France, 1907 : Dans le Disciple, Paul Bourget explique ainsi ce proverbe : « Cette épigramme exprime, sous une forme inique, cette observation très juste qu’il flotte quelque chose de très complexe dans l’âme de cette population de frontière. Les Lorrains ont toujours vécu sur de bord de deux races et de deux existences, la germanique et la française. Qu’est-ce que le goût de la traîtrise, d’ailleurs, sinon la dépravation d’un autre goût, admirable au point de vue intellectuel, éclat de la complication sentimentale ! »
Rien n’est plus faux que cette explication. Les races de frontières se sont toujours, au contraire, signalées par une exagération de patriotisme. Il faut se souvenir du temps, et il n’est pas éloigné puisqu’il date d’avant nos désastres, où la Lorraine fournissait avec l’Alsace presque toute notre cavalerie de ligne et où, dans ces patriotiques campagnes, un garçon qui n’avait pas été soldat ne trouvait guère à se marier.
Ce dicton contre la Lorraine, auquel il faut ajouter celui-ci :
— Lorrain, prente me te lard.
— Nian, cè s’use.
— Prente me tè fomme.
— Prends-lè, si te vus.
« Lorrain, prête-moi ton lard. — Non, ça s’use. — Prête-moi ta femme. — Prends-la si tu veux. »
date du XVIIe siècle. « Il faut les faire remonter — dit M. Victor Courtois — à la guerre, d’environ soixante ans, dans laquelle les Lorrains combattaient pour leur indépendance et où
Français, Anglais, Lorrains que la fureur assemble,
S’avançaient, combattaient, frappaient, mouraient ensemble.
Cette lutte s’est terminée par la période transitoire du gouvernement de Stanislas, beau-père de Louis XV, et par l’annexion de la Lorraine à la France, à sa mort, en 1766. Il ne faut donc y voir que des dictons du camp français. Et les Lorrains, en revanche, traitaient les Français de Bourguignons et les mitraillaient en leur chantant :
Bourguignon salé,
L’épée au côté,
La barbe au menton,
Saute, Bourguignon.
Après l’annexion, les Lorrains, vaillants soldats et toujours fiers, devenus du reste d’excellents Français, se sont vengés des anciens sarcasmes en disant : « Ce n’est pas la Lorraine qui est devenue française, c’est les Français qui sont devenus Lorrains. »