge. Se dit en plaisantant des enfans qui font des grimaces, qui se tirent les yeux et s’élargissent la bouche avec les doigts.
Pleurer comme un veau, comme une vache. Se dit par ironie d’une personne qui verse une grande quantité de larmes, qui jette les hauts cris pour des choses qui n’en valent pas la peine.
Il pleure d’un œil et rit de l’autre. Se dit d’un enfant contrarié qui pleure et rit tout à la fois.
Ne pleurer quelqu’un que d’un œil. Affecter une fausse sensibilité par l’absence ou la perte de quelqu’un que l’on ne regrette qu’en apparence.
Il pleure le pain qu’il mange. Se dit d’un avare qui se reproche la nourriture, les premiers besoins.
On diroit qu’il a pleuré pour avoir un habit, un chapeau. Se dit par ironie d’un homme qui a un habit écourté ou un petit chapeau, quand la mode est d’en porter un grand.

Delvau, 1864 : Décharger.

Maman, j’ai plus d’une fois
Trouvé ma couche trempée :
Mon cœur était aux abois ;
Je fus bientôt détrompée.
Je fis cesser mes alarmes :
Ces pleurs qui mouillaient mon lit,
Ces pleurs n’étaient pas des larmes…
Mon petit doigt me l’a dit.

V. Combes.

Pleurer (faire)

La Rue, 1894 : Escroquer ou voler.

Pleurer comme une vache.

France, 1907 : Pleurer fort ; allusion aux meuglements de la vache en détresse. L’expression est fort vieille ; on la trouve dans Rabelais :

Et ce disant, ploroit comme une vache ; mais tout soubdain rioit comme un veau, quand Pantagruel lui venoit en mémoire.

(Pantagruel, chap. III)

Les vaillants autant que les lasches
Pleuroient partout comme des vaches,
On n’entendoit que des hélas !

(Scarron, Le Virgile travesti)

Pleurer en filou

Delvau, 1866 : Hypocritement, sans larmes, — dans l’argot du peuple.

Pleurer sans onion

France, 1907 : Avoir de justes raisons de pleurer ; argot populaire.

Pleurer ses péchés

Delvau, 1864 : Avoir la chaude-pisse.

Las ! si ce membre eut l’arrogance
De fouiller trop les lieux sacrez,
Qu’on lui pardonne son offense,
Car il pleure assez ses péchés.

Régnier.

Pleurer son aveugle (faire)

France, 1907 : Uriner ; argot populaire.

Pleurésie

d’Hautel, 1808 : Prends garde d’attraper une pleurésie. Se dit par raillerie à une personne indolente, qui fait tout avec lenteur et nonchalance.

Pleureur

d’Hautel, 1808 : Ou dit vulgairement pleureux, comme amoureux.

Pleurnichard

France, 1907 : Personne aux larmes faciles, prête à s’apitoyer sur toutes les infortunes, même méritées.

Je vous assure que j’aimerais mieux l’amant qui ne rechercherait et me prendrait, de la même façon qu’on aime à boire une liqueur exquise où une flûte de champagne célèbre, que l’éternel pleurnichard passionnel dont le plus grand bonheur est de vous imposer la tyrannie de sa féroce jalousie. La grande quantité d’amour ne fait point la qualité du bonheur. Il en faut assez, il n’en faut pas trop, sans quoi l’amour est un martyre et non plus un plaisir.

(Fin de Siècle)

Que disent donc les pessimistes :
Qu’on n’a rien à s’mettr’ sous la dent ?…
Rentrez ces propos alarmistes,
Fils pleurnichards du père Adam…
V’là qu’à notre arbre culinaire
Vient d’pousser un nouveau rameau,
Et quelqu’ chos’ de pas ordinaire :
Nous allons manger du chameau !

(Henri Second)

Pleurnicher

d’Hautel, 1808 : Mot satirique ; répandre des larmes sans être ému ; affecter du chagrin, de la douleur que l’on ne ressent point ; minauder, pleurer à la manière des enfans, afin d’obtenir ce que l’on désire.

Delvau, 1866 : v. a. Pleurer mal à propos ou sans sincérité.

Pleurnicherie

Delvau, 1866 : s. f. Plainte hypocrite, larmes de crocodile.

France, 1907 : Douleur feinte ou imaginaire ; larmes factices ou faciles ; apitoiement sur des maux infimes. Expression populaire.

L’auteur d’Indiana et de Valentine, qui était une femme de génie, n’a pas obtenu les honneurs de la place publique, et l’on vient précisément de les décerner à Mme Desbordes-Valmore, à qui nous devons, certes, quelques poèmes d’une sensibilité délicieuse, mais chez qui nous rencontrons, dans bien des pages, pas mal de romance et de pleurnicherie.

(François Coppée)

Pleurnicheur

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme qui pleure mal, qui joue la douleur. Pleurnicheuse. Femme qui tire son mouchoir à propos de rien.

Pleurnicheux, pleurnicheuse

d’Hautel, 1808 : Celui ou celle qui pleurniche ; qui fait mine d’être affecté de quelque chose ; qui prodigue ses larmes.

Pleurs de crocodile

France, 1907 : Larmes simulées, factices pour tromper ou faire tomber dans un piège. Cette expression vient de la croyance ancienne qui attribuait au crocodile la faculté d’imiter les gémissements d’un enfant pour attirer sa proie. Les Grecs disaient, en parlant de fausses larmes, peurs de Mégariens. Les environs de Mégare étaient fertiles en ail qui a, comme l’oignon, la propriété d’agir sur les glandes lacrymales. « Il a flairé de l’ail », fait dire Aristophane à l’un de ses personnages, en parlant d’un hypocrite qui simule la douleur.

Pleut (il)

Larchey, 1865 : « Ces mots il pleut signifient, en langue de francmaçonnerie : Taisons-nous, parce qu’on nous écoute. » Aventures de J. Sharp, 1789.

Rigaud, 1881 : Silence ! Attention ! voici du monde, — dans le jargon des typographes. On dit : « il pleut » pour avertir un camarade de se taire ou de parler d’autre chose, quand le rédacteur en chef, le secrétaire de la rédaction ou un étranger entre à l’imprimerie, et qu’on bêche quelqu’un de la boîte.

Rigaud, 1881 : Formule négative pour non, jamais. Voulez-vous me rendre un service ? — Il pleut.

Pleut (il) !

La Rue, 1894 : Silence ! Attention !

Pleutre

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et de mépris, qui équivaut à misérable, manan, rustre, manœuvre, homme sans moyens, sans éducation, sans capacité, et qui ne jouit d’aucune considération dans le monde.

Delvau, 1866 : s. m. Pauvre sire, homme méprisable. S’emploie aussi adjectivement dans le même sens.

Pleuvoir

d’Hautel, 1808 : Il dépense de l’argent comme s’il en pleuvoit. Se dit d’un dissipateur, d’un prodigue, d’un homme qui fait des dépenses inutiles et folles.
Quand il pleuvroit des hallebardes la pointe en bas. Se dit par exagération, pour, quelque mauvais temps qu’il puisse faire.
Des écoute s’il pleut. Des promesses vaines, des espérances incertaines, des projets hasardés.
Ila bien plu sur sa fripperie. Se dit de quelqu’un qui a fait une forte maladie, ou dont la fortune a été bouleversée.
Il en pleut. Se dit aussi des choses qui sont fort abondantes, et qu’on trouve communément,

Rigaud, 1881 : Uriner, — dans le jargon des troupiers ; Aller pleuvoir. — Si tu savais comme tu me fais pleuvoir !

Fustier, 1889 : Être abondant.

Pleuvoir à verse

Delvau, 1866 : Aller mal, très mal, — en parlant des choses ou des gens. Argot des faubouriens. S’emploie surtout à la troisième personne de l’indicatif présent : Il pleut à verse.

Pleuvoir comme du chien

Delvau, 1866 : v. n. À verse. Les Anglais ont à peu près la même expression : To rain cats and dogs (Pleuvoir des chiens et des chats), disent-ils. C’est l’équivalent de : Il tombe des hallebardes.

Pleuvoir des chasses

Delvau, 1866 : v. n. Pleurer. Argot des faubouriens et des voleurs.

Pleuvoir des châsses

France, 1907 : Pleurer ; argot des voyous qui disent aussi baver des clignots.

Pli (avoir un)

France, 1907 : Avoir quelque chose qui trouble votre quiétude ou votre joie. On dit plus communément avoir un pli dans sa rose, allusion au Sybarite qui, couché sur un lit de feuilles de roses, se plaignait que l’une d’elles le blessait parce qu’elle avait un pli.

Pliant

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Couteau. Jouer du pliant, donner des coups de couteau.

Rigaud, 1881 : Couteau de poche, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Couteau ; la lame se replie sur le manche. Argot des voleurs.

Plier

d’Hautel, 1808 : Plier la toilette. Pour dire, voler, dévaliser une personne.
Il vaut mieux plier que rompre. Signifie qu’il vaut mieux céder que se perdre en résistant.

Plier ses chemises

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Mourir ; argot populaire.

Plier son éventail

Rigaud, 1881 : Faire des signes d’intelligence aux messieurs de l’orchestre, — dans le jargon des demoiselles de théâtre.

France, 1907 : Faire signe aux hommes assis aux fauteuils d’orchestre.

Plioir

d’Hautel, 1808 : Petit ustensile qui sert à plier et à couper le papier, et non ployoir, comme le disent les brocheuses et un grand nombre de personnes.

France, 1907 : Couteau à deux tranchants, en bois ou os, dont on se sert dans les imprimeries et les ateliers de reliure pour plier les feuilles.

Plis (des) !

Delvau, 1866 : Exclamation faubourienne de la même famille que Des navets ! du flan !

Rigaud, 1881 : Des bêtises ! Rengaine de la famille de : « des navets ! des nèfles ! » — Le mot comporte l’idée d’un sous-entendu obscène à l’adresse du sieur podex.

France, 1907 : Expression de refus ; argot populaire. Synonyme de Des néfles !

Plis (des) !

La Rue, 1894 : Formule négative comme des nèfles ! des navets ! etc.

Plomb

d’Hautel, 1808 : La calotte de plomb. Pour dire, l’expérience que donnent le temps et un âge mûr.
Il lui faudroit un peu de plomb dans la tête. Se dit d’une tête légère ; d’un étourdi.
Fondre du plomb. Se croiser les bras ; paresser ; passer la journée à ne rien faire.
N’avoir ni poudre ni plomb. Être sans argent, sans moyens ; être dénué de ressources.
Jeter son plomb sur quelque chose. Former un dessein pour y parvenir.
Être en plomb. Pour dire, être mort ; être dans un cercueil de plomb.
Un cul de plomb. On appelle ainsi un homme qui ne prend pas d’exercice ; qui n’a pas d’activité. On le dit aussi d’un homme très-assidu, qui ne bronche pas quand il est à l’ouvrage.
Le plomb. Maladie honteuse et secrète qu’engendrent le vice et la débauche.

Delvau, 1864 : La vérole — avec laquelle on blesse, et quelquefois on tue la personne à qui on la communique.

Le plus marlou peut attraper le plomb.

Dumoulin.

Larchey, 1865 : « Gaz caché dans les fentes des pierres, et qui tue comme la foudre le vidangeur qui en est atteint. » — Berthaud. — Plomb : Vérole. — Plomber : Infecter, donner la vérole.

Delvau, 1866 : s. m. Sagette empoisonnée décochée par le « divin archerot. »

Delvau, 1866 : s. m. Hydrogène sulfuré qui se dégage des fosses d’aisances, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : s. m. Gorge, gosier, — dans l’argot des faubouriens. L’expression est juste, surtout prise ironiquement, le plomb (pour Cuvette en plomb) étant habitué, comme la gorge, à recevoir des liquides de toutes sortes, et la gorge, comme le plomb, s’habituant parfois à renvoyer de mauvaises odeurs. Jeter dans le plomb. Avaler.

Rigaud, 1881 : Syphilis. — Être au plomb, avoir gagné la syphilis, — dans le jargon des voyous. — Manger du plomb, être blessé, tué par une arme à feu. (L. Larchey)

Rigaud, 1881 : Gosier. — Est-ce que c’est ton plomb ou tes pieds qui schelinguent comme ça ? — C’est les deux.

Rigaud, 1881 : Gaz délétère ; gaz hydrogène sulfuré qui se dégage des fosses d’aisances.

Rigaud, 1881 : Chambre de domestique ; chambre sous les plombs du toit.

La Rue, 1894 : Gosier. Gaz délétère des fosses d’aisances. Syphilis.

Rossignol, 1901 : La gorge.

Hayard, 1907 : Estomac, gosier.

France, 1907 : Maladie vénérienne ; quand on l’attrape, on est plombé.

France, 1907 : La bouche, le gosier. « Ferme ton plomb », tais-toi. Avoir une carotte dans le plomb, avoir mauvaise haleine.

— D’où sert-elle donc celle-là… elle ferait bien mieux de clouer son bec.
— Celle-là !… Celle-là vaut bien Madame de la Queue-Rousse. Ferme ton plomb toi-même.

(Hector France, Le Péché de Sœur Cunégonde)

Qui qu’a soif ? Qui qui veut boire à la fraîche ?
Sur mon dos, au soleil, la glace fond.
De crier ça me fait la gorge sèche,
J’ai le plomb tout en plomb. Buvons mon fond !

(Jean Richepin, La Chanson des gueux)

Voici les synonymes argotiques de plomb : avaloir, bavarde, babouine, bécot, boîte, égout, entonnoir, cassolette, gaffe, gargoine, gaviot, goulot, mouloir.

Plomb (avoir une carotte dans le)

Virmaître, 1894 : Puer de la bouche. Plomb est une expression déjà ancienne. Théophile Gautier faisant goûter à Alexandre Dumas père de la fine Champagne excessivement rare, celui-ci avala son petit verre d’un seul coup.
— Ah ! dit Théophile Gautier, tu jettes ça dans le plomb (Argot du peuple). N.

Plombe

Bras-de-Fer, 1829 : Demi-heure.

Larchey, 1865 : Heure. — Onomatopée. — Plombe imite le bruit grave d’une sonnerie de grosse horloge. V. Momir, Crosser. — Plomber : Sonner.

Delvau, 1866 : s. f. Heure, — dans l’argot des voleurs. Mèche. Demi-heure. Mèchillon. Quart d’heure.

Rigaud, 1881 : Heure. Dix plombes se décrochent, dix heures sonnent.

La Rue, 1894 : Heure.

Rossignol, 1901 : Heure. Il est 6 plombes et 10 broquilles.

Hayard, 1907 : Heure.

France, 1907 : Heures. Dix plombes se décrochent ou crossent, dix heures sonnent. Luysard estampille huit plombes, il est huit heures au soleil.

— Voilà six plombes et une mèche qui crossent… Tu pionces encore ?

(Mémoires de Vidocq)

Plombé

La Rue, 1894 : Ivre.

Virmaître, 1894 : Ivre ; l’homme ivre est lourd comme du plomb. L. L. Plombé veut dire atteint d’une maladie qui a fait la fortune de Charles Albert.
— Elle m’a plombé jusqu’à la moelle (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Il y a peu de temps, il y avait une chanson de concert où l’on disait : Vaut mieux s’la faire plomber, Que s’la faire arracher.

Hayard, 1907 : Avarié.

Plombe (une)

Halbert, 1849 : Une heure.

Plombe (une) qui noche

Halbert, 1849 : Une heure qui sonne.

Plomber

anon., 1827 : Puer.

Bras-de-Fer, 1829 : Puer.

M.D., 1844 : Sentir mauvais.

un détenu, 1846 : Puer, exhaler de mauvaises odeurs.

Halbert, 1849 : Puer.

Delvau, 1864 : Se dit de l’odeur particulière que porte avec soi la femme qui ne se lave pas, ou qui échauffe trop son vagin seule ou en collaboration avec les hommes.

Nom d’un’ trombe !
Comm’ ça plombe
Dans ta vieille catacombe !

(Parnasse satyrique.)

Delvau, 1866 : v. n. Exhaler une insupportable odeur, — dans l’argot des faubouriens, qui se souviennent des plombs du vieux Paris, plus funestes que ceux de Venise. Plomber de la gargoine. Fetidum halitum emittere.

Delvau, 1866 : v. n. Être lourd, pesant — comme du plomb.

Delvau, 1866 : v. n. Donner à quelqu’un des raisons de se plaindre du « divin archerot ».

Rigaud, 1881 : Sonner. — La guimbarde ne plombe plus, la pendule ne sonne plus.

Rigaud, 1881 : Communiquer la syphilis. — Être plombé, avoir du plomb de Vénus dans l’aile. — Sentir mauvais, répandre une odeur qui rappelle celle des plombs. — Plomber du goulot, sentir mauvais de la bouche.

La Rue, 1894 : Sentir mauvais. Communiquer la syphilis.

Rossignol, 1901 : Puer. On dira aussi : Ça plombe, qui a écrasé une perle ?

France, 1907 : Donner la syphilis.

France, 1907 : Sentir mauvais ; argot populaire. « Elle est aimable et jolie, mais elle plombe du goulot. Ça vient de ce qu’elle a été plombée dans le temps. »

Plomber de la gargue

Virmaître, 1894 : Sentir mauvais de la bouche. Tuer les mouches au vol (Argot du peuple).

Plomber de la gargue, danser tout seul

Clémens, 1840 : Puer, sentir mauvais de la bouche.

Plombes

Virmaître, 1894 : Heures.
— Voilà dix plombes qui se décrochent au tintamarre de l’antonne ; le ratichon va grimper à son zinc pour débagouler sa jasante au père la Tuile.
Plombes, allusion au marteau qui tombe d’aplomb sur la cloche (Argot des voleurs).

France, 1907 : Pièces d’or ou d’argent.

De vieux marmiteux de la haute lui ont offert de l’épouser. Mais ils n’avaient que le titre, et elle veut, dit-elle, le titre avec les plombes.

(Louise Michel)

Plombeures

France, 1907 : Nom donné autrefois aux ouvrages en plomb, et disparu on ne sait pourquoi de la langue.

Plon-plon

France, 1907 : Sobriquet du prince Napoléon, fils du roi Jérôme. C’est à tort que beaucoup de personnes croient que ce sobriquet lui a été donné à la suite de la guerre de Crimée et ne serait qu’une corruption de Craint-plomb. Plon-plon, diminutif de Napoléon, est le petit nom qu’on lui donnait dans sa famille dès son enfance, ainsi que le prouve une lettre que l’ex-roi de Westphalie écrivait à sa fille la princesse Mathilde, le 30 avril 1834, alors que le petit prince n’avait que douze ans : « Tes cousines m’ont chargé de mille et mille choses pour toi et pour Plonplon… » C’est la princesse Mathilde qui l’aurait baptisé de ce nom dans l’intimité. Néanmoins l’hostilité populaire l’attribua au défaut de courage de celui qui, sans être soldat, eut le tort d’accepter le commandement d’une division en Crimée. On sait qu’il fut atteint des premiers symptômes du choléra au moment d’une action. La verve railleuse des Parisiens s’empara de ce fait :

Des exploits de Plon-plon, c’est à tort que l’on glose,
Au-dessus de Cambronne il devrait être mis 
Car en face des ennemis
Cambronne a dit le mot, Plon-plon a fait la chose.

Pendant la guerre d’Italie, parut un quatrain de même facture.

Plongeon

d’Hautel, 1808 : Faire le plongeon. Expression métaphorique qui signifie, s’échapper, se dérober, devenir tout-à-coup invisible.

Plonger

La Rue, 1894 : Voler à la tire.

Plongeur

Larchey, 1865 : Misérable, déguenillé (Vidocq). — Allusion au costume primitif du plongeur. V. Paffe.

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme misérable, déguenillé, — dans l’argot des voleurs. Celui qui lave la vaisselle, — dans l’argot des cuisiniers.

Rigaud, 1881 : Pauvre, misérable, — dans le jargon des voleurs. — Laveur de vaisselle, — dans l’argot des limonadiers et des restaurateurs.

La Rue, 1894 : Misérable, gueux.

Rossignol, 1901 : Employé qui, dans les cuisines de restaurants, lave la vaisselle.

France, 1907 : Garçon de vaisselle d’un café ou d’un restaurant.

Comment, au prix de quels efforts et de quelle patiente industrie, a-t-il pu, d’abord plongeur, chasseur peut-être, gravir un par un les degrés d’une jalouse hiérarchie, conquérir la veste courte et ceindre le tablier blanc ? Comment son ardente ambition a-t-elle, en six ans, parcouru la distance énorme qui sépare un honorable café de province d’un grand café des boulevards ?

(Paul Arène)

France, 1907 : Misérable, gueux déguenillé ; argot des voleurs.

Plotte

anon., 1827 : Bourse.

Bras-de-Fer, 1829 : Bourse.

Halbert, 1849 : Bourse.

France, 1907 : Bourse ; argot des voleurs.

Plotte ou Pouchon

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bourse.

Plotte, pelotte

La Rue, 1894 : Bourse. Économies.

Plouse

Halbert, 1849 : Paille.

La Rue, 1894 : Paille.

France, 1907 : Paille ; argot des voleurs.

Ployant

Clémens, 1840 : Portefeuille.

M.D., 1844 : Portefeuille.

Larchey, 1865 : Portefeuille. — Un portefeuille se ploie.

Les dimanches tu grinchiras dans les toles bogues et ployants.

Vidocq.

Delvau, 1866 : s. m. Portefeuille, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Portefeuille. Faire le ployant, payer avec des valeurs qu’on sait mauvaises.

France, 1907 : Portefeuille ; argot des voleurs.

— J’étais avec lui à la dinée au tapis, lorsque les cognes sont venus lui demander ses escraches et j’ai remarqué que son ployant était plein de talbins d’altèque.

(Mémoires de Vidocq)

Ployant (faire le)

France, 1907 : Payer avec de mauvaises valeurs.

Ployant, ployé

Rigaud, 1881 : Portefeuille.

Pluc

Rigaud, 1881 : Butin, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Butin.

France, 1907 : Butin ; argot des voleurs. Ce mot, d’origine germanique, pflücken, semble venir directement de l’anglais pluck.

Pluie

d’Hautel, 1808 : Après la pluie vient le beau temps. Pour dire qu’après un temps malheureux, il succède ordinairement un temps heureux et favorable.

Plum-cake

France, 1907 : Gâteau anglais aux raisins de Corinthe.

Plumade

Rigaud, 1881 : Paillasse, — dans l’ancien argot. — Et plumarde, aujourd’hui.

France, 1907 : Paillasse ; vieil argot.

Plumage

Halbert, 1849 : Paillasse.

Plumard

Rigaud, 1881 : Lit. Se plumarder, se coucher, se mettre au lit, — dans l’argot du régiment.

Merlin, 1888 : Voyez Poussier.

Virmaître, 1894 : Lit de plumes. C’est un simple changement de finale, comme pour épicemar et frimard (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Lit.

France, 1907 : Lit ; argot populaire.

L’autre soir, à peine le soleil venait-il de se coller au plumard, — ou, plus exactement : à peine le grand éclaireur était-il allé de l’autre côté de la terre, voir si les Chinois et les Patagons sont aussi cruches que nous…
À cette heure terrifique où il ne fait plus jour, et où il ne fait pas encore nuit ; il y a eu un attentat à Carmaux … Brouh !

(La Sociale)

Que je te dise, le vieux proverbe « comme on fait son plumard, on se couche » a bougrement du vrai. On serine trop que la paye des ouvriers ne dépasse jamais le minimum de ce qui est juste nécessaire à l’existence (et souvent va au-dessous jusqu’à s’évanouir).

(Almanach du Père Peinard, 1894)

L’un pour s’endormir avait
Le lit du sol sans chevet.
L’autre poinçait en flemmard
Dans le creux chaud d’un plumard.

(Jean Richepin)

Plumarder (se)

France, 1907 : Se coucher.

Sans qu’on s’préoccupât d’eux,
Ils grandirent tous les deux ;
Ils plumardaient sur la dure ;
Pour avoir le boulotter,
Il leur fallait chipoter
À mêm’ dans les tas d’ordure.

(Blédort, Chansons de faubourg)

Plume

d’Hautel, 1808 : Il y a laissé ses plumes. Se dit d’un homme à qui il a coûté beaucoup d’argent pour se tirer d’une affaire.
La belle plume fait le bel oiseau. Pour dire que la parure et les ornemens font ressortir la figure.

Larchey, 1865 : Pince à effraction. V. Caroubleur. — Plume de Beauce : Paille. — On sait combien la Beauce est riche en céréales. On appelle Chartres la ville des pailleux.

Quelle poésie ! la paille est la plume de Beauce.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. f. Monseigneur, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Pince à effraction. — C’est avec cette plume que les voleurs signent leurs noms sur les portes.

Rigaud, 1881 : Pelle-racloir dont se servent les maçons pour mêler la chaux, — dans le jargon des maçons.

La Rue, 1894 : Pince-monseigneur. Cheveu.

France, 1907 : Le mot, dans son sens érotique, est précédé du verbe tailler. Nous nous abstiendrons d’en donner la signification aux innocents.

Je coulerais des jours parfaits
Si j’avais écrit un volume
Aux mendésiaques effets
Sur l’art de tailler une plume.

(Paul Paillette, Tablettes d’un lézard)

France, 1907 : Pince-monseigneur ; argot des voleurs.

France, 1907 : Lit ; argot des voleurs.

— Je ne te tromperai jamais, je te le jure !… Mais, embrasse-moi !… répéta avec une insistance câline la jeune femme tout à fait domptée.
— Allons !… mais finissons les magnes et tirons-nous d’ici !… Nous serons plus chouettes au plume pour causer…

(Edmond Lepelletier)

Plumé

France, 1907 : Dépouillé.

Souviens-toi de la Doche,
D’elle et de ses appas ;
Si son cœur est de roche,
Ses tétons n’en sont pas.
Pauvre oiseau, tu te glisses
En son lit parfumé ;
Tu… goûtes avec délices,
Et tu en sors… plumé.

(Albert Glatigny)

Plume !

France, 1907 : Exclamation ironique employée dans l’argot militaire pour indiquer qu’on passe la nuit au corps de garde ou à la salle de police.

— Hé ! Truffard, viens-tu avec moi en griller une à côté d’un bock chez la mère Gaspard ? — Plume !

Plume (tailler une)

Rigaud, 1881 : Mordre à pleine bouche au fruit défendu, — dans l’argot des filles publiques.

Plume de Beauce

Halbert, 1849 : Paille.

Delvau, 1866 : s. f. La paille, — dans le même argot [des voleurs].

Rigaud, 1881 : Paille, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Paille.

France, 1907 : Paille. « Piausser sur la plume de Beauce », dormir sur la paille.

En ses jours de misère, alors qu’aucun camaro n’avait pu lui donner l’hospitalité, il s’allait coucher dans un galetas proche les étangs de la Glacière où l’on passe une nuit pour deux sous sur de la paille dite « plume de Beauce… »

(Flor O’Square, Les Coulisses de l’anarchie)

Quand on couche sur la plume de la Beauce, des rideaux, c’est un luxe de mauvais goût.

(Mémoires de Vidocq)

Plume sur l’eau, foi de femme

France, 1907 : Vieux dicton signifiant que la foi promise par une femme est aussi fugitive que la trace d’une plume sur l’eau. Le poète latin Catulle a écrit dans une de ses épigrammes : « Ce que dit une femme à son crédule amant doit s’écrire sur le vent ou sur l’onde rapide. »

Plumeau

France, 1907 : Apostrophe injurieuse, généralement précédée de « vieux », que les voyous et les filles adressent à ceux qui leur déplaisent. « Eh ! va donc, vieux plumeau ! »

Plumepatte

Merlin, 1888 : Synonyme de Dache.

France, 1907 : Naïf. Synonyme de Dache.

Plumer

d’Hautel, 1808 : Plumer quelqu’un. Lui escroquer son argent au jeu, ou par un vil artifice ; le ruiner.

Rigaud, 1881 : Dépouiller un homme dans l’intimité. — Gagner au jeu l’argent d’un imbécile. L’homme plumé est un pigeon.

La Rue, 1894 : Dépouiller un homme. Plumer l’oie du marché, tricher au jeu.

Virmaître, 1894 : Dépouiller. Allusion à l’oiseau que la cuisinière plume pour le faire rôtir. Ruiner un individu, lui prendre jusqu’à sa dernière plume.
— Il faut à tout prix que vous sortiez de cette affaire, vous y laisseriez vos plumes (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Se coucher.

France, 1907 : Dormir. Se plumer, se mettre au lit, au plume.

Plumer (se)

Hayard, 1907 : Se coucher.

Plumer des patates

France, 1907 : Peler des pommes de terre.

Chacun maintenant feignait de plumer ses patates.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Plumer des pigeons

Delvau, 1864 : Ruiner des hommes assez fous pour payer l’amour de certaines femmes plus qu’il ne vaut ; ou seulement leur arracher quelques billets de mille francs ou quelques louis.

Oiseaux plumés qu’a dispersés l’orage,
Ils vont chercher un monde plus parfait.
Mon épicier devient un personnage,
Arthur n’est rien, Oscar est sous-préfet.

Gustave Nadaud.

Plumer l’alouette

France, 1907 : Faire une étape.

Allons, plumons-la donc,
L’alouette, l’alouette,
Allons, plumons-la donc,
L’alouette tout du long,

chantent les soldats pendant la marche.

Plumer l’oie du marché

France, 1907 : Tricher au jeu.

Plumer la dinde

France, 1907 : Jouve de la guitare ; argot des musiciens, venu de l’argot espagnol.

Plumer un homme

Delvau, 1866 : v. a. Le dépouiller au jeu de l’amour ou du hasard.

Plumes

Rigaud, 1881 : Cheveux destinés à la hotte, — dans le jargon des chiffonniers.

Virmaître, 1894 : Cheveux.
— Tu veux toujours paraître jeune, mais tu te déplumes.
— Tu as rudement grandi ; ta tête dépasse tes cheveux (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Cheveux.

Hayard, 1907 : Cheveux.

France, 1907 : Cheveux. « Avoir le coco déplumé », être chauve, « Se faire des plumes », s’ennuyer.

France, 1907 : Argent. L’argent garnit la poche, comme les plumes le corps de l’animal. On est plumé quand on n’a plus le sou.

Des Batignoll’ à Vaugérard
Et d’Montpernasse à la Courtille
On peut se r’nobler sus l’boul’vard
Comm’ si qu’on s’rait d’la mêm’ famille.
Et, quoique r’luqué par el’ flic,
Qu’us’ ses trottins sus nos bitumes,
On les ramèn’ : ça, c’est not’ chic…
Tout chacun fait c’qui veut d’ses plumes !

(E. Blédort)

Plumes de Beauce

Virmaître, 1894 : Bottes de paille. On sait que les plaines de la Beauce sont fertiles en graminées ; le blé, le seigle et l’avoine y sont cultivés avec soin. Dans les prisons où les détenus n’ont pour literie qu’une simple paillasse, ils disent, par ironie, qu’ils couchent sur de la plume de Beauce (Argot des prisons).

Rossignol, 1901 : Paille.

Plumet

Delvau, 1866 : s. m. Ivresse, — dans l’argot des ouvriers. Avoir son plumet. Être gris. On dit aussi Avoir son panache.

Plumet (avoir son)

Larchey, 1865 : S’enivrer. — Comparaison de la trogne à la couleur rouge d’un plumet d’uniforme.

N’est-ce pas que j’dois vous faire l’effet D’avoir c’qui s’appelle un plumet. Messieurs, c’est le picton !

Ch. Voizo, Ch.

M. Alphonse Duchesne a fait une chanson intitulée : J’ai mon plumet. (Paris, Roger, 1863.)

Rigaud, 1881 : Être complètement ivre. C’est être complet au point de vue de l’ivresse. — Pourrait bien être une allusion au plumet des Suisses, réputés, comme on sait, buveurs intrépides.

Je pense que c’était un suisse du quartier, car il avait un plumet.

(Aventures des bals et des bois, 1745.)

France, 1907 : Être ivre.

Ma sœur, qu’était en train,
Ram’nait un fantassin ;
Ma fille, qu’avait son plumet,
Sur un cuirassier s’appuyait ;
Ma femme sans façon
Embrassait un dragon,
Ma bell’-mère au p’tit trot
Galopait au bras d’un turco.

(En revenant de la Revue)

On dit aussi dans le même sens : « avoir son jeune homme. » Au sujet de cette dernière expression, Philibert Audebrand raconte cette anecdote. Alfred de Musset, qui avait, comme on le sait, l’habitude de se griser avec de l’absinthe, se présente un jour, en 1853, chez M. Empis, alors directeur du Théâtre-Français. L’employé du théâtre auquel Musset s’adresse, le voyant ivre, croit devoir prévenir, avant de le laisser entrer, le directeur, et le dialogue suivant s’engage :

— Monsieur Le directeur…
— Quoi ? qu’y a-t-i1 ?
— Eh bien, c’est M. Alfred de Musset.
— Bon. Faites-le entrer.
— Mais, Monsieur le directeur…
— Quoi donc ?
— C’est qu’il a son petit jeune homme.
— Son petit jeune homme ? Qu’est-ce que ça fait ? Faites-le entrer avec son petit jeune homme.

M. Empis, ignorant celle expression argotique, croyait que Musset amenait avec lui un jeune ami.

Plumeuse

France, 1907 : Femme qui sait vider la bourse d’un mari ou d’un amant, de façon à le laisser nu comme une volaille plumée ; argot populaire.

La gouge avait les cheveux blonds, les yeux bleus, l’air candide d’une gamine qui va recevoir la sainte hostie. Certes, on la lui aurait donnée sans confession, tant elle inspirait de confiance. Mais c’était la plus effrontée plumeuse que j’aie jamais connue. J’étais, je le sus plus tard, le huitième amant qu’elle essayait de mettre sur la paille.

(Les Propos du Commandeur)

Plumitif

France, 1907 : Appellation méprisante donnée par les bourgeois aux journalistes.

Jamais un bon journaliste, digne de sa mission, n’a manqué de traiter au plus dur tout être inquiétant une fois mis bas, loup on chien enragé. Le point est professionnel et le plumitif fait ici coup double, vengeant sa peur et la nôtre.

(Nadar, Souvenirs de la Commune)

Plumule

France, 1907 : Petite plume.

Les panaches altiers d’un attelage de corbillard y dardaient d’un fouillis de frisures, d’une forêt de plumules que l’air ridiculement agitait. Un large rebord, sous un flot de rubans noirs, noirs comme tout l’échafaudage de cette tiare dérisoire, me cachait le visage que cimait l’outrageant chapeau.

(Camille Lemonnier)

Plure

anon., 1827 : Redingotte, manteau.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Habit.

Bras-de-Fer, 1829 : Redingote, manteau.

Clémens, 1840 : Redingote.

M.D., 1844 : Redingotte.

Halbert, 1849 : Redingote, manteau.

Plus

d’Hautel, 1808 : Tant et plus. Pour dire, abondamment, avec profusion.
Ni plus ni moins que, etc. Pour tout autant, tout de même que, etc.

Plus (il n’en faut)

Rigaud, 1881 : C’est vieux, usé. — En voilà assez. — On ne m’y prendra plus. Locution qu’on a mise à toutes les sauces. — À bas, les gêneurs, il n’en faut plus. — Comment va votre femme ? — Il n’en faut plus. — Vous m’avez fait poser deux heures, il n’en faut plus. — Que dit-on de la pièce nouvelle ? — Il n’en faut plus.

Plus æquo

France, 1907 : Plus que de raison ; locution latine.

Plus de gaz dans son compteur

Virmaître, 1894 : Mourir. Le robinet de la vie est fermé, les yeux sont éteints (Argot du peuple). N.

Plus de gens bêtes que d’ânes chrétiens

France, 1907 : Ville expression populaire indiquant que les imbéciles sont aussi nombreux que les ânes.

Plus en plus fort comme chez Nicolet (de)

France, 1907 : Nicolet, célèbre bateleur qui avait ses tréteaux sur de Pont-Neuf, annonçait aux badauds qui l’écoutaient des tours de plus en plus surprenants. « Ce que vous avez vu n’est rien, disait-il, vous allez voir plus fort encore. » De là est venue la locution familière pour indiquer un étonnement vrai ou figuré qui va crescendo.

Plus fine

La Rue, 1894 : Excréments.

Plus fine (la)

France, 1907 : Excrément humain. Marcher dans la plus fine porte, dit-on, bonheur.

Un jour le diable ayant trouvé
Saint Antoine sur un privé
Qui récitait tout haut matine :
— Voilà, dit-il, un sacré lieu !
Ne crains-tu pas d’empester Dieu
De tes Paters à la plus fine ?
Lors le bon moine lui repart :
Que cela ne te mette pas en peine ;
Ce qui monte en haut, Dieu le prenne !
Ce qui tombe en bas soit ta part.

Plus fort que de jouer au bouchon

France, 1907 : Expression triviale signifiant l’étonnement où l’indignation. L’on ajoute quelque fois : dans la neige, avec des pains à cacheter, quand il fait beaucoup de vent.

— Moi ! s’exclama le fourrier stupéfait, j’aurai huit jours de salle de police ? Et ben, vrai, c’est plus fort que de jouer au bouchon !

(Georges Courteline, Les Gaietés de l’escadron)

Plus que ça de chic !

France, 1907 : Expression populaire signifiant une admiration ironique : « Quel chic ! quel genre ! »

Plus que Charles en France (en faire)

France, 1907 : Le vieux dicton n’est plus guère en usage qu’au fond de certaines provinces. On l’employait autrefois en parlant de personnes qui avaient essuyé nombre de fatigues et de déboires pour obtenir une situation. Allusion aux guerres longues et désastreuses que Charles VII eut a soutenir contre les Anglais pour leur reprendre son royaume.

Plus que de pommes en Normandie

France, 1907 : En nombre considérable. On sait que la Normandie est le pays des pommiers.

Plus souvent

Larchey, 1865 : Jamais.

Ma sainte te ressemble, Nini. — Plus souvent que j’ai un air chose comme ça !

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. m. Sacrifice au Dieu Crepitus.

Rigaud, 1881 : Non, jamais. Formule négative. — Plus souvent que je lui prêterais de l’argent.

France, 1907 : Expression populaire signifiant jamais, certainement non, je ne ferai pas cela.

— C’est moi qui me chargerai de toi ? Plus souvent, va ! C’est encore toi qui seras bien aise de venir manger mon pain.

(Edgar Monteil)

Plus souvent !

Delvau, 1866 : Jamais ! Terme de dénégation et de refus. Argot du peuple.

Plus tenir en sa peau (se)

France, 1907 : Être dévoré d’impatience.

Plus-fine

Delvau, 1866 : s. f. Le stercus humain séché et pulvérisé. L’expression est vieille — comme toutes les plaisanteries fécales.

Et dit-on que de la plus fine
Son brun visage fut lavé ?…

(Cabinet satyrique.)

Rigaud, 1881 : Guano de provenance humaine.

France, 1907 : Excréments.

Plusieurs avis (être à)

France, 1907 : Faire ses embarras, ou bien faire ses coups en dessous comme la gent dévote qui, sous des dehors vertueux, s’adonne au péché.

Pneu

France, 1907 : Vélocipède pneumatique.

… Aux Acacias,
Où sur des pneus, ceux de la haute
Viennent étaler leurs tibias.

(Jacques Rédelsperger)

Pneumatique

France, 1907 : Voir Horizontale.

Pneumatographie

France, 1907 : Communication avec les Esprits par l’écriture directe sans le secours de la main d’un médium ; néologisme du vocabulaire spirite ; du grec pneuma, air, souffle, esprit, et graphô, j’écris.

Pneumatophonie

France, 1907 : Voix des Esprits ; communication orale sans le secours de la voix humaine ; néologisme du vocabulaire spirite : du grec pneuma, air, souffle, esprit, et phôné, voix.

Poca

France, 1907 : Jeu de hasard.

Pochard

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui a l’habitude de s’enivrer. Malgré tout mon respect pour l’autorité de la parole de mes devanciers et mon admiration pour leur ingéniosité, à propos de ce mot encore, je suis forcé de les prendre à partie et de leur chercher une querelle — non d’Allemand, mais de Français. L’un, fidèle à son habitude de sortir de Paris pour trouver l’acte de naissance d’une expression toute parisienne, prend le coche et s’en va en Normandie tout le long de la Seine, où il pèche un poisson dans les entrailles duquel il trouve, non pas un anneau d’or, mais l’origine du mot pochard : des frais de voyage et d’érudition bien mal employés ! L’autre, qui brûle davantage, veut qu’un pochard soit un homme « qui en a plein son sac ou sa poche ». Si cette étymologie n’est pas la bonne, elle a du moins le mérite de n’être pas tirée par les cheveux. Mais, jusqu’à preuve du contraire, je croirai que l’ivrogne ayant l’habitude de se battre, de se pocher, on a dû donner tout naturellement le nom de pochards aux ivrognes.

Rigaud, 1881 : Ivrogne fainéant et ami des plaisirs. M. Fr. Michel le fait venir de poisson, poichon, poçon, mesure de vin. Pourquoi ne viendrait-il pas de pochon, coup, contusion dont la figure de l’ivrogne induré est généralement illustrée ?

France, 1907 : Ivrogne ; de pocher, se battre, l’ivrogne étant généralement de nature querelleuse.

Voilà un habitué d’estaminet, qui a le plus grand tort de ne pas se coucher de bonne heure et d’entretenir sa pituite à force de bocks ; voilà un ouvrier pochard, pour qui la sagesse consisterait à ne pas faire le lundi et à rapporter sa quinzaine intacte à sa famille. Eh bien, mettez la conversation sur les affaires publiques, devant un de ces gaillards-là, qui savent si mal conduire leur vie, et vous pouvez être sûr qu’il vous proposera tout de suite un moyen infaillible d’arranger les affaires du pays.

(François Coppée)

Au Carnaval, par les rues,
Ils vont traînés sur des chars,
Entourés de jeunes grues
Et de grands seigneurs pochards.

(Octave Pradels)

Pochard, poche

Larchey, 1865 : Ivrogne. (Vidocq, 1837). — Mot à mot : Ivre, ivrogne, homme qui remplit ou qui a rempli de vin la poche de son estomac.

Je ne sais pas ce que j’ai… je crois que je suis un peu pochard.

M. Michel.

Pocharder

Larchey, 1865 : Enivrer.

Pisque tu soldes ma dépense,
J’n’me pochardrai qu’avec toi.

Festeau.

Pocharderie : Ivrognerie (Vidocq, 1837).

Rigaud, 1881 : Enivrer.

Pocharder (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’ivrogner, vivre crapuleusement.

France, 1907 : S’enivrer.

Mongelet n’eut jamais de vices ; à peine si les soirs d’ivresse — car il se pochardait comme un charretier, — il s’amusait à des fantaisies avec des filles de maisons publiques. Très connu des habituées des maisons de passe ; femmes d’officiers ou de bureaucrates dans la panade, grues de toutes nuances, marquises mal rentées, bourgeoises, commerçantes pratiques pour lesquelles il n’est point de bénéfices malpropres ou défendus, Mongelet était considéré comme un veau d’or.

(Victorien de Saussay, L’École du vice)

Pocharderie

Delvau, 1866 : s. f. Ivrognerie.

Rigaud, 1881 : État du pochard ; ivrognerie.

France, 1907 : Ivrognerie.

Pochards (le signe de la croix des)

Rigaud, 1881 : « Il consiste à prononcer « Montparnasse » sur la tête, à l’épaule droite « Ménilmonte », à l’épaule gauche « La Courtille », au milieu du ventre « Bagnolet », et dans le creux de l’estomac, trois fois « Lapin sauté. » » (Le Sublime.)

Poche

d’Hautel, 1808 : Elle est grande comme ma poche. Se dit ironiquement et par mépris d’une petite personne, qui veut se carrer et se donner des airs.
Jouer de la poche. Pour dire, débourser beaucoup d’argent, faire de grosses dépenses.
Il a votre affaire dans sa poche. Pour dire, il tient la décision de votre affaire.

Delvau, 1866 : s. f. Ivrognesse, — dans l’argot des faubouriens, qui de cochon a déjà fait coche. On dit aussi Poche, au masculin, à propos d’un ivrogne.

Rigaud, 1881 : Apocope de pochard.

Quand on est poch’ on s’en revient chantant.

(Le Déménag. à la sonnette de bois, chans.)

France, 1907 : Sac à mettre du blé, des noix, etc. ; parler du Centre. « Aller à la poche » se dit du meunier qui va chercher à domicile le blé de ses pratiques. « Tomber, dormir comme une poche », tomber, dormir lourdement ; allusion au sac de blé.
Il est en français d’autres expressions sur le mot poche : « Manger son pain dans sa poche », manger seul ce que l’on a. « Faire crédit de la main à la poche », vendre au comptant.

France, 1907 : Ivrognesse. Abréviation de pocharde ; argot des faubouriens.

Poche-étron

France, 1907 : Espèce de scarabée, appelé aussi fouille-merde.

Poche-œil

Delvau, 1866 : s. m. Coup de poing appliqué sur l’œil, — dans l’argot du peuple. On dit aussi Pochon.

France, 1907 : Coup de poing sur l’œil ; argot populaire.

… Janeton effarée,
Demeure le teint pâle et la vue égarée ;
Et pensant déjà voir son amant au cercueil,
S’arrache les cheveux, veut se faire un poche-œil.

(Nicolas De Grandval, Le Vice puni)

Poche, pochard

La Rue, 1894 : Ivrogne.

Pocher

d’Hautel, 1808 : Meurtrir, froisser, faire des contusions.

Delvau, 1866 : v. a. Meurtrir, donner des coups. Se pocher. Se battre, surtout à la suite d’une débauche de vin.

Boutmy, 1883 : v. intr. Prendre trop d’encre avec le rouleau et la mettre sur la forme sans l’avoir bien distribuée. Peu usité.

France, 1907 : Percer ; patois meusien. Bas pochés, bas percé. On dit d’un homme ruiné, qui n’a ni argent, ni crédit, qu’il est bas poché.

France, 1907 : Battre, meurtrir ; appliquer un coup. Se pocher, se battre.

Le soleil, qui fond la glace,
N’est pas plus ardent que moi :
Comme un gueux de sa besace,
Je me sens jaloux de toi ;
Au grand Colas qui te lorgne
Je veux pocher les deux yeux,
Ou du moins en faire un borgne,
Si je ne puis faire mieux.

(Vieille chanson)

France, 1907 : « Prendre trop d’encre avec le rouleau et la mettre sur la forme sans l’avoir bien distribuée. » (Eug. Boutmy) Argot des typographes. Ce mot n’est plus guère usité.

Pocheté

Rigaud, 1881 : Imbécile, niais.

La Rue, 1894 : Niais. En avoir une pocheté, être très bête ou être ivre.

France, 1907 : Niais, imbécile.

Puis, on rentre an Louvr’, dans l’musée,
J’dis au copain d’vant un tableau :
Pourquoi ces femm’s déshabillées,
Ont-ell’s un’ feuill’ ? C’est rigolo.
Il m’fait : Lis donc l’titre, eh, poch’tée !
C’est l’automn’ que l’on appel’ ça
Et les feuill’s, c’est des feuill’s tombées
Qui sont resté’s accroché’s là.

(Eugène Rimbault)

Pochetée

Fustier, 1889 : Inintelligence. En avoir une pochetée, avoir la compréhension difficile.

Hayard, 1907 : Imbécile.

Pochetée (avoir une)

Virmaître, 1894 : Avoir une forte dose de bêtise.
— Il en a une rude pochetée.
Synonyme de gourde (Argot du peuple).

France, 1907 : Avoir une forte dose de niaiserie.

Pochette

d’Hautel, 1808 : Belle pochette et rien dedans. Signifie autant que, belle montre et peu de rapport.

Pochettes

Virmaître, 1894 : Les joues. Comme les poches, elles se gonflent (Argot du peuple).

France, 1907 : Les joues.

Pochon

Larchey, 1865 : Coup de poing.

Suivant qu’un pochon bien appliqué vient nuancer un œil ou froisser un nez.

H. Rolland.

Rigaud, 1881 : Contusion à l’œil. — Le pochon marque l’œil, le poche, le boursoufle, et le rend semblable à un œuf poché.

Hayard, 1907 : Coup.

France, 1907 : Contusion.

Dès que deux combattants se prennent au collet, on accourt, un cercle se forme, cercle animé d’où partent des interpellations. — Tape dessus, va, soigne-le ! — des huées ou des applaudissements, suivant qu’un pochon bien appliqué vient nuancer un œil ou foudroyer un nez.

(Henri Rolland, L’Écolier)

Pochon, poche-œil

La Rue, 1894 : Contusion à l’œil.

Pochonne

France, 1907 : Écuelle, cuillère à pot ; vieux français.

Pochovonne

France, 1907 : Fous le camp. Néologisme importé de Russie depuis nos rapports plus intimes avec l’empire russe.

Pocker

Rigaud, 1881 : Jeu de cartes d’importation américaine. C’est une sorte de bouillotte, moins vivace que l’autre, et qui se joue à six.

Podex

France, 1907 : Le derrière.

La canule n’arrivait point,
À cause du trop d’embonpoint,
À mi-chemin de l’embouchure.
Donc, pour que tout aille à son point,
De deux valets l’effort s’y joint ;
Chacun d’eux du fessier difforme
Prend une part, la tire à soi,
Et de l’ennemi de la foi
Présente le podex énorme.

(Grécourt)

Podotymètre

France, 1907 : Mesure du pied. Néologisme. C’est un appareil récemment adopté dans les régiments pour déterminer le numéro de la pointure exacte convenant au pied du soldat que l’on chausse.

Poêle

d’Hautel, 1808 : Il n’y a pas de plus embarrassé que celui qui tient la queue de la poêle. Pour dire que celui qui administre, qui dirige une affaire difficile, est plus embarrassé que ceux qui se contentent d’en parler.

Poêle à châtaignes

Delvau, 1866 : s. f. Visage marqué de petite vérole, — par allusion aux trous, de la poêle dans laquelle on fait rôtir les marrons.

Poêle à châtaignes, à marrons

France, 1907 : Visage marqué de la petite vérole ; argot populaire.

Poêle à marrons

Rigaud, 1881 : Visage grêlé, — dans le jargon du peuple.

Virmaître, 1894 : Homme grêlé. Allusion à la poêle percée de trous (Argot du peuple). N.

Poêle, poil

Rigaud, 1881 : Réprimande. — Ficher un poêle, un poil, réprimander.

Le patron nous fichera un poêle, si nous ne sommes pas rentrés à quatre heures du matin.

(J. Rousseau, Paris-Dansant.)

Poêlon

d’Hautel, 1808 : Poêlon sans queue. Sobriquet injurieux que l’on donne à une mauvaise cuisinière ; à une cuisinière de petite maison.

Poétaillon

France, 1907 : Méchant petit poète. La province fournit aux concours de poésie une nuée de poétaillons en jupes.

Poètereau

France, 1907 : Rimailleur, mauvais poète. Quelques-uns écrivent poètriau, suivant l’orthographe de Balzac.

— Quand reviendrez-vous à Figeac ? demandait un compatriote à un poètereau de ma connaissance. — Oh ! répondit l’autre, avec cette superbe assurance qui sied aux médiocres, je n’y renntrerai que lorsqu’on sera forcé de m’y élever des arcs de triomphe.

Poëtereau

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, petit et fort mauvais poëte.

Poétraillon

d’Hautel, 1808 : Faiseur devers à la douzaine, poète qui rime malgré Minerve.

Rigaud, 1881 : Mauvais poète.

Poétriau

Delvau, 1866 : s. m. Mauvais poète, rapin du Parnasse. Le mot est d’H. de Balzac, à qui il répugnait sans doute de dire poétereau, — comme tout le monde.

Pogne

Clémens, 1840 : Main.

un détenu, 1846 : Main. Truquer de la pogne : mendier.

Delvau, 1866 : s. f. Apocope de Poignet, — dans l’argot du peuple. Avoir de la poigne. Être très fort — et même un peu brutal.

Rigaud, 1881 : Voleur, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Voleur.

Pogne-main (à)

Delvau, 1866 : adv. Lourdement, brutalement, à la main pleine.

France, 1907 : À pleine main, brutalement ; expression populaire.

Pogne, poigne

Rigaud, 1881 : Main. — Vigueur. Préfet à poigne, préfet qui montre de la vigueur. — Avoir une bonne poigne, avoir la main solide.

Pognes

Rossignol, 1901 : Les mains.

Hayard, 1907 : Mains.

Pognes (les)

M.D., 1844 : Les mains.

Pognon

M.D., 1844 : De l’argent.

Delvau, 1866 : s. m. Argent, monnaie qu’on remue à poignée, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Argent de poche. — Pognon secret, économies, argent, caché, argent mignon.

La Rue, 1894 : Argent.

Virmaître, 1894 : Argent, monnaie. Allusion à l’argent mis à même la poche et que l’on prend à poignée. Une poignée d’argent ; de là, pognon (Argot des souteneurs).

Rossignol, 1901 : Argent.

Hayard, 1907 : Argent.

France, 1907 : Argent ; pour poignon, argot des faubouriens.

— Tu te figures que je l’aime ? Ça ne serait pas à faire, par exemple ! Seulement, je le ménage, rapport au pognon. Si tu me voyais… je suis gentille tout plein.

(L.-V. Meunier, Chair à plaisir)

Égalité, c’est beau à dire,
C’est mêm’ beau sur les monuments.
Tous égaux. Hé ! y a rien à r’dire,
Il est chouett’ not’ gouvernement.
D’vant la loi faut qu’tout l’mond’ s’incline,
Seul’ment v’là, ceux qu’a du pognon
Y s’tir’ d’affair’ ! L’pauvr’ qui turbine,
C’est lui qui garnit les prisons.

(Le Père Peinard)

Pognon (du)

Merlin, 1888 : De l’argent.

Pognon être (au)

France, 1907 : Avoir de l’argent, être riche.

Quand la pauvrette eut fait ses couches, le mufle avait soupé d’elle et il la plaqua.
Un moment, il avait eu envie de « régulariser sa situation », mais sa famille, qui était au pognon, n’eut pas de peine à faire comprendre au bourgeoisillon qu’on prend une ouvrière pour s’amuser, — histoire de jeter sa gourme — mais non pour le conjugo.

Pour le mariage, c’est pas le caractère et les sympathies qu’il faut assortir : c’est les sacs d’écus !

(Le Père Peinard)

Quand viendra le jour ousque les anarchisses
Auront pris le pognon des capitalisses,
Les capitalisses deviendront anarchos
Et les anarchiss’s auront des capitaux.

(Jules Jouy)

Pognoniste

Rossignol, 1901 : Celui qui a du pognon.

France, 1907 : Homme d’argent.

On ne le serinera jamais trop : dès qu’un type s’assied autour de l’assiette au beurre, c’est un homme foutu !
Il a pu, auparavant, être farci de bonnes idées et des meilleures intentions.
Dès qu’il est élu, barca !
Tout ça s’évanouit et il ne reste plus qu’un coco qui, petit à petit, — quelquefois sans s’en rendre compte exactement, — rente ses idées et oublie ses intentions.
Et fichtre, je mets les choses an mieux : dans la plupart des cas, l’élu ne se contente pas d’être un pauvre couillon que sa situation supérieure abrutit — pourri par le milieu gouvernemental, la lèpre autoritaire, il devient un pognoniste.

(Le Père Peinard)

Poids

d’Hautel, 1808 : J’ai bien d’autres poids à lier. Voyez Lier.
Acheter quelque chose au poids de l’or. Le payer excessivement cher.
Un homme de poids. Pour dire, un homme qui jouit d’un grand crédit, d’un pouvoir considérable.

Poïen

France, 1907 : Aiguillon d’insecte ; point. Du latin punctum.

Poignard

Delvau, 1864 : Le membre viril.

Mais Robin, las de la servir,
Craignant une nouvelle plainte,
Lui dit : hâte-toi de mourir,
Car mon poignard n’a plus de pointe.

Régnier.

Leve sa cotte, et puis lui donne
D’un poignard à travers le corps.

La Fontaine.

Heureuse ta nymphe légère,
Qui trompant sa jalouse mère.
Peut saisir un poignard si doux.

Grécourt.

Delvau, 1866 : s. m. Retouche à un vêtement terminé, — dans l’argot des tailleurs et des couturières.

Rigaud, 1881 : Vêtement qui revient au tailleur, à la couturière pour être retouché. — Retouche à faire à un vêtement.

France, 1907 : Retouche à un vêtement ; argot des tailleurs et des couturières.

Poignarder

d’Hautel, 1808 : Ses cheveux poignardent le ciel. Se dit par raillerie d’une personne qui est coiffée ridiculement.
La curiosité le poignarde. Pour dire que quel qu’un est d’une curiosité excessive.

Rigaud, 1881 : Retoucher un vêtement.

Poignarder le ciel

Delvau, 1866 : v. a. Se dit — dans l’argot du peuple — de tout ce oui se redresse : cheveux, nez, col, pointe de cravate, etc., etc.

Poigne

France, 1907 : Main.

Qu’importe donc au pouvoir cette « vile multitude » de laquelle il se croit le maître ; et dont les excès de désespoir semblent, jusqu’ici, seulement le servir et le consolider ! Il s’imagine que sa poigne est assez puissante, son glaive assez large pour faucher le champ ; y coucher pêle-mêle l’ivraie et le froment. Mais, comme Tarquin, il vise à la tête — et la tête ce sont les remueurs d’idées !

(Séverine)

Poigne (à)

France, 1907 : On dit de quelqu’un qu’il est à poigne, lorsqu’il est énergique, qu’il n’hésite pas a prendre des mesures vigoureuses, à faire empoigner les turbulents. « Un préfet à poigne. »

Poigne (avoir de la)

Virmaître, 1894 : Raide, dur comme une barre de fer. Diriger une affaire avec énergie, commander avec rudesse. Cette expression date de l’Empire, qui inventa les préfets à poigne (Argot du peuple).

Poigne, pogne

Larchey, 1865 : Main (Vidocq, 1837). — Mot à mot : Main qui empoigne.

J’ai la poigne solide, ça me suffit, et je vous étrangle.

E. Lemoine.

Pognon : Argent.

Poignée

d’Hautel, 1808 : C’est arrangé comme une poignée de sottises. Se dit d’une chose en désordre, d’un ouvrage fait à la hâte, dans lequel on ne peut se reconnoître.

Poignée de salsifis

La Rue, 1894 : Volée de coups.

France, 1907 : Volée de coups de poing : les doigts étant comparés à des salsifis.

Poignée de viande par la figure (foutre une)

Rigaud, 1881 : Donner, un coup de poing sur le visage, appliquer un maître soufflet, — dans le jargon des bouchers.

Poignée de viande sur la figure

France, 1907 : Coup de poing ; argot populaire.

Poignet (épouser la veuve)

France, 1907 : Se livrer à la masturbation. S’amuser comme le Charlot de Paul Bonnetain.

Poignet (la veuve)

Rigaud, 1881 : Exercice de l’onanisme.

Poigneux

France, 1907 : Fort, vigoureux ; argot populaire.

De vieux pêcheurs venus à l’âge…
Où la poigne n’est plus poigneuse aux avirons,
Mais tout de même, encor large des palerons,
Ayant toujours un peu de sève dans l’écorce,
Râblés et, s’il le faut, bons pour un coup de force.

(Jean Richepin, La Mer)

Poignon

un détenu, 1846 : Argent monnayé.

Poigre, poique

Rigaud, 1881 : Poète, littérateur, — dans le jargon des voleurs. Le second mot, poique, n’est qu’une déformation moderne du premier.

La Rue, 1894 : Poète, littérateur.

Poil

d’Hautel, 1808 : Avoir un poil dans la main. Être disposé à ne rien faire, se laisser gagner par l’oisiveté.
Il y a laissé son poil. Se dit en parlant d’un homme qui dans une affaire a eu du dessous, ou un grand désavantage.
Poil de Judas. Cheveux ou barbe rousse.
Être au poil et à la plume. Être bon et habile à plusieurs choses.
Un brave à trois poils. Fanfaron, homme qui dit plus qu’il n’en fait.
C’est un gaillard à poil, un luron à poil. Se dit d’un homme fort, vigoureux, et bien taillé ; ou fin, habile et rusé.
Il a de beaux poils. Se dit par ironie de quel qu’un qui n’a pas de beaux cheveux.
Reprendre du poil de la bête. Se remettre au travail, reprendre ses travaux accoutumés après plusieurs jours de féerie.
Un poil ne passe pas l’autre. Se dit d’un homme ajusté, vêtu avec recherche.
Il se laisseroit arracher la barbe poil à poil. Se dit d’un poltron, qui souffre et passe sous silence les offenses les plus graves.

Larchey, 1865 : Réprimande.

Delvau, 1866 : s. m. Réprimande, objurgation, — dans l’argot des ouvriers paresseux.

Delvau, 1866 : s. m. Paresse, envie de flâner, — dans le même argot [du peuple]. Avoir un poil dans la main, ou tout simplement le poil. N’avoir pas envie de travailler. Nos pères disaient d’un homme fainéant : « Il est né avec un poil dans la main, et on a oublié de le lui couper. »

Delvau, 1866 : s. m. Courage, — dans l’argot du peuple, qui, sans croire, comme les Anciens, aux gens qui naissent avec des poils sur le cœur (V. Pline, Histoire naturelle), a raison de supposer que les gens velus de corps sont plus portés à l’énergie que ceux à corps glabre. D’où les deux expressions : Avoir du poil, c’est-à-dire du courage, et Être à poils, c’est-à-dire résolu.

La Rue, 1894 : Paresse. Avoir un poil dans la main. Réprimande. Courage. Faire le poil, surpasser, tromper. Tomber sur le poil, battre.

France, 1907 : Réprimande. « Recevoir un poil. »

— Comment être sûr que celle-ci ou celle-là, à qui je devrais adresser des observations, flanquer un poil, sur la manière dont elle s’acquitte de son service, ne… fréquente pas les genoux d’un député ou d’un sénateur, aussi amoureux qu’influent ? Dans le doute, je préfère rengainer mon speech et supprimer mon poil !

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Poil (avoir du)

Hayard, 1907 : Être solide, d’attaque.

France, 1907 : Être fort, passionné, courageux. On sait tout ce qu’un poil touffu signifie et les anciens qui avaient déjà fait cette remarque disaient : Vir pilosus, aut fortis aut libidinus ; homme poilu, ou courageux ou libidineux. Un homme à poils, un brave à trois poils.
— Combien y a-t-il de sortes de Français ? demande le Catéchisme militaire.
— Il n’y en a que d’une sorte : les braves à trois poils.
Dans sa curieuse Histoire des expressions populaires relatives à la médecine, Édouard Brissaud écrit à ce sujet :

Les poils sont avant tout le signe de force virile. On n’est homme qu’à partir de la puberté. De là à admettre que les poils font la force, il n’y a qu’un pas, et depuis la légende de Samson, avoir du poil, c’est être fort. Aussi les anciennes lois allemandes interdisaient-elles de tondre un homme libre. L’idée de force suggère celle d’audace à laquelle s’applique surtout la susdite expression que l’usage a consacrée. Hébert, en 1793, demandait « des bougres à poil » déterminés à vivre libres ou mourir.

Poil (bougre à)

Rigaud, 1881 : Homme courageux, plein d’énergie.

Poil (en avoir quelque part)

Virmaître, 1894 : Homme courageux qui ne redoute rien. Dans le peuple, on dit le mot carrément (Argot du peuple).

Poil (en recevoir un)

Virmaître, 1894 : Être fortement grondé. On dit aussi recevoir un galop ou un gras. Ce mot remplace suif (Argot du peuple).

Poil (faire le)

Delvau, 1866 : Surpasser, faire mieux ou plus vite, — dans le même argot [du peuple]. Signifie aussi : Jouer un tour Supplanter. Autrefois on disait Faire la barbe.

Rigaud, 1881 : Surpasser. — Tromper.

France, 1907 : Surpasser, faire mieux qu’un autre. Cette expression populaire dérive sans doute de raser, ennuyer. vexer. Quand on surpasse quelqu’un, on le vexe, on le rase, on lui fait le poil.

La foire électorale n’est pas encore ouverte et tous sont en campagne — depuis déjà des semaines.
C’est qu’aussi, mince de corvée que préparer sa candidature ! Il n’y a pas à s’endormir sur le rôti. Il s’agit de ne pas se laisser faire le poil par les concurrents, il faut battre le pays sans fin ni cesse et faire des mamours aux uns et aux autres ; il faut amorcer habilement les pauvres couillons qui n’ont pas plus de jugeotte qu’une girouette, les amener dans ses eaux et les y tenir jusqu’au jour du vote.

(Le Père Peinard)

Poil (tomber sur le)

Rigaud, 1881 : Battre. — Tomber sur le poil à bras raccourcis exprime le superlatif de l’action.

France, 1907 : Attaquer quelqu’un à l’improviste.

Oui, les fous sont très dangereux. On doit se méfier d’eux. Ils vous dévident des oraisons, des prières, des balivernes, mais ils vous guettent, et crac ! ils vous tombent sur le poil à l’improviste. Une jambe est vite cassée !

(Léon Daudet, Les Morticoles)

Poil au c. (avoir du)

Rigaud, 1881 : Avoir du courage, de l’énergie, — dans le jargon du peuple.

Poil au cœur (avoir du)

France, 1907 : Euphémisme généralement ignoré des faubouriens et des soldats qui lâchent le mot cru.

Voyez les jolis sapeurs,
Des belles vainqueurs,
Les soldats d’élite !
Voyez, les jolis sapeurs,
Des belles vainqueurs,
Ont du poil sur le cœur !

(Griolet)

Poil blond ou noir (avoir le)

Delvau, 1864 : Avoir le pénis garni de poils blonds ou noirs.

Et jusques au nombril retroussant son peignoir.
Leur montra qu’étant blonde elle avait le poil noir.

L. Protat.

Poil dans la main (avoir un)

Rigaud, 1881 : Être paresseux, Allusion à un poil imaginaire qui empêche de travailler celui qui en est détenteur. — Avoir un fameux poil dans la main, être très paresseux.

France, 1907 : Être fainéant ; image populaire indiquant que l’absence de poils à la face palmaire tient aux frottements de l’instrument de travail.

— Eh ! ce fichu poil dans la main, pardi ! l’horreur du travail, la flemme, la paresse. La tête va bien, les jambes sont bonnes ; l’estomac — il est admirable : j’absorbe tout ce que je veux. Nul embarras dans le verbe : je puis, deux heures d’affilée, débiner les camarades au café. Mais dès que j’essaie de travailler, je sens que je vais mourir, je meurs, je m’éteins.

(Émile Goudeau.)

Quand il a fait un joli gain,
Victoria n’est pas sa marraine,
Mais si, deux jours de la semaine,
Il possède un poil dans la main,
L’horloger, au mois de décembre,
N’en a pas toujours dans sa chambre.

(Alfred Marquiset, Rasure et Ramandous)

Poil dans la main (en avoir un)

Virmaître, 1894 : Paresseux qui ne veut pas travailler, qui fête tous les jours la Sainte-Flemme.
— Il faudrait une rude paire de ciseaux pour lui couper le poil qu’il a dans la main (Argot du peuple).

Poil de brique

Virmaître, 1894 : Femme ou homme à cheveux rouges, rouquin. On dit dans le peuple, par allusion à la couleur :
— Trois jours de plus dans le ventre de sa mère, elle était rôtie (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Celui qui a les cheveux roux.

France, 1907 : Tête rousse.

Poil de mon sac

Rossignol, 1901 : Voir Poil de brique.

Poil de sec (ne pas avoir un)

Rigaud, 1881 : Éprouver une vive émotion. Allusion à la transpiration qu’une forte émotion procure à certaines personnes.

Poileuse

Virmaître, 1894 : Absinthe. Dans les assommoirs où l’on débite de l’absinthe commune à la mesure, on emploie cette expression. Elle vient de ce que l’homme, abruti par cette boisson, ne peut plus travailler ; il est poileux. Mot à mot : il a un poil (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Absinthe. Ceux qui s’y adonnent deviennent poileux.

Poileux

France, 1907 : Paresseux, personne qui a un poil dans la main.

Poiloux

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux et de mépris ; pour dire un vaurien, un homme de très-basse extraction, et dont la conduite ne mérite aucune considération.

Poils (à)

Rigaud, 1881 : Tout nu. — Se mettre à poils, se déshabiller tout nu, pour entrer au bain, par exemple. — Monter à poils, monter à cheval sans selle.

La Rue, 1894 : Nu.

France, 1907 : Nu. Voir Mettre à poil.

Poils (armoire à)

France, 1907 : Sac des soldats d’infanterie, appelé aussi as de carreau à cause de sa forme, azor à cause de sa peau. Les servants d’artillerie portent aussi l’armoire à poils.

Le servant, qui est à pied, est chargé spécialement du service des pièces. Outre cela, on l’emploie au travail du polygone et à la corvée de quartier. Il est armé de la carabine Chassepot transformée et du sabre-baïonnette et porte l’armoire comme un fantassin. Sa paye est de dix sous.

(A. Foubert, Le 39e d’artillerie)

Poils (brave à trois)

France, 1907 : Brave à toute épreuve.

Poils (être à)

Delvau, 1866 : Être nu. Monter à poils. Monter un cheval sans selle.

Virmaître, 1894 : Être dans un costume primitif, comme Geneviève de Brabant, avoir ses cheveux pour vêtement, ou, comme au bal des Quatr’z’Arts avoir laissé sa chemise au vestiaire (Argot du peuple).

Poilus (les)

France, 1907 : Sobriquet que se donnaient eux-mêmes les membres d’une société d’arbalétriers fondée, il y a quelques années, dans la ville de Cambrai. Disons en passant que les sociétés d’arbalétriers sont très communes dans le nord de la France, où l’arbalète, ce souvenir des anciens âges, tient une place honorable dans les sports qui exigent la sûreté de l’œil et développent le sens de la précision. Il y a tout au plus une centaine d’arbalétriers dans la Seine, à Paris et à Saint-Denis. Mais plus au nord ils se chiffrent par milliers. Il y a des sociétés d’arbalétriers dans l’Oise, l’Aisne et dans presque toutes les villes du département du Nord. Le jeu de l’arbalète est une bonne préparation au tir de guerre.

Poincelet

France, 1907 : Clé ; instrument d’effraction Argot des voleurs.

Poincelets

Virmaître, 1894 : Clés fabriquées d’une certaine manière. Au lieu d’avoir un anneau à son extrémité comme les clés ordinaires, le poincelet se termine en pointe et peut servir à deux usages : à caroubler les portes ou à pratiquer une pesée pour faire sauter les gâches des serrures (Argot des voleurs).

Poing

d’Hautel, 1808 : Il a la tête plus grosse que le poing. Manière de ridiculiser un malade imaginaire, un homme qui dans un état de santé parfaite fait le souffrant, la momie, le languissant.
Il ne vaut pas un coup de poing. Se dit par mépris d’un homme de foible complexion, qu’on a de la peine à élever, et qui, malgré sa foiblesse, fait le hargneux, le taquin.

Point

d’Hautel, 1808 : Un point de côté. Au propre, mal, douleur que l’on ressent à cet endroit ; au figuré, terme satirique qui se dit d’une personne très-à charge, d’une affaire embarassante et pénible.
Mal en point. En mauvais état, mal dans ses affaires.
Tout vient à point, à qui peut attendre. Pour dire qu’avec le temps et la patience, on voit combler ses espérances.
Il faut lui mettre les points sur les ii. Se dit par ironie d’un homme qui a peu d’intelligence, à qui il faut commander les choses avec une grande précision.
Point d’argent, point de Suisse. C’est-à-dire, rien pour rien.

Delvau, 1864 : Employé dans un sens obscène pour désigner : 1o l’acte vénérien.

Venons au point, au point qu’en n’ose dire.

Cl. Marot.

Ce pitaud doit valoir pour le point souhaité
Bachelier et docteur ensemble.

La Fontaine.

2o Le clitoris.

Le traître alors touche d’un doigt perfide
Le point précis où nait la volupté ;
Ce point secret, délicat et timide
Dont le doux nom des Grecs est emprunté.

Parut.

Delvau, 1866 : s. m. Pièce d’un franc, — dans l’argot des marchands d’habits.

Rigaud, 1881 : Pièce d’un franc, — dans le jargon des brocanteurs.

La Rue, 1894 : Pièce d’un franc.

Rossignol, 1901 : Franc. 2 points, 2 francs.

France, 1907 : Un franc ; ancien argot des marchands du Temple.

Point (un)

M.D., 1844 : Pièce d’un.

Point d’agent, point de Suisse

France, 1907 : Sans argent on n’a rien. Cette expression remonte aux guerres du Milanais, à la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, où les mercenaires suisses engagés au service de la France s’y retirèrent plusieurs fois faute de solde. « Payez-vous sur l’ennemi », leur disait-on ; en d’autres termes : « Pillez » ; ce que faisaient, du reste, les autres troupes mercenaires ; mais les Suisses répondaient : « Nous ne sommes pas des brigands, mais des soldats. » Les Suisses ont longtemps servi la France. Étant pauvres et leur pays n’offrant que peu de ressources, il se faisaient soldats. Un jour, en présence du colonel du régiment des gardes suisses, Louvois dit à Louis XIV qu’avec l’or et l’argent que les Suisses avaient reçu des rois de France, on pourrait paver une chaussée de Paris à Bâle : « :Cela peut être vrai, répliqua le colonel, mais si l’on pouvait recueillir tout le sang que les soldats de ma nation ont versé pour le service de la France, on pourrait en faire un canal pour aller de Bâle à Paris. »
Devenus vieux et impropres au service, on leur donnait des places de gardiens ou de concierges, d’où l’appellation de suisse appliquée aux portiers des grands hôtels, et au bedeau, armé de la hallebarde et accoutré d’un uniforme militaire, qui orne les cérémonies de l’Église.
Les filles, jouant sur cette expression, disent : « Point d’argent, point de cuisses. »

Point d’orgue

France, 1907 : Temps d’arrêt, silence ; terme musical.

Point de côté

Delvau, 1866 : s. m. Tiers gêneur, — celui qui, par exemple, vous empêche, par sa présence, de lever une femme ou de l’emmener après l’avoir levée. Signifie aussi Créancier.

Virmaître, 1894 : Créancier. Maître-chanteur exploitant les hommes qui ont un certain vice. Allusion à la gêne causée par le mal de ce nom. L. L. Point de côté : tiers gêneur. Celui qui, par exemple, vous empêche, par sa présence, de lever une femme et de l’emmener après l’avoir levée. A. D. Point de côté, mari gênant, ombrageux, jaloux, qui surveille sa femme comme Bartholo sa nièce :
— Je ne peux pas sortir, mon point de côté est à la maison, il ne me lâche pas d’une semelle (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Créancier ; argot populaire.

Point de Judas

Delvau, 1866 : s. m. Le nombre treize, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Le nombre treize, dons l’argot du peuple qui n’oublie pas que Judas était le treizième apôtre.

Point de laides amours

France, 1907 : L’objet qu’on aime est toujours beau. Vieux dicton dont se servaient les Grecs et les Latins. « Ce n’est pas la nature qui rend la femme belle, disaient-ils, c’est l’amour. » Horace nous cite un certain Balbinus qui trouvait une grâce dans le polype que sa maîtresse avait au nez. Molière, dans le second acte du Misanthrope, commençant par ce vers :

L’on voit les amants toujours vanter leur choix,

a développé ce sujet. On dit encore : Point de laides amours ni de belles prisons.

Point gamma

Delvau, 1866 : Époque des examens de fin d’année, — dans l’argot des Polytechniciens, pour qui c’est le temps de l’équinoxe c’est-à-dire celui où le travail de nuit est égal à celui du jour.

France, 1907 : Fête carnavalesque qui se célébra à l’École polytechnique, de 1861 jusqu’en 1880, où elle fut supprimée sur l’ordre du ministre de la guerre. On la célébrait à l’équinoxe du printemps, c’est-à-dire au passage du Soleil dans le signe du Bélier ; de là le nom de gamma, lettre grecque qui figure les cornes du bélier.

Mes chers amis, si j’ouvr’ le bec,
C’est afin de chanter avec
L’œil humide et le gosier sec
Toute la splendeur d’un mot grec,
Tradéri déra, vive l’équinoxe !
Pour elle toujours l’amour m’enflamma
Et dans l’instant même il faut que je boxe
Celui qui ne dit : Viv’ le point gamma !

(L’Argot de l’X)

Point M

Delvau, 1866 : s. m. Expression en usage à l’École polytechnique, et qui sert à indiquer la limite dans laquelle on accepte, soit des faits, soit des idées. Ainsi, quand un élève demande à un autre : « Aimes-tu la tragédie ? — Euh ! répond l’autre, je l’aime jusqu’au point M. »

Point Q

Delvau, 1866 : s. m. Le derrière humain, — dans l’argot des Polytechniciens.

France, 1907 : Le derrière. Argot des polytechniciens, amis des formules mathématiques. L’épée est appelée dans le même argot tangente au point Q.

Point-de-côté

Rigaud, 1881 : Créancier. — Importun. — Agent des mœurs, — dans le jargon des voleurs et des Éphestions d’égout. Ces derniers désignent, encore, sous ce nom le passant, qui, par sa présence, gêne leur honteux commerce.

La Rue, 1894 : Créancier. Importun. Agent des mœurs.

Pointe

d’Hautel, 1808 : Pousser sa pointe. Soigner ses intérêts auprès de quelqu’un ; s’immiscer dans la société des grands ; conter fleurette à une femme.
On dit par ironie d’un homme qui fait le malade, qu’Il a mal dans la pointe des cheveux.
Faire un procès sur la pointe d’une aiguille.
Quereller, chicaner sur la moindre chose. Avoir une pointe de vin. Avoir bu plus que de coutume ; être en gaieté ; babiller.
Un faiseur de pointes. Un railleur, un mauvais plaisant, un faiseur de calembourgs.

Delvau, 1866 : s. f. Demi-ivresse, — dans l’argot des faubouriens. Avoir sa pointe. Être gris. Avoir une petite pointe. Avoir bu un verre de trop.

Pointe (avoir sa)

Rigaud, 1881 : Ressentir les premiers effets de l’ivresse. — Avoir une pointe de gaieté causée par les préliminaires de l’ivresse.

France, 1907 : Avoir un commencement d’ivresse.

Pointe (pousser sa)

Larchey, 1865 : Conter fleurette.

Que de projets ma tête avorte tour à tour, Poussons toujours ma pointe et celle de l’amour.

Le Rapatriage, parade du dix-huitième siècle.

Pointe d’aiguille (disputer sur une)

France, 1907 : Disputer sur des vétilles. Les Grecs disaient disputer sur l’ombre d’un âne. Allusion à un apologue de Démosthène qui reprochait aux Athéniens leurs discussions puériles et leurs discours légers. Que de Français imitent les Athéniens ! Les Allemands disent : « Disputer sur la barbe de l’Empereur. »

Pointe de l’herbe

France, 1907 : Le printemps. « S’en aller à la pointe de l’herbe », mourir au printemps. On dit dans le même sens : « Il ne verra pas la fleur des pois. » Expressions des provinces du Centre.

Pointé, à point (être)

Rigaud, 1881 : Avoir bu jusqu’à la lisière de l’ivresse. Un verre ou deux de plus, le pointé passe à l’état de soulot ; le soulot est le têtard du pochard.

Pointeau

Rigaud, 1881 : Employé qui pointe le temps dans les usines, — en terme d’ouvrier.

France, 1907 : Surveillant dans les fabriques qui pointe les entrées et les sorties des ouvriers ainsi que les heures de travail.

Et d’abord, sachez que la « loi scélérate » a eu pour résultat immédiat la création d’un policier nouveau modèle : le pointeau.
Ce mouchard passe, d’une à sept fois par semaine, — suivant la tête des bons fieux qu’il surveille, — chez leur pipelet, à leur gargote, etc. Il va aussi chez leur patron, fait des ragots et, neuf fois sur dix, réussit à les faire balancer.
Tâchez donc de me dire en vertu de quel article du Code se pratique cette surveillance policière ?

(Le Père Peinard)

Pointer

France, 1907 : Chien d’arrêt ; anglicisme. Voir Puppy.

France, 1907 : Battre, rosser.

— Si ta Dédèle est gironde, faut la goler ; si elle est rosse, faut la pointer ferme.

(Le Cri du Peuple, 1886)

Pointu

Delvau, 1866 : s. m. Evêque, — dans l’argot des voyous.

Delvau, 1866 : s. m. Clystère, — dans l’argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : s. et adj. Homme qui ne plaisante pas volontiers, désagréable à vivre, — dans l’argot du peuple.

Boutmy, 1883 : s. m. et adj. Disposé à prendre les choses par leur mauvais côté, et, par suite, insociable, grincheux, désagréable. Ce travers n’est pas étranger aux typographes ; mais le mot n’appartient pas exclusivement à leur langue.

France, 1907 : Petit bateau de pêche, genre sardinier ; argot du Borda.

France, 1907 : Personne d’un mauvais caractère ; argot populaire.

Pointu (bouillon)

Rigaud, 1881 : Clystère.

France, 1907 : Lavement.

Il ne m’est jamais arrivé
De boire de l’eau claire :
Je m’en suis toujours bien trouvé…
Que voulez-vous y faire ?
Je dis que croire à la vertu
De l’eau, c’est grand’ faiblesse :
Autant prendre un bouillon pointu,
Le gosier ne s’y blaisse.

(Raoul Ponchon)

Pointu (parler)

France, 1907 : Avoir un langage affecté ; expression du Centre. À Bordeaux, parler pointu, c’est imiter les Parisiens et ne pas faire sonner les nasales comme le font les Gascons. En Bourgogne, on dit pour le langage affecté parler jantais. On disait autrefois parler Phébus.

Pointue

France, 1907 : Préfecture de police. « Bâillonné à la pointue », envoyé au dépôt. Argot des voleurs.

Poique

Delvau, 1866 : s. m. Auteur, faiseur de pièces ou de romans. Argot des voleurs.

France, 1907 : Écrivain, littérateur, poète ; corruption de pouic, rien, celui qui n’a pour outil qu’une plume n’étant aux yeux du populo qu’un feignant, un rien.

Poire

d’Hautel, 1808 : Garder une poire pour la soif. Économiser, épargner pour les besoins à venir.
Entre la poire et le fromage, on parle de mariage. Parce qu’à cet instant on est plus disposé à la gaieté.

Rigaud, 1881 : Tête, figure. — Tambouriner la poire, porter des coups au visage.

Il se contentera de vous tambouriner la poire, le cul et les côtes.

(L’art de se conduire dans la société des pauvres bougres.)

La Rue, 1894 : Tête, visage.

Virmaître, 1894 : Tête. On dit d’un homme naïf et simple :
— Il a une bonne poire, il est facile à acheter.
— Vous n’allez pas longtemps vous moquer de ma poire, je suppose ?
Se payer la tête de quelqu’un est synonyme de se payer sa poire (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Tête. Sa poire, lui ; ma poire, moi.

Rossignol, 1901 : Celui qui est confiant ou bon enfant et qui se laisse tromper facilement est une poire.

Hayard, 1907 : Électeur, un naïf.

France, 1907 : Tête, figure ; argot populaire. Quand le fameux assassin Pranzini attendait son exécution, une foule sauvage sortant des cabarets d’alentour venait chaque nuit, rue de la Roquette, hurler sous les murs de la prison :

C’est sa poire, poire, poire,
C’est sa poire qu’il nous faut !

Ce mot est aussi employé dans le sens de niais, imbécile.

Après des platitud’s notoires
Pour obtenir de qu’on voulait,
L’usage est de traiter de poires
Ceux à qui l’on doit un bienfait !

(Henri Bachmann)

On dit en partant d’une physionomie honnête, confiante, facile à duper : bonne poire.

— Je m’en doutais, se dit le grand maître de la police : ce marin a une tête à se faire rouler par tous les intrigants et surtout les intrigantes ! … ce que nos amis les Français appellent une bonne poire !

(Hector France, La Vierge russe)

Poire était le sobriquet donné à Louis-Philippe.

Poire (faire sa)

Larchey, 1865 : Jouer le dédain, — Allusion à une moue prononcée qui allonge les lèvres en gonflant légèrement les joues.

Je pourrais m’en targuer et faire ma poire.

L. Pollet.

Rigaud, 1881 : Se faire prier, faire la prude, prendre des airs dédaigneux.

France, 1907 : Prendre de grands airs.

Quelque temps après, la petite disait à Zéozia d’un air mystérieux :
— Ça y est. J’ai un amoureux. Le monsieur qui m’a suivie, tu sais ?…
— Ah ! fit Zéozia.
— Nous déménageons, ma chère. Il me met dans un bel appartement. Ce que maman fait sa poire !

(Edgar Monteil, La Jambe)

M’approchant d’elle,
J’dis à la belle :
Permettez-moi de vous offrir mon bras,
Sans plus d’histoire.
Sans fair’ sa poire :
J’accept’, dit-ell’, tout ce que tu voudras.

(Chavanne)

Poire (faire une)

France, 1907 : Avoir une physionomie ridicule ; prêter à rire.

Pétard de sort ! vrai, ça m’embête
De voir Messieurs les musiciens,
En soufflant dans une sonnette,
Poser en académiciens !
Ah ! mince, en font-ils une poire,
Quand ils poussent dans leur clyso !…
Tenez, j’en soupire in petto !
Rien que d’y penser, j’ai la foire !

(Chambot et Girier, Les Chansons des cabots)

Poire d’emplâtre

France, 1907 : Compliment intéressé, flatterie. « Notre curé n’est qu’un donneux de poires d’emplâtre. » Patois du Centre. On dit aussi poire molle.

Poire et le fromage (entre la)

France, 1907 : Au dessert. « Entre la poire et le fromage il commença à lui pincer le genou. »

Poire tapée

Rossignol, 1901 : Visage ridé qui ressemble à une poire sèche.

Poireau

Rigaud, 1881 : Sergent de ville stationnant sur la voie publique.

Rossignol, 1901 : Imbécile.

France, 1907 : Hautbois ; argot des musiciens. « Le hautbois et le cor anglais, dit Émile Gouget, doivent leur sobriquet de poireau au renflement de la partie de leur tube qui avoisine le pavillon, renflement qui leur donne la physionomie de cette plante potagère. »

(L’Argot musical)

Par respect pour la gal’rie,
Musiciens, nos camaraux,
Fait’s moins d’couacs, je vous en prie,
En soufflant dans vos poireaux !

(Vilmay)

France, 1907 : Pédéraste.

France, 1907 : Sergent de ville en station.

Poireau (faire le, piquer son)

Rigaud, 1881 : Attendre, de planton dans la rue. — Se croiser les bras. — Attendre de l’ouvrage, — dans le jargon du peuple.

Poireau (faire le)

Rossignol, 1901 : Attendre quelqu’un.

Je n’ai pas de clé pour entrer, je fais le poireau en attendant ma femme ; pourvu qu’elle ne me fasse pas poireauter longtemps.

Poireauter

Fustier, 1889 : Attendre quelqu’un dans la rue.

Poirette

Rigaud, 1881 : Figure. Laver la poirette, embrasser, — dans le jargon des voleurs.

Poirier

d’Hautel, 1808 : Je l’ai vu poirier. Se dit par ironie d’un homme que l’on a vu autrefois dans un état misérable ; d’une personne qui oublie sa première condition, et dont la conduite n’inspire que du mépris.

Poiroter

La Rue, 1894 : Attendre, faire le poireau.

Virmaître, 1894 : V. Faire le poireau.

Pois

d’Hautel, 1808 : Cela fait pousser les petits pois. Se dit des pluies bienfaisantes qui tombent dans les commencemens de mai, après quelques jours de sécheresse.
Cela n’empêche pas les petits pois de pousser. Se dit par manière d’excuse, quand on s’est permis quelque gaillardise, quelque propos badin.
Est-ce que je vous ai vendu des pois qui ne vouloient pas cuire ? Se dit à quelqu’un qui fait mauvaise mine ; qui vous traite avec humeur.
Il se remue comme trois pois dans une marmite. Se dit d’un homme qui affecte de la vivacité ; qui se donne beaucoup de mouvemens pour de très, petites choses.
On dit aussi dans le même sens, il va et vient comme pois en pot.
Un avaleur de pois gris.
Un goulu, un friand, un gros mangeur ; un fanfaron, un charlatan.
Donner un pois pour avoir une fève. Voy. Fève.

Poison

d’Hautel, 1808 : Le peuple fait ce mot féminin, et l’applique à tout ce qui exhale une mauvaise odeur.
C’est une poison. Pour dire, une infection, une puanteur insupportable.
Poison est aussi un sobriquet outrageant que l’on donne aux courtisanes les plus viles et les plus crapuleuses.

Delvau, 1864 : Fille ou femme de mauvaise vie, qui empoisonne quelquefois l’eau-de-vie, quelquefois le musc, — et souvent l’homme.

Ce n’est pas une femme, c’est une poison.

A. Vitu.

Larchey, 1865 : Méchante femme.

Poison est aussi un sobriquet outrageant que l’on donne aux courtisanes les plus viles.

1808, d’Hautel.

Delvau, 1866 : s. f. Femme désagréable, ou de mauvaises mœurs, — dans l’argot du peuple, qui trouve cette potio amère à boire et dure à avaler.

Rigaud, 1881 : Sale femme, femme malpropre au physique et au moral. — Eh ! va donc, poison ! — C’est une poison.

Poissarde

d’Hautel, 1808 : C’est une poissarde. Se dit par mépris d’une femme commune et grossière en propos.

Delvau, 1866 : s. f. Femme grossière, — dans l’argot des bourgeoises, qui n’aiment pas les gens « un peu trop forts en gueule ».

Poisse

Halbert, 1849 : Fripon.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Voleur. Les mains du voleur ont l’adhérence des emplâtres de poix de Bourgogne.

La Rue, 1894 : Voleur. Service de la Sûreté.

Virmaître, 1894 : Voleur. A. D. C’est absolument, tout le contraire ; un poisse est un agent de la sûreté. La poix du cordonnier s’attache aux mains en poissant le fil ; l’agent s’attache au voleur, il le poisse. Il le fait bon pour Poissy. Nous sommes poissés : nous sommes pris (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Voleur.

Poissé (être)

Rigaud, 1881 : Être pris, être appréhendé au corps.

Hayard, 1907 : Être pris en flagrant délit.

Poisse (la)

Rigaud, 1881 : La crapule, la voyoucratie, — dans le jargon des gommeux, qui ont renvoyé la balle aux voyous.

Poissé sur le tas

Virmaître, 1894 : Être pris en flagrant délit de vol. Poissé de poisse, agent ; tas, terrain (Argot des voleurs). N.

Poisser

M.D., 1844 : Vole.

Larchey, 1865 : Voler. — Allusion aux propriétés de la poix. — Une main poissée garde volontiers ce qu’elle touche, — V. Baite, Billon, Philippe.

Delvau, 1866 : v. a. Voler. Poisser des philippes. Dérober des pièces de cinq francs.

Rigaud, 1881 : Voler. — Rattraper, prendre sa revanche, — dans le jargon des voyous. — Тoi, je t’poisserai !

La Rue, 1894 : Voler. Prendre une revanche. Être poissé, être pris.

Rossignol, 1901 : Voler, prendre. Se faire poisser est se faire arrêter.

Poisser (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’enivrer, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Se griser.

Poisser des Philippes

Virmaître, 1894 : Poisser, voler ; philippes, pièces de cinq francs. Mot à mot : voler des pièces de cinq francs (Argot du peuple).

Poisser ses philippes

Bras-de-Fer, 1829 : Prendre son argent.

Poisseux

Rigaud, 1881 : Voyou, — dans le jargon des gommeux.

Fustier, 1889 : Gandin ; fashionable. Le successeur du petit-crevé.

Ils se réunissent six ou sept viveurs ou poisseux au café.

(Siècle, 1882.)

Poisseuse, compagne du poisseux.

Dans un boudoir de la rue des Martyrs, une jeune poisseuse, étendue sur une chaise longue, lit…

(Henri IV, 1882.)

Poisson

d’Hautel, 1808 : Il avaleroit la mer et les poissons. Se dit d’un homme affamé qui mange avec beaucoup d’appétit, d’avidité ; d’un goulu.
La sauce vaut mieux que le poisson. Pour dire que l’accessoire vaut mieux que le principal.
Il ne sait à quelle sauce manger le poisson. Se dit par raillerie d’une personne qui a reçu un affront, une injure, et qui hésite sur ce qu’il doit faire.
Un poisson d’avril. Attrape que l’on fait à quel qu’un le premier de ce mois.

anon., 1827 : Souteneur.

Bras-de-Fer, 1829 : Souteneur.

Clémens, 1840 : Qui vit aux dépens d’une femme.

Halbert, 1849 : Souteneur, Amant d’une fille publique.

Delvau, 1864 : Maquereau, souteneur de filles.

Camille Fontallard, des poissons le monarque.

Dumoulin.

Le perruquier jeune et actif est lui-même un poisson. Depuis un siècle, on l’appelle merlan ; mais quelquefois, souvent même, il cumule, — et ces dames ont des merlans — maquereaux.

Larchey, 1865 : Verre. — Du vieux mot poçon : tasse, coupe. V. Roquefort. — V. Camphre.

J’n’ suis pas trop pompette, Viens, je régale d’un poisson.

Les Amours de Jeannette, ch., 1813.

Larchey, 1865 : « Jeune, beau, fort, le poisson ou barbillon est à la fois le défenseur et le valet des filles d’amour qui font le trottoir, » — Canler. — V. Mac, Paillasson.

Delvau, 1866 : s. m. Grand verre d’eau-de-vie, la moitié d’un demi-setier, — dans l’argot du peuple. Vieux mot certainement dérivé de pochon, petit pot, dont on a fait peu à peu poichon, posson, puis poisson.

Delvau, 1866 : s. m. Entremetteur, souteneur, maquereau.

Rigaud, 1881 : Souteneur. Il nage dans les eaux de la prostitution.

Rigaud, 1881 : Mesure de vin, cinquième du litre. Il y a le grand et le petit poisson.

La Rue, 1894 : Grand verre d’eau-de-vie. Souteneur.

Poisson d’avril

Delvau, 1866 : s. m. Mauvaise farce, attrape presque toujours de mauvais goût, comme il est encore de tradition d’en faire, chez le peuple le plus spirituel de la terre, le 1er avril de chaque année, — sans doute en commémoration de la Passion de Jésus-Christ.

Poisson d’eau (changer son)

Rigaud, 1881 : Uriner.

Poisson frayeur

Delvau, 1866 : s. m. Souteneur de filles, — dans l’argot des marbriers de cimetière, qui ont observé que ces sortes de gens frayaient volontiers, eux pas fiers !

Poisson souffleur

Virmaître, 1894 : Rendre par les narines, comme le font certains fumeurs de cigarettes, ce qui est aspiré par la bouche. Se prend dans deux sens (Argot du peuple).

Poisson souffleur (faire le)

Rigaud, 1881 : Fellare. Aspirer la vie à ses sources.

Poissonnaille

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris ; poisson vil et de basse qualité.

Poitou

Larchey, 1865 : Nulle chose. — Mot à mot : point du tout. — Jeu de mots analogue à celui de Niort.

Tout est à notre usage, N’épargnons le poitou.

V. Paumer.

Delvau, 1866 : s. m. Le public, — dans le même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : adj. Point, non, nullement, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Public, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Précautions. — Peine. — Épargner le Poitou, prendre ses précautions.

Rigaud, 1881 : Non ; rien ; formule négative. Vieux-mot argotique remis, depuis peu, en circulation par les rôdeurs de barrière qui en ont fait poiton et poite. — As-tu vingt ronds ? — Du poitou.

La Rue, 1894 : Public. Non, point, nullement. Signifie aussi précaution, attention.

Virmaître, 1894 : Non. A. D. Poitou : Public. A. D. Poitou : Nulle chose. L. L. C’est assez difficile à accorder. Qui a raison des deux auteurs ? Moi, je crois que poitou veut dire silence, prenez garde, car ce mot est employé dans les prisons à l’arrivée d’un surveillant (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Public.

Poitou (le)

anon., 1827 : Non, rien.

Bras-de-Fer, 1829 : Non, rien.

Poitrail

d’Hautel, 1808 : Au figuré, poitrine, estomac, et quelquefois pour cœur.

Poitrinaire

Delvau, 1866 : adj. Femme qui a beaucoup de gorge. Argot du peuple.

Poitrine (avoir de la)

Delvau, 1864 : Avoir des tétons accusés.

Ces belles filles qui ont de la poitrine et rien dessous !

A. Delvau

Elle a dix-huit ans et pas de poitrine ;
Sa robe est très close et monte au menton ;
Rien n’en a gonflé la chaste lustrine ;
Elle est droite ainsi qu’on rêve un bâton.

A. Glatigny.

Poitriner

Rigaud, 1881 : Tenir son jeu près de la poitrine pour en dérober la vue à l’adversaire.

Poitrinez donc ! Vous faites voir vos cartes.

(A. Cavaillé.)

Poitrines d’acier

Merlin, 1888 : Les cuirassiers, — par allusion à leur cuirasse.

Poitrines de velours

Merlin, 1888 : Les soldats du génie, — par allusion à leur plastron dans l’ancienne tenue.

Poivrade

Rigaud, 1881 : Syphilis. (Le Nouveau Vadé, 1824.) — Poivre a la même signification. Être au poivre, être atteint de la syphilis. (Jargon des voyous.)

Poivre

d’Hautel, 1808 : Cher comme poivre. Se dit d’une marchandise d’un prix exorbitant.

Larchey, 1865 : Ivre. — Du vieux mot poipre : pourpre. V. Roquefort. — Une trogne de buveur s’empourpre volontiers.

Je voyais bien qu’il était poivre.

Monselet.

Delvau, 1866 : s. m. Poisson de mer, parce que salé, — dans le même argot [du peuple], parfois facétieux.

Delvau, 1866 : adj. Complètement ivre, — dans l’argot des faubouriens, habitués à boire des vins frelatés et des eaux-de-vie poivrées. Être poivre. Être abominablement gris.

Rigaud, 1881 : Poisson. M. Fr. Michel donne le mot sans autre explication ; il doit être pris dans le sens de « poisson », mesure de vin, d’ohpoivrier, poivrot, poivre, mine à poivre.

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie. — Un poivre, un verre d’eau-de-vie.

De la bière, deux poivres ou un saladier ?

(P. Mahalin.)

La Rue, 1894 : Ivre. Eau-de-vie. Syphilis. Poison.

Poivre et sel

Virmaître, 1894 : Cheveux qui commencent à grisonner. L’allusion est claire (Argot du peuple).

Poivre et sel (être)

Delvau, 1866 : Avoir les cheveux moitié blancs et moitié bruns, — dans l’argot du peuple. Se dit aussi de la barbe.

Poivreau

Boutmy, 1883 : s. m. Ivrogne. Le mot poivreau tire évidemment son origine du poivre, que certains débitants de liquides ne craignent pas de mêler à l’eau-de-vie qu’ils vendent à leurs clients. Ils obtiennent ainsi un breuvage sans nom, capable d’enivrer un bœuf. Que d’anecdotes on pourrait raconter au sujet des poivreaux ! Bornons-nous à la suivante : Un poivreau, que le « culte de Bacchus » a plongé dans la plus grande débine, se fit, un jour entre autres, renvoyer de son atelier. Par pitié pour son dénuement, ses camarades font entre eux une collecte et réunissent une petite somme qu’on lui remet pour qu’il puisse se procurer une blouse. C’était une grave imprudence ; notre poivreau, en effet, revient une heure après complètement ivre.
— Vous n’êtes pas honteux, lui dit le prote, de vous mettre dans un état pareil avec l’argent que l’on vous avait donné pour vous acheter un vêtement ?
— Eh bien ! répondit l’incorrigible ivrogne, j’ai pris une culotte.

Poivrement

Larchey, 1865 : Paiement. — Poivre pris dans ce sens, doit remonter au temps reculé où les épices étaient assez chères pour faire de ce mot un synonyme de Argent.

Delvau, 1866 : s. m. Payement, compte, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Paiement, — dans le jargon des voleurs.

Poivrer

d’Hautel, 1808 : Pour, vendre trop cher.
Cette marchandise est bien poivrée. Pour dire, que le prix en est très-élevé.

Larchey, 1865 : Vendre trop cher. On dit aussi : Saler (1808, d’Hautel).

Larchey, 1865 : Donner la vérole.

Pour se venger d’un homme, elle prit du mal exprès afin de le poivrer.

Tallemant des Réaux.

Delvau, 1866 : v. a. Payer.

Delvau, 1866 : v. a. Charger une note, une addition, — dans l’argot des consommateurs. C’est poivré ! C’est cher. On dit de même : C’est salé.

Rigaud, 1881 : Payer, — dans le jargon des voleurs. — Surfaire. — Falsifier. Poivrer le pive, falsifier le vin.

Rigaud, 1881 : Communiquer le mal vénérien, donner un bon à toucher chez le docteur Ricord. — Être poivré, être dans les conditions requises pour obtenir une entrée à l’hôpital du Midi, payer cher un moment de plaisir.

Toi louve, toi gueuse, qui m’as si bien poivré, Que je ne crois jamais en être délivré.

(Saint-Amant.)

La Rue, 1894 : Payer. Surfaire. Falsifier, empoisonner. Communiquer la syphilis.

Virmaître, 1894 : Quand la cuisinière poivre trop ses mets, elle met le feu au palais des convives. Quand une femme poivre un homme, le poivré maudit Christophe Colomb comme François Ier la belle Ferronnière (Argot du peuple).

Poivrer quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Lui faire regretter amèrement la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb et l’expédition de Naples par Charles VIII. Argot du peuple.

Poivrer un homme

Delvau, 1864 : Lui donner la vérole.

Toi, louve, toi, guenon, qui m’as si bien poivré.
Que je ne crois jamais en être délivré.

Saint-Amand.

Va, poivrière de Saint-Côme,
Je me fiche de ton Jérôme.

Vadé.

Poivreur

Delvau, 1866 : s. m. Payeur, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Payeur, — dans le jargon des voleurs.

Poivrier

Clémens, 1840 : Ivrogne.

M.D., 1844 : Homme saoûl.

Larchey, 1865 : « Voleur dévalisant les hommes ivres aux barrières. » — Canler.

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, — dans le même argot [des voleurs]. C’est aussi le nom qu’on donne aux voleurs qui dévalisent les ivrognes.

La Rue, 1894 : Ivrogne. Voleur qui dévalise les ivrognes. Débit de mauvaise eau-de-vie.

Virmaître, 1894 : Voleur qui dévalise les ivrognes qui s’endorment sur les bancs ou sur l’herbe des fortifications. Ce vol est connu sous le nom de vol au poivrier (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Celui qui vole les hommes ivres.

Rossignol, 1901 : Celui qui s’enivre souvent.

Hayard, 1907 : Dévaliseur d’ivrognes.

Poivrier (faire le, barboter le)

Rigaud, 1881 : Voler un ivrogne. Et la variante plus usitée aujourd’hui : Cueillir un poivrot, ou, encore, canarder un poivre, allusion au canard barboteur.

À nous trois, nous avons barboté pas mal de poivriers.

(Petit Journal, du 22 juillet 1880.)

Poivrier, mine à poivre

Rigaud, 1881 : Mauvais débit de vins et liqueurs qui brûlent le palais comme le poivre le plus incandescent.

Poivrier, poivrot, poivre

Rigaud, 1881 : Ivrogne. — Être poivre, être soûl. — Le poivrot est arrivé au dernier degré de l’ivresse. Il parle seul, bat la muraille et festonne dans les ruisseaux jusqu’à ce que, à bout de forces, il s’asseye sur un banc ou qu’il s’étale le long d’un trottoir qu’il aura pris pour un banc.

Poivrière

Larchey, 1865 : Femme malade.

Va, poivrière de Saint-Côme, je me fiche de ton Jérôme.

Vadé.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme galante punie par où elle a péché et exposée à punir d’autres personnes par la même occasion. Argot du peuple.

Va, poivrière de Saint-Come,
Je me fiche de ton Jérôme.

dit un poème de Vadé.

Rigaud, 1881 : Route. Comparaison de la poussière au poivre.

La Rue, 1894 : Route. Fille malade. Le palais de justice.

Poivrot

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Ivrogne qui se colle des bitures à tout casser. Poivrot vient sûrement de ce que dans les assommoirs, on débite de l’eau-de-vie qui ressemble à une décoction de poivre long. Il est saoul, il est poivré, de là poivrot (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Ivrogne.

Hayard, 1907 : Ivrogne.

Poivrot (vol au)

Rigaud, 1881 : Vol commis sur la personne d’un ivrogne. — Barboter le poivrot, fouiller un ivrogne pour le voler. — Les barboteurs de poivrots sont des voleurs qui ont la spécialité de dépouiller les ivrognes. — Canler donne poivrier dans le même sens.

Poivrotter (se)

Fustier, 1889 : Se griser.

Poix

d’Hautel, 1808 : Noire comme poix. Se dit d’une personne fort brune de peau.
Elle tient comme de la poix. Se dit d’une chose qui adhère fortement à une autre.

Poix (affurer la)

La Rue, 1894 : Se faire arrêter.

Polacre

d’Hautel, 1808 : Terme de mépris, pour dire, homme d’une très-basse condition ; un grossier personnage, un manant, un vaurien.

Polard (?)

Rossignol, 1901 : « Mon homme, il ne faut pas discuter sur les goûts des femmes. Les unes aiment le boudin blanc, les autres le vinaigre, et moi j’aime mieux Tombouctou. »

Poli comme une porte de prison

Delvau, 1866 : adj. Brutal, — dans l’argot ironique du peuple, qui sait avec quel sans-façon les guichetiers vous rejettent la porte au nez.

Police

d’Hautel, 1808 : La police ; on appelle ainsi les enfans qui courent les rues, et font les polissons.

Police (se mettre à la)

Rigaud, 1881 : Se faire inscrire sur le registre des filles soumises.

Elle donna ensuite dans les employés, dans les commis, quitta le théâtre par paresse et se mit à la police.

(Paris-vivant, La Fille, 1858.)

Polichinel

Delvau, 1864 : Le vit, — par allusion à Karaguez, le polichinelle turc, qui est tout en nœud. (V. ce mot.)

Papa, mon époux abuse
De ce titre solennel :
Croirais-tu qu’il me refuse
Jusqu’à son polichinel ?

Ém. Vanderbruck.

Avoir le polichinelle dans le tiroir, Être enceinte.

Polichinelle

d’Hautel, 1808 : Des secrets de polichinelle. Des bibus, des riens, des choses qui ne méritent aucune discrétion, qui sont sues de tout le monde.
Le peuple dit par corruption, porichinelle. Voyez Corridor.

Larchey, 1865 : Canon d’eau-de-vie.

Polichinel… C’est ainsi que les fiacres nomment une chopine en deux verres.

Cabarets de Paris, 1821.

Delvau, 1866 : s. m. L’hostie, — dans l’argot des voyous. Avaler le polichinelle. Communier ; recevoir l’extrême-onction.

Delvau, 1866 : s. m. Homme amusant, excentrique, — dans l’argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : s. m. Grand verre d’eau-de-vie, — dans l’argot des chiffonniers, qui aiment à se payer une bosse. Agacer un polichinelle sur le zinc. Boire un verre d’eau-de-vie sur le comptoir du cabaretier.

Delvau, 1866 : s. m. Enfant, — dans l’argot des faubouriens et des petites dames. Avoir un polichinelle dans le tiroir. Être enceinte.

Rigaud, 1881 : Verre d’eau-de-vie de la capacité d’un double décilitre, servi sur le comptoir du marchand de vin.

Si mon auguste épouse ne reçoit pas sa trempée ce soir, je veux que ce polichinelle-là me serve de poison.

(Gavarni.)

Rigaud, 1881 : Hostie, — dans le jargon des voyous.

La Rue, 1894 : Hostie. Grand verre d’eau-de-vie. Nouveau-né.

Polichinelle dans le tiroir

Rossignol, 1901 : Une femme dans une position intéressante a un polichinelle dans le tiroir.

Polichinelle dans le tiroir (avoir un)

Rigaud, 1881 : Être enceinte.

La Rue, 1894 : Être enceinte.

Polir le chinois (se)

Delvau, 1864 : Se branler le vit. Boileau ; qui n’aimait pas les femmes nous a dit : Polissez-le sans cesse et le repolissez.

Le noir cocu que la chair aiguillonne.
Tranquillement se polit le chinois.

(Chanson anonyme moderne.)

On dit aussi : Se balancer le chinois.

Polisseuse de mâts de cocagne en chambre

Rigaud, 1881 : Prostituée de la famille des carnassiers, à peu de chose près. En latin fellatrix.

Polisson

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux quand il s’adresse à un homme ; et de plaisanterie quand on l’applique aux enfans.
C’est un petit polisson. Se dit d’un enfant qui aime à jouer, à folâtrer ; à perdre le temps aux jeux de son âge.

Larchey, 1865 : « Toutes les dames et demoiselles qui, pour suppléer au manque de rondeur de certaines parties, portent ce que Mme de Genlis appelle tout crûment un polisson et que nous appelons une tournure. » — Th. Gautier, 1833.

Delvau, 1866 : s. m. Libertin, — dans l’argot des bourgeoises.

Delvau, 1866 : s. m. Impertinent, — dans l’argot des bourgeois.

Delvau, 1866 : s. m. Gamin.

Delvau, 1866 : s. m. Amas de jupons pour avantager les hanches. Le mot est de madame de Genlis. Aujourd’hui on dit mieux Tournure.

Rigaud, 1881 : Gentilhomme de la Cour des Miracles. Les polissons jouaient les déguenillés et tâchaient d’inspirer la pitié en grelottant sous leurs haillons.

Rigaud, 1881 : Faux appas en crin que nos arrière-grand’mères ne plaçaient pas sur la gorge.

Polisson, polissonne

Delvau, 1864 : Libertin, libertine.

Tâche que ta chanson toit leste et polissonne.

L. Protat.

Aujourd’hui, Sophie est, je crois.
Aussi polissonne que toi.

Béranger.

Le vieux, plus que le jeune, aime à polissonner.

L. Protat.

Il ne se passera guère entre nous que des polissonneries.

La Popelinière.

Pour être admise ici, sais-tu bien, ma chérie,
Qu’il faut être très forte en polissonnerie !

L. Protat.

Au lieu d’aller au salon avec toutes ces dames, à qui on dit et fait des masses de polissonneries…

Lemercier de Neuville.

Polissonner

Delvau, 1866 : v. n. Faire le libertin, — dans l’argot des bourgeois.

Polissons

anon., 1827 : Ceux qui tout presque nus.

Bras-de-Fer, 1829 : Ceux qui vont presque nus.

Halbert, 1849 : Ceux qui vont presque nus pour spéculer sur la bienfaisance.

Politesse

d’Hautel, 1808 : Brûler la politesse. Pour dire s’esquiver, s’échapper, se sauver d’un endroit où l’on étoit retenu, avant le temps où l’on en devoit sortir.

Delvau, 1866 : s. f. Offre d’un verre de vin sur le comptoir, — dans l’argot du peuple qui entend la civilité à sa manière. Une politesse en vaut une autre. Un canon doit succéder à un autre canon.

Politesse (faire une)

Delvau, 1864 : Décaloter son prépuce en bradant devant une femme, et le lui introduire dans le vagin, pour lui prouver tout son respect — et la faire jouir par la même occasion.

J’m’offre à lui faire un’ politesse :
Ell’ m’répond oui modestement.

(Chanson anonyme moderne.)

Il a voulu de quelque politesse
Payer au moins les soins de son hôtesse.

Voltaire.

Tous les jours quatre politesses
Seront le pain quotidien.

Collé.

Politiquer

d’Hautel, 1808 : Raisonner sur les affaires publiques ; résoudre selon sa tête les combinaisons politiques.

Politiqueur

d’Hautel, 1808 : Terme de raillerie que l’on donne à celui qui veut raisonner sur les affaires publiques, sans avoir aucune notion de politique.

Polka

Larchey, 1865 : « Disons quelques mots de cette gigue anglaise croisée de valse allemande, qui fait sautiller aujourd’hui les Parisiens comme autant de coqs d’Inde sur une plaque brûlante. » — E. Arago, 1844.

Delvau, 1866 : s. m. Photographie à deux personnages dans un costume non autorisé par la Morale. Argot des modèles.

Delvau, 1866 : s. m. Petit jeune homme qui suit trop religieusement les modes, parce qu’en 1843-44, époque de l’apparition de cette gigue anglaise croisée de valse allemande, il était de bon goût de s’habiller à la polka, de chanter à la polka, de marcher à la polka, de dormir à la polka, etc. A Paris, les ridicules poussent comme sur leur sol naturel : ils ont pour fumier la bêtise.

Delvau, 1866 : s. f. Correction, danse, — dans l’argot des faubouriens. Faire danser la polka à quelqu’un. Le battre.

Rigaud, 1881 : Photographie, dessin pornographique.

Fustier, 1889 : « Polka ne veut pas seulement dire danse : c’est sous ce nom que les photographes et les dessinateurs désignent certains sujets décolletés. »

(Événement, 1882.)

La Rue, 1894 : Marchand de photographies obscènes et de cartes transparentes.

Polka (à la)

Delvau, 1866 : Très bien, — à la mode du jour.

Polluer le dard (se)

Delvau, 1864 : Se masturber.

Notre cocher, sans vergogne et sans fard,
Sur ses coursiers laissait frotter les rênes
Et des deux mains se polluait le dard.

Anonyme.

Polochon

Halbert, 1849 : Traversin.

Merlin, 1888 : Traversin.

Virmaître, 1894 : Le traversin qui complète la fourniture du troupier à la caserne. Quand on a bu un coup de trop, on a reçu un coup de polochon. Allusion à la farce qui se fait dans les chambrées aux jeunes conscrits : on les étourdit à coups de polochon (Argot des troupiers).

Rossignol, 1901 : Traversin.

Hayard, 1907 : Traversin.

Polonais

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, dans l’argot du peuple. L’expression, quoique injurieuse pour une nation héroïque, mérite d’être conservée, d’abord parce qu’elle est passée dans le sang de la langue parisienne, qui s’en guérira difficilement ; ensuite parce qu’elle est, à ce qu’il me semble, une date, une indication historique et topographique. Ne sort-elle pas, en effet, de l’ancienne rue d’Errancis, — depuis rue du Rocher, — au haut de laquelle était le fameux cabaret-guinguette dit de la Petite-Pologne, et ce cabaret n’avait-il pas été fondé vers l’époque du démembrement de la Pologne ?

Delvau, 1866 : s. m. Épouvantail dont on menace les perturbateurs dans les maisons suspectes, mais tolérées. Quand la dame du lieu, à bout de prières, parle de faire descendre le Polonais, le tapage s’apaise comme par enchantement. « Et le plus souvent, dit l’auteur anonyme moderne auquel j’emprunte cette expression, le Polonais n’est autre qu’un pauvre diable sans feu ni lieu, recueilli par charité et logé dans les combles de la maison. »

Rigaud, 1881 : Petit fer à repasser les dentelles, — dans le jargon des blanchisseuses.

Fustier, 1889 : Souteneur. — Sorte de fer à repasser. Argot des blanchisseuses.

La Rue, 1894 : Souteneur.

Polygogne

Merlin, 1888 : Allez donc faire entendre qu’il faut écrire et prononcer polygone ! La clé ou le ressort du polygogne sont des objets imaginaires que les loustics assurent à leurs parents naïfs avoir perdus ou cassés, afin de se faire envoyer de l’argent pour éviter une punition, voire même le conseil de guerre. Et dire que bien des familles tombent dans ce panneau-là !

Polytechnicien

Delvau, 1866 : s. m. Élève de l’École polytechnique, — dans l’argot des bourgeois.

Polytechnique

Delvau, 1866 : s. m. Polytechnicien, — dans l’argot du peuple.

Pomaquer

Delvau, 1866 : v. a. Perdre, — dans l’argot des voleurs. Être pomaqué. Être arrêté.

Rigaud, 1881 : Perdre, — dans le jargon des voleurs.

Boutmy, 1883 : v. intr. Se faire prendre, se faire pincer. Mot à peu près tombé en désuétude.

La Rue, 1894 : Perdre.

Pomeluche

M.D., 1844 : Pomade.

M.D., 1844 : Pomade.

Pomer la camelote dans le pied

M.D., 1844 : Pris, porteur d’objets volés.

Pomer marron

anon., 1827 : Prendre sur le fait.

Halbert, 1849 : Prendre sur le fait.

Pommade

La Rue, 1894 : Misère. Douceur.

Pommade (être dans la, tomber dans la)

Rigaud, 1881 : Avoir fait de mauvaises affaires. Essuyer une débâcle financière.

Pommade de cochon

Rigaud, 1881 : Saindoux.

Pommade, coup de pommade

Rigaud, 1881 : Flatterie. — Jeter de la pommade, flatter.

Pommader

Delvau, 1866 : v. a. Battre quelqu’un, — dans l’argot des faubouriens, qui peignent ainsi les gens.

Delvau, 1866 : v. a. Amadouer, peloter.

Rigaud, 1881 : Masquer les crevasses d’un vieux meuble au moyen d’un enduit fait de cire et de gomme laque.

La Rue, 1894 : Battre. Flatter, amadouer.

Pommader (se)

Delvau, 1866 : Se saoûler.

Pommadeur

Virmaître, 1894 : Préparateur de vieux meubles à qui il donne l’apparence du neuf en les truquant avec de la cire et de la gomme laque (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Flatteur. Passer de la pommade à quelqu’un, lui trouver toutes les qualités possibles. Dire à un bossu, par exemple, qu’il est droit comme un cierge. On en a fait ce calembour : la louange comme le tonnerre fout droit (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : C’est un terme d’ouvriers ébénistes qui veut dire vernisseur de meubles. Un pommadeur est aussi un flatteur : il passe à la pommade.

Pommadin

Delvau, 1866 : s. m. Gandin, imbécile musqué, — dans l’argot du peuple. L’expression a été employée pour la première fois en littérature par M. Fortuné Calmels.

Delvau, 1866 : s. m. Coiffeur. Signifie aussi ivrogne.

Rigaud, 1881 : Apprenti coiffeur.

Tous des portiers et des lampistes, clama-t-il, et avec cela des gonsesses en soie et des pommadins !

(Huysmans, Marthe.)

La Rue, 1894 : Coiffeur. Gandin. Ivrogne.

Virmaître, 1894 : Individu infatué de lui-même, qui ne songe qu’à soigner sa tête. Mot à mot : qui ressemble à une poupée de coiffeur (Argot du peuple).

Pommard

anon., 1827 : Bierre.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Bière.

Bras-de-Fer, 1829 : Bière.

Halbert, 1849 : Bierre.

Rigaud, 1881 : Bière légère, — dans l’ancien argot.

Pomme

d’Hautel, 1808 : C’est une véritable pomme cuite. Se dit par ironie d’un homme foible, que tout incommode.
On l’appaisera avec une pomme. Se dit de quelqu’un dont la colère n’est pas dangereuse, qui est facile à calmer.

Delvau, 1866 : s. f. Tête, — dans l’argot des faubouriens. Pomme de canne. Figure grotesque, physionomie bouffonne.

La Rue, 1894 : Tête. Pomme de canne, visage laid.

Rossignol, 1901 : Tête, visage.

Pomme à vers

Rigaud, 1881 : Fromage de Hollande.

Pomme d’Adam

Delvau, 1866 : s. f. Le cartilage thyroïde, — que le peuple regarde comme la marque de la pomme que le premier homme mangea dans le Paradis à l’instigation de la première femme, et dont un ou deux quartiers lui restèrent dans la gorge.

Pomme-à-vers

Delvau, 1866 : s. m. Fromage de Hollande, — dans l’argot des voleurs.

Pommé, ée

Delvau, 1866 : Excessif, exorbitant, remarquable. Bêtise pommée. Grande ou grosse bêtise. C’est pommé ! C’est réussi à souhait. L’expression ne date pas d’aujourd’hui, puisque je trouve dans le Tempérament (1755) :

Admirez le pouvoir de ce Dieu fou pommé :
Je l’adore et je meurs si je ne suis aimé.

Pommeler (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Grisonner.

Pommer

d’Hautel, 1808 : Faire une malhonnêteté bien pommée à quelqu’un. C’est-à-dire, manquer entièrement aux égards, au respect qu’on lui doit ; s’écarter tout-à-fait des règles de la bienséance. On dit aussi de quelqu’un qui fait des fautes grossières en parlant, ou qui ne peut ouvrir la bouche sans faire de grossiers mensonges, qu’il en dit de pommés.

Pommer marron

Bras-de-Fer, 1829 : Prendre sur le fait.

Pommer-Marron

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Prendre sur le fait, en flagrant délit.

Pommes

Delvau, 1864 : Les tétons.

Il montre aux regards de l’amour
Abricot mignon qui s’entr’ouvre,
Et plus haut deux pommes d’amour.

Félix.

Un beau bouquet de roses et de lis
Est au milieu de deux pommes d’albâtre.

Voltaire.

Quand tu frippais mes jupons,
Poussé par trent’-six rogommes,
N’t’ai-j’ pas fait trouver des pommes
Où tu n’cherchais qu’des chiffons ?

(Parnasse satyrique.)

Pommes (aux)

Larchey, 1865 : Très-bien. V. Ognons. — Nous ne savons si ce superlatif est causé par la folle passion des voyous parisiens pour les chaussons aux pommes, ou s’il faut y voir une locution plus âgée.

Le feu duc de Brissac (mort en 1651) aimoit tant les pommes de reinette que, pour bien louer quelque chose, il ajoutait toujours de reinette au bout, tellement qu’on lui ouït dire quelquefois : C’étoit un honnête homme de reinette.

Tallemant des Réaux.

Bath aux pommes : Bien (Lem. de Neuville).

J’ai mijoté pour ce numéro un petit éreintement aux pommes.

J. Rousseau.

Rigaud, 1881 : Bate aux pommes, Soigné. — Deux consommateurs, un habitué et un étranger, demandent, dans un café, chacun un bifteck, le premier aux pommes, le second naturel, nature, dans l’argot des restaurateurs. Le garçon chargé des commandes voie vers les cuisines et s’écrie d’une voix retentissante : « Deux biftecks, dont un aux pommes, soigné ! » Le mot fît fortune. C’est depuis ce jour qu’on dit : « Aux pommes », pour soigné.

Pommes (aux) !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des faubouriens, qui l’emploient comme superlatif de Bien, de Bon et de Beau. On dit aussi Bath aux pommes ! pour renchérir encore sur l’excellence d’une chose. Cette expression est l’aïeule des petits ognons et autres petits oiseaux en circulation à Paris.

Pommes (c’est comme des)

Rigaud, 1881 : C’est inutile, ce n’est pas nécessaire, — dans l’argot du régiment. Variante : C’est comme des dattes.

Pommier

Clémens, 1840 : Perdre.

Delvau, 1866 : s. m. La gorge. Pommiers en fleurs. Seins de jeune fille. Pommier stérile. Poitrine maigre et plate.
C’est aux poètes poudrés du XVIIIe siècle que nous devons cette expression faubourienne. Ils ont comparé les seins à des pommes, rappelant à ce propos, en les interprétant à leur façon, le Jugement de Pâris sur le mont Ida et la séduction d’Adam par Ève dans le Paradis terrestre. Il était tout naturel que les pommes ainsi semées par eux produisissent un pommier. Œuf implique forcément l’idée de poule.

Pompadour

Larchey, 1865 : Coquet, galant.

C’est Régence, justaucorps bleu, Pompadour, dix-huitième siècle, tout ce qu’il y a de plus maréchal de Richelieu, rocaille.

Balzac.

Delvau, 1866 : adj. Suranné, rococo, — dans l’argot des gens de lettres. Dans l’argot des artistes, c’est le synonyme de Prétentieux.

Delvau, 1866 : adj. Du dernier galant, — dans l’argot des bourgeois.

Pompage

Delvau, 1866 : s. m. Action de boire, c’est-à-dire de se griser, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Sacrifice au dieu de la bouteille.

Pompe

Delvau, 1866 : s. f. Retouche, — dans l’argot des tailleurs. Petite pompe. Retouche des pantalons et des gilets. Grande pompe. Retouche des habits et des redingotes.

Rigaud, 1881 : Travail suivi, — dans le jargon des typographes. — Avoir de la pompe, avoir beaucoup d’ouvrage pressé à faire.

Rigaud, 1881 : Retouche faite à un vêtement.

Rigaud, 1881 : Officier attaché à l’instruction générale, en terme d’École de Saint-Cyr.

Ils remplissent un peu les fonctions de pion.

(Saint-Patrice.)

Corps de pompe, les professeurs.

Ceux qui savent quelques bribes de dessin pochent en quatre traits la caricature du général ou du corps de pompe.

(R. Maizeroy, Souvenirs d’un Saint-Cyrien, 1880.)

Rigaud, 1881 : Botte. — Faire les pompes au prix-courant, voler des bottes à l’étalage. Le voleur à l’étalage, aussitôt le coup fait, part en courant.

Fustier, 1889 : Étude. Cours. Argot des Élèves de l’École de Saumur.

La Pompe ! A ce grand mot votre intellect se tend
Et cherche à deviner… La Pompe, c’est l’étude,
La Pompe, c’est la longue et funeste habitude
De puiser chaque jour chez messieurs les auteurs
Le suc et l’élixir de leurs doctes labeurs.

(Nos farces à Saumur.)

Pompe (avoir de la)

Boutmy, 1883 : v. Avoir du travail en quantité suffisante.

Pompe (Messieurs de la)

Rigaud, 1881 : Employés des pompes funèbres ; et, dans le jargon des voyous : les mecs de la pompe.

Pompe aspirante

Halbert, 1849 : Botte percée.

Rigaud, 1881 : Soulier dont la semelle est à jour.

Pompe funèbre

Rigaud, 1881 : Fellatrix. Prostituée en contravention avec les lois de la nature.

Pomper

d’Hautel, 1808 : Pour boire, sirotter, s’adonner au vin.
Pomper sa goutte. S’enivrer, se griser. On dit dans le même sens, pomper les huiles.

Larchey, 1865 : Boire copieusement.

À la Courtille, je fais des bêtises quand j’ai pompé le sirop.

1830, Mélesville.

Delvau, 1866 : Travailler dur, — dans l’argot des typographes.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Boire continuellement, — dans l’argot du peuple. C’est le to guzzle anglais.

Rigaud, 1881 : Travailler beaucoup, — dans le jargon des typographes. — Boire beaucoup.

Boutmy, 1883 : v. intr. Travailler avec une grande ardeur. Ce n’est pourtant pas la même chose qu’être dans son dur ; c’est surtout travailler vite et pour peu de temps.

La Rue, 1894 : Boire. Travailler dur. Pompette, ivre.

Virmaître, 1894 : Travailler ferme. Quand le travail se ralentit, le metteur en pages dit :
— Allons, les amis, encore un petit coup de pompe (Argot des typographes).

Virmaître, 1894 : Boire comme un trou. Dialogue devant le comptoir d’un marchand de vins :
— Voulez-vous, en buvant, ressembler à deux empereurs romains ?
— Comment ?
— Soyez César et pompez (Argot des bourgeois facétieux). N.

Hayard, 1907 : Boire.

Pomper le dard

Delvau, 1864 : Sucer un homme.

L’Espagnol amoureux se fait pomper le dard.

L. Protat.

Pomper le gaz

Delvau, 1866 : v. a. Être le jouet d’une mystification, — dans l’argot des calicots, qui se plaisent à faire monter tout nouveau sur le comptoir et à lui faire manœuvrer des deux mains un mètre à coulisse, la prétendue pompe à gaz.

Pomper le gland

Delvau, 1864 : Sucer l’extrémité du membre viril pour y amener le sperme.

Et rien qu’en lui pompant l’extrémité du gland, fait jaillir de son tronc un foutre ruisselant.

L. Protat.

Pomper le nœud

Delvau, 1864 : Sucer un homme four le mettre en érection et le faire jouir.

Les largues nous pompent le nœud,
Mais nous, nous le pomperions mieux,
Si comme la race canine,
Nous pouvions sans gêne et sans mal
Nous gamahucher le canal.

Dumoulin-Darcy.

Pompes

La Rue, 1894 : Bottes.

Pompes, escarpins

anon., 1907 : Souliers.

Pompette

d’Hautel, 1808 : Il est un peu pompette. Pour dire, à demi-gris, il a bu un petit coup ; le vin lui donne de la gaieté, du babil.

Larchey, 1865 : Ivre. Du vieux mot pompette : pompon. — Cette allusion à la tronche rouge des buveurs se retrouve dans plumet et cocarde.

Lupolde, à tout (avec) son rouge nez à pompette, conclud tous ses contes par le vin.

Contes d’Eutrapel, seizième siècle.

L’amant lui-même a perdu la raison, et Vénus est entièrement pompette.

Cabarets de Paris.

Delvau, 1866 : adj. Gris, — dans l’argot du peuple. L’expression a des chevrons, car on la trouve dans la première édition du Grand Dictionnaire de Pierre Richelet.

Rigaud, 1881 : Légèrement pris de vin. — Être un peu pompette.

Pompez, Seigneur, pour les biens de la terre et le repos du pauvre militaire

Virmaître, 1894 : Pomper signifie pleuvoir ; alors le soldat coupe à la corvée ou à la revue (Argot des troupiers).

Pompier

Larchey, 1865 : Ouvrier tailleur travaillant à la journée.

Les pompiers réunis forment la pompe. Il y a la grande et la petite pompe : la grande, pour les habits et redingotes ; la petite, pour les pantalons et gilets.

Roger de Beauvoir.

Delvau, 1866 : s. m. Scie chantée à certaines fêtes de l’École polytechnique. Pompier d’honneur. Scie musicale, spécialement chantée le jour des élections du bureau de bienfaisance de l’École, au commencement du mois de mai.

Delvau, 1866 : s. m. Ouvrier chargé de faire les poignards, — dans l’argot des tailleurs. Pompière. Ouvrière qui a la même spécialité pour les petites pièces.

Delvau, 1866 : s. m. Mouchoir, — dans l’argot des voyous.

Delvau, 1866 : s. m. Ivrogne, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Tapage organisé et accompagné de chants, — dans l’argot de l’École. Piquer un pompier, se livrer à une bruyante manifestation. (L. Larchey)

Rigaud, 1881 : Ouvrier tailleur chargé de retoucher les vêtements.

Il y a la grande et la petite pompe : la grande pour les habits et redingotes, la petite pour les pantalons et les gilets.

(R. de Beauvoir, cité par L. Larchey.)

Rigaud, 1881 : Mouchoir. — Pompier de service, mouchoir très sale.

Rigaud, 1881 : Mélange de vermout et de cassis, boisson très appréciée des voyageurs de commerce.

Rigaud, 1881 : Élève qui se prépare au baccalauréat, — dans le jargon du collège. — Ainsi dénommé à cause de la masse des connaissances que ses examens le forcent d’absorber. (Albanès.)

Fustier, 1889 : Membre de l’Institut de France.

Des jeunes gens riaient en apercevant là-bas le profil de quelque professeur de l’Institut. Au feu ! au feu ! Voilà un pompier.

(J. Claretie : Le Million.)

Fustier, 1889 : Dans l’argot spécial des marchands de vin le pompier est une boisson apéritive composée de vermouth et de cassis.

La Rue, 1894 : Mouchoir. Ivrogne. Bruyante manifestation.

Pompier (faire)

Fustier, 1889 : Cette expression s’applique à toutes les compositions littéraires et artistiques où le convenu, le lieu commun et la formule sont substitués à l’inspiration originale et à l’étude de la nature. C’est ainsi qu’on peut être nouveau et moderne dans l’interprétation d’un sujet emprunté à l’Illiade et qu’on peut, au contraire, faire pompier en représentant une scène de la vie réelle qui s’est passée hier. (V. Le Gil Blas du mois de novembre 1880.)

Pompon

d’Hautel, 1808 : Prétintailles, frivolités, ce qui tourne la tête aux femmes, et fait leurs plus chères délices.

Larchey, 1865 : Tête.

Il vous y envoie des pavés que ça brise les pompons.

H. Monnier.

V. Cocarde. — Avoir le pompon : Être au premier rang. — Allusion au pompon qui distingue les compagnies d’élite.

À moi le pompon de la fidélité.

M. Saint Hilaire.

Delvau, 1866 : s. m. Tête, — dans l’argot des faubouriens. Dévisser le pompon à quelqu’un. Lui casser la tête d’un coup de poing ou d’un coup de pied. C’est la même expression que Dévisser le trognon.

Delvau, 1866 : s. m. Supériorité, mérite, primauté. À moi le pompon ! À moi la gloire d’avoir fait ce que les autres n’ont pu faire. Avoir le pompon de la fidélité. Être le modèle des maris ou des femmes.

Rigaud, 1881 : Soldat adonné à l’ivrognerie. Celui qui pompe, — dans le jargon des troupiers.

Le type du vieux pompon devient rare.

(Fréd. de Reiffenberg, La Vie de garnison, 1863.)

Pompon (à lui le)

Rigaud, 1881 : À lui la gloire, à lui l’honneur, à lui le premier rang. Sert à désigner une supériorité quelconque.

Pompon (en avoir un)

Virmaître, 1894 : Être abominablement gris. Avoir la face rouge comme une pivoine. Allusion à la couleur rouge du pompon des grenadiers (Argot du peuple).

Pompon (vieux)

Merlin, 1888 : Synonyme de vieille bête.

Virmaître, 1894 : Se dit d’un vieux soldat :

Le soldat est comme son pompon
Plus il devient vieux, plus il devient… melon. (Argot des troupiers).

Pomponner

d’Hautel, 1808 : Se pomponner. Se parer, s’éléganter, s’endimancher.

Pomponner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. S’attifer, s’endimancher.

Ponant

d’Hautel, 1808 : Pour le derrière.

Delvau, 1866 : s. m. Un des nombreux pseudonymes de messire Luc, — dans l’argot du peuple. Ce sont les marins qui ont imaginé le vent du ponant, poner signifiant vesser dans le vieux langage. « La vieille ponoit, » dit Rabelais.

Ponante

Delvau, 1866 : s. f. Bile publique, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Prostituée.

Virmaître, 1894 : Fille publique. On dit également ponette quand elle est jeune (Argot des voleurs). N.

Hayard, 1907 : Prostituée.

Ponante, ponif, ponifle, pougniffe

Rigaud, 1881 : Fille publique de la dernière catégorie, — dans le jargon des voleurs et des voyous.

Ponante, ponisse

Larchey, 1865 : Fille publique. (Vidocq, 1837). Du vieux mot ponant : Derrière. V. Fr. Michel. — Le Ponant est le Couchant, en termes de marine. V. Calège.

Peut-être est-on parti de là pour appeler ponante une fille qu’on voit toujours au coucher ?

Poncer le créateur (se)

Rigaud, 1881 : Se livrer sur soi-même à une de ces manifestations familières à Diogène. L’expression a été fourbie par feu Grassot du Palais-Royal.

Poncif

Larchey, 1865 : « Le poncif c’est la formule de style, de sentiment, d’idée ou d’image qui, fanée par l’abus, court les rues avec un faux air hardi et coquet. — Exemples : C’est plus qu’un bon livre, c’est une bonne action. — On ne remplace pas une mère. — Un homme d’esprit et de cœur. — L’horizon politique se rembrunit, etc. »

Aubryet.

Si chacun de nous racontait ses bonnes fortunes ? — Allons donc, poncif ! Pompadour ! À bas la motion !

Th. Gautier, 1833.

Delvau, 1866 : s. m. « Formule de style, de sentiment, d’idée ou d’image, qui, fanée par l’abus, court les rues avec un faux air hardi et coquet. » L’expression, ainsi définie par Xavier Aubryet, est de l’argot des peintres et des gens de lettres. Faire poncif. Travailler, peindre, écrire sans originalité.

Pondant

Rigaud, 1881 : Correspondant. Personne chargée par une famille de la remplacer auprès d’un interne de collège.

Pondeuse

d’Hautel, 1808 : Une bonne pondeuse. Se dit par plaisanterie d’une femme très-féconde, qui tous les neuf mois met un enfant au monde.

Delvau, 1866 : adj. et s. Femme féconde, — dans l’argot du peuple.

Pondeuse (bonne)

Rigaud, 1881 : Femme qui a beaucoup d’enfants ; femme qui est toujours en état de grossesse.

Pondre

d’Hautel, 1808 : Je t’en ponds. Se dit par ironie à quelqu’un qui demande quelque chose, et équivaut à vraiment oui ; assurément ce n’est pas pour toi.
Voilà qui est bien pondu. Se dit par raillerie d’une chose mal imaginée, mal faite.
Pondre sur ses œufs. Thésauriser, mettre intérêt sur intérêt.

Pondre sur ses œufs

Delvau, 1866 : v. n. S’enrichir encore, quand on est déjà suffisamment riche.

Pondre un œuf

Delvau, 1866 : v. a. Déposer discrètement, le long d’un mur ou d’une haie, le stercus humain, — dans l’argot du peuple, ami de toutes les plaisanteries qui roulent sur les environs du périnée. On connaît cette anecdote : Une bonne femme était accroupie, gravement occupée à remplir le plus impérieux de tous les devoirs, car omnes cacant, etiam reges ; passe le curé, elle le reconnaît, et, confuse, veut se relever pour lui faire sa révérence ; mais le saint homme, l’en empêchant de la voix et de la main, lui dit en souriant : « Restez, ma mie, j’aime mieux voir la poule que l’œuf. »

Poney

Rigaud, 1881 : Billet de cinq cents francs, — dans le jargon des bookmakers. — Avoir gagné son poney, avoir gagné cinq cents francs en pariant aux courses.

Pongne

Halbert, 1849 : Main.

Poniffe

un détenu, 1846 : Fille publique, prostituée.

Rossignol, 1901 : Femme.

Poniffe, ponifle

Hayard, 1907 : Raccrocheuse.

Ponifle

Delvau, 1866 : s. f. Fille publique, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Magnuce et Ponisse.

Delvau, 1866 : s. f. Femme, — dans l’argot des voyous.

Virmaître, 1894 : Raccrocheuse de bas étage. Ponifle est le diminutif de ponifler, aimer (Argot des souteneurs).

Ponifle ou magnuce

Halbert, 1849 : Tribade.

Ponifler

Delvau, 1866 : v. a. Aimer.

Ponisse magnuée

anon., 1827 : Femme débauchée.

Bras-de-Fer, 1829 : Femme débauchée.

Ponsardiser

Delvau, 1866 : v. a. Ennuyer les gens, — dans l’argot des gens de lettres, qui ont gardé rancune à l’auteur de Lucrèce et d’Agnès de Méranie.

Pont

d’Hautel, 1808 : La foire n’est pas sur le pont. Pour dire rien ne presse.
Laisser passer l’eau sous les ponts. Ne se pas mettre en peine des affaires des autres.
Il est sur le pont de Sainte-Larme. Se dit en plaisantant d’un enfant qui est sur le point de pleurer.

Larchey, 1865 : Voir couper.

Delvau, 1866 : s. m. Congé que s’accorde l’employé pour joindre deux autres congés qui lui ont été accordés par ses chefs ou par le calendrier. Faire le pont. Ne pas venir au bureau le samedi ou le lundi, lorsqu’il y a fête ou congé le vendredi ou le mardi.

Pont (faire le)

Fustier, 1889 : Cette expression est surtout usitée chez les employés d’administration. Quand un jour non férié se trouve entre deux jours de fête et qu’on ne vient pas à son bureau le jour de travail, on fait le pont.

Pont d’Avignon

Delvau, 1866 : s. m. Fille publique, — dans l’argot des gens de lettres.

Pont du coil (le) et le coil au pont

Delvau, 1864 : Jeu innocent qui consiste à faire dire plusieurs fois de suite à une jeune fille cette phrase ; ce qui l’amène à dire en se trompant : Le poil du con, le con au poil, — par anagramme.

Mon père a fait bâtir maison
Sur le pont du coil, sur le coil du pont ;
Les charpentiers du roi la font
Sur le pont du coil, sur le coil du pont.
Ah ! le joli petit pont
Que le pont du coil, que le coil du pont !

Il y a aussi cet autre dicton : Six petites pipes fines dans un sac, qui, répété avec volubilité, produit : six petites pines, etc.

Pont-neuf

Delvau, 1864 : Fille de joie sur le ventre de laquelle tout le monde passe.

Il nous appela des grivoises,
Des ponts-neufs, des fines matoises,
De ces filles, et contera,
Qui pour cinq sois feraient cela.

Jacques Morgau.

Pontaniou

Rigaud, 1881 : Prison des marins. Faire deux mois de pontaniou.

Ponte

La Rue, 1894 : Joueur. Tout homme qui fait de la dépense.

Ponte (la)

Rigaud, 1881 : Réunion de joueurs qui jouent contre le banquier au baccarat, au trente-et-quarante.

Ponte (le)

Rigaud, 1881 : Celui qui joue contre le banquier. Tanti punti, tanti coglioni, dit un proverbe italien ; autant de pontes, autant d’imbéciles.

Ponter

Larchey, 1865 : Payer. — Ponteur : V. Miché.

Delvau, 1866 : v. n. Payer, — dans l’argot des bohèmes.

Rigaud, 1881 : Jouer contre la banque. Ponter dur ; jouer beaucoup d’argent. Ponter sec, jouer de grosses sommes à intervalles inégaux.

La Rue, 1894 : Payer. Jouer contre la banque.

Pontes pour l’af

Delvau, 1866 : s. f. pl. « Galerie des étouffoirs, fripons réunis, » — dit Vidocq.

Pontes pour l’aff

Virmaître, 1894 : Ponte doit être pris dans le sens de bailleur de fonds assemblés pour lancer une affaire plus ou moins véreuse. On sait que le ponte (joueur) est généralement peu scrupuleux (Argot des boursiers).

Ponteur

Delvau, 1866 : s. m. Entreteneur, miché.

Pontife

d’Hautel, 1808 : Sobriquet que l’on donne à un mauvais cordonnier, à un savetier.

Larchey, 1865 : Maître cordonnier. V. Pignouf.

Delvau, 1866 : s. m. Patron, maître, — dans l’argot des cordonniers.

Rigaud, 1881 : Cordonnier. Ce sobriquet date du commencement du XVIIe siècle et il s’est conservé jusqu’à nos jours. Allusion aux souliers à pont, fort à la mode à cette époque. — Souverain pontife, maître cordonnier.

La Rue, 1894 : Maître cordonnier.

Pontificat

d’Hautel, 1808 : Marcher en grand pontificat. Se carrer en marchant, affecter une grande pompe, un grand éclat.

Pontoise

d’Hautel, 1808 : Il nous conte ça, comme en revenant de Pontoise. C’est-à-dire, tout bonnement, sans gêne, sans prétention. Se dit d’un homme qui raconte des choses invraisemblables, ou qui fait des propositions qui ne sont pas recevables.

Pontoise (revenir de)

Rigaud, 1881 : Avoir l’air bêtement étonné.

Pontonnier

Rigaud, 1881 : Grec habile dans l’art de faire les ponts. (Argot des joueurs).

Pontonnière

Larchey, 1865 : « Fille publique fréquentant le dessous des ponts. » — Canler.

Delvau, 1866 : s. f. Fille de mauvaises mœurs qui exerce sous les ponts.

La Rue, 1894 : Fille qui se prostitue sous, les ponts.

Pontonnière, pontannière

Rigaud, 1881 : Fille publique qui affectionne le voisinage des ponts ; fille publique attardée qui prend les ponts de Paris pour des ponts de navire.

La belle va lever sur les ponts… et y fait le quart jusqu’à trois et quatre heures du matin.

(Flévy d’Urville.)

Popote

Larchey, 1865 : Table d’hôte, gâchis, ratatouille.

Delvau, 1866 : s. f. Cuisine, — dans l’argot des troupiers, qui ont trouvé là une onomatopée heureuse : le clapotement du bouillon dans le pot-au-feu, des sauces dans les casseroles, etc. Signifie aussi Table d’hôte.

Delvau, 1866 : adj. Médiocre, — dans l’argot des gens de lettres et des artistes.

Rigaud, 1881 : Cuisine de pauvre et pauvre cuisine. — Faire la popote, se réunir pour faire un maigre repas à frais communs.

Merlin, 1888 : Cuisine. — Faire la popote.

La Rue, 1894 : Cuisine. Table d’hôte. Être en popote. Être en ménage. Se dit aussi d’une réunion d’officiers qui font faire leurs repas par un soldat.

Rossignol, 1901 : Femme d’intérieur qui aime son chez soi et la vie de famille.

Popoter

Delvau, 1866 : v. n. Faire sa cuisine.

Rigaud, 1881 : Faire la popote.

Populo

d’Hautel, 1808 : Pour dire un petit enfant, un nouveau né.
Elle a fait un petit populo. Se dit par dérision d’une fille qui s’est laissé séduire.

Delvau, 1866 : s. m. Marmaille, grand nombre d’enfants, — dans l’argot des ouvriers.

Delvau, 1866 : s. m. Le peuple, — dans l’argot des bourgeois, qui disent cela avec le même dédain que les Anglais the mob.

Porc

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux quand il s’applique à un homme.
Il est comme porc à l’auge. Se dit d’un homme malpropre, sale et gourmand, qui est au sein de l’abondance.
À chaque porc vient la St.-Martin. Dicton populaire, parce que dans ce temps on tue les porcs.
Porc-épic. Le peuple dit par corruption, porte pique.

Porc-épic

Delvau, 1866 : s. m. Le Saint-Sacrement, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Saint-Sacrement, — dans le jargon des voleurs. Allusion aux rayons de métal qui environnent l’hostie. (Fr. Michel.)

La Rue, 1894 : Saint-sacrement.

Virmaître, 1894 : L’ostensoir. Allusion aux rayons qui l’entourent (Argot des voleurs).

Porcher

d’Hautel, 1808 : Gardeur de cochons.
Fait comme porcher. Se dit aussi d’un homme malpropre, mal vêtu.

Porcif

Hayard, 1907 : Portion.

Poreau

Delvau, 1866 : s. m. Poireau, — dans l’argot du peuple, qui parle beaucoup mieux que ceux qui se moquent de lui, poreau venant d’allium porrum, comme légume, ou de πόρος, comme excroissance verruqueuse de la main.

Poreaux (être comme les)

La Rue, 1894 : Être amoureux hors d’âge. Une vieille sentence, citée par M. L. Larchey dit : Vieillard amoureux : Poreau ayant la teste blanche et la queue verte.

Porreau

d’Hautel, 1808 : Verte comme un porreau monté. Se dit d’une personne qui quoiqu’avancée en âge, a conservé un air frais, gaillard, et quelquefois revêche et acariâtre.

Port d’arme (être au)

Delvau, 1864 : Être en érection.

Port d’armes (laisser au)

Rigaud, 1881 : Quitter le service militaire avant un camarade, — dans l’argot du régiment. Faire attendre et ne pas revenir.

Port de Cythère

Delvau, 1864 : Le con, lieu charmant, appelé plus poétiquement l’Ile de Cythère, est situé entre les cuisses de la femme. Il reçoit cordialement MM. les vits et abrite volontiers quels qu’ils soient, les produits de leurs vaisseaux — spermatiques.

Dix fois Trufaldin a touché au port, sans pouvoir y entrer.

Pigault-Lebrun.

Portanche

Delvau, 1866 : s. m. Portier, — dans l’argot des voleurs.

Portanche (le, la)

Rigaud, 1881 : Portier, portière.

Portant

Delvau, 1866 : s. m. Armature en bois qui forme l’entrée des coulisses et sur laquelle se placent les appliques.

Portant (être bien)

Bras-de-Fer, 1829 : Être libre.

Porte

d’Hautel, 1808 : Assemblage de bois ou de fer qui tourne sur des gonds ; que l’on ouvre trop souvent aux importuns, et que l’on ferme trop facilement à la détresse et à la pauvreté.
Prendre le chemin de la porte. S’esquiver, s’échapper, fuir à bas bruit.
Il faut une porte ouverte ou fermée. Pour dire il faut se déterminer à quelque chose, prendre un parti quelconque.
Porte de derrière. Subterfuge, faux fuyant.
Il a écouté aux portes. Se dit par ironie de quelqu’un qui a mal entendu, mal compris ce qu’on lui a dit.
Enfoncer une porte ouverte. Faire de grands efforts, pour venir à bout d’une chose qui n’offre aucun obstacle.
Agréable comme la porte d’une prison. Se dit d’une personne brusque et rebutante, que l’on ne peut aborder.
Il va de porte en porte comme le pourceau de Saint-Antoine. Se dit d’un parasite, d’un écornifleur, d’un homme qui vit d’aumône.

Porte bien (qui se)

Rigaud, 1881 : Vigoureux, bien appliqué. — Donner un soufflet, un coup de pied qui se porte bien.

Porte de prison

Larchey, 1865 : Personne revêche.

1808, d’Hautel.

Porté sur l’article

Rigaud, 1881 : Amateur du beau sexe. Mot à mot : porté sur l’article femme.

Porté sur la liste des élèves morts

Rigaud, 1881 : Porté malade, — dans le jargon du régiment.

Porté sur la minette (être)

Delvau, 1864 : Aimer à gamahucher les femmes, à se faire le chien de ces chattes.

Ce derrière n’est pas l’idéal que rêva
Mon gendre, lequel est portè sur la minette.

A. Glatigny.

Porté sur sa bouche (être)

Delvau, 1866 : Ne songer qu’à boire et à manger plutôt qu’à travailler, — dans l’argot des bourgeois. Le peuple — sans connaître le gulæ parens d’Horace — dit : Être porté sur sa gueule.

Porte-aumuche

La Rue, 1894 : Savetier.

Porte-balle

Rigaud, 1881 : Bossu.

Porte-bancal

Merlin, 1888 : Dragon ou artilleur.

Porte-bonheur

Virmaître, 1894 : Le cabriolet que les agents passent aux poignets des prisonniers. Allusion de forme (Argot des voleurs). N.

Porte-chance

Delvau, 1866 : s. m. Le stercus humain, — dans l’argot du peuple, chez qui il est de tradition, depuis un temps immémorial, que marcher là dedans est un signe d’argent et porte bonheur.

Porte-crème

Fustier, 1889 : Vidangeur.

Porte-effets, porte-turbin

Virmaître, 1894 : Porte-turbin est une expression heureuse ; elle désigne à merveille les épaules du coltineur (Argot des voleurs). V. Bascules. N.

Porte-feuille

La Rue, 1894 : Lit.

Porte-luque

Delvau, 1866 : s. m. Portefeuille, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Porte-mince.

Porte-luque, porte-mince

La Rue, 1894 : Portefeuille.

Porte-lyre

Delvau, 1866 : s. m. Poète, — dans l’argot ironique des gens de lettres.

Porte-maillot

Larchey, 1865 : Figurante bonne à porter des maillots, mais incapable de jouer un rôle.

Je vous demande un peu ! une porte-maillot comme ça.

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. m. Figurante, — dans l’argot des coulisses.

Rigaud, 1881 : Danseuse.

Porte-manteau

d’Hautel, 1808 : Être attaché en un lieu, comme un porte-manteau. Pour dire, être enchaîné ; être esclave, ne pouvoir sortir ; être contraint de rester quelque part.
Dans la civilité bourgeoise, on a aussi coutume d’appeler porte-manteau, le gézier d’un chapon ou d’une volaille ; et il est d’usage de demander, en servant ces sortes de viandes à un convive, s’il veut du porte-manteau.

Delvau, 1866 : s. m. Épaules, — dans l’argot des faubouriens.

Porte-manteau (épaules en)

Rigaud, 1881 : Épaules hautes et plates.

Porte-mince

Larchey, 1865 : Portefeuille (Vidocq). — Mot à mot : porte-papier.

Rigaud, 1881 : Portefeuille.

Porte-mornifle

Virmaître, 1894 : Portemonnaie (Argot des voleurs). V. Morlingue.

Porte-pages

Boutmy, 1883 : s. m. Papier plié en plusieurs doubles, que l’on place sous les pages ou les paquets simplement liés, pour les transporter sans accident.

Porte-pipe

Larchey, 1865 : Bouche.

Si je lui payais la goutte, car il aime furieusement à se rincer le porte-pipe.

Vidal, 1833.

Delvau, 1866 : s. m. Bouche, — dans le même argot [des faubouriens].

Rigaud, 1881 : La bouche, — dans le jargon du peuple. — Se rincer le porte-pipe, boire.

Anatole, qui s’était rincé le porte-pipe et qui paraissait disposé à rire.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

Porte-respect

d’Hautel, 1808 : Bâton, canne, ou toute autre arme que l’on porte pour sa défense.

Porte-trèfle

Larchey, 1865 : Culotte (Vidocq). V. Trèfle.

Delvau, 1866 : s. m. Pantalon, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Pantalon.

Portefeuille

Delvau, 1866 : s. m. Lit, — dans l’argot des faubouriens, qui font allusion aux différentes épaisseurs formées par les couvertures et les draps. S’insérer dans le portefeuille. Se coucher.

Rigaud, 1881 : Lit. C’est là que l’homme serre ce qu’il a de plus précieux : sa personne. — S’insinuer, se fourrer dans le portefeuille, se coucher.

J’ souffre moins comme ça, voyez-vous, parc’que, quand j’ suis étendu dans le portefeuille, je m’ sens à tout’ minute prêt à suffoquer.

(A. Antier, L’Agrafe, act. I sc. 1 1837.)

Virmaître, 1894 : Le lit.
— Je vais me fourrer dans mon portefeuille.
Allusion de forme (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Lit.

Hayard, 1907 : Lit.

Portefeuilliste

Rigaud, 1881 : Ministre. Il a un portefeuille ministériel.

Les trois portefeuillistes, M. de Marcère surtout, ont l’air foncièrement satisfaits de leurs maroquins.

(Le Réveil, du 16 décembre 1877.)

Porter

d’Hautel, 1808 : Elle porte les culottes et son mari les jupons. Se dit d’une femme qui est plus maître à la maison que ne l’est son mari.
Chacun porte sa croix en ce monde. Pour dire chacun a ses peines, ses afflictions.
Il ne le portera pas en paradis. Se dit par menace en promettant de se venger de quelqu’un.
Porter quelqu’un sur les épaules. En être très importuné, très-fatigué, très-ennuyé.
Porter l’endosse. Endurer la peine, le dommage, le tort d’une affaire.
Ce que l’on ne peut porter, on le traîne. Se dit lorsqu’on a un travail au-dessus de ses forces, ou un fardeau que l’on ne peut porter.

Porter (en)

Larchey, 1865 : Être trompé. — Mot à mot : porter des cornes.

Dis donc, Miroux…, de quoi donc que Mme Miroux te fait porter ?

Gavarni.

Delvau, 1866 : Être trompe par sa femme, — dans l’argot du peuple, qui fait allusion aux cornes dont la tradition orne depuis si longtemps le front des maris malheureux. En faire porter. Tromper son mari.

Rigaud, 1881 : Être trompé par sa femme ; c’est-à-dire porter des cornes, être coiffé à la manière des maris trompés. — La femme qui trompe son mari, lui en fait porter.

Porter à droite

Delvau, 1864 : Avoir l’habitude de placer son paquet à droite de l’entre-jambes dans le pantalon — au lieu de le placer à gauche, comme presque tout le monde. On prétend qu’il n’y a que les pédérastes qui portent à droite. — Il y a des pédérastes et beaucoup d’honnêtes gens pour lesquels, cette façon de porter est plus commode.

Porter à gauche

Delvau, 1864 : Avoir l’habitude de placer son membre sur le côté gauche du pantalon, — habitude normale, prétendent les tailleurs et les femmes, les deux classes d’humains qui s’occupent le plus de la position du paquet.

…À ce paquet aux dimensions fortes
Qu’on voit dans ta culotte et qu’à gauche tu portes.

Louis Protat.

Porter à la peau

Larchey, 1865 : Exciter le désir.

Delvau, 1866 : v. n. Provoquer à l’un des sept péchés capitaux, — dans l’argot de Breda-Street. On dit aussi Pousser à la peau.

Rigaud, 1881 : Inspirer des désirs amoureux.

La Rue, 1894 : Exciter le désir.

Porter la folle enchère

Delvau, 1866 : v. n. Payer pour les autres, — dans l’argot des bourgeois.

Porter le béguin

Delvau, 1866 : v. a. Celui des deux époux, nouvellement mariés, qui perd le premier les couleurs de la santé, — dans l’argot du peuple, un peu trop indiscret.

Virmaître, 1894 : Pâlir, perdre sa fraîcheur. Celui des deux jeunes mariés qui est le moins robuste ou le plus gourmand, porte le béguin le premier (Argot du peuple).

Porter le deuil de sa blanchisseuse

Delvau, 1866 : v. n. Avoir une chemise sale, — dans le même argot [du peuple].

Porter les culottes

Virmaître, 1894 : Virago qui traite son mari comme un petit garçon (Argot du peuple). V. Déculotté.

Porter sa malle

Delvau, 1866 : v. a. Être bossu. Argot des faubouriens. On dit aussi Porter son paquet.

Porter une botte à une femme

Delvau, 1864 : Tirer un coup avec elle, — terme de l’escrime amoureuse.

Mais, d’ quequ’ côté qu’on vous porte une botte,
Mam’selle, ôtez donc, ôtez vot’ culotte :
Mam’zelle, ôtez donc vot’ culotte.

Béranger.

Porter une chose en paradis (ne pas)

Delvau, 1866 : La payer avant de mourir, — dans l’argot du peuple, qui dit cela surtout à propos des mauvais tours qu’on lui a joués et dont il compte bien tirer vengeance un jour ou l’autre.

Porteur

d’Hautel, 1808 : Porteur de mauvaises nouvelles. Alarmiste, homme qui aime à répandre de mauvais bruits.

Porteur de camoufle

Fustier, 1889 : Souteneur.

Porteur-d’eau

d’Hautel, 1808 : Homme qui porte de l’eau.
On dit vulgairement un porteux d’eau.

Portez ! Remettez !

Rigaud, 1881 : Une des expressions les plus usitées dans les régiments de cavalerie. Mot à mot : « Portez sabre ! remettez sabre ! » Exclamation intraduisible et qui se produit chaque fois que quelqu’un vient de dire une grosse bourde. Cela se prononce en élevant la voix et d’un ton sévère, comme pour le commandement. La même exclamation retentit lorsqu’un cavalier a commis une incongruité plus ou moins bruyante.

Portier

Delvau, 1866 : s. m. Homme qui se plaît à médire, — dans l’argot des artistes.

Portier, portière

Rigaud, 1881 : Cancanier, cancanière ; médisant, médisante.

Portion

Rigaud, 1881 : Fille publique, — dans le jargon des soldats. Tomber sur la portion, — c’est-à-dire tomber sur la portion de viande, suivre avec empressement une fille publique.

Virmaître, 1894 : Fille publique. Allusion à l’heure de la soupe. Quand le soldat a faim, il tombe sur la bidoche (Argot des troupiers).

Portrait

d’Hautel, 1808 : C’est son portrait tout craché. Se dit d’une personne qui a une ressemblance parfaite avec une autre.

Delvau, 1866 : s. m. Visage, — dans l’argot du peuple. Dégrader le portrait. Frapper au visage.

Rigaud, 1881 : Figure. — Crever le portrait, endommager le portrait, laisser l’empreinte d’un coup de poing sur la figure.

La Rue, 1894 : Figure.

Pose

Larchey, 1865 : Exhibition mensongère d’un défaut, d’une qualité, d’un scintillent ou d’un avantage qu’on ne possède pas.

L’amour platonique !… en voilà une pose !

Gavarni.

Delvau, 1866 : s. f. Tour, — dans l’argot du peuple qui a emprunté ce mot aux joueurs de dominos qui posent le leur à tour de rôle. À moi la pose ! dit parfois un ouvrier, qui vient de recevoir un coup de pied, en lançant un coup de poing à son adversaire.

Delvau, 1866 : s. f. Affectation de sentiments qu’on n’a pas, — vices ou vertus ; étalage de choses qu’on ne possède pas, — maîtresses ou châteaux. Lacenaire a bien imaginé la pose au meurtre !

Pose (être à la)

Fustier, 1889 : Afficher de grandes manières, des prétentions de grand seigneur.

Elle est bonapartiste, la famille à papa ; c’est pas à la pose du tout.

(Vie parisienne, 1882.)

Pose (la faire à la)

Rigaud, 1881 : Chercher à éblouir la galerie, soit par ses manières, soit par sa conversation.

Pose ta chique et fais le mort

Virmaître, 1894 : Reste tranquille et ne parle pas (Argot du peuple).

Poser

Delvau, 1864 : Faire valoir habilement, aux yeux des femmes, les avantages qu’on possède dans son pantalon, par exemple eu se cambrant et en se présentant de profil.

Larchey, 1865 : Se laisser mystifier.

Il croyait toujours qu’on allait ce qui s’appelle le faire poser et se moquer de lui.

Méry.

Larchey, 1865 : Mettre en évidence.

Voilà un ménage qui pose une femme.

Balzac.

C’est une manière ingénieuse… ça pose un homme.

L. Reybaud.

Larchey, 1865 : Chercher à paraître ce qu’on n’est pas.

Que cherches-tu sous les meubles ? — Le naïf pour qui tu poses.

E. Augier.

Pose et Poser sont donc substantif et verbe d’un sens vif et prompt, mais d’acceptation nouvelle, laquelle nous vient des arts et a bientôt passé dans le torrent du discours. Poser, c’est ne point vouloir être soi. Pendant le sombre procès de Tulle, toutes les femmes ont posé Mme Lafarge. Hélas ! des êtres sans méchanceté pour deux liards avaient posé Lacenaire quelque temps auparavant, etc., etc.

Luchet.

L’homme qui pose se place généralement dans la situation qu’il sait la plus favorable, aux avantages physiques que lui a ou que ne lui a pas donné la nature.

Ed. Lemoine.

Delvau, 1866 : v. n. Afficher des sentiments ou des vices qu’on n’a pas ; se vanter de succès et de richesses imaginaires. Signifie aussi Tirer avantage de qualités morales ou physiques qu’on a ou qu’on croit avoir. Poser pour le torse. Passer pour un garçon bâti comme l’Antinoüs. Poser pour la finesse. Se croire très fin, très malin.

Delvau, 1866 : v. a. Mettre en évidence. Se poser. Faire parler de soi.

Rigaud, 1881 : Attendre depuis longtemps. — Être mystifié. — Se donner de l’importance. — Chercher à faire valoir ses avantages, soit physiquement, soit moralement, en prenant une attitude étudiée.

La Rue, 1894 : Attendre longtemps. Faire valoir les avantages que l’on croit posséder. Se vanter. Afficher des sentiments ou des vices que l’on n’a pas. Poser un lapin. V. Lapin.

Poser (faire)

Delvau, 1866 : Faire attendre, mystifier, se moquer des gens.

Rigaud, 1881 : Faire attendre longtemps, faire attendre en vain. — Mystifier.

Poser culotte

Rigaud, 1881 : Aller aux cabinets inodores.

Poser et marcher dedans

anon., 1827 : S’embrouiller.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : S’embrouiller, se couper, perdre la tête.

Bras-de-Fer, 1829 : S’embrouiller.

Halbert, 1849 : S’embrouiller, se vendre.

Rigaud, 1881 : S’embrouiller, perdre la tête. (Mémoires d’un forçat, 1829.) C’est mot à mot : après avoir sacrifié à la Cie Lesage, mettre le pied en plein dans l’holocauste.

Poser pour le torse

Larchey, 1865 : « Le torseur emprunte tous ses effets à son torse, toujours bardé d’une cravate à gros nœuds et d’un gilet bien étudié. Le torseur projette sa poitrine sur le devant d’une loge ou dans l’embrasure de portes d’un salon, ou dans l’intervalle de deux rideaux de croisées. » — Roqueplan.

Rigaud, 1881 : Faire des effets de plastron. Quand on n’est pas très joli garçon, c’est une manière comme une autre d’attirer l’attention des femmes qui, comme Brid’oison, s’attachent à la forme.

Poser sa chique

Larchey, 1865 : Garder le silence. — V. Chique.

Le roi règne sans gouverner. Si le nôtre un jour s’en écarte, Qu’il aille interroger la Charte ! Elle lui répondra d’abord : Pos’ta chique et fais l’mort.

Paris chantant, Jules Leroy.

Rossignol, 1901 : Se taire, s’abstenir.

Poser un gluau

Delvau, 1866 : v. a. Préparer une arrestation, trouver un individu que l’on cherchait, savoir où il loge et où il fréquente, pour n’avoir plus qu’à le grappiner à la première occasion. Argot des voyous et des voleurs. Se faire poser un gluau. Se faire mettre en prison.

Virmaître, 1894 : Ce ne sont pas les oiseaux qui se prennent dans ce gluau-là mais le plus souvent les pieds (Argot du peuple).

Poser un lapin

Rigaud, 1881 : Mystifier, se moquer du pauvre monde. — Poseur de lapins, farceur, mystificateur.

Émile Zola n’est pas un naturaliste, c’est-à-dire un poseur de lapins.

(E. Bergerat, La Vie moderne, 21 fév. 1880.)

Rigaud, 1881 : Flouer une femme. Poseur de lapins, homme qui floue les femmes.

Poser un ours

Boutmy, 1883 : V. Ours.

Poser un ramoll

Fustier, 1889 : Argot des voyous non conformistes qui désignent ainsi la mise en action de certaine pratique honteuse dont parle le livre du Dr Tissot, et sur laquelle il est inutile d’insister. Cette expression, véritablement imagée, fait songer au ramollissement du cerveau ou de la moelle épinière dont finissent par être atteints la plupart du temps les disciples d’Onan.

Poser une pêche

Rossignol, 1901 : Voir flasquer.

Poses (faire des)

Rigaud, 1881 : Interposer des cartes préparées dans un jeu loyal.

Poseur, poseuse

Rigaud, 1881 : Homme, femme, qui affecte des allures ou un langage étudié. — Celui, celle qui cherche à produire de l’effet au moyen d’une attitude étudiée. Au théâtre, le poseur fait des effets de torse ; il projette sa poitrine sur le devant d’une loge, lorgne avec affectation ; au bal, il s’accoude sur le marbre de la cheminée ; au Bois de Boulogne, il fait piaffer sa monture devant les équipages de luxe ; dans la conversation, il récite avec emphase une tirade politique lue, le matin, dans un journal, ou il traite une question d’art étudiée, la veille, dans un livre. — La poseuse fait des effets de toilette.

Position

Rigaud, 1881 : Malle, — dans le jargon des voleurs, qui, la plupart, n’ont qu’une malle pour tout avoir.

La Rue, 1894 : Malle.

Possédé

Rigaud, 1881 : Eau-de-vie, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Eau-de-vie.

Posséder

d’Hautel, 1808 : Je crois que le diable le possède. Se dit d’un homme qui se porte à des extravagances, à des sottises outrées.

Posséder son embouchure

Delvau, 1866 : Savoir bien jouer de la parole, — cette flûte traversière. Argot des faubouriens.

Posséder une femme

Delvau, 1864 : En jouir, tirer un ou plusieurs coups avec elle — qui appartient en effet à l’homme durant tout le temps qu’il la tient sous lui, fichée au lit par son clou spermatique.

Je l’ai possédée, j’ai pris les dernières faveurs.

Mililot.

Possession

d’Hautel, 1808 : Il est en possession de faire ses volontés. Pour, il est libre, il est le maître de faire ce que bon lui semble.

Possible

d’Hautel, 1808 : Ce mot ainsi que le verbe pouvoir, ne doit jamais s’employer avec le dubitatif peut-être ; c’est donc à tort que beaucoup de gens se permettent dire : Il est peut-être possible que j’aille de main vous voir, etc.

Poste

d’Hautel, 1808 : Il est ferme, il est solide au poste. Pour, il est capable de se défendre, il est fort et vigoureux, il peut faire face à tout.

Delvau, 1864 : L’acte vénérien.

Il lui dit que s’il était couché avec elle, il entreprendrait de faire six postes la nuit.

Brantôme.

Quoi qu’il en soit avant que d’être au bout,
Gaillardement six postes se sont faites.

La Fontaine.

Poste (chasser au)

Rigaud, 1881 : Faire appel à la débauche, du haut d’une fenêtre.

Poste aux choux

Rigaud, 1881 : Canot destiné, en rade, au service des provisions, — dans le jargon des marins.

Poste-aux-choux

Delvau, 1866 : s. f. Le canot aux provisions, — dans l’argot des marins.

Postère

Delvau, 1864 : Le postérieur, le cul.

L’abbesse lui dit chastement,
En couvrant son postère :
Par un trou fait dans mon drap blanc,
Mettez-moi ce clystère.

Collé.

Postérieur

d’Hautel, 1808 : Pour le derrière.
Montrer son postérieur. Se dit en plaisantant, pour, montrer son derrière, s’esquiver, s’enfuir.
On appelle aussi cette partie du corps, le cadet.

Larchey, 1865 : Derrière. — On dit aussi, par pure délicatesse, le bas du dos, ou le bas de l’épine dorsale, ou les parties charnues, ou le bienséant, etc.

Delvau, 1866 : s. m. Le derrière, — dans l’argot des bourgeois.

Postiche

Larchey, 1865 : Rassemblement sur la voie publique.

Delvau, 1866 : s. m. Histoire douteuse, — discours ennuyeux, blague, — dans l’argot des typographes.

Delvau, 1866 : s. f. Rassemblement sur la voie publique, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Rassemblement organisé sur la voie publique par des voleurs dans l’intérêt de leur commerce.

Rigaud, 1881 : Mensonge ; nouvelle invraisemblable. Poser un postiche, mentir.

Boutmy, 1883 : s. f. Plaisanterie en paroles ou en actions, bonne ou mauvaise. Faire des postiches à quelqu’un, lui faire, lui dire des plaisanteries. Quelquefois faire une postiche, c’est chercher noise, attraper, faire des reproches. On dit dans le même sens faire une parade.

La Rue, 1894 : Mensonge, blague. Rassemblement dans la rue organisé par des voleurs ou par les camelots dans le but d’en profiter. Parade de saltimbanque.

Virmaître, 1894 : Quand, dans un atelier de composition, un compagnon raconte une histoire à dormir debout, on lui crie :
— À Chaillot le posticheur.
Postiche :
faire un boniment sur la voie publique pour amasser le trèpe (la foule).
Les saltimbanques qui font des tours de cartes ou jonglent avec des poids sur les places publiques, font une postiche.
Postiche :
travail (Argots divers). N.

Postiche, postige

Rigaud, 1881 : Parade de saltimbanque. Petites scènes jouées en plein air pour attirer le public. Bagatelles de la porte avec accompagnement de soufflets et de coups de pied au cul. C’est le lever de rideau des artistes forains. — Les saltimbanques donnent encore le nom de postiche ou postige aux exercices qu’ils font sur la voie publique : un tapis percé à jour, quatre pavés pour retenir le tapis, un orgue, un plateau pour la quête, une chaise pour le travail de la dislocation ou des poids pour le travail de force, voilà la scène et la composition du postige.

Posticheur

Rossignol, 1901 : Un camelot qui s’arrête sur la voie publique et qui fait son boniment pour attirer le public autour de lui, afin de vendre sa camelote, fait la postiche. On prononce aussi postige.

Postige

Delvau, 1866 : s. f. Travail sur les places publiques, — dans l’argot des saltimbanques.

Hayard, 1907 : Boniment du camelot sur la voie publique.

Postiger

Rigaud, 1881 : Faire amasser le public, — en terme de camelot et de saltimbanque.

Postillon

Larchey, 1865 : « Un postillon est une boulette de mie de pain pétrie entre les doigts et renfermant un avis adressé à un détenu. »

Canler.

Delvau, 1866 : s. m. La première dame mise en circulation, — dans l’argot des joueurs de jacquet.

Delvau, 1866 : s. m. Éclaboussure de salive ou de nourriture que lancent en parlant les gens à qui il manque des dents ou ceux qui ont la malhonnête habitude de parler en mangeant.

Ces postillons sont d’une maladresse !

Rigaud, 1881 : Petite pluie de salive dont le postillonneur asperge, bien innocemment, le visage de son interlocuteur.

Rigaud, 1881 : Insinuation déplacée. — Faire postillon.

Rigaud, 1881 : Carte servant de point de repère — peut-être vaudrait-il mieux orthographier repaire — pour reconnaître soit le début, soit la fin, soit la reprise d’une passe au baccarat, — dans le jargon des grecs. Nommé postillon parce qu’il conduit le char de la fortune sur le tapis vert.

Rigaud, 1881 : Boulette de mie de pain recélant un billet qu’un détenu lance d’une cour à l’autre, lorsqu’il a quelque communication à faire à un camarade. — Envoyer le postillon, correspondre entre prisonniers.

Virmaître, 1894 : Boulette de mie de pain dans laquelle est un billet laconique. Cette boulette est lancée dans la cour où se trouve le prisonnier que l’on veut prévenir qu’un de ses complices s’est mis à table. Le postillon est aussitôt ramassé, et ouvert ; le billet est collé sur la muraille ; quand les gardiens s’aperçoivent du coup, il est trop tard (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Baver en parlant, c’est lancer des postillons (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Salive que des personnes envoient en parlant.

Rossignol, 1901 : C’est une bouchée de pain, dans laquelle on met beaucoup de poivre, à la portée de la main d’un voisin de table, qui ne manque jamais de la manger.

Hayard, 1907 : Jet de salive en parlant.

Postillon (faire)

Delvau, 1864 : Introduire le doigt, ordinairement l’index, dans le derrière d’une femme ou d’un homme, pendant l’acte vénérien, pour doubler la jouissance.

Je te branlerai, je te sucerai, je te ferai postillon… tu jouiras !

Lemercier de Neuville.

L’homme, de ta main droite, ou lui fait postillon,
Ou la glisse en dessous et lui branle le con.

L. Protat.

Postillon d’eau chaude

Rigaud, 1881 : Mécanicien, chauffeur de locomotive. — Infirmier militaire.

Virmaître, 1894 : Infirmier (Argot du peuple). V. Canonnier de la pièce humide.

Postillonner

Delvau, 1866 : v. n. Envoyer des postillons au nez des gens, — qui n’aiment pas à voyager.

Rigaud, 1881 : Parler en lançant des postillons. — Correspondre entre détenus au moyen d’une boulette de mie de pain contenant un avis écrit.

Postillonneur

Rigaud, 1881 : Lanceur de postillons. Un des postillonneurs les plus humides fut P., le journaliste dont on disait : On ne peut l’aborder que le parapluie à la main.

Posture (en)

Rigaud, 1881 : Apothicaire, — dans l’ancien argot.

Postures

Delvau, 1864 : Attitudes, positions et mouvements divers du corps les plus propres au jeu de l’amour. — Les Postures de l’Arétin, suite de 16 sujets érotiques, dessinés par Jules Romain, gravés par Marc-Antoine Raimondi, et accompagnés de Sonnets par l’Arétin, sont perdues depuis longtemps par suite de la persécution acharnée qui leur a été faite. On en retrouve cependant un souvenir dans le petit volume intitulé l’Arétin français. Ces postures, fruits de l’imagination extravagante d’un artiste qui ne veut rien faire de commun, c’est-à-dire, de naturel, sont, non-seulement peu usitées, mais peu agréables ; quand elles ne sont pas même irréalisables. On a essayé de faire quelques autres manuels érotiques de ce genre : l’Art de foutre en 40 manières, etc. ; mais dans ces petits livres, les figures ont rarement rapport au titre, et le texte est d’une niaiserie qui passe la permission. En un mot, ces sortes de manuels ont toujours été jusqu’ici des attrapes. Les diverses postures généralement pratiquées sont les suivantes : En levrette, ce qui s’exécute tantôt sur un lit, tantôt la femme appuyée à un meuble, à une fenêtre, etc. Levrette paresseuse, quand les deux amants sont couchés sur le côté, l’homme derrière la femme. Dans cette position, la femme remuant peu, peut fatiguer successivement un grand nombre d’hommes. Tire-bouchon-américain. La femme assise, sur l’homme assis lui-même sur une chaise, et le regardant ; pour peu qu’un homme bande bien, la femme décharge deux, ou trois fois et se satisfait entièrement. La Diligence de Lyon, même position que la précédente, mais exécutée sur un lit ou sur un divan. La Bête à deux dos, l’homme et la femme couchés en vis à-vis l’un de l’autre, ce qu’on appelle encore danser à plat, baiser à la papa, ourser (les gens grossiers), la position naturelle (M. Prudhomme, les épiciers et tous les maris honnêtes). Voir aussi la crapaudine, modification agréable de cette posture.

Il n’y a rien de si plaisant, à considérer qu’un beau corps en la personne aimée, la structure de ses membres, ses postures et ses dispositions lassives.

Mililot.

Car dans la même posture,
Dès le lendemain matin,
J’ai surpris ma créature
Avec un bénédictin.

Collé.

Pot

d’Hautel, 1808 : Être sur le pot. Terme d’atelier, pour dire être sans place, sans ouvrage ; avoir perdu son emploi.
Bête comme un pot. Epithète injurieuse pour dire qu’une personne est très-bornée.
Un pot à beurre, un pot à l’eau. Un usage vicieux fait dire presque généralement au pluriel, des po tà beurre, des po tà l’eau ; au lieu de pot sà beurre, pot sà l’eau.
On n’en mettra pas plus grand pot au feu.
Se dit quand on invite quelqu’un à dîner, pour lui faire entendre qu’on ne fera pas plus grande dépense que celle qu’on a coutume de faire ; que sa présence n’occasionnera aucun frais.
Être ensemble à pot et à rot. Vivre en très-grande familiarité ; être compère et compagnon.
Se dit aussi d’une femme qui, sans être mariée, vit librement avec un homme.
Payer les pots cassés. Supporter les charges, les dommages d’une affaire dont les autres ont fait leur profit.
C’est un pot de terre contre un pot de fer. Pour c’est un homme foible contre un homme puissant.
Faire bouillir le pot. Fournir aux dépenses d’un ménage.

Delvau, 1866 : s. m. Trou fait au pied d’un mur ou au pied d’un arbre pour bloquer les billes. Argot des gamins.

Delvau, 1866 : s. m. Cabriolet, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Cuiller à pot et Potiron roulant.

Pot (c’est dans le)

Rigaud, 1881 : C’est manqué, c’est raté, en parlant d’un ouvrage, — dans le jargon des couturières. — Les tailleurs disent, pour exprimer la même idée : C’est dans les bottes.

Pot à colle

Virmaître, 1894 : Ouvrier menuisier (Argot du peuple).

Pot à confiture

Merlin, 1888 : Tambour de musique.

Pot à moutarde

Rossignol, 1901 : Le derrière.

Pot à tabac

Virmaître, 1894 : Homme énormément gros et court, par analogie avec le cochon gras. On dit aussi dans le peuple : bon à tuer (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Homme petit et obèse.

Pot de chambre dans la commode (avoir laissé le)

Rigaud, 1881 : Avoir l’haleine fétide.

Pot de chambre ou pot de nuit

Delvau, 1864 : La femme, parce que c’est ordinairement la nuit que l’on vide dans son con le liquide spermatique que l’on a fabriqué dans la journée.

La femme n’est pour moi, d’ailleurs, qu’un pot de chambre
Où j’aime à décharger la liqueur de mon membre.

Louis Protat.

Pot de vin

Virmaître, 1894 : Argent donné pour obtenir un privilège, un monopole, une adjudication en dehors des voies légales. Un maître maçon donne un pot de vin à un architecte pour obtenir des travaux (Argot du peuple).

Pot de vinard

Virmaître, 1894 : Qui accepte le pot de vin. Nous en avons eu un triste exemple dans l’affaire du Panama (Argot du peuple).

Pot-à-moigneaux

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans le jargon du peuple qui prononce moi-gneaux pour moineaux.

Pot-à-tabac

Rigaud, 1881 : Personne courte et grosse.

Rigaud, 1881 : Agent de la sûreté, — dans le jargon des voleurs. Ils ont longtemps passé au tabac les prévenus. (V. tabac).

Pot-au-feu

Delvau, 1864 : Les fesses d’une femme, quand elles sont d’un embonpoint agréable, — comme celles de la Vénus Callipyge.

Mais tournez-vous donc un peu…
Quel superbe pot-au-feu !
C’est d’la fière marchandise,
Mam’zelle Lise !

F. de Calonne.

Larchey, 1865 : Entreteneur fournissant de quoi faire aller le pot-au-feu.

L’Anglais : Lorsque nous aimons, Nous finançons, Afin de plaire. D’où vient qu’en tout lieu on dit : un milord pot-au-feu.

Désaugiers.

Larchey, 1865 : Casanier, arriéré.

Ce n’est pas cet imbécile qui m’aurait éclairée… il est d’ailleurs bien trop pot-au-feu.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. L’endroit le plus charnu du corps humain, — dans l’argot des faubouriens, qui l’ont pris depuis longtemps pour cible de leurs plaisanteries et de leurs coups de pied.

Delvau, 1866 : s. et adj. Commun, vulgaire, bourgeois, — dans l’argot des petites dames. Être pot-au-feu. Être mesquin. Devenir pot-au-feu. Se ranger, épouser un imbécile ou un myope incapable de voir les taches de libertinage que certaines femmes ont sur leur vie.

Rigaud, 1881 : Creuset de faux monnayeur, — dans l’argot de la police.

Rigaud, 1881 : Casanier, casanière.

Pot-bouillasser (se)

Larchey, 1865 : Se mettre en ménage. — Mot à mot : faire bouillir à deux le pot-au-feu.

Les pontonniers s’organisent aux environs de la caserne un ménage légitime ou illégitime ; ils se potbouillassent, comme disent les soldats.

La Bédollière.

Delvau, 1866 : Se marier de la main gauche ou de la main droite, — dans l’argot des troupiers.

Pot-bouille

Delvau, 1866 : s. f. Cuisine, — ou plutôt chose cuisinée. Argot des ouvriers. Au figuré, Faire sa petite pot-bouille. Arranger ses petites affaires dans l’intérêt de son propre bien-être.

Rigaud, 1881 : Cuisine sans prétention.

Pot-de-vinier

France, 1907 : Néologisme tiré de pot de vin, vieille expression indiquant qu’autrefois le pourboire consistait en un verre de vin. Le pot de vin exprimait donc un gros pourboire. On connait le mot du député socialiste Joffrin. On parlait d’un de ses collègues qu’on accusait d’avoir reçu un fort pot-de-vin dans une entreprise louche. — Un pot-de-vin ! s’exclama-t-il. Vous voulez dire un tonneau ?
On lit dans l’Esprit de Henri IV, paru en 1770, l’anecdote suivante : « Madame d’O… parut dans un ballet avec une coiffure plutôt surchargée qu’enrichie de pierreries.
— Voyez, dit le roy, comme madame la superintendante est droite et ferme sur ses pieds ; cependant elle a plus d’un pot de vin sur la tête.
On sait ce que signifie ce mot en matière de finances. »

Tout plutôt que vivre sons la domination de ce ramassis d’épiciers aigris, de ronds-de-cuir exaspérés, de démagogues chevelus et crasseux, souteneurs de grèves, voleurs de grévistes, pot- de-viniers sans vergogne. Dans cette bande d’écumeurs, qui tant mérite l’épithète de « parti », pas un homme, pas une figure, pas un sincére.

(Georges Brandal, L’Endehors)

Observation curieuse : on les a qualifiés de panamistes, de pot-de-viniers, de fesse-mathieu, de mameluks, de trafiquants de bulletins, de traîtres et même de faussaires. Ils ont accepté, sans protestation aucune, ces dénominations. On les appelle « mouchards » et ils se révoltent. Pourquoi ? C’est là ce que Darwin lui-même serait impuissant à expliquer.

(Henri Rochefort)

Quelques auteurs écrivent potdevineux.

Un ministre potdevineux et chéquard…

(Félicien Champsaur, Le Mandarin)

Pot, cuiller à pot

Rigaud, 1881 : Cabriolet.

La Rue, 1894 : Cabriolet.

Potache

Delvau, 1866 : s. m. Camarade ridicule et bête comme un pot, — dans l’argot des lycéens. Voir dans un autre sens Potasseur. On dit aussi Pot-à-chien.

Rigaud, 1881 : Collégien.

La Rue, 1894 : Collégien. Camarade.

Potachien, potache

Larchey, 1865 : Collégien. Allusion au chapeau de soie pot à chien qui était d’uniforme dans les collèges avant le képi. V. Bahut.

Potage

d’Hautel, 1808 : Pour tout potage. C’est-à-dire pour toute chose ; en tout ; tout en gros. Se prend toujours en mauvaise part.

Potage à la julienne dans le ruisseau

Rigaud, 1881 : Chute dans un ruisseau. On fait prendre un potage à la julienne à son adversaire, quand on l’étalé dans le ruisseau. (Jargon des ouvriers.)

Potage aveugle

Delvau, 1866 : s. m. Potage qui devrait être gras, avoir des yeux de graisse, et qui est maigre. Argot du peuple.

Potager

Delvau, 1866 : s. m. Prostibulum, — dans l’argot des voyous, pour qui, sans doute, les femmes sont vraiment les choux sous lesquels poussent les enfants.

Potard

Larchey, 1865 : Apprenti pharmacien. — Allusion aux innombrables pots dont il est gardien.

Delvau, 1866 : s. m. Pharmacien, — dans l’argot des faubouriens. Plus spécialement Pharmacien militaire.

Rigaud, 1881 : Pharmacien. — Élève pharmacien.

Un potard qui somnolait, le nez sous des bésicles et sur un livre.

(Huysmans, les Sœurs Vatard.)

La Rue, 1894 : Pharmacien.

Potasse, potasseur

Larchey, 1865 : « Élève de Saint-Cyr, très-bien coté à son cours et très-mal quant aux aptitudes militaires. » — De la Barre.

Ce mot désigne aussi un piocheur malheureux, candidat très-laborieux, mais échouant aux examens.

De Vauvineux.

Potasser : Travailler assidûment. — Faire de la potasse : Attendre.

Voilà une heure que vous nous faites faire de la potasse.

La Correctionnelle.

Rigaud, 1881 : Élève studieux mais inintelligent ; élève qui se donne beaucoup de mal sans profit.

Potasser

Delvau, 1866 : v. n. Travailler beaucoup, — dans l’argot des Saint-Cyriens et des lycéens.

Delvau, 1866 : v. n. S’impatienter, bouillir de colère ou d’ennui, — dans le même argot [des faubouriens].

Rigaud, 1881 : Travailler avec assiduité.

Rigaud, 1881 : Préparer, étudier. Potasser sa colle, préparer son examen.

La Rue, 1894 : S’impatienter. Travailler, étudier.

Rossignol, 1901 : Causer. Faire des potins, des cancans.

Potasseur

Delvau, 1866 : s. m. Élève très bien coté à son cours et très mal quant aux aptitudes militaires.

Pote

d’Hautel, 1808 : Avoir la main pote. Pour dire grasse et enflée.

Poteau

d’Hautel, 1808 : Des jambes grosses comme des poteaux. Pour dire massives ; d’une énorme grosseur, dénuées de graces et de légèreté.

Rigaud, 1881 : Camarade dévoué, — dans le jargon des voleurs.

Fustier, 1889 : Chef de bande, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Malfaiteur, Chef de bande. Camarade dévoué, complice. Grosse jambe.

Virmaître, 1894 : Ami. La figure en juste ; un poteau soutient. Poteau veut dire aussi complice (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Camarade, complice.

Hayard, 1907 : Ami.

France, 1907 : Camarade, complice. On s’appuie sur lui ; il sert comme un poteau de soutien.

Si ton poteau te passe à l’as,
Bidonne, il chopera Mazas.

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

Poteau (avoir son)

La Rue, 1894 : Être complètement ivre.

Poteau, pote

anon., 1907 : Ami.

Poteaux

Larchey, 1865 : Grosses jambes. — Gavarni définit ainsi celles d’une danseuse qui ruine ses amants :

Deux poteaux qui montrent la route de Clichy.

— V. d’Hautel.

Delvau, 1866 : s. m. pl. Jambes solides, — dans l’argot des faubouriens. On se souvient de la définition, par Gavarni, d’une danseuse maigre de partout, et ayant la réputation de ruiner ses amants : « Deux poteaux qui montrent la route de Clichy. »

Rigaud, 1881 : Jambes engorgées, grosses jambes.

Virmaître, 1894 : Jambes énormes, comme disent les voyous : grosses du bas et énormes du haut (Argot du peuple).

Potée

d’Hautel, 1808 : Elle a une potée d’enfans. Pour dire un grand nombre d’enfans.
Éveillé comme une potée de souris. Se dit d’un enfant vif, agile, alerte, et très-turbulent.

Rigaud, 1881 : Litre de vin. — Enfiler sa potée, boire son litre.

France, 1907 : Quantité, grand nombre.

Les pauvres ne font point tant d’embarras pour un môme qui leur vient : quand il leur en viendrait même une potée, on beurre un peu moins son pain, voilà tout ! et la graine monte, va comme je te pousse ! à la façon du blé dans les champs.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

France, 1907 : Mesure d’un litre. « Enfiler sa potée », boire un litre ; expression populaire.

Potée, litrée

La Rue, 1894 : Litre.

Potence

Delvau, 1866 : s. f. Homme ou femme d’une grande rouerie, qui ne vaut pas la corde qu’on achèterait pour les pendre. On dit aussi Roué comme une potence.

Potet

Delvau, 1866 : s. et adj. Maniaque, radoteur, vieil imbécile. On dit aussi Vieux potet, — même à un jeune homme. Ne serait-ce pas une syncope d’emboté ? ou une allusion à la vieille toupie qui sert de potet aux enfants ?

France, 1907 : Homme bizarre, maniaque. Vieux fou ; argot populaire.
Ce serait, d’après Alfred Delvau, une syncope d’empoté, ou une allusion à la vieille toupie qui sert de potet aux enfants.

Potin

Delvau, 1866 : s. m. Bavardage de femmes, cancan de portières, — dans l’argot du peuple, qui a emprunté ce mot au patois normand. Faire des potins. Cancaner. Se faire du potin. Se faire du mauvais sang, s’impatienter à propos de médisance ou d’autre chose.

Rigaud, 1881 : Bruit, vacarme, — dans le jargon du peuple. — Faire du potin.

Rigaud, 1881 : Bavardage où un peu de vérité est mêlé à beaucoup de mensonges ; genre de conversation très usitée parmi les portières. — Faire des potins, faire des cancans.

La Rue, 1894 : Bavardage. Bruit.

Rossignol, 1901 : Cancans, racontars Faire du potin veut aussi dire faire du bruit.

France, 1907 : Bruit, cancans, bavardage, médisances. Ce mot est d’origine normande.

La vertu provinciale est faite surtout des préjugés de famille et de la crainte des potins et scandales. Dans la vie de château, il est déjà très difficile de tromper son mari ; dans une petite sous-préfecture, c’est à peu près impossible, et tout le monde n’a pas le courage de Mme Bovary faisant chaque jour deux lieues en diligence pour aller voir son bien-aimé.

(Colombine, Gil Blas)

Fermez l’gaz et qu’tout l’mond’ sorte,
Il est deux heur’s du matin,
Et surtout n’fait’s pas d’potin ;
Les agents sont à la porte !

(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)

Potinage

France, 1907 : Bavardage, médisance, cancans.

Autant je hais le potinage, la calomnie, toutes les saletés que l’envie recèle ou que la jalousie enfante, autant je crois du devoir de tout brave écrivain d’aller où retentit le cri d’appel, la clameur de détresse.

(Séverine)

Potine

France, 1907 : Petite sardine ; terme de pêche.

Potiner

Delvau, 1866 : v. n. Bavarder, faire des cancans, des potins.

Rigaud, 1881 : Jacasser en altérant la vérité, en se livrant à des débauches de suppositions malveillantes.

France, 1907 : Médire.

Vous n’êtes pas resté deux jours sur une plage, que la province vous manifeste son existence par ce qui la caractérise le plus essentiellement, c’est-à-dire le potin. Peut-être n’y a-t-il que des Parisiens ; mais ces Parisiens sont subitement devenus provinciaux. Ils potinent.

(Aramis, Gil Blas)

Potinier

France, 1907 : Médisant, bavard malveillant.

La gent féminine est la même partout, papillotante, rancunière, potinière et criarde. C’étaient des disputes perpétuelles, des coups, des luttes, des trames secrètes, des ma chère, des croyez-vous, des c’est bon, c’est bon, et des menaces.

(Léon Daudet, Les Morticoles)

Potinier, potinière

Rigaud, 1881 : Celui, celle qui se complaît à bavarder sur les moindres faits et gestes d’autrui, avec accompagnement d’interprétations malveillantes.

Potins

Larchey, 1865 : Embarras, commérages.

De quoi ! on a ses potins comme tout le monde.

Monselet.

Potiron

d’Hautel, 1808 : Ce mot est en butte à plus d’un barbarisme : les uns disent paturon, et les autres poturon ; c’est potiron qu’il faut dire pour bien parler.

Rigaud, 1881 : Derrière et poturon par altération. Allusion de rotondité.

L’ pied m’ glisse, et sur l’ poturon j’ tombe.

(Le Parfait catéchisme poissard.)

Fustier, 1889 : Argot des élèves de l’École de Saint-Cyr. Ils appellent ainsi les jeunes gens qui, bien que de nationalité étrangère, sont admis à suivre les cours de l’École.

Shérif-Bey vient de recevoir sa nomination d’élève de Saint-Cyr, à titre d’étranger. Les élèves de cette catégorie sont appelés à l’École des Potirons.

(Paris, octobre 1885.)

France, 1907 : Le derrière ; argot populaire.

— Eh ! la grosse mère, quand on porte avec soi un pareil potiron, on doit payer deux places dans les omnibus !

(Les Gaietés du régiment)

France, 1907 : Grosse femme, fessière et mamelue ; argot populaire.

Elles y viennent, les chéries,
En beaux atours, en falbalas,
Les jeunes et les défraîchies,
Les poitrons, les échalas.

(Jacques Rédelsperger, Nos Ingénues au salon)

Potiron roulant

Rigaud, 1881 : Cabriolet.

France, 1907 : Cabriolet ; argot populaire.

Potot

France, 1907 : Péléraste.

Potron jacquet

d’Hautel, 1808 : Se lever dès le potron jacquet. Pour dire à l’aube du jour ; au lever de l’aurore.

Pots à colle

Rossignol, 1901 : Ouvriers ébénistes.

Pou

d’Hautel, 1808 : Chercher des poux à la tête de quelqu’un. Lui faire une méchante querelle ; lui chanter pouille, lui chercher chicane à propos de rien, et dans le dessein de s’en débarrasser.
Il écorcheroit un pou pour en avoir la peau. Se dit d’un avare ; d’un homme fort parcimonieux.
Laid comme un pou. Pour dire laid à faire peur ; qui a un visage rebutant.
Se laisser manger aux poux. Se complaire dans la vilenie, la malpropreté.

Pou affamé

Delvau, 1866 : s. m. Ambitieux à qui l’on a donné un emploi lucratif et qui veut s’y enrichir en peu de temps.

France, 1907 : Ambitieux à qui l’on a donné un emploi lucratif et qui veut s’enrichir en peu de temps. La plupart des politiciens de notre époque ne sont que des poux affamés.

Pou de sacristie

France, 1907 : Dévot, hypocrite, marmotteur de patenôtres.

Les poux de sacristie ont trouvé une sorte de plaisanterie extra-topique. Quand ils ont un surcroit d’absinthe sur la conscience, c’est-à-dire sur l’estomac, ils cultivent un brin de poésie. Ils s’amusent à fabriquer des chansons atroces, épouvantables ; puis ils prétendent les avoir reçues par la poste et les publient pour terroriser les deux douzaines de gâteux auxquels ils envoient leur journal gratis.

(L’Évènement, 1877)

Pouacre

d’Hautel, 1808 : Un vilain pouacre. Épithète injurieuse pour dire un homme sale, malpropre, un sagouin.

Poubelle

France, 1907 : Boite à ordures d’une forme et d’une dimension prescrites que tout propriétaire parisien est obligé de déposer chaque matin en face de sa maison, appelée ainsi du nom du préfet de la Seine qui en prescrivit l’usage.

Est-ce que la Ville, assez riche pour ses quinquets, ses gueuletons, ses fêtes, et son champagne, ne devrait pas, au moins, donner du pain trempé d’eau chaude et avivé de sel à ses miséreux ? Il en est qui disputent aux chiens —je l’ai vu ! — les os des poubelles !

(Séverine)

Dans la boite qu’il inventa,
Que de son nom propre il dota,
Que de choses, Muse immortelle,
Fouillant d’un crochet assidu,
Il trouva, ce géant poilu,
Le bon Poubelle !
Préfet, chevalier, commandeur,
Chargé d’affaire, ambassadeur
Au pays de la mortadelle,
Brevets, diplômes et rubans.
Grades, titre, il trouva tout dans
Sa bonn’ poubelle !
Vers le faite toujours montant,
C’est le Sénat que, maintenant,
Il va guignant, vieillard ficelle ;
Et sitôt qu’il y siègera,
Les ministres il enverra,
À la poubelle !

(Le Journal)

Poubelle (la)

Virmaître, 1894 : Boîte à ordures qui tire son nom du préfet de la Seine qui en a ordonné l’usage. Avant, les ordures étaient jetées en tas dans la rue (Argot du peuple). N.

Pouce

d’Hautel, 1808 : Jouer du pouce. Pour dire compter ou donner de l’argent ; faire des dépenses forcées.
J’aimerois autant baiser mon pouce. Se dit en parlant d’une chose qui est fort indifférente ; qui fait peu de plaisir.
S’en mordre les pouces. Se repentir, quand il n’est plus temps, d’avoir fait, ou quelquefois de n’avoir pas fait une chose.
Avoir les pouces serrés. Être à court d’argent ; avoir des affaires embarrassées.

Pouce !

Fustier, 1889 : Exclamation que poussent les enfants dans leurs jeux en tenant le bras levé et les doigts fermés, moins le pouce. Les gamins indiquent ainsi avec cette sorte de drapeau parlementaire qu’ils cessent momentanément de jouer et qu’on n’a aucune prise sur eux. Ils disent aussi trèfle, par corruption de trêve.

Pouce (avoir du)

Delvau, 1866 : Avoir de la vigueur ; être fièrement campé, crânement exécuté, — dans l’argot des artistes.

Pouce (coup de)

France, 1907 : Petit choc que le débitant imprime à sa balance, ce qui lui permet de filouter sur la quantité de la marchandise.

Pouce (et le) !

France, 1907 : Et le surplus.

Pouce (et le) !

La Rue, 1894 : Davantage, plus qu’on ne croit. Donner le coup de pouce, étrangler. Le coup de pouce du détaillant fait pencher le plateau de la balance avant que le poids exact s’y trouve.

Pouce (mal au)

France, 1907 : Manque d’argent. C’est avec le pouce que l’on compte l’argent. Avoir mal au pouce, c’est ne pouvoir s’en servir pour compter. On dit aussi dans le même sens : avoir les pouces gelés.

Pouce rond (avoir le)

Rigaud, 1881 : Être adroit.

Poucer

La Rue, 1894 : Assommer ou étrangler (donner le coup de pouce).

France, 1907 : Assommer.

Poucette, poussette

France, 1907 : Acte de pousser sa mise, de pousser son enjeu sur le tapis, lorsque l’on est certain de gagner.

Il arrive que les gens du monde aient leurs faiblesses. On en a vu chercher à gagner leur vie par des combinaisons trop ingénieuses ; des doigts qui ne s’étaient pourtant pas corrompus à tenir la plume faisaient la poucette et quelques gentilshommes payaient leurs créanciers avec le revenu de leurs châteaux en Espagne.

(Nestor, Gil Blas)

Girond discipl’ de la poussette,
Dans ta valad’ s’y a tripette,
Sous l’naz du pont y faut marner,
De riff retirer ou pousser,
Que l’caoutchouc sous l’poignet reste,
Manœuvre-le sans faire un geste.

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

Il arrive que le grec tient son poing fermé sur le tapis ; il l’ouvre, si le point de son tableau lui paraît bon, et laisse tomber un jeton ou un billet. C’est la poucette du semeur.

Pouchon

anon., 1827 : Bourse.

Bras-de-Fer, 1829 : Bourse.

Halbert, 1849 : Bourse.

Rigaud, 1881 : Bourse ; pour pochon, poche, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Bourse ; argot des voleurs.

Poudre

d’Hautel, 1808 : Il n’a pas inventé la poudre. Se dit d’un homme peu intelligent ; d’un esprit simple et borné.
Jeter de la poudre aux yeux. C’est le fait des charlatans, qui éblouissent le public par de vaines paroles, par des discours artificieux, par des gestes audacieux et enthousiastes.
La poudre à perlin pinpin. Poudre que les charlatans emploient pour toutes sortes de maladies, et à laquelle ils supposent la vertu de guérir tous les maux.
Prendre la poudre d’escampette. Pour s’esquiver, se sauver, s’enfuir à toutes jambes.
Tirer sa poudre aux moineaux. Pour dire faire beaucoup d’embarras, prendre beaucoup de peine pour une chose qui ne le mérite pas.

La Rue, 1894 : Bruit fait autour d’une affaire : Il n’y a pas de poudre dans les numéros, on ne parle de rien dans les journaux.

Poudre à la maréchale

France, 1907 : « La comtesse Diane était ce qu’elle était, tout naturellement, naïvement, sans y chercher malice, sans même s’apercevoir qu’on puisse y chercher malice. En cela encore elle n’était point de notre époque, mais bien du siècle dernier, dont elle a les yeux enfantinement fripons, le nez à l’évent, la gorge insolemment découverte, la perruque blanche poudrée à la maréchale, et le visage tout en maquillage avec le coin de la lèvre ponctué d’une mouche ingénument cantharide. »

(Jean Richepin)

Poudre d’escampette

Delvau, 1866 : s. f. Fuite. Prendre la poudre d’escampette. S’enfuir. C’est ce qu’on appelait autrefois Faire escampativos.

Poudre d’escampette (prendre la)

Larchey, 1865 : Décamper. — Jadis, on disait escamper pour décamper.

Poudre de joie

France, 1907 : Aphrodisiaque, nommé aussi tablettes de magnanimité, électuaire Satyrion. On raconte que la du Barry donnait de la poudre de joie à Louis XV, chaque fois qu’elle le sentait faiblir.

Poudre de Perlinpinpin

Delvau, 1866 : s. f. Remède sans efficacité ; graine d’attrape, — dans l’argot du peuple.

Poudre faible

Delvau, 1866 : s. f. Eau, — dans l’argot des francs-maçons. On disait autrefois Huile blanche. Poudre forte. Vin. On disait autrefois Huile rouge. Poudre fulminante. Eau-de-vie. Poudre noire. Café noir liquide.

France, 1907 : Eau. Poudre forte, vin ; poudre fulminante, eau-de-vie ; poudre noire, café. Argot des francs-maçons.

Poudrer

Delvau, 1866 : v. a. et n. Se moquer, — dans l’argot des gamins, qui font le geste bien connu par lequel ils ont l’air de poudrer la tête de la personne dont ils se moquent. On dit aussi Poudrer à blanc.

Poudreux

d’Hautel, 1808 : Un pied poudreux. Pour dire un gueux, un misérable, un homme de néant.

Pouf

Larchey, 1865 : Catastrophe financière, fauteuil bas largement capitonné. V. Puff.

Les pertes que vos trous dans la lune ou vos poufs, pour parler le style du local, lui occasionnent.

Vidal, 1833.

Delvau, 1866 : s. m. Dette qu’on ne paye pas ; crédit qu’on demande et auquel on ne fait pas honneur. Argot du peuple. Signifie aussi Banqueroute. Quoique pouf ait l’air de venir de puff, comme la malhonnêteté vient du mensonge, ce sont des mots d’une signification bien différente, et on aurait tort de les confondre.

France, 1907 : Dette chez un fournisseur, généralement un restaurateur ou un cafetier. « Faire un pouf ; partir en laissant un pouf. » Ce serait, suivant Lorédan Larchey, une onomatopée faisant allusion au bruit sourd produit par la chute d’un paquet lancé par la fenêtre dans un déménagement à la cloche de bois ; mais il faut observer que les Anglais ont le mot puff (prononcez pouf) pour exprimer un souffle des lèvres, moquerie ou mépris, ou un saut d’une place à l’autre. Faire un pouf serait donc donner du vent à ses créanciers, ou s’esquiver rapidement.

Pouf !

d’Hautel, 1808 : Interjection qui sert à exprimer le bruit que fait un corps solide en tombant.

Pouf (faire un)

Rigaud, 1881 : Ne pas payer une dette. — Faiseur de poufs, celui qui a l’habitude de ne pas payer ses dettes. Le faiseur de poufs déménage tous les six mois en laissant dans tous les quartiers des créanciers consternés, jusqu’au jour où quelque escroquerie qualifiée l’envoie sur les bancs de la police correctionnelle.

Pouffer

d’Hautel, 1808 : Se pouffer de rire. Pour dire, éclater de rire ; rire à gorge déployée.
On dit plus communément, s’épouffer.

Pouffiace

Larchey, 1865 : Femme sale, avachie.

Virmaître, 1894 : Fille publique avariée. On dit aussi : chameau, chiasse, camelotte (Argot des souteneurs).

Pouffiace, peauffiace

Rigaud, 1881 : Prostituée sur le retour.

Pouffiasbourg

Delvau, 1866 : n. d. v. Asnières, — dans l’argot des faubouriens, qui savent que ce village est le rendez-vous de la Haute-Bicherie parisienne. On dit aussi plus élégamment : Gadoûville.

Pouffiasse

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie.

La Rue, 1894 : Femme vile, prostituée.

Hayard, 1907 : Vieille fille publique.

Pouffiasser

Delvau, 1866 : v. n. Mener une conduite déréglée — quand on est femme. Fréquenter avec les drôlesses — quand on est homme.

Poufiasbourg

France, 1907 : Sobriquet donné à Asnières près Paris, à cause du nombre de femmes de mœurs légères qui viennent y résider.

Poufiasse

Rossignol, 1901 : Prostituée.

France, 1907 : Sale femme, prostituée de bas étage ; argot populaire qui se trouve dans le parler béarnais.

Le directeur du bagne lui paya une chopine d’arnica, pour panser ses hochons, puis exigeant de la poufiasse qu’elle porte plainte, il rédigea pour elle une déposition.
Mais quand il s’est agi de dégotter des témoins, bernique ! personne n’a voulu marcher.

(Le Père Peinard)

Si j’ai pas l’rond, mon surin bouge,
Or quand la poufiasse a truqué,
Chez moi son beurre est pomaqué :
Mieux vaut bouffer du blanc qu’du rouge.

(Jean Richepin)

Poufiasser

France, 1907 : Mener une vie de débauché ou de poufiasse.

Pouic

Rigaud, 1881 : Rien, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Rien, peu ; du vieux mot poic dérivé du latin pocus. Argot des voleurs.

Les bois n’offrant plus de ressource,
Ami Cartouche, code en main,
Prends ton embuscade à la Bourse,
Fais-toi banquier de grand chemin.
À prime dont un ! Ça m’arrange !
Jaspinons bigorne en public,
Dans l’argot des agents de change
Où l’on n’entrave que le pouic.

(Eugène Pottier)

Pouic !

Delvau, 1866 : Rien ! non ! — dans l’argot des voleurs.

Pouiffe

Halbert, 1849 : Argent.

Rigaud, 1881 : Argent, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Argent ; argot des voleurs.

France, 1907 : Femme de mauvaise vie : corruption de poniffe.

Pouillard

Delvau, 1866 : s. m. Dernier perdreau d’une couvée ou dernier levraut d’une portée. Argot des chasseurs.

France, 1907 : « Les pouillards — en patois de Dieppe — sont de pauvres bougres, généralement des vieillards, quelques-uns à demi morts, tous malingreux et marmiteux, mais capables quand même de tirer sur le câble de halage. Chacun d’eux, pris à part, est débile et à peine en état de se traîner lui-même. Mais, quand ils sont une douzaine où une quinzaine ensemble, tous attelés au câble, ce chapelet de crabes estropiés suffit à tirer dans le goulet le bateau qui veut entrer au port ou en sortir sans voiles. »

(Jean Richepin)

En dédommagement de leurs fatigues, les pouillards ont la jouissance d’une baraque sur la jetée de Dieppe, où ils peuvent se mettre à l’abri et, en plus, d’une certaine quantité de houille pour s’y chauffer pendant l’hiver.

France, 1907 : Le plus jeune perdreau ou le plus jeune levreau d’une portée ; argot des chasseurs.

Pouille

d’Hautel, 1808 : Querelle, brouillerie, contestation.
Chanter pouille à quelqu’un. Pour dire, lui faire des reproches, de vives réprimandes ; lui dire de grosses injures.

Pouille (faire la)

France, 1907 : Se passer ou se lancer des matériaux de main en main, comme font les couvreurs, les maçons.

Pouiller

d’Hautel, 1808 : Pouiller quelqu’un. Lui gagner en jouant tout son argent, le décaver ; le mettre à sec.
Pouiller. Dire des pouilles ; chercher querelle ; dire des injures à quelqu’un.

Pouilleux

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme pauvre, — dans l’argot méprisant des bourgeois. Signifie aussi Économe — et même avare.

Rigaud, 1881 : Avare.

France, 1907 : Nécessiteux, pauvre hère, avare.

Depuis quelques jours nous n’avons plus ni fêtes, ni banquets. Nous ne sommes plus invités que chez des pouilleux, des conseillers municipaux, des députés de province ; on mange mal, on boit de sales vins. J’aime mieux rentrer dans ma famille…

(Le Don Juan)

Pouisse-magnée

Halbert, 1849 : Femme sans mœurs, tribade.

Poulailler

d’Hautel, 1808 : Se dit en plaisantant, pour chambre, demeure, logis, maison.
S’en retourner au poulailler. Pour dire, à la maison.
Il veut être riche marchand, ou pauvre poulailler. Pour, il veut tout gagner ou tout perdre.

Larchey, 1865 : C’est la partie du théâtre la plus voisine du lustre. Les spectateurs y sont juchés par gradins comme sur un perchoir. — On dit aussi Paradis, parce que ces places sont au ciel, dont le soleil est le lustre.

Delvau, 1866 : s. m. Partie du théâtre la plus voisine du plafond, ordinairement désignée sous le nom d’Amphithéâtre. Argot du peuple.

France, 1907 : Galerie intérieure de certaines églises, soit par allusion au poulailler des théâtres, soit parce qu’elle se garnit des vieilles poules de sacristie.

Au fond, sous le poulailler, pend la grosse corde à laquelle les gas s’accrochent, les jours de noce ou de baptême, pour lancer la cloche à toute volée.

(Harry-Alis Petite Ville)

On appelle aussi de ce nom la plus haute galerie d’un théâtre.

Ils adorent le théâtre, les Parisiens. Ils ont tous un peu l’âme de ce titi, fidèle abonné du poulailler de l’Ambigu, qui, brûlant d’amour pour la jeune première, lui adressait une déclaration terminée en ces termes : « Du reste, Mademoiselle, vous me reconnaîtrez facilement. Mes jambes pendront. »

France, 1907 : Maison mal famée ; argot populaire. Les pensionnaires de ce genre de maison sont appelées poules.

Poulailler, paradis

Rigaud, 1881 : Les mansardes du théâtre. — Poulailler : parce que le public des petits théâtres se plaît à imiter parfois les cris de certains animaux et principalement le chant du coq. Paradis : parce qu’on y mange beaucoup de pommes, d’après la définition de M. Dumas fils.

Poulain

Delvau, 1864 : Tumeur vénérienne qui vient dans les aines, et qu’on appelle ainsi probablement par antiphrase — puisqu’elle vous empêche de marcher.

Des deux côtés du con tu nourris deux poulains,
Et de pus malfaisants tous tes vaisseaux sont pleins.

(Un troupier au dou.)

Poulain (faire un)

France, 1907 : Tomber de cheval ; argot militaire.

Poulain (faire)

Merlin, 1888 : Tomber.

Poulaine

Fustier, 1889 : Cabinets d’aisance. Argot du bagne.

On s’entassait à la poulaine (lieux d’aisance) où une pompe, installée tout exprès, fournissait en grande abondance l’eau nécessaire à ces ablutions.

(Humbert : Mon bagne.)

La Rue, 1894 : Lieux d’aisances.

France, 1907 : Lieux d’aisances ; argot des marins passé dans celui du bagne. Cet endroit est appelé ainsi parce que, sur les navires, il se trouve à l’avant du vaisseau, appelé poulaine.

Poulainte

Delvau, 1866 : s. f. Vol par échange.

Rigaud, 1881 : Vol par échange. (Fr. Michel.)

La Rue, 1894 : Vol par échange.

France, 1907 : Tricherie sur un échange de marchandises ; argot des voleurs.

Poularde

Rigaud, 1881 : Fille, femme ou veuve plus ou moins entretenue.

On les appelle poulardes depuis hier, ce qui est plus joli que belles-petites.

(La Vie moderne, du 12 juin 1880.)

Jusqu’à présent, ni l’un ni l’autre de ces deux vocables, nés autour d’une table de rédaction, n’a encore dépassé les colonnes de certains journaux ; ni l’un ni l’autre ne semble avoir beaucoup de chance de vitalité.

France, 1907 : Femme entretenue ; argot populaire.

Poule

d’Hautel, 1808 : Ma poule. Terme de bienveillance, de tendresse et d’amitié, que l’on emploie ordinairement en parlant à une petite fille.
Une poule mouillée. Homme mou, sans capacité, sans vigueur.
Faire le cul de poule. Faire la lipe ; bouder ; être d’une humeur maussade.
Un bon coq a sept poules. Se dit par plaisanterie d’un homme volage, qui courtise plusieurs femmes à-la-fois.

La Rue, 1894 : Non, rien.

Hayard, 1907 : Femme.

France, 1907 : Maîtresse mâle de forçat.

On a vu des forçats, séparés de leur poule par la libération où l’échafaud, s’éteindre de désespoir et de langueur, dans l’impuissance de la rejoindre, si elle était libre ; ou périr par le bourreau, parce qu’elle avait péri par le bourreau.

(A. Dauvin)

Poule (découasser une)

France, 1907 : La plonger dans l’eau pour lui faire perdre l’envie de couver.

Poule d’eau

Rigaud, 1881 : Blanchisseuse qui lave sur un bateau-lavoir en Seine. — dans le jargon des mariniers.

Virmaître, 1894 : Blanchisseuse. Elle est bien nommée, puisqu’elle passe sa vie à l’eau (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Blanchisseuse.

France, 1907 : Blanchisseuse dénommée aussi baquet insolent.

Poule laitée

Delvau, 1866 : s. f. Homme sans énergie, — dans l’argot du peuple. Il dit aussi Poule mouillée.

France, 1907 : Homme sans énergie.

Poule mouillée

France, 1907 : Même sens que poule laitée.

— Sacrédié ! hurlait Béchu, vous n’êtes tous que des poules mouillées ! Comment ! voilà un camarade que sa femme, au su et au vu de toute la ville, fait cocu, et pas un de vous n’ose se risquer à lui dire ce qui se passe !

(Camille Lemonnier)

Poule-d’eau

Halbert, 1849 : Blanchisseuse.

Poules

Delvau, 1866 : s. f. pl. La population d’une abbaye des s’offre-à-tous.

Poulet

d’Hautel, 1808 : Mot satirique et injurieux qui équivaut à bête, nigaud, sot, stupide, homme simple et borné.
C’est aussi un terme caressant que l’on donne aux petits enfans. Mon poulet ; ma poulette.

Delvau, 1866 : s. m. Billet doux, ou lettre raide, — dans l’argot du peuple, qui se sert du même mot que Shakespeare (capon).

France, 1907 : Billet doux, missive d’amour. Ce nom viendrait de ce qu’en Italie c’était généralement des marchands de volailles qui se chargeaient des messages d’amour. Allant de maison en maison, ils pouvaient s’acquitter de ces commissions sans éveiller la méfiance des maris ou des parents. Ils cachaient d’ordinaire le billet sous l’aile de la volaille qu’ils présentaient au destinataire. D’après le géographe Duval, qui écrivit en 1636 un Voyage en Italie, ceux que l’on surprenait dans ce commerce d’entremetteur étaient punis du supplice de l’estrapade avec deux poulets vivants attachés à leurs pieds.

Une institutrice avait écrit dans ses mémoires : « Poulet, oiseau à quatre cuisses. »

(Dr Grégoire, Turlutaines)

Pas de danger que tu m’apprennes
Les potins du jour ; tes poulets
N’ont vraiment rien dans leurs bedaines,
Et cependant, si tu voulais…

(Jacques Rédelsperger)

Poulet (coup du)

France, 1907 : On appelle ainsi, dans l’argot des polytechniciens, la coutume antique, mais peu honnête, de chiper la portion de poulet des nouveaux, le premier jeudi qui suit la rentrée. Privés de poulet, les conscrits doivent se contenter de bœuf bouilli qu’on leur sert à la place.

Poulet (manger le)

France, 1907 : Se dit d’un maître maçon, d’un entrepreneur ou d’un architecte qui s’entendent pour forcer la note partager un gain illicite.

Poulet d’hospice

Delvau, 1866 : s. m. Homme maigre.

France, 1907 : Même sens que poulet de carême.

Poulet d’Inde

Larchey, 1865 : Cheval.

Trois poulets d’Inde et puis monsieur feraient un fringant attelage

Vadé, 1755.

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile, maladroit.

Delvau, 1866 : s. m. Cheval.

Rigaud, 1881 : Cheval, — dans le jargon des soldats de cavalerie.

Merlin, 1888 : Cheval.

La Rue, 1894 : Cheval. Maladroit.

France, 1907 : Cheval.

Poilloüe de Saint-Mars a l’amour et le respect du cheval, cette moitié (quelquefois la plus intéressante) du cavalier. Il veut le poulet d’Inde bien pansé, bien nourri, bien lavé ; que la litière soit propre et la ration abondante, que les sévices soient rares ; enfin, que le pauvre animal, déchu dans la vie civile, ne garde pas un mauvais souvenir de son temps de service.

(Séverine)

Trois poulets d’Inde et pis Monsieur
Feriont un fringant attelage.

(Vadé)

Poulet de carême

Delvau, 1866 : s. m. Hareng saur. Les gueux de Londres appellent le hareng saur Yarmouth capon (chapon de Yarmouth).

Virmaître, 1894 : Hareng saur. C’est un triste poulet qui pourtant fait le bonheur d’un tas de pauvres gens. Le hareng se nomme aussi un gendarme (Argot du peuple).

France, 1907 : Hareng saur. En Angleterre, on dit Yarmouth capon, chapon de Yarmouth, à cause de la quantité de harengs qu’on débarque dans ce port.

Pouletoscope

France, 1907 : « Petit instrument appele aussi gallinoscope, destiné à distribuer, par voie de roulement, les différents morceaux du poulet qui sera découpé au repas du soir… L’instrument se compose d’un cercle mobile divisé en cinq secteurs égaux portant chacun l’indication d’une des portions (la carcasse, les deux pattes, les deux ailes) et se mouvant devant un cadran fixe sur lequel sont inscrits les noms des dix élèves de la table. »

(Albert Lévy et G. Pinet)

Poulette

Delvau, 1866 : s. f. Grisette, femme légère qui se laisse prendre au cocorico des séducteurs bien accrêtés. Lever une poulette. « Jeter le mouchoir » à une femme, dans un bal ou ailleurs.

France, 1907 : Jeune fille, jeune femme.

Vous savez comme on mange aux fêtes de village, et chez l’ami Castagne je vous réponds que personne ne meurt de faim. Nous eûmes un repas qui se faisait dire vous : coquilles d’écrevisses, truites de la Sorgues, rien que des viandes fines et du vin cacheté ; le coup du milieu ; des liqueurs de toutes sortes, et, pour nous servir à table, une poulette de vingt ans qui… je ne vous en dis pas davantage.

(Frédéric Mistral)

Époux d’une aimable poulette,
Beaux discours ne servent à rien,
Croyez-moi, suivez ma recette, ;
Elle est simple et fait toujours bien :
Le jardinier cultive, arrose
Soir et matin la tendre fleur ;
C’est par ce moyen que la rose
Conserve longtemps sa fraîcheur.

(Pigault-Lebrun, L’Esprit follet)

Pouleur

Delvau, 1866 : s. m. Souscripteur de poules, parieur de courses.

Pouliche

Rossignol, 1901 : Jeune femme.

Poulot

France, 1907 : Diminutif. Poulailler, au théâtre.

France, 1907 : Appellation familière et amicale.

Nous grimpons dans le véhicule,
Thomas s’explique en peu de mots,
La somnambule aussitôt
Lui répond : Mon gros poulot !
Votre femm’, c’est bien entendu,
Mon cher, soyez-en convaincu,
En ce moment, vous fait cocu !

(Réal)

France, 1907 : Jeune niais, naïf, timide.

— De loin… sous le réverbère j’avais aperçu une petite… en cheveux… Elle ne s’en allait pas… elle me guettait venir… Je me tâtais pour savoir si je rentrerais dans mon chez moi ou si j’allais répondre à son bonjour… Elle me parla si poliment, si poliment, qu’on aurait dit qu’elle demandait son chemin… C’était une jeunesse dans les vingt ans, un peu boulotte… Je suis resté poulot pour ça… il m’en faut… Et puis, elle était propre sur soi… J’y ai toujours tenu aussi… même quand j’étais garçon… en cabinet garni… où c’est difficile.

(Hugues Le Roux)

Pouls

d’Hautel, 1808 : Se tâter le pouls. Hésiter ; se consulter ; mesurer ses forces ; être en balance, dans l’incertitude,

Poumon

d’Hautel, 1808 : Le peuple dit habituellement, paumon.

Poupard

Larchey, 1865 : « Un petit poupard (vol préparé de longue main) que nous nourrissons depuis deux mois. » — E. Sue. — V. Nourrir.

Delvau, 1866 : s. m. Nourrisson bien portant, — dans l’argot du peuple. Gros poupard. Se dit d’un homme aux joues roses, sans barbe, ressemblant à un nourrisson de belle venue. On dit aussi poupon. On a dit autrefois poupin, comme en témoigne cette épigramme du seigneur des Accords :

Estant popin et mignard,
Tu veus estre veu gaillard ;
Mais un homme si popin
Sent proprement son badin.

Delvau, 1866 : s. m. Affaire préparée de longue main, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Vol ou assassinat. Nourrir un poupard, comploter un vol ou un assassinat. On dit aussi poupon.

Poupée

d’Hautel, 1808 : Une poupée à ressorts. Terme équivoque et satirique qui signifie courtisane, fille de joie, prostituée ; femme galante et de mauvaise vie.
C’est une vraie poupée. Se dit aussi par raillerie d’une petite femme parée d’une manière ridicule.
Faire sa poupée de quelque chose. En faire ses délices ; prendre des soins particuliers à l’orner, à l’embellir.

Delvau, 1864 : Femme galante avec le cul de laquelle il est permis à tout le monde déjouer, comme Néron avec celui de Poppée.

Je m’en fus rue Saint-Honoré pour y trouver ma poupée. Je lui dis : ma petite femme…

Vidal.

Larchey, 1865 : Soldat (Vidocq). — Allusion à la raideur militaire.

Larchey, 1865 : Prostituée.

Je m’en fus rue Saint Honoré pour y trouver ma poupée.

Vidal, 1833.

En 1808, on disait une poupée à ressorts. V. d’Hautel.

Delvau, 1866 : s. f. Soldat, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Morceau de linge dont on enveloppe un doigt blessé. On dit aussi Cathau.

Delvau, 1866 : s. f. Concubine, — dans l’argot du peuple, qui sait que ces sortes de femmes se prennent et se reprennent par les hommes comme les poupées par les enfants. C’est la mammet des ouvriers anglais. On dit aussi, — quand il y a lieu : Poupée à ressorts.

Rigaud, 1881 : Soldat, — dans l’ancien argot.

Rigaud, 1881 : Fille publique.

Rigaud, 1881 : Chiffon qui entortille un doigt malade.

La Rue, 1894 : Soldat. Concubine.

France, 1907 : Femme nulle, oisive et sans cervelle qui n’a d’autre souci que celui de sa toilette ; coquette appartenant à la catégorie de ces toquées qui suggèrent par leurs allures la légende d’un dessin de Gavarni : « Que Dieu préserve vos fils de mes filles !»

Il y a parfois, chez les peuples, des heures de folie ; il faut les leur pardonner. Les femmes, faites non pour concevoir des idées, mais des enfants, peuvent bien, elles aussi, par instant, céder au vertige. Elles ne sont pas équilibrées comme nous, et quand parfois, la science fait l’autopsie de ces charmantes poupées à ressorts, elle trouve dans leurs jolies têtes beaucoup plus de poudre de riz que de cervelle.

(Louis Davyl)

France, 1907 : Maîtresse.

Le petit Anatole, garçonnet de six ans, s’est emparé de la poupée de sa sœur et s’amuse à la déshabiller. Survient la maman qui gronde son fils en lui faisant observer que les petites filles seules jouent à la poupée. Anatole ouvre des yeux énormes et reprend :
—- Mais papa y joue bien, lui, à la poupée !
— Comment cela ? que veux-tu dire ?
— J’ai entendu ma bonne qui disais à celle de la voisine : « V’là encore Monsieur qui va jouer avec sa poupée. C’est la deuxième que je lui connais… Et elle lui coûte cher. »

France, 1907 : Petite fille on petit garçon, trop richement habillé, comme les classes riches ont coutume d’accoutrer leurs enfants… pour les rendre sots, maniérés, vaniteux, guindés et augmenter leur mépris du pauvre. Cette ridicule et coupable vanité ne date pas d’hier. Il y a longtemps que Diderot écrivait à Mlle Volland, en lui parlant de son neveu : « J’eus le courage de dire hier au soir à Mme Le Gendre qu’elle se donnait bien de la peine pour ne faire de son fils qu’une jolie poupée. Pas trop élever est une maxime qui convient surtout aux garçons : il faut un peu les abandonner à l’énergie de naure. J’aime qu’ils soient violents, étourdis, capricieux. Une tête ébouriffée me plait plus qu’une tête bien peignée. Laissons-les prendre une physionomie qui leur appartienne.
Si j’aperçois à travers leurs sottises un trait d’originalité, je suis content. Nos petits ours mal léchés de province me plaisent cent fois plus que tous vos petits épagneuls si ennuyeusement dressés. Quand je vois un enfant qui s’écoute, qui va la tête bien droite, la démarche bien composée, qui craint de déranger un cheveu de sa figure, un pli de son habit, le père et la mère s’extasient et disent : « Le joli enfant que nous avons là ! » Et moi je dis : « Il ne sera jamais qu’un sot. »
« La Parisienne, dit Gustave Isembert, continue à élever de jolies poupées, de petits épagneuls. Guignol ne rétablit pas l’équilibre, il le rompt, et c’est fort heureux pour Paris que les petits ours mal léchés de province, fortifiés par le grand air, viennent apporter leur sang nouveau au milieu de tant de jolies bêtes nerveuses, anémiées et distinguées. »

France, 1907 : Femme galante, sans doute à cause de la facilité avec laquelle on peut les déshabiller comme les petites filles font de leur poupée.

France, 1907 : Figure qui se trouve à l’avant des bâtiments à voiles. « Vivre entre poupe et poupée », être en mer ; argot des marins.

Poupon

d’Hautel, 1808 : Diminutif, pour dire, un petit enfant gras et potelé.

La Rue, 1894 : Vol préparé de longue main.

Poupon, poupard

Rigaud, 1881 : Vol bien combiné, préparé à loisir. — Nourrir un poupon, combiner un vol, le soigner comme on soignerait un enfant gâté.

Pouponne

d’Hautel, 1808 : Mot flatteur et caressant qu’un amant donne à sa maîtresse ; et un mari, parfois, à sa femme.

Poupouille

Delvau, 1866 : s. f. Cuisine, popote, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Synonyme de popote ; argot populaire.

Poupoule

Larchey, 1865 : Mot d’amitié. Il va sans dire qu’un coq est censé le prononcer.

Reste avec ta poupoule.

E. Lemoine.

Delvau, 1866 : s. f. Chère amie, — dans l’argot des bourgeois.

Pour

d’Hautel, 1808 : Et pour cause. C’est-à-dire, sans rien ajouter, sans en dire davantage.
Pour ce qui est de vous ; pour ce qui est de moi. C’est-à-dire, quant à vous, quant à moi.

Delvau, 1866 : adv. Peut-être, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Peut-être, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Peut-être. Au contraire.

Pour amitié garder, parois entreposer

France, 1907 : La trop grande fréquentation, la vie en commun engendrent les heurts, les froissements, d’où les disputes et les haines ; c’est pourquoi le mariage est si souvent le tombeau de l’amour. D’où il s’ensuit que pour s’aimer il ne faut pas se voir trop souvent. « Un peu d’absence fait grand bien », dit un autre vieux dicton. On trouve cet aphorisme chez tous les peuples. « Rare visite, aimable convive », disent les Russes. Les Anglais : « Amis s’accordent mieux de loin » ; les Allemands : « Une haie conserve verte l’amitié ; aimez votre voisin, mais ne renversez pas la clôture. » « Je préfère que mon ami me trouve oublieux que fâcheux », disent les Écossais. Les Espagnols ; « Gardez vous d’aller tous les jours chez votre frère » ; « Un convive et un poisson sentent le troisième jour. »

Pour chiquer !

Fustier, 1889 : Allons donc ! Plaisanterie ! argot du bagne.

Pour de vrai

Delvau, 1866 : adv. Véritablement, sérieusement, — dans l’argot du peuple. Femme pour de vrai. Femme légitime. Ami pour de vrai. Ami sûr. On dit aussi Pour de bon.

Pour le roi de Prusse (travailler)

France, 1907 : Perdre son temps, travailler pour rien. Cette expression est attribuée à Voltaire, furieux de l’avarice de Frédéric II qui, l’ayant sollicité, en 1750, de se rendre à la cour de Berlin, lui fit subir quantité de petites avanies. Le roi lui avait promis des appointements de ministre, un appartement au château, le chauffage, deux bougies par jour, sucre, thé, café, chocolat à discrétion. Mais le thé et le chocolat étaient de mauvaise qualité, le café était avarié, le sucre en quantité dérisoire, l’éclairage insuffisant. Sur les plaintes de Voltaire, Frédéric répondit qu’il allait chasser ses canailles de valets qui n’exécutaient pas ses ordres. Il ne chassa personne et rien ne fut changé. Sur de nouvelles plaintes, il répondit :
— Comment, mon cher monsieur de Voltaire, est-il possible que vous vous laissiez distraire de vos idées poétiques par de pareilles misères ?… Ah ! je vous en prie, n’employons pas à ces simples bagatelles les moments que nous pouvons donner aux muses et à l’amitié !… voyons, n’en parlons plus…
C’est ainsi que Frédéric apaisa les réclamations du poète grincheux qui n’oublia pas, à son retour à Paris, de révéler la parcimonie de son royal ami.
— J’ai perdu temps et peine, disait-il, à travailler pour de roi de Prusse.

Pour les bas

Rigaud, 1881 : Pourboire des filles de maison, qui font de leurs bas une tirelire.

France, 1907 : Gratuité donnée aux filles des maisons de tolérance, en plus du tarif, et qu’elles glissent dans leurs bas. On dit plus poliment « pour les gants ».

Pour-compte

Delvau, 1866 : s. m. Vêtement marqué dont le client ne veut pas, — dans l’argot des tailleurs. Armoire aux Pour-compte. C’est le carton aux ours chez les vaudevillistes.

Pouraille

France, 1907 : Vieux mot pour canaille, de poure, devenu paure, paovre, et enfin pauvre. Poure était un terme de mépris pour désigner les petites gens, les manants.

Pourceau (ne pas oindre le cul à gros)

France, 1907 : Il ne faut rien donner aux gens riches comblés de biens et d’honneurs ; dicton du XVe siècle. Il est un autre dicton de la même époque, synonyme de ne pas jeter des perles aux cochons, le « margaritas ante porcos » des Latins : Reliques sont bien perdues entre pieds de pourceaux.

Pourceauterie

France, 1907 : Libertinage ; argot des bourgeoises.

Pourchas

France, 1907 : Poursuite, action de suivre, de pourchasser. Vieux mot.

Quand je connus Sainte-Beuve, une vague aspiration vers l’Académie le contenait déjà dans ses vagabondages poétiquement amoureux.
Je dis poétiquement, car la première venue lui inspirait les hémistiches bleus, quoiqu’il aimât le terre-à-terre. Il était toujours au pourchas de quelque fillette du pays latin, une désœuvrée ou une boutiquière, ce qui ne l’empêchait pas de jeter d’autres hémistiches plus endiamantés chez les femmes du monde soutachées de littérature ; mais le pur bas-bleu, il ne l’aimait pas.

(Arsène Houssaye, Souvenirs de jeunesse)

Pourchasser

d’Hautel, 1808 : Poursuivre, solliciter, chercher ou demander quelque chose avec obstination.

Pourfendeur

d’Hautel, 1808 : Fanfaron, hâbleur, crâne, bretteur, mauvais sujet.

Pourfendre

d’Hautel, 1808 : Fendre un homme de haut en bas d’un coup de sabre.

Pourliche

Fustier, 1889 : Pourboire. Jargon du peuple.

Pourpoint

d’Hautel, 1808 : Il y a un sot dans son pourpoint. Pour dire qu’un homme est un sot.
On lui a donné un pourpoint de pierre de taille. Pour dire on l’a incarcéré, mis en prison.
Il faut sauver le moule du pourpoint. Pour dire, sauver son corps, se retirer d’une batterie, d’une fâcheuse affaire.
Mettre un homme en pourpoint. Pour dire le dépouiller de ses biens.
Emplir son pourpoint. Ribotter, faire débauche de bonne chère et de vin.

Pourrat

France, 1907 : Pot à eau ; argot des polytechniciens, du nom du général Pourrat qui introduisit cet ustensile de toilette, les élèves n’ayant autrefois que la cuvette.

Pourri

Larchey, 1865 : Vénal, corrompu.

Or, dans le cas où M. de la Baudraye serait acquis au gouvernement, Sancerre devenait, plus que jamais, le bourg pourri de la doctrine.

Balzac.

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme vénal, corrompu, ambitieux, qui a laissé pénétrer dans sa conscience le ver du scepticisme et dans son cœur le taret de l’égoïsme.

France, 1907 : Plein. « Pourri de chic. » Argot populaire.

Pourri de chic

Larchey, 1865 : Rempli d’élégance.

Delvau, 1866 : adj. À la dernière mode et de la première élégance, — dans l’argot des gandins et des petites dames.

Pourrir

d’Hautel, 1808 : Crache pourri, la langue et les dents, t’auras la gueule nette. Locution basse et triviale qui se dit à quelqu’un fort enrhumé lorsqu’il tousse.
Il ne pourrira pas dans cette place. Se dit d’un homme léger et inconstant, qui ne peut rester long-tems dans le même emploi, qui en change continuellement.
Faire pourrir de cuire quelque chose. Le faire cuire excessivement.
Un cœur pourri. Un cœur bas, vil et corrompu.
Cela n’est pas pourri. Se dit par raillerie d’une histoire faite à plaisir, d’un conte en l’air, de quelque chose dénué de ressemblance.
Pourri. Le vulgaire fait un barbarisme du féminin de ce mot, et dit d’une poire ou d’une pomme qu’elle est pourrite ; au lieu de pourrie. Il en est de même de presque tous les adjectifs, ainsi terminés au féminin, tels que finie, guérie.

Pourriturisme

Delvau, 1866 : s. m. État des esprits et des consciences à Paris, ville où l’on s’effémine trop facilement, — dans l’argot du caricaturiste Lorenz, qui affectionne la désinence isme.

Pourvoir

d’Hautel, 1808 : Il est pourvu de fil et d’aiguille. Se dit d’un homme qui a toutes les choses nécessaires pour réussir dans une affaire.

Poussah

Virmaître, 1894 : Homme gros, ventripotent, qui a peine à traîner son corps difforme sur ses jambes courtes (Argot du peuple).

France, 1907 : Personne grosse et grotesque.

Ce poussah, avec sa tête de citrouille aux yeux écarquillés, au nez aplati, à la bouche lippue et énorme de Hottentot, n’était point insensible aux bonnes fortunes. Ignoblement vicieux, il se délecta de la dépravation précoce de la petite et s’ingénia à lui apprendre des grimaces ignorées.

(Henry Bauer)

Ou bien un embonpoint grotesque
Avec grand’peine boutonné
Fait un poussah, dont on rit presque,
Du vieux héros tout chevronné.

(Théophile Gautier, Émaux et camées)

Poussaille, poussaillerie

France, 1907 : La police, les agents, le guet ; vieil argot.

Nous faisons des monceaux d’exempts et de recors,
Caron ne peut suffire à passer tant de morts ;
Enfin, chacun immole à sa juste furie
La pousse, la poussaille et la poussaillerie ;
Nous les frottons ici, nous les embrochons là,
Et les faisons tomber de Charybde en Scylla.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Pousse

Bras-de-Fer, 1829 : Corps des gendarmes.

Larchey, 1865 : Gendarmerie. Mot ancien. V. Roquefort. Il confirme le sens que nous avons donné à son synonyme Cogne.

Archer, recors, exempts, Et tout ce que la pousse a nourri de vaillants.

Grandval, 1723.

Delvau, 1866 : s. f. Les gendarmes, — dans l’argot des voleurs.

France, 1907 : Police, gendarmerie.

Cartouche, à ce discours, dit : Nous sommes trahis ;
Allons ! de la vigueur, courage, mes amis,
Tenons ferme. Il descend, s’approche de la porte,
Insulte fièrement leur nombreuse cohorte
« Paroissez, leur dit-il, archers, recors, exempts,
Et tout ce que la pousse a nourri de vaillants.

(Nicolas R. de Grandval, Le Vice puni)

Pousse (ce qui se)

Delvau, 1866 : s. m. Argent, or ou monnaie, — dans l’argot du peuple. Substantif bizarre, — mais substantif. J’ai entendu dire : « Donne-moi donc de ce qui se pousse. »

Pousse (la)

anon., 1827 : Corps des gendarmes.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Brigade de gendarmerie.

Halbert, 1849 : La gendarmerie.

Rigaud, 1881 : La police. Mot usité aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les pousse-culs, les archers lorsqu’ils conduisent en prison. (Hurtaud, Dict. des homonymes.). Pousse, agent de l’autorité.

La Rue, 1894 : La police, les gendarmes.

Pousse-au-vice

Delvau, 1866 : s. f. Cantharide, et généralement tous les aphrodisiaques. Argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Mouche cantharide ; allusion aux propriétés aphrodisiaques de la mouche cantharide.

La Rue, 1894 : Cantharide.

France, 1907 : Poudre de cantharide ; argot populaire.

Pousse-café

Larchey, 1865 : Petit verre de cognac, pris après le café.

Ensuite nous avons pris le café, le pousse-café, le repousse-café.

Voizo.

Delvau, 1866 : s. f. Petit verre d’eau-de-vie ou de rhum pris après le café, — dans l’argot des bourgeois.

Rigaud, 1881 : Verre d’eau-de-vie qui suit le café dans l’estomac du consommateur.

Pousse-cailloux

Larchey, 1865 : Fantassin. — Allusion à la marche du piéton.

Votre frère était dans les dragons, moi, j’étais dans les pousse-cailloux.

Balzac.

Cavalier… tu arriveras au grade de maréchal des logis à force de trotter… Parole d’honneur ! Vaut mieux pousser les cailloux et devenir capitaine.

Vidal, 1833.

Delvau, 1866 : s. m. Fantassin, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Soldat d’infanterie de ligne. En marchant il pousse les cailloux du chemin.

Merlin, 1888 : Fantassin. — Image de la marche sur les routes fraichement chargées.

La Rue, 1894 : Fantassin.

France, 1907 : Sobriquet que les cavaliers donnent aux fantassins.

— Si les Prussiens nous ont pas mal démolis, nous ne leur avons pas ménagé les prunes. Mais, que voulez-vous ? trente contre un !… Aussi notre escadron… labouré, mitraillé, écrasé, flambé ; nos chevaux, éreintés ou éventrés !… Il a fallu faire le coup de fusil avec les pousse-cailloux et les moblots…

(Robert Vallier, Le Capitaine Silence)

On dit aussi pousquin.

Pousse-cul

Delvau, 1866 : s. m. Sergent de ville, — dans l’argot du peuple, qui sait que ces agents de l’autorité ne prennent pas toujours des mitaines pour faire circuler la foule. Les aïeux de celui-ci disaient, en parlant d’un des aïeux de celui-là : Chien courant du bourreau.

France, 1907 : Homme de police, archer ; vieil argot. C’est aussi le sobriquet donné dans le Centre aux huissiers.

Pousse-fauteuil

Virmaître, 1894 : Valet (Argot du peuple).

France, 1907 : Valet.

Pousse-mou

Delvau, 1864 : Variété de Bande-à l’aise.

Retire-toi d’ici, laisse-moi, pousse-mol !
Que le diable t’emporte et te casse le col !

Grandval fils.

Virmaître, 1894 : Homme mou qui travaille avec mollesse, sans courage (Argot du peuple).

Pousse-moulin

Delvau, 1866 : s. f. Eau courante, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Eau, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Eau.

Virmaître, 1894 : Eau. Allusion à ce que l’eau sert de moteur pour faire tourner la roue du moulin (Argot du peuple).

France, 1907 : Eau.

Pousse-pousse

France, 1907 : Petite voiture à bras japonaise. Néologisme introduit depuis l’Exposition de 1889.

Poussée

d’Hautel, 1808 : Voilà une grosse poussée. Se dit par raillerie pour rabaisser la valeur, le mérite du travail de quelqu’un.
Donner la poussée à quelqu’un. Le poursuivre vivement, le tourmenter ; lui faire peur.

Delvau, 1866 : s. f. Bourrade ; coups de coude dans la foule. Par extension : Reproches, réprimande.

Delvau, 1866 : s. f. Besogne pressée, surcroît de travail, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Ouvrage pressé. Il y a de la poussée.

Poussée de bateaux

Delvau, 1866 : s. f. Se dit ironiquement — dans l’argot du peuple — d’une chose vantée d’avance et trouvée inférieure à sa réputation, ainsi que de toute besogne ridicule et sans profit. On dit mieux : Une belle poussée de bateaux !

Pousser

d’Hautel, 1808 : Pousser la lipe. Pour dire bouder, faire la moue.
Pousser le temps avec l’épaule. Temporiser, retarder, prendre des délais.
Pousser des soupirs. Pour dire soupirer.
Poussé de nourriture. Pour bien repu, rassasié, qui en a par dessus la yeux.

Delvau, 1864 : Introduire profondément son outil dans le ventre d’une femme et besogner comme il faut.

Celui-là poussait un ami.

Régnier.

Oh ! va… va !… mais va donc !… Pousse, tit’ homme… pousse !… mais pousse donc !

H. Monnier.

Ah ! chien… chien !… que tu me fais mal !… Ah ! mes fesses… mes pauvres fesses… Tu pousses si fort que tu me crèves… ah !

La Popelinière.

Delvau, 1866 : v. n. Surenchérir, — dans l’argot des habitués de l’Hôtel des ventes.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Parler, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi : Pousser son glaire.

Pousser à la peau

Virmaître, 1894 : Femme de feu, amoureuse, chaude comme braise dont l’ensemble parle aux sens. Elle pousse à la peau (Argot du peuple).

Pousser dans le battant (se)

Larchey, 1865 : Boire. V. Pivois.

Delvau, 1866 : Boire ou manger, mais surtout boire.

Pousser dans le cornet, l’escarcelle, le fusil (s’en)

Fustier, 1889 : Boire, manger. (V. Delvau : S’en pousser dans le battant.)

Pousser de l’air (se)

Delvau, 1866 : S’en aller de quelque part. On dit aussi : Se pousser un courant d’air.

Pousser de la ballade (se)

France, 1907 : Se promener, flâner.

Va, mon vieux, pouss’ toi d’la ballade
En attendant l’jour d’aujord’hui,
Va donc, ya qu’quand on est malade
Qu’on a besoin d’pioncer la nuit ;
Tu t’portes ben, toi, t’as d’la chance,
Tu t’fous d’la chaud, tu t’fous d’la froid,
Va, mon vieux, fais pas d’rouspétance,
T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.

(Aristide Bruant)

Pousser de la ficelle

France, 1907 : Guetter un voleur ; argot de la police Même sens que poiroter.

Pousser des cris de Mélusine

France, 1907 : Pousser des cris perçants. Allusion à la légende de la fée Mélusine condamnés à devenir chaque samedi moitié femme, moitié serpent. Surprise par son mari, le comte Raimondin de Lusignan, dans cette singulière métamorphose, elle poussa un cri perçant, s’envola par la fenêtre et disprarut. Une tradition conservée dans la famille de Lusignan relate que chaque fois qu’un malheur menace la famille, que la mort doit frapper un de ses membres, Mélusine apparait au-dessus de la grande tour du château et pousse des cris aigus.

Pousser du col (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Être content de soi, et manifester extérieurement sa satisfaction, — dans l’argot des faubouriens, qui ont remarqué que les gens fats remontaient volontiers le col de leur chemise. Une chanson populaire — moderne — consacre cette expression ; je me reprocherais de ne pas la citer ici :

Tiens ! Paul s’est poussé du col !
Est-il fier, parc’qu’il promène
Sarah, dont la douce haleine
Fait tomber les mouch’sau vol.

Signifie aussi s’enfuir.

France, 1907 : Se glorifier ; être content de soi.

Brouf, quelle sale garce d’époque !
On tourne le croupion au progrès et on se fiche à faire des courses de vitesse, kif-kif les écrevisses ; à reculons ! Encore un peu et nous aurons dépassé la barbarie du moyen âge pour dégouliner dans on ne sait quelle férocité monstrueuse.
N’empêche qu’on se pousse du col et qu’on a des prétentions à éclairer la route de l’avenir.

(Le Père Peinard)

J’me dis, en me poussant du col :
Vieux veinard, c’est pas d’la p’tit bière,
J’vais r’cevoir dans mon entresol,
Je l’parierais, une rosière.

(E. du Bois)

Pousser l’aventure à bout

Delvau, 1864 : Après avoir peloté une femme, la baiser d’autour et d’achar, à bride abattue.

De ce moment, il est décidé que le comte peut pousser à bout l’aventure.

A. de Nerciat.

Pousser la goualante

Fustier, 1889 : Chanter. (V. Delvau : Goualer.)

Pousser le bois

Delvau, 1866 : v. a. Jouer aux échecs ou aux dames, — dans l’argot du peuple, qui a eu l’honneur de prêter ce verbe au neveu de Rameau.

Pousser le boum du cygne

France, 1907 : Mourir ; argot populaire.

Pousser le buom ! du cygne

Delvau, 1866 : Mourir, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des garçons de café et de leur fatigant boum ! pas de crème, messieurs ?

Pousser le cul pour avoir la pointe

Delvau, 1864 : Proverbe en usage chez les couturières, et qui signifierait coudre, s’il ne voulait pas dire : Jouer des reins pour avoir au cul la pointe d’une aiguille de viande, — soit un bon gros vit.

Pousser sa chique

France, 1907 : Faire ses besoins.

À moins qu’on rentr’ dans eun’ boutique
Comm’ cell’ d’à l’instant d’où que j’sois ;
J’avais besoin d’pousser ma chique,
J’pouvais pas la pousser dehors.

(Aristide Bruant)

Pousser sa glaire

Rigaud, 1881 : Parler.

Pousser sa moulure

Virmaître, 1894 : Faire ses besoins. Allusion à la moulure ronde qu’il faut pousser avec effort sous le fer du rabot (Argot du peuple).

Pousser sa pointe

Delvau, 1864 : Baiser une femme, la piquer de son fleuret démoucheté.

Vien,
Chien, Foutu vaurien,
Cess’ ta plainte
Et pouss’ ta pointe.

(Parnasse satyrique.)

Delvau, 1866 : v. a. S’avancer dans une affaire quelconque, — mais surtout dans une entreprise amoureuse.

Que de projets ma tête avorte tour à tour !
Poussons toujours ma pointe et celle de l’amour.

dit une comédie-parade du XVIIIe siècle (le Rapatriage).

France, 1907 : S’avancer, explorer un endroit.

Pousser son glaire

La Rue, 1894 : Parler.

Pousser son pas d’hareng saur

France, 1907 : Danser ; argot des voyous.

Pousser son rond

Delvau, 1866 : v. a. Alvum deponere, — dans l’argot des maçons.

Rigaud, 1881 : Aller à la selle.

Pousser un bateau

Delvau, 1866 : v. a. Avancer une chose fausse, inventer une histoire, mentir. Argot des faubouriens. On dit aussi : Monter un bateau.

Pousser un carambolage

France, 1907 : Jouer au billard.

Ils sont là, cinq ou six, les oisifs de la petite ville qui, chaque jour, aux mêmes heures, viennent taper des dominos sur le marbre, pousser un carambolage, lire la feuille locale. Comme ils se sont tout dit, des silences pèsent sur leurs parties, seulement ponctuées par des heurts de billes, par l’annonce d’une levée, la chute d’une cuillère sur un plateau.

(Hugues Le Roux)

Pousser un excellent (se)

Rigaud, 1881 : Manger l’ordinaire de la prison, qui est loin d’être excellent ; mais l’ironie plaît au voleur.

France, 1907 : Manger l’ordinaire de la prison.

Pousser une blague

Fustier, 1889 : Fumer une pipe. Argot de l’École Polytechnique.

France, 1907 : Fumer ; argot des polytechniciens.

Pousser une gausse

Delvau, 1866 : v. a. Faire un mensonge, — dans l’argot du peuple. On dit aussi : Pousser une histoire.

Pousser une selle

France, 1907 : Faire ses besoins. On dit aussi pousser son rond, pousser sa moulure.

Toi qui déjeunes sans vaisselle,
Avec du pain noir pour gâteau,
Bon moissonneur, pousse une selle
Dans la plaine ou sur le coteau.
Ton maître y trouve son affaire :
Ses terrains en sont engraissés !
Jamais tu n’en pourras trop faire,
Tu n’en feras jamais assez !

(Jules Jouy)

Poussette

Rigaud, 1881 : Action de pousser de l’argent sur le tapis, après coup, — dans l’argot des grecs, joueurs de baccarat, qui ont encore donné à ce procédé le nom de mort, La poussette, quoique très surveillée dans les cercles, est très fréquente.

Après avoir vu les deux cartes de votre partenaire, comme son point était bon, vous avez, avec le doigt, poussé, en avant de votre masse, cinq francs qui ont doublé votre enjeu.

(Figaro, du 1er août 1878.)

Le grec pratique également la poussette à la bouillotte, mais seulement quand il fait son reste ; s’il voit qu’il a gagné le coup, il lâche dans sa masse une pièce qu’il tenait cachée dans les deux derniers doigts.

(A. Cavaillé.)

La retirette consiste à opérer le mouvement contraire pour retirer tout ou partie de l’argent engagé lorsqu’on a mauvais jeu.

Poussier

Halbert, 1849 : Poudre ou lit.

Larchey, 1865 : Poussière. — Poussier : Lit. — La poussière n’y manque pas.

Je lui paie son garni de la rue Ménilmontant, un poussier de quinze balles par mois.

Monselet.

Poussier : Monnaie (Vidocq).

Delvau, 1866 : s. m. Monnaie, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : s. m. Lit d’auberge ou d’hôtel garni de bas étage, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Monnaie de cuivre, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Lit, — dans le jargon du peuple ; probablement parce qu’il n’est pas fait souvent.

Merlin, 1888 : Lit militaire, méritant fort bien ce nom : poussière dessus, poussière dedans, en guise de paille. On dit aussi plumard et panier.

La Rue, 1894 : Monnaie de cuivre. Lit. Tabac à priser. Fausse monnaie. Poudre. Pouce, main.

Virmaître, 1894 : Lit malpropre. Poussier, chambre pauvre, en désordre.
— Comment peux-tu vivre dans un pareil poussier ?
Synonyme de taudis (Argot du peuple).

France, 1907 : Argent ; argot des voleurs.

France, 1907 : Lit ; argot populaire.

C’est le terme. Au pavé, les gueux. Bon débarras !…
Empile vivement dans la charrette à bras
Ton poussier disloqué, les deux chaises de paille,
Tes poêlons, tes outils, tes guenilles, canaille !

(André Gill)

Passer sur le poussier le temps entre les appels, les pansages et les manœuvres, filer l’amour profane avec les bonnes d’enfants ou les demoiselles de comptoir, faire les yeux en coulisse à toute femme que l’on suppose de bonne volonté, poursuivre dix lièvres à la fois et revenir bredouille, errer à la recherche du camarade qui doit vous rincer la dalle, avoir sans cesse envie de boire sans être pris de la moindre soif, chercher constamment la femme et être saoul d’amour, tuer les heures du soir à jouer son café dans d’interminables parties de rams et les jours où l’on touche le prêt ou le mandat, fruit des épargnes amassées péniblement par la mère pour procurer quelques douceurs au pauvre enfant, rentrer ivre à la caserne et finir la fête au bloc.
Cette vie, toute douce qu’elle soit, devient fatigante à la longue.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Poussier de motte

Delvau, 1866 : s. m. Tabac à priser. On dit aussi simplement Poussier.

anon., 1907 : Tabac à priser.

Poussier de mottes

Rigaud, 1881 : Tabac à priser ; par conformité d’aspect.

Poussier de Noël

France, 1907 : Neige et grésil.

Poussière

d’Hautel, 1808 : Faire de la poussière. Pour faire de l’embarras, mener un grand train, paroître dans le monde avec un grand éclat ; faire plus de dépenses qu’on n’a réellement de fortune.
Jeter de la poussière aux yeux. Éblouir par des dehors pompeux, par de beaux discours.

Larchey, 1865 : Réprimande, charge victorieuse. — Connu dès 1808.

La Rue, 1894 : Eau-de-vie.

Poussière (faire de la)

Fustier, 1889 : Faire des embarras.

France, 1907 : Faire ses embarras ; argot populaire.

Poussière (faire sa)

La Rue, 1894 : Parader, éclabousser.

Poussif

d’Hautel, 1808 : Un gros poussif. Pour dire un rustre, un grossier personnage, un gros butor.
Être poussif. Être tout essoufflé, comme le sont ordinairement les asthmatiques au moindre mouvement qu’ils font.

Delvau, 1866 : adj. Qui n’a plus de souffle, qui n’en peut plus, — dans l’argot du peuple, qui, travaillant comme un cheval, en a naturellement les infirmités.

Poussin (avaler son)

France, 1907 : Être congédié ; argot populaire.

Poussinière

France, 1907 : Séminaire ; argot des voleurs.

Pouvoir

d’Hautel, 1808 : Si jeunesse savoit et vieillesse pouvoit, jamais jeunesse ne manqueroit. C’est à-dire, si la jeunesse avoit de l’expérience et la vieillesse de la force, etc.
Pouvoir. On fait fort communément un barbarisme du conditionnel de ce verbe, et l’on dit : Poureriez-vous me rendre ce service, au lieu de pourriez-vous.

Pouvoir exécutif

Delvau, 1866 : s. m. Énorme canne en spirale que portaient les Incroyables sous le Directoire. L’expression est encore employée de temps en temps.

France, 1907 : Nous donné, sous Directoire, à une forte trique ou canne en spirale que portaient les incroyables.

Je tenais dans la main gauche une valise et une couverture, dans la droite un pouvoir exécutif sérieux, souvenir des réunions électorales des dernières élections.

(Naudin)

Pouvoir siffler

Fustier, 1889 : Ne pas obtenir ce qu’on demande ; se passer de quelque chose.

Pouvoir voir quelqu’un en peinture (ne)

Delvau, 1866 : Le haïr ; le détester extrêmement, — dans l’argot des bourgeois.

Poux dans la paille (chercher)

France, 1907 : Faire des difficultés, éplucher, chicaner pour des vétilles ; expression populaire.

Praline (poser sa)

La Rue, 1894 : Se retirer du monde des malfaiteurs.

Prandion

Delvau, 1866 : s. m. Repas copieux, — dans l’argot des artistes, dont quelques-uns, je pense, savent que cette expression est le mot latin (prandium) francisé par quelque écrivain fantaisiste. C’est un provincialisme, maintenant naturalisé parisien.

Prandionner

Delvau, 1866 : v. n. Faire un repas plantureux.

Prat

Delvau, 1866 : s. f. Fille de mauvaise vie, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Prostituée.

Praticable

Delvau, 1866 : s. m. Partie de décors accessible aux acteurs, montagnes, rochers, etc. Argot des coulisses.

Pratique

d’Hautel, 1808 : Faut-il décrotter vos souliers, ma pratique. Les décroteurs ont coutume d’appeler ainsi les passans.

Larchey, 1865 : Soldat indiscipliné, homme débauché, pratique de mauvais lieux.

C’était une pratique qui se démenait comme un enragé entre les mains de la Garde.

Vidal, 1833.

Tout cela n’est que de la pratique ; ils t’ont fait voir le tour comme des gueux.

Monselet.

Larchey, 1865 : Instrument servant à imiter la voix de Polichinelle.

Polichinelle le cynique Doit renfermer sa pratique.

Complainte sur les jours gras, Paris, 1826, impr. Stahl.

Delvau, 1866 : s. f. Petit instrument plat, composé de deux lames d’ivoire jointes, à l’aide duquel les saltimbanques imitent la voix stridente de Polichinelle.

Delvau, 1866 : s. f. Libertin ; homme d’une probité douteuse ; débiteur qui ne paye pas ses dettes ; soldat qui passe son temps à la salle de police, etc. Quand un homme a dit d’un autre homme : « C’est une pratique ! » c’est qu’il n’a pas trouvé de terme de mépris plus fort.

Rigaud, 1881 : Vaurien. — Mauvais soldat.

Dans un régiment il y a autant de types que de soldats… En commençant par le grenadier modèle jusqu’au militaire qui sera fusillé ; ce dernier est connu sous le nom de pratique.

(J. Noriac.)

Les puritains de la discipline ne voient dans ces hommes ingouvernables (les zéphirs) que des mauvaises têtes ; la foule les désigne sous le nom de pratiques.

(A. Camus.)

France, 1907 : Mauvais soldat, insubordonné et gobeloteur, habitué de la salle de police ; expression militaire. On dit aussi Parisien.

Dans un régiment, il y a autant de types que de soldats. Il faudrait des volumes pour les esquisser tous, en commençant par le grenadier modèle, jusqu’au militaire qui sera fusillé ; ce dernier est connu sous le nom de pratique.

(Jules Noriac, Le 101e Régiment)

Pré

d’Hautel, 1808 : Il seroit mieux en terre qu’en pré. Se dit d’un homme qui est atteint d’une maladie de langueur, qui mène une vie indigente et pénible, et signifie qu’il seroit plus heureux mort que vivant.
Verd comme pré. Pour dire gaillard, frais, vigoureux.
Épargne de bouche vaut rente de pré. Pour dire que l’économie et la sobriété rendent l’homme aisé, et par allusion aux prés, dont les revenus sont certains.
Aller souvent sur le pré. Pour dire se battre fréquemment.

Bras-de-Fer, 1829 : Bagne.

Clémens, 1840 : Bagne.

un détenu, 1846 : Galères. Être au pré : aller aux galères.

Delvau, 1866 : s. m. Bagne, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi le Grand pré. Aller au pré. Être condamné aux travaux forcés. On dit aussi : Aller faucher au pré.

France, 1907 : Bagne ; argot des voleurs, qui disent aussi pré des fagots, grand pré.

— C’est égal, t’as beau coquer, tu rappliqueras au pré.

(Marc Mario)

Aller au bagne, c’est faucher le grand pré.

Quand on a fauché le grand pré, on fauche un homme sûrement.

(Edmond Ladoucette)

Cayenne est appelé le pré des fagots.

Pré (aller sur le)

France, 1907 : Se battre en duel, synonyme d’aller sur le terrain.

Il avait été malmené par un sous-officier et voulait à toute force se battre avec lui… Je mis le holà en lui expliquant qu’il risquait le conseil de guerre, attendu que pour un brigadier-fourrier, un maréchal des logis était un supérieur hiérarchique. Quelques jours plus tard, il se prenait de bec avec un brigadier et voulut encore aller sur le pré. Je m’y opposai, en lui disant que le brigadier-fourrier était le premier brigadier de l’escadron, qu’il commandait aux autres et devait être considéré comme leur supérieur. Alors de s’écrier avec un désespoir comique : « Mais, mon capitaine, vous ne voulez pas que je me batte avec des sous-officiers ; vous ne voulez pas que je me batte avec les brigadiers Avec qui voulez-vous que j’aille sur le pré ? »

(Général Du Barail, Mes Souvenirs)

Pré (le)

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Le bagne. Faucher le pré, être au bagne.

M.D., 1844 : Le bagne.

Rossignol, 1901 : Le bagne.

anon., 1907 : Le bagne.

Pré au dab court toujours

Virmaître, 1894 : Prison de Mazas (Argot des voleurs).

Pré salé

Rigaud, 1881 : La mer, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : La mer.

Pré-Catelanière

Delvau, 1866 : s. f. Petite dame, drôlesse, habituée de bals publics, du pré Catelan et de Mabille. Hors d’usage.

Pré, grand pré

Larchey, 1865 : Travaux forcés.

Ne crains pas le pré que je brave.

Vidocq.

On dit aussi le grand pré.

Du grand pré tu te cramperas pour rabattre à Pantin lestement.

(Id.).

Aller faucher au pré quinze ans : Avoir quinze ans de galères. — Le mot est imagé et doit être fort ancien, car le grand pré est ici la mer dont les anciens galériens coupaient en cadence de leurs longs avirons les ondes verdâtres, comme des faucheurs rangés dans une prairie. On sait qu’autrefois tous les condamnés ramaient sur les galères du Roi.

Rigaud, 1881 : Bagne ; maison de secours aujourd’hui disparue.

La Rue, 1894 : Bagne. Faucher le grand pré, aller au bagne.

Prébende dans l’abbaye de Vaten

France, 1907 : Expulsion, renvoi.

Précepteur d’amour

Delvau, 1864 : Femme déjà mûre qui se charge d’initier un jouvenceau ou une jouvencelle aux mystères de la Bonne Déesse, en baisant avec l’un et en branlant l’autre, — ce que le code pénal appelle excitation de mineurs à la débauche.

Non-seulement elle a soigné l’enfant de celui-ci, mais elle s’est faite son précepteur d’amour.

A. de Nerciat.

Préchadou

France, 1907 : Prêcheur.

Prêcher

d’Hautel, 1808 : Il prêche sept ans pour un carême. Se dit de quelqu’un qui répète continuelle ment la même chose, qui fait le sermoneur perpétuel.
Prêcher sur la vendange. Locution bachique, parler au lieu de boire quand le verre est plein ; laisser éventer son vin.
Prêcher misère, malheur ou famine. Pour dire, trouver à redire à la dépense : ne parler que pour prédire quelque chose de fâcheux.

Prêchi-prêcha

Delvau, 1866 : s. m. Sermonneur ennuyeux, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Rabâchages, radotages, lieux communs et niaiseries comme en débitent les prêcheurs. Locution populaire.

Le moindre bon sens leur suffirait pour renvoyer l’évêque à ses goupillons et à ses prêchi-prêcha.

(Henri Rochefort)

Prêcha, en béarnais, signifie prêcher.

Préchi, précha

d’Hautel, 1808 : Mots baroques et satiriques, pour tourner en ridicule une personne qui met de l’affectation dans ses discours, qui sermone perpétuellement.

Précurseur (le)

Delvau, 1864 : Le médium, qui est le saint Jean-Baptiste de la jouissance, dont le vit est le Christ.

Il emploie avant cela,
Là, là, là,
Le précurseur que voilà !
Ce doigt, toujours honnête.
Qui prépare tout ça,
Va, va, va,
Avant que l’on entre là !

Collé.

Prédestiné

Delvau, 1864 : Synonyme de cocu.

C’est un prédestiné — il l’est, il devait l’être : — c’était écrit.

Larchey, 1865 : Mari trompé.

Prédestiné signifie destiné par avance au bonheur ou au malheur… Nous donnons à ce terme une signification fatale a nos élus.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Galant homme qui a épousé une femme trop galante.

Prédicant

France, 1907 : Sermonneur protestant.

Prédicole

France, 1907 : Mauvais prêche, ennuyeuse remontrance.

Prédictionner

France, 1907 : Prophétiser ; argot populaire.

Mille marmites, puisque je suis en passe de prédictionner, que j’y aille tout du long, — voici ce que je flaire à l’horizon : m’est avis que le beau, le grand, le rupin banditisme va revenir à la mode.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Prédictionneux

France, 1907 : Prophète.

Père Peinard, que je me suis dit, puisque tu te fends d’un almanach et que tu lâches des prédictions, tu ne ferais pas mal de flairer ce que les prédictionneux de l’ancien temps avaient dans le ventre.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Préfec (la)

M.D., 1844 : Dépôt de la préfecture de police.

Préfectance

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Préfecture.

Fustier, 1889 : Préfecture de police.

Sans doute, tant qu’il y aura une préfectance et un préfet de police, on cognera…

(J. Vallès.)

Delvau donne Préfectanche.

Virmaître, 1894 : La Préfecture. Quelques-uns écrivent : Préfectanche (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Préfecture de police.

Préfectance (la)

Hayard, 1907 : La préfecture de police.

Préfectanche

Delvau, 1866 : s. f. Préfecture de police, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Préfecture de police. Le preu de la préfectanche, le préfet de police, c’est-à-dire le premier de la préfecture de police.

France, 1907 : Préfecture de police. On dit aussi préfectante et préfectance.

L’turbin n’allait plus, j’étais trisse,
Je n’pouvais plus gagner un sou,
J’allais fair’ comme un simple artisse,
Porter la croix d’ma mére au clou.
Tout à coup v’là qu’la Préfectante
Fait un règlement vraiment bien ;
D’puis c’temps-là j’vivot’, je m’contente,
Pour la fourrièr’ j’ramass’ les chiens.

(S. Martel)

Préfectancier

France, 1907 : Agent de la Préfecture.

Préliminaires de l’amour (les)

Delvau, 1864 : Toutes les menues friandises qui mettent les amants en appétit de foutre : baisers, langues, patinage mutuels, branlage, suçage, etc., — le meilleur de l’amour, enfin, en ce que cela dure aussi longtemps que le veulent les raffinés.

Quand vous me promîtes, un jour.
D’abjurer vos séminaires
Je vous accordai de l’amour
Tous les préliminaires.
Vous auriez eu tout le surplus,
Sans cette robe affreuse.

Collé.

Préludes

Delvau, 1864 : Amusements libertins qu’on se permet en amour avant le suprême amusement ; jouer avant de jouir.

C’est un habile musicien que son amant : il entend à merveille les préludes et les exécute d’une manière brillante, au grand contentement de Sylvie.

A. François.

Prémices

Delvau, 1864 : Le pucelage d’un garçon ou d’une fille, — ce que les poètes appellent dans leur précieux, langage : Les premiers fruits de la nubilité.

Quand il a eu seize ans, elle lui a ravi ses désirables prémices.

(Les Aphrodites.)

Premier

d’Hautel, 1808 : Le premier qui entrera sera cocu. Voyez Cocu.

Rigaud, 1881 : Chef de rayon, premier commis de rayon dans un magasin de nouveautés.

C’est le premier, qui les enrôle et les congédie (les commis).

(Eug. Muller, La Boutique du marchand de nouveautés.)

Premier aux gants

France, 1907 : Chef de rayon dans un magasin de ganterie.

C’était un très gracieux jeune homme, bien élevé, déférent, mis, d’ailleurs, comme un premier aux gants, tiré à quatre épingles et frisé au petit fer.

(François Coppée)

Premier numéro

Delvau, 1866 : adj. Excellent, parfait, numéro un.

Premier pariste

France, 1907 : Journaliste chargé d’écrire le premier article, généralement l’article politique appelé premier Paris.

Ne vous parait-il pas stupide, à la fin, d’entendre encore fleurir sur la bouche des gouvernants cette antique billevesée de l’équilibre européen, pacte rompu depuis cent ans par toutes les guerres, tous les traités, tous les congrès et toutes les alliances princières de l’histoire contemporaine, et n’est-il pas insupportable d’en voir ressasser le lieu commun par toutes les plumes d’oie des premiers paristes de nos organes graves !

(Émile Bergerat)

Premier-Paris

Larchey, 1865 : « Un grand article, appelé Premier-Paris, contenant des réflexions sur la situation. C’est une série de longues phrases, de glands mots qui, semblables aux corps matériels, sont sonores à proportion qu’ils sont creux. »

Alph. Karr.

Delvau, 1866 : s. m. Article de tête d’un journal politique où l’on voit, d’après Alphonse Karr, « une série de longues phrases, de grands mots qui, semblables aux corps matériels, sont sonores à proportion qu’ils sont creux ».

Rigaud, 1881 : Article politique placé en tête d’un journal. Chapelet de nouvelles politiques enfilées le plus lourdement possible. C’est le plat de résistance du journal.

Premier, ère

Fustier, 1889 : De qualité supérieure.

Puis ils inaugurèrent l’argot, parlèrent nègre et proposèrent aux dîneurs une domaine, une chablis première, au lieu de dire : une douzaine d’huîtres, du vin de Chablis, première qualité.

(G. Claudin.)

Première

Delvau, 1866 : s. f. Manière elliptique de désigner la première représentation d’une pièce de théâtre, — dans l’argot des comédiens et des gens de lettres.

Rigaud, 1881 : Première représentation. Première à sensation, première représentation qui a produit un grand effet. — Le public des premières. — Faire le service d’une première. — La première, la première maîtresse.

Rigaud, 1881 : Demoiselle de magasin qui dirige d’autres employées. — Dans les modes les premières garnissent les chapeaux et font les modèles.

Premières

Delvau, 1866 : s. f. pl. Wagons de première classe. On dit de même Secondes et Troisièmes, pour les voitures de 2e et de 3e classe.

Premiero

France, 1907 : D’abord ; argot militaire.

Premiero, tu l’étrilleras ;
Deuxo, tu le bouchonneras,
Et troisso, tu le brosseras.
De temps en temps tu jureras…

(Litanies du cavalier)

Prendre

d’Hautel, 1808 : Il y en a qui prennent tout, mais lui ne laisse rien. Jeu de mots populaire. Voyez Laisser.
Vouloir prendre la lune avec les dents. Tenter des choses impossibles.
Prendre quelqu’un par le bec. Le convaincre par ses propres paroles.
Prendre quelqu’un la main dans le sac. Pour dire en flagrant délit, sur le fait.
Je ne sais quel rat lui a pris. Pour dire quel caprice, quelle humeur, qu’elle fantaisie.
Prendre quelqu’un pour un homme de son pays. C’est-à-dire pour un sot, un stupide, un imbécile.
Prendre Saint-Pierre pour Saint-Paul. L’un pour l’autre.
Prendre le tison par où il brûle. Prendre une affaire au rebours.
Prendre quelqu’un sans filet. Pour dire au dépourvu.
Prendre quelqu’un en grippe. Se mal prévenir contre quelqu’un sans pouvoir en donner une juste raison.
Fille qui prend, se vend ; fille qui donne s’abandonne. Signifie qu’une demoiselle doit se tenir sur ses gardes, ne faire aucun présent à un homme, et encore moins en recevoir.
Prenons que cela soit. Pour, supposons.
Prendre de la racine de patience. Faire de grands efforts pour ne pas s’impatienter ; montrer de la retenue dans une conjoncture désagréable.

Fustier, 1889 : Terme de turf. Parier. Prendre un cheval à 6 contre 1 en admettant que le pari soit de 10 louis, signifie : si le cheval perd, je vous donnerai 10 louis, s’il gagne vous me donnerez 60 louis.

Hayard, 1907 : Être frappé, prendre pour son rhume, prendre la pipe, la purge, la piquette, etc.

Prendre à carreau froid

France, 1907 : Faire un travail qu’un autre ne pourrait faire ; argot des tailleurs.

Prendre à la blague

France, 1907 : Ne pas prendre au sérieux, se moquer.

Prendre à la rigolade

France, 1907 : Ne pas prendre au sérieux.

Prendre au souffleur

Delvau, 1866 : Jouer son rôle le sachant mal, en s’aidant du souffleur. Argot des coulisses. On dit aussi : Prendre du souffleur.

France, 1907 : Ne pas savoir son rôle et jouer en s’aidant beaucoup trop du souffleur ; argot théâtral.

Prendre de bec (se)

Delvau, 1866 : v. pron. Se dire des injures, — dans l’argot des bourgeois.

Prendre des gants

Rigaud, 1881 : User de ménagements pour faire une observation ; se prend ironiquement. — Ne faut-il pas prendre des gants pour lui parler ?

Prendre des mitaines

Delvau, 1866 : v. a. Prendre des précautions pour dire ou faire une chose, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression avec ironie. On dit aussi : Prendre des gants.

Prendre des mitaines, des gants

France, 1907 : Prendre des précautions pour dire ou faire un chose ; expression populaire.

Prendre des précautions

Delvau, 1864 : Se retirer précipitamment de la femme que l’on baise, au moment où l’on va décharger, afin de ne pas lui faire d’enfants.

Vivez donc de privations !
Prenez donc des précautions !

Béranger.

Prendre des ris à l’irlandaise

France, 1907 : Déchirer la voile à coups de couteau quand le vent est trop violent pour qu’on puisse la ployer. Terme de marine.

Prendre des temps de Paris

Larchey, 1865 : Signifie, au théâtre, préparer ce que l’on a à dire par une pantomime pour augmenter l’effet. Le mot a été inventé par des comédiens de province (Couailhac).

Delvau, 1866 : Augmenter l’effet d’un mot par une pantomime préalable, — dans l’argot des comédiens de la banlieue et de la province.

Rigaud, 1881 : « Préparer ce que l’on a à dire par une pantomime vive et animée, pour en augmenter l’effet. C’est encore sauver son manque de mémoire par une pantomime. C’est Monvel qui, le premier, pour venir en aide à sa mémoire et attendre le souffleur, avait une délicieuse pantomime de petit-maître. Il secouait son jabot, arrangeait ses manchettes, etc. » (V. Couailhac, La Vie de théâtre.)

Prendre des vessies pour des lanternes

France, 1907 : Se tromper grossièrement ; croire des choses absurdes. « M. le curé essaye de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. » Cette expression est fort ancienne. Rabelais l’employait : « Croyait que nues feussent poelles d’aerain, et que vessies feussent lanternes », dit-il en parlant du jeune Gargantua. On la trouve aussi dans la Farce de maistre Pierre Pathelin par Pierre Blanchut (XVe siècle) :

Me voulez vous faire entendant
De vecies qui ce sont lanternes.

Prendre du crottin

France, 1907 : Parier pour des chevaux qui ont en apparence le moins de chance ; argot des courses.

Prendre du fruit

Delvau, 1864 : Croquer la pomme, c’est-à-dire : se laisser baiser, devenir enceinte pour accoucher, — petit-être d’un melon.

Avec Lycas, l’autre jour,
La jeune innocente
A cueilli des fleurs d’amour ;
Mais trop imprudente,
Elle tremble d’avoir pris
Parmi les fleurs quelques fruits.

(Goguette du bon vieux temps.)

Prendre du souffleur

Rigaud, 1881 : Tout attendre du souffleur. Réciter son rôle avec l’aide incessante du souffleur, quand on l’a oublié ou qu’on n’a pas eu le temps de l’apprendre, — dans le jargon du théâtre. C’est-à-dire prendre les mots de la bouche du souffleur.

Prendre en filature

France, 1907 : Suivre, guetter, filer un malfaiteur ; argot des agents.

Prendre Jacques Déloge pour son procureur

France, 1907 : S’enfuir ; jeu de mot sur déloger. La fuite pour une personne menacée par la justice est encore le défenseur le plus sûr. « Cette expression, dit Francisque Michel, qui est encore usitée avec ces autres : prendre de la poudre d’escampette, lever le paturon, dire adieu tout bas, avait déjà cours au XIIesiècle.

Prendre la balle au bond

France, 1907 : Saisir l’occasion favorable comme un joueur qui saisit la balle lancée.

Prendre la barbe

France, 1907 : « La Saint-Jean d’hiver, la Saint-Jean d’été, la Saint-Jean Porte-Latine, le moment qui commence les veillées, celui qui les voit finir, sont autant d’époques où il est indispensable de prendre la barbe, c’est-à-dire de s’enivrer…

(Jules Ladimir, Le Compositeur typographe)

Prendre la chèvre

France, 1907 : Se mettre de mauvaise humeur, être en colère ; argot des typographes, qui disent aussi et surtout gober sa chèvre, gober son bœuf. Prendre sa chèvre est une vieille expression qu’on trouve dans le Cocu imaginaire de Molière.

D’un mari sur ce point j’approuve le souci,
Mais c’est prendre la chèvre un peu bien vite aussi,
Et tout ce que de vous je viens d’ouïr contre elle,
Ne conclut point, parent, qu’elle soit criminelle.

Prendre la mère au nid

France, 1907 : Marcher doucement sur la pointe des pieds pour surprendre quelqu’un. Ce dicton vient des braconniers ou des oiseleurs qui marchent sans bruit pour surprendre dans son nid la femelle sur ses œufs.

Prendre la mouche

France, 1907 : Se fâcher ; expression populaire. Prendre a ici le sens de recevoir : recevoir une piqûre de mouche ; en être importuné, irrité, ce qui au fond est s’irriter pour peu de chose, pour un motif futile.

Prendre la pipe

Rossignol, 1901 : Recevoir des reproches ou des coups.

Prendre la poudre d’escampette

France, 1907 : Se sauver, senfuir, du vieux verbe escamper, prendre les champs, qui vient lui-même de l’italien scampare, même signification ; on dit aussi : prendre la clef des champs.

Prendre la secousse

France, 1907 : Mourir.

Prendre la tangente

Larchey, 1865 : S’échapper. V. Absorption, Colle.

Delvau, 1866 : S’échapper de l’École, — dans l’argot des Polytechniciens.

France, 1907 : S’esquiver ; argot des polytechniciens.

Prendre la vache et le veau

Rigaud, 1881 : Épouser une fille-mère et reconnaître l’enfant.

France, 1907 : Épouser une fille-mère.

Prendre la vache par les … (ce que porte le taureau entier)

Virmaître, 1894 : Prendre les choses au rebours, commencer quelque chose par la fin (Argot du peuple).

Prendre le chemin de décampe

France, 1907 : Se sauver précipitamment ; expression populaire.

Prendre le collier de misère

Delvau, 1866 : v. a. Se mettre au travail, — dans l’argot du peuple, qui prend et reprend ce collier-là depuis longtemps. Quitter le collier de misère. Avoir fini sa journée et sa besogne et s’en retourner chez soi.

Virmaître, 1894 : Aller travailler. L’établi est bien un collier de misère, c’est même un collier de force, car l’ouvrier ne peut le lâcher, il subit ce carcan jusqu’à la tombe. Ce qui fait dire quand l’un d’eux meurt :
— Il a quitté le collier de misère (Argot du peuple).

Prendre le crachoir

France, 1907 : Prendre la parole.

— Monsieur Spencer, dis-je, si vous avez fini votre sermon, permettez-moi de prendre un moment le crachoir.

(Hector France, Chez les Indiens)

Prendre le cul d’une femme

Delvau, 1864 : Lui pincer les fesses ; lui introduire le doigt entre les fesses ; et par-dessous ses vêtements, soit dans le con, soit dans le cul.

Femme rit quand on lui propose
De lui prendre un instant le cul.

(Chanson anonyme moderne.)

Prendre le déduit

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Elle se jeta à son col, et le mena dans sa chambre où il prit le déduit avec elle.

D’Ouville.

M’a dit que vous veniez sitôt qu’il fera nuit
Coucher avecques elle, et prendre le déduit.

Trotterel.

Il estimait que rire et prendre le déduit avec sa femme en temps sec lui était contraire.

B. Desperriers.

Prendre le Pirée pour un homme

France, 1907 : Être d’une ignorance crasse. Allusion à la fable du Singe et du Dauphin.

Il n’a faut que des études sommaires ; il a appris le grec dans les tripots et perdu, dans les boudoirs, le peu de latin que l’alma parens lui a appris ; il se croit athénien parce qu’il a des goûts d’artiste : ses familiers le disent de Béotie ; sans hésiter il prendrait le Pirée pour un homme ; il ne parle pas, il n’écrit pas, mais il est né avec le sens et le flair du journalisme. Je ne sais s’il aime les truffes, mais il a le nez pour les découvrir. Ce nez-là ! million ! million ! Villemessant était de cette race et il a laissé des héritiers.

(Albert Dubrujeaud)

Prendre le premier conseil d’une femme et non le second

France, 1907 : Ce dicton est commun à presque toutes les nations. « Take your wife’s first advice, and not her second », disent les Anglais, qui ont traduit presque littéralement le nôtre, en précisant le sens général de femme en celui d’épouse. Les femmes, en effet, comme l’affirme l’adage italien, ont la sagesse prime-sautière et la réflexion folle. Avec moins de logique dans les idées que l’homme, elles le surpassent dans la vivacité de l’intuition, ayant, comme le disait Montaigne, l’esprit prime-sautier. Suivant le proverbe espagnol, « l’avis d’une femme est peu de chose, mais est fou celui qui ne le sui pas ». Les Allemands, moins galants, ont émis cet axiome : « Le blé semé en été et le conseil d’une femme tournent bien… une fois en sept ans. »

Prendre le train d’onze heures

Rigaud, 1881 : Farce de troupiers. Cette farce consiste à administrer à la victime une promenade nocturne dans son lit, lequel est traîné par de facétieux voisins au moyen de cordes à fourrages. Cette brimade a encore reçu le nom de « rouler en chemin de fer ». Le soldat qui a fait suisse est sûr qu’il prendra le train d’onze heures ; mais il n’y a qu’un bleu, un conscrit, qui, ignorant les usages du régiment, puisse commettre un si grand délit.

Prendre provende

France, 1907 : Vieille expression pour exprimer l’œuvre d’amour. On disait aussi prendre charnelle liesse, prendre pâture, prendre ses ébats.

Blaise le magister, le marguillier Lucas
M’ont juré sur leur conscience,
Que quand tu voulais prendre avec eux les ébats,
Tu les faisais payer d’avance.

Prendre quelque chose à la blague

Fustier, 1889 : S’en moquer ; la tourner en ridicule.

C’est dans le pauvre peuple qu’on l’a prise (une pièce de théâtre) tout d’abord à la blague.

(F. Sarcey.)

Prendre ses draps

Fustier, 1889 : Prendre le chemin de la salle de police. Argot des élèves de l’École Saint-Cyr.

Le bazof court le long des lits secouant de la phrase sacramentelle : Prenez vos draps, les malheureux qui n’ont pas eu le temps de rapporter leurs matelas.

(Maizeroy : Souvenirs d’un Saint-Cyrien.)

France, 1907 : Aller à la salle de polices argot des saint-cyriens. L’élève puni emporte à la salle de police les draps de son lit.

Prendre ses ébats

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Cette putain ne manque pas,
Car la nuit prenant ses ébats
Avecque lui dedans sa couche.

Théophile.

Quand, dans nos amoureux combats,
Nous aurons pris nos ébats,
Nous dormirons au bruit des eaux.

(La Comédie des chansons.)

Ayant assez de loisir pour prendre leurs ébats ensemble à une autre heure.

Ch. Sorel.

C’est de cette façon que Blaise et Péronnelle
Prirent ensemble leurs ébats.

La Fontaine.

Blaise le magister, le marguillier Lucas
M’ont juré sur leur conscience,
Que quand tu voulais prendre avec eux tes ébats,
Tu les payais toujours d’avance.

F. Bertrand.

Prendre ses invalides

Delvau, 1866 : v. n. Se retirer du commerce, — dans l’argot des bourgeois.

Prendre ses jambes à son cou

Delvau, 1866 : Courir.

Prendre ses jambes à son coup

France, 1907 : S’enfuir.

Manière de courir pas commode du tout,

dit une vieille chanson.

— Vous faites, en me quittant, comme les poltrons qui prennent leurs jambes à leur cou et se sauvent sans se retourner.

(Félicien Champsaur, Le Mandarin)

Les Anglais disent : aller cou et talons ensemble.

Prendre son café

Larchey, 1865 : Rire, se moquer.

Ah ! fusilier, vous voulez prendre votre café

Bertall.

Prendre son café aux dépens de quelqu’un

Delvau, 1866 : Se moquer de lui par parole ou par action.

Prendre son plaisir

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Qui, pour la voir et fraîche et belle,
A pris son plaisir avec elle
Trois ans entiers.

J. Grévin.

Lui, se voyant libre, ne manqua point à prendre son plaisir.

D’Ouville.

Mais pourtant, petit cœur, quand vous m’eussiez laissé prendre un peu mon plaisir.

Trotterel.

Elle était dans les bras de Chastel avec qui elle avait pris son plaisir au son du luth.

Ch. Sorel.

Prendre un bain de fagots

France, 1907 : Être brûlé vif.

Prendre un billet de parterre

Delvau, 1866 : v. a. Tomber sur le dos, — dans l’argot facétieux du peuple.

France, 1907 : Tomber ; jeu de mot.

Prendre un homme au saute-dessus

Delvau, 1864 : Arrêter un pédéraste, quand on est pédéraste soi-même, et de plus chanteur (V. ce mot), au moment où il se déboutonne et s’apprête à socratiser, ou à alcibiadiser, selon qu’il est actif ou passif.

Après avoir provoqué à la débauche celui qui a eu le malheur de les aborder, ils changent tout à coup de ton, le prennent, comme ils disent, au saute-dessus, et se donnant pour des agents de l’autorité, le menacent d’une arrestation…

A. Tardieu.

Prendre un pinçon

Delvau, 1866 : v. a. Se laisser pincer le doigt entre deux pierres ou deux battants.

Prendre un plat

Virmaître, 1894 : V. Rouscailler.

Rossignol, 1901 : Lorsqu’il fait chaud on prend un plat de chaleur, ou il en fait un plat. Prendre un plat veut aussi dire rouscailler.

Prendre un rat par la queue

Rigaud, 1881 : Couper une bourse, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Voler une bourse.

Prendre une culotte

Rossignol, 1901 : Se saouler.

France, 1907 : S’enivrer.

Un poivreau que le culte de Bacchus a plongé dans la plus grande débine, se fit renvoyer de son atelier. Par pitié, ses camarades font entre eux une collecte… Notre poivreau revient une heure après complétement ivre.
— Vous n’êtes pas honteux de vous mettre dans un état pareil avec l’argent qu’on vous avait donné pour vous acheter un vêtement !
— Eh bien ! répondit l’incorrigible ivrogne, j’ai pris une culotte.

(Eugène Boutmy)

France, 1907 : Perdre au jeu.

Quelle folle gavotte !
Quand tu prendras, marmot,
Ta première culotte…
Mais pas dans un tripot.

(Alfred Marquiset, Rasure et Ramandous)

Prends garde de casser le verre de ta montre !

Rigaud, 1881 : Apostrophe à l’adresse de quelqu’un qui vient de tomber pile.

Prends garde de le perdre !

Rigaud, 1881 : Voilà une chance, une bonne aubaine qui ne t’arrivera pas.

Si du moins cette chute-là pouvait nous faire mettre en répétition ? — Prends garde de le perdre ! c’est la pièce de R… qui va passer.

(Paris à vol de canard.)

Prends garde de t’enrhumer !

Rigaud, 1881 : Plaisanterie de voyou faite à une personne qui sacrifie à Domange en plein air.

Prends garde de te décrocher la fressure !

Rigaud, 1881 : Ne marche pas si vite. Se dit par ironie en parlant à quelqu’un qui lambine, qui marche très lentement.

Préparateur

France, 1907 : Employé de magasin qui se fait complice de voleurs.

Ceux qui remplissent le rôle de préparateur, disposent à l’avance et mettent à part sur le comptoir ce qu’ils désirent s’approprier ; dès que tout est prêt, ils font un signal à leurs affidés qui attendent à l’extérieur.

(Mémoires de Vidocq)

Préparer sa petite chapelle

France, 1907 : Empaqueter ses effets dans son sac ; expression militaire.

Prépondérance à la culasse

France, 1907 : Derrière proéminent ; argot militaire.

Près

d’Hautel, 1808 : Avoir la tête près du bonnet. Être vif, impétueux, prompt à se mettre en colère.
Être près de ses pièces. Être au bout de ses finances ; n’avoir plus d’argent.

Présent

d’Hautel, 1808 : Les petits présens entretiennent l’amitié. Les présens considérables ne la rompent pas non plus.

Présomptif

Delvau, 1866 : s. m. Enfant — qui est toujours l’héritier présomptif de quelqu’un.

Presse

d’Hautel, 1808 : Imprimeur à la presse. Rébus, pour dire filou, voleur de mouchoir, escroc, par une mauvaise allusion avec la presse dont se servent les imprimeurs, et le substantif, presse, foule, assemblée nombreuse.
Mettre en presse. Pour dire mettre quelque chose en gage.
Il n’y a pas grande presse à cela. Manière dérisoire de dire qu’une chose ne mérite pas que l’an courre après.

Delvau, 1866 : s. f. Nécessité à faire ou dire une chose ; empressement. Il n’y a pas de presse. Il n’est pas nécessaire de faire cela, — du moins pour le moment. Cela ne presse pas.

Presse (avoir une bonne ou une mauvaise)

France, 1907 : Avoir les journaux pour ou contre soi.

Presse (être sous)

Rigaud, 1881 : N’être pas visible pour cause de travail professionnel, — dans le jargon des filles de maison.

Presse (mettre sous)

Larchey, 1865 : Mettre en gages. — En 1808 on disait mettre en presse. — Dans le monde galant, être sous presse signifie. Être en conférence intime.

C’est parce que nous avons été mis trop de fois sous presse, qu’aujourd’hui nous sommes tant dépréciées.

Lynol.

Presse (sous)

France, 1907 : Expression des filles de maisons de tolérance pour dire qu’une des leurs est ocupée.

— Où est la grande Irma ?
— Sous presse.

Pressée

France, 1907 : Masse de raisins passée an pressoir ; quantité de vin qui en découle. Terme de vendangeur.

France, 1907 : Quantité de volumes que contient à la fois la presse ; terme de relieur.

Presser à carreau froid

Delvau, 1866 : v. a. Faire ce qu’un autre ne pourrait pas faire, — dans l’argot des tailleurs, qui savent qu’on ne peut venir à bout d’une pièce qu’avec un carreau très chaud.

Pressier

France, 1907 : Imprimeur.

Il y a des ignorants qui confondent le compositeur avec l’imprimeur. Gardez-vous-en bien !… L’imprimeur proprement dit, le pressier, est un être brut, grossier, un ours, ainsi que le nomment (ou plutôt le nommaient) les compositeurs. Entre les deux espèces, la démarcation est vive et tranchée… La blouse et le bonnet de papier ont souvent maille à partir ensemble, et pourtant ils ne peuvent exister l’un sans l’autre ; le compositeur est la cause, l’imprimeur l’effet. La blouse professe un mépris injurieux pour ce collaborateur obligé qu’elle foule sous ses pieds ; car les imprimeurs, avec leurs lourdes presses, sont relégués à l’étage inférieur.

(Jules Ladimir)

Le pressier a maintenant disparu de presque toutes les imprimeries, où il est remplacé par le conducteur de machines.

Pression (être en)

France, 1907 : Être gris. La cervelle commence à ébullitionner comme une machine à vapeur.

Pressoir

d’Hautel, 1808 : Pour taverne, cabaret, lieu où l’on vend du vin.
Rouge comme la sébile d’un pressoir. Se dit d’une jeune personne qui a beaucoup de pudeur, qu’un rien fait rougir.

Prestissimo

France, 1907 : Très vite. Superlatif de presto.

La femme est factice et frivole ;
Tout en surface et nulle au fond ;
Elle brille, tremble et s’envole :
C’est une bulle de savon…
Et quand nous sommes heureux d’elle,
Elle s’enfuit, prestissimo,
Ainsi que la bulle infidèle
Quitte le bout du chalumeau.

(Louis Marsolleau)

Presto

France, 1907 : Vite.

Peu s’en fallut qu’il ne flanquât Paula par la fenêtre : elle ne se déroba à son indignation et à sa fureur qu’en gagnant presto la porte et dégringolant l’escalier quatre à quatre.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Prêt

d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas viande prête. Se dit d’une chose qui doit tirer en longueur, dont le résultat n’est pas prochain.
Tout est prêt, il n’y a rien de cuit. Réponse facétieuse que l’on fait à quelqu’un, pour lui faire entendre que ses ordres n’ont point été exécutés.

Delvau, 1866 : s. m. Paie, — dans l’argot des soldats.

Rigaud, 1881 : Avance d’argent. — Paye du soldat.

Rigaud, 1881 : Argent qu’une fille publique donne à son souteneur.

La Rue, 1894 : Paye. Argent qu’une fille donne à son souteneur.

Prétentailles

d’Hautel, 1808 : Ornemens de femmes ; frivolités, bagatelles, toutes choses de peu de valeur.

Pretentaine

d’Hautel, 1808 : Courir la pretentaine. Mener une vie vagabonde et libertine.

Prêter

d’Hautel, 1808 : C’est prêté à ne jamais rendre. Se dit d’une chose que, sous les apparences du prêt, l’on donne à quelqu’un ; se dit aussi par raillerie d’un homme insolvable à qui l’on a prêté de l’argent.
C’est un prêté pour un rendu. Se dit quand on riposte habilement à quelqu’un ; qu’on lui joue un tour bien supérieur à celui qu’il vous avoit joué précédemment.

Prêter cinq sous

France, 1907 : Donner un soufflet. Allusion aux cinq doigts ; argot faubourien.

Prêter cinq sous à quelqu’un

Delvau, 1866 : Lui donner un soufflet, c’est-à-dire les cinq doigts sur le visage, — dans l’argot des faubouriens.

Prêter lanche

La Rue, 1894 : Écouter.

Prêter lauche

Clémens, 1840 : Écouter.

Prêter loche

Delvau, 1866 : Prêter l’oreille, écouter, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Prête moi ton oreille. Écoute bien ce que je vais te dire (Argot des voleurs).

France, 1907 : Écouter ; argot des voleurs.

Prêtraille

d’Hautel, 1808 : Terme injurieux dont on se sert pour dénigrer l’ordre ecclésiastique.

Prêtre normand (adroit comme un)

France, 1907 : Maladroit, gaucher. Cette locution ironique fait allusion à Saint Gaucher, prêtre de Normandie, et n’est autre qu’une équivoque sur le nom.

Prêtresse de Lesbos

Delvau, 1864 : Femme aimant les personnes de son sexe.

Vous m’entendez, prêtresses de Lesbos,
Vous de Sapho disciples renaissantes.

Parny.

Prêtresse de Vénus

Delvau, 1864 : Nom que M. Prudhomme donne à la fille publique qui l’arrange, lorsqu’il s’est dérangé.

Elle rougit : chose que ne font guère
Celles qui sont prêtresses de Vénus.

La Fontaine.

Preu

Larchey, 1865 : Premier. — Diminutif ancien déjà donné dans la Farce de Pathelin.

Tiens, v’la le bijoutier du no 10 qui vous a loué tout son preu (premier étage).

H. Monnier.

Delvau, 1866 : s. et adj. Premier — dans l’argot des enfants et des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Premier. Le preu dans un atelier est le meilleur ouvrier de l’atelier. — Premier étage.

Tiens ! v’là l’ bijoutier du no 10 qui n’ s’embête pas, lui ; il vous a loué tout son preu.

(H. Monnier, Scènes populaires)

La Rue, 1894 : Premier.

France, 1907 : Premier ; argot des enfants, des ouvriers.

Preu (faire le)

Rigaud, 1881 : Donner une avance, — dans le jargon des peintres en bâtiment. Preu pour prêt. — Est-ce aujourd’hui que le pate fait le preu ?

Preuve d’amour

Delvau, 1864 : Érection solide et durable du membre viril devant une femme, qui est toujours beaucoup plus sensible à ces preuves d’amour-la qu’à celles des amoureux transis.

Je m’en souviens encore comme si j’y étais, dit incontinent le bijou de Thélis : neuf preuves d’amour en quatre heures.

Diderot.

Qu’on nous dite qu’un’ veuve fait cas
Des preuves d’amour les plus fortes,
Et sans nombre et de toutes sortes,
Cela ne me surprend pas.

Collé

Et puis des preuves de mon amitié, si vous voulez, parce que vous êtes bien gentil.

Louvet.

Preuves d’estime (donner des)

France, 1907 : Caresser sa femme ou sa maîtresse.

Prevence

anon., 1907 : Maison préventive.

Prévence

France, 1907 : Prévention ; argot des voleurs et des voyous.

Prévot

France, 1907 : Prisonnier, chef d’une escouade.

Le prévôt, c’est-à-dire l’ancien de la salle, nommé Lelièvre, était un pauvre diable de soldat qui, condamné à mort depuis trois ans, avait sans cesse en perspective la possibilité de l’expiration du sursis en vertu duquel il vivait encore.

(Marc Mario et Louis Launay)

Prévôt

Halbert, 1849 : Domestique de prison ou plus ancien de chambrée.

Delvau, 1866 : s. m. Chef de chambrée, — dans l’argot des prisons.

Rigaud, 1881 : Chef de chambrée dans une prison.

Priant

Halbert, 1849 : Chapelet.

Priante

Halbert, 1849 : Messe.

Delvau, 1866 : s. f. Église, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Église. Messe.

La Rue, 1894 : Église. Messe.

France, 1907 : Église ; argot des voleurs.

— On voit bien que vous venez de la priante, car vous bigotez.

(Mémoires de Vidocq)

Priape

Delvau, 1864 : Le dieu fait homme, qui n’a pas encore trouvé d’athées et à qui le beau sexe — les tribades exceptées — se plaît à faire ses dévotions soir et matin, et même dans la journée et dans la nuit.

Un priape, à travers le feuillage d’un arbre,
Ouvrait en souriant ses prunelles de marbre ;
Et la vierge, le sein gonflé d’un doux émoi,
Rapproche, rougissante et la joue enflammée,
Entoure de ses bras la statue, et, pâmée,
S’écrie : Oh ! je meurs ! Vénus, pardonne-moi !

E. Cantel.

Je m’élevais sur mes jambes secouant frénétiquement mon glorieux priape.

A. de Musset (Gamiani.)

Priat

France, 1907 : Chapelet ; argot des voleurs.

Prie-Dieu

Halbert, 1849 : Cadre.

France, 1907 : Code pénal ; argot des voleurs.

Prie-Dieu des chaumes

France, 1907 : Mante, insecte orthoptère des pays vignobles du midi de la France, appelée ainsi parce qu’on la voit souvent dressée sur ses pattes de derrière, les pattes de devant jointes dans l’attitude de la prière. On dit aussi mante religieuse, prêcheuse, orateur.

Les Japonais, en cela pareils aux Provençaux, ont une prédilection marquée pour deux insectes qu’ils aiment peindre d’un trait fin sur le soyeux papier de riz ou bien ciseler dans l’ivoire : la cigale déjà nommée et le fantasque prie-Dieu des chaumes, la maigre mante religieuse, qui, grave, de sa patte tendue, montre le chemin qu’il faut prendre aux petits Poucets en maraude.

(Paul Arène)

Prier

d’Hautel, 1808 : Il cherche de l’ouvrage et prie Dieu de n’en pas trouver. Voyez Ouvrage.
La viande ne prie point les gens. Se dit par raillerie d’un mauvais repas, où les mets n’excitent pas l’appétit.

Prier-dieu

France, 1907 : Se dit d’un cheval qui s’abat sur les genoux.

Prière

Delvau, 1864 : L’acte vénérien.

Tout propre à faire la prière,
Qu’on trouve ès heures de Cythère.

Piron.

Voici, extraite de l’Anti-Justine, la prière à la Vierge Marie ; c’est la page la plus originale du volume de Rétif :

Sainte et jolie Vierge Marie ; que Panthère branlait, gamahuchait, enculait, entétonnait, embouchait, et qu’il enconna enfin, une nuit, à côté du cornard endormi, le bon Saint Joseph ; duquel cocufiage provint le doux Jésus, ce bon fouteur de la putain publique, la belle Madeleine, marquise de Béthanie, dont le vagabond Jésus était en outre le souteneur, autrement le maquereau, lequel, au grand regret de la sainte garce, enculait encore Saint Jean, son giton. Sainte et jolie Marie, vierge comme moi, nous vous remercions de cette heureuse journée de fouterie. Faites-nous la grâce, par les mérites de votre fils, d’en avoir une pareille dimanche prochain !… Et vous, Sainte Madeleine, que foutait l’abbé Jésus, ainsi que Jean l’enculé, obtenez-moi la grâce de foutre autant que vous, soit en con, soit en cul, 15 ou 20 fois par jour, sans être épuisée, mais toujours déchargeant… Vous foutiez avec des Pharisiens, avec Hérode, et même avec Ponce-Pilate, pour avoir de quoi nourrir le gourgandin Jésus, votre greluchon, et les vagabonds qui lui servaient de Chouans. Obtenez-moi de votre maquereau Jésus, qui, étant dieu, a sans doute quelque pouvoir, d’avoir, sous peu, ce riche entreteneur, qui est un jour descendu de carrosse bandant à mon intention, comme je revenais de chez mon amie Mme Congrêlé ; à celle fin qu’au moyen de l’argent que je gagnerai, à votre imitation, avec mon con, mon cul, mes tétons et ma langue dardée, je puisse soulager mon digne père dans sa vieillesse ; non seulement en foutant avec lui, pour lui donner le plaisir, mais en me laissant vendre, comme la pieuse fille d’Eresichton le famélique, ou la pieuse Ocyrhoé, fille du centaure Chiron, qui toutes deux devinrent cavales, c’est-à-dire montures d’hommes ou saintes putains !… Modèle des maquereaux, doux Jésus ! fouteur acharné, greluchon complaisant de la brûlante et exemplaire putain Madeleine, qui était si amoureuse de votre vit divin et de vos sacrées couilles, maintenez, par votre toute puissance, mon connin toujours étroit et satiné, mes tétons toujours fermes, ma peau, mon cul, mes fesses, mes bras, mes mains, mon cou, mes épaules, mon dos ou mes arrière-tétons, toujours blancs, mes reins toujours élastiques ; les vits de mes amants, celui de mon père compris, toujours roides, leurs couilles toujours pleines ; car vous teniez en cela du saint roi David, si fort suivant le cœur de Dieu, parce qu’il était le premier fouteur de son temps !… Faites, ô Jésus ! que mes hauts talons, qui me prêtent tant de grâces, et font bander tant de monde, ne me donnent jamais de cors aux pieds, mais que ces pieds tentatifs restent toujours foutatifs, comme ils le sont !… Amen !

Prima gueula

France, 1907 : Chanteuse ordurière de café-concert ; argot populaire. Imitatrice de la célèbre Thérésa, qui fit sous le second empire les délices du public parisien, de ce public spécial qui raffole de l’ineptie et de la crapulerie. Louis Veuillot dit de la prima gueula dans les Odeurs de Paris : « Elle joue sa chanson autant qu’elle la chante. Elle joue des yeux, des bras, des épaules, des hanches, hardiment. Rien de gracieux ; elle s’exerce plutôt à perdre la grâce féminine ; mais c’est là peut-être le piquant, la pointe suprême du ragoût… et comme on dit dans la langue du lieu : « Ça emporte la gueule. » On dit aussi prima donna d’égout.

Prime

Fustier, 1889 : Premier. Argot des enfants.

Primeur

La Rue, 1894 : Virginité. On dit aussi : coquillage, conscrit, imberbe, mort-né.

Primo mihi

France, 1907 : À moi, d’abord ; on ajoute généralement secundo tibi, toi ensuite. Latinisme servant de maxime aux égoïstes.

Primo occupanti

France, 1907 : Au premier occupant. Les premiers arrivés ont droit aux premières places.

Primum vivere, deinde philosophari

France, 1907 : Vivre d’abord, philosopher ensuite. Précepte des anciens que les politiciens de cabaret devraient mettre en pratique. Vivre en ce sens signifie gagner sa vie en travaillant.

Primus inter pares

France, 1907 : Le premier entre les égaux ; latinisme.

Prin

France, 1907 : Chef d’institution, proviseur. Argot des écoliers ; abréviation de principal.

Prince

Delvau, 1866 : s. m. Galeux, — dans l’argot facétieux et elliptique des faubouriens. Ils disent Prince, mais ils sous-entendent de Galles. Princesse. Galeuse.

La Rue, 1894 : Galeux. Principauté, la gale.

Prince du sang

Delvau, 1866 : s. m. Meurtrier, — dans l’argot sinistrement facétieux du peuple.

Prince russe

Delvau, 1866 : s. m. Entreteneur, — dans l’argot de Breda-Street, où il semble que la générosité, comme la lumière, vienne exclusivement du Nord.

Prince, princesse

France, 1907 : Galeux, galeuse ; sous-entendu « de gale », allusion à la principauté de Galles.

Princesse

Fustier, 1889 : Nom que donnent les employés de l’état à l’administration à laquelle ils appartiennent.

Un employé du ministère, qui fait une course pour le service du ministère et qui profite de la voiture pour faire une visite pour son propre compte, peut passer pour avoir malversé des fonds de l’Etat en faisant payer à la princesse (c’est comme cela qu’on dit dans les administrations) 2 fr. 25 de fiacre.

(XIXe Siècle, avril 1887.)

On dit aussi Joséphine.

Virmaître, 1894 : Vivre pour rien. Vivre aux frais de la princesse (Argot du peuple).

France, 1907 : Maîtresse.

France, 1907 : La République. « Vivre aux frais de la princesse », occuper une sinécure.

Et que faites-vous pour protéger les loqueteux contre l’hiver ? Et en quoi cela vous gêne-t-il qu’un pouilleux aille grelotter devant la Joconde, ou qu’un vieillard fasse un petit somme à la Nationale, le nez dans quelque dictionnaire ? En vérité, vous êtes ridicules. Taisez-vous et laissez ces braves gens se chauffer tranquillement aux frais de la princesse.

(Le Journal)

Princesse de l’asphalte

Delvau, 1866 : s. f. Petite dame, — dans l’argot des gens de lettres. On dit aussi Princesse du trottoir.

Principal

d’Hautel, 1808 : C’est le principal du sac. Pour dire, c’est ce qui est le plus nécessaire dans cette affaire.

Principauté

Rigaud, 1881 : Gale. (Fr. Michel.) Jeu de mots sur principauté de Galles. (Ancien argot.)

France, 1907 : Gale. Jeu de mot sur la principauté de Galles.

Pris dans la balancine

France, 1907 : Se trouver dans une position gênante ; argot des navires. La balancine est un cordage qui, attaché à chaque extrémité d’une vergue, la fait pencher suivant les manœuvres.

Pris sans vert

France, 1907 : Pris au dépourvu. Cette expression vient d’un jeu d’enfants, le jeu du vert, qui consiste à garder sur soi quelques feuilles fraîchement cueillies, et où chacun cherche à surprendre l’autre sans ces feuilles ; celui-ci, dans ce cas, donne un gage. Ce jeu est une réminiscence d’une coutume de l’ancienne Rome où l’on immolait à Diane Taurique les esclaves fugitifs. Si l’un de ces esclaves parvenait à se saisir d’une branche de l’arbre sacré qui fleurissait dans l’intérieur du temple de la déesse, il se mettait ainsi sous la protection de Diane et avait la vie sauve.

Là, Mademoiselle Nature
Fait un port sans architecture
D’un petit bosquet couvert
Où personne n’est pris sans vert.

(Scarron, Virgile travesti)

Prise

d’Hautel, 1808 : Prise de gueule. Discours grossiers, paroles injurieuses, gros mots, sottises que se disent entre elles les femmes de la halle, lorsqu’elles se prennent de dispute.
Il ne vaut pas une prise de tabac. Pour dire que quelque chose est de nulle valeur.

Delvau, 1866 : s. f. Mauvaise odeur respirée tout à coup, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Mauvaise odeur. — Prendre une prise, une fameuse prise, respirer une mauvaise odeur, être suffoqué par des émanations fétides.

La Rue, 1894 : Mauvaise odeur.

France, 1907 : Mauvaise odeur.

Prise de bec

Larchey, 1865 : Engueulement.

Entendez-vous son organe. Elle a une prise de bec avec Angelina.

1860, les Étudiants.

Delvau, 1866 : s. f. Engueulement.

France, 1907 : Échange de reproches et d’injures.

Elle eut d’abord, avec sa belle-mère, des échanges de mots vifs, des prises de becs, que Sosthène essayait de calmer, très bon, très maladroit, partagé entre son respect pour sa mère et un certain goût pour sa femme. Alors, elle se retourna contre lui.

(Gaëtan de Meaulne)

Prisée

d’Hautel, 1808 : Elle est demeurée pour la prisée. Se dit par raillerie d’une demoiselle qui après avoir fait la dédaigneuse dans son printemps, vieillit sans se marier.

Priser

d’Hautel, 1808 : Pour dire prendre du tabac en poudre et par prise.

d’Hautel, 1808 : Mettre un prix à quelque chose, en faire cas.
Il prise trop sa marchandise. Se dit d’un présomptueux, d’un orgueilleux, d’un homme qui se fait trop valoir.

Priseur

d’Hautel, 1808 : Pour dire un preneur de tabac.

Prison

d’Hautel, 1808 : Il est agréable comme la porte d’une prison. Voyez Agréable.

Prison de saint Crépin

France, 1907 : Chaussures trop étroites. Saint Crépin est le patron des cordonniers.

Prison de Saint-Crépin

Rigaud, 1881 : Chaussure trop juste.

Prison de Saint-Crépin (être dans la)

Delvau, 1866 : Être dans des souliers trop étroits.

Prisonnier

Boutmy, 1883 : s. m. Coin qui ne peut sortir ou qui force en sortant.

Privé

d’Hautel, 1808 : Un canard privé. On appelle ainsi un homme dont on se sert pour attirer dans un piège ceux à qui on en veut.

Prix doux

Delvau, 1866 : s. m. Prix modéré, — dans l’argot des bourgeois.

Pro aris et focis

France, 1907 : « Pour ses autels et ses foyers.  » Locution latine.

Pro deo

France, 1907 : Gratis. Latinisme ; littéralement : pour Dieu ; même sens que pour le roi de Prusse.

Pro domo sua

France, 1907 : Pour sa maison, pour ses biens. Latinisme tiré d’une harangue de Cicéron.

En dépit des plaidoyers pro doma sua de l’éloquence masculine, jamais il ne saurait y avoir comparaison entre l’abandon d’un homme par une femme et d’une femme par un homme. La terrible question d’être on ne pas être se dresse là et pèse d’un singulier poids dans la balance en notre faveur.

(Jacqueline, Gil Blas)

Pro forma

France, 1907 : « Pour la forme. » Latinisme. Faire quelque chose pro forma, c’est-à-dire sans y attacher d’importance.

Pro memoria

France, 1907 : « Pour mémoire. » Latinisme.

Pro rege sæpe, pro patria semper

France, 1907 : « Pour le roi souvent, pour la patrie toujours. » Devise de Colbert.

Pro tempore

France, 1907 : « Selon le temps. » Locution latine.

Probité

France, 1907 : Amabilité, bonté ; argot des voleurs.

— Si je ne suis pas gironde, j’ai un bon cœur : tu l’as vu lorsque je lui portais le pogne à la Lorcefé ; c’est là qu’il a pu juger si j’avais de la probité.

(Mémoires de Vidocq)

Problème

Rigaud, 1881 : Chaîne de montre tenant au gilet, — dans le jargon des Écoles. En effet, un pareil luxe est un problème qui ferait croire à la fermeture des Monts-de-Piété.

France, 1907 : Chaîne de montre portée par son propriétaire, dans l’argot des étudiants. Le problème est de s’expliquer comment elle n’est pas au clou.

Problock

Hayard, 1907 : Propriétaire.

Problocque

Rossignol, 1901 : Propriétaire.

Probloque

Virmaître, 1894 : Propriétaire (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Propriétaire. Loueuse de garni aux filles.

Ce sont ces veill’s logeus’s aux min’s baroques,
Vivant d’l’amour en tenant des garnis,
Volant les femm’s jusqu’au dernier radis
Et leur gardant jusqu’à leurs dérnièr’s loques,
Les probloques, les probloques.

(Héros-Cellarius)

— V’là maintenant que les probloques se mettent avec la rousse pour assassiner le pauvre monde !… À moi, les hommes !

(Oscar Méténier)

Procès

d’Hautel, 1808 : Son procès est fait. Se dit d’une chose dont on est résolu de se défaire ; dont on ne veut plus se servir.

Procession

d’Hautel, 1808 : On ne peut sonner et aller à la procession. Pour dire qu’on ne peut être dans deux endroits à la fois, ni faire en même temps des choses incompatibles.
C’est une procession qui n’en finit plus. Se dit d’une longue suite de personnes qui vont à la file l’une de l’autre.

Prochaine (la)

Fustier, 1889 : La prochaine Commune. Argot des partisans de la Révolution sociale qui désignent ainsi la revanche à laquelle ils aspirent depuis 1871.

Procillon

France, 1907 : Petit procès, chicane.

Le patronage aristocratique qui régularisait l’aisance de l’ancien avocat, et en même temps limitait sa carrière, ce patronage n’existait plus ; les grandes causes se sont morcelées en procillons, comme les grands domaines en petites propriétés. Force est donc à nos Hortensius modernes de se rattraper sur le nombre.

(Old Nick, L’Avocat)

Procureuse

Virmaître, 1894 : Ancienne fille publique qui fait métier de procurer sur commande des jeunes filles aux vieux cochons. Elle alimente les maisons clandestines. Souvent, c’est une marchande à la toilette qui masque sa honteuse profession sous les apparences de son commerce (Argot du peuple).

France, 1907 : Femme dont le métier est de procurer du fruit vert aux amateurs très mûrs.

Produisante

Delvau, 1866 : s. f. La terre, — dans l’argot des voleurs, reconnaissants envers la vieille Cybèle.

La Rue, 1894 : La terre.

Virmaître, 1894 : La terre. L’allusion est juste : la terre produit (Argot des voleurs).

France, 1907 : Loterie ; argot des voleurs.

Produisante (la)

Rigaud, 1881 : La terre.

France, 1907 : La terre.

Profane

Delvau, 1866 : s. m. Étranger, — dans l’argot des francs-maçons, qui ont leurs mystères comme autrefois les païens, avec cette différence que la révélation n’en est pas punie de mort et qu’on s’y occupe de toute autre chose que des farces spéciales aux mystères de la Bonne Déesse, ou à ceux d’Isis, ou à ceux de Bacchus, ou à ceux de Mithra.

Professeur

France, 1907 : Vielle courtisane qui excelle à faire l’éducation des petits jeunes gens.

Professional beauty

France, 1907 : Jeune personne tirant profit de sa beauté, exerçant la profession de jolie fille. Anglicisme.

Paul Bourget a consacré tout un brillant chapitre à l’étude de la jeune Américaine. Il a délicatement analysé les nuances de cette individualité énergiquement active et positive, vaillamment occupée à sauvegarder son indépendance, à tirer de sa jeunesse et de sa beauté tout le profit possible ; il a passé en revue les divers types de la jeune citoyenne des États-Unis : — la professional beauty, la convaincue, l’ambitieuse, la bluffeuse, la collectionneuse d’amoureux, dont la coquetterie s’exerce sur plusieurs adorateurs à la fois. Comme Taine, il a conclu que la jeune Anglo-Saxonne, avec sa hardiesse, sa soif de liberté, est mieux dressée à vouloir et à agir que ses sœurs françaises, et que, — même lorsqu’en abusant de son indépendance elle côtoie l’abime, — le pis qu’on puisse penser d’elle, c’est qu’elle est « chastement dépravée. »

(André Theuriet)

Professionnel

France, 1907 : Personne exerçant une profession et en vivant.

Il voyait l’athée dans le prêtre, car le prêtre digne de ce nom est un apôtre, et, au dix-neuvième siècle, il cherchait en vain les apôtres ecclésiastiques. Les prêtres n’étaient que des professionnels comme les épiciers, et ils vendaient des prières comme les autres du sucre et des épices. Les pratiques recommandées et obligatoires sont pour eux un moyen d’asservir les consciences, de diriger les hommes, d’avoir les femmes et les enfants, et par ceux-ci les maris, les frères.

(Félicien Champsaur, Le Mandarin)

Profit

d’Hautel, 1808 : C’est un profit tout clair. Se dit par ironie de quelqu’un qui a fait une mauvaise affaire, ou d’un homme qui a commis quelqu’exaction.

Profiter sur une fille

France, 1907 : La séduire ; expression brabançonne.

— Ma fille, elle fréquentait avec un garçon, et un jour ils étaient comme ça dans le bois, et alors il a profité sur elle et lui a fait un enfant.

(Camille Lemonnier)

Profond

un détenu, 1846 : Fossé, trou, puits.

Delvau, 1866 : s. m. Fossé, trou. — dans l’argot des paysans des environs de Paris.

Profonde

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Poche.

Halbert, 1849 : Cave ou poche.

Larchey, 1865 : Poche.

Ils se désignent entre eux sous le nom de fouilleurs de profondes.

Paillet.

Larchey, 1865 : Cave.

Je vais à la profonde vous chercher du frais.

Vidocq.

Dans les deux mots même allusion de cavité.

Delvau, 1866 : s. f. Poche de pantalon, — dans l’argot des voyous et des voleurs.

Delvau, 1866 : s. f. Cave, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Poche. Elle est souvent d’autant plus profonde qu’il n’y a rien dedans.

La Rue, 1894 : Poche. Cave.

France, 1907 : Poche. Elle est parfois si profonde qu’on n’en touche pas le fond.

Pour comble de déveine, ce soir-lá, soir trop voisin de la Sainte Touche, Corniflon n’avait plus que quelques décimes dans sa profonde et conséquemment les ménageait comme la prunelle de ses yeux couleur du vert-de-gris.

(Marc Anfossi)

anon., 1907 : Poche.

Profondes

Virmaître, 1894 : Poches. Elles sont, hélas ! parfois si profondes, que l’on ne peut parvenir à y trouver le moindre maravédis (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Poches.

Profondes (les)

Hayard, 1907 : Les poches.

Proh pudor !

France, 1907 : « Ô honte ! » Latinisme.

Les commissaires, gens tarés pour la plupart, des avocats sans causes, des bohémiens littéraires, des marchands faillis, et, proh pudor ! — jusqu’à d’anciens forçats — harnachés de gilets à la Robespierre, de chapeaux pointus à rouges panaches et de ceintures tachées de vin, s’étalèrent en poste pour aller, munis de pouvoirs illimités et de quarante francs par jour, sans les tours de bâton, démocratiser et administrer révolutionnairement nos départements stupéfiés.

(Charles de la Varenne)

Prolo

Fustier, 1889 : Prolétaire, ouvrier.

M. Jules Ferry qui est un riche bourgeois, confie aux gendarmes la garde de sa caisse et la surveillance des prolos.

(Journal de l’Instruction publique, 1882.)

Virmaître, 1894 : Abréviation de prolétaire. Travailleur de n’importe quel métier qui n’a d’autres ressources que ses dix doigts pour vivre (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Prolétaire.

Plus on va, malgré que croisse continuellement le gaspillage, ce qui a pour résultat d’augmenter la production des objets de luxe, le nombre des prolos nécessaires pour suffire aux demandes va toujours diminuant.
Pauvre prolo, t’es pas bidard !
Tu as commencé par être esclave — c’est-à-dire bête de somme — propriété d’un maître ; tu as été ensuite serf de la terre ; aujourd’hui on t’a bombardé serf de l’usine et du capital et ton sort est toujours aussi pitoyable :
Pas de liberté et juste assez de croustille pour l’empêcher de crever !

(Le Père Peinard)

Prolongation de la nuit

France, 1907 : Cours de calculs nautiques, qui se fait à 5 h. 1/2 du matin ; argot du Borda.

Le cours de calculs nautiques, ayant lieu de grand matin, sitôt après le branle-bas, a été baptisé prolongation de la nuit, surnom caractéristique indiquant les dispositions qu’y apportent les élèves.

(Histoire de l’École navale)

Prolonge

Rigaud, 1881 : Permission de minuit, — dans l’argot de l’École Polytechnique.

France, 1907 : Prolongation de sortie jusqu’à minuit 45, qui permet aux polytechniciens d’aller au théâtre… et de courir la gueuse.

Promener

d’Hautel, 1808 : Promener quelqu’un. Se jouer, se moquer finement de lui ; abuser de sa simplicité, de sa bonne foi, de sa crédulité, soit en le faisant parler long-temps, soit en l’engageant dans de fausses démarches, et dans la vue secrète de le tourner en suite en ridicule.
Va te promener. Pour va-t-en, retire-toi ; laisse moi tranquille.

Promener quelqu’un

Delvau, 1866 : Se moquer de lui, — dans l’argot du peuple.

Promeneur de besace

France, 1907 : Mendiant ; expression du Centre.

Promettre

d’Hautel, 1808 : Il ne sera pas si méchant qu’il l’a promis à son capitaine. Se dit par ironie et pour se moquer des menaces d’un fat, d’un fanfaron.
Chose promise, chose due. Signifie que l’on ne doit jamais manquer à sa parole quelle que soit la manière dont on l’ait engagée.

Promettre la diligence de Lyon

France, 1907 : Promettre une chose incertaine.

Promiscuité

Delvau, 1864 : Mélange confus, communauté entre fouteurs et fouteuses.

Jetons l’innocence à la borne
Mettons la pudeur au rebut.
Des époux trompés le tricorne
A cessé d’être un attribut.
Les sexes s’effacent,
Malgré les mœurs, les lois et les Platons ;
L’honneur n’est plus où nos mariés le placent…
Promiscuitons !

L. Festeau.

Promoncerie

France, 1907 : Procédure ; argot des voleurs.

Promont

Larchey, 1865 : Procès (Vidocq) — Corruption de mot.

Delvau, 1866 : s. m. Procès, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Procès. — Promoncerie, procédure.

La Rue, 1894 : Procès. Promoncerie, procédure.

France, 1907 : Progrès ; argot des voleurs.

Promontoire nasal

Delvau, 1866 : s. m. Le nez, — dans l’argot des romantiques, qui avaient, eux aussi, l’horreur du mot propre, tout comme les classiques, leurs ennemis. Théophile Gautier a le premier employé cette expression, qu’emploient depuis longtemps les médecins zagorites : τό μπούρνο.

Prompto

France, 1907 : Rapidement ;expression militaire.

À peine tes yeux fermeras,
Demi-appel réentendras,
Prompto tu te relèveras.

(Litanies du cavalier)

Prône

d’Hautel, 1808 : Recommander quelqu’un au prône. Faire des plaintes d’un subalterne à ses supérieurs, dans le dessein de lui attirer des réprimandes ou quelque châtiment.

Pronier ou patron

Halbert, 1849 : Père.

Pronier, pronière

Rigaud, 1881 : Père, mère, dans l’ancien argot.

France, 1907 : Père, mère ; argot des voleurs.

Pronière

Halbert, 1849 : Mère.

Prophète

d’Hautel, 1808 : Il est prophète du passé, il devine les fêtes quand elles sont venues. Se dit ironiquement d’un homme sans perspicacité, sans pénétration.
Nul n’est prophète en son pays. Pour dire que quelque mérite qu’on ait effectivement, on est moins estimé en son pays, qu’ailleurs.

Propos

d’Hautel, 1808 : À propos de bottes. Locution dont on se sert pour exprimer qu’un discours, une action n’a aucun rapport avec ce qui a été dit ou fait précédemment.

Propos de bottes (à)

France, 1907 : Parler d’une chose qui vous vient à l’idée en entendant parler d’une autre.

N’croyez pas, ma cocotte,
Qu’tout exprès pour vos beaux yeux
J’allions, à propos d’botte,
M’fair casser z’un’ jambe ou deux :
Je r’viendrons, n’vous en déplaise…
N’sait-on pas qu’il est d’s’endroits
Où c’qu’on entre plus à l’aise
La seconde fois ?

(Désaugiers)

Propre

d’Hautel, 1808 : Il est propre, il ne laisse rien traîner. Se dit par raillerie d’un homme dont la bonne foi est suspecte ; qui est sujet à dérober tout ce qu’il trouve sous sa main.
Il est propre. Se dit ironiquement et trivialement d’un homme qui s’est mis dans de mauvaises affaires, ou qui s’est laissé prendre de vin.

Larchey, 1865 : « Il est propre se dit d’un homme qui s’est mis dans de mauvaises affaires. » — 1808 d’Hautel.

Delvau, 1866 : adj. Antiphrase de l’argot du peuple, qui l’emploie au figuré. Être propre : pour lui, est l’équivalent de : Être dans de beaux draps.

Propre (être)

Rigaud, 1881 : Être impliqué dans une mauvaise affaire.

Propre à mibes

M.D., 1844 : Bon à rien.

Propre à nib

Rossignol, 1901 : Propre à rien.

Propre à rien

France, 1907 : Fainéant.

Cette loi qui crée la fortune injuste par l’héritage collatéral, qui fait du propre à rien un grand seigneur, parce qu’il a un oncle d’Amérique, fait du paysan un prolétaire parce qu’il 1e peut aménager sa terre pour qu’elle reste productive.

(Camille Dreyfus, La Nation)

Propre-à-rien

Delvau, 1866 : s. m. Lâche canaille, misérable digne de la roue, — dans l’argot du peuple, qui ne connaît pas, après feignant, d’injure plus sanglante à jeter à la tête d’un homme, fût-il le plus honnête et le plus brave des hommes.

Proprement

d’Hautel, 1808 : Se soûler proprement. Ivrogner ; faire de fréquentes débauches de vin.

Propret, proprette

d’Hautel, 1808 : Diminutif de propre ; celui qui affecte une propreté minutieuse ; et jamais propet, propette, comme on a coutume de le prononcer.

Propriétarisme

France, 1907 : État de celui qui possède. Néologisme qu’on ne trouve, on ne sait pourquoi, dans aucun dictionnaire et qui manque à la langue dite grammaticale, puisqu’on ne peut se servir que d’une périphrase pour l’exprimer.

Le mariage procède d’un sentiment que la civilisation à ancré en nous, le propriétarisme. L’homme veut être propriétaire de la femme et la femme de l’homme. Tout le mariage est là.

(Mot d’Ordre)

Proprio

Rigaud, 1881 : Propriétaire.

Et comme je n’aime pas les proprios.

(Le Sans-culotte, 1879.)

Virmaître, 1894 : Abréviation de propriétaire (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Propriétaire.

Hayard, 1907 : Même sens — poche.

France, 1907 : Abréviation de propriétaire ; argot populaire.

En 1870, je n’ai pas attendu que l’on fit l’appel de ma classe, je me suis engagé, au son du tambour, et j’ai fait campagne pour défendre ce sol où je n’ai rien planté, tandis que les riches proprios et les riches négociants éliminaient leurs enfants par tous les moyens en leur pouvoir. Et moi, pauvre ouvrier, qui n’ai absolument rien à défendre, ni propriété, ni industrie, ni commerce, je ferais des enfants pour défendre le bien des autres ! Pour que quand j’irai demander un secours il me soit refusé ?

(Lettre d’un prolo à Séverine)

J’tap’rai dans l’tas d’ceux qu’a pas d’blouse,
J’cass’rai la gueule aux proprios,
À tous les gens qu’a d’la galtouze
Qu’il a gagné dans des agios.
D’abord. moi, j’ai pas l’rond, j’suis meule,
Aussi rich’s, nobl’ eq cœtera,
I’faut leur-z-y casser la gueule…
Et pis après… on partag’ra !

(Aristide Bruant, Dans la Rue)

Le féminin est propriote.

Prose

Hayard, 1907 : Postérieur.

France, 1907 : Le derrière.

Prose, prouas, proye

Rigaud, 1881 : Derrière. — Filer du prouas signifie filer l’amarre de proue. Les latrines des matelots sur les navires à voiles sont à la proue, d’où filer du proye, ou du câble de proue pour aller à la selle. — On dit vulgairement faire des cordes. Le mot date de loin. Aristophane l’a employé et, dans ses comédies traduites en latin par M. Artaud, il fait dire à un personnage depuis longtemps en fonction : « At tu funem cacas ».

Prot

France, 1907 : Dindon. Ainsi nommé du nom du père Prot, jésuite qui a été le principal importateur des dindons. On les appelle aussi jésuite.

Protalat

d’Hautel, 1808 : Les imprimeurs appellent ainsi la place de prote ; la direction d’un prote.

Prote

Boutmy, 1883 : s. m. Chef d’une imprimerie. Prote à manchettes. C’est le véritable prote ; il ne travaille pas manuellement ; son autorité est incontestée. Il représente le patron vis-à-vis des clients tout aussi bien que vis-à-vis des ouvriers. Prote à tablier, ouvrier qui, en prenant les fonctions de prote, ne cesse pas pour cela de travailler manuellement. Prote aux gosses, le plus grand des apprentis. Prote aux machines, conducteur qui a la haute main sur les autres conducteurs d’un même atelier.

Prote à manchettes

France, 1907 : Représentant du patron dans une imprimerie.

Prote à tablier

Delvau, 1866 : s. m. Prote qui lève la lettre comme les autres ouvriers, — dans l’argot des typographes.

Rigaud, 1881 : Prote qui, outre ses fonctions, lève la lettre comme les autres compositeurs d’imprimerie.

France, 1907 : Prote qui lève la lettre, dans les petites imprimeries.

Prote aux gosses

France, 1907 : Le plus grand des apprentis.

Protecteur

Delvau, 1864 : Monsieur bien mis qui consent à mettre une fille dans ses meubles et à oublier tout les mois, dans le tiroir de l’un d’eux, quelques billets de banque destinés à l’entretien de cette fille — de de son amant de cœur.

Ces belles drôlesses… qui viennent de la rive droite de la Seine, du pays où les protecteurs fleurissent.

A. Delvau.

Delvau, 1866 : s. m. Galant homme qui entretient une femme galante. On dit aussi Milord protecteur. Les actrices disent Bienfaiteur.

France, 1907 : Amant payant d’une fille entretenue.

France, 1907 : Personnage en vue grâce à l’influence duquel on obtient l’ouverture d’un cercle, qui le protège quand il est menacé et pare quand il le peut les tuiles qui pourraient s’y abattre.

… Dans une ville comme Paris, tous les paresseux, tous les ratés, tous les déclassés, tous les révoqués et tous les défroqués savent s’arranger pour vivre des cercles… Le protecteur est un personnage officiel ou officieux. Il est sénateur, député, conseiller municipal, général, préfet, magistrat, homme de lettres, journaliste, académicien, etc., etc. Il touche pour ses… voitures une somme ronde, une redevance mensuelle et reçoit des actions libérées du cercle. Il existe à Paris un grand nombre de ces protecteurs, et, s’il nous était permis d’en publier les noms, il y aurait de grandes surprises !…

(Hogier-Grison, Pigeons et Vautours)

Protectionnisme

France, 1907 : Acte de protéger une certaine catégorie de citoyens au détriment des autres. Néologisme.

On pourrait définir le protectionnisme « une coalition d’intérêts qui se liguent entre eux pour s’enrichir aux dépens du public ». M. Brousse, ennemi des voies détournées, l’a proclamé avec beaucoup de franchise, et il semble trouver tout naturel que, par une série de combinaisons ingénieuses, on prenne, dans nos poches. de quoi remplir le bas de laine et les coffres-forts. À ses yeux, le consommateur et le contribuable soit d’excellentes vaches à lait qu’on a le droit de traire jusqu’à complet dessèchement des mamelles.

(Demange, Journal des Débats)

Protéger

Larchey, 1865 : Entretenir.

Votre monstre d’homme protège Jenny.

Balzac.

Protecteur : Entreteneur.

Delvau, 1866 : v. a. Entretenir une femme.

Protenbarre

France, 1907 : Contremaître d’un atelier d’imprimerie.

Prou

France, 1907 : Assez, beaucoup. Vieux mot qui ne s’emploie que dans ces expressions : peu ou prou, ni peu ni prou. Il est encore usité en Béarn.

… Voler, c’est bientôt dit, et, au jour d’aujourd’hui, qu’est-ce qui ne vole pas peu ou prou ?… Il y en a qui volent en trompant sur la marchandise, il y en a qui volent la femme de leur prochain… Le monde n’est qu’une volerie du haut en bas. Le tout est de ne pas se laisser pincer.

(André Theuriet)

Les anniversaires, c’est — souvent — une occasion pour se réunir autour de quelques litres et s’envoyer du picolo dans le trou du cou.
Y a pourtant autre chose dans un anniversaire ! On doit, en ruminant peu ou prou sur le passé, tâcher d’y pêcher un enseignement pour l’avenir.
Et c’est pour ça que le 18 mars est une date qu’il ne faut pas négliger.

(Le Père Peinard)

Proude

Clémens, 1840 : Alerte.

Proue

Delvau, 1866 : s. f. L’arrière du navire-homme, — dans l’argot des marins. Filer le câble de proue. Alvum deponere.

Prouesse

Delvau, 1864 : L’acte vénérien.

Surtout, quelque ardeur qui vous presse,
Ne faites point trop de prouesses.

Voiture.

Prout

France, 1907 : Pet. « Faire prout. » Argot populaire.

Prout !

Rigaud, 1881 : Ça m’est bien égal.

Proute

Larchey, 1865 : Plainte. — Allusion facile à saisir si on se reporte au sens de péter.

Delvau, 1866 : s. f. Plainte, gronderie, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Plainte. — Prouteur, prouteuse, plaignant, plaignante. Prouter, se plaindre, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Plainte. Alerte. Faire le proute, crier à la garde.

France, 1907 : Plaintes, récriminations ; argot des voleurs.

Prouter

Delvau, 1866 : v. n. Porter plainte, gronder.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Appeler, héler, — dans l’argot du peuple, qui crie souvent : Prout ! prout ! Se dit aussi — dans le même argot — des sacrifices faits au dieu Crépitus. C’est une onomatopée.

Virmaître, 1894 : Marronner, ne pas être content (Argot du peuple). V. À cran.

Rossignol, 1901 : Être mécontent.

Hayard, 1907 : Murmurer ; n’être pas content.

Prouteur

Delvau, 1866 : s. et adj. Qui fait de fréquents sacrifices au dieu Crépitus.

Delvau, 1866 : s. et adj. Plaignant, grondeur.

Prouve-à-mort

France, 1907 : Avocat.

De tels bavarde à gueules d’advocats,
Grands prouve-à-mort, point ne fais-je grand cas.
À les ouïr médire et contredire
On n’est puis soûl que de salive et d’ire ;
Et bien mieux vault, de petits coups buvant,
Sans mots cruels à la sagette dire,
Tisser en paix cette toile de vent
Laquelle a nom : parler pour ne rien dire.

(Jean de Moyouje)

Prouver

d’Hautel, 1808 : Qui veut trop prouver, ne prouve rien. Signifie, qu’à force de vouloir prouver une chose, on finit par la rendre incroyable.

Provence

France, 1907 : Il est plusieurs vieux dictons sur la Provence, nous ne citerons que celui-ci applicable à tous les pays de France, la Durance exceptée.

Le gouverneur, le parlement, la Durance
Ces trois ont gâté la Provence.

Proverbes érotiques

Delvau, 1864 : En voici seulement quelques-uns des plus connus :

Le cas d’une fille est fait de chair de ciron, il démange toujours.

Brantôme.

Le cas d’une femme est de terre de marais, on y enfonce jusqu’au ventre.

Brantôme.

Un con bien ménagé, à Paris surtout, vaut mieux que deux métairies.

(Moyen de parvenir.)

Un cul de putain
Au soir et au matin
Ne sera sans merde.

(Anciens Fabliaux.)

Une femme ira plus pour un coup de vit qu’un âne pour dix coups de bâton.

(Moyen de parvenir.)

Les femmes sont anges à l’église, diables en la maison, singes au lit.

(Moyen de parvenir.)

Toute belle femme s’étant essayée au jeu d’amour ne le désapprend jamais.

Brantôme.

Par commun proverbe on dit,
Qu’on connaît femme à la cornette
S’elle aime d’amour le déduet.

G. Coquillard

Plus vous couvrirez une femme, plus il y pleuvra.

Tabarin.

Femme qui fait ses cuisses voir,
Et se montre en sale posture,
À tout homme fait à savoir
Que son con demande pâture.

Théophile.

La femme a semence de cornes.

Leroux de Lincy.

Quand femme dit souvent hélas,
Elle demande ailleurs soulas.

Leroux de Lincy.

Le four est toujours chaud, mais la pâte n’est pas toujours levée.

(Moyen de parvenir.)

Il vaut mieux dépuceler une garce que d’avoir les restes d’un roi.

Brantôme.

Froides mains, chaudes amours.

Leroux de Lincy.

Mais, belles, sachez qu’un beau manche
Réchauffe aussi bien qu’un manchon.

Théophile.

L’oisiveté est mère de paillardise.

(Le Synode nocturne des tribades.)

L’amour est le chemin du cœur
Et le cœur l’est du reste.

Mademoiselle de Soudéry.

Et quand on a le cœur
De femme honnête, on a bientôt le reste.

Voltaire.

Province

d’Hautel, 1808 : Il revient de sa province. Se dit d’un homme qui sous un air simple et niais fait des offres déraisonnables à quelqu’un.

Provision

d’Hautel, 1808 : Il a une bonne provision de bois pour son hiver. Se dit facétieusement de celui à qui on a donné une volée de coups de bâton.

Provoquer les passants

Delvau, 1864 : Les inviter à monter tirer un coup.

Une jeune lorette,
À minois séduisant,
D’une œillade discrète
Provoquait le postant.

A. Montémont.

Proxénète

Virmaître, 1894 : Ou maquerelle ; c’est la même chose. La proxénète est à l’affût de toutes les misères pour livrer les malheureuses à la prostitution. Celle-là ne connaît pas la grève des mineures. Elle revêt toutes les formes, depuis la grande dame qui a « eu des malheurs », qui tient une agence dramatique, jusqu’à l’ancienne cuisinière qui tient un bureau de placement (Argot du peuple).

Proye

anon., 1827 : Le c.

Bras-de-Fer, 1829 : Le c…

Proye le c

Halbert, 1849 : Synonyme de merdeux.

Proye, proys

France, 1907 : Le derrière.

Prudhomme

Delvau, 1866 : s. m. Imbécile solennel dont le type a été inventé par Henry Monnier. On se rappelle et l’on cite souvent en riant, dans la conversation, cette phrase supercoquentieuse, digne du bourgeois sur les lèvres duquel elle est éclose : « Si cela peut faire votre bonheur, soyez-le. » Soyez-le pour soyez heureux ! L’ellipse est un peu forte. Un chroniqueur parisien, M. Jules Maillot, plus inconnu sous le nom de Jules Richard, s’est rendu coupable d’une phrase de la même famille : « Il ne faut pas traiter sérieusement les choses qui ne le sont pas, » a-t-il dit très sérieusement dans le Figaro du 7 décembre 1865.

Rigaud, 1881 : Personnage sententieux, solennel et bête à la fois ; type créé par Henry Monnier. Joseph Prudhomme professeur en fait d’écritures, élève de Brard et Saint-Omer, expert assermenté près les Cours et Tribunaux, ancien propriétaire des anciens terrains de l’ancien Tivoli, ainsi qu’il s’annonce lui-même. — Le père des deux phrases célèbres :

Ce sabre est le plus beau jour de ma vie. — Le char de l’État navigue sur un volcan.

France, 1907 : Imbécile solennel dont le type a été créé par H. Monnier, et caricaturé par Cham.

Prudhommesque

Rigaud, 1881 : À la manière de M. Prudhomme, dans le genre de Prudhomme.

Prudhommie

France, 1907 : Lien commun sentencieux.

Prumeau

France, 1907 : Chique de tabac.

Prune

d’Hautel, 1808 : Ce n’est pas pour des prunes. C’est-à-dire, ce n’est pas pour rien, pour peu de chose, etc.

Delvau, 1866 : s. f. Griserie, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression depuis la création de rétablissement de la Mère Moreaux, c’est-à-dire depuis 1798. Avoir sa prune. Être saoul.

Delvau, 1866 : s. f. Balle ou boulet, — dans l’argot des soldats, qui ne se battent vraiment que pour des prunes. Le mot a des chevrons. Un jour, Sully, accourant pour prévenir Henri IV des manœuvres de l’ennemi, le trouve en train de secouer un beau prunier de damas blanc : « Pardieu ! Sire ! lui cria-t-il du plus loin qu’il l’aperçut, nous venons de voir passer des gens qui semblent avoir dessein de vous préparer une collection de bien autres prunes que celles-ci, et un peu plus dures à digérer. » On dit aussi Pruneau. Gober la prune. Recevoir une blessure mortelle.

France, 1907 : Balle ; allusion à la forme des anciennes balles.

Au même moment, un grand juif hollandais accourait armé d’une fourche. Cela donna du cœur au « singe », qui me dit : « Si tu ne te rends pas immédiatement, je te tue. »Je lui répliquai : « Décampe, ou tu es mort. » Il essaya de me saisir. Je lui envoyai alors dans l’épaule une prune qui le roula par terre.

(Hector France, Chez les Indiens)

On dit aussi dragée, pruneau.

Un jeune maréchal des logis du 11e dragons, fils du général Henry, chef d’état-major du 6e corps, a la tête brisée par un éclat d’obus ; l’aide de camp du commandant du 4e corps, le capitaine de la Tour-du-Pin, s’empare du fanion, pendant que tombe le pauvre enfant :
— Permettez-moi, mon général, dit-il, de prendre la place du maréchal des logis.
Et c’est M. de la Tour-du-Pin qui, jusqu’à la fin de la bataille, porta le fanion tricolore, ce qui faisait dire aux soldats qui passaient :
— Pour sûr, en v’là un qui aime les pruneaux.

(Commandant X, La Nation)

Prune de Monsieur

Delvau, 1866 : s. f. Archevêque, — dans l’argot des voleurs, qui savent que ces prélats sont habillés de violet.

Rigaud, 1881 : Boulet de canon.

Prune et Pruneau

Merlin, 1888 : Balle. Pruneau veut dire aussi chique. On dit encore pruneau d’Afrique.

Prune, pruneau

Larchey, 1865 : Projectile — Allusion de forme.

C’est tout de même vexant d’avoir échappé si souvent aux prunes pour être tué comme un chien enragé.

E. Sue.

Quand j’ai reçu le pruneau, j’ai dit : Bien, c’est le bon !

L. Reybaud.

Rigaud, 1881 : Balle. Recevoir un pruneau.

La Rue, 1894 : Balle. Chique. Œil. Excrément.

Pruneau

d’Hautel, 1808 : Elle est noire comme un pruneau relavé. Locution populaire qui se dit d’une personne qui a le teint extrêmement brun, et notamment d’une femme.

Delvau, 1866 : s. m. Chique de tabac, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. m. Alvi dejectio. Poser un pruneau. Levare ventris onus.

Rigaud, 1881 : Œil.

Rigaud, 1881 : Excrément humain. Poser son pruneau, sacrifier à Lesage. Allusion à la couleur et à l’aspect des pruneaux desséchés, lorsque le temps et l’air ont passé par là. Variante : Déposer sa pêche.

Rigaud, 1881 : Chique ; boulette de tabac que les soldats, les marins et nombre d’ouvriers promènent de l’une à l’autre joue. La chique à la couleur du pruneau, de là le surnom. — Passe-moi ton pruneau, j’ai avalé le mien.

Surtout retire le pruneau.

(A. Camus.)

Virmaître, 1894 : Tabac en carotte qui se nomme grosse ou petite ficelle ; il se chique. Comme le morceau, une fois mâché, est noir et juteux, on le nomme un pruneau (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Chique de tabac.

Pruneaux

Delvau, 1866 : s. m. pl. Yeux. Boucher ses pruneaux. Dormir.

France, 1907 : Yeux. Boucher ses pruneaux, dormir.

France, 1907 : Testicules.

Pruneaux (aller aux)

France, 1907 : Farce que l’on fait dans les hôpitaux militaires aux nouveaux venus naïfs à qui l’on avise d’aller dans une salle voisine demander soit des pruneaux, soit tout autre dessert à un malade qu’on dit chargé de la distribution.

Prunelle

d’Hautel, 1808 : Jouer de la prunelle. Pour dire, faire des signes d’yeux, jeter des œillades sur quelqu’un ; être d’intelligence.
Conserver quelque chose comme la prunelle de ses yeux. C’est-à-dire, précieusement : avec le plus grand soin.

Prunes

France, 1907 : Testicules.

Prunes (mangeur de)

Rigaud, 1881 : Tailleur.

Prunes (pas pour des)

France, 1907 : Pour quelque chose.

Le dîner débuta gaiement. Ils avaient un sujet de conversation qui prêtait à la médisance et, là-dessus, on pouvait pêcher au hasard : dans le monde officiel, pas une personne que ne fût de première force. Ce n’était pas pour des prunes la quintessence de la province.

(Edgar Monteil)

Une ancienne horizontale demande un fonds de liquoriste bien achalandé de jeunes gens… qui ne viendraient pas là pour des prunes.

(Écho de Paris)

Prunes de Monsieur

Delvau, 1864 : Les testicules, dont les femmes sont si friandes, à cause de l’excellente eau de noyau qui en sort.

Si malgré les vœux de madame,
Les prunes de monsieur m’ont plu,
On doit excuser une femme
Que tenta le fruit défendu.

Marcillac.

France, 1907 : Évêque, à cause de la couleur violette.

Prunes de prophétie

Delvau, 1866 : s. f. pl. Fumées d’un animal, — dans argot des chasseurs.

Prunot

Rigaud, 1881 : Débit de liqueurs doublé d’un débit de tabac tenu par de belles filles.

Ce n’est ni un café, ni un estaminet, ni un débit de tabac, ni une boutique de marchand de vin… C’est un buffet, un prunot, un chinois. C’est tout à la fois, et café, et estaminet, et débit de tabac.

(Les Étudiants et les femmes du quartier Latin en 1860.)

Prusse

d’Hautel, 1808 : C’est pour le roi de Prusse. Manière plaisante et fort en usage de parler, qui veut dire que l’on a fait quelque chose en pure perte ; que l’on n’a aucun salaire à en espérer.

Prusse (pour le roi de)

Larchey, 1865 : « Manière fort en usage de parler pour dire que l’on a fait quelque chose en pure perte. » — d’Hautel, 1808.

S’ils viennent ce sera pour le roi de Prusse.

Cogniard 1831.

Prusse (travailler pour le roi de)

Rigaud, 1881 : Travailler pour rien. — Faire un travail qui ne sera pas payé.

Prussianisme

France, 1907 : Caractère, façons d’être, tendances du gouvernement prussien et de la nation prussienne.

Prussien

Larchey, 1865 : Derrière. V. Camboler. — Les déroutes d’Auerstadt et d’Iéna où les Prussiens n’ont pas tardé à tourner le dos, ont pu naturaliser dans nos troupes cette plaisanterie. — En 1825, on a publié un Guide du Prussien ou Manuel de l’artilleur sournois.

Le général Kléber
À la barrière d’Enfer
Rencontre un Prussien
Qui lui montra le sien.

Chanson populaire.

Delvau, 1866 : s. m. Un des trop nombreux pseudonymes de Messire Luc, — dans l’argot des troupiers, dont les pères ont eu sous la République et sous l’Empire, de fréquentes occasions d’appliquer leurs baïonnettes dans les reins des soldats prussiens. On connaît la chanson :

Le général Kléber,
À la barrièr’ d’Enfer,
Rencontra un Prussien
Qui lui montra le sien.

C’est à tort qu’un étymologiste va chercher à ce mot, jusque chez les Zingaris, une étymologie — toute moderne.

Rigaud, 1881 : Derrière. — Exhiber son prussien, se sauver au moment du danger.

Merlin, 1888 : Postérieur.

Virmaître, 1894 : Le derrière. — Je vais le fourrer un coup de pied dans le prussien (Argot du peuple).

France, 1907 : L’endroit que bat la giberne, le derrière. Ce mot a été forgé par nos aïeux les troupiers du premier empire qui maintes fois poussèrent le derrière des Prussiens à la baïonnette.

Le général Kléber
À la barrièr’ d’Enfer
Rencontra un Prussien
Qui lui montra le sien.

dit une chanson connue. Ce mot traditionnel dans l’armée date de 1793. Après la canonnade de Valmy, les troupes françaises et les troupes prussiennes restant en observation les unes vis-à-vis des autres. Comme ces dernières étaient postées sur les hauteurs du camp de la Lune, c’est-à-dire entre l’armée de Dumouriez et l’intérieur du pays, leurs convois étaient interceptés par la cavalerie française et par les paysans. Le temps humide et pluvieux ajoutant aux privations, engendra parmi les ennemis une dysenterie presque générale ; et du plateau de Valmy nos soldats, entretenus en gaieté par leurs récents succès et par des approvisionnements suffisants, voyaient leurs adversaires tous occupés à la même besogne et montrant ce que nos troupiers gouailleurs, désignant la partie par le tout, nommèrent désormais un prussien.

Prussien (un)

Delvau, 1864 : Un cul. On dit : Cheminer à la prussienne, pour foutre en cul.

Le général Kléber
À la barrier’ d’Enfer
Rencontra z’un Prussien
Qui lui montra le sien.

(Chanson du quartier Latin.)

Pschutt

Fustier, 1889 : « Le chic est mort, vive le pschutt. » Qu’est-ce que le pschutt ? On ne le sait pas exactement, et c’est ce mystère qui en fait tout le mérite. Le pschutt, c’est le chic ou à peu près. Il y avait trop longtemps qu’on disait : « M. de un tel a du chic. » On a imaginé de dire : « M. de un tel a du pschutt. »

(Gaulois, janvier 1883.)

La Rue, 1894 : Élégance ; monde des oisifs élégants, la pschutterie, les pschutteux.

France, 1907 : Le monde élégant.

Qu’est-ce que le pschutt ? On ne le sait pas exactement, et c’est ce mystère qui en fait tout le mérite. Le pschutt, c’est le chic ou à peu près. Il y avait trop longtemps qu’on disait : « Monsieur un tel a du chic » On a imaginé de dire : « Monsieur un tel à du pschutt. »

(Alexandre Hepp, Le Voltaire)

Pschutteux

France, 1907 : Jeune où vieil élégant.

Pschuttisme

France, 1907 : Lamentable état intellectuel du pschutteux.

Psychose

France, 1907 : Maladie récemment inventée particulière aux bas-bleus et aux intellectuels.

Elle est atteinte de psychose, ainsi qu’a dit un savant russe. Elle ne voit qu’Elle, but général ; les autres n’existent qu’en raison de leurs rapports avec Elle.

(Harry-Alis, Petite Ville)

Puant

d’Hautel, 1808 : Il fait le puant. Se dit d’un homme qui ayant changé de condition, fait le fat, le fier, l’orgueilleux, et ne daigne plus regarder ses anciens camarades, ou les gens avec lesquels il vivoit autrefois familièrement.

Larchey, 1865 : Homme aux manières irritantes qu’on ne peut pas sentir. Se dit surtout de ceux qui affectent des allures fashionables.

Ce petit puant… un petit maître toujours sans conséquence.

Parodie de Zaïre dix-huitième siècle.

Delvau, 1866 : s. et adj. Fat, — dans l’argot du peuple, qui fait peut-être allusion aux odeurs de musc et de patchouli qu’exhalent les vêtements des élégants.

Rigaud, 1881 : Hautain, dédaigneux, rempli de fatuité et de sot orgueil.

La Rue, 1894 : Fat. Hautain. Bouc.

France, 1907 : Fat, gommeux ; argot populaire. Se dit aussi du capucin et du bouc.

Public

Fustier, 1889 : Dans le langage des bureaux, un public est la première personne venue qui se présente dans ces bureaux pour y traiter une affaire.

L’individu qui se présente au Mont-de-Piété, pour emprunter, s’appelle un public.

(Max. du Camp : Paris, ses organes.)

France, 1907 : « Dans le langage des bureaux, un public est la première personne venue qui se présente dans ces bureaux pour y traiter une affaire. »

(Gustave Fustier)

Public (se fiche du)

Larchey, 1865 : Voir peuple.

Public de bois

Rigaud, 1881 : Public mal disposé, — dans le jargon des comédiens.

Puce

d’Hautel, 1808 : Fort comme une puce. Homme foible et débile, qui ne peut supporter aucune espèce de fatigue, et qui souvent fait le vigoureux, le fanfaron.
Il a autant de caprices qu’un chien a de puces. Voyez Chien.
Secouer les puces à quelqu’un. Le maltraiter, le battre.
Avoir la puce à l’oreille. Être leste, agile, inquiet, et toujours éveillé.

France, 1907 : Injure qu’adressent les théâtreuses à celles de leurs camarades qu’elles n’aiment pas.

— Encore une sale puce ! dirent les petites.
Si le terme de « petits pieds sales » était employé pour désigner ces fillettes, elles, entre elles, n’avaient pas de plus grosse injure que de se traiter de puce, et quand elles disaient « sale puce », c’était l’injure portée à sa suprême puissance.

(Edgar Monteil, La Jambe)

Puce (avoir la)

Rigaud, 1881 : Avoir l’éveil, se tenir sur ses gardes, — dans le jargon des voleurs. C’est mot à mot : avoir la puce à l’oreille, — La rousse a la puce.

Puce à l’oreille (mettre la)

France, 1907 : Éveiller l’attention.

Puce en l’oreille
L’homme réveille.

(Proverbe du XVIe siècle)

Pourtant les confidences que lui avait jadis faites Mme Vasly — mais elle était si mauvaise langue, Mme Vasly ! — les renseignements et avertissements que son beau-frère Gaultry lui avait un jour donnés et qui émanaient du bureau du personnel — mais tous ces bureaux sont si potiniers, et leurs racontars si peu dignes de foi ! — auraient dû, sinon lui dessiller entièrement les yeux, éveiller tout au moins son attention et sa méfiance, lui mettre, comme on dit, la puce à l’oreille.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Puce d’hôpital

France, 1907 : Pou.

Puce de meunier

Virmaître, 1894 : V. Pégoce.

France, 1907 : Pou.

Puce travailleuse

Delvau, 1866 : s. f. Lesbienne, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Femme qui en impose matériellement à son sexe.

Virmaître, 1894 : C’est l’ancienne expression pour désigner les femmes pour femme. C’est dans les maisons de rendez-vous, où il y a des voyeurs (voyez ce mot), que ce travail s’accomplit, à la grande satisfaction des vieux érotomanes qui viennent là, chercher par les yeux un spectacle écœurant pour émoustiller ce qui leur reste de sens. Les femmes qui opèrent dans ces maisons sont payées à la séance (Argot du peuple).

France, 1907 : Lesbienne.

Puceau

d’Hautel, 1808 : Innocent, niais, dont la vertu consiste dans une stérile pudicité.

Delvau, 1864 : Adolescent qui n’a encore connu que la veuve Poignet.

Le jeune homme puceau l’appelle son affaire.

L. Protat.

Delvau, 1866 : adj. et s. Naïf, innocent ; peu dégourdi, — plus sot qu’il ne convient.

France, 1907 : Jeune homme naïf.

— Si elle allait s’apercevoir ?… Raconter ensuite à mes camarades qu’elle avait eu affaire avec un novice, s’en vanter ! Car j’étais tombé sur une fille plus rusée que ses pareilles, dont c’était justement la marotte de déniaiser un puceau.

(Oscar Métenier)

À moi la fille pâle et grêle, fleur des fièvres !
Car je veux promener mes ongles et mes lèvres
Sur des corps aux maigreurs de vierge et de puceau.

(Théodore Hannon, Rimes de joie)

Pucelage

Delvau, 1864 : Fardeau pesant dont toute jeune fille qui aspire à devenir femme se débarrasse volontiers tout en faisant sa Sophie — en faveur de la première pine qui passe, la tête haute, le con tendu.

Le roi impatient et ne goûlant pas qu’un autre ait un pucelage qu’il payait.

Tallemant des Réaux.

Heureux cent fois qui trouve un pucelage !
C’est un grand bien.

Voltaire.

Enfin dans un petit village
On trouva l’heureux pucelage
Qui près du roi devait coucher.

Parny.

Avoir dans un bordel perdu son pucelage.

A. Glatigny.

Je me fous de ce météore
Qui de pucelage a le nom.

(Parnasse satyrique.)

Virmaître, 1894 : Petit oiseau qui s’envole quand il lui pousse une queue. On sait que les petits sortent du nid quand cet appendice caudal arrive à point (Argot du peuple). N.

Pucelage (avoir encore son)

Delvau, 1866 : Être un peu neuf dans une affaire ; n’avoir pas encore la rouerie nécessaire dans un métier. Les marchandes emploient la même expression pour dire qu’elles n’ont pas étrenné, qu’on ne leur a encore rien acheté de la journée.

Pucelage (avoir son)

Delvau, 1864 : Façon de parler hyperbolique, qui signifie seulement : N’avoir pas fait l’œuvre de chair depuis plus ou moins de temps.

Tu tombes à pique, mon bonhomme : tu vas avoir mon pucelage, car il y a bien trois grands jours que je n’ai cassé une canne.

A. François.

Pucelage (en avoir le)

France, 1907 : En avoir la primeur, être le premier à trouver une chose.

Et jamais en ce port caché
D’anchre ne s’étoit accroché ;
Énée en eut le pucelage
Et premier foula ce rivage.

(Scarron, Le Virgile travesti)

Pucelette

France, 1907 : Petite fille : diminutif de pucelle.

Tournant la tête, je l’aperçus marchant rapidement, un seau taillé dans le ventre d’une antilope, à la main. J’eus le temps de l’examiner ; petite, grassouillette, treize ans, les traits fins et mignons, en un mot, la plus jolie pucelette du camp.

(Hector France, Chez les Indiens)

Même il fut orateur d’une Loge Écossaise
Toutefois — car sa légitime croit en Dieu —
La petite Benoist, voiles blancs, ruban bleu,
Communia. Ça fait qu’on boit maint litre à seize.
Chez le bistro, parmi les bancs empouacrés,
Le billard somnolent et les garçons vautrés,
Trône la pucelette aux gants de filoselle.
Or Benoist, qui s’émèche et tourne au calotin,
Montre quelque plaisir d’avoir vu, ce matin,
L’hymen du Fils Unique et de sa « demoiselle ».

(Laurent Tailhade)

Pucelle

Delvau, 1864 : Le rara avis des sociétés modernes, qui couronnent des rosières pour faire croire qu’il y en a, — comme si le pucelage était une chose de conserve !

Mademoiselle Charlotte du Tillet ne fut jamais mariée, mais on dit qu’elle n’était plus pucelle pour cela.

Tallemant des Réaux.

Veuve de huit galants, il la prit pour pucelle ;
Et dans son erreur par ta belle
Apparemment il fut laissé.

La Fontaine.

— Combien dureront nos amours ?
Dit la pucelle, au clair de lune.
— L’amoureux répond : O ma brune,
Toujours, toujours !

A. Privat D’Anglemont.

France, 1907 : Sortie de petite alose que l’on trouve principalement dans la Seine et dans la Loire. Il est peu estimé à cause de ses nombreuses arêtes.

Pucelle de Belleville

Delvau, 1864 : Fille galante. Cette expression, tirée d’un roman de Paul de Kock, remplace maintenant celle qu’on employait aux XVIe et XVIIe siècles : pucelles de Marottes.

Pucelle de la rue Maubuée

France, 1907 : Prostituée ; vieille expression. La rue Maubuée étant autrefois peuplée de filles publiques.

— Et toi, qué que t’es ?… une pucelle de la rue Maubuée, une coureuse de garçons.

(Vadé)

Pucelle de Marolles

France, 1907 : Fille de mœurs légères ; vieille expression. Le Marolles dont il est ici question n’est pas le Marolles célèbre par ses fromages, mais un bourg sur la Sambre, près de Landrecies, où se trouvait une grande abbaye de bénédictins. Ces bons moines, grands chasseurs de fauvettes, dépucelaient, parait-il toutes les filles du voisinage, d’où le dicton :

Pucelles qui viennent de Marolle
On les prend à tour de rolle.

Dans ses Contes et Nouvelles, Bonaventure Desperriers, parlant de trois sœurs qui ont vu le loup avant leurs noces, s’exprime ainsi : « Les licts se font, les trois pucelles de Marolles se couchent et les marys après. »

Puces (chercher des)

France, 1907 : Chercher querelle.

Puces (secouer les)

Rigaud, 1881 : Battre. Mot à mot : faire tomber les puces à quelqu’un à grands coups de poing.

France, 1907 : Réprimander, et au besoin battre. Secouer ses puces, sortir du lit.

Puces (trouver des)

Larchey, 1865 : Trouver motif de querelle.

Et pourtant la Giraudeau a trouvé moyen de me trouver des puces.

La Correctionnelle.

Celui qui cherche querelle saute sur le moindre motif comme celui qui essaie de prendre une puce au bond.

Pucier

Rossignol, 1901 : Lit. On dit aussi poussier.

Hayard, 1907 : Et non poussier. Lit. (Où il y a des puces).

France, 1907 : Lit ; argot populaire. On dit aussi boîte à puces.

Et puis, quoi ! Fifine a trop d’masse
Pour s’coller au pucier. Mais non !
Pendant qu’elle y f’rait la grimace,
Quoi donc que j’bouff’rais, nom de nom ?

(Jean Richepin)

Pucière

France, 1907 : Femme sale et de mauvaise vie.

Va donc, vieille sorcière,
Va donc, orde pucière,
Qui te vantes d’avoir
Vu la Vierge vermeille
Dedans une bouteille.

(Raoul Ponchon)

Pudibard

France, 1907 : Hypocrite qui affecte des airs vertueux et n’aime le nu qu’en privé.

Pudibon

d’Hautel, 1808 : Il a un air pudibon. Ne se dit que par plaisanterie, en parlant d’un homme qui pousse la pudeur, la timidité trop loin.

Pudirarderie

France, 1907 : Pudibonderie outrée et ridicule, comme celle d’un célèbre sénateur.

Puer

d’Hautel, 1808 : Il est si bête qu’il en pue. Manière insultante de dire qu’un homme n’a aucune espèce d’intelligence.
Cette affaire me pue au nez. Se dit d’une affaire pour laquelle on a de l’aversion, du dégoût.
Il pue le vin. Se dit d’un homme qui a l’haleine vineuse.
Il pue comme un rat mort, comme un bouc. Pour, il exhale une odeur infecte.

Puer au nez

Delvau, 1866 : v. n. Déplaire, ennuyer, — dans l’argot du peuple, qui dit cela à propos des choses et des gens qui souvent puent le moins.

Rigaud, 1881 : Être insupportable ; causer une profonde antipathie.

Puer bon

Delvau, 1866 : v. n. Sentir bon.

Rigaud, 1881 : Sentir bon. Avoir des odeurs sur soi, — dans le jargon du peuple.

C’est puir que sentir bon.

(Montaigne.)

Puir est la forme primitive de puer.

Puérile

d’Hautel, 1808 : La civilité puérile et honnête. Titre d’un livre élémentaire qui à été très-long-temps en vogue, et dont on fait vulgairement l’apologie en ces mots : La civilité puérile et honnête, ceux qui la lisent sont des bêtes.

Puff

Larchey, 1865 : Réclame effrontée. — Mot anglais.

Le Lafayette du puff qui en matière de réclames est le héros des deux mondes.

Heine.

Larchey, 1865 : Banqueroute — V. Pouf.

Il serait homme à décamper gratis. Ce serait un puff abominable.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Charlatanerie. Vient du verbe anglais to puff, bouffer, boursoufler, faire mousser.

Rigaud, 1881 : Réclame exagérée ; charlatanisme.

France, 1907 : Banqueroute.

France, 1907 : Réclame tintamarresque : anglicisme, de puff, souffle, bouffée ; onomatopée. C’est Le bruit que font les lèvres en lâchant, soit une bouffée de fumée, soit du vent.

Puffisme

France, 1907 : Charlatanisme.

Noire politique, jongleries électorales, mensonges et palinodies, réclames éhontées des trafiquants de plume, puffisme et fumisterie défilent tandis que grondent les plaintes des spoliés, les revendications des prolétaires broyés par la monstrueuse machine, écrasés par le capital, que s’étale devant les meurt-de-faim le luxe insolent des fortunes mal acquises, que grouillent les débauches en putréfaction et s’épanouissent les vices en herbe, toutes les beautés des civilisations hautes, avec par-dessus tout, couvrant tout, dominant tout, les grands mots de morale, d’honneur national, de pureté nationale, d’intérêt des masses, d’abnégation et de dévouement des charlatans au pouvoir, comme si l’intérêt de ceux qui gouvernent n’était pas toujours en contradiction directe avec l’intérêt de ceux qui sont gouvernés.

(Hector France, Lettres d’Angleterre)

Puffiste

Larchey, 1865 : Faiseur de puffs.

Ne laissant nulle trêve à l’essaim des puffistes.

Commerson.

Delvau, 1866 : s. et adj. Charlatan, inventeur de pommades impossibles, d’élixirs invraisemblables ; montreur de phénomènes c’est-à-dire, par exemple, d’un cheval à toison de brebis, d’un veau à deux têtes, d’une Malibran noire, de frères spirites, etc. Les Français vont assez bien dans cette voie ; mais ils ne sont pas encore allés aussi loin que les Anglais, et surtout les Américains, parmi lesquels il faut citer M. Barnum, le prince de la blague (prince of humbug).

Rigaud, 1881 : Charlatan, faiseur de réclames extravagantes.

France, 1907 : Charlatan, marchand d’orviétan forain, politique, littéraire ou religieux.

Puiser

d’Hautel, 1808 : On dit, en parlant des souliers percés, qu’ils puisent de l’eau.
Il ne faut pas puiser aux ruisseaux, quand on peut puiser à la source. Signifie qu’il faut, autant qu’on peut, remonter à l’origine des choses, quand on veut être bien instruit.

Puisette

France, 1907 : Petit seau. Provincialisme ; vieux français.

Puissant

Delvau, 1866 : adj. Gros, fort, — dans l’argot du peuple, qui ne s’éloigne pas autant du sens latin (potens) que seraient tentés de le croire les bourgeois moqueurs.

France, 1907 : Gros et gras. Provincialisme.

Puits

d’Hautel, 1808 : Un puits de science. Pour dire un homme très-savant.
Cela n’est pas tombé dans un puits. Pour dire qu’on a senti une offense, une injure, et qu’on s’en souviendra en temps et lieu.
Cela est tombé dans le puits. Pour dire qu’on a oublié une chose dont on avoit promis de s’occuper.
Il faut puiser tandis que la corde est encore au puits. C’est-à-dire, qu’il faut profiter d’une bonne occasion quand elle se présente.

Puits de science

Delvau, 1866 : s. m. Homme profond par son savoir — ou par ses apparences de savoir.

Puits de Venise

France, 1907 : Prison au-dessous du niveau des eaux.

Pulchre, bene, recte !

France, 1907 : Bien, très bien, parfait ; locution latine tirée d’Horace.

Pulmonique

d’Hautel, 1808 : Les uns disent poumonique, et les autres paumonique. Ce sont deux barbarismes.

Pulsate et aperietur vobis

France, 1907 : « Frappez et l’on vous ouvrira » Locution tirée de l’Évangile.

Pulvérin

Merlin, 1888 : Sous-chef artificier d’artillerie.

Pulvériser (se la)

Rigaud, 1881 : Synonyme de se la briser, se déguiser en cerf, jouer la fille de l’air, se travestir en chamois, s’esbigner, se débiner, se cavaler, démarrer, se mettre une gamelle, etc., etc.

Punaise

d’Hautel, 1808 : Plat comme une punaise. Se dit de celui qui a le ventre creux ; et d’un lâche, d’un poltron, d’un homme bas, flatteur et rampant.

Delvau, 1864 : Femme de mauvaise vie. — J’aurais cru ce mot moderne dans cette acception : je l’ai retrouvé dans une épigramme de Sygognes :

Lise, cette insigne punaise,
Me fait montre de ses ducats,
Et c’est afin que je là baise :
Mais qu’elle ne l’espère pas.

Une cocotte arrête une voiture, monte dedans, et dit au cocher d’une voix de duchesse : « Cocher, au bois ! » — « Au bois de lit, punaise ! » crie un voyou !

A. Delvau.

Delvau, 1866 : s. f. Fleur de lit, — dans l’argot des voyous, qui ne sont pas précisément légitimistes.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaises mœurs, — dans l’argot des gens de lettres. Encore une punaise dans le beurre ! Encore une drôlesse qui du trottoir passe sur les planches d’un petit théâtre pour y faire des hommes plus respectables, — comme argent.
Cette expression sort du théâtre du Petit Lazari. On jouait une pièce à poudre (une pièce à poudre à Lazari !). La soubrette entre en scène, va droit à une armoire, l’ouvre et recule en s’écriant : « Madame la marquise ! encore une punaise dans le beurre ! » L’auteur de la pièce, qui n’avait pas écrit cette phrase, fut très étonné ; mais le public, habitué aux choses abracadabrantes, ne fut pas étonné du tout. C’était une interpolation soufflée dans la coulisse par Pelletier, un acteur affectionné des titis.

Delvau, 1866 : s. f. Femme hargneuse, acariâtre, puante de méchanceté, — dans l’argot du peuple, qui ne se doute pas qu’il se sert là de l’expression même employée par le prince des poètes latins : Cimex, dit Horace.

Rigaud, 1881 : Sale femme ; sale fille publique.

La Rue, 1894 : Femme acariâtre. Basse prostituée. Lentille.

Virmaître, 1894 : Cette expression date de 1862 ; elle est due à un voyou. Sur le boulevard Montmartre, une fille hèle un cocher.
— Au Bois, lui dit-elle.
— Au bois de lit, punaise, fait le gamin.
Le mot est resté (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Méchante femme.

Hayard, 1907 : Femme publique.

France, 1907 : Fille ou femme de mauvaise vie. « Punaise dans le beurre. » Se dit d’une fille qui de l’asphalte monte sur les planches.

Cette expression, dit Alfred Delvau, sort du théâtre du Petit Lazari. On jouait une pièce à poudre ; la soubrette entre en scène, va droit à une armoire, l’ouvre et recule en s’écriant : « Madame la marquise ! encore une punaise dans le beurre ! » L’auteur de la pièce, qui n’avait pas écrit cette phrase, fut très étonné : mais de public, habituée aux choses abracadabrantes, ne fut pas étonné du tout. C’était une interpolation soufflée dans la coulisse par Pelletier, un acteur affectionné des titis.

France, 1907 : Nom que les républicains et bonapartistes donnaient à fleur de lis emblème royaliste et que le roi Louis XVIII avait rapportée de Gand avec la charte et mise partout jusque sur les boutons des collégiens.

France, 1907 : Femme hargneuse, sale et méchante ; argot populaire.

Punaise de boutique

Rigaud, 1881 : Écusson royal placé à la devanture des boutiques des fournisseurs de Sa Majesté Charles X ou de sa famille.

On abattit d’une drôle de manière les punaises de boutiques… c’est les fleurs de lis.

(Les Farces et les bamboches populaires de Mayeux, 1831.)

Punaise de sacristie

France, 1907 : Dévote.

La bouche pâle, et cet air pincé, doucereux, spécial aux dévotes que les gens d’Église désignent sous le nom de punaises de sacristie.

(J. Marni)

Punaises

France, 1907 : Lentilles.

Punaises (attraper des)

France, 1907 : Manquer son coup, avoir affaire à un mouchard ; argot des voleurs.

Punaisière

Delvau, 1866 : s. f. Café borgne, caboulot spécialement hanté par des gigolettes et leurs gigolos.

Rigaud, 1881 : Café borgne. (A. Delvau)

France, 1907 : Café borgne, hôtel a bon marché. « Paris, la Ville-Lumière, est célèbre pour ses nombreuses punaisières. »

Punaisin

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme dont le corps ou les vêtements sont nidoreux. Tabourot a donné ce nom a une de ses victimes.

France, 1907 : Homme brouillé avec la brosse et l’eau.

Punch

France, 1907 : Tout le monde connait le punch, boisson alcoolique anglaise composée d’eau-de-vie, généralement du rhum, de jus de citron, de sucre et de thé. L’origine et le nom en sont indous. Le mot indou pantsche signifie cinq ; suivant la préparation primitive de cette boisson, il entrait cinq ingrédients : l’arack, le thé, le sucre, le citron et l’eau. De pantsche les Anglais ont fait punch.

Puncho

France, 1907 : Couverture de voyages dont on se sert dans l’Amérique du Sud.

Il fait très frais, l’humidité est pénétrante ; nous conduisons nos montures à la hâte sous leur abri, et nous regardons nos hamacs déjà fixés aux solives de la posada. Mais le froid nous empêche de dormir ; nous sommes forcés de nous enrouler entièrement dans notre puncho ; cette couverture spéciale de voyage est d’une nécessité absolue.

(Ch. P. Gachet, Excursion au Pays de l’or)

Punica fides

France, 1907 : Foi punique, carthaginoise. Mauvaise foi dans les traités ; reproche adressé aux Carthaginois par les Romains qui ne valaient pas mieux.

Pupitard

France, 1907 : Député.

Puppy

France, 1907 : Petit chien ; anglicisme.

Tout sportsman qui se respecte est tenu d’aller passer quelques heures au Jardin des Tuileries en compagnie des setters-gordon, des clumbers, des laveracks, et de hérisser son langage de locutions d’outre-Manche, dût-il ne pas être compris de ceux qui l’écoutent.
Remarque-t-il un dogue de Bordeaux ou d’ailleurs : « Oh ! le beau mastiff ! » s’écrie-t-il. En huntsman consommé, il traitera de pointers les chiens d’arrêt, de setter ou de spaniel tout épagneul et de harrier (prononcez : hairieur) le plus vulgaire briquet. Est-il permis encore de se servir de ce mot d’autrefois : lévrier ? Non, c’est greyhound qu’il faut dire. De même ce n’est plus ni basset que l’on emploie pour chasser le lapin dans les bois, l’expression est archaïque, surannée ; c’est un terrier (tirieur) qui devient ici l’auxiliaire du chasseur. Quant au chiot, il s’est métamorphosé pudiquement en puppy, comme le mâtin en mastiff ou en bull.

(Pontarmé, Petit Parisien)

Pur

Delvau, 1866 : s. m. Homme sévère et injuste ; Prudhomme politique ou philosophique intraitable, qui n’admet pour honnêtes que ceux qui partagent ses opinions, pour philosophes que ceux qui avec Strauss nient la divinité de Jésus, pour républicains que ceux qui avec Alibaud ont un peu tiré sur le Roi. Le type existe à côté des plus nobles et des plus généreux, comme le bouledogue à côté du caniche, comme le loup à côté du lion. J’aurais regretté d’oublier ce mot et ce type — modernes.

Rigaud, 1881 : Républicain qui ne transige pas avec ses opinions. Républicain de vieille date.

Fustier, 1889 : Elégant, dandy.

Vous ignorez complètement que de ne pas mettre de pardessus constitue actuellement ce que nous appelons être pur, ou, si vous aimez mieux, le chic anglais.

(Événement, 1882.)

France, 1907 : Républicain soi-disant intègre et intransigeant, puritain de la politique ; s’en méfier comme du puritain religieux, un scélérat doublé d’un hypocrite.

D’un bout à l’autre de la Révolution, Robespierre sera toujours, aux yeux de Robespierre, l’unique, le seul pur, l’infaillible, l’impeccable ; jamais homme au tenu si droit et si constamment sous son nez l’encensoir qu’il bourrait de ses propres louanges.

(Taine, La Conquête jacobine)

Pur sang

Merlin, 1888 : Soldat vaillant.

Pur-sang

Larchey, 1865 : Cheval de race.

Célestine hochait la tête comme un pur-sang avant la course.

Balzac.

Delvau, 1866 : s. m. Vin rouge naturel, sans addition d’eau ni d’alcool, — dans l’argot des cabaretiers.

Delvau, 1866 : s. m. Cheval de race, — dans l’argot du Jockey-Club.

Delvau, 1866 : s. f. Fille entretenue et qui mérite de l’être à cause de sa beauté — et de ses vices. Argot des viveurs.

Pureau

France, 1907 : Purin.

L’idée de pureté attachée à l’urine est tellement ancienne, tellement invétérée dans l’esprit du peuple, que dans notre langage nous disons encore pureau — eau pure— pour désigner l’urine qui s’écoule des étables et des fumiers.

(Lenglet-Mortier et Diogène Vandamme, Étymologies médicales)

Purée

d’Hautel, 1808 : C’est comme de la purée. Pour exprimer qu’une eau est trouble et bourbeuse.

Delvau, 1866 : s. f. Cidre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Misère, — dans le jargon des voyous qui, pour en désigner l’étiage, disent tantôt dix de purée et tantôt vingt-cinq de purée. Être dans la purée, être dans la misère.

Rigaud, 1881 : Cidre. Absinthe. Une purée, un verre d’absinthe.

La Rue, 1894 : Cidre. Absinthe (V. hussarde). Misère.

Virmaître, 1894 : Absinthe. Quand elle est forte, la liqueur épaisse ressemble, en effet, à une purée de pois cassés (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Misère.

Tu as des enfants tous les ans, tu seras toujours dans la purée, tu ne peux donc pas t’abstenir ? — Ce sont mes seuls bons moments, car quand le bonheur vient, la misère s’en va.

Rossignol, 1901 : Absinthe carabinée est une purée de pois.

Hayard, 1907 : Absinthe.

France, 1907 : Verre d’absinthe où l’eau se trouve en quantité médiocre. On dit aussi purée de pois.

France, 1907 : Misère, gène excessive. Avoir le dix de purée, être réduit à la dernière misère.
Voici, sous forme de commandements de l’Église, les conseils donnés par une dame du quart-de-monde aux jeunes personnes qui se trouvent dans cette pénible situation :

Dans la purée quand tu seras,
Mets ta robe à triple volant,
Et, laissant retomber les bras,
Marche mélancoliquement,
Les chaines d’or tu lorgneras
Et, les hommes de cinquante ans,
D’un doux sourire accueilleras
L’offre d’un rafraîchissement,
Un léger pleur tu verseras
En contant tes égarements.
Bouquets, voiture accepteras
Et plus encor, s’il a des gants.
Mais, surtout tu te garderas
De l’amour d’un étudiant,
Toujours d’avance exigeras
Qu’il fasse tinter son argent,
Sinon, tu le balanceras…
On ne vit pas de l’air du temps.

 

Puis, quand vint la dèche, même la purée et la déveine noire, Solange connut des sensations toutes spéciales, des émotions cuisantes, mais non sans volupté. Devenue bohème elle-même, il lui arriva de diner d’une absinthe et de souper enfin, à 4 heures du matin, d’un sandwich procuré par le hasard.

(Paul Alexis)

Purée (avoir l’air)

France, 1907 : Paraître pauvre.

— … J’ai vu tout de suite que j’avais affaire à un bon petit jeune homme qu’avait pas l’air trop purée. Tu dois être d’une bonne famille, toi !
— J’suis du Midi.
— J’osais pas te le dire, mais ça se voit.

(Jules Lévy, Fin de Siècle)

Purée (être dans la)

Virmaître, 1894 : V. Mélasse.

Hayard, 1907 : Être dans la misère.

Purée de Corinthe

Fustier, 1889 : Vin.

Purée de marrons

Delvau, 1866 : s. f. Meurtrissures du visage, — dans l’argot des faubouriens. Faire de la purée de marrons. Appliquer un vigoureux coup de poing en pleine figure.

France, 1907 : Coups de poings ; argot faubourien.

Purée de pois

Rigaud, 1881 : Absinthe ; allusion de couleur. — Garçon, deux purées de pois ! Par abréviation : purée.

Purée septembrale

France, 1907 : Nom donné par Rabelais au vin.

Purée, purotin

anon., 1907 : Misère, être dans la misère.

Pureuse

France, 1907 : Prisonnière employée à des services d’intérieur.

Purgation

Delvau, 1866 : s. f. Plaidoyer, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Plaidoyer.

La Rue, 1894 : Plaidoyer.

Virmaître, 1894 : Quand un avocat plaide en cour d’assises ou en police correctionnelle, les voleurs de profession appellent sa plaidoirie une purgation.
— As-tu entendu mon blanchisseur ; ce qu’il a assis l’avocat bêcheur et les nonneurs. Quelle purgation ! (Argot des voleurs).

France, 1907 : Plaidoyer ; argot des voleurs.

Purgatoire

d’Hautel, 1808 : Il est comme les ames du purgatoire, il ne demande que le repos. Se dit d’un homme qui à l’intrigue, à l’ambition, au tumulte du grand monde, préfère la paix, l’ordre et la retraite.

Purge

La Rue, 1894 : Volée de coups. La purge est accordée, menace du souteneur qui s’apprête à battre sa marmite.

Purge (donner une)

Hayard, 1907 : Frapper, (recevoir une) être rossé.

Purger la vaisselle

Rigaud, 1881 : Faire les sauces claires et mauvaises.

P’t’êt’ ben que je purgerais encore la vaisselle.

(Mars et Raban, Les Cuisinières, 1837.)

Purotain

Virmaître, 1894 : Qui est dans la purée (Argot du peuple) V. Mélasse.

Hayard, 1907 : Miséreux.

Purotin

Rigaud, 1881 : Misérable, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Misérable.

France, 1907 : Miséreux : individu qui coule son existence dans la purée.

Noël, Noël ! encore une année de tirée sans avaros pour les possédants, grâce à leurs fermes soutiens : le prêtre, le soldat et le bourreau, ces trois angles aigus du triangle social ! Les ventrus de toutes les religions doivent en effet un beau cierge au purotin Jésus, et ils ne manquent pas de le célébrer à leur manière. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le Sauveur : il a en effet sauvé la mise des richards et contribué pour sa bonne part à conserver toutes les tyrannies de la propriété, en conseillant aux pauvres de se taire, et d’attendre sans murmurer que justice leur fût rendue… dans l’autre monde. N’est-ce pas lui qui a dit : Rendez à César ce qui est à César ? En parlant ainsi, il reconnaissait tous les impôts d’argent et de sang, la domination militaire, l’esclavage des vaincus. Bien plus, il conseillait de se soumettre sans résistance et de présenter la fesse droite à celui qui les avait bottés sur la gauche.

(Le Pére Peinard)

Dans les squares, les purotins
Roupillent a côté des grues ;
Tant de polices incongrues
Chassent les gueux et les trottins.

(Edmond Bourgeois)

Put !

d’Hautel, 1808 : Interjection qui dénote le mépris, le peu de croyance qu’on ajoute à quelque chose.

Delvau, 1866 : Interj. qui sert à marquer, soit le doute, soit le mépris, — plus souvent encore le mépris que le doute.

Putain

d’Hautel, 1808 : Courtisane, prostituée, fille publique.
Miroir à putain. Expression libre dont on se sert par mépris, en parlant d’un damoiseau à belle tournure.

Delvau, 1864 : Professeur femelle de philosophie horizontale.

Il m’est comme aux putains malaisé de me taire.

Régnier.

De toutes ses putains la Lebrun entourée.

L. Protat.

J’avais résolu
Pour n’être plus libertin,
De prendre une honnête femme
Qui ne fût pas trop putain.

Collé.

Les marbres de nos Tuileries,
Eux-mêmes se sentent atteints
Par toutes les galanteries
Que nous débitons aux putains.

(Parnasse satyrique.)

Et tu m’laisses… — Faut-y pas t’tenir compagnie ? Merci ! — Sans rien et les manches pareilles ! Eh ben, c’est gentil ! — Pas l’temps. — Me v’là putain pour l’honneur.

H. Monnier.

Auquel les grandes dames et princesses faisant état de putanisme étudiaient comme un très-beau livre.

Brantôme.

Tu as voulu me pourchasser,
Mâtine, pour te putasser.

Théophile.

Toutes estes, serez ou fustes,
De fait ou de volonté putes.

Jean de Meung.

Car aussi bien que vous j’eusse fait l’amour, et j’eusse été pute comme vous.

Brantôme.

Pute, où avez-vous tant été ?
Vous venez de vo puterie.

(Anciens Fabliaux.)

Delvau, 1866 : s. f. Femme qui vend l’amour — ou qui le donne trop facilement. Argot du peuple. L’expression est vieille, comme la légèreté du sexe féminin. Il n’est peut-être pas un seul poète français — un ancien — qui ne s’en soit servi. Putain comme chausson. Extrêmement débauchée. On dit aussi en parlant d’un homme dont l’amitié est banale : C’est une putain. Avoir la main putain. Donner des poignées de main à tout le monde, même à des inconnus.

La Rue, 1894 : Femme dévergondée. Putain comme chausson, femme extrêmement dévergondée.

Virmaître, 1894 : Femme qui va à tous, soit à l’œil, soit par métier. La putain est vieille comme le monde ; depuis le lupanar antique elle existe. Malgré la brutalité de cette expression, on la retrouve chez tous les poètes anciens. Le Dict des rues de Paris, par Guillot (1270), publié en 1754 par l’abbé Fleury.

Y entrai dans la maison Luce
Qui maint en la rue Tyron,
Des Dames hymnes vous diron,
Une femme vi destrecié
Pour toi pignier qui me donna
Au bon vin ma voix a donné
Où l’on trouve bien por denier
Femmes, par son cors solacier
Où il a maintes tencheresses
Qui ont maint homme pris au brai. (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Mot bien français.

France, 1907 : Femme ou fille qui trafique de ses charmes, et, dans l’argot des bourgeoises, toute femme qui a un amant.

Le moindre petit froid au cu
Maudissait cent fois le cocu
Comme aussi sa putain de femme
Qui causait cette guerre infâme.

(Scarron, Virgile travesti)

Comme il était fils de putain,
I’savait pas beaucoup d’latin,
Ni d’aut’ chose ;
I’savait juste assez compter
Pour savoir c’que peut rapporter
La p’tit’ Rose.

(Aristide Bruant)

Putain (bouture de)

France, 1907 : Enfant de fille.

Putain (fils de)

Larchey, 1865 : Injure à laquelle le peuple n’attache la plupart du temps aucune idée fixe.

J’ai entendu une poissarde dire à son fils : Petit polisson ! attends fils de putain je te ferai voir que je suis ta mère.

1808 d’Hautel. (Note manuscrite).

Putain comme chausson

Rigaud, 1881 : Très dévergondée.

Putains des pauvres

Virmaître, 1894 : Les députés. Cette expression nouvelle n’est pas très polie pour les Bidards du suffrage universel, si on s’en rapporte à la légende de Sainte-Thérèse. Seulement cela ne doit pas être pris dans le même sens, car si les députés sont putains ce n’est pas par charité (Argot du peuple). N.

Putasser

France, 1907 : Fréquenter les putains. On dit aussi putiner.

Putasserie

d’Hautel, 1808 : Terme déshonnête. Vie scandaleuse et libertine ; fréquentation des femmes de mauvaise vie.

Putassier

d’Hautel, 1808 : Qui fréquente les filles de joie, homme adonné au libertinage.

Delvau, 1864 : Coureur de bordels ; anciennement on disait putier.

Sy est pour vrai ; car je le tais,
Que ce n’est qu’un vilain putier.

(Farces et Moralités)

Delvau, 1866 : s. et adj. Libertin.

France, 1907 : Coureur de jupes.

L’avocat bêcheur était bougrement content ! Le soir, après avoir gueuletonné ferme, il sortit courir le guilledou, et fut encore plus putassier que d’habitude.

(Le Père Peinard)

Pute

France, 1907 : Diminutif de putain. Il est dans le Midi d’autres diminutifs : putele, putole, et un augmentatif : putasse.

Ne souffre à ta femme pour rien
De mettre son pied sur le tien,
Car lendemain la pute beste
La voudrait mettre sur ta teste.

(Trésor des sentences, XVIe siècle)

Putiner

Delvau, 1864 : Faire la putain, courir après les hommes.

Delvau, 1866 : v. n. Courir les gueuses.

Putinerie

Delvau, 1866 : s. f. Libertinage, — en parlant des femmes. Amitié banale, — en parlant des hommes.

France, 1907 : Libertinage.

Putiphar

France, 1907 : Cocu.

Puisse l’amour heureux t’avoir fait un berceau
Chez une de Warens si douce pour Rousseau !
Tu n’es plus jouvenceau, plus tard tu diras comme
Gothon on Putiphar a de toi fait un homme.

(Alfred Leconte, La Voie du philosophe)

Putipharder

Larchey, 1865 : Violer sans plus de façons que la femme de Putiphar.

Ces diables de gens il faut vraiment les putipharder pour avoir l’honneur de peindre leurs silhouettes.

Champfleury.

France, 1907 : Tromper son mari. Prendre de force un homme. Faire son Joseph.

Putiphariser

Delvau, 1864 : Imiter la femme de Putiphar — jusqu’au manteau exclusivement, les Joseph d’aujourd’hui tenant à leurs habits. — Fourrer la main dans le pantalon d’un jeune garçon encore timide.

Delvau, 1866 : v. a. Essayer de séduire un jouvenceau, — dans l’argot de Breda-Street. Le mot date de 1830 et de Pétrus Borel. Champfleury, à qui l’on doit quelques néologismes malheureux, a écrit putipharder.

France, 1907 : Violenter un jeune garçon.

Putz

France, 1907 : Abri ; argot des polytechniciens, du nom d’un colonel d’artillerie qui fit construire une marquise dans la cour de récréation de l’École.

Puymorin

France, 1907 : Âne.

Pyromancie

France, 1907 : Divination par les flammes d’un bûcher consumant une victime ; des deux mots grecs pyros, feu, et manteia, divination. Si les flammes s’attachaient à la victime, montant fixes et droites, sans fumée, on en tirait d’heureux présages. Si le feu ne s’allumait que difficilement, si le vent ou la pluie abattait la flamme, c’était preuve que la divinité refusait l’holocauste, et par conséquent signe de malheur.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique