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Acrée ou acrier ou acré

Virmaître, 1894 : Méfie-toi, prends garde, il y a du pet (danger), voilà la rousse (Argot des voleurs).

Agrafer

Larchey, 1865 : Arrêter.

Le premier rousse qui se présentera pour m’agrafer.

(Canler)

Agrafer : Consigner. Même sens qu’accrocher.

J’ai jeté la clarinette par terre, et il m’a agrafé pour huit jours.

(Vidal, 1833)

Delvau, 1866 : v. a. Arrêter, consigner. Argot des soldats et du peuple. Se faire agrafer, Se laisser prendre.

Fustier, 1889 : Indépendamment du sens de arrêter, consigner, donné par Delvau et ses continuateurs, agrafer signifie aussi prendre, voler.

C’est clair et net, vois-tu, comme les jaunets que tu as négligé d’agrafer cette nuit-là.

(Belot et Dantin, Le Parricide)

La Rue, 1894 : Arrêter.

France, 1907 : Arrêter. Se faire agrafer, se laisser prendre. (Delvau)

Aimeuse

Delvau, 1864 : Petite dame — galante, — qui fait profession d’aimer. — Synonymes : putain, lorette, cocotte, grue, catin, vache, etc., etc.

Les Juifs avaient leurs Madeleines ;
Les fils d’Homère leurs Phrynês.
Délaçons pour tous les baleines
De nos corsets capitonnés.
Rousses, blondes, brunes ou noires,
Sous tous les poils, sous tous les teints…
Qu’il pourrait, raconter d’histoires,
Le cercle de nos yeux éteints !
Folâtres ou rêveuses,
Nous charmons ;
Nous sommes les aimeuses,
Aimons !

(Eug. Imbert)

Alentoir

Vidocq, 1837 : adv. — Alentour, aux environs.

Larchey, 1865 : C’est alentour avec changement arbitraire de la dernière syllabe, procédé très-commun en argot.

Delvau, 1866 : adv. Aux environs, alentour. Argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Aux environs, aux alentours.
— Nib de Tronche fait le pet aux alentoirs pendant que les aminches ratiboisent la cambrousse du garnaffier (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 / France, 1907 : Alentour.

Amandes de pain d’épice

Delvau, 1866 : s. f. pl. Dents noires et rares. Argot des faubouriens. L’expression a été employée par le duc de Grammont-Caderousse qui, le soir de la Ire représentation du Cotillon, au Vaudeville, avait cassé trois dents à un quidam.

Rigaud, 1881 : Grandes dents d’anglaise. Pour que rien ne se perde dans la langue métaphorique de l’argot, on appelle, par contre, « dents d’anglaise » les amandes de pain d’épice.

France, 1907 : Dents noires et sales.

Américain (œil)

Larchey, 1865 : Œil investigateur. — L’origine du mot est dans la vogue des romans de Cooper et dans la vue perçante qu’il prête aux sauvages de l’Amérique.

Ai-je dans la figure un trait qui vous déplaise, que vous me faites l’œil américain ?

(Balzac)

J’ai l’œil américain, je ne me trompe jamais.

(Montépin)

Œil américain : œil séducteur.

L’œillade américaine est grosse de promesses, elle promet l’or du Pérou, elle promet un cœur non moins vierge que les forêts vierges de l’Amérique, elle promet une ardeur amoureuse de soixante degrés Réaumur.

(Ed. Lemoine)

Rigaud, 1881 : Œil auquel rien n’échappe. Dans une ronde des bagnes, on parle de cet œil américain qui fait le succès des charrieurs.

Pour être un voleur aigrefin il faut un œil américain. Pour détrousser un citadin, Ah ! vive un œil américain.

(Léon Paillet, Voleurs et Volés)

Rigaud, 1881 : Œil fascinateur. Dans le monde de la galanterie, longtemps l’Américain a passé pour avoir le double mérite de posséder de l’argent et d’être généreux. Lorsqu’un homme paraissait réunir les conditions de générosité requises, il ne manquait pas de plaire à ces dames qui lui trouvaient l’œil américain.

Oh ! voilà deux petites femmes qui s’arrêtent… Elles s’asseyent devant nous… La brune me fait un œil américain.

(Paul de Kock, Le Sentier aux prunes)

Aujourd’hui, quand une femme dit à une autre : un tel a l’œil américain, traduisez : Méfie-toi, ou méfions-nous, c’est un floueur. Elles en ont tant vu de toutes les couleurs et de tous les pays, qu’elles ne croient plus ni aux Russes, ni aux Américains.

Anchtibé

Rossignol, 1901 : Arrêté, mis en prison.

Tu connais le môme Bidoche, eh bien ! il a été anchtibé ce matin par les rousses.

Anglais

Clémens, 1840 : Créancier.

Delvau, 1864 : Noble étranger, fils de la perfide Albion ou de la rêveuse Allemagne, qui consent à protéger de ses guinées une femme faible — de vertu — pendant toute la durée de son séjour à Paris.

Amélie ne te recevra pas, Polyte : elle est avec son Anglais.

(Watripon)

Larchey, 1865 : Créancier. — Le mot est ancien, et nous sommes d’autant plus porté à y voir, selon Pasquier, une allusion ironique aux Anglais (nos créanciers après la captivité du roi Jean) que les Français se moquaient volontiers autrefois de leur redoutable ennemi. C’est ainsi que milord est employé ironiquement aussi. Nous en trouvons trace dans Rabelais.

Assure-toi que ce n’est point un anglais.

(Montépin)

Et aujourd’hui je faictz solliciter tous mes angloys, pour les restes parfaire et le payement entier leur satisfaire.

(Crétin)

Les anglais sont débarqués. — Dans une bouche féminine, ces mots sont un équivalent de : J’ai mes affaires V. ce mot. — L’allusion est sanglante pour ceux qui connaissent la couleur favorite de l’uniforme britannique.

Il est aussi brave
Que sensible amant,
Des Anglais il brave
Le débarquement.

(Chansons, impr. Chastaignon, Paris, 1851)

Delvau, 1866 : s. m. Créancier, — dans l’argot des filles et des bohèmes, pour qui tout homme à qui l’on doit est un ennemi.
Le mot est du XVe siècle, très évidemment, puisqu’il se trouve dans Marot ; mais très évidemment aussi, il a fait le plongeon dans l’oubli pendant près de trois cents ans, puisqu’il ne parait être en usage à Paris que depuis une trentaine d’années.

Delvau, 1866 : s. m. Entreteneur, — dans l’argot des petites dames, qui donnent ce nom à tout galant homme tombé dans leurs filets, qu’il soit né sur les bords de la Tamise ou sur les bords du Danube. Elles ajoutent à leur manière des pages nombreuses à notre livre des Victoires et Conquêtes.

Rigaud, 1881 : Créancier. Avoir un tas d’anglais à ses trousses. Par suite d’une vieille antipathie de race, le débiteur a octroyé au créancier le surnom d’anglais, ennemi.

Rigaud, 1881 : Menstrues. Allusion à l’uniforme rouge des soldats anglais. — Avoir ses anglais. Les anglais sont débarqués.

Fustier, 1889 : Terme de sport. On dit qu’un cheval a de l’anglais lorsque sa conformation se rapproche de celle du cheval anglais de pur sang.

Virmaître, 1894 : Créancier. Cette expression se trouve dans Marot, elle était tombée en désuétude lorsqu’elle revit le jour vers 1804. Napoléon Ier avait plusieurs commis attachés à un cabinet spécial. Il remarqua à différentes reprises que l’un d’eux arrivait depuis quelques matins, deux heures au moins avant ses collègues. L’empereur intrigué lui en demanda les motifs.
— Sire, répondit le commis c’est à cause des anglais.
— Je ne vous comprends pas.
— Sire, les anglais sont vos ennemis, mes créanciers sont les miens.
— Bien, fit l’Empereur, donnez m’en la liste, je vous en débarrasserai, comme moi des autres.
Le mot est resté et est employé fréquemment (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Créancier.

Ne passons pas devant ce troquet, c’est un Anglais, je lui ai planté un drapeau.

France, 1907 : Ce nom est employé dans le sens de créancier. Est-ce parce que, comme le dit Alfred Delvau, tout individu à qui l’on doit est considéré comme un ennemi ? Ce serait alors un signe de la vieille haine contre nos voisins d’Outre-Manche, haine d’ailleurs partagée par eux, car le mot remonte fort loin. Suivant Pasquier, il viendrait des réclamations continuelles des Anglais qui prétendaient que la rançon du roi Jean fait prisonnier à la bataille de Poitiers, en 1356, et fixée à trois millions d’écus d’or par le traité de Brétigny, n’avait pas été entièrement payée. Oudin, dans ses Curiositez françoises cite ce proverbe : « Il y a des Anglois dans cette rue, je n’y veux pas aller », c’est-à-dire des créanciers. Enfin on trouve dans Clément Marot :

Oncques ne vis Anglois de votre taille,
Car a tout coup, vous criez baille, baille !

— Menstrues, argot des filles ; allusion à la couleur de l’uniforme des fantassins anglais qui ont, à l’inverse des nôtres, la tunique rouge et le pantalon bleu : Les Anglais ont débarqué, les menstrues sont venues.

Anneau d’Hans Carvel (l’)

Delvau, 1864 : Le con de la femme — dans lequel tout honnête homme doit mettre le doigt quand il n’y peut plus mettre la pine.

Une femme aimable est un anneau qui circule dans la société, et que chacun peut mettre à son doigt.

(Sophie Arnould)

Chantons l’anneau du mariage,
Bijou charmant, bijou béni ;
C’est un meuble utile au ménage,
Par lui seul un couple est uni.
Avant quinze ans, jeune fillette
Veut que l’on pense à son trousseau,
Et qu’on lui mette, mette, mette,
Mette le doigt dans cet anneau.

(Béranger)

Anquilleuse, ou voleuse à la mitaine

Rigaud, 1881 : Voleuse à la détourne qui s’attaque aux magasins de nouveautés. Habile à faire tomber un coupon d’étoffe, elle se sert de ses pieds, chaussés de bas en forme de mitaine, pour cacher la marchandise entre ses jambes, quilles, ce qui ne l’empêche ni de marcher, ni même de courir, quand elle sent la police à ses trousses.

Arçonnier

Virmaître, 1894 : Celui qui donne le signal de l’alarme convenu entre les voleurs. Au temps de Vidocq, le C figuré à l’aide du pouce sur la joue droite signifiait : prenez-garde voilà la rousse (Argot des voleurs).

Babines (les)

Delvau, 1864 : Les grandes lèvres de la nature de la femme.

Les deux babines un peu retroussées et colorées d’un rouge attrayant qui passe un peu au dehors entre les cuisses.

(Mililot)

Barbotin

La Rue, 1894 : Produit de vol.

France, 1907 : Produit du vol.

Après mon dernier barbotin,
J’ai flasqué du poivre à la rousse.

(Jean Richepin)

Berge

Delvau, 1866 : s. f. Année, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Année, — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Année.

Virmaître, 1894 : Année.
— Je tire cinq berges à la Centrousse de Melun (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Brigadier. Pour distinguer un sous-ordre, on ne dit pas un sous-brigadier mais par abréviation un S. B. (Argot des agents de police). N.

Rossignol, 1901 : Année.

J’ai été sapé à cinq berges pour un vague qui ne m’a rapporté que peau.

Hayard, 1907 : Année.

France, 1907 : Année ; argot des voleurs.

C’était un malheureux paillasse, sorti de prison, où il avait tiré trois berges pour attentat à la pudeur. À part cela, le meilleur zig du monde, affirmait-il.

(Jean Richepin)

I’s apprirent à biffiner ;
Mais i’s n’aimaient pas chiner.
C’qui fait qu’à leur quinzièm’ berge
I’s plaquèr’nt tous deux l’boulot
Afin d’faire l’rigolo
Aux fortifs et l’long d’la berge.

(Blédort)

France, 1907 : Brigadier de police. Sous-berge, sous-brigadier.

anon., 1907 : Année.

Bibi

Delvau, 1864 : Jouvenceau, mignon qui sert aux plaisirs libertins des vieillards — le giton du Satyricon, le Ganymède de Jupiter, l’officiosus des bains publics, à Rome ; ou mignon de dame.

Larchey, 1865 : Petit chapeau de femme.

Malaga portait de jolis bibis.

(Balzac)

Bibi : Nom d’amitié donné à l’homme ou à la femme dont on est coiffé.

Paul, mon bibi, j’ai bien soif. — Déjà ?

(Montépin)

Delvau, 1866 : s. m. Petit nom d’amitié, — dans l’argot des faubouriens ; petit nom d’amour, — dans l’argot des petites dames.

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme, — dans le jargon des ouvriers. La mode exige aujourd’hui que les chapeaux d’hommes soient pourvus de très petits bords ou, mieux, soient dépourvus de bords. — J’ai lâché le bibi, j’ai arboré le chapeau haute forme.

Rigaud, 1881 : Fausse clé de petit calibre.

Rigaud, 1881 : Nom d’amitié donné indistinctement aux gens et aux bêtes, ou qu’on s’octroie à soi-même. — « C’est à Bibi ça. »

 

J’aime pas qu’on fasse des manières avec Bibi.

(X. de Montépin, Le Fiacre no 13)

Rigaud, 1881 : Nom donné aux chapeaux de femmes, vers la fin du règne de Louis-Philippe, parce que ces coiffures étaient très petites.

Dans le vieux patois bourguignon, on désignait par bibi un petit objet, de quelque nature que ce soit, servant d’amusette aux enfants.

(Ch. Nisard)

Merlin, 1888 : Lignard.

Virmaître, 1894 : Instrument de cambrioleur (Argot des voleurs). V. Tâteuse.

France, 1907 : Nom d’amitié décerné à soi-même.

Les plus farouches amis du peuple, bourgeois ou prolétaires, chacun travaille pour son singe, suivant l’expression de certain conseiller municipal manquant de lettres, ce que Jules Vallès, dans l’intimité, résumait par ce mot en montrant son puissant abdomen : « Le pauvre, c’est bibi. »

(Hector France, Sac au dos à travers l’Espagne)

Ce mot ne viendrait-il pas du patois béarnais bibe, vivre, bibi, je vis ?
On appelait, vers 1830, un certain petit chapeau de femme un bibi.
Bibi
signifie aussi couteau et fausse clé, dans l’argot des voleurs.

S’il faut en croire, dit Lorédan Larchey, un feuilleton publié par Holstein, dans le Constitutionnel du mois de septembre 1872, bibi aurait détrôné monseigneur depuis longtemps.
C’était un bout de dialogue recueilli à la police correctionnelle (en 1848) :
— Accusé, disait le président, au moment de votre arrestation, on a surpris sur vous un trousseau de fausses clés. — Non, citoyen président. — C’était donc un monseigneur ? — Il n’y a plus de monseigneur, citoyen président. — Vous comprenez ce que je veux dire : pour employer votre langue, j’entends un rossignol. — Eh bien ! moi, je ne l’entends pas le rossignol, sans doute parce que je suis en cage. — Prenez garde ! Trêve de jeux de mots ; ils sont déplacés ici plus qu’ailleurs. Vous savez fort bien ce que je veux dire par fausses clés, rossignol, monseigneur ! — Parfaitement, citoyen président, vous voulez dire bibi.
Nous devons ajouter qu’au moment même où paraissait le feuilleton de Holstein, les journaux judiciaires disaient, en parlant de l’arrestation de faux monnayeurs, qu’on avait trouvé à leur atelier, boulevard de Grenelle, un monseigneur. Donc, monseigneur n’est pas encore détrôné tout à fait par bibi.

Bonde

d’Hautel, 1808 : Lâcher la bonde à ses larmes. Pour, donner un libre cours à ses pleurs ; pleurer sans contrainte.

Halbert, 1849 : Maladie de Naples.

Fustier, 1889 : Maison centrale.

Il a filé deux ou trois berges aux bondes.

(A. Humbert, Mon bagne)

Virmaître, 1894 : Prison Centrale. Dans les prisons, le fromage réglementaire est le bondon, sorte de fromage rond qui se fabrique à Neufchâtel. La portion, une moitié, se nomme un système. Par corruption, on a fait bonde (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Prison centrale.

France, 1907 : Prison centrale ; argot des voleurs, qui disent aussi centrousse ou centrousse aux bondes, sans doute à cause des fromages de Neufchâtel, appelés bondons.

Bonneteau

Rigaud, 1881 : Toute espèce de jeux de cartes tenus dans les foires, où le public est naturellement dupe. L’antique jeu de bonneteau consiste à faire deviner une carte parmi trois que manie avec une maladresse affectée le bonneteur. On ne devine jamais, grâce à une substitution.

La Rue, 1894 : Jeu de cartes où le public est toujours dupe.

Virmaître, 1894 : Jeu des trois cartes. Ce jeu ou plutôt ce vol s’exécute à Auteuil, Saint-Ouen et dans les wagons de chemin de fer. M. Marcel Schwob, pour arriver à expliquer l’expression de bonneteur dit qu’il faut passer par des intermédiaires : bonnet. bonneteur, lingerie. Bonnet, dans les ateliers, signifie se réunir plusieurs pour former une coterie, résister au patron ou aux autres camarades. Les bonneteurs sont généralement trois pour opérer : le bonneleur qui tient le jeu, l’engayeur qui ponte pour allécher les naïfs, le nonneur qui est en gaffe pour avertir si la rousse dévale. Ce trio forme donc bien un bonnet, et bonneteur en dérive tout naturellement, et il n’est nullement question de lingerie. Bonnet et bonneteur sont deux expressions en circulation depuis plus de cinquante ans ; Vidocq en parle dans ses Voleurs (Argot du peuple).

France, 1907 : Sorte de jeu de cartes dont se servent certains filous pour attraper les naïfs. En voici une description minutieuse dans un arrêt du tribunal de Compiègne.

Le jeu des trois cartes, dit de bonneteau, qui consiste en un pari sur la place occupée par telle ou telle des cartes que le banquier a montrées à découvert et que les joueurs croient pouvoir suivre et désigner à coup sûr, constitue une escroquerie lorsque, par un tour de main pratiqué avec dextérité, le banquier est parvenu à substituer aux deux autres une carte de couleur différente sur laquelle il avait fixé l’attention des compères, et à déjouer ainsi l’attention de celui qui a parié avec lui.
En opérant ainsi, il modifie à sa volonté les conditions de l’aléa qui forme l’essence du jeu, et s’assure à l’avance un gain illicite.

Jouer sur une borne ou sur une petite tablette, le nom est bonneteau. En wagon, on appelle ce même jeu consolation, car c’est généralement en revenant des courses que les bonneteurs cherchent la victime parmi les perdants.

Boule

d’Hautel, 1808 : Pour dire tête. Perdre la boule. Signifie perdre la tête, la tramontane, devenir fou.
Tenir pied à boule. Être assidu, attache à besogne, ou marquer de la tenacité dans une affaire.
Rond comme une boule. Se dit d’un homme surchargé d’embonpoint, gros, bouffi et replet.

Vidocq, 1837 : s. f. — Foire ou fête.

Vidocq, 1837 : s. f. — Tête.

Halbert, 1849 : Foire.

Larchey, 1865 : Tête. — Allusion de forme.

Polissonne de boule ! en fais-tu des caprices ?

(Les Amours de Mayeux, chanson, 1833)

Perdre la boule : Perdre la tête.

Mais Javotte a perdu la boule.

(E. de Pradel, 1822)

Boule de son : Figure couverte de rousseurs. — Celles-ci sont appelées communément taches de son. L’image est juste. — Boule de son : Pain de munition. — Il contenait autrefois beaucoup trop de son. — Boulendos : Bossu (Vidocq). — Allusion à l’effet de la bosse sous l’habit : on paraît avoir une boule dans le dos.

Delvau, 1866 : s. f. Foire, — dans le même argot [des voleurs].

Delvau, 1866 : s. f. Tête, — dans l’argot du peuple. Bonne boule. Physionomie grotesque. Perdre la boule. Ne plus savoir ce que l’on fait.

Rigaud, 1881 : Chien boule-dogue, boule-terrier.

Rigaud, 1881 : Foire, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Tête, visage. — Boule de siam, visage grotesque. — Boule de singe, personne laide.

La Rue, 1894 : Foire. Tête.

France, 1907 : Tête. Bonne boule, physionomie drôle ou sympathique ; perdre la boule, ne pas savoir ce que l’on fait ; avoir la boule détraquée. Boule de Siam, tête grotesque ; boule de neige, nègre ; boule de son, figure marquée de taches de rousseur appelées aussi taches de son.

Boule de son

M.D., 1844 : Un pain entier.

Halbert, 1849 : Pain bis.

Delvau, 1866 : s. f. Figure marquée de taches de rousseur, — dans l’argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : s. f. Pain, — dans l’argot des prisons.

Rigaud, 1881 / Merlin, 1888 : Pain de munition.

Virmaître, 1894 : Pain. Ainsi nommé à cause de sa forme ronde et de sa couleur, car autrement il n’entre pas de son dans la confection du pain de munition, pas plus que dans celui qui se fabrique à la boulangerie centrale de Saint-Lazare pour les prisons de la Seine (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Pain mêlé de farine, de seigle, de forme ronde, distribue tous les jours aux prisonniers ; on désigne de même le pain des militaires qui, avant 1855, avaient du pain noir mêlé de son.

Hayard, 1907 : Pain de soldat, ou de prisonnier.

France, 1907 : Pain ; argot des soldats et des prisonniers auxquels on donnait primitivement le même pain dit de munition.

On ne peut envisager sans frémir le sort réservé à de pauvres gens qui sont, parfois, obligés d’aller demander au poste de police de les mettre à l’abri avec les malfaiteurs, pour pouvoir, le lendemain, manger la boule de son du prisonnier.

(La Nation)

Boulotte

Fustier, 1889 : Grosse petite femme, bien en chair.

C’est eun’boulotte, une chic artisse
Qui vous a d’la réponse, mon vieux !

(L’entr’acte à Montparnasse)

Virmaître, 1894 : Femme rondelette, grassouillette, bien en chair, ayant du monde devant et derrière (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Petite femme grasse et dodue.

L’une de ces enfants racontait que son frère avait un appartement en ville, qu’il entretenait une « grue » des Nouveautés, Antonia, vous savez bien ? Une rousse, boulotte. Il en fait une vie ! Ah ! mes petites chattes, quelle noce ! C’est papa qui n’est pas content.

(Albert Cim, Institution de Demoiselles)

Bourrique

d’Hautel, 1808 : Sotte bête, ignorant, stupide à l’excès.
C’est une vraie bourrique. Pour dire un âne fieffé.

Delvau, 1866 : s. f. Imbécile, — dans l’argot du peuple, qui calomnie l’âne. Tourner en bourrique. S’abrutir ne plus savoir ce que l’on fait. Faire tourner quelqu’un en bourrique. L’obséder de reproches ou d’exigences ridicules.

Rigaud, 1881 : Agent de police, — dans le jargon des voleurs. L’agent de police bourre le voleur, d’où le surnom de bourrique.

Nous sommes tous les victimes des bourriques.

(La France, du 13 mars 1879)

La Rue, 1894 : Agent de police. Dénonciateur.

Virmaître, 1894 : Indicateur (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Agent de police et indicateur. Celui qui signale ou fait connaître des voleurs est une bourrique.

Hayard, 1907 : Indicateur de la police.

France, 1907 : Agent de la sûreté, délateur, sans doute par allusion aux oreilles, les mouchards écoutant aux portes. Tourner en bourrique, devenir stupide. Faire tourner quelqu’un en bourrique, lui faire perdre la tête par des reproches, des exigences ou des caprices.

Qu’on blague mon goût si l’on veut,
Mais j’aime la liberté franche ;
Fier comme un oiseau sur la branche,
Je peux bien formuler mon vœu.
Loin de tous les flics, des bourriques,
J’ai le droit d’aller dans les bois
Pour narguer la rousse aux abois
Et pour elle couper des triques.

(Edmond Bourgeois)

anon., 1907 : Agent de la sûreté.

Bran

d’Hautel, 1808 : Terme ignoble, qui n’est usité que dans les dernières classes du peuple, et qui signifie excrément, matière fécale.
On appelle bran de Judas, les taches de rousseur qui viennent au visage et aux mains.

Bras

d’Hautel, 1808 : Droit comme mon bras quand je me mouche. Se dit par dérision de quelque chose qui est de travers.
Un fort à bras. Pour dire un portefaix, un homme de peine ; et par extension, un fanfaron, un hâbleur, qui se vante de tout ce qu’il n’a pas fait.
Couper à quelqu’un bras et jambes. Lui ôter tout moyen d’agir dans une affaire ; le décourager par des paroles dures ou piquantes.
C’est son bras droit. Signifie il tire d’un autre homme toute sa gloire, toute sa réputation ; il met à profit ses conseils et ses talens.
Ils se tiennent bras dessus bras dessous. Se dit de personnes qui sont très-familières entr’elles, qui se comblent de caresses et d’amitié.
Traiter quelqu’un de monsieur gras comme le bras. Marquer beaucoup de respect à une personne de basse condition.
Il est manchot des deux bras. Manière railleuse de dire qu’un homme est aussi maladroit d’une main que de l’autre.
Si on lui donne un doigt, il prend long comme le bras. Pour, il abuse de la liberté qu’on lui donne.
Avoir quelqu’un sur les bras. L’avoir entièrement à sa charge.
Les bras retroussés. Se dit par hypallage, pour manches retroussées.
Avoir les bras longs. Avoir un grand crédit, un grand pouvoir.

Halbert, 1849 : Grand.

Delvau, 1864 : Le membre viril, qui nous sert a prendre les femmes par le — sentiment. — On dit aussi un bras d’enfant pour donner une idée de la longueur et de la grosseur de l’objet.

Delvau, 1866 : adj. m. Grand, — dans l’argot des voleurs, qui exagèrent la longueur de la brasse.

La Rue, 1894 : Grand. Avoir le bras long, être puissant.

Brinde

Fustier, 1889 : Femme grande et déhanchée.

Tenez, là à gauche, regardez cette grande brinde qui s’étale, avec son nez si retroussé qu’on lui voit la cervelle.

(Chavette)

Bu

Delvau, 1866 : adj. Ivre, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Ivre. Vol au bu, vol sur un ivrogne.

France, 1907 : Ivre ; argot du peuple.

— Eh ben ! oui, j’suis bu. Et puis, quoi ?
Que qu’vous m’voulez, messieurs d’la rousse !
Est-c’ que vous n’aimez pas comm’ moi
À vous rincer la gargarousse ?

(Jean Richepin)

Vol au bu, vol commis sur les ivrognes.

Butter

Ansiaume, 1821 : Massacrer.

Il a été butté pour avoir fait suer un chesne.

un détenu, 1846 : Tuer quelqu’un, occire.

Larchey, 1865 : Assassiner. — Du vieux mot buter : frapper, renverser, qui a fait Culbuter. V. Roquefort.

Voilà donc une classe d’individus réduite à la dure extrémité de travailler sur le grand trimar, de goupiner, de faire le bog et le blavin, de butter même s’il en était besoin.

(Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830)

Voilà pour butter le premier rousse, dit-il en montrant un couteau.

(Canler)

Virmaître, 1894 : Tuer (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Tuer.

France, 1907 : Assassiner, guillotiner.

Et, comm’ leur fallait c’pendant
Pour s’mett’ quèqu’ chos’ sous la dent
Qu’i’ s’procur’nt de la galette,
I’ buttèr’nt un pétrousquin
Et lui tir’nt son saint-frusquin.

(Blédort)

Cambriau, cambriot

France, 1907 : Chapeau.

Tirants, passe à la rousse,
Attachés de gratousse,
Cambriot galuché.

(Chanson de l’argot)

Cambriolleur, -euse

Vidocq, 1837 : s. — On reconnaît un soldat, même lorsque qu’il a quitté l’uniforme pour endosser l’habit bourgeois, on peut se mettre à sa fenêtre, regarder ceux qui passent dans la rue et dire, sans craindre de se tromper, celui-ci est un tailleur, cet autre et un cordonnier ; il y a dans les habitudes du corps de chaque homme un certain je ne sais quoi qui décèle la profession qu’il exerce, et que seulement ceux qui ne savent pas voir ce qui frappe les yeux de tout le monde ne peuvent pas saisir ; eh bien, si l’on voulait s’en donner la peine, il ne serait guère plus difficile de reconnaître un voleur qu’un soldat, un tailleur ou un cordonnier. Comme il faut que ce livre soit pour les honnêtes gens le fil d’Ariane destiné à les conduire à travers les sinuosités du labyrinthe, j’indique les diagnostics propres à faire reconnaître chaque genre ; si après cela ceux auxquels il est destiné ne savent pas se conduire, tant pis pour eux.
Les Cambriolleurs sont les voleurs de chambre soit à l’aide de fausses clés soit à l’aide d’effraction. Ce sont pour la plupart des hommes jeunes encore, presque toujours ils sont proprement vêtus, mais quel que soit le costume qu’ils aient adopté, que ce soit celui d’un ouvrier ou celui d’un dandy, le bout de l’oreille perce toujours. Les couleurs voyantes, rouge, bleu ou jaune, sont celles qu’ils affectionnent le plus ; ils auront de petits anneaux d’or aux oreilles ; des colliers en cheveux, trophées d’amour dont ils aimeront à se parer ; s’ils portent des gants ils seront d’une qualité inférieure ; si d’aventure l’un d’eux ne se fait pas remarquer par l’étrangeté de son costume il y aura dans ses manières quelque chose de contraint qui ne se remarque pas dans l’honnête homme ; ce ne sera point de la timidité, ce sera une gêne, résultat de l’appréhension de se trahir. Ces diverses observations ne sont pas propres seulement aux Cambriolleurs, elles peuvent s’appliquer à tous les membres de la grande famille des trompeurs. Les escrocs, les faiseurs, les chevaliers d’industrie, sont les seuls qui se soient fait un front qui ne rougit jamais.
Les Cambriolleurs travaillent rarement seuls ; lorsqu’ils préméditent un coup, ils s’introduisent trois ou quatre dans une maison, et montent successivement ; l’un d’eux frappe aux portes, si personne ne répond, c’est bon signe, et l’on se dispose à opérer ; aussitôt, pour se mettre en garde contre toute surprise, pendant que l’un des associés fait sauter la gâche ou jouer le rossignol, un autre va se poster à l’étage supérieur, et un troisième à l’étage au-dessous.
Lorsque l’affaire est donnée ou nourrie, l’un des voleurs se charge de filer (suivre) la personne qui doit être volée, dans la crainte qu’un oubli ne la force à revenir au logis ; s’il en est ainsi, celui qui est chargé de cette mission la devance, et vient prévenir ses camarades, qui peuvent alors s’évader avant le retour du mézière.
Si, tandis que les Cambriolleurs travaillent, quelqu’un monte ou descend, et qu’il désire savoir ce que font dans l’escalier ces individus qu’il ne connaît pas, on lui demande un nom en l’air : une blanchisseuse, une sage-femme, une garde malade ; dans ce cas, le voleur interrogé balbutie plutôt qu’il ne parle, il ne regarde pas l’interrogateur, et empressé de lui livrer le passage, il se range contre la muraille, et tourne le dos à la rampe.
Si les voleurs savent que le portier est vigilant, et s’ils présument que le vol consommé ils auront de gros paquets à sortir, l’un d’eux entre tenant un paquet sous le bras ; ce paquet, comme on le pense bien, ne contient que du foin, qui est remplacé, lorsqu’il s’agit de sortir, par les objets volés.
Quelques Cambriolleurs se font accompagner, dans leurs expéditions, par des femmes portant une hotte ou un panier de blanchisseuse, dans lesquels les objets volés peuvent être facilement déposés ; la présence d’une femme sortant d’une maison, et surtout d’une maison sans portier, avec un semblable attirail, est donc une circonstance qu’il est important de remarquer, si, surtout, l’on croit voir cette femme pour la première fois.
Il y a aussi les Cambriolleurs à la flan (voleurs de chambre au hasard) qui s’introduisent dans une maison sans auparavant avoir jeté leur dévolu ; ces improvisateurs ne sont sûrs de rien, ils vont de porte en porte, où il y a ils prennent, où il n’y a rien, le voleur, comme le roi, perd ses droits. Le métier de Cambriolleur à la flan, qui n’est exercé que par ceux qui débutent dans la carrière, est très-périlleux et très-peu lucratif.
Les voleurs ont des habitudes qu’ils conservent durant tout le temps de leur exercice ; à une époque déjà éloignée, ils se faisaient tous chausser chez une cordonnière que l’on nommait la mère Rousselle, et qui demeurait rue de la Vannerie ; à la même époque, Gravès, rue de la Verrerie, et Tormel, rue Culture-Sainte-Catherine, étaient les seuls tailleurs qui eussent le privilège d’habiller ces messieurs. Le contact a corrompu les deux tailleurs, pères et fils sont à la fin devenus voleurs, et ont été condamnés ; la cordonnière, du moins je le pense, a été plus ferme ; mais, quoiqu’il en soit, sa réputation était si bien faite et ses chaussures si remarquables, que lorsqu’un individu était arrêté et conduit à M. Limodin, interrogateur, il était sans miséricorde envoyé à Bicêtre si pour son malheur il portait des souliers sortis des magasins de la mère Rousselle. Une semblable mesure était arbitraire sans doute, mais cependant l’expérience avait prouvé son utilité.
Les voleuses, de leur côté, avaient pour couturière une certaine femme nommée Mulot ; elle seule, disaient-elles, savait avantager la taille, et faire sur les coutures ce qu’elles nommaient des nervures.
Les nuances, aujourd’hui, ne sont peut-être pas aussi tranchées ; mais cependant, si un voleur en renom adopte un costume, tous les autres cherchent à l’imiter.
Je me suis un peu éloigné des Cambriolleurs, auxquels je me hâte de revenir ; ces messieurs, avant de tenter une entreprise, savent prendre toutes les précautions propres à en assurer le succès ; ils connaissent les habitudes de la personne qui habite l’appartement qu’ils veulent dévaliser ; ils savent quand elle sera absente, et si chez elle il y a du butin à faire.
Le meilleur moyen à employer pour mettre les Cambriolleurs dans impossibilité de nuire, est de toujours tenir la clé de son appartement dans un lieu sûr ; ne la laissez jamais à votre porte, ne l’accrochez nulle part, ne la prêtez à personne, même pour arrêter un saignement de nez ; si vous sortez, et que vous ne vouliez pas la porter sur vous, cachez-la le mieux qu’il vous sera possible. Cachez aussi vos objets les plus précieux ; cela fait, laissez à vos meubles toutes vos autres clés : vous épargnerez aux voleurs la peine d’une effraction qui ne les arrêterait pas, et à vous le soin de faire réparer le dégât que sans cela ils ne manqueraient pas de commettre.
es plus dangereux Cambriolleurs sont, sans contredit, les Nourrisseurs ; on les nomme ainsi parce qu’ils nourrissent des affaires. Nourrir une affaire, c’est l’avoir toujours en perspective, en attendant le moment le plus propice pour l’exécution ; les Nourrisseurs, qui n’agissent que lorsqu’ils ont la certitude de ne point faire coup fourré, sont ordinairement de vieux routiers qui connaissent plus d’un tour ; ils savent se ménager des intelligences où ils veulent voler ; au besoin même, l’un d’eux vient s’y loger, et attend, pour commettre le vol, qu’il ait acquis dans le quartier qu’il habite une considération qui ne permette pas aux soupçons de s’arrêter sur lui. Ce dernier n’exécute presque jamais, il se borne seulement à fournir aux exécutans tous les indices qui peuvent leur être nécessaires. Souvent même il a la précaution de se mettre en évidence lors de l’exécution, afin que sa présence puisse, en temps opportun, servir à établir un alibi incontestable.
Ce sont ordinairement de vieux voleurs qui travaillent de cette manière ; parmi eux on cite le nommé Godé, dit Marquis, dit Capdeville ; après s’être évadé du bagne, il y a plus de quarante ans, il vint s’établir aux environs de Paris, où il commit deux vols très-considérables, l’un à Saint-Germain en Laye, l’autre à Belleville ; cet individu est aujourd’hui au bagne de Brest, où il subit une condamnation à perpétuité.
Les vols de chambre sont ordinairement commis les dimanches et jours de fête.

Cambrouse

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Servante, cuisinière.

Clémens, 1840 : Campagne.

Larchey, 1865 : Campagne (Vidocq). — Du latin campus : campagne. — Cambrousier : Voleur de campagne (id.). — V. Garçon.

La rousse pousse comme des champignons, et même dans la cambrouse, ils viennent vous dénicher.

(Patrie du 2 mars 1852)

Delvau, 1866 : s. f. Gourgandine, — dans l’argot des faubouriens, qui se rencontrent sans le savoir avec les auteurs du Théâtre-Italien.

Rigaud, 1881 : Campagne. Cambrousier, paysan, — dans le jargon des marchands forains.

Rigaud, 1881 : Pensionnaire d’une maison de tolérance, — dans l’ancien argot.

Rossignol, 1901 : Campagne. Celui qui est né ou qui habite la campagne est un cambrousier.

Cambrouse ou cambrousse

France, 1907 : Campagne, banlieue.

— Nous ne travaillons plus dans le bois de Boulogne depuis longtemps… il y a trop de surveillance… On a trop parlé de nous dans les journaux… Si nous avons fait aujourd’hui cette ballade à la cambrouse (partie de campagne), c’est qu’il fallait veiller au grain…

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Cambrousier

Halbert, 1849 : Homme de province.

Delvau, 1866 : s. m. Brocanteur, — dans l’argot des revendeurs du Temple.

Rigaud, 1881 : Ouvrier peintre-vitrier attaché à un petit établissement de peinture-vitrerie, dans le jargon des peintres en bâtiment.

Rigaud, 1881 : Revendeur qui tenait un peu de tout, — dans l’ancien argot du Temple. Le cambrousier a été le précurseur du brocanteur.

Rigaud, 1881 : Voleur de campagne, — dans l’ancien argot.

Virmaître, 1894 : Escarpe qui vole tout ce qui lui tombe sous la main en parcourant la France. Ce nom lui vient de ce qu’il opère dans les cambrousses (maison) (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Paysan, provincial.

Hayard, 1907 : Charlatan.

France, 1907 : Voleur de campagne ou brocanteur.

Cambrousse

Delvau, 1866 : s. f. Banlieue, campagne, — dans l’argot des voleurs. Ils disent aussi Camplouse.

Cambrousse, camplouse

La Rue, 1894 : La campagne.

Camperousse

France, 1907 : Prostituée. Il faut remarquer que camperou est, dans le Midi, le nom d’un champignon vénéneux.

Carrousse

d’Hautel, 1808 : Faire carrousse. Ribotter ; faire ripaille.

Casser du sucre

Delvau, 1866 : v. a. Faire des cancans, — dans l’argot des cabotins.

Rigaud, 1881 : Dire du mal. — Casser du sucre à la rousse, dénoncer un complice.

La Rue, 1894 : Médire de quelqu’un. Dénoncer.

Virmaître, 1894 : Dénoncer. Casser du sucre sur quelqu’un : en dire du mal (Argot des voleurs). V. Mouton.

Rossignol, 1901 : Dire du mal de quelqu’un.

Il a cassé du sucre sur mon orgue au patron.

Hayard, 1907 : Dénoncer.

France, 1907 : Avouer un crime. Casser du sucre à la rousse, dénoncer un complice. Casser du sucre sur la tête de quelqu’un, médire de lui en son absence.

Dans l’une de ces brasseries, j’ai entendu chuchoter l’histoire suivante, par un bon petit camarade, sur un autre membre de la société d’admiration mutuelle qui se pique d’être un fort latiniste ; du reste, le conteur est surnommé la machine à casser du sucre.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Casser le sucre à la rousse

Delvau, 1866 : Dénoncer un camarade ou plutôt un complice. Argot des voleurs.

Cavaler

Ansiaume, 1821 : v. Cromper.

Clémens, 1840 : Sauver.

M.D., 1844 : Courir.

Virmaître, 1894 : Se sauver.
— Cavale-toi v’là la rousse (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : S’en aller, se sauver.

Je suis en retard, je me cavale.

Hayard, 1907 : Se sauver.

France, 1907 : Courir : de cavale, jument.

— J’ai rentiché avec des mecs qui t’auraient fait dinguer le timpant rien qu’en cavalant derrière ta gonde (j’ai fréquenté des souteneurs qui t’auraient fait tourner le cœur rien qu’en courant derrière ta porte).

(E. Lepelletier, Les Secrets de Paris)

Centrousse

Virmaître, 1894 : Maison centrale (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 / France, 1907 : Prison centrale.

Chandelle (tenir la)

Larchey, 1865 : Être placé dans une fausse position, favoriser le bonheur d’autrui sans y prendre part.

Embrassez-vous, caressez-vous, trémoussez vous, moi je tiendrai la chandelle.

(J. Lacroix)

Une chanson imprimée chez Daniel, à Paris, en 1793, — Cadet Roussel républicain, — fournit cet exemple plus ancien :

Cadet Roussel a trois d’moiselles
Qui n’sont ni bell’s ni pucelles,
Et la maman tient la chandelle.

France, 1907 : Se prêter à de honteuses complaisances, favoriser d’illicites amours. Se retirer pour laisser en tête à tête sa femme ou sa fille avec son amant. Les gens qui tiennent la chandelle sont plus communs qu’on ne le pense.

À son destin j’abandonne la belle
Et me voilà. Des esprits comme nous
Ne sont pas faits pour tenir la chandelle.

(Parny)

Change

Rigaud, 1881 : Trousseau fourni par les maîtresses de maison de tolérance à leurs pensionnaires, — dans le jargon des filles. Rendre son change, laisser ses nippes quand on passe d’une maison dans une autre.

France, 1907 : Substitution d’un jeu de caries prépare à celui qui est sur la table.

Méfiez-vous d’un banquier qui, après avoir pris une poignée de cartes pour servir les tableaux, se démène, fouille dans ses poches, prend son porte-billets, son mouchoir, son étui à cigares, assujettit sa chaise, se penche vers ses voisins, parle au croupier en se penchant sur la table, fait une réclamation bruyante, se querelle avec un ponte, froisse les cartes, se plaignant de leur mauvaise qualité, demande du feu en se tournant un peu de côté, etc., etc. Tout ce manège est pour dérouter l’attention et opérer le change de la poignée de cartes qu’il tient dans la main, afin de les remplacer par d’autres cartes qu’il a sur lui et qui sont « séquencées. »

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on triche)

France, 1907 : Vêtement de ville que les maîtresses de lupanar prêtent à une fille qui passe d’une maison dans une autre.

La plupart entrent au bordel ne possédant ni bas, ni souliers, ni chemises. Lorsque c’est à la prison où à l’hôpital qu’elles ont été recrutées, la dame de maison qui les a retenues est obligée de leur envoyer de quoi se couvrir ; et quand elles passent d’un lupanar à un autre, elles ne peuvent le faire qu’avec les vêtements appartenant à la maîtresse qu’elles quittent. Les filles ont une expression pour désigner ce trousseau lorsqu’elles le renvoient à sa propriétaire ; elles disent alors « quelles rendent leur change. »

(Léo Taxil, La Prostitution contemporaine)

Chapelle (faire petite)

France, 1907 : Mouvement particulier aux femmes qui se trouvent près du feu. Elles troussent leurs jupons, présentant à la flamme leurs jambes, colonnes du tabernacle qui est au fond.

Chausson

d’Hautel, 1808 : Tout son équipage tiendroit dans un chausson. Se dit par raillerie de quelqu’un dont le trousseau, le bagage est fort mince, et la bourse bien plus modique encore.

Delvau, 1864 : Fille de la dernière catégorie, qui chausse tout le monde et se fait chausser par tout le monde.

Joséphine ! elle a chausse le cothurne à la salle de la Tour d’Auvergne, chez Ricourt… — C’est pour cela que je l’appelle chausson… qu’elle est.

(Lemercier de Neuville)

Delvau, 1866 : s. m. Boxe populaire où le pied joue le rôle principal, chaussé ou non.

Delvau, 1866 : s. m. Femme ou fille qu’une vie déréglée a avachie, éculée. Putain comme chausson. Extrêmement débauchée. Aurélien Scholl a spirituellement remplacé cette expression populaire, impossible à citer, par cette autre, qui n’écorche pas la bouche et qui rend la même pensée : Légère comme chausson.

Delvau, 1866 : s. m. Pâtisserie grossière garnie de marmelade de pommes et de raisiné. Les enfants en raffolent parce qu’il y a beaucoup à manger et que cela ne coûte qu’un sou.

Virmaître, 1894 : Putain. Femme pour qui tout homme est bon. On dit putain comme chausson, parce que le chausson prête beaucoup et va à tous les pieds (Argot du peuple).

France, 1907 : Art de la lutte à coups de pieds également appelé savate.

France, 1907 : Prostituée. On dit généralement : putain comme chausson.

Chibis (faire)

France, 1907 : S’échapper de prison.

J’ai fait chibis. J’avais la frousse
Des préfectanciers de Pantin.
À Pantin, mince de potin !
On y connait ma gargarousse.

(Jean Richepin)

Est-on puni pour avoir pris ?
Non, pour ne pas faire chibis !

(Hogier-Grison)

Chien (se coiffer à la)

France, 1907 : Frisotter les cheveux et les laisser retomber sur le front.

Il y avait dans le petit hôtel une femme de chambre d’emprunt qui vint donner le dernier coup à la coiffure, quelque peu rebelle au peigne. Mais surtout dans un temps où toutes les femmes se coiffent à la chien, les ébouriffades de Maria étaient de saison… Elle jouait encore avec la houppette et le crayon. Sans avoir rien appris, les femmes savent tout, mais surtout l’art de s’habiller et de se faire belles.

(Arsène Houssaye, Le Journal)

… Une petite bobonne toute jeunette, pimpante et proprette, aux yeux pers, hardis et moqueurs, au nez effrontément retroussé, à la chevelure châtain clair, frisés et moutonnante sur le front, coiffée à la chien.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Chou (bête comme)

France, 1907 : Suprême bêtise. Vérité bête à force d’être simple.

C’est bête comme chou, mais c’est ainsi. Une existence humaine peut servir d’enjeu à ces infimes considérations. Et l’on risque de passer pour très subversif, si l’on s’aventure à parler bon sens, si l’on se risque à dire que l’on ne rachète pas une frousse par une cruauté.

(Séverine, Le Journal)

Chouter

Fustier, 1889 : Caresser. (Richepin)

France, 1907 : Caresser.

France, 1907 : Remuer, secouer ; abréviation de chahuter.

Ah ! ah ! c’était sous l’blé en meule
Qu’Margot choutait Pant’, son amant.
Oh ! oh ! l’Frisé, du vin plein la gueule,
Vint près d’la meule au bon moment.
Sa cott’ troussé’ plus haut qu’ses bas,
Margot riait là-bas, là-bas.

(Jean Richepin)

Coiffé comme saint Roch

France, 1907 : Coiffé de travers, en casseur d’assiettes, en bourreau des crânes. Cette expression, qui a vieilli, vient de ce que l’on représente généralement saint Roch avec un chapeau retroussé par devant, omme se coffaient, autrefois, les « mauvais garçons », et légèrement inclinée sur l’oreille. On trouve, dans le Poêle crotté de Saint-Amaunt :

Un feustre noir, blanc de vieillesse,
Garny d’un beau cordon de gresse,

Couvrait la hure de la beste,
Trousse par devant en Saint Roch,
Avec une plume de coq.

Compliment

d’Hautel, 1808 : Rengaîner son compliment. Pour s’abstenir de le faire ; se retirer sans avoir exécuté ce que l’on avoit prémédité.
Un compliment bien troussé. Pour dire bien tourné, fait gracieusement et avec esprit.

Delvau, 1864 : L’acte copulatif.

Nous avons un grand homme,
Arrivé depuis peu
Dans ce lieu,
Qui fait, quand on l’en somme,
Six compliments par jour
À l’amour.

(Collé)

En amour, dans ma jeunesse,
J’eus des succès étonnants ;
Je fis à mainte Lucrèce
D’innombrables compliments.

(Émile Debraux)

Compte-gouttes

Rossignol, 1901 : « Ta trousse est ouverte, prends garde de perdre ton compte-gouttes. »

Consolation

Larchey, 1865 : Eau-de-vie. — Ce mot dit avec une éloquence navrante ce que le pauvre cherche souvent dans un petit verre ; — L’oubli momentané de ses maux, et souvent de sa faim.

Bon, il entre dans le débit de consolation.

(E. Sue)

Delvau, 1866 : s. f. eau-de-vie, — dans l’argot du peuple, qui se console à peu de frais. Débit de consolation. Liquoriste, cabaret.

Rigaud, 1881 : Débit de liqueurs. — L’eau-de-vie est la consolation des ivrognes.

Fustier, 1889 : Jeu de hasard à l’usage des filous.

Au lieu du rendez-vous, on jouait la consolation, partie qui consiste à diviser un tapis vert en cases, au moyen de lignes tracées à la craie, à numéroter chaque compartiment depuis un jusqu’au chiffre maximum que peuvent produire un certain nombre de dés et à payer enfin à chaque individu le montant de la mise qui se trouve dans la case que désigne la somme des points amenés par le coup de dés.

(La Loi, 1882)

La Rue, 1894 : Partie de cartes ou de dés proposée par les bonneteurs en wagon.

Virmaître, 1894 : Jeu qui se joue dans les wagons de chemins de fer au retour des courses. Les bonneteurs offrent la consolation aux joueurs malheureux, qui ont celle de se voir encore dépouillés (Argot des camelots).

Rossignol, 1901 : C’est un jeu de hasard que l’on appelait dans le temps la parfaite égalité, et, comme disait le teneur, « un petit jeu franc et loyal qui ne craint ni la rousse ni le municipal, c’est le petit jeu de la bobinette ; celui qui a peur de perdre, faut pas qu’il y mette. » Le mot consolation date de 1876 ; l’auteur est un nomme Loustelet, marchand de bijoux en chambre, qui importa ce jeu aux courses. Il se jouait en chemin de fer, à l’aller et au retour des courses, puis on s’arrêtait chez un marchand de vin pour y continuer la partie. Lorsque les joueurs étaient décavés, Loustelet faisait tirer gratuitement un bijou entre les perdants, ce qui était la consolation. Voyant que son métier prospérait, Loustelet avait pris plusieurs commis qui tenaient ce jeu séparément et pour lui ; mais ce petit truc fut vite connu et les chemins de fer infestés de teneurs de consolation. À cette époque c’était le petit jeu franc et loyal, les dés à jouer étaient dans un cornet ; depuis, ils se mettent dans une boîte en bois où il y a un avantage pour le teneur et toujours escroquerie (la boîte est arnaquée).

France, 1907 : Eau-de-vie.

France, 1907 : Jeu de filous qui se joue dans les wagons, au retour des courses, appelé ainsi pour soi-disant consoler ceux qui ont perdu. Il se joue avec trois dés et un tableau divisé en six cases. Quelques marchands de vins du voisinage de la gare Saint-Lazare sont connus pour offrir leur bar aux consolateurs.

Après le tirage du gros lot, on a recommencé la partie pour les vice-présidents ; c’est ce que, dans je monde des bonneteurs, on appelle le jeu de la consolation.

(Grosclaude, Gil Blas)

Consulter Larousse

Fustier, 1889 : ou, pour parler plus clairement : consulter le Dictionnaire rédigé par M. Larousse. Argot des écoles. Je vais consulter Larousse à la bibliothèque, disent à leurs parents les jeunes collégiens de seize à dix-huit ans. Et au lieu de se rendre à la bibliothèque Sainte-Geneviève ou dans un cabinet de lecture, ils s’en vont tout droit… à la plus proche brasserie desservie par des femmes.

Les tout jeunes gens y vont (dans ces brasseries) sous prétexte de boire un bock et de consulter le Dictionnaire Larousse. Aujourd’hui, ces deux mots : Consulter Larousse ont, dans le langage des lycées, un sens sur lequel je n’ai pas besoin d’insister.

(La Ligue, juillet 1885)

Corsaire à corsaire

France, 1907 : Rien à gagner. Cette expression proverbiale remonte au XVIe siècle. Elle est citée dans les Capitaines étrangers de Brantôme. André Doria, l’un des plus grands hommes de mer du XVIe siècle, entre au service de Charles-Quint pour combattre les Turcs, négligea l’occasion de détruire la flotte de Baba-Aroun, autrement dit : Barberousse. Cette négligence laissa supposer une secrète entente entre l’amiral turc et l’amiral génois, et ce dicton courut parmi les Italiens : « Corsario a corsario me ay, que gannar que los barillos d’aqua » (De corsaire à corsaire, on ne peut gagner que des barils d’eau) ; d’où les vieux dictons :

Corsaires contre corsaires
Font rarement leurs affaires…

et :

À corsaire, corsaire et demi.

Cotillon (le)

Delvau, 1864 : Le femme en général — et surtout en particulier — qui vous fouette le sang et vous allume l’imagination avec ses façons provocantes de retrousser ses cottes et de remuer sa crinoline.

Coup de fion (donner le)

France, 1907 : Terminer un ouvrage, le parachever, lui donner du chic, du brillant.

On ressangle les chevaux, on arrange les paquetages et les turbans, on époussette ses bottes, on retrousse ses moustaches et l’on drape majestueusement les plis de son burnous. On se donne enfin le coup de fion.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Il faut beaucoup d’imagination pour varier les mets, leur donner le parfum d’agréable odeur qui saisit les narines du gourmet et stimule son appétit, pour connaître juste les quantité d’eau, de jus, d’aromates qu’il faut combiner en une habile mixture pour donner enfin à la sauce, — triomphe du vrai cuisinier, — ce que j’appellerai, en argot d’artiste, le coup de fion du maitre d’hôtel.

(Jeanne d’Antilly, Le Journal)

Courailler

Delvau, 1864 : Baiser en ville, et fréquemment, brunes ou blondes, rousses ou cendrées, bourgeoises et lorettes, servantes et maîtresses.

Vous l’auriez empêché de courailler.

(H. de Balzac)

Larchey, 1865 : Donner dans la galanterie facile.

Vous l’auriez empêché de courailler.

(Balzac)

Courir a le même sens.

Monsieur n’est pas heureux quand il court.

(H. Monnier)

On dit aussi Courir la gueuse.

Delvau, 1866 : v. n. Faire le libertin, — dans l’argot des bourgeois.

France, 1907 : Courir les filles. On dit aussi : courir la gueuse.

Cronée

Rigaud, 1881 : Plat ; assiette, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Écuelle. Une cronée de barbillons de Beauce, voilà la pitance à la Centrousse.

France, 1907 : Écuelle pleine.

Crotte

d’Hautel, 1808 : Être dans la crotte. C’est-à-dire, dans la misère, dans un grand dénûment.
La ribotte nous met dans la crotte. Pour dire, ruine le corps et la bourse.
Il a le nez retroussé peur de la crotte. Se de quelqu’un qui a le nez camus.
Les chiens ont mangé la crotte. Manière plaisante de dire, qu’il a fortement gelé, et que les rues sont sèches et propres.

Delvau, 1866 : s. f. Misère, abjection, — dans l’argot du peuple. Tomber dans la crotte. Se ruiner, se déshonorer, — se salir l’âme et la conscience. Vivre dans la crotte. Mener une vie crapuleuse. On n’est jamais sali que par la crotte. On ne reçoit d’injures que des gens grossiers.

Rigaud, 1881 : Misère, dégradation morale. — Rouler, tomber, se carrer dans la crotte.

France, 1907 : Misère abjecte. Le mot est employé dans ces expressions : vivre, traîner ou tomber dans la crotte.

Cueilleur

d’Hautel, 1808 : Ce mot ne se trouve dans aucun dictionnaire moderne ; on ne s’en sert que par ironie ; et pour ridiculiser un homme mal accoutré, fagoté, on dit qu’il est retroussé comme un cueilleur de pommes.

Culotter

Delvau, 1866 : v. n. Noircir, — dans l’argot du peuple, qui emploie ce verbe spécialement à propos des pipes fumées.

Rigaud, 1881 : Noircir le fourneau d’une pipe selon les règles de l’art du fumeur.

… Sans vider le brûlot Chargez, chargez toujours sur le même culot. Fumez-le lentement, sans brutale secousse, Vous le verrez bientôt prendre une teinte rousse, Assombrir par degrés son cordon régulier, Jusqu’à ce que, formant un superbe collier, Il étale à la fois sa couleur blanche et noire, La culotte d’ébène et le turban d’ivoire.

(Paris-Fumeur.)

Daron

d’Hautel, 1808 : Sobriquet que les ouvriers donnent à leurs bourgeois : ce mot signifioit dans le vieux langage, un vieillard fin et rusé.
Un daron. Se dit aussi d’un homme de la manique, d’un cordonnier.

Ansiaume, 1821 : Père.

Mon daron avait le taff, mais il prêtoit l’oche.

anon., 1827 / Bras-de-Fer, 1829 : Maître, père.

M.D., 1844 : Le père.

Halbert, 1849 : Maître, père.

Delvau, 1866 : s. m. Père, — dans l’argot des voleurs, qui ont emprunté ce mot au vieux langage des honnêtes gens. Daron de la raille ou de la rousse. Préfet de police.

Virmaître, 1894 : V. Dabe.

Rossignol, 1901 : Père.

Daron de la raille, de la rousse

Vidocq, 1837 : s. m. — Préfet de police.

Daron de la rousse

France, 1907 : Préfet de police. On dit aussi : daron de la raille.

Daron, daronne

Larchey, 1865 : Père, mère. — Daron de la rousse : Préfet de police. — Daronne du mec des mec. Mère de Dieu. V. Rebâtir.

Rigaud, 1881 : Maître, maîtresse. — Père, mère. — Daron de la raille, de la rousse, préfet de police. — Daronne du Mec des Mecs, daronne du grand Avre ou Havre, la mère de Dieu, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Maître, maîtresse. Père, mère.

Hayard, 1907 : Père, mère.

France, 1907 : Patron, patronne. Se dit aussi pour père et mère. Ce mot signifiait, dans le vieux langage, vieillard rusé. Il est encore employé, dans la Flandre française, dans le sens de maître de maison, et comme équivalent de chef de famille. Selon toute probabilité, c’est une corruption de baron, autrefois employé dans le sens de maître, de mari ; à moins, comme le dit Larousse, qu’il ne vienne de la racine sanscrite dar, déchirer, diviser, le maître de la maison divisant, faisant les parts aux siens.

Le daron, à pas lents, parcourt du même jour
La ville, les faubourgs et jardins tour à tour.

(Anonyme)

La double signification de mère et maîtresse de maison se retrouve dans les lettres adressées, de la prison de Luxembourg, à sa chère Lucile, par Camille Desmoulins. Il appelle constamment daronne Mme Duplessis, sa belle-mère, avec qui il habitait à Cachan.

(Intermédiaire des chercheurs et curieux)

Décarrade

Vidocq, 1837 : s. f. — Sortie.

un détenu, 1846 : Sortie de prison.

Delvau, 1866 : s. f. Sortie, départ, fuite, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Fuite précipitée, fuite du voleur qui a la police à ses trousses. — La grande décarrade, la décarrade de la fin, la mort.

France, 1907 : Acquittement, fuite.

Cocantin, qui fait la cautionne,
Méfie-toi qu’un pierrot t’conne,
Assure-t’en, mais pas à crever ;
Puis enguirlande l’cuisinier,
Sur tézigue si l’lav’ton bavarde,
Offre-boi une décarrade.

(Hogier-Grison)

Décati

Delvau, 1866 : adj. et s. Qui n’a plus ni jeunesse, ni beauté, qui sont le cati, le lustre de l’homme et de la femme.

Rigaud, 1881 : Usé, vieilli, flétri, en parlant des personnes. Allusion aux étoffes décaties, c’est-à-dire qui ont perdu leur apprêt.

France, 1907 : Décrépit, avachi, fatigué.

Ah ! il était bien changé ? Ce n’était plus le bel homme souriant, plein de confiance en lui-même, haut en couleur, à large poitrine et à solide croupe que toutes les dévotes admiraient, le vicaire aux longs cheveux bruns dont les boucles soyeuses frisottaient sur le cou blanc, faisant, lorsqu’il passait, vêtu de sa belle soutane de drap fin, troussée de façon à déployer les rondeurs des mollets, et chaussée de ses souliers à boucles d’argent, faisant, dis-je, tourner la tête aux petites ouvrières et aux demoiselles de la congrégation, tandis que les vierges mûres soupiraient, s’emplissant, faute de mieux, la bouche de son nom : « M. l’abbé Guyot par-ci ! M. le premier vicaire par-là ! Ah ! l’abbé Guyot ! » du même ton qu’elles eussent dit : « Ah ! mon aimable Sauveur ! » ou bien : « Ah ! le bon sucre d’orge ! » Hélas ! il n’était plus que l’ombre de lui-même, un fantôme d’abbé Guyot : maigre, râpé, les yeux cernés, les cheveux ras et en échelle, comme ceux d’un forçat, décati, lamentable.

(Hector France, Marie Queue-de-Vache)

Déchirée (n’être pas trop)

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot du peuple — d’une femme qui est encore jeune, jolie et appétissante. On dit aussi N’être pas trop égratignée.

France, 1907 : Se dit d’une femme qui, malgré son âge, parait encore appétissante.

Au coin du feu, trouvèrent la vieille troussée quasiment jusqu’aux hanches : — Ça vous fait loucher, mes bons messieurs, dit-elle, mais on n’est pas encore trop déchirée pour son âge.

(Les Propos du Commandeur)

Défourager

Virmaître, 1894 : S’en aller, quitter un endroit pour un autre.
— Je défourage de la Centrousse pour renquiller à Pantin (Argot des voleurs).

France, 1907 : S’en aller.

Dégringoler

d’Hautel, 1808 : Descendre en hâte, se laisser choir ; tomber de l’endroit où l’on étoit monté.
Faire dégringoler les escaliers à quelqu’un. Le faire descendre quatre à quatre, avec ignominie.
On dit aussi figurément d’une personne dont la fortune va toujours en décroissant, qu’il dégringole.

Rigaud, 1881 : Voler. Dégringoler un aminche, voler un camarade.

Virmaître, 1894 : Tomber d’une haute situation dans la misère. Dégringoler un pante : tuer un bourgeois. Dégringoler des hauteurs d’un succès pour tomber dans la médiocrité (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Voler. Si en entrant chez soi on trouve son logement dévalisé, c’est que l’on a été dégringolé.

Hayard, 1907 : Glisser, tomber.

France, 1907 : Tomber, perdre sa situation.

Chose curieuse ! sa fin (Maurice Richard) lui avait été prédite avec tous les détours possibles, il y a peu de temps, par une mondaine de ses amies qui s’occupe de graphologie.
Elle faisait devant lui des expériences avec l’écriture de diverses personnes. Le châtelain de Millemont voulut avoir son horoscope et se mit à griffonner quelques lignes d’écriture.
— Oh ! oh ! se récria la dame en inspectant l’autographe, il faut faire attention, car vous dégringolez, mon cher ministre !…

(Gil Blas)

France, 1907 : Voler où tuer.

Nos pères ne connaissaient pas le récidiviste, plaie de nos grandes villes. De leur temps, la première fois qu’on prenait un particulier à dégringoler un pante, on lui cassait les bras et les jambes et on le laissait expirer, les membres entrelacés, dans les jantes d’une roue de cabriolet, supplice d’une inutile atrocité, mais qui ne permettait pas la récidive.

(Albert Rogat)

Quand la môm’ rend visite
À Lazar’, son patron,
Pour remplacer la p’tite
Faut qu’ils gagn’nt du pognon
Ils dégringol’nt, en douce,
Les malheureux poivrots,
Car ils n’ont pas la frousse
Les petits gigolos !…

(Léo Lelièvre)

Démurger

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 / Halbert, 1849 : S’en aller.

Rigaud, 1881 : Sortir de prison. — Démurger sans caserne, sortir de prison sans savoir où aller coucher.

Virmaître, 1894 : Fuir. Cette expression est fréquemment employée par les souteneurs au cours d’une bataille :
— Voilà la rousse, démurge ou y vont te faire chouette. La copaille va rendre l’affe, il est saigné au bon coin (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Sortir, s’en aller.

Je ne veux pas de clients comme vous, il faut démurger de chez moi. — Allez, démurgez !

Hayard, 1907 : S’enfuir.

France, 1907 : S’en aller, fuir ; corruption de démarger.

Dépendeur d’andouilles

Delvau, 1866 : s. m. Homme d’une taille exagérée, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Homme grand comme une perche à houblon. Allusion à ce qu’il pourrait sans échelle dépendre les andouilles suspendues au plafond (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Imbécile.

France, 1907 : Homme grand et sot. Voir Andouille. Se dit aussi pour gaillard solide et de haute taille.

M. Gulinel avança jusque sur le pas de sa porte, en déboutonnant ses manches, et en commençant à les retrousser avec ostentation.
Mais, à la vue du grand dépendeur d’andouilles qui lui était désigné, le charcutier prit tout de suite un air rêveur.

(Paul Hervieu)

Détrousser

d’Hautel, 1808 : Escroquer, voler, dépouiller.
Détrousser les passans sur les grands chemins. Les dévaliser.
Aller chez quelqu’un, robe détroussée. Y aller en grande parure, en pompeuse cérémonie.

Détrousseur

d’Hautel, 1808 : Larron, voleur qui exerce ses brigandages sur les grands chemins.

Dondon

d’Hautel, 1808 : Une grosse dondon. Sobriquet injurieux que l’on donne à une servante d’auberge ; à une grosse réjouie ; à une femme grasse et d’un solide embonpoint.

Delvau, 1864 : Femme facile, qui se laisse prendre le cul par le premier venu, et, au besoin, se laisse baiser par lui.

Toinette, fraîche dondon,
Chantait ainsi son martyre.

(Jules Poincloud)

Delvau, 1866 : s. f. Femme chargée d’embonpoint ; servante de cabaret — dans le même argot [du peuple].

Delvau, 1866 : s. f. Maîtresse, — dans l’argot dédaigneux des bourgeoises.

France, 1907 : Grosse femme aux forts appas.

C’est la remplaçante, une dondon au grand nez rouge, prétentieuse, endimanchée, et munie d’un vaste panier vide, qu’elle dissimule tout d’abord dans le recoin le plus obscur de l’entrée. Puis elle demande les cabinets, y passe un instant ; entre ensuite à la cuisine, retrousse la jupe de sa vieille robe de soie puce, épingle un torchon sur son large bedon afin de ne pas se salir, et demande à Julie la clef de la cave.

(Paul Alexis, Quelques originaux)

C’estoit une grosse dondon,
Grasse, vigoureuse, bien saine,
Un peu camuse à l’afriquaine,
Mais agréable au dernier point.

(Scarron, Virgile travesti)

Donner du chasse à la rousse

Fustier, 1889 : Faire le guet.

Tu donneras du chasse a la rousse, au moment
Où le patron fera son petit boniment.

(De Caston, Le Voyou et le Gamin)

Donner la chasse à la rousse

France, 1907 : Faire le guet.

Douce (aller à la)

Rigaud, 1881 : Aller doucement, se porter assez bien.

ALINE : Et mon oncle comment va-t-il ?
L’HOMME : À la douce, à la douce.

(Jean Rousseau, Paris-Dansant)

Faire quelque chose à la douce, ne pas se presser.

Écoper

Delvau, 1866 : v. n. Boire, — dans l’argot des typographes.

Delvau, 1866 : v. n. Recevoir des coups, — dans l’argot des gamins.

Rigaud, 1881 : Boire, — dans le jargon des typographes.

Rigaud, 1881 : Recevoir. — Recevoir un coup, se heurter.

On se rencontre dans la rue, on se saute dessus, on se tape, il y en a un qui écope.

(A. Bouvier, Mademoiselle Beau-Sourire, 1880)

Merlin, 1888 : Être puni, ou battu.

La Rue, 1894 : Être victime. Boire. Écoper la centrouse, être condamné à la centrale.

France, 1907 : Boire ; d’écope, petite soucoupe profonde.

France, 1907 : Recevoir des coups, ou, dans l’argot militaire, une punition.

Au coup de midi, l’officier de semaine Mousseret, — un petit, tout petit sous-lieutenant sorti quelques mois auparavant de l’école, — donna ordre de faire rassembler. Il dit qu’on allait procéder à l’appel des réservistes, et que les retardataires écoperaient de quatre jours.

(Georges Courteline)

Écoper se dit aussi dans le sens d’attraper : écouper une contravention. Écoper la centrousse, être condamné à une prison centrale.

Chaque soir, quand il n’y voyait plus, le peintre Bonvin coiffait un chapeau plus que mou, bourrait et allumait sa pipe, et s’en allait, en vareuse et en galoches, à la gare de Sceaux, où il achetait régulièrement son journal.
Un soir, il arrive au moment où sortent les voyageurs d’un train, une dame l’aperçoit, lui place une valise dans les bras, et en route. Bonvin suit respectueusement à trois pas. Enfin, la dame s’arrête devant un petit hôtel, reprend sa valise et tend une pièce blanche à l’artiste, qui refuse.
— Est-ce que vous n’êtes pas médaillé ? lui demande la dame.
— Hélas ! madame, je n’ai que des médailles de peinture. Et, si un agent passait, ça ne m’empêcherait pas d’écoper une bonne contravention !
Combien de peintres ayant pignon sur rue et rentes sur l’État sont loin de cette bonne humeur !

(Théodore Massiac)

— Ce qu’il nous faut ? Je le sais bien, et je vais vous le dire. Une bonne petite paroisse avec pas trop de dévotes. Les dévotes ça ne vaut rien. Ça ne pense qu’à se fourrer dans les jambes du curé. De là propos, jalousies, médisances, un tas de vilaines histoires, jusqu’à ce qu’un beau jour, patatras, le pauvre monsieur écope. Si vous voulez m’en croire, nous nous arrangerons dans notre nouvelle paroisse à ne pas nous laisser envahir par cette vermine.

(Hector France, Marie Queue-de-Vache)

Endêver

Delvau, 1866 : v. n. Enrager, être dépité. Faire endêver quelqu’un. Le taquiner, l’importuner de coups d’épingle. Caillières prétend que le mot est « du dernier bourgeois ». C’est possible, mais en attendant Rabelais et Jean-Jacques Rousseau s’en sont servis.

Enplanquer

Larchey, 1865 : Arriver.

La rousse enplanque.

(Bailly)

Estomaquer

d’Hautel, 1808 : S’estomaquer. Pour se fâcher, se dépiter, prendre de l’humeur ; se trouver offensé d’une légère plaisanterie.

France, 1907 : Étonner, confondre.

— Tu veux sérieusement que j’entre dans la rousse ?
— Je le désire.
— Tu en es ?
— Un peu.
— Je n’aurais jamais cru ça de toi.
— Que veux-tu, on se trompe dans la vie.
— Ah ! François ! tu m’estomaques !

(Marc Mario et Louis Launay)

Sans doute, le peuple s’attendait à être berné par les politiciens, il n’avait qu’une médiocre confiance en eux, mais l’événement a surpassé tout ce qu’il pouvait supposer. Après la commune, après la lutte de vingt-trois ans pour fonder la République démocratique et sociale, se réveiller sous le gouvernement du Casimir-Perrier d’Anzin et du Raynal des conventions !… C’est estomaquant tout de même.

(Édouard Drumont)

Être levé

Larchey, 1865 : Signifie dans l’argot des débiteurs et des créanciers qu’on a à ses trousses un recors, qui vous a vu dans la rue ou déterré quelque part. — Montépin.

Faire

d’Hautel, 1808 : Pour tromper, duper, attraper, friponner ; filouter, voler.
Je suis fait. Pour dire attrapé, on m’a trompé.
Faire de l’eau. Pour dire uriner, pisser. Hors de ce cas, c’est un terme de marine qui signifie relâcher en quelqu’endroit pour faire provision d’eau.
Faire de nécessité vertu. Se conformer sans rien dire aux circonstances.
Faire et défaire, c’est toujours travailler. Se dit par ironie à celui qui a mal fait un ouvrage quelconque, et qu’on oblige à le recommencer.
Quand on fait ce qu’on peut, on fait ce qu’on doit. Signifie qu’il faut savoir gré à celui qui marque du zèle et de l’ardeur dans une affaire, lors même qu’elle vient à ne pas réussir.
Paris ne s’est pas fait en un jour. Signifie qu’il faut du temps à un petit établissement pour devenir considérable ; qu’il faut commencer par de petites affaires avant que d’en faire de grandes.
Allez vous faire faire. Pour allez au diable ; allez vous promener, vous m’impatientez. Ce mot couvre un jurement très-grossier.
Le bon oiseau se fait de lui-même. Signifie qu’un bon sujet fait son sort par lui-même.
Faire et dire sont deux. Signifie qu’il est différent de faire les choses en paroles et de les exécuter.
Il n’en fait qu’à sa tête. Se dit d’un homme entier, opiniâtre, qui se dirige absolument d’après sa volonté.
Qui fait le plus fait le moins. Pour dire qu’un homme qui s’adonne à faire de grandes choses, peut sans contredit exécuter les plus petites.
Faire ses orges. S’enrichir aux dépens des autres s’en donner à bride abattue.
Faire le diable à quatre. Signifie faire des siennes, faire des fredaines ; un bruit qui dégénère en tintamare.
Faire les yeux doux. Regarder avec des yeux tendres et passionnés.
Faire son paquet. S’en aller ; sortir précipitamment d’une maison où l’on étoit engagé.
Faire la vie. Mener une vie honteuse et débauchée.
Il en fait métier et marchandise. Se dit en mauvaise part, pour c’est son habitude ; il n’est pas autrement.
Faire la sauce, et plus communément donner une sauce, etc. Signifie faire de vifs reproches à quelqu’un.
Faire d’une mouche un éléphant. Exagérer un malheur ; faire un grand mystère de peu de chose.
L’occasion fait le larron. C’est-à-dire, que l’occasion suffit souvent pour égarer un honnête homme.
Ce qui est fait n’est pas à faire. Signifie que quand on peut faire une chose sur-le-champ, il ne faut pas la remettre au lendemain.
Allez vous faire paître. Pour allez vous promener.
Les première et seconde personnes du pluriel du présent de l’indicatif de ce verbe sont altérées dans le langage du peuple. À la première personne il dit, par une espèce de syncope, nous fons, au lieu de nous faisons ; et à la seconde, vous faisez, au lieu de vous faites.

Larchey, 1865 : Faire la place, commercialement parlant.

De tous les points de Paris, une fille de joie accourait faire son Palais-Royal.

(Balzac)

Je suis heureux d’avoir pris ce jour-ci pour faire la vallée de l’Oise.

(Id.)

Larchey, 1865 : Nouer une intrigue galante.

Est-ce qu’un homme qui a la main large peut prétendre à faire des femmes ?

(Ed. Lemoine)

Dans une bouche féminine, le mot faire indique de plus une arrière-pensée de lucre. C’est l’amour uni au commerce.

Et toi, ma petite, où donc as-tu volé les boutons de diamant que tu as aux oreilles ? As-tu fait un prince indien ?

(Balzac)

Tu as donc fait ton journaliste ? répondit Florine. — Non, ma chère, je l’aime, répliqua Coralie.

(id.)

Larchey, 1865 : Risquer au jeu.

Nous faisions l’absinthe au piquet à trois.

(Noriac)

Faire dans la quincaillerie, l’épicerie, la banque, etc. ; Faire des affaires dans la quincaillerie, etc.

Larchey, 1865 : Voler.

Nous sommes arrivés à faire les montres avec la plus grande facilité.

(Bertall)

Son fils qui fait le foulard à ses moments perdus.

(Commerson)

Delvau, 1866 : s. m. Façon d’écrire ou de peindre, — dans l’argot des gens de lettres et des artistes.

Delvau, 1866 : v. a. Dépecer un animal, — dans l’argot des bouchers, qui font un veau, comme les vaudevillistes un ours.

Delvau, 1866 : v. a. Visiter tel quartier commerçant, telle ville commerçante, pour y offrir des marchandises, — dans l’argot des commis voyageurs et des petits marchands.

Delvau, 1866 : v. a. Voler, et même Tuer, — dans l’argot des prisons. Faire le foulard. Voler des mouchoirs de poche. Faire des poivrots ou des gavés. Voler des gens ivres. Faire une maison entière. En assassiner tous les habitants sans exception et y voler tout ce qui s’y trouve.

Delvau, 1866 : v. n. Cacare, — dans l’argot à moitié chaste des bourgeois. Faire dans ses bas. Se conduire en enfant, ou comme un vieillard en enfance ; ne plus savoir ce qu’on fait.

Delvau, 1866 : v. n. Jouer, — dans l’argot des bohèmes. Faire son absinthe. Jouer son absinthe contre quelqu’un, afin de la boire sans la payer. On fait de même son dîner, son café, le billard, et le reste.

Delvau, 1866 : v. n. Travailler, être ceci ou cela, — dans l’argot des bourgeois. Faire dans l’épicerie. Être épicier. Faire dans la banque. Travailler chez un banquier.

Rigaud, 1881 : Dérober. — Faire le mouchoir, faire la montre. L’expression date de loin. M. Ch. Nisard l’a relevée dans Apulée.

Vous êtes de ces discrets voleurs, bons pour les filouteries domestiques, qui se glissent dans les taudis des vieilles femmes pour faire quelque méchante loque. (Scutariam facitis)

Rigaud, 1881 : Distribuer les cartes, — dans le jargon des joueurs de whist. — Jouer des consommations, soit aux cartes, soit au billard. Faire le café en vingt points, — dans le jargon des piliers de café.

Rigaud, 1881 : Exploiter, duper. — Faire faire, trahir. Il m’a fait faire, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Faire le commerce de ; être employé dans une branche quelconque du commerce. — Faire les huiles, les cafés, les cotons. Mot à mot : faire le commerce des huiles, des cotons, etc.

Rigaud, 1881 : Guillotiner, — dans le langage de l’exécuteur des hautes-œuvres.

M. Roch (le bourreau de Paris) se sert d’une expression très pittoresque pour définir son opération. Les criminels qu’il exécute, il les fait.

(Imbert.)

Rigaud, 1881 : Parcourir un quartier au point de vue de la clientèle, — dans l’argot des filles. Elles font le Boulevard, le Bois, les Champs-Élysées, comme les placières font la place.

Rigaud, 1881 : Séduire.

La puissante étreinte de la misère qui mordait au sang Valérie, le jour où, selon l’expression de Marneffe, elle avait fait Hulot.

(Balzac, La Cousine Bette)

L’artiste qui, la veille, avait voulu faire madame Marneffe.

(Idem)

Faire une femme, c’est mot à mot : faire la conquête d’une femme.

Le temps de faire deux bébés que nous ramènerons souper ; j’ai le sac.

(Jean Rousseau, Paris-Dansant)

Quand une femme dit qu’elle a fait un homme, cela veut dire qu’elle fonde des espérances pécuniaires sur celui qu’elle a séduit, qu’elle a fait une affaire avec un homme. — Les bals publics sont des lieux où les femmes vont faire des hommes, mot à mot : le commerce des hommes.

Rigaud, 1881 : Tuer, — dans le jargon des bouchers : faire un bœuf, tuer un bœuf et le dépecer.

Rigaud, 1881 : Vaincre, terrasser, — dans l’argot des lutteurs.

Il ajouta qu’en se glorifiant d’avoir fait le Crâne-des-Crânes, certains saltimbanques en avaient menti.

(Cladel, Ompdrailles, Le Tombeau des lutteurs.)

Fustier, 1889 : Arrêter. Argot des voleurs. Être fait, être arrêté.

Le lendemain matin, il questionne la Lie-de-Vin… puis il part. Dans l’après-midi il était fait.

(Gil Blas, juin, 1886.)

La Rue, 1894 : Exploiter, duper. Arrêter. Jouer. Trahir. Séduire : faire une femme, faire un homme. Raccrocher. Dérober. Tuer. Vaincre, terrasser. Guillotiner.

Virmaître, 1894 : Les bouchers font un animal à l’abattoir. Faire : tuer, voler. Faire quelqu’un : le lever. Faire : synonyme de fabriquer (Argot du peuple et des voleurs).

France, 1907 : Exploiter.

Elles faisaient les bains de mer et les villes d’eaux, émigrant suivant la saison, comme les bohémiens, comme les hirondelles, des falaises grises de la Manche qu’un gazon plat encapuchonne aux côtes méditerranéennes où la blancheur luit dans l’azur.

(Paul Arène)

France, 1907 : Voler.

Deux filous causent de la future Exposition :
— C’est une bonne affaire pour nous… Ça fournit des occupations…
— Qu’est-ce que tu y faisais en 1869 ?
— Les montres.

(Le Journal)

Il lançait de vastes affaires sur le marché, comme la Caisse d’Algérie, et il ne dédaignait pas de vulgaires filouteries. Ses opérations se trouvèrent ainsi embrasser tous les cercles de la vie de Paris. Il ne dédaignait aucun coup à tenter. Il faisait le million aux riches gogos et le porte-monnaie aux passants.

(Edmond Lepelletier)

Un monsieur, très pressé, court dans la rue.
Un quidam le rejoint, lui frappe sur l’épaule et lui demande impérieusement :
— Où allez-vous ?
— Qu’est-ce que ça peut vous faire ? répond le monsieur furieux.
— Ça me fait beaucoup… on vient de me voler !
— Et vous m’accusez ?
— Oui.
— C’est trop fort !
— N’essayez pas de m’en imposer.
— Mais fouillez-moi, espèce de crétin !
Le quidam fouille le monsieur, et se retire en présentant de plates excuses.
Quand Le monsieur se fouille à son tour, il s’aperçoit qu’on lui a fait sa montre et son porte-monnaie.

(Gil Blas)

À la correctionnelle :
— Alors, dit familièrement le président au prévenu, vous vous vantez de faire la montre aves une remarquable dextérité ?
— Aussi bien que personne ici !
Puis il ajoute courtoisement :
— Soit dit sans vous offenser.

Faire à la pose (la)

France, 1907 : Poser ; vouloir se faire passer pour plus qu’on ne vaut. C’est le fait des imbéciles ou des intrigants de la faire à la pose.

Brouh ! ça vous fout la frousse : parce que quelques salopiots d’enjuponnés voudront la faire à la pose, ils vont m’expédier au bagne ou, chose plus emmerdante, me faire couper le coup.

(Père Peinard)

J’antipathis’ les bourgeois qui nous r’prochent
D’fair’ turbiner nos femm’s, sœurs et bell’s-sœurs.
Tandis qu’nous ons les deux mains dans les poches
Pour honorer le glorieux nom d’sout’neurs.
Tous ces muff’s-là qui la font à la pose,
S’ils regardaient autour d’eux, je n’dout’ pas
Qu’ils r’connaîtraient qu’il n’y a guère aut’ chose
Que des sout’neurs ; y en a des tas, des tas !!

(Édouard Maubert)

Faire chapelle

Virmaître, 1894 : Écarter les jambes et retrousser ses jupes pour se chauffer devant le feu. Une accouplée se chauffe de cette manière, l’autre qui la regarde lui dit :
— Fais-le assez cuire car je ne l’aime pas saignant (Argot des filles). N.

Virmaître, 1894 : Il existe une catégorie d’individus certainement malades du cerveau, car leur passion idiote ne peut autrement s’expliquer. Ils s’arrêtent devant la devanture des magasins ou travaillent les jeunes filles, généralement des modistes, ils entr’ouvrent leur paletot, en tenant un pan de chaque main et font voir ce que contient leur culotte déboutonnée. Ces cochons opèrent également dans les jardins publics ou jouent les petites filles. Ce n’est pas la police correctionnelle qu’il leur faudrait mais bien un cabanon à Charenton. On les nomme aussi des exhibitionnistes, de ce qu’ils font une exhibition (Argot du peuple).

France, 1907 : « Il existe, dit Charles Virmaître, une catégorie d’individus certainement malades du cerveau, car leur passion idiote ne peut autrement s’expliquer. Ils s’arrêtent devant la devantures des magasins où travaillent les jeunes filles, généralement des modistes, ils entr’ouvrent leur paletot, en tenant un pan de chaque main et font voir ce que contient leur culotte déboutonnée. Ces cochons opèrent également dans les jardins publics où jouent les petites filles… On les nomme Aussi des exhibitionnistes, de ce qu’ils font une exhibition. » Cela s’appelle faire chapelle. Voir Chapelle.

Faire relâche

Delvau, 1864 : Se refuser à toute conjonction, par maladie mensuelle ou par fantaisie pure, — ce qui est assez rare, qui a bu voulant toujours boire.

Il faut que tous les mois l’artiste se repose…
Une affiche à la porte, affiche de couleur,
Sur laquelle en travers, une bande s’attache,
Avertit le public qu’ici l’on fait relâche.

(Aug. Roussel)

Fessée

d’Hautel, 1808 : Coups de la main ou de verges que l’on donne aux enfans sur le derrière, par chatiment.
Il a eu une bonne fessée. Pour il a été fouetté d’importance.

Delvau, 1866 : s. f. Correction paternelle ou maternelle comme celle dont Jean-Jacques Rousseau avait conservé un si agréable souvenir.

Ficelle

d’Hautel, 1808 : Être ficelle. Métaphore populaire qui signifie friponner avec adresse.
Un ficelle. Escroc ; homme fort enclin à la rapine. En ce sens, ce mot est toujours masculin.

Larchey, 1865 : Chevalier d’industrie.

Cadet Roussel a trois garçons : L’un est voleur, l’autre est fripon. Le troisième est un peu ficelle.

(Cadet Roussel, chanson, 1793, Paris, impr. Daniel)

Larchey, 1865 : Procédé de convention, acte de charlatanisme. M. Reboux a publié, en 1864, Les Ficelles de Paris.

M. M…, pour animer la statuaire, emprunte a la peinture quelques-uns de ses procédés ; je n’oserais l’en blâmer, si l’austérité naturelle de ce grand art ne repoussait point les ficelles.

(Ch. Blanc)

Mais il n’est pas en relation avec les directeurs, et d’ailleurs il n’est pas outillé pour le théâtre ; il ne connaît pas les ficelles de la scène.

(Privat d’Anglemont)

Ferdinand lui indiqua plusieurs recettes et ficelles pour différents styles, tant en prose qu’en vers.

(Th. Gautier, 1833)

Delvau, 1866 : adj. et s. Malin, rusé, habile à se tirer d’affaire, — dans l’argot du peuple, qui a gardé le souvenir de la chanson de Cadet-Rousselle :

Cadet Rousselle a trois garçons,
L’un est voleur, l’autre est fripon,
Le troisième est un peu ficelle…

Cheval ficelle. Cheval qui « emballe » volontiers son monde, — dans l’argot des maquignons.

Delvau, 1866 : s. f. Secret de métier, procédé particulier pour arriver à tel ou tel résultat, — dans l’argot des artistes et des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Filou prudent. Un homme ficelle se prête à toutes les malhonnêtetés qui échappent à l’action de la loi.

Rigaud, 1881 : Mensonge transparent, petite ruse. — Ruses d’un métier.

À la ville, ficelle signifie une ruse combinée maladroitement. — Au théâtre, ficelle exprime un moyen déjà employé, connu, usé, qui sert à amener une situation ou un dénoûment quelconque mais prévu.

(J. Noriac, Un Paquet de ficelles)

Tous les métiers ont leurs ficelles. Connaître toutes les ficelles d’un métier, c’est le connaître à fond, en connaître toutes les ruses, tous les fils qui le font mouvoir.

La Rue, 1894 : Ruse, malice. Secret de métier.

Virmaître, 1894 : Être ficelle, malin, rusé, employer toutes sortes de ficelles pour réussir dans une affaire.
— Je la connais, vous êtes trop ficelle pour ma cuisine.
— Vous ne me tromperez pas, je vois la ficelle (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Rusé.

France, 1907 : Escroc, chevalier d’industrie.

Cadet Rousselle a trois garçons :
L’un est voleur, l’autre est fripon,
Le troisième est un peu ficelle,
Il ressemble à Cadet Rousselle,
Ah ! ah ! ah ! mais vraiment,
Cadet Rousselle est bon enfant.

(Chanson populaire, 1792)

La femme. — Et tantôt, deux heures avant de mourir, il me le disait encore : « Le portefeuille est là… tout ce qu’il y a dedans, ça sera pour vous. » Vieille canaille ! vieille ficelle !
L’homme. — Et voilà deux ans qu’il nous la répète, cette phrase-là. C’est avec ça qu’il nous a lanternés, parbleu ! Il s’est fait soigner pendant deux ans à l’œil…

(Maurice Donnay)

France, 1907 : Truc de métier, ruse, procédé, charlatanisme.

Aussi me semble-t-il même superflu de dénier à M. Ohnet les qualités de composition qu’on lui à reconnues. Je veux bien qu’il soit maître dans l’art de charger un roman comme les anarchistes chargent une bombe, avec de gros clous, de la menuaille et des poudres détonantes. Sa mèche est une ficelle.

(Le Journal)

Saluons ! C’est ici que trône et règne majestueusement la ficelle ; voici le restaurant. — Flanqué de deux mensonges, sa vitrine et sa carte, il vous attend entre deux pièges : payer trop ou manger mal ; défilé des Thermopyles, dans lequel tant d’étrangers succombent !

(Charles Reboux, Les Ficelles de Paris)

Le monde est une corderie,
Car la ficelle est notre amie ;
On voit que, dans chaque métier,
L’homme veut devenir cordier,
C’est le refrain du monde entier.
Ficelle, ficelle,
Méthode la plus belle.
Sans ficelle on n’a pas
Le bonheur ici-bas.

(Émile Durafour, Les Ficelles du monde)

Fiflot

Merlin, 1888 : Fantassin.

France, 1907 : Fantassin.

— Il fallait ouïr le vieux débagouler. Ah ! nom de Dieu ! c’est Jeanneton qui en a entendu de belles ! Sa vieille peau jaune comme le ménage du capitaine a pris la couleur d’une culotte de fiflot ; tandis que Crampon s’en flanquait une à la cuisine où il était allé trousser Jeannette.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Fil dans la trousse

Rossignol, 1901 : Être poilu.

Fion

d’Hautel, 1808 : Mot vulgaire dont le sens est fort borné, et qui équivaut à-peu-près à poli, retouche, le dernier soin que l’on donne à un ouvrage, afin de le perfectionner.
Il faut lui donner encore un petit fion. Pour il faut encore ajouter à cet ouvrage, quelqu’ornement, quelqu’embellissement pour qu’il soit parfait ; il faut y mettre la dernière main.

Larchey, 1865 : Élégance.

Un François enseignoit à des mains royales à faire des boutons, quand le bouton étoit fait, l’artiste disoit : À présent, Sire, il faut lui donner le fion. À quelques mois de là, ce mot revint dans la tête du roi ; il se mit à compulser tous les Dictionnaires françois, Richelet, Trévoux, Furetière, l’Académie françoise, et il n’y trouva pas le mot dont il cherchoit l’explication. Il appela un Neuchatelois qui était alors à sa cour, et lui dit : Dites-moi ce que c’est que le fion dans la langue françoise ? — Sire, reprit le Neuchatelois, le fion c’est la bonne grâce… Graves auteurs, graves penseurs, naturalistes, politiques. historiens, vous n’êtes pas dispensés de donner le fion à vos livres ; sans le fion vous ne serez pas lus. Le fion peut s’imprimer dans une page de métaphysique, comme dans un madrigal à Glycère. Académiciens qui parlez de goût, étudiez le fion, et placez ce mot dans votre Dictionnaire qui ne s’achève point.

(Mercier, 1783)

Delvau, 1866 : s. m. Dernière main mise à un ouvrage, — dans l’argot des ouvriers et des artistes. Coup de fion. Soins de propreté, et même de coquetterie.

Rigaud, 1881 : Élégance. — Coup de fion, dernier coup de main donné à un ouvrage.

Hayard, 1907 : Postérieur.

France, 1907 : Dernière main mise à un ouvrage. Donner le coup de fion, achever, parachever une œuvre.

C’est là qu’on se donne le coup de fion. On ressangle les chevaux, on arrange les paquetages et les turbans, on époussette ses bottes, on retrousse ses moustaches et on drape majestueusement les plis du burnous. Il s’agit de bien paraître et de faire noblement son entrée.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Froussard

Virmaître, 1894 : Individu qui a peur (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Peureux.

France, 1907 : Poltron.

— Hein ! dans les mares dormeuses, la pêche, avec du rouge, des grenouilles toutes vertes dans le vert des lentilles d’eau et trahies seulement par leurs petits yeux d’or ! Hein ! les griffes de fer qu’on se sanglait aux chevilles pour grimper dans les hêtres dénicher les ramiers ; et là-haut, dans la griserie et le vertige des cimes bercées par les grandes brises, quelle joie d’avancer le bras dans le trou de l’écorce et de compter sous ses doigts les œufs tièdes encore ! Hein ! les vautrées dans la houle des bruyères pareilles à des marées roses et parfumées ! Et la guerre angoissante aux vipères mordorées, glissant et frétillant dans les rocailles rousses ! Et les échauffourées des lapereaux froussards nous partant dans les jambes en un brusque ressaut de leur derrière tout blanc dans les touffes d’or les genêts ! Hein ! le joli temps, frangin, le joli temps que c’était là !

(Charles Foley)

Frousse

Larchey, 1865 : Peur, frisson. — Du vieux mot frillouseté : sensibilité au froid. V. Frileux.

Delvau, 1866 : s. m. Peur, frissonnement, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Peur, — dans l’ancien argot.

La Rue, 1894 : Peur.

Virmaître, 1894 : V. Taf.

Hayard, 1907 : Peur.

France, 1907 : Peur, corruption du veux français frillouse, frisson.

Ces braves parlementaires ont, à l’heure qu’il est, une telle frousse des socialistes qu’ils se résigneront peut-être, quand même, à de petites concessions.
Essayons toujours de leur mettre le feu sous le ventre. Répétons-leur sur tous les tons, cornons-leur aux oreilles que c’est un devoir élémentaire pour un gouvernement d’occuper les travailleurs ; que, lorsqu’il y a foule sur les chantiers, le désert se fait dans les syndicats et dans les boites à discours, et qu’un état social, où des gens qui ne demandent qu’à travailler, qui sont vigoureux, intelligents et honnêtes, n’ont pas la certitude de gagner le pain quotidien, est une honte pour la civilisation et ne peut finir que par un chambardement général.

(François Coppée)

C’était la pâtée et la niche,
Soit ! Mais être comme un caniche,
Caressant du soir au matin,
Et caressé ; n’avoir la frousse
Ni des pantes ni de la rousse ;
De caniche passer mâtin.

(Jean Richepin)

En France, aussi, on a vu des zigues pareils, Mandrin, Cartouche, etc. On connait leur histoire. On sait la frousse qu’ils foutaient aux richards, et combien ils étaient dans les papiers du populo.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

On dit aussi sainte frousse : être pris d’une sainte frousse.

Ô joie immense ! immense joie !
Voici le premier jour de l’an !
À ce bonheur que Dieu m’envoie
Je réponds… sans le moindre élan.
Mais pourtant la chose m’est douce
De songer que chacun chez lui
Se lève avec la sainte frousse
De cette fête d’aujourd’hui.

(Jacques Rédelsperger)

anon., 1907 : Peur.

Frousse (la)

Rossignol, 1901 : Peur. Il n’ose y aller, il a la frousse.

Frusquin

d’Hautel, 1808 : Patrimoine, bagage, trousseau ; tout ce que l’on a de vaillant.
Il a emporté tout son saint frusquin. Pour dire tout ce qu’il possédoit, tout son petit bagage.

anon., 1827 / Raban et Saint-Hilaire, 1829 / Bras-de-Fer, 1829 : Habit.

Vidocq, 1837 : s. m. — Habillement commun.

Halbert, 1849 : Coquetterie.

Gabegie

d’Hautel, 1808 : Micmac ; intrigue ; manigance ; pratique secrète ; mauvais dessein.
Il y a la-dessous de la gabegie. Pour dire quelque chose qui n’est pas naturel ; quelque manège.

Larchey, 1865 : Mauvais dessein. De l’ancien mot gaberie : tromperie. V Roquefort.

Assurément, il y a de la gabegie là-dessous.

(Deslys)

Delvau, 1866 : s. f. Fraude, tromperie. Est-ce un souvenir de la gabelle, ou une conséquence du verbe se gaber ?

Rigaud, 1881 : Fraude ; cachotterie.

La Rue, 1894 : Fraude, cachotterie.

France, 1907 : Fraude, tromperie : du viens mot gaberie, même sens.

On ne sauvera l’institution parlementaire qu’en l’appliquant d’une façon nouvelle, avec un personnel renouvelé. Ce ne sont pas quelques misérables gabegies qui sont dangereuses en soi : c’est le système lui-même, qui fait de la division des pouvoirs, dans la pratique, un mot vide de sens. Si on ne peut pas toucher par la base à l’électorat, il est devenu indispensable d’en limiter les effets, et de réduire les députés à servir le pays, non à rendre service à des électeurs.

(Nestor, Gil Blas)

Sa force l’avait matée : mais elle y opposa ses gabegies de femme. Toute la journée du lendemain, elle demeura au lit, jouant les douleurs de l’avortement, la main sur son ventre. Alors une frousse le prit de la voir accoucher avant terme.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

Gaffe

Clémens, 1840 : Celui qui fait le guet.

Delvau, 1866 : s. f. Bouche, langue, — dans l’argot des ouvriers. Se dit aussi pour action, parole maladroite, à contretemps. Coup de gaffe. Criaillerie.

Delvau, 1866 : s. f. Les représentants de l’autorité en général, — dans l’argot des voleurs, qui redoutent probablement leur gaflach (épée, dard). Être en gaffe. Monter une faction ; faire sentinelle ou faire le guet.

Delvau, 1866 : s. m. Gardien de cimetière, — dans l’argot des marbriers.

Delvau, 1866 : s. m. Représentant de l’autorité en particulier. Gaffe à gail. Garde municipal à cheval ; gendarme. Gaffe de sorgue. Gardien de marché ; patrouille grise. On dit aussi Gaffeur.

Rigaud, 1881 : « Cette main est terrible, c’est-à-dire dans l’argot significatif du jeu, une vraie gaffe ! » (A. Cavaillé.) Elle tire tout l’argent des pontes vers le banquier comme ferait une gaffe.

Rigaud, 1881 : Balourdise. Faire gaffe sur gaffe.

Rigaud, 1881 : Patrouille ; gardien, guichetier. — Gaffe des machabées, gardien de cimetière. — Gaffe à gayet, garde municipal à cheval. — Gaffe de sorgue, gardien de nuit dans un marché. — Être en gaffe, être en faction.

La Rue, 1894 : Balourdise. Gardien. Surveillance. Guet. Bouche, langue.

Virmaître, 1894 : Faire le guet pour avertir des complices de l’arrivée de la rousse ou des passants qui pourraient les déranger (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Faire ou dire une maladresse. Prendre la main de son ami, dessous la table, croyant prendre celle de sa femme, c’est faire une gaffe.

Rossignol, 1901 : Gardien de prison.

Hayard, 1907 : Dire ou faire une bêtise.

France, 1907 : Bouche, langue ; corruption du vieux mot gave. Coup de gaffe, criaillierie. Avaler sa gaffe, mourir.

France, 1907 : Grande fille sèche et maigre. Allusion au harpon appelé gaffe.

… Une grande gaffe chaude, à nez de perroquet, qui n’avait pas trouvé à se marier malgré ses folles envies d’homme, et que les lurons s’amusaient à leurrer de promesses, la pinçant au gras des côtes, toute rouge et les paupières battantes.

(Camille Lemonnier, Happe-Chair)

France, 1907 : Maladresse, balourdise, bévue. Faire une gaffe, commettre une maladresse.

Mme Ledouillard. — Mon mari… j’adore mon mari ; c’est extraordinaire, mais c’est comme ça. Et puis, quand par hasard j’ai envie de le tromper, je me dis : Mon Dieu ! si ça allait ne pas être meilleur, ou même moins bien, c’est ça qui serait une gaffe !

(Maurice Donnay, Chère Madame)

La gaffe, ou impair, est certainement une source innocente de rire dont la littérature actuelle a tiré l’effet comique le plus nouveau. Alfred de Musset, que Deschanel n’aime point, doit à l’étude de la gaffe un de ses plus jolis ouvrages, ce délicieux proverbe : On ne saurait songer à tout, que la Comédie-Française ne joue jamais, naturellement.

(Émile Bergerat)

Aux uns et aux autres, la réclame offerte par l’interview ne déplait pourtant pas outre mesure ; mais ils sont gênés par la brusquerie de l’interrogatoire. Les prudents craignent de faire une gaffe et les prophètes se méfient de l’improvisation. Car nous n’avons plus que de faux prophètes, sans délire sacré, des sibylles, pas bien solides sur le trépied.

(François Coppée)

À propos, dis donc à ton frère
De ne pas mettre, en m’écrivant,
Eros, le gosse de Cythère,
Avec un h en commençant.
Alors, pour réparer la gaffe,
Il en met un dans le mot cœur !
Je crois qu’au jeu de l’orthographe
Il ne sort pas souvent vainqueur.

(Jacques Rédelsperger)

Gandin

Delvau, 1864 : Imbécile bien mis qui paie les filles pour qu’elles se moquent de lui avec leurs amants de cœur. Il reste une consolation aux gandins qui grappillent dans les vignes amoureuses après ces maraudeurs de la première heure, c’est de se dire :

Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse !

(A. Delvau)

Nous soupions au sortir du bal. Quelques gandins,
Portant des favoris découpés en jardin,
Faisaient assaut d’esprit avec des femmes rousses.

(Th. De Banville)

Larchey, 1865 : Dandy ridicule. Du nom d’un personnage de vaudeville.

L’œillet rouge à la boutonnière, Les cheveux soigneusement ramenés sur les tempes comme deux gâteaux de pommade, le faux-col, les entournures, le regard, les favoris, le menton, les bottes ; tout en lui indiquait le parfait gandin, tout, jusqu’à son mouchoir fortement imprégné d’essence d’idiotisme.

(Figaro, 1858)

Delvau, 1866 : s. m. Amorce, paroles fallaces, — dans l’argot des marchandes du Temple. Monter un gandin. Raccrocher une pratique, forcer un passant à entrer pour acheter.

Delvau, 1866 : s. m. Coup monté ou à monter, — dans l’argot des voleurs. Hisser un gandin à quelqu’un. Tromper.

Delvau, 1866 : s. m. Oisif riche qui passe son temps à se ruiner pour des drôlesses, — et qui n’y passe pas beaucoup de temps, ces demoiselles ayant un appétit d’enfer. Le mot n’a qu’une dizaine d’années. Je ne sais plus qui l’a créé. Peut-être est-il né tout seul, par allusion aux gants luxueux que ces messieurs donnent à ces demoiselles, ou au boulevard de Gand (des Italiens) sur lequel ils promènent leur oisiveté. On a dit gant-jaune précédemment.

Rigaud, 1881 : Dandy dégénéré. Homme à la mise recherchée, prétentieuse et ridicule. D’où vient-il ? Est-ce de gant ? Est-ce de l’ancien boulevard de Gand ? Est-ce du nom d’un des personnages — Paul Gandin — des Parisiens de la Décadence, de Th. Barrière ? Est-ce de gandin, attrape-nigaud, en retournant la signification : nigaud attrapé ? Est-ce de dandy, avec changement du D en G, addition d’un N et réintégration de l’Y en I ? Je ne sais. — Le gandin s’éteignit en 1867, en laissant sa succession au petit-crevé qui creva en 1873, en léguant son héritage au gommeux, qui le léguera à un autre, et ainsi de suite jusqu’à la consommation des siècles.

Rigaud, 1881 : Duperie, attrape-nigaud. Hisser un gandin à un gonse, tromper un individu. — Monter un gandin, — dans le jargon des revendeurs du Temple, signifie chauffer l’article, harceler le client pour lui faire acheter quelque chose.

Rigaud, 1881 : Fort, — dans le jargon des barrières. Il est rien gandin.

Fustier, 1889 : Honnête, convenable, gentil. Argot du peuple.

Autrefois on avait deux sous de remise par douzaine. À présent, on les prend (des pièces de cuivre) chez Touchin. Il ne donne rien, ce muffle-là. Vrai ! c’est pas gandin !

(Fournière, Sans métier)

La Rue, 1894 : Duperie. Coup monté. Riche oisif.

France, 1907 : Riche oisif, jeune fainéant dont le père a travaillé sa vie durant pour qu’il passe la sienne à ne rien faire, parasite social. C’est le successeur et l’imitateur des lions du temps de Louis-Philippe, qui succédèrent eux-mêmes aux dandys et aux fashionables de la Restauration, aux beaux de l’empire, engendrés par les incroyables et les muscadins du Directoire, fils des petits maîtres de la fin du règne de Louis XV, descendants des talons rouges et des roués de la Régence, neveux des marquis de Louis XIV. Le nom de gandin parait pour la première fois en 1854 dans une pièce de Théodore Barrière, Les Parisiens, porté par un élégant ridicule, mais il ne se répandit guère dans le publie avant 1858. Gandin vient-il du boulevard de Gand, devenu le boulevard des Italiens et qui était la promenade habituelle des jeunes et riches oisifs, ou, suivant quelques étymologistes, du patois beauceron gandin, dont les éleveurs de la Beauce désignent le jeune mouton ? La bêtise, la simplicité, la passivité du mouton adolescent qui suit pas à pas celui qui le précède, et les instincts moutonniers, l’épaisse imbécillité de ces jeunes abrutis qui se copient tous en habits, en langage et en gestes offrent quelque créance à la seconde version. Cependant le public parisien ignore le patois de la Beauce, gandin adolescent mouton est inconnu sur le boulevard, et pour cette raison nous nous en rapporterons à la première.

Cigare aux dents, lorgnon dans l’œil,
Chaussé par Fabre, habillé par Chevreuil,
Un de ces élégants dont l’esprit reste en friche,
Nommés gandins hier, cocodès aujourd’hui,
Et qui nonchalamment promènent leur ennui
Depuis la Maison d’Or jusques au Café Riche…

(J.-B. de Mirambeaux)

Adieu, gandins infects, drôlesses éhontées, vous tous, abrutis qui, depuis ma majorité, n’avez cessé de jeter un froid dans mon existence. Je vous lâche !

C’était à l’Ambigu, la jeune X… des Folies Dramatiques se pavanait dans une avant-scène en compagnie de plusieurs crétins, tous gandins, et plus bêtes les uns que les autres, par conséquent.

(Léon Rossignol, Lettres d’un Mauvais jeune homme à sa Nini)

On l’emploie adjectivement dans le sens de beau, élégant.

— Il est pourtant gandin, mon panier, insiste le gitane avec le plus pur accent du faubourg Antoine ; étrennez-moi, Monsieur, ça vaut une thune et à deux balles je vous le laisse.

(Jean Lorrain)

Garçon de campagne ou de cambrousse

France, 1907 : Voleur de grand chemin, dévaliseur de maisons isolées.

Gargarousse

Fustier, 1889 : Gosier. (Richepin)

France, 1907 : Gosier.


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Dictionnaire d’argot classique