France, 1894 : Taisez-vous. Ce dicton est tiré de la première épitre de Boileau. Le salon de Valentin Conrart, où se réunissaient les beaux esprits du temps, devint le berceau de l’Académie, dont il fut à sa création nommé secrétaire perpétuel ; il ne publia jamais rien. bien qu’il fût homme d’un grand savoir et de beaucoup de bon sens, ce qui lui attire cette épigramme de Boileau :
Aussi, craignant toujours un funeste accident,
J’imite de Conrart le silence prudent.
S’il ne publia rien, il écrivit beaucoup, par imitation ou plutôt par singerie, #s’il faut en croire Tallemant des Réaux qui l’a intimement connu : « A-t-on fait des rondeaux et des énigmes ? il en a fait ; a-t-on fait des paraphrases ? en voilà aussitôt de sa façon : du burlesque, des madrigaux, des satires même, quoiqu’il n’y ait chose au monde à laquelle il faille tant être né. Son caractère, c’est d’écrire des lettres couramment, pour cela il s’en acquittera bien : encore y a-t-il quelque chose de forcé ; mais s’il faut quelque chose de soutenu ou de galant, i1 n’y a personne au logis »
Voici quelques vers détachés d’une épitre de Conrart, et qui donneront l’idée de sa versification :
Au-dessous de vingt ans, la fille, en priant Dieu,
Dit : « Donnez-moi, Seigneur, un mari de bon lieu,
« Qui soit doux, opulent, libéral, agréable. »
À vingt-cinq ans : « Seigneur, un qui soit supportable,
« Ou qui, parmi le monde, au moins puisse passer. »
Enfin, quand par les ans elle se voit presser,
Qu’elle se voit vieillir, qu’elle approche de trente :
« Un tel qu’il te plaira, Seigneur, je m’en contente. »
Linière, s’étonnant de la réputation que Conrart avait su acquérir, fit à ce sujet l’épigramme suivante :
Conrart, comment as-tu pu faire
Pour acquérir tant de renom,
Toi qui n’as, pauvre secrétaire,
Jamais imprimé que ton nom ?