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Manger

Manger

d’Hautel, 1808 : Manger l’ordre. Perdre mémoire de ce dont on avoit été chargé ; oublier totalement une commission.
Quand on est trop bon, le loup vous mange. Signifie que rien n’est plus pernicieux que l’excès de la bonté.
Elle mange comme un moineau. Se dit d’une femme qui fait la petite bouche, la sobre, ou qui est réellement d’une très-petite dépense sur la nourriture.
Cela se laisse manger. Pour dire qu’une chose sans être excellente, est fort agréable au goût.
Il en mangeroit deux comme lui. Pour marquer la supériorité d’une personne, et abaisser le mérite de quelqu’un qui exerce la même profession.
Il a mangé son pain blanc le premier. Pour dire que quelqu’un a fait l’ouvrage le plus facile en premier : que le commencement de sa vie a été plus heureux que n’est la suite.
Manger dans la main de quelqu’un. Pour, abuser de la bonté, de la complaisance de quelqu’un.
Manger de la vache enragée. Éprouver les angoisses de la faim, de la soif, et toutes les douleurs de la misère et de la fatigue ; apprendre à être sage à ses dépens.
N’as-tu pas peur qu’il te mange. Pour qu’as-tu à craindre ? pourquoi ne lui parlerois-tu pas ?
Se manger l’ame ; ou le blanc des yeux. Pour, se quereller ; vivre en mauvaise intelligence ; se disputer sans cesse sur des riens.
Manger quelqu’un des yeux. Le regarder avec affectation.
Manger quelqu’un de caresses. Lui faire de grandes amitiés ; le cajoler, lui faire des complimens à n’en plus finir.
Manger la moitié de ses mots. Bredouiller ; ne pas prononcer d’une manière intelligible ; serrer les dents en parlant.
Cela ne mange point de pain. Se dit de bijoux, ou d’effets quelconques dont on fait l’acquisition, afin de ne pas mal employer son argent ; pour faire entendre que ces objets ne coûtent rien à garder, et qu’on trouvera bien moyen d’en tirer parti au besoin. Se dit aussi, et dans le même sens, des papiers que l’on regarde comme inutiles, mais que quelques circonstances peuvent rendre nécessaires.
Manger son pain à la fumée du rôt. Voy. Fumée.
Manger son pain dans sa poche. Vivre heureux ; vivre dans l’aisance, sans y faire participer qui que ce soit.
Manger son blé en herbe, ou vert. Manger avance le bénéfice d’une affaire ou d’une spéculation ; vivre sur le crédit d’une succession qui n’est pas encore ouverte ; dépenser avec prodigalité, et généralement faire un mauvais usage de sa fortune.
Voilà ce que les rats n’ont pas mangé. Se dit ironiquement en montrant quelque chose que l’on avoit gardé secrètement.
Il sait bien son pain manger. Pour, il a soin de sa personne ; il sait vivre.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Dénoncer, avouer. Manger le morceau, avouer le crime.

Delvau, 1866 : v. a. Subir, avoir, faire, — dans l’argot du peuple. Manger de la misère. Être besogneux, misérable. Manger de la prison. Être prisonnier. Manger de la guerre. Assister à une bataille.

La Rue, 1894 : Faire chanter. Mangeur, maître chanteur (V. Chanter). Faire manger, faire profiter du produit d’une filouterie.

Manger dans la main

Delvau, 1866 : v. n. Prendre des familiarités excessives, abuser des bontés de quelqu’un.

Manger de ce pain-là (ne pas)

Delvau, 1866 : Se refuser à faire une chose que l’on croit malhonnête, malgré le profit qu’on en pourrait retirer ; répugner à certains métiers, comme ceux de domestique, de souteneur, etc.

Manger de la chair crue

Delvau, 1864 : Faire l’acte vénérien.

Si elles savaient ce que c’était de manger de la chair crue la nuit.

Marguerite de Navarre.

Manger de la merde

Delvau, 1866 : Souffrir de toutes les misères et de toutes les humiliations connues ; en être réduit comme l’escarbot, à se nourrir des immondices trouvées sur la voie publique, des détritus abandonnés là par les hommes et dédaignés même des chiens. Cette expression — de l’argot des faubouriens — est horrible, non parce qu’elle est triviale, mais parce qu’elle est vraie. Je l’ai entendue, cette phrase impure, sortir vingt fois de bouches honnêtes exaspérées par l’excès delà pauvreté. J’ai hésité d’abord à lui donner asile dans mon Dictionnaire, mais je n’hésite plus : il faut que tout ce qui se dit se sache.

Manger de la merluche

France, 1907 : Se mortifier. La merluche ou morue sèche ne se mange guère qu’en carême, temps de mortification pour les bons catholiques.

Manger de la vache enragée

Delvau, 1866 : v. a. Pâtir beaucoup ; souffrir du froid, de la soif et de la faim ; n’avoir ni sou ni maille, ni feu ni lieu ; vivre enfin dans la misère en attendant la richesse, dans le chagrin en attendant le bonheur. Cette expression est de l’argot du peuple et de celui des bohèmes, qui en sont réduits beaucoup trop souvent, pour se nourrir, à se tailler des beefsteaks invraisemblables dans les flancs imaginaires de cette bête apocalyptique.

Virmaître, 1894 : Malheureux qui ne mange pas tous les jours.
— Ah ! tu ne veux pas travailler, propre à rien, tu vas foutre le camp, tu mangeras de la vache enragée (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Ne pas arriver, tout en travaillant beaucoup à ne pouvoir se donner le strict nécessaire.

France, 1907 : Souffrir de misère et de privations. « C’est très bon pour les jeunes gens de manger un peu de vache enragée. Ça leur apprend à vivre. »

Tout le monde, je parle de ceux qui ont porté le noble harnais militaire, a goûté, plus ou moins, à la vache enragée, mais il n’en est qu’un très petit nombre qui se soient trouvés dans le cas des officiers et sous-officiers du 4e escadron du 3e spahis, de s’en empiffrer avec délectation. Et par le fait, si nous fûmes réduits à dévorer la vache traditionnelle, c’était un peu de notre faute.

(Hector France, Sous le burnous)

Manger des briques

Rossignol, 1901 : Ne rien avoir à manger, c’est bouffer des briques à la sauce cailloux.

France, 1907 : Se mal nourrir.

Honnête ouvrier des fabriques,
Sois toujours humble et toujours bon ;
Le travailleur mange des briques,
Le patron suce du bonbon.
Pour l’aimer, pour le satisfaire,
Redouble d’efforts empressés :
Jamais tu n’en pourras trop faire,
Tu n’en feras jamais assez !

(Jules Jouy)

Manger des pissenlits par la racine

Delvau, 1866 : v. a. Être mort.

Manger du bœuf

Delvau, 1866 : v. a. Être pauvre, — dans l’argot des ouvriers, qui savent combien l’ordinaire finit par être fade et misérable.

Manger du fromage

Delvau, 1866 : Être mécontent ; avoir de la peine à se débarbouiller de ses soucis. On connaît l’épigramme faite en 1814 contre Cambacérès, duc de Parme :

Le duc de Parme déménage ;
Plus d’hôtel, plus de courtisan !
Monseigneur mange du fromage,
Mais ce n’est plus du parmesan…

France, 1907 : Être mécontent. Alfred Delvau cite, à ce sujet, l’épigramme faite en 1814 contre Cambacérès :

Le duc de Parme déménage ;
Plus d’hôtel, plus de courtisan.
Monseigneur mange du fromage,
Mais ce n’est pas du parmesan.

Cette expression n’a plus guère cours.

France, 1907 : Aller à l’enterrement. Cette expression vient de la coutume qu’ont les familles ouvrières parisiennes de collationner chez le marchand de vin en revenant du cimetière. On dit aussi, dans le même sens, manger du lapin.

Manger du mérinos

Delvau, 1866 : v. a. Jouer au billard, — dans l’argot des habitués d’estaminet. Ils disent aussi Manger du drap.

Manger du mérinos, du drap

France, 1907 : Jouer au billard.

Manger du pain et du fromage

Virmaître, 1894 : Repas de funérailles. C’est une vieille coutume. Quand on enterre un camarade, on mange du pain et du fromage, ou on casse la gueule à un lapin en souvenir du mort (Argot du peuple).

Manger du pain rouge

Delvau, 1866 : v. a. Vivre d’assassinats impunis, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Vivre d’assassinats.

France, 1907 : Vivre du produit d’un assassinat.

Manger du pavé

Delvau, 1866 : v. a. Chercher de l’ouvrage et n’en jamais trouver, — dans l’argot des coiffeurs. Trimer, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Chercher de l’ouvrage et n’en pas trouver.

France, 1907 : Battre inutilement le pavé à la recherche d’ouvrage.

Manger du prêtre

France, 1907 : Dénoncer en paroles ou en écrits les méfaits du clergé. C’était, il y a quelques années, l’habitude de certains journalistes de manger tous des matins du prêtre. Ils en ont tant donné à manger au public qu’il en a eu une indigestion. Le malaise passé, on y reviendra, car ces Messieurs du clergé nous confectionnent de temps à autre des plats remplis de condiments.

Manger du prêtre doit être évidemment une nourriture aussi répugnante que malsaine. Certains tempéraments cependant en prennent l’habitude et ne s’en trouvent pas plus mal, témoin Voltaire, qui passa le plus clair de son existence à mordre la gent ensoutanée et ne vécut pas moins jusqu’à quatre-vingt-quatre ans.
Il est vrai que le dénommé Mithridate avait longtemps avant lui tellement pris l’habitude des poisons violents, qu’il les absorbait impunément.

(Ch. Perinelle)

Manger du safran

France, 1907 : Rire souvent et à propos de rien. Allusion à une croyance populaire d’après laquelle le safran aurait la propriété de dilater le corps, de chauffer le cœur, d’obliger, pour respirer, à ouvrir souvent la bouche.

Manger du sucre

Delvau, 1866 : v. a. Recevoir des applaudissements, — dans l’argot des comédiens.

France, 1907 : S’entendre louer, applaudir.

Manger l’anguille sans la sauce

Delvau, 1864 : Retirer vivement la pine d’un homme au moment où il va décharger, afin de n’avoir pas d’enfants de lui, — la sauce de cette anguille étant fort agréable, mais aussi pleine d’inconvénients.

Prenez donc des précautions !
Sans la sauce mangez l’anguille !
Beau moyen et bien éprouvé :
J’en suis pour un enfant trouvé.

Béranger.

Manger la botte

Rossignol, 1901 : Faire à une femme une cour assidue sans arriver à un résultat.

France, 1907 : Se dit d’un amoureux qui va dépenser son argent dans un café ou un cabaret où il y rencontre soit une servante, soit une demoiselle de comptoir à son goût et qui l’attache là comme un cheval au râtelier. Expression triviale en usage dans la cavalerie.

Manger la chandelle (ne pas)

Delvau, 1866 : N’avoir rien contre soi qu’on puisse reprocher, — dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression à propos des gens qu’il ne connaît pas assez pour en répondre. Ainsi quand il dit : C’est un bon enfant, il ne mange pas la chandelle, cela signifie : Je n’en sais ni bien ni mal, ce n’est ni mon ami ni mon ennemi.

Manger la grenouille

Virmaître, 1894 : Caissier qui mange le contenu de la caisse. Notaire qui vole les fonds qui lui sont confiés. Sergent-major qui lève le pied avec la solde de sa compagnie. Se dit en général de tous ceux qui mangent l’argent qui ne leur appartient pas. Cette expression vient de ce que, en Hollande, les banquiers avaient pour emblème protecteur, sur la serrure de leur coffre-fort, une grenouille en bronze ; lorsque le coffre-fort était fracturé, la grenouille était déplacée. De là, manger la grenouille (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Voler la caisse. Dissiper les fonds dont on est dépositaire.

Cette expression, dit Ch. Virmaître, vient de ce que, en Hollande, les banquiers avaient pour emblème protecteur, sur la serrure de leur coffre-fort, une grenouille en bronze ; lorsque le coffre-fort était fracturé, la grenouille était déplacée. De là, manger la grenouille.

 

On vient de servir une fricassée de grenouilles.
— Vous aimez ça ? demande un monsieur à son voisin de table.
— Les grenouilles ! je crois bien ! J’en mange fort souvent.
Le monsieur, avec un aimable sourire :
— Vous êtes dans la banque ? Caissier, sans doute ?

 

— Alors, tu as volé comme un gratte-papier, et pour ce grand chameau !… Encore, si tu avais volé pour ta mère, ce serait honorable. Mais, nom de Dieu ! aller manger la grenouille et apporter la monnaie dans cette baraque, c’est ça qui m’enrage !… Dis ? qu’as-tu donc dans le coco pour te crever à ton âge, avec un pareil gendarme ? Ne mens pas, je vous ai vus tout à l’heure faire vos saletés.

(Émile Zola, Le Capitaine Burle)

Manger la laine sur le dos de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Le tromper, et même le voler, sans qu’il proteste ou s’en aperçoive. Même argot [du peuple].

Manger la soupe à la quéquette

Rossignol, 1901 : C’est à la suite de cela qu’arrivent les bébés.

Manger la soupe avec un sabre

France, 1907 : Être affligé d’une bouche énorme ; argot militaire.

Manger la vache enragée

Larchey, 1865 : Endurer des privations.

Sans l’illusion, où irions-nous, elle donne la puissance de manger la vache enragée des arts.

(Balzac)

Son père dit qu’il veut lui faire manger de la vache enragée.

E. Sue.

Manger le blanc des yeux (se)

Delvau, 1866 : Se dit de deux personnes qui se regardent avec colère, comme prêtes à se jeter l’une sur l’autre et à se dévorer.

Manger le bon Dieu

Delvau, 1866 : v. a. Communier, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Communier. L’allusion est claire (Argot du peuple).

Manger le fruit d’une femme

Delvau, 1864 : Gamahucher une femme, enceinte peut-être.

Prends gardé !… Tu vas manger mon fruit.

Jean du Boys.

Jean, rentrant chez lui, à l’improviste, trouve Pierre, son voisin, la tête entre les cuisses de sa femme, et bien en train de la gamahucher. — Fouchtra ! s’écrie-t-il, cha m’étonne plus, chi je n’ai pas d’enfants ; j’en fais tous les jours, et Pierre me les mange !

Manger le gibier

Delvau, 1866 : v. a. Ne rien exiger des hommes, ou ne pas rapporter intégralement l’argent qu’ils ont donné, — dans l’argot des souteneurs oui disent cela à propos des filles, leurs maîtresses.

La Rue, 1894 : Dans l’argot des filles, ne pas rapporter intégralement au souteneur l’argent reçu d’un client.

France, 1907 : Ne pas rapporter intégralement au souteneur l’argent donné par un client : allusion au mauvais chien de chasse.

Manger le lapin de quelqu’un

France, 1907 : Se régaler en revenant du cimetière. Manger son lapin, inviter ses camarades en prévisions de sa mort. « Eh ! les copains, je compte sur vous pour manger mon lapin. »

Manger le morceau

Bras-de-Fer, 1829 : Dénoncer.

Delvau, 1866 : v. a. Trahir un secret ; ébruiter trop tôt une affaire, — dans l’argot du peuple.

Delvau, 1866 : v. a. Faire des révélations, nommer ses complices, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Casser le morceau.

Virmaître, 1894 : Dénoncer ses complices, ou avouer ses méfaits (Argot des voleurs). V. Mouton.

Rossignol, 1901 : Aveux faits par un voleur qui fait connaître ses complices. Il a mangé le morceau.

Hayard, 1907 : Dénoncer ses complices.

France, 1907 : Dénoncer, faire des révélations ; argot des voleurs.

Le morceau tu ne mangeras
De crainte de tomber au plan.

(Commandements des voleurs)

— Comment ! s’écria la femme, voudras-tu manger le morceau ? Ah ! Joseph, quelle réputation tu vas laisser à nos enfants !

(Marc Mario et Louis Launay, Vidocq)

À la sollicitude dont le Parquet l’entoure, il est bien évident qu’on essaie de la récompenser du service qu’elle lui a rendu en mangeant le morceau.

(Henri Rochefort)

On dit aussi manger du lard.

Manger le morceau, se mettre à table

anon., 1907 : Parler, avouer.

Manger le mot d’ordre

Delvau, 1866 : v. a. Ne plus se le rappeler, — dans l’argot des troupiers.

France, 1907 : Oublier un ordre, ne plus se rappeler une consigne ; argot militaire.

Manger le nez (se)

Delvau, 1866 : Se battre avec acharnement, — dans l’argot des faubouriens, qui jouent parfois des dents d’une manière cruelle. Par bonheur, ils jouent plus souvent de la langue, et, dans leurs « engueulements », — qui rappellent beaucoup ceux des héros d’Homère, — s’il leur arrive de dire, en manière de début : « Je vais te manger le nez ! » ils se contentent de se moucher.

France, 1907 : Se battre. Cette expression n’est pas seulement symbolique, elle exprime une réalité, et, dans les disputes et les batailles des souteneurs et des voyous de barrière, il arrive souvent que l’un des adversaires coupe d’un coup de dents le nez de l’autre.

Puisque ce rêve de paix universelle est traité d’utopie par ceux-là mêmes qui auraient le plus d’intérêt à le propager : puisque, à les en croire, l’humanité se mangera le nez et les tripes jusqu’à la consommation des siècles, pourquoi laisser place à la confusion, pourquoi ne pas préciser le mode de meurtre qui conciliera à son auteur le plus d’indulgence — et, parfois, de sympathie ?

(Séverine)

Manger le pain hardi

Delvau, 1866 : v. a. Être domestique, — dans l’argot du peuple, qui veut marquer que ces sortes de gens mangent le pain de leurs maîtres, sans se soucier autrement de le gagner.

Manger le pâté de castor

France, 1907 : Se donner des stimulants d’amour. Ce dicton provençal viendrait d’un monastère des environs d’Avignon, le prieuré de Belles-Ombres, autrefois célèbre pour ses pâtés de castor. Les castors abondaient jadis dans le Rhône ; mais, venant à diminuer à cause de la grande consommation que les riverains en faisaient, les moines le remplacèrent par du lièvre, le vendant toujours sous l’étiquette de castor, comme les gargotiers donnent du chat sous le nom de lapins. Or nul n’ignore que le lièvre jouit de propriétés aphrodisiaques dont les effets furent tels chez les Avignonais, s’il faut s’en rapporter à Paul Arène, que le prieuré fut mis en interdit par les édiles. D’où le conseil donné proverbialement aux jeunes gens des deux sexes qui, par timidité ou candeur, manquaient de fougue amoureuse, d’aller au prieuré de Belles-Ombres manger le pâté de castor.

Manger le poulet

Delvau, 1866 : v. a. Partager un bénéfice illicite, — dans l’argot des ouvriers, qui disent cela à propos des ententes trop cordiales qui existent parfois entre les entrepreneurs et les architectes, grands déjeuneurs.

France, 1907 : Partager des profits illicites.

Manger les pissenlits par la racine

France, 1907 : Être mort et enterré.

Manger les sens (se)

Delvau, 1866 : S’impatienter, se mettre en colère, — dans l’argot des bourgeois.

Manger ou faire sauter la grenouille

Larchey, 1865 : Dissiper les fonds dont on est dépositaire. V. Crapaud.

Il a fait sauter la grenouille de la société.

L. Reybaud.

Manger son avoine en son sac

France, 1907 : Manger seul et dans son coin, comme font les avares qui se cachent de peur d’avoir à partager leur pitance. Cette locution, fort vieille et d’origine méridionale, vient de la coutume qu’ont les charretiers et les muletiers de suspendre au nez de leurs bêtes le sac où se trouve la pitances d’avoine, de façon que chaque animal mange à part sa ration, sans que le voisin en puisse prendre.

Manger son beefsteak

Delvau, 1866 : v. a. Se taire, — dans l’argot des faubouriens, qui ne devraient pourtant pas ignorer qu’il y a des gens qui parlent la bouche pleine.

Manger son blé en herbe

France, 1907 : Hypothéquer sur son avenir, emprunter sur sa succession, dépenser follement ce qui doit vous revenir.

Prenant argent d’avance, achaptant cher, vendant à bon marché, et mangeant son bled en herbe.

(Rabelais)

Les Italiens disent : mangiare l’agresto il guigno, manger le verjus en juin.

Auprès d’épinoctes maîtresses,
J’ai laissé, lambeau par lambeau,
Et de mon cœur, et de ma peau,
Et mon amour, et ma jeunesse,
Auprès d’épinoctes maîtresses
Dont j’oubliai jusqu’aux adresses ;
J’ai semé, — le geste fut beau…
J’ai semé d’un geste superbe ;
Mais j’ai mangé mon blé en herbe,
Mon bœuf, je l’ai mangé en veau…

(Franc-Nohain)

Manger son pain blanc le premier

Delvau, 1866 : v. a. De deux choses faire d’abord la plus aisée ; s’amuser avant de travailler, au lieu de s’amuser après avoir travaillé. Cette expression, — de l’argot du peuple, signifie aussi : Se donner du bon temps dans sa jeunesse et vivre misérablement dans sa vieillesse.

France, 1907 : On dit d’un homme qui, après avoir été dans l’aisance, se trouve dans la gêne, qu’il a mangé son pain blanc le premier. Cette locution nous reporte au temps où l’on mettait le pain blanc an rang des comestibles les plus délicats. Dans le XIVe siècle, le pain blanc le plus renommé était celui de Chailli, village près de Longjumeau. Le pain de Gonesse acquit de la réputation au XVIe siècle. À cette époque même, la vente du pan blanc n’était que tolérée, le gouvernement craignait qu’on en mangeât trop ! Les pains ordinaires étaient le pain bourgeois, nommé depuis pain de ménage, le pain bis-blanc et le pain bis. Il ne faut pas compter le pain de chapitre, pain inventé par un boulanger du chapitre de Notre-Dame de Paris : il ne différait du pain bourgeois que parce qu’il était moins plat. — Il est fils de prêtre, dit un adage du XVIe siècle, il mange son pain blanc le premier.

Manger sur

Larchey, 1865 : Dénoncer.

François a mangé sur vous.

Canler.

Manger sur l’orgue

Halbert, 1849 : Dénoncer ses pratiques ou complices.

Delvau, 1866 : v. n. Dénoncer un complice pour se sauver soi-même ou atténuer son propre crime, — dans l’argot des voleurs. On dit aussi Manger sur quelqu’un.

Virmaître, 1894 : Charger un complice. Mot à mot : lui mettre ses méfaits sur le dos pour essayer de s’en décharger (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Charger un complice.

France, 1907 : Dénoncer. Orgue a ici la signification de personne. Mon orgue, moi. On dit aussi manger sur quelqu’un.

Le coqueur libre est obligé de passer son existence dans les orgies les plus ignobles. En relations constantes avec les voleurs de profession dont il est l’ami, il s’associe à leurs projets. Pour lui tout est bon : vol, escroquerie, incendie, assassinat même ! Qu’est-ce que cela lui fait ? Pourvu qu’il puisse manger sur quelqu’un et qu’il en tire un bénéfice.

(Mémoires de Canler)

Manger un lapin

Delvau, 1866 : v. a. Enterrer un camarade, — dans l’argot des typographes, qui, comme tous les ouvriers, s’arrêtent volontiers chez le marchand de vin en revenant du cimetière.

Manger un morceau

Clémens, 1840 : Vendre une affaire (un délit).

Manger une soupe à l’herbe

France, 1907 : Se coucher au soleil, flâner.

Manger une soupe aux herbes

Delvau, 1866 : Coucher dans les champs. Argot des faubouriens.

Manger, manger le morceau

Larchey, 1865 : Dénoncer, avouer.

Le morceau tu ne mangeras de crainte de tomber au plan… — Paumé tu ne mangeras dans le taffe du gerbement.

(Vidocq)

Manger, manger le morceau, manger sur l’orgue

La Rue, 1894 : Dénoncer un complice, révéler un secret.

Manger, manger le morceau, Manger sur, Manger du lard

Rigaud, 1881 : Dénoncer un complice, révéler un secret. — Manger dans la main, être très familier, ne pas observer les distances sociales. — Manger de la misère, manger de la prison, subir la misère, la prison. — Manger de la vache enragée, être misérable. — Manger de la merde, être dans le dénûment le plus profond, être abreuvé de souffrances physiques et morales. — Manger sur le pouce, manger à la hâte. — Manger du drap, jouer au billard. — Manger du pavé, chercher en vain de l’ouvrage. — Manger la laine sur le dos de quelqu’un, vivre aux dépens de quelqu’un, le ruiner sans le faire crier. — Manger du pain rouge, dépenser l’argent provenant d’un assassinat. — Manger à tous les râteliers, accepter de tous les côtés, sans scrupules. — Manger le Bon Dieu, communier. — Manger du sucre, être applaudi au théâtre. — Manger le poulet, partager un pot de vin, partager un bénéfice illicite. — Manger le gibier, faire sauter l’anse du panier de la prostitution, — dans le jargon des souteneurs qui n’entendent pas la plaisanterie sur ce chapitre. — Manger le pain hardi, être domestique. — Manger son pain blanc le premier, dépenser sans compter avec la misère à venir. — Manger l’herbe par la racine, être mort depuis longtemps. — Manger ses mots, parler vite et d’une manière incompréhensible. — Manger la consigne, oublier un ordre qu’on vous a donné. — Avoir mangé la bouillie avec un sabre, avoir une très, grande bouche. — Se manger, se manger le nez, se disputer vivement de très près, se menacer d’en venir aux mains. — Se manger les sangs, s’inquiéter. — Se manger les pouces, s’impatienter.

Mangerie

d’Hautel, 1808 : Pour, exaction, monopole, dilapidation, tour de bâton ; escroquerie, filouterie, vol.
Relever mangerie. Pour, recommencer à manger.


Argot classique, le livreTelegram

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