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Delvau, 1866 : adv. Oui, — dans l’argot des marbriers de cimetière.

Rigaud, 1881 : Oui, — dans l’argot des marbriers de cimetière. (A. Delvau)

La Rue, 1894 : Oui. Verre à boire.

France, 1907 : Nature de la femme. (Voir Écuelle).

Dé !

France, 1907 : Oui.

Dé (être de la)

La Rue, 1894 : Être malheureux.

France, 1907 : Être malheureux. est ici l’apocope de dèche.

De (se pousser du)

Rigaud, 1881 : Faire sonner avec ostentation la particule nobiliaire qu’on tient de ses aïeux ou qu’on s’est octroyée à soi-même.

France, 1907 : Placer cette particule devant son nom pour se faire passer pour noble.

Dé à boire

France, 1907 : Verre.

De bric et de broc

d’Hautel, 1808 : De bric et de broc, il s’est amassé une jolie fortune. Pour dire de côté et d’autre ; tant bien que mal.

De carton

Larchey, 1865 : De petite valeur. V. Occasion (D’), Michet.

De cuir d’autrui, large courroie

France, 1907 : Dicton appliqué à la très nombreuse catégorie de gens qui, fort économes quand il s’agit de ce qui leur appartient, taillent largement dans la propriété d’autrui et font les généreux avec le bien du voisin.

De fil en aiguille

France, 1907 : Passer d’un propos a l’autre.

De la bourrache !

Delvau, 1866 : Exclamation de l’argot des faubouriens, dont il n’est pas difficile de deviner le sens quand on connaît les propriétés sudorifiques de la borrago officinalis. C’est une expression elliptique très raffinée : Ah ! delà bourrache ! c’est-à-dire : «Tu me fais suer ! »

France, 1907 : Expression de refus.

De la haute

Clémens, 1840 : Être riche.

De nihilo nihil

France, 1907 : « De rien ne vient rien. » Dicton tiré d’un hémistiche d’une satire du poète latin Flaccus Persius, dont, avec notre manie d’estropier les noms propres, nous avons fait Perse.

De peu (gens)

France, 1907 : Expression par laquelle les bourgeois enrichis désignent ceux qui ne le sont pas.

Cela comporte des soupers où l’on boit trop et un dédain plein d’ignorance pour les gens de peu. — De peu, cela veut dire sans doute « de peu d’argent. »

(Edmond Lepelletier)

De quoi

d’Hautel, 1808 : Il n’y a pas de quoi. Réponse triviale et vulgaire que l’on fait à celui qui vous fait ses remercimens ; pour exprimer que le service qui en est l’objet, ne mérite pas un témoignage de reconnoissance.
De quoi ? Espèce d’interrogation qui exprime que l’on n’a pas bien entendu ce que l’on vous adressoit, et pour inviter à recommencer.

Delvau, 1866 : s. m. Fortune, aisance, — dans le même argot [du peuple]. Avoir de quoi. Être assuré contre la soif, la faim et les autres fléaux qui sont le lot ordinaire des pauvres gens. On dit aussi Avoir du de quoi.

De quoi (avoir)

Rigaud, 1881 : Avoir de quoi vivre.

France, 1907 : Avoir de l’argent. L’expression est ancienne, car on la trouve dans la Complainte de France de 1568 :

C’est moy qui te produis le moyen, le de quoy
Qui te fay redouter, qui fay qu’on te révère.

Le Caquet des bonnes chambrières, réimprimé en 1831, donne sur de quoi de nombreux exemples :

De quoy nourrist les macquerelles,
De quoy nourrist les macquereaulx,
De quoy fait vendre les pucelles,
De quoy nourrist les larronneaulx,
De quoy faict maint rapporteur faux,
De quoy pucelles faict nourrisses,
De quoy faict au monde maintz maux…

On lit ceci dans un placet de Chapelle au comte de Lude, pour lui demander du petit salé :

C’est le seul mets en bonne foi,
Qui peut mon trop petit de quoi
Sur ma table faire paraître
Pour nourrir ma famille et moi.

De riffe

Rossignol, 1901 : Autorité.

Quoiqu’il ne soit pas le patron, il m’a renvoyé de riffe.

De visu

France, 1907 : De vue ; latinisme.

Dé, dé à coudre

Rigaud, 1881 : Verre à boire. — Locution employée par les ivrognes pour désigner un verre de petite capacité. Est-ce que vous vous fichez de nous, que vous nous donnez des dés à coudre ?

Dead heat

France, 1907 : Course nulle ; anglicisme. Littéralement : chaleur morte, c’est-à-dire effort sans résultat, les deux concurrents étant arrivés sur la même ligne.

Déambuler

France, 1907 : Aller, marcher ; du latin ambulare.

Un fiacre, le long du trottoir,
S’en allait, plein de nonchaloir,
Roulant cahin, cahant,
Déambulant, suivant la rue,
Un arroseur municipal
Arrosait sans penser à mal,
Roulant cahin, cahant,
Déambulant…

(Aristide Bruant)

Débacher

Hayard, 1907 : Se lever.

Débâcher la roulotte

Virmaître, 1894 : Changer la voiture de place. Les forains emploient cette expression pour indiquer qu’ils vont d’une ville à une autre. (Argot des saltimbanques).

France, 1907 : Changer la voiture de place : argot des forains.

Débacle

d’Hautel, 1808 : Au figuré, mot ironique qui équivaut à bande, troupe, clique, coterie.

Débâcle

Rigaud, 1881 : Accouchement, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Accouchement.

France, 1907 : Accouchement.

Débacler

Halbert, 1849 : Ouvrir.

Larchey, 1865 : Ouvrir (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. Ouvrir, — dans l’argot des voleurs.

Débâcler

d’Hautel, 1808 : Venir à l’improviste, et en grande compagnie chez quelqu’un ou l’on n’est pas attendu.
Débâcler la lourde. En terme d’argot, veut dire, ouvrir la porte.

anon., 1827 : Ouvrir.

Bras-de-Fer, 1829 : Ouvrir.

Rigaud, 1881 : Ouvrir. — Débâcler la guimbarde, ouvrir la porte.

Rigaud, 1881 : Accoucher.

France, 1907 : Accoucher, ouvrir ; corruption de déboucler. Débâcler la roulante, ouvrir une voiture. Débâcler son chouan, ouvrir son cœur. Débâcler la lourde, ouvrir la porte.

Débâcler ou débrider

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Ouvrir. Débâcler la roulante, ouvrir la voiture.

Débacler son chouan

La Rue, 1894 : Ouvrir son cœur.

Débâcleuse

France, 1907 : Sage-femme. On dit aussi tâte-minette, madame Tire-monde.

Débâcleuse de mômes

Rigaud, 1881 : Sage-femme.

Débagouler

d’Hautel, 1808 : Au propre, dégueuler, vomir. Au figuré, parler sans ménagement, clabauder, en dégoiser.
On dit d’un bavard, d’un homme qui se plaît à dire des grossièretés, des injures, que quand il aura tout débagoulé, il finira par se taire.

Delvau, 1866 : v. a. Parler, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Cette expression est usitée dans les faubourgs pour qualifier un orateur de réunion publique qui débagoule son boniment (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Parler avec abondance.

France, 1907 : Parler.

Il montra le poing à la vision de cet inconnu hostile, débagoula un flot d’injures en sacrant effroyablement.

(C. Lemonnier)

Pour qu’on entende tes harangues,
Braille-les dans l’argot du jour ;
Pourquoi pas ? Tu dois, tour à tour,
Débagouler toutes les langues.

(André Gill, La Muse à Bibi.)

Débagouleur

France, 1907 : Parleur, orateur de réunions politiques, politicien à la douzaine.

Il se disait ouvrier peintre sur porcelaine, mais, comme la plupart des politiqueurs en chambre, il était débagouleur de club ; son atelier était la salle du cabaret, son établi le comptoir, ses pinceaux un grand verre et ses couleurs le litre à douze ; en fait de peinture, sa figure seule était enluminée, et les festons qu’il avait imaginés étaient ceux qu’il décrivait pour regagner son taudis…

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Débagouliner

Rigaud, 1881 : Raconter avec volubilité tout ce qu’on a sur le cœur. — Se répandre en injures, injurier avec bagou. C’est une variante de débagouler.

France, 1907 : Parler à profusion, pérorer en public.

Le tambour, un vieil abruti qui ne rate jamais une occase de se piquer le nez, va d’un roulement : mossieu le maire débagouline un pallas patriotocard ; ensuite, tambour battant, on déboule à la gare prochaine.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Débalinchard

France, 1907 : Flâneur.

Déballage

Delvau, 1864 : Le déshabillé des femmes. Telle qui, sur le boulevard, avec sa crinoline et les tromperies ouatées de son corsage, a un aspect très appétissant, n’a plus, une fois nue, que des séductions de manche à balai.

Faut voir ça au déballage… y a p’t-être plus d’ réjouissance que d’ viande là-dessous.

Lemercier de Neuville.

Delvau, 1866 : s. m. Déshabillé de l’homme ou de la femme, — dans l’argot des faubouriens. Être volé au déballage. S’apercevoir avec une surprise mêlée de mauvaise humeur, que la femme qu’on s’était imaginée idéalement belle, d’après les exagérations de sa crinoline et les exubérances de son corsage, n’a aucun rapport, même éloigné, avec la Vénus de Milo.

Rigaud, 1881 : Opération qui, pour une femme, consiste à s’affranchir de ses appas d’emprunt et à se montrer sous un jour plus naturel. — Perdre au déballage, perdre à être vue dans le simple appareil. — Gagner au déballage, tenir plus qu’on ne promet. — Être volé au déballage, c’est mettre la main sur un Ary Schelfer alors qu’on croyait trouver un Rubens.

Rigaud, 1881 : Linge de femme.

Tout ce coin où traînait le déballage des dames du quartier.

(É. Zola.)

Virmaître, 1894 : Étalage par les camelots de marchandise sur la voie publique ou dans des boutiques louées au mois. Déballage se dit aussi dans le peuple d’une femme avec qui on couche pour la première fois.
— Tu la crois dodue, bien faite tu vas la voir au déballage ; elle a été moulée dans un cor de chasse (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Sortir du lit.

C’est une belle fille le soir, mais si tu la voyais au déballage, elle est rudement moche.

France, 1907 : Déshabillé. Être volé au déballage, s’apercevoir, en couchant avec une femme, que les charmes qui vous ont séduit sont des appas postiches. Plus le déballage cause de déceptions, dit un philosophe, plus c’est flatteur pour la couturière. Gagner au déballage : le triomphe des fausses maigres.

Le long de la plage,
Comme au déballage,
C’est un étalage
De gens mal bâtis ;
Maillots uniformes,
Où des corps difformes
Exhibent leurs formes
Et leurs abatis.

(L. Xanrof)

Déballage (être volé au)

Larchey, 1865 : Reconnaître dans les charmes d’une femme aimée autant d’emprunts décevants faits aux ressources de la toilette.

Il est accablé de rhumatismes ce qui le fait ressembler, au déballage, à ces statuettes que vous avez sans doute remarquées dans la vitrine des bandagistes.

Monselet.

Déballer

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Domange, — dans le jargon des voleurs.

Rigaud, 1881 : Déshabiller, enlever l’arsenal des faux-chignons, tournures, soutien des faibles, faux râteliers, et tous les trompe-l’œil de la toilette féminine.

Virmaître, 1894 : Soulager ses entrailles pour quinze centimes, ce que ne pouvait digérer Villemessant qui trouvait exorbitant d’être forcé de donner trois sous pour restituer un petit pain qui n’en coûtait qu’un et encore en laissant la marchandise (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Personne n’en est exempt.

Hayard, 1907 : Soulager ses entrailles.

France, 1907 : Déshabiller ; soulager ses entrailles ; exhiber.

Déballer des fonds de chapeaux (faire)

Fustier, 1889 : Ennuyer, obséder quelqu’un, dans l’argot des placiers et des commis voyageurs.

Déballer, déshabiller

La Rue, 1894 : Aller à la selle.

Déballonner

Rossignol, 1901 : Sortir de prison, du ballon.

Hayard, 1907 : S’évader.

Déballonner (se)

Virmaître, 1894 : S’évader. Mot à mot : se sauver du ballon (prison). Déballonner : accoucher. Se défaire de son ballon ou mieux du lève-jupes (Argot des voleurs).

France, 1907 : S’évader ; accoucher, c’est-à-dire se défaire de son ballon.

Débandade

d’Hautel, 1808 : Tout est à la débandade. Pour dire, tout est en désordre, sens-dessus-dessous ; sans aucune discipline.

Débander

Delvau, 1864 : Sentir son membre devenir mou, de dur qu’il était auparavant, soit parce qu’on a tiré un coup et qu’on est fatigué, soit parce qu’on ne se sent pas inspiré.

Tu ne me serres pas le vit comme tantôt… je sens que je débande.

La Popelinière.

Débanquer

France, 1907 : Faire sauter la banque.

Débarbouiller

Delvau, 1866 : v. a. Éclaircir une chose, une situation, — dans l’argot du peuple. Se débarbouiller. Se retirer tant bien que mal d’une affaire délicate, d’un péril quelconque. Se dit aussi du temps lorsque de couvert il devient serein.

Débarbouiller (se)

Rigaud, 1881 : Se tirer d’affaire. — Se sauver, quitter une société à la bâte.

France, 1907 : Se tirer d’affaire.

Pour te débarbouiller,
Va prendre un bénitier.

C’est-à-dire rien de tel pour se blanchir, lorsqu’on est tout souillé de vices et de rapines, que de se fourrer dans le giron de l’Église, se faire dévot et marguillier.

Toutes les vieilles salopes dont les hommes ne veulent plus prennent Jésus pour amant et se débarbouillent dans le bénitier.

Débarbouiller à la potasse

Rigaud, 1881 : Frapper au visage. — Avoir l’avantage sur son adversaire, soit dans une scène de pugilat, soit à un jeu quelconque.

La Rue, 1894 : Frapper au visage.

France, 1907 : Frapper quelqu’un au visage. On sait que la potasse est un corrosif.

Débarbouiller un mort

France, 1907 : Faire une chose inutile, prendre une peine superflue.

… C’était fini, elle avait pris son parti de donner dans le travers… elle allait partir avec elle… si elle ne l’emmenait pas… elle entrerait dans une maison de Paris, la première venue. S’entendre avec sa mère, c’était vouloir débarbouiller un mort.

(Edmond de Goncourt, La Fille Élisa)

Débardeur

Delvau, 1866 : s. m. Type du carnaval parisien, inventé il y a une trentaine d’années, et dont il ne reste plus rien aujourd’hui que ce léger fusain :

Qu’est-ce qu’un débardeur ? Un jeune front qu’incline
Sous un chapeau coquet l’allure masculine,
Un corset dans un pantalon.
Un masque de velours aux prunelles ardentes,
Sous des plis transparents des formes irritantes,
Un ange doublé d’un démon.

Rigaud, 1881 : Personnage carnavalesque à la mode en 1840. Le costume du débardeur mâle, comme celui du débardeur femelle, consistait en un large pantalon de toile ou de velours, serré à la taille par une ceinture, chemise bouffante, perruque et chapeau gris haute forme. Le débardeur femelle remplaçait le chapeau par le bonnet de police, et naturellement la chemise était aussi échancrée que le permettait l’indécence.

France, 1907 : Personnage de carnaval dont le costume n’a pourtant rien de commun avec celui des débardeurs des quais. On trouve dans Barthet cette flatteuse définition du débardeur femelle :

Qu’est-ce qu’un débardeur ?… Un jeune front
…qu’incline,
Sous un chapeau coquet, l’allure masculine,
Un corset dans un pantalon,
Un masque de velours aux prunelles ardentes,
Sous des plis transparents des formes irritantes,
Un ange doublé d’un démon.

Débarquer

La Rue, 1894 : Se débarrasser de quelqu’un. Se débarquer, renoncer, se retirer.

Débarquer (se)

Rigaud, 1881 : Renoncer à.

France, 1907 : Renoncer à une affaire que l’on croit mauvaise. On se retire du bateau qui va sombrer.

Débarquer, déporter

Hayard, 1907 : Renvoyer, congédier.

Débarras

d’Hautel, 1808 : C’est un bon débarras. Se dit de quelqu’un, ou de quelque chose dont on se félicite d’être débarrassé.

Débâté

d’Hautel, 1808 : C’est un vrai âne débâté. Pour, c’est un bourru, un butor, un homme impétueux, qui agit sans ménagement ni précaution.

Débattre

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas se débattre de l’épée qui est chez le fourbisseur. C’est-à-dire, se disputer sur une chose que l’on ne possède pas, ou sur un événement qui n’est pas encore arrivé. Voyez Chape.

Débaucher

Rigaud, 1881 : Congédier. Par opposition à embaucher, — dans le jargon des typographes. — Se débaucher, s’octroyer son congé.

Boutmy, 1883 : v. a. Congédier, renvoyer. Il a été débauché, on l’a remercié, on l’a renvoyé de l’atelier.

France, 1907 : Renvoyer, congédier. Le contraire d’embaucher.

Débaucher une fille

Delvau, 1864 : Lui prendre son pucelage et lui donner le goût de la pine — qu’elle ne perdra plus désormais qu’en perdant le goût du pain.

Débecqueter

Fustier, 1889 : Vomir.

Rossignol, 1901 : Dégoûter. — « Tu me dégoûtes, tu me débectes. » Une chose écœurante est débectante. — « Je suis passé à la morgue, c’était débectant. »

Débectant

Fustier, 1889 : Ennuyeux, désagréable.

Mentor qui connaissait tout le fourbi, dit alors à Télémaque : C’est débectant, mais au fond, ça ne fait rien…

(A. Leroy : Les mistouf’s de Télémaque.)

France, 1907 : Ennuyeux, sale, dégoûtant.

Débecter

La Rue, 1894 : Vomir. Ennuyer.

France, 1907 : Vomir.

Débinage

Larchey, 1865 : Médisance.

Compliments désagréables, indiscrétions et débinages.

Commerson.

Delvau, 1866 : s. m. Médisance, et même calomnie, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Propos malveillant. — Fuite.

La Rue, 1894 : Médisance. Débiner, médire, nuire à quelqu’un en parlant mal sur son compte.

France, 1907 : Médisance. Occupation à laquelle se livrent généralement les « bons petits camarades » de lettres, lorsque l’un des leurs vient de les quitter.

Le Journal des Goncourt est une des lectures des plus passionnantes de ce temps. Il m’a tour à tour charmé et énervé, séduit et irrité ; il a l’attrait d’un écrit satirique contre les meilleurs de nos contemporains, ce qui flatte la méchanceté endormie en nous ; bourré d’anecdotes, de bruits, de conversations, il manque de valeur documentaire, parce que leur vision est étroite, petite, menue, morcelée, troublée. un fond de malveillance et de débinage.

(Henri Bauer, La Ville et le Théâtre)

Débinance

Rigaud, 1881 : Médisance. C’est une forme nouvelle de débinage. Mince de débinance.

Boutmy, 1883 : s. f. Action de débiner, de dire du mal de quelqu’un.

Débine

d’Hautel, 1808 : Mot fait à plaisir, et qui signifie, délabrement, déchéance, misère, pauvreté.
Être dans la débine. Être déchu de sa condition ; être déguenillé ; réduit à une extrême indigence.

M.D., 1844 : Dispute.

un détenu, 1846 : Misère, indigence.

Larchey, 1865 : Mot qui signifie déchéance, misère, pauvreté (d’Hautel, 1808).

La débine est générale, je suis enfoncé sur toute la ligne.

Montépin.

Delvau, 1866 : s. f. État de gêne, misère, — dans le même argot [des faubouriens]. J’ai entendu dire Dibène (pour malaise, dépérissement) sur les bords de la Meuse, où l’on parle le wallon, c’est-à-dire le vieux français. Tomber dans la débine. Devenir pauvre.

Rigaud, 1881 : Grande misère, misère noire.

La Rue, 1894 : Misère. Se débiner, tomber dans la misère ou s’affaiblir, devenir malade.

Virmaître, 1894 : Se prend de manières différentes. Être dans la misère la plus complète.
— Je suis dans la débine.
— Je m’en vais, je me sauve, je me débine (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Misère.

Hayard, 1907 : Misère.

France, 1907 : Misère, pauvreté.

Le paletot râpé abrite autant de souffrances que la blouse, mais il les montre moins apitoyantes. La débine de l’employé est sans issue, sans espoir. La redingote, cuirasse de détresse, supporte des assauts et cache des blessures secrètes et profondes que ne connurent jamais veste et bourgeron.

(Edmond Lepelletier)

Une vraie potée d’asticots, un groupe d’enfants malingres et vicieux, champignons vénéneux poussés sur le fumier civilisé, s’amusaient à se tordre et à se mordre tout en grattant des peaux de lapin. Filles et garçons, demi-nus, grelottants, s’égayaient et s’échauffaient en paroles cyniques et en ébats infâmes : pullulation de l’égout social, fleurs de crapule et fruits de potence, gâtés en germe, et mûrissant dans cette serre chaude de la débauche et de la débine pour les récoltes du bagne et les moissons de l’échafaud.

(Félix Pyat, Le Chiffonnier de Paris)

Débiné (être)

M.D., 1844 : Être salle.

Débine (la)

anon., 1907 : La misère.

Débiner

d’Hautel, 1808 : Décroître, aller en décadence, perdre sa fortune, son emploi, ses ressources, se laisser aller en guenilles.
Il est tout débiné. Pour dire, il a un habit tout déguenillé ; il est dans la pénurie, dans le besoin.

anon., 1827 : Parler contre.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Parler contre un confrère, le dénoncer.

Bras-de-Fer, 1829 : Parler contre.

M.D., 1844 : Mépriser.

un détenu, 1846 : Parler mal d’autrui.

Larchey, 1865 : Médire.

On le débine, on le nie, on veut le tuer.

A. Scholl.

Delvau, 1866 : v. a. Médire, — et même calomnier. En wallon, on dit : Dibiner, pour être mal à l’aise, en langueur. Se débiner. S’injurier mutuellement.

Rigaud, 1881 : Dire du mal. — Déprécier. Mot à mot : mettre quelqu’un ou quelque chose dans la débine, l’appauvrir moralement.

Boutmy, 1883 : v. Dénigrer, dire du mal de quelqu’un. N’est pas particulier au langage typographique.

Virmaître, 1894 : Dire du mal de quelqu’un.
— Nous l’avons tellement débiné qu’il n’a pu réussir (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Dire du mal de quelqu’un c’est le débiner.

Hayard, 1907 : Critiquer, (se), partir.

France, 1907 : Décrier, médire ; le plus grand plaisir des femmes, après celui de tromper leur amant ou leur mari, et la consolation des ratés.

— Je puis, deux heures d’affilée, débiner les camarades au café. Mais, dès que j’essaie de travailler, je sens que je vais mourir, je meurs, je m’éteins.

(Émile Goudeau, Le Journal)

— C’est comme ça, madame ! Par dépit ! Par jalousie ! Et elle nous débine toutes auprès de vous, et vous la croyez, vous la soutenez.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

anon., 1907 : Dire du mal de quelqu’un.

Débiner (se)

Delvau, 1866 : S’en aller, s’enfuir. En wallon, on dit Biner pour Fuir.

Rigaud, 1881 : Se sauver.

Rigaud, 1881 : S’affaiblir, se sentir malade, perdre ses forces, — dans le jargon du peuple. — Se débiner des fumerons, ne pas être solide sur ses jambes. (L. Larchey)

Rossignol, 1901 : S’en aller, se sauver. « Je suis presse, je me débine. » — « Je me suis débiné des agents. »

France, 1907 : Se défaire, s’affaiblir ; tomber dans la misère ou dans la maladie. S’en aller. Se débiner des fumerons, se sauver.

anon., 1907 : S’en aller.

Débiner le pante

La Rue, 1894 : Voler l’homme qu’un autre s’était réservé de voler.

France, 1907 : Voler l’homme qu’un autre voleur s’était réservé ; profiter des affaires ou des plans d’un autre. Débiner, dans ce cas, doit venir du provençal debina, deviner. On devine, en effet, la victime dont un autre voulait s’emparer.

Débiner le truc

Delvau, 1866 : v. a. Vendre le secret d’une affaire, révéler les ficelles d’un tour. Argot des saltimbanques.

Virmaître, 1894 : Compère mécontent qui révèle le secret de son associé (Argot des voleurs).

France, 1907 : Révéler le secret.

— Ainsi, me voilà comte !… comte de Latra !… Que cet imbécile ait gobé ou non ma noblesse de fraîche date, je m’en soucie comme d’un faux florin… Ce n’est pas lui qui ira me vendre… débiner le truc… Comte de Latra ! Eh bien, quoi ! n’ai-je pas l’air d’un comte comme un autre ? Il y en a tant qui ont la mine de savetiers.

(Hector France, La Mort du Czar)

Débineur

Rigaud, 1881 : Celui qui débine. Les amis sont des débineurs par excellence.

Débineur, débineuse

France, 1907 : Medisant, cancanier. S’emploie aussi adjectivement.

Elle parlait des gens qui n’étaient pas là, de leur maison, de leurs meubles, de leurs bêtes, de leurs pas, de leurs gestes, de leur argent, de leurs défauts, de leurs vices, de leurs crimes. Car sa conversation était enragée, débineuse, mauvaise. Elle suspectait tout, inventait des péripéties dans ce lieu morne, déployait une imagination terrible, disait que celui-ci volait des légumes la nuit, qu’elle l’avait entendu marcher, — que cet autre volait le lait des vaches, — qui cette vieille avait été, était encore une bête de luxure, — que ce vieux avait brûlé son père dans son lit pour hériter plus vite.

(Gustave Geffroy)

Débiscassié, débistoché

France, 1907 : Fatigué, éreinté ; du patois rémois.

— Ah ! mon pauv’ fieu ! V’là ce que c’est que d’épouser une jeune femme qu’a pas du sang d’navet dans les veines et qui aime trop qu’on lui arrose le bénitier. J’en suis tout débiscassié, quoi !

(Les Propos du Commandeur)

Débiteur, débitrice

France, 1907 : Personne employée, dans les magasins au détail, au débit, enfin les vendeurs et les vendeuses.

Certes, je ne vais pas jusqu’à dire que les chefs de rayon font marcher leur personnel à coups de trique, et que les inspecteurs passent leur temps à enfoncer des aiguilles sous les ongles des débitrices…
Mais si tous les patrons ne sont pas des hourreaux, je vous certifie que toutes les vendeuses sent des victimes.
Il n’est pas de métier plus ingrat, de sort plus dur, de situation plus pénible que celle de ces jeunes femmes gagnant à peine et si durement leur maigre vie.

(Jacqueline, Gil Blas)

Déblayer

d’Hautel, 1808 : Pour sortir d’embarras, se débarrasser de quelqu’un ou de quelque chose qui importunent ; mettre en ordre des affaires embrouillées.
Quand je serai déblayé ; quand mes affaires seront déblayées, etc.
Ce verbe ne se dit au propre qu’en parlant des terres et des matériaux que l’on ôte d’un endroit où ils embarrassent : hors de là il est de mauvais style, et ne peut figurer dans la bonne conversation.

France, 1907 : « Argot théâtral. Réciter avec volubilité le commencement d’une tirade pour arriver aux passages saillants que l’on débite avec plus de lenteur, en les soulignant plus particulièrement, de façon à provoquer les applaudissements à ce qu’en appelle les bons endroits. »

(Gustave Fustier)

Se dit aussi pour raccourcir, écourter un rôle.

Débloquer

Larchey, 1865 : Lever une consigne. V. Bloquer.

France, 1907 : Lever une punition dans l’argot militaire, faire sortir du bloc.

Débonder

d’Hautel, 1808 : Au propre, ôter la bonde d’un tonneau. Au figuré et par facétie, faire ses nécessités après s’être long-temps retenu ; ou après une colique douloureuse ; il signifie aussi ouvrir son cœur à quelqu’un ; s’entretenir du sujet de ses chagrins, de ses peines.

Delvau, 1866 : v. n. Alvum deponere, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Se soulager les entrailles.

— Nom de Dieu ! dit Balourdeau, v’là mon ventre qui gargouille, il va falloir me débonder.

(Les Propos du Commandeur)

Débonder (se)

Rigaud, 1881 : Sacrifier à la compagnie Lesage.

Déboquer

France, 1907 : Enlever les fagots du bois. Terme de bûcheron ; du vieux français boquet, bois.

Ces sages lenteurs sont bonnes tout au plus l’hiver, en saison de repos, si, d’aventure, il n’y a pas fumiers à charrier ou fagots à déboquer.

(Ecarnot)

Déborder

Delvau, 1866 : v. n. Rejeter hors de l’estomac le liquide ou la nourriture ingérés en excès, — dans le même argot [du peuple]. Se faire déborder. Se faire vomir.

France, 1907 : Vomir.

Déboucher une rue

Rigaud, 1881 : Payer les dettes qu’on a dans une rue. Les dettes bouchent la rue et empêchent le débiteur timide d’y passer.

Déboucler

Halbert, 1849 : Ouvrir.

Larchey, 1865 : Faire sortir de prison (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. Mettre un prisonnier en liberté, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Rendre un prisonnier à la liberté. — Ouvrir. — Déboucler une guimbarde à coups de sorlots, ouvrir une porte à coups de pied.

La Rue, 1894 : Ouvrir. Rendre à la liberté. Accoucher.

Rossignol, 1901 : Ouvrir.

J’étais enfermé, on vient de me déboucler.

France, 1907 : Faire sortir de prison, rendre à la liberté ; accoucher ; ouvrir. Déboucler sa valise, mourir. Déboucler ses naseaux, faire attention, étudier le terrain. Allusion au cheval qui renifle dans l’obscurité.

Déboucler sa valise

Virmaître, 1894 : Mourir. On devrait plutôt dire boucler car le voyage est assez long (Argot des commis voyageurs).

Déboucleur de lourdes

Fustier, 1889 : Voleur qui a la spécialité de fracturer les portes.

France, 1907 : Voleur avec effraction.

Débouler

Fustier, 1889 : Accoucher.

Virmaître, 1894 : Femme qui accouche. Allusion de forme ; enceinte à pleines ceintures, elle est ronde comme une boule ; accouchant elle déboule (Argot du peuple).

Virmaître, 1894 : Arrivée subite de quelqu’un que l’on n’attendait pas.
— Il déboule subito (Argot du peuple).

France, 1907 : Accoucher. Littéralement : s’enlever la boule. Arriver subitement et sans être attendu ; s’enfuir et rouler en tombant. Du patois rémois.

Déboulonnage

Rigaud, 1881 : Action de déboulonner.

Déboulonné (n’avoir rien)

France, 1907 : N’avoir rien inventé ; ne rien produire.

Déboulonner

Rigaud, 1881 : Vendre, écouler, — dans le jargon des libraires. — Déboulonner dix mille exemplaires d’un ouvrage.

Rigaud, 1881 : Enlever les plaques de métal qui recouvrent la maçonnerie de certains monuments. — Le peintre Courbet voulait seulement déboulonner la colonne Vendôme. Sa pensée, paraît-il, fut mal interprétée, et la colonne fut renversée.

Déboulonner sa colonne

Virmaître, 1894 : Mourir. Cette expression n’est employée que depuis 1871, lorsque les communards jetèrent la colonne Vendôme par terre parce qu’elle gênait Courbet (Argot du peuple).

France, 1907 : Mourir. Allusion à la colonne Vendôme que Courbet voulait faire déboulonner et que les communards renversèrent.

Déboulonner, débrouillonner

France, 1907 : Vendre ; se débarrasser de ses bouillons.

Déboulonneur

Rigaud, 1881 : Amateur du déboulonnage, individu qui a pris part au renversement de la Colonne. — Longtemps, sur les murs de Paris, le nom de « Courbet » fut accolé à l’épithète de « déboulonneur. »

Débourrer

d’Hautel, 1808 : Il commence à se débourrer. Pour il devient insensiblement plus civil ; il se familiarise avec le ton, les usages du monde et les bienséances sociales.

Delvau, 1866 : v. a. Déniaiser quelqu’un, — dans l’argot du peuple. Se débourrer. S’émanciper, se dégourdir.

Fustier, 1889 : Jargon des maquignons. Cheval débourré, cheval qui a perdu l’embonpoint factice qu’on lui avait donné pour le vendre.

Au bout de quelque temps, les fraudes se découvrent, l’embonpoint factice s’affaisse, les côtes reparaissent, et la bête est ce qu’on appelle débourrée…

(Siècle, 1867. Cité par Littré.)

Rossignol, 1901 : L’empereur n’y allait pas à cheval.

Hayard, 1907 : Aller aux water-closets.

France, 1907 : Déniaiser. Enlever la bourre d’innocence, dégrossir.

… Faites-nous des romans
Remplis de passions et de débordements ;
Qu’ils soient bien croustillants, gonflés de choses sales,
Détritus ramassés aux fanges de nos halles ;
Mettez-y des catins retroussant leur jupon…
Surtout des vieux paillards, au nez plein de roupilles,
Qui s’en vont débourrant toutes les jeunes filles.

(Barrillot, La Mascarade humaine)

Débourrer (se)

France, 1907 : Se décharger Le ventre ou, encore, s’émanciper.

En vain, nous, sexe fort,
Pour nous débourrer vite,
Nous avons encore tort.
Pour le beau sexe on fait
Des chalets de toilette,
Où la dame coquette
Fait… tout ce qui lui plaît.

(Henry Buguet)

Débourrer sa pipe

Rigaud, 1881 : Faire ses nécessités, — dans le jargon des ouvriers.

Virmaître, 1894 : V. Déballer.

France, 1907 : Faire ses besoins.

Débouscailler

Delvau, 1866 : v. a. Décrotter, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Décrotter. — Débouscailleur, décrotteur.

France, 1907 : Décrotter.

Débouscailleur

Delvau, 1866 : s. m. Décrotteur.

France, 1907 : Décrotteur.

Debout

d’Hautel, 1808 : Dormir tout debout. Éprouver une grande envie de dormir ; être accablé de fatigues ; se laisser abattre soit par la chaleur, soit par mollesse et fainéantise.
Il ne peut tomber que debout. Se dit d’un homme qui par ses talens, ses parens, ses amis, ses protecteurs, est à l’abri de l’indigence et de la nécessité.
Des contes à dormir debout. Voyez Contes.
On est plus couché que debout. Signifie qu’une grande partie de la vie se passe dans l’inaction et le repos

Déboutancher

M.D., 1844 : Déboutonner.

Déboutonné

d’Hautel, 1808 : À ventre déboutonné. De tous ses moyens, de toute sa force ; s’en donner à cœur joie.
Manger à ventre déboutonné. C’est-à-dire d’une manière intempérante, sans aucune mesure.

Déboutonner

d’Hautel, 1808 : Se déboutonner avec ses amis. Parler librement et ouvertement à ses amis, leur dire franchement ce que l’on a sur le cœur.

Virmaître, 1894 : Parler, avouer.
— Tu peux te déboutonner mon vieux, il faut que nous sachions ce que tu as dans le ventre. On dit aussi : Déculotte ta pensée (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Dire la vérité, se décider à avouer une chose. On dit aussi : il s’est déboutonné, il m’a donné ce que je lui demandais.

Il nous a offert une bouteille, ce n’est cependant pas son habitude de se déboutonner.

Déboutonner (se)

Delvau, 1866 : Parler franchement, dire ce qu’on a sur le cœur ou dans le ventre. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Parler franchement ; avouer.

— Vous payez… donc vous êtes mon gouvernement. Ah ! les idiots, s’ils m’avaient écouté !… J’étais prêt à tout, pourtant… oui, à tout, absolument à tout. Alors, vous disiez que les gens officiels ne veulent pas se débotonner ?… rien à faire avec eux ?…

(Hector France, La Mort du Czar)

Débraillé

d’Hautel, 1808 : Décoleté, découvert, vêtu avec une grande négligence.
Cette femme est toute débraillée. Pour dire est mise indécemment ; il règne dans tout son habillement un désordre honteux.

Débranler

d’Hautel, 1808 : Mot vulgaire et borné.
Pour exprimer qu’un homme est fort assidu à son travail, que rien ne peut le distraire de ses occupations ; qu’il ne désempare pas que sa tâche ne soit remplie ; on dit qu’il ne débranle pas de son ouvrage.

Débricabraqué

Virmaître, 1894 : Un bric-à-brac monte sa boutique de bric et de broque, ric-à-rac (petit à petit). On construit une pièce avec différents morceaux, un béquet par-ci, un béquet par-là. Si elle ne plaît pas au directeur, il faut que l’auteur la retape, qu’il la débricabraque. Mot à mot : qu’il la démolisse pour la rebricabraquer (Argot du peuple).

Débrider

d’Hautel, 1808 : Faire quelque chose sans débrider. Sans interruption, tout d’un seul trait.

anon., 1827 : Ouvrir.

Clémens, 1840 : Ouvrir.

M.D., 1844 : Ouvrir.

un détenu, 1846 : Ouvrir. Débrider une carrouble ; ouvrir une porte.

Larchey, 1865 : Ouvrir (Vidocq).Débrider les chasses : Ouvrir l’œil. V. Temps. — Débridoir : Clef.

Delvau, 1866 : v. n. Ouvrir, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : v. n. Manger avec appétit, — dans l’argot du peuple, qui assimile l’homme an cheval.

Rigaud, 1881 : Crocheter une serrure, ouvrir. — Débrider la margoulette, manger. — Débrider les chasses, ouvrir l’œil, faire attention.

Fustier, 1889 : Autoriser, permettre. Argot des forains. (V. supra, Brider.)

La Rue, 1894 : Ouvrir Manger. Crocheter une serrure. Autoriser.

France, 1907 : Ouvrir : terme de chirurgie. Manger, allusion au cheval que l’on débride pour le faire manger. Crocheter une serrure. Débrider la margoulette, manger. Débrider les châsses, ouvrir les yeux.

Puis dormoit sans desbrider jusques au lendemain huict heures.

(Rabelais)

Débrider la lourde

Halbert, 1849 : Ouvrir la porte.

Débridoir

Delvau, 1866 : s. m. Clef.

Rigaud, 1881 : Clé, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Clé.

Débridoire

Virmaître, 1894 : Outil de malfaiteurs (Argot des voleurs). V. Tâteuse.

Débris (vieux)

Rigaud, 1881 : Homme vieux, cassé, femme vieille, cassée.

Débrouillard

Rigaud, 1881 : Celui que rien n’embarrasse, qui sait toujours se tirer d’affaire.

Un grand garçon, ancien militaire, excuirassier de Reischoffen, très honnête et très débrouillard, comme on dit au régiment.

(Figaro du 17 juillet 1877.)

Ils étaient jeunes, bien tournés, débrouillards.

(Vicomte Richard, Les Femmes des autres.)

Virmaître, 1894 : Individu qui sait se débrouiller au milieu des ennuis de la vie et qui en sort victorieux. On emploie, dans les ateliers, cette image caractéristique, mais peu parfumée :
— Il sortirait de cent pieds de merde (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Celui qui sait se débrouiller pour sortir des mauvaises passes de la vie.

Hayard, 1907 : Arriviste.

France, 1907 : Homme actif, entreprenant, qui a de l’initiative et sait tirer parti de tout.

J’en sais qui, par traité, sont forcés de livrer deux romans par an à un éditeur, moyennant quoi l’autre leur fournit les moyens de dîner ; deux romans, vous entendez, sept cents pages, avec des descriptions, de la psychologie, de la pensée, le meilleur d’eux-mêmes.
Et ce sont les favorisés, les débrouillards, au-dessous desquels s’agitent ceux qui sont sans éditeur, sans journal, sans rien que leur papier blanc, leurs idées et leur obscurité, dont personne ne veut…

(F. Vandérem)

M. Bourgeois est un jeune dans toute l’acception du mot, puisqu’il n’a encore que quarante ans, et la chose parait à peine croyable quand on considère son brillant passé administratif. En même temps, c’est un débrouillard, possédant au service d’une intelligence hors ligne une faculté de travail infatigable.

(Écho de Paris)

Un jeune Anglais, établi depuis peu à Paris, se présente dans les bureaux d’un grand journal pour demander à faire du reportage.
Le directeur lui pose les questions d’usage :
— Avez-vous déjà écrit ?… Et, enfin, êtes-vous débrouillard ?
— Oh ! oui, monsieur, des brouillards… de la Tamise.

Débrouille

Fustier, 1889 : Argot des enfants. Débarras. S’emploie surtout dans le jeu de billes. Quand devant une bille visée se trouve un obstacle quelconque, un caillou, du sable, l’enfant qui vise s’écrie : débrouille ! et aussitôt il ôte l’objet qui le gênait, à moins que son camarade n’ait crié avant lui : sans débrouille !

France, 1907 : Débarras : argot des enfants.

S’emploie surtout dans le jeu de billes. Quand devant une bille visée se trouve un obstasle quelconque, un caillou, du sable, l’enfant qui vise s’écrie : Débrouille ! et aussitôt il ôte l’objet qui le gênait, à moins que son camarade n’ai crié avant lui : Sans débrouille !

(Gustave Fustier)

Débrouiller

Rossignol, 1901 : « Je me suis trouvé dans une mauvaise affaire, il m’a fallu me débrouiller pour en sortir. »

Débrouiller (se)

Larchey, 1865 : Vaincre les obstacles. — Usité dans la marine, où un homme qui se débrouille est un homme aguerri qui sait son métier.

France, 1907 : Savoir se tirer d’affaire, vaincre les difficultés.

Le fait est que monseigneur ayant prononcé l’interdit, il se trouvait sur le pavé, sans sou ni maille, comme un pauvre, un gueux ou un simple communard au retour de Nouméa. Comment vivre ? Ah ! oui, comment vivre ? À lui de se débrouiller.

(Hector France, Marie-Queue-de-Vache)

Débrouiller un rôle

France, 1907 : C’est, dans l’argot des coulisses, étudier le caractère et les sentiments du personnage que l’on doit représenter.

Débusquer

d’Hautel, 1808 : Chasser ; supplanter.
Il a fait tout ce qu’il a pu pour le débusquer. C’est-à-dire, pour prendre sa place ; lui ravir le fruit de ses travaux.

Débuter

Delvau, 1866 : v. n. Viser un but quelconque et s’en approcher le plus possible, afin de savoir qui jouera le premier aux billes, à la marelle, etc. Argot des enfants.

Décadener

Delvau, 1866 : v. a. Déchaîner, débarrasser de ses liens, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Retirer les menottes à un voleur.

Virmaître, 1894 : Quand le gendarme ôte le cabriolet d’un prisonnier, il le décadène. Mot à mot : il le dechaîne. On dit également dédurailler (Argot des voleurs).

France, 1907 : Déchaîner ; de cadenne, chaîne.

Décadent

France, 1907 : Disciple d’une sorte d’école littéraire qui s’est imposé la tache de rendre inintelligible, confuse et assommante la langue française. Ces littérateurs baroques tendent, comme jadis Ronsard, au XVIe siècle, à franciser des mots latins.

Les déctents schopenhauériens, symbolistes, chatnoiriens, égotistes, werthériens et autres abstracteurs de quintessence idéale nous ennuient. Voilà qui est net. Et j’ajoute qu’ils sont profondément ridicules et sots.

(Abel Peyrouton, Mot d’Ordre)

À l’encontre des décadents demeurés à Paris, et qui n’ont pas le droit de nous parler une langue incompréhensible, n’ayant d’ailleurs à nous révéler que des choses communes.

(Émile Goudeau)

Ô vous, les délicats artistes,
Délinquescents et décadents,
Translucides ; et symbolistes,
Il n’est que d’être Chambigistes !
Ça vous guérit du mal de dents.

(Gringoire)

Décadisme

France, 1907 : Abréviation de décadentisme. Mais, comme les décadents emploie ce mot à l’exclusion de l’autre, il faut s’y conformer.

Décalitre

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau rond, en forme de boisseau, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Chapeau haute forme.

Virmaître, 1894 : Chapeau. Il a, en effet, la forme d’un boisseau (Argot du peuple).

France, 1907 : Chapeau ou schako de haute forme.

Décalotter

Delvau, 1864 : Découvrir le prépuce qui recouvre le gland du phallus, soit en bandant trop fort, soit en jouant avec, pour examiner son état sanitaire. — J’aime cette habitude de politesse du membre viril, ôtant respectueusement sa calotte devant la femme — quelle qu’elle soit. Il est vrai qu’en l’ôtant ainsi sans précaution, il s’expose à s’enrhumer — et à couler : mais il a été poli, mais il a été galant, l’honneur est sauf.

Un vit, sur la place Vendôme,
Gamahuché par l’aquilon,
Décalotte son large dôme
Ayant pour gland… Napoléon !

(Parnasse satyrique.)

France, 1907 : « Mettre à jour le gland du pénis en faisant glisser la membrane ou calotte qui le couvre. »

(Dr Michel Villemont, Dictionnaire de l’amour et du mariage)

Décamper

d’Hautel, 1808 : S’esquiver ; déloger au plus vite s’enfuir à toutes jambes.

Delvau, 1866 : v. n. S’en aller, s’enfuir, — dans l’argot du peuple. Décamper sans tambour ni trompette. S’en aller discrètement ou honteusement, selon qu’on est bien élevé ou qu’on a été inconvenant. On dit aussi Décampiller.

Rossignol, 1901 : S’en aller.

Veux-tu décamper d’ici.

Décamper sans tambour ni trompette

Virmaître, 1894 : Lâcher une femme ou un patron sans les prévenir. Fausser compagnie à quelqu’un. Laisser une affaire en plan (Argot du peuple).

France, 1907 : Fausser compagnie, laisser en plan une personne ou une affaire sans prévenir.

Décampiller

France, 1907 : Partir.

Décanailler (se)

Delvau, 1866 : v. a. Sortir de l’obscurité, de la misère, de l’abjection, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Sortir de la misère ou de l’abjection.

Décanillage

France, 1907 : Départ, déménagement.

En juillet, le déménagement est une fête, Mais en octobre, n, i, ni, c’est fini de rire : le déménagement est funèbre et s’appelle de décanillage à la manque. »

(Jean Richepin)

Décaniller

Larchey, 1865 : Décamper. — Mot à mot : sortir du chenil (canil). V. Roquefort.

Ils ont tous décanillé dès le patron-jacquette.

(Balzac)

Delvau, 1866 : v. n. Déguerpir, partir comme un chien, — dans le même argot [du peuple]. On demande pourquoi, ayant sous la main une étymologie si simple et si rationnelle (canis), M. Francisque Michel a été jusqu’en Picardie chercher une chenille.

Rigaud, 1881 : Partir.

Décanillons et presto !

(G. Marot, l’Enfant de la Morgue 1880.)

Virmaître, 1894 : Se lever de sa chaise ou de son lit.
— Allons, paresseux, décanille plus vite que ça (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Quitter sa chaise ou son lit.

France, 1907 : Partir, s’en aller ; quitter le chenil (canil).

— C’est fait, monsieur, me dit le garde, j’ai mis l’hospitalisés en chemin de fer… Je l’ai trouvé sur la porte de la cabane, en train de se chauffer au soleil… Si vous aviez vu son trou !… Il n’y a pas de baraque à cochons qui ne soit plus logeable… Le toit est percé comme une poêle à châtaignes ; l’eau dégouline des murs, et la pluie a transformé la litière en une purée de paille et de boue… Un vrai fumier, quoi !… Eh bien ! monsieur, croiriez-vous que le vieux était tout chagrin de quitter son chenil ?… Pendant un bon quart d’heure, il s’est mis à tourner tout autour de la hutte, en poussant des soupirs ; et quand il s’est enfin décidé à décaniller, ma parole ! Il pleurait, monsieur, il pleurait comme un gosse !

(André Theuriet)

L’un des hommes, haussé sur la pointe des pieds, chercha alors à regarder à travers les carreaux dépolis ; et comme il déclarait ne rien voir, les autres un à un décanillèrent.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Décapité parlant

Rigaud, 1881 : Imposteur. — Petit homme à grosse tête. — Le décapité parlant est un tour d’escamotage qui consiste à présenter au public une tête humaine sur une table recouverte d’une draperie. La tête répond aux questions qu’on lui adresse. Le tour s’exécute au moyen d’un système de miroirs combinés.

Décarade

Virmaître, 1894 : S’en aller au plus vite. En un mot, décarrer, partir (Argot du peuple). Une vieille chanson dit :

Allons, Flipote,
Met ta capote,
Et puis, décarrons-nous.

Décarade, carrement

Larchey, 1865 : Départ. — Jour du décarement : Jour de la mort. V. Bachasse.

Décarcassé

Rigaud, 1881 : Sans charpente, sans solidité, en parlant d’une pièce dramatique. (L. Larchey)

France, 1907 : Mal agencé. Se dit d’une pièce ou d’un ouvrage qui manque de charpente, ou d’une personne mal bâtie et de tournure ridicule.

Une vieille décarcassée, sexagénaire en deuil, à l’œil dur, à la mine sinistre, va de table en table jeter ses louis sur des numéros qu’elle nomme d’une voix stridente, semblant les évoquer de quelque chaudron où ont bouilli des tas de petits enfants…

(Hector France, Monaco)

Décarcasser

France, 1907 : Battre quelqu’un.

Décarcasser (se)

Larchey, 1865 : Agir activement. — Mot à mot : remuer sa carcasse.

Delvau, 1866 : v. réfl. Se démener, s’agiter bruyamment, — dans le même argot [du peuple].

Rigaud, 1881 : Se donner beaucoup de mal ; se démener. — Se décarcasser le boisseau, se tourmenter.

Virmaître, 1894 : S’échiner à faire un travail qui produit peu. Se décarcasser à courir pour arriver à l’heure de la cloche.
— J’ai beau me décarcasser, je ne suis pas plus avancé une année que l’autre (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Faire tout son possible pour arriver a quelque chose que l’on désire. On se presse, on se décarcasse, pour terminer un travail.

France, 1907 : Se dépêcher, se hâter de faire un travail ; secouer sa carcasse. Se décarcasser le boisseau, se torturer le cerveau.

Décaré

M.D., 1844 : Sortir de prison.

Décarer

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Se sauver.

Larchey, 1865 : Partir. Mot à mot : se faire voiturer dehors. V. Car, Roquefort.

Faut décarer. Ces gens la veulent m’assommer.

Dialogue entre Charles X et le duc de Bordeaux, chanson, 1832.

Décarer de belle

Bras-de-Fer, 1829 : Être sûr de se sauver.

Décarer ou décarrer

France, 1907 : S’en aller, fuir.

Allons, Flipote,
Mets ta capote
Et puis décarrons-nous.

(Vieille chanson)

Décarer de la geôle, sortir de prison. Décarer de belle, sortir de prison avec une ordonnance de non-lieu. Décarer à la bate, s’échapper.

Décarler

Clémens, 1840 : Sans le sol.

Décarpiller

Hayard, 1907 : Partager.

Décarrade

un détenu, 1846 : Sortie de prison.

Delvau, 1866 : s. f. Sortie, départ, fuite, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Fuite précipitée, fuite du voleur qui a la police à ses trousses. — La grande décarrade, la décarrade de la fin, la mort.

France, 1907 : Acquittement, fuite.

Cocantin, qui fait la cautionne,
Méfie-toi qu’un pierrot t’conne,
Assure-t’en, mais pas à crever ;
Puis enguirlande l’cuisinier,
Sur tézigue si l’lav’ton bavarde,
Offre-boi une décarrade.

(Hogier-Grison)

Décarrant

Clémens, 1840 : Sortant.

Décarre

Rigaud, 1881 : Acquittement.

France, 1907 : Même sens que ci-dessus. [Acquittement, fuite]

Décarre, décarrade

La Rue, 1894 : Acquittement. Fuite. Liberté.

Décarrement

Fustier, 1889 : Évasion. (V. Delvau : Décarrade.)

Décarrer

Clémens, 1840 : Se sauver.

un détenu, 1846 : Prendre la fuite.

Delvau, 1866 : v. n. S’en aller de Quelque part, s’enfuir. — dans l’argot des voleurs et du peuple.

Rigaud, 1881 : Acquitter en justice. — Se sauver. — Décarrer à la bate, s’évader. — Décarrer cher, avoir fait son temps de prison.

Rossignol, 1901 : Sortir. Celui qui sort de prison décarre. Lorsque les ouvriers sortent de l’usine, c’est la décarrade.

Hayard, 1907 : Être libéré, sortir.

Décarrer de belle

Delvau, 1866 : Sortir de prison sans avoir passé en jugement. Argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Sortir de prison à la suite d’une ordonnance de non-lieu. Mot à mot : Je l’échappe belle (Argot des voleurs).

Décarrer de l’avant

Clémens, 1840 : Se presser de courir.

Décartonner

Virmaître, 1894 : Mourir de consomption. Les commères disent : mourir à petit feu. Décartonner est synonyme de décoller (Argot du peuple).

Décartonner (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Vieillir, ou être atteint de maladie mortelle, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Vieillir ; se dit principalement des femmes. Bien des femmes sont comme certains livres qui, à force d’avoir passé de main en main, finissent par perdre le cartonnage.

Boutmy, 1883 : v. pr. S’affaiblir, devenir poitrinaire. Terme emprunté aux relieurs.

La Rue, 1894 : S’affaiblir, tomber malade.

Hayard, 1907 : Être malade, dépérir.

France, 1907 : Devenir poitrinaire, s’affaiblir, vieillir.

Décati

Delvau, 1866 : adj. et s. Qui n’a plus ni jeunesse, ni beauté, qui sont le cati, le lustre de l’homme et de la femme.

Rigaud, 1881 : Usé, vieilli, flétri, en parlant des personnes. Allusion aux étoffes décaties, c’est-à-dire qui ont perdu leur apprêt.

France, 1907 : Décrépit, avachi, fatigué.

Ah ! il était bien changé ? Ce n’était plus le bel homme souriant, plein de confiance en lui-même, haut en couleur, à large poitrine et à solide croupe que toutes les dévotes admiraient, le vicaire aux longs cheveux bruns dont les boucles soyeuses frisottaient sur le cou blanc, faisant, lorsqu’il passait, vêtu de sa belle soutane de drap fin, troussée de façon à déployer les rondeurs des mollets, et chaussée de ses souliers à boucles d’argent, faisant, dis-je, tourner la tête aux petites ouvrières et aux demoiselles de la congrégation, tandis que les vierges mûres soupiraient, s’emplissant, faute de mieux, la bouche de son nom : « M. l’abbé Guyot par-ci ! M. le premier vicaire par-là ! Ah ! l’abbé Guyot ! » du même ton qu’elles eussent dit : « Ah ! mon aimable Sauveur ! » ou bien : « Ah ! le bon sucre d’orge ! » Hélas ! il n’était plus que l’ombre de lui-même, un fantôme d’abbé Guyot : maigre, râpé, les yeux cernés, les cheveux ras et en échelle, comme ceux d’un forçat, décati, lamentable.

(Hector France, Marie Queue-de-Vache)

Décatir (se)

Larchey, 1865 : S’user, s’enlaidir. — Allusion au décatissage des tissus.

Elle sentait la pane venir, elle se décatissait.

Les Étudiants, 1860.

Delvau, 1866 : v. réfl. Vieillir, enlaidir, se faner.

France, 1907 : Vieillir, s’enlaidir.

Décatissement

Fustier, 1889 : Mot plus trivial qu’argotique et synonyme de décrépitude, d’affaiblissement.

De là, — toujours style des jolis gommeux, — ce décatissement inouï, accompagné de phénomènes comateux…

(De Montépin : Sa Majesté l’Argent.)

Décavage

Rigaud, 1881 : Misère, ruine.

France, 1907 : État du joueur qui a perdu.

Vous connaissez le célèbre baron Rapineau. Le voici près du croupier, étalant sa face mafflue, son nez d’oiseau de proie et son ventre de silène. Une rosette raccrochée dans de véreuses affaires s’épanouit, insolente et énorme, sur son veston anglais. Un officier, en la voyant, met la sienne dans sa poche.
Il joue gros jeu, le maltôtier. De combien de larmes et de sueurs furent arrosés les billets volés qu’il entasse et les rouleaux d’or qu’il éventre sur le tapis ! Il perd, il gagne, il reperd. Hier, il a ramassé cent mille francs ; aujourd’hui, c’est la revanche de la banque, c’est le décavage !

(Hector France, Monaco)

Décavé

Larchey, 1865 : Homme ruiné, qui n’a plus de quoi caver à la roulette.

À Bade, les décavés vivent sur l’espérance aussi somptueusement que les princes de la série gagnante.

Villemot.

Delvau, 1866 : s. m. Homme ruiné, soit par le jeu, soit par les femmes, — dans l’argot de Breda-Street.

Rigaud, 1881 : Ruiné. Allusion aux joueurs de bouillotte décavés.

La Rue, 1894 : Ruiné.

France, 1907 : Joueur ruiné. Mot à mot : qui ne peut plus caver, c’est-à-dire ponter à la roulette.

Oh ! soyez assuré que son exemple n’empêchera pas demain une autre fille de marchand de lavements ou de débitant de limonades purgatives d’épouser le premier inutile rencontré, décavé, vanné, vidé, éteint, mais apportant à sa femme le droit de mettre sur ses cartes de visite une couronne plus ou moins entortillée.

(Edmond Lepelletier, Écho de Paris)

Corrects et mis à peindre, en costume gris fers,
Tubés, rasés de près et la peau satinée,
Deux par deux, stick en main, toute la matinée,
On les voit faire au Bois les cent pas du « masher »,
L’un doit à son coiffeur sa moustache d’or clair,
L’autre à son corsetier sa taille bondinée,
Le troisième à Guerlain sa peau veloutinée,
Et chacun au mépris l’objet dont il est fier.
Vieux beaux, pourvus trop tard de conseils de famille,
Prétentieux chercheurs de mariages rêvés,
De la Concorde au Bois, ce sont les décavés.

(Jean Lorrain)

— Tiens ! le petit vicomte ! quelle tête il fait ! Encore décavé, sans doute !

(Adolphe Belot)

Décavé de la vie

France, 1907 : Homme qui a tout perdu, argent, considération et espérance.

Décembraillard

Rigaud, 1881 : Partisan du coup d’état du 2 décembre 1851. Nom donné aux partisans de la dynastie napoléonienne par leurs adversaires politiques.

France, 1907 : Sobriquet donné par les républicains et les monarchistes aux bonapartistes en souvenir du coup d’État de décembre 1851. On dit aussi décembrailleur.

Décembrisard

France, 1907 : Même sens que ci-dessus.

Déchaîner

d’Hautel, 1808 : C’est un diable déchaîné. Se dit par exagération d’un enfant mutin, pétulant, difficile à maintenir. On se sert aussi de cette expression pour peindre un homme intrigant, processif et méchant.
Se déchaîner. Se mettre en colère ; entrer en fureur.

Déchanter

d’Hautel, 1808 : Être obligé de rabattre du ton que l’on avoit pris, ou des spéculations que l’on avoit faites ; dire tout le contraire de ce que l’on s’étoit d’abord proposé.
Il y a bien à déchanter. Pour, il en faut bien rabattre.

Delvau, 1866 : v. n. Revenir d’une erreur ; perdre une illusion ; rabattre de ses prétentions, — dans l’argot du peuple, fidèle sans le savoir à l’étymologie (décantare).

Rigaud, 1881 : Être désenchanté, par abréviation.

France, 1907 : Revenir d’une erreur. Voir s’effondrer ses espérances. Devenir modeste à la suite de déceptions. « On a chanté trop tôt victoire, on déchante maintenant. »

Leur vie d’autrefois recommença, morne et lourde après une courte accalmie. Elle avait été reprise d’une de ces fougasses amoureuses qui lui irritaient le sang, à chacune de ces comédies et décevaient Huriaux, comme un renouveau, un retour au bon temps. La fringale passée, il fut bien contraint de déchanter.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Décharboter

France, 1907 : Débarrasser. Du vieux mot bourguignon décharpoter, de charper, prendre avec violence, qui vient lui-même du latin carpere, gripper.

Déchard

Rigaud, 1881 : Pauvre, misérable ; celui qui est en proie à la dèche, — dans le jargon du peuple.

Eh bien, ces déchards-là, s’ils ne payent pas leur terme… on les fout sur le pavé sans pitié.

(Le Père Duchêne, 1879.)

Virmaître, 1894 : Qui est dans la dèche (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Celui qui dépense beaucoup.

Hayard, 1907 : Misérable.

Déchard, décheux

France, 1907 : Malheureux que poursuit la déveine.

Cancre, hère et pauvre diable
Dont la condition est de mourir de faim,

dit La Fontaine.

Il y a les hôtels des richards,
Tandis que les pauvres déchards,
À demi morts de froid,
Et soufflant dans leurs doigts,
Refilent la comète.

(La Ravachol)

Ce qu’on donne aux déchards, toujours on le regrette,
Pour tirer d’eux ce qu’on leur prête,
On en vient d’ordinaire aux propos aigres-doux,
Il faut plaider, il faut combattre.
Offrez-leur un « pied » chez vous,
Ils en auront bientôt pris quatre.

(Marc Legrand)

Décharge

d’Hautel, 1808 : Une décharge de coups de bâton. Pour dire la bastonnade.

Delvau, 1864 : Éjaculation.

Il faut que la femme, dans le point de la décharge, si elle veut que le coup porte, tienne les fesses serrées l’une contre l’autre et ne se remue en façon quelconque que tout ne soit fait et achevé !

Mililot.

L’éclair brille, Jupiter tonne,
Son vit n’en est point démonté ;
Contre le ciel sa tête altière,
Au bout d’une courte carrière,
Décharge avec tranquillité.

Piron.

Ah ! tu ne t’en iras pas que je n’aie déchargé.

La Popelinière.

Les capotes mélancoliques
Qui pendent chez le gros Millan,
S’enflent d’elles-mêmes, lubriques,
Et déchargent en se gonflant.

(Parnasse Satyrique.)

Décharger

d’Hautel, 1808 : Décharger son estomac ; décharger son ventre. Pour expectorer ; évacuer, aller à la selle.

Décharme

France, 1907 : Vareuse d’intérieur dont se servent les polytechniciens, adoptée en 1890 sur la proposition du colonel Décharme, commandant en second de l’École.

On appelle encore décharme la planche sur laquelle l’administration fait afficher les avis officiels qu’elle veut porter à la connaissance des promotions, avis officiels qui prennent le nom de déci, abréviation de décision.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Dechasse

Halbert, 1849 : Yeux.

Déchausser

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas se déchausser pour faire cet ouvrage. Pour dire, cela n’est pas bien difficile ; on peut aisément en venir à bout.
Il n’est pas fait pour le déchausser. Se dit par mépris d’un homme médiocre qui se compare à un homme supérieur.
Pied déchaux. Pauvre hère, malotru, qui veut trancher du grand seigneur.

Déchausser Bertrand

France, 1907 : Faire la débauche, se saouler à en perdre la raison et commettre toutes sortes de folies. Cette locution, hors d’usage, est donnée à titre de curiosité. En voici l’explication, d’après Guillaume Bouchet :

Il se peut que quelqu’un étant bien ivre, avoit déchaussé Bertrand, son valet, au lieu de se faire déchausser par lui, comme aux Saturnales, pendant la débauche desquelles le valet bien saoul se faisoit servit par son maistre, encore plus saoul.

Déche

Virmaître, 1894 : Synonyme de débine. Cette expression est due à une circonstance curieuse : Un colosse, nommé Hache, marchand de ribouis au marché du Temple, avait la passion du théâtre ; il figurait au cirque de l’ancien boulevard du Temple. Il occupait l’emploi de tambour-major de la garde ; c’était insuffisant pour son ambition : il voulait parler. À force d’obsessions, il obtint de Laloue de dire un mot dans une pièce. Il devait dire à Napoléon :
— Quel échec, mon Empereur !
La langue lui fourcha, il avait oublié sa phrase. Alors, à tout hasard, il s’écria :
— Sire, ah ! quelle dèche !
L’expression est restée, et, dans le peuple, quand on veut indiquer un grand, malheur elle est employée (Argot du peuple).

Dèche

un détenu, 1846 : Voleur dans la débine.

Halbert, 1849 : Perte, misère.

Larchey, 1865 : Ruine, misère. — Abrév. de déchet.

Elles se présentent chez les courtisanes dans la dèche.

Paillet.

Sans argent dans l’ gousset, C’est un fameux déchet.

Chansons. Avignon, 1813.

Delvau, 1866 : s. f. Pauvreté, déchet de fortune ou de position, — dans le même argot [du peuple]. Ce mot, des plus employés, est tout à fait moderne. Privat d’Anglemont en attribue l’invention à un pauvre cabotin du Cirque, qui, chargé de dire à Napoléon dans une pièce de Ferdinand Laloue : « Quel échec, mon empereur ! » se troubla et ne sut dire autre chose, dans son émotion, que : « Quelle dèche, mon empereur ! »
Être en dèche. Être en perte d’une somme quelconque.

Rigaud, 1881 : Misère momentanée. La dèche est moins forte, moins soutenue que la débine, et surtout que la panne. — Dans une pièce militaire de Ferdinand Laloue, l’acteur chargé de donner la réplique à l’Empereur et de répondre : « Hélas ! quel échec, mon Empereur ! » se troubla. Destiné aux rôles muets, il parlait pour la première fois ; son émotion fut si grande que, bredouillant, il répondit : « Quelle dèche, mon Empereur ! » Le mot fît fortune, la presse s’en empara, et, lors de l’impression de sa pièce, Ferdinand Laloue le substitua au mot primitif. (Rapporté par Privat-d’Anglemont, Paris-Inconnu.)

Boutmy, 1883 : s. f. Dénuement absolu. Employé dans d’autres argots.

La Rue, 1894 : Misère. Battre la dèche.

Rossignol, 1901 : Dépense. Celui qui paye la dépense, paye la dèche.

Hayard, 1907 : Misère.

France, 1907 : La sœur de la débine et de la panade. Être dans la déche. Battre la déche.

Elle entrevit l’abîme sombre où glisse, se débat et meurt l’employé, ce serf modèle dont la glèbe est un fauteuil de bureau, et qui attend toujours sa nuit du 4 août et sa prise de la Bastille.
La misère ouvrière est intense et cruelle, la détresse de l’employé est pire.
Elle se nomme d’un nom qui ajoute l’ironie à la souffrance : l’ouvrier est dans la misère, l’employé est dans la dèche.

(Edmond Lepelletier)

Cache-la bien, Nini, ma triste déche
À Villemain, même à Montalembert,
Chez qui souvent j’ai mangé l’huître fraîche,
Chez qui toujours est servi mon couvert.

(Léon Rossignol, Lettes d’un mauvais jeune homme à sa Nini)

De quel droit, bandit, t’es-tu permis de te faire mon juge ?… T’occupais-tu de moi, quand je crevais dans la dèche ?… Tiens, voilà pour toi !

(Père Peinard)

Oui, quelques joyeux garnements
Battent la déche par moments.
Chose bien faite !
Moi, dans mes jours de pauvreté,
J’ai, dit-on, beaucoup fréquenté
Père Lunette.

(Fernand Foutan)

Dèche (être en)

Rossignol, 1901 : Être malheureux, ne plus rien posséder.

Décher du carme

France, 1907 : Donner de l’argent.

Déchet

d’Hautel, 1808 : Il y a du déchet. Pour, il faut en rabattre de moitié ; c’est bien loin de ce que l’on avoit promis.
Quel déchet ! Exclamation ; raillerie ; en parlant de quelqu’un qui a été pris pour dupe.

Décheur

Rossignol, 1901 : Celui qui dépense dèche ; c’est un décheur. Déclarer ballon, avoir faim.

Décheux

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme pauvre, misérable.

Déchiré (pas trop)

Rigaud, 1881 : Pas trop mal, assez gentil. — Se dit du physique d’une personne. Cette femme n’est pas trop déchirée.

Déchirée (n’être pas trop)

Delvau, 1866 : Se dit — dans l’argot du peuple — d’une femme qui est encore jeune, jolie et appétissante. On dit aussi N’être pas trop égratignée.

France, 1907 : Se dit d’une femme qui, malgré son âge, parait encore appétissante.

Au coin du feu, trouvèrent la vieille troussée quasiment jusqu’aux hanches : — Ça vous fait loucher, mes bons messieurs, dit-elle, mais on n’est pas encore trop déchirée pour son âge.

(Les Propos du Commandeur)

Déchirer

d’Hautel, 1808 : On dit d’une femme qui malgré un âge mur, conserve de la fraîcheur et quelque reste de beauté, qu’elle n’est pas trop déchirée.
Chien hargneux a toujours l’oreille déchirée.
Pour dire qu’un homme querelleur s’attire toujours de fâcheuses affaires.

Déchirer (ne pas se)

Delvau, 1866 : Se faire des compliments ; se vanter.

France, 1907 : Se louanger.

Déchirer de la toile

Delvau, 1866 : Faire un feu de peloton, — dans l’argot des troupiers.

Rigaud, 1881 : Faire du bruit avec l’antipode de la bouche. — Tirer un feu de peloton.

France, 1907 : Faire un feu de peloton ; argot militaire.

Déchirer la cartouche

Delvau, 1866 : v. a. Manger, — dans l’argot des soldats et des ouvriers qui se souviennent de leurs sept ans.

Rigaud, 1881 : Manger, — dans le jargon des troupiers.

France, 1907 : Manger ; allusion aux anciennes cartouches des fusils à pierre que l’on déchirait avec les dents, au commandement du quatrième temps de la charge en douze temps : Déchirez… ouche !

Déchirer sa toile

Virmaître, 1894 : Pester. Allusion au bruit qui souvent ressemble à un déchirement (Argot du peuple). V. Peau courte.

France, 1907 : Péter.

— Et tu crois que c’est pas emmiellant de coucher avec un type comme ça ! Le bougre de salaud ne fait toute la mit que déchirer sa toile. Tu penses si ça danse dans la piaule.

(Les Propos du Commandeur)

Déchirer son habit

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des tailleurs.

Déchirer son tablier

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des domestiques.

La Rue, 1894 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

Déchireur

France, 1907 : Débardeur.

Décimadorès

Fustier, 1889 : Cigare de dix centimes.

— Cochon de cigare ! — En voulez-vous un autre ? — Volontiers. Les miens sont pourtant d’une bonne marque ; des décimadorès de choix !

(Charivari, juillet 1884)

Déclancher (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se démettre l’épaule, — dans l’argot des faubouriens, qui assimilent l’homme au mouton.

France, 1907 : Se démettre l’épaule.

Déclaquer

Rigaud, 1881 : Dire ce qu’on a sur le cœur.

France, 1907 : Même sens que se déboutonner.

Déclouer

Delvau, 1866 : v. a. Dégager des effets du mont-de-piété, du clou.

France, 1907 : Retirer un objet du mont-de-piété, c’est-à-dire dégager du clou.

Déclouer, décrocher

Rigaud, 1881 : Dégager un objet du Mont-de-Piété.

Décoction

d’Hautel, 1808 : C’est une mauvaise décoction. Pour dire qu’une entreprise, après avoir trainé en longueur, n’a amené aucun résultat avantageux ; qu’elle a mal tourné ; qu’on en sera le mauvais marchand.

Décœurer

France, 1907 : Se débarrasser de ce qu’on a sur le cœur, vomir.

Décognoir

Rigaud, 1881 : Nez de forte taille, — dans le jargon des typographes. Au propre, en terme de métier, on nomme « décognoir » le morceau de bois dont on fait usage pour chasser les coins avec lesquels on serre les formes.

Boutmy, 1883 : s. m. Morceau de bois dur, long de 18 à 20 centimètres, aminci par un bout, employé pour chasser les coins avec lesquels on serre les formes. Au fig. Nez. Pourquoi appelle-t-on un gros nez un décognoir ? Sans doute à cause de l’analogie de forme.

France, 1907 : Nez. Le décognoir est, en terme d’imprimerie, un morceau de bois dont une des extrémités est amincie et qui sert à chasser les coins.

Décoller

Delvau, 1866 : v. n. S’en aller de quelque part ; quitter une place, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Quitter un endroit où l’on se trouve depuis longtemps.

La Rue, 1894 : S’en aller, quitter.

France, 1907 : Quitter un endroit, s’en aller d’une place. Décoller le billard, mourir. On dit aussi : dévisser son billard.

Décoller (se)

Fustier, 1889 : Manquer, ne pas réussir, ne pas avoir lieu.

Voilà que le banquet du 13 se décolle !

(Bataille, 1882.)

France, 1907 : Manquer, ne pas avoir lieu. Devenir vieux.

Décoller le billard

Delvau, 1866 : Mourir. On dit aussi Dévisser son billard.

Décolleté (être)

France, 1907 : Parler ou agir d’une façon immodeste.

Décompte

Delvau, 1866 : s. m. Blessure mortelle, — dans l’argot des troupiers, qui savent qu’en la touchant il faut quitter le service et la vie.

Rossignol, 1901 : Moitié de ce que gagne un condamné pendant sa détention et qui lui est remise à sa sortie de prison.

Décompte (recevoir son)

Larchey, 1865 : Mourir. — Dans l’armée, on ne quitte pas le service sans toucher son décompte.

Tué raide sur le champ de bataille, le beau tambour-major avait, pour parler en style de bivouac, reçu son décompte.

Ricard.

France, 1907 : Mourir ; argot militaire.
Le décompte était, dans l’ancienne armée, la somme que les soldats soigneux de leurs effets touchaient non seulement trimestriellement, mais à leur départ du corps. Recevoir, toucher son décompte, était donc s’en aller.

Déconfiture

d’Hautel, 1808 : Être dans la déconfiture. Expression comique qui signifie être en pleine disgrace ; être fort mal dans ses affaires

Delvau, 1866 : s. f. Faillite, — dans l’argot des bourgeois. Être en déconfiture. Avoir déposé son bilan.

France, 1907 : Faillite. Être en déconfiture, faire de mauvaises affaires, ne pouvoir payer ses créanciers, déposer son bilan.

Déconner

Delvau, 1864 : Sortir du con de la femme, soit parce qu’on a fini, soit parce qu’elle remue trop les fesses. Il y a des gens qui peuvent, comme l’Ascylte de Pétrone, rester deux jours sur une femme. Heureux Ascylte ! Plus heureuse femme !

Ah ! me voilà déconné !

La Popelinière.

Le vit alors, bien convaincu
Qu’on ne peut voir un con vaincu,
Renonce à la victoire :
Il déconne et s’adresse au cu.

(Chanson anonyme moderne.)

Avec cet outil-là, je puis, sans me gêner
Fournir mes douze coups, dont six sans déconner.

Piron.

France, 1907 : Radoter, Mot à mot : devenir vieux, s’affaiblir.

Décors

Delvau, 1866 : s. m. pl. Cordons, tabliers, bijoux, — dans l’argot des francs-maçons.

Virmaître, 1894 : Bijoux. L’expression est jolie. On dit dans le peuple, d’une femme chargée de bijoux : Elle est décorative (Argot du peuple).

France, 1907 : Bijoux ; argot populaire. Tabliers et cordons ; argot des francs-maçons.

Décotailler

France, 1907 : Découper.

Découcher

Delvau, 1864 : Aller passer la nuit au bordel quand on est homme, hors du bordel quand on est fille.

Excusez-moi, mais, fidèle à mes devoirs de mari, je n’ai jamais découché et ne découcherai jamais.

Lireux.

Découcheur

France, 1907 : Soldat qui a l’habitude de coucher hors du quartier.

Découdre

d’Hautel, 1808 : On dit d’un ouvrier très-habile à l’ouvrage, qu’il en découd quand il est en train.
En découdre.
Signifie aussi en venir aux mains ; se prendre aux cheveux, se battre vigoureusement.

Découdre (en)

Delvau, 1866 : v. n. Se battre en duel ou à coups de poing, — dans l’argot du peuple et des troupiers.

Rigaud, 1881 : Se battre à l’arme blanche. Mot à mot : découdre la peau. Il faudra en découdre.

France, 1907 : Se battre.

Il est loin le temps des alarmes
Où nous subissions les affronts,
En refoulant du poing nos larmes,
En baissant humblement nos fronts,
Nous avons le fusil, la poudre,
Les hommes tant qu’il en faudra,
Et, ma foi, s’il faut en découdre,
Gare à qui nous attaquera !…

(Henri Buguet)

Découpage (vol au)

France, 1907 : « Le découpeur ou voleur au découpage est un amateur d’autographes ; seulement, pour donner à sa collection une valeur supérieure, voilà ce qu’il fait : s’il reste un blanc entre la signature de l’écrit et la formule de politesse qui la précède, il découpe hardiment le papier et, dans l’espace non maculé, libelle un reçu, ou un ordre de payement, suivant les habitudes du signataire qu’il connait. Ceci ne serait rien, si, une fois cette pièce obtenue, il ne s’empressait d’envoyer un ami ou un commissionnaire toucher le montant du reçu dans une administration ou un journal dans lesquels le malheureux signataire a un compte ouvert. »

(Hogier-Grison, Le Monde où l’on fibuste)

Découragiste

France, 1907 : Individu atteint de cette maladie d’esprit qui fait, suivant le dicton, « jeter le manche après la cognée ». Le découragiste est, dans une société, aussi nuisible et aussi démoralisant que le je-m’en-foutiste.

C’est un produit essentiellement français. Schopenhauer, Hartmann et les autres découragistes n’ont fait que traduire, en l’alourdissant, en l’embrumant, le clair et mélancolique langage de Chateaubriand.

(Edmond Lepelletier)

Découvert (être à)

France, 1907 : C’est, dit Lorédan Larehey, « spéculer à la Bourse sur des valeurs qu’on n’a pas le moyens d’acheter ni de vendre », c’est-à-dire agir en filou, ce que font d’ailleurs tons les boursicotiers ; d’où achat, vente à découvert, qui se disent d’opérations faites dans les conditions ci-dessus.

Découvrir

d’Hautel, 1808 : Découvrir le pot aux roses. Mettre une fourberie, un dessein, une intrigue dans tout son jour.
Découvrir Saint-Pierre pour couvrir Saint-Paul. Prendre à l’un pour donner à l’autre.

Découvrir la peau

La Rue, 1894 : Faire avouer.

France, 1907 : Faire avouer. En découvrant la peau, on met la personne à nu.

Découvrir la peau de quelqu’un

Delvau, 1866 : v. a. Lui faire dire ce qu’il aurait voulu cacher, — dans l’argot du peuple.

Découvrir saint Pierre pour couvrir saint Paul

Rigaud, 1881 : Contracter une dette pour en payer une autre. (Oudin, Curiosités françaises.) L’expression est encore fort de mise.

France, 1907 : Enlever à l’un pour donner à l’autre.

Décramponner (se)

France, 1907 : Se débarrasser d’une femme ou d’une maîtresse, enfin de toute personne gênante, dite crampon.

— Pourquoi ai-je quitté Paris ? Pour me décramponner tout à fait de cet imbécile qui, panné, décavé, commençait à me porter la guigne. »

(Jean Richepin)

Décrasser

d’Hautel, 1808 : Il commence à se décrasser. Pour, il commence à être moins grossier ; à se former à la politesse et aux usages du monde ; à prendre une certaine tournure.
On dit des provinciaux, qu’ils viennent à Paris pour s’y décrasser.

Virmaître, 1894 : Les filles décrassent un homme en le débauchant d’abord, en le ruinant ensuite. Les voleurs décrassent un pante en le volant. Décrasser, dans un autre sens, est synonyme de déniaiser (Argot du peuple).

France, 1907 : Déniaiser, débaucher ou voler.

Décrasser un homme

Delvau, 1866 : v. a. Lui enlever sa timidité, sa pudeur, sa dignité, sa conscience, — dans l’argot des faubouriens, qui ont des idées particulières sur la propreté. Pour les filles, Décrasser un homme, c’est le ruiner, et pour les voleurs, c’est le voler, — c’est-à-dire exactement la même chose.

Décravater ses propos

France, 1907 : Avoir une conversation libre qui faut rougir et, en même temps, pâmer les petites pensionnaires du Sacré-Cœur et choque les vieilles drôlesses.

Décrier

d’Hautel, 1808 : Il est décrié comme la vieille monnoie. Pout exprimer qu’un homme a perdu sa réputation ; qu’il a un fort mauvais crédit.

Décroche-moi ça

Rigaud, 1881 : Fripier. — Terme générique donné à toutes les friperies dont des spécimens sont accrochés au-dessus de la porte du revendeur à la toilette : chapeaux pour les deux sexes, souliers, bottines, habits, vestes, culottes et robes, autant de décroche-moi ça, de décrochez-moi ça.

Décroche-moi-ça

La Rue, 1894 : Fripier.

Décrocher

Larchey, 1865 : Retirer du Mont-de-Piété. V. Clou — On dit aussi Déclouer.

Les révolutions m’ont réduite à mettre au clou les diamants de ma famille… faudra que tu me décroches ça, mon chéri.

Lefils.

M. Auguste s’habille au décroche moi cela ce qui veut dire en français chez le fripier.

Privat d’Anglemont

Au Temple, un Décrochez-moi ça est un chapeau de femme d’occasion. — J’ai vu au carré du Palais-Royal (du Temple) des Décrochez-moi ça qu’on eût pu facilement accrocher au passage du Saumon.

Mornand.

Larchey, 1865 : Faire tomber d’un coup de fusil.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer d’un coup de fusil, — dans l’argot des troupiers. Ils disent aussi Descendre.

Delvau, 1866 : v. a. Dégager un objet du mont-de-piété, — dans l’argot des ouvriers.

France, 1907 : Sonner, voler à la tire. Abattre d’un coup de fusil. Se dit aussi pour retirer un objet du mont-de-piété, c’est-à-dire décrocher ce qui est au clou.

Décrocher la lune avec les dents

Virmaître, 1894 : Vouloir accomplir une chose impossible. Expression employée par ironie (Argot du peuple).

Décrocher la timbale

Virmaître, 1894 : Arriver bon premier, réussir. Allusion au mât de cocagne, où le premier arrivé au sommet décroche le premier prix qui est généralement une timbale. Cette expression est populaire depuis la représentation de la pièce intitulée la Timbale (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Arriver le premier, réussir. Allusion au mât de cocagne, où le premier arrivé choisit le premier prix, qui est ordinairement une timbale d’argent.

Pour décrocher la timbale parlementaire, M. des Muffliers s’est donné un mal de chien, et il a surtout pioché les campagnes, ce qu’on appelle, en style noble, les masses profondes du suffrage universel. L’arrivée de sa charrette anglaise a effaré la volaille dans bien des rues de village. Il a pénétré, en redingote correcte et avec des gants de peau, dans des cours champêtres, où le porc familier venait flairer ses bottes vernies, et il a peloté le paysan tant qu’il a pu.

(François Coppée)

Décrocher les tableaux

Rigaud, 1881 : Pratiquer des fouilles dans l’édifice nasal.

Décrocher ses cymbales

Rigaud, 1881 : Mourir dans l’exercice des fonctions notariales, — dans le jargon des ouvriers. Les clercs de notaires et les clercs d’huissiers disent, dans une langue plus relevée, pour exprimer la même idée : Décrocher ses panonceaux.

Décrocher ses tableaux

Delvau, 1866 : v. a. Opérer des fouilles dans ses propres narines et en extraire les mucosités sèches qui peuvent s’y trouver. Argot des rapins.

La Rue, 1894 : Mettre les doigts dans son nez.

Virmaître, 1894 : Individu qui sans cesse se fourre les doigts dans le nez pour en retirer les ordures.
— Tu reçois donc du monde que tu décroches tes tableaux ? (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Se mettre un doigt dans le nez.

France, 1907 : Allusion aux gens qui ont la vilaine habitude de se fourrer les doigts dans le nez.

Deux rapins causent ensemble. L’un d’eux se fourre désespérément les doigts dans le nez.
— Voyons, fait l’autre, est pas le moment de décrocher les tableaux, à la veille de l’ouverture du Salon.

Décrocher un enfant

Delvau, 1866 : v. a. Faire avorter une femme, — dans l’argot du peuple. Se faire décrocher. Employer des médicaments abortifs.

France, 1907 : Faire avorter.

Décrocher un lardon

Virmaître, 1894 : Faire avorter une femme. Les spécialistes qui se livrent à ce genre de travail se nomment des faiseuses d’anges (Argot du peuple). N.

Décrochez-moi ça

Delvau, 1866 : s. m. Chapeau de femme, — dans l’argot des revendeuses du Temple.

Delvau, 1866 : s. m. Boutique de fripier, — dans l’argot du peuple. Acheter une chose au décrochez-moi ça. L’acheter d’occasion, au Temple ou chez les revendeurs.

Virmaître, 1894 : Vêtements fripés que vendent les marchandes à la toilette. Comme les vêtements sont accrochés et étiquetés, inutile de marchander ; on n’a qu’à dire à la vendeuse : Décrochez-moi ça. Toute personne mal habillée sent le décrochez-moi ça (Argot du peuple).

Hayard, 1907 : Le carreau du Temple.

France, 1907 : Boutique de fripier ou patron de ladite boutique.

De ces anciens bohèmes qui, parlant une langue étrange, menant une vie décousue, s’habillant au décrochez-moi ça, pour aller dans le monde, et avaient de l’esprit chaque jour de la semaine, et même le dimanche, bien peu subsistent encore ; et si parfois on les rencontre, ce ne sont plus que les ombres blanchies d’un passé condamné aux mânes.

(Écho de Paris)

Décrotté

France, 1907 : Sorti des basses classes, parvenu. Les décrottés sont d’ordinaire les plus insolents et les plus outrecuidants des bourgeois.

Les Grecs s’efforçaient d’excuser l’esclavage des uns en montrant qu’il était la condition du développement intégral des autres. Ils ne s’étaient pas avisés de prêcher l’esclavage des masses, dans le seul but d’élever au rang d’« éminents filateurs », de « grands banquiers », d’« illustres marchands de cirage perfectionné », quelques parvenus grossiers ou à demi décrottés. La bosse de la charité chrétienne leur manquait.

(Karl Marx)

Décrotter

d’Hautel, 1808 : Manger avec avidité, avec grand appétit.
Comme il vous décrotte ce plat ! Pour, comme il mange de bon appétit.
C’est déjà décrotté. Pour, c’est déjà fini ; déjà mangé.

Décrotter un gigot

Delvau, 1866 : v. a. N’en rien laisser que l’os, — dans l’argot des ouvriers, qui ont bon appétit une fois à table.

France, 1907 : N’en laisser que l’os.

Décrotter une femme

Delvau, 1864 : La brosser vigoureusement avec son vit, de façon à lui désobstruer le con, si par hasard il était embarrassé et embroussaillé de restants de sperme ou de sang menstruel.

Il me répond : Ne te fâche, Babeau,
Avant partir tu seras décrottée.

(Recueil de poésies françaises.)

Déculotté

Virmaître, 1894 : Homme qui a mis son mobilier ou son commerce au nom de sa femme. Il ne porte plus la culotte. Déculotté aussi quand la femme est maîtresse au logis : elle porte les culottes (Argot du peuple).

France, 1907 : Particulier, boutiquier ou négociant, qui à mis son mobilier ou son commerce au nom de sa femme.

Déculottée (donner une)

France, 1907 : Battre quelqu’un, lui flanquer une volée dont il se souvienne ; allusion aux petits garçons qu’on déculotte pour les fouetter.

Déculotter

Fustier, 1889 : Faire faillite.

France, 1907 : Faire faillite.

Dédale

Delvau, 1864 : La nature de la femme, où le membre viril s’égare souvent, lorsqu’elle est trop large ou qu’il est trop petit, — bien qu’il ait la main d’Ariane pour le conduire au bonheur.

Ce beau dédale qu’il contemple
Avec des yeux étincelants,
Fait naître et couler dans ses sens
Une ardeur qui n’a point d’exemple.

Grécourt.

Dedans

d’Hautel, 1808 : Il est dedans comme le frère Laurent. Rebus qui équivaut à il a fait un sot marché ; il est dupé, attrappé, friponné.
Je ne suis pas dedans. Dicton des marchands de commestibles et de fruits, quand on leur reproche que leur marchandise étoit gâtée intérieurement.
Mettre quelqu’un dedans. Pour le tromper, l’escroquer ; le friponner daris une affaire. Signifie aussi mettre quelqu’un en prison.
On ne l’a mis ni dehors ni dedans. Pour, on ne lui a rien promis ; on l’a laissé en suspens, dans l’incertitude.
Beaucoup de personnes ont coutume d’employer cet adverbe de lieu pour la préposition dans, et de dire :
J’ai votre affaire dedans ma poche, pour dans ma poche.
Dedans
ne veut point de régime après lui.
Est-il dans cette chambre ? oui, il est dedans.

Dedans (mettre)

Larchey, 1865 : mettre en prison (d’Hautel, 1808).

Rigaud, 1881 : Tromper. — Emprisonner.

France, 1907 : Tromper ; griser ; mettre en prison.

Dedans (voir en)

France, 1907 : Se dit des ivrognes qui parlent en monologues et se font de longues conversations, comme s’ils s’adressaient à une tierce personne qu’ils voient en dedans d’eux-mêmes.

Dédèle

France, 1907 : Maîtresse.

Dédire (se) cher

La Rue, 1894 : Être à l’agonie.

Dédire cher (se)

Rigaud, 1881 : Être à l’agonie, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Être à l’agonie et se repentir.

Dédit

d’Hautel, 1808 : Il a son dit et son dédit. Signifie, il est inconstant, irrésolu, capricieux ; on ne peut se fier à ses promesses.

Déduit

Delvau, 1864 : L’acte amoureux, — du verbe latin deducere, tirer, faire sortir, c’est-à-dire, en vieux français, se divertir en tirant — un coup.

Qu’il ne manquait ou de jour, ou de nuit,
Sous prétexte de voir son ingrate maîtresse,
De faire naître avec adresse
Un rendez-vous pour l’amoureux déduit.

La Fontaine.

L’homme noir, friand du déduit,
De dire : l’aventure est bonne.

Grécourt.

Il est minuit,
C’est l’instant du mystère,
Il nous invite à l’amoureux déduit.

Pebraux.

France, 1907 : Vieux mot toujours neuf qui exprime la mature de la femme.

— Six pieds de taille, une poitrine large comme un rempart de ville, des bras à briser un arbre en l’étreignant, des jambes à faire vingt lieues sans fatigue, bête comme plusieurs oies d’ailleurs, mais prêt à se faire couper la tête pour le déduit, stupide, mais convaincu, ne vous laissant jamais le temps ni de pleurer ni de rire. Allez, mes enfants ! voilà ce qu’il y a encore de mieux.
Une voix hoquetante, dont le timbre extra-humain sonna comme une volée de glas aux oreilles des vieilles épouvantées, murmura très distinctement toutefois :
— Elle a raison !

(Armand Silvestre)

Dédurailler

Delvau, 1866 : v. a. Oter les fers d’un forçat ou les liens d’un prisonnier.

France, 1907 : Déferrer.

Défâcher

d’Hautel, 1808 : S’il se fâche, il aura deux peines, de se fâcher et de se défâcher. Se dit de quelqu’un dont l’estime et l’amitié importent peu, et dont on ne redoute pas le courroux.

Défaire

d’Hautel, 1808 : Faire et défaire, c’est toujours travailler. Manière goguenarde de réprimander quelqu’un qui s’est trompé, et à qui ont fait recommencer l’ouvrage sur nouveaux frais.

Défaits

Rigaud, 1881 : Ce sont, en terme de libraire, les feuilles d’un livre qui ne sont pas suivies et qui servent à compléter celles qui peuvent manquer.

Défalquer

anon., 1827 : Ch.

Bras-de-Fer, 1829 : Ch….

Halbert, 1849 : Ch…. Déponner. Id.

Rigaud, 1881 : Faire ses nécessités, — dans l’ancien argot.

France, 1907 : Faire ses besoins ; éliminer.

— Ah ! le maudit animal ! Il dévastait les plates-bandes, déterrait les semis, détruisait les jeunes pousses, grimpait dans les chambres, arrachait les rideaux, aiguisait ses griffes sur les meubles, déchirait la tapisserie, cassait la vaisselle, crevait le paravent, et, de temps à autre, pour varier la série de ses méfaits, défalquait sous le lit de M. le curé !

(Hector France, Les Cent curés paillards)

Défardeur

anon., 1827 : Voleur.

Halbert, 1849 : Voleur.

Delvau, 1866 : s. m. Voleur, — dans l’argot des voyous. On dit aussi Doubleur.

France, 1907 : Voleur ; il vous débarrasse du fardeau de votre bourse.

À l’étrangu’mar, bon défardeur,
T’iras t’esclaffer de ton grilleux…

(Hogier-Grison)

Défargué

Halbert, 1849 : Déchargé.

Défarguer

Clémens, 1840 : Se débarrasser d’objets suspects.

Delvau, 1866 : v. n. Pâlir. — dans l’argot des voleurs, pour qui farguer c’est rougir.

La Rue, 1894 : Pâlir. Céder. Se débarrasser. Défargueur, plaideur. Témoin à décharge.

Virmaître, 1894 : Pâlir.

Le parrain fargue,
Le bêcheur défargue.

dit une vieille chanson (Argot des voleurs).

Virmaître, 1894 : Les joueurs disent cela d’une carte qui les gêne. Au polignac il se défarguent du valet de pique (Argot des voleurs). N.

Rossignol, 1901 : Décharger quelqu’un d’un fardeau ou de charges qui pèsent contre lui, c’est le défarguer. Le contraire de farguer. Le ministère public fargue et l’avocat défargue son client des faits compromettants. Décharger quelqu’un d’un colis est le défarguer. Celui qui se débarrasse d’objets compromettants se défargue. Un voleur qui reconnaît être seul l’auteur de vols qu’on lui reproche défargue son complice.

France, 1907 : Pâlir ; être acquitté.

— Vous avez changé, mon pauvre vieux. Je vous trouvé défargué. Vous avez du trimard ? Dégoisez, je suis votre homme.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

France, 1907 : Céder. En terme de joueur, c’est se débarrasser d’une carte qui gêne.

Défarguer (se)

M.D., 1844 : Déposer les objets dont on est porteur.

Hayard, 1907 : Se décharger au détriment d’un complice.

Défargueur

Larchey, 1865 : Témoin à décharge. — Du vieux mot fardage : fardeau. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : s. m. Témoin à décharge, assez maître de lui pour mentir sans rougir.

France, 1907 : Témoin à décharge.

Défarquer

un détenu, 1846 : Ôter quelque chose d’un endroit.

Défaute

France, 1907 : Défaillance, manque.

Défendre

d’Hautel, 1808 : Je m’en défends, mon corps et mon sang ; si tu m’attrapes, tu es un serpent. Dicton usité par les écoliers, lorsqu’ils jouent aux barres ou à la crémisette, et qu’ils sont sur le point d’être attrapés avant que d’avoir touché le but.

Défendre sa queue

Delvau, 1866 : v. a. se défendre quand on est attaqué, — dans l’argot du peuple, qui prend l’homme pour un chien.

Virmaître, 1894 : Défendre sa peau dans une bataille. Quand deux chiens se battent dans la rue, les spectateurs crient :
— Toto, dé fend ta queue.
Défendre sa queue,
c’est défendre ses intérêts de toutes manières (Argot du peuple).

France, 1907 : Défendre ses intérêts.

Déferrer

d’Hautel, 1808 : Il se déferre aisément. Pour, il se déconcerte au premier mot ; il devient confus, muet, à la plus petite observation.
Être déferré d’un œil. Pour, en avoir perdu un ; être éborgné.

Deffardeur

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voleur.

Defflourer la picouze

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Voler le linge étendu sur les haies.

Déficher

France, 1907 : Bâiller.

Défier

d’Hautel, 1808 : Il ne faut jamais défier un fou de faire des folies. Signifie qu’il ne faut jamais défier un extravagant, de crainte de le porter à quelque excès.

Défiger

Delvau, 1866 : v. a. Réchauffer, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Réchauffer.

Défiler

d’Hautel, 1808 : Défiler son chapelet. Dégoiser tout l’on sait ; dire tout ce que l’on a sur le cœur ; faire des plaintes que l’on retenoit intérieurement depuis long-temps.

Défiler la parade

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des troupiers, qui blessés en pleine poitrine par un éclat d’obus, trouvent encore le temps de faire le salut militaire à leur chef comme pour lui dire : Ave, Cæsar, morituri te salutant.

Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon des troupiers.

Virmaître, 1894 : Se dit à quelqu’un que l’on chasse.
— Allons, défilez la parade, et plus vite que ça (Argot du peuple).

France, 1907 : Mourir ; argot militaire. On défile la parade quand la revue est terminée. Se dit aussi de quelqu’un que l’on chasse.

Défiler son chapelet

Virmaître, 1894 : Quand deux commères se disputent, c’est un déluge de paroles et d’épithètes interminable.
— As-tu vu comme je lui ai défilé mon chapelet ?
Allusion au chapelet qu’une dévote fait tourner toute sa vie dans ses mains sans en trouver la fin (Argot du peuple). N.

Déflaque

Fustier, 1889 : Excrément. (Richepin.)

Déflaquer

France, 1907 : Faire ses besoins, d’où déflaque, excrément.

Puis il avait peur des enfants, tous salauds qui déflaquent dans les coins et mettent partout une odeur de bran. Sa propreté s’en offusquait à l’avance, comme d’une saleté incurable, et il pensait aussi aux femmes fécondes dont les flancs sont toujours en travail.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Défleurir la picouse

Larchey, 1865 : Voler du linge qui sèche sur une haie. — Allusion à la couleur tranchante des objets étendus et aux épines de la haie.

Delvau, 1866 : v. a. Voler le linge étendu dans les prés ou sur les haies. Argot des prisons.

France, 1907 : Voler du linge qui sèche au dehors des maisons. On dit aussi : déflouer la picouse.

Défleurir ou déflouer la picouse

Virmaître, 1894 : Voler le linge qui sèche dans les campagnes, sur des haies (Argot des voleurs). V. Batousier.

Déflorer une fille

Delvau, 1864 : Lui enlever son pucelage, — une rose diablement épineuse.

Si fut-il admiré pour masle très-puissant
D’en avoir une nuit défloré demi-cent.

J. De Schélandre.

Déflouer la picouse

Halbert, 1849 : Voler chez un blanchisseur le linge étendu.

Déflourer la picouze

anon., 1827 : Prendre le linge qui est étendu sur des perches dans les prés.

Déformer

France, 1907 : Briser, enfoncer. Déformer une quille, casser une jambe.

Défourager

Virmaître, 1894 : S’en aller, quitter un endroit pour un autre.
— Je défourage de la Centrousse pour renquiller à Pantin (Argot des voleurs).

France, 1907 : S’en aller.

Défouraillage (en)

France, 1907 : En liberté.

Défourailler

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Tomber.

Halbert, 1849 : Courir.

Larchey, 1865 : Sortir de prison. — Du vieux mot defors : dehors. V. Babillard.

Delvau, 1866 : v. n. Courir, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Courir. — Tomber. — Sortir de prison.

La Rue, 1894 : Courir. Sortir de prison. Tomber.

France, 1907 : Courir. Sortir de prison ; du vieux mot defors, dehors.

Ah ! si j’en défouraille,
Ma largue j’entiferai ;
J’li f’rai porter fontange
Et souliers galuchés.

(Chanson de l’argot)

Du croquant fais une lessive,
Choppe-lui cornauts, douille et sive ;
Mais si tu rebouissais l’arnac,
Défouraille, t’irais dans l’lac !

(Hogier-Grison)

Defourayer

Clémens, 1840 : Retirer, Sortir.

Défourguer

France, 1907 : Racheter.

Defourrailler

un détenu, 1846 : Sortir d’un endroit, d’une prison.

Défoux

Rossignol, 1901 : Casquette de soie haute de forme que portent les bouchers et dont le prix est de cinq à six francs. Le créateur de cette casquette est le chapelier Défoux. Il y a quarante ans, il y avait une casquette qui se portait que l’on nommait la David, également du nom du fabricant.

Défrimousser

Larchey, 1865 : Dévisager. V. Frime.

Delvau, 1866 : v. a. Défigurer quelqu’un, — dans le même argot [des voyous].

France, 1907 : Dévisager.

Défringué

La Rue, 1894 : Débraillé.

France, 1907 : Débraillé.

Quant à moi, je soutiens que ce fut la paresse
Qui fit au lupanar coucher ces Danaé,
Dont les seins, dégagés d’un fichu denoué,
Attendent, s’allongeant sur le bord de leur couche,
Des hommes avinés, au regard morne et louche,
Jupiters défringués, qui, tout crottés et soûls,
Pour payer des baisers, font pleuvoir des gros sous.

(Barillet, La Mascarade humaine)

Défringuer

Rossignol, 1901 : Déshabiller, du contraire de fringuer. En se levant on se fringue, et pour se coucher on se défringue.

France, 1907 : Enlever ses vêtements.

Défringuer, défrusquer

La Rue, 1894 : Prendre des vêtements.

Défriser

d’Hautel, 1808 : Ça te défrise. Locution burlesque qui équivaut à cela te chiffone, te contrarie ; se dit à quelqu’un qui trouvé à redire à ce que l’on dit, ou qui jette un regard envieux sur le bonheur d’autrui.

Larchey, 1865 : Désappointer.

Ce qui nous défrise, c’est que je suis retenu.

P. Lacroix.

Delvau, 1866 : v. a. Désappointer, contrarier quelqu’un, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Désappointer.

Défrusquer

Larchey, 1865 : Déshabiller. V. Frusque.

Delvau, 1866 : v. a. Dépouiller quelqu’un de ses vêtements, — dans l’argot des faubouriens. On dit aussi Défrusquiner. Se défrusquer. Se déshabiller.

Rossignol, 1901 : Se dévêtir, retirer ses frusques.

France, 1907 : Déshabiller, voler à quelqu’un ses vêtements.

Défrusquer, défrusquiner

Rigaud, 1881 : Déshabiller. — Voler des vêtements.

Défrusquiné

Halbert, 1849 : Déshabillé.

Défrusquiner

anon., 1827 : Déshabiller.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Déshabiller. Défrusquiner les momes, voler les habits des enfants.

Bras-de-Fer, 1829 : Déshabiller.

Défunt

d’Hautel, 1808 : Défunt mon père. Pour dire, feu mon père. Ce mot n’est que du style bas et comique.

Dégager

d’Hautel, 1808 : Avoir l’air dégagé. Avoir l’air libre, hardi et tranchant ; être sans modestie, sans pudeur.

Dégaine

Delvau, 1866 : s. f. Allures du corps, fourreau de l’âme. — dans l’argot du peuple, qui n’emploie ordinairement ce mot qu’en mauvaise part. Avoir une belle dégaine. Se dit ironiquement des gens qui n’ont pas de tenue, ou des choses qui sont mal faites.

France, 1907 : Tournure, tenue. Le mot ne s’emploie qu’en mauvaise part. « Quelle sale dégaine a ce pierrot ! »

La tournure d’une jolie femme, au dire de toutes les laiderons.

(Dr Grégoire, Dictionnaire humoristique)

Dégaîne

d’Hautel, 1808 : Il a une belle dégaîne. Manière triviale et goguenarde de dire que quelqu’un a une mauvaise tournure, est gauche et emprunté dans son maintien.

Dégaîner

d’Hautel, 1808 : Dégaîner son compliment. Faire son compliment à quelqu’un ; le congratuler ; le féliciter.
Être dur à la desserre, n’aimer pas à dégainer. Être avaricieux ; dépenser avec parcimonie.
Dégaîner. Pour dire mettre l’épée à la main ; venir aux armes.

Dégaîneur

d’Hautel, 1808 : Bretteur, homme qui cherche toujours à férailler ; hâbleur, fanfaron.

Dégauchir

Delvau, 1866 : v. n. Voler.

La Rue, 1894 : Voler.

France, 1907 : Voler.

Dégazonner (se)

Rigaud, 1881 : Perdre ses cheveux.

France, 1907 : Devenir chauve.

Dégel

Larchey, 1865 : Mortalité.

Il y aura un rude dégel.

Watripon.

On connaît les effets dissolvants du dégel.

Rigaud, 1881 : Mort. — Dégelé, cadavre. — Dégeler, mourir. — Se dégeler, se suicider.

France, 1907 : Mort.

Dégelé (un)

France, 1907 : Un mort, un cadavre.

Dégelée

Larchey, 1865 : Volée de coups. — Il y a une chanson de V. Gaucher intitulée la dégelée de 1854, ou la Prise de Bomarsund. — Une volée dégèle ordinairement ce lui qui la reçoit.

Delvau, 1866 : s. f. — Coups donnés ou reçus, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Série de coups. — Flanquer une dégelée soignée.

France, 1907 : Coups. Recevoir, donner une dégelée.

Enfin, mon père arrive avec un fouet à lanière en peau de serpent noir, et, me faisant courir devant son cheval, lié à la taille par une corde fixée à sa selle, il me cingla tout le long du chemin. Je n’oublierai jamais cette dégelée.

(Hector France, Chez les Indiens)

Dégeler

d’Hautel, 1808 : Mourir, expirer, s’en aller dans l’autre monde.
Il est dégelé. Pour, il est mort, il est expiré.
Cette locution se prend toujours en mauvaise part, et ne se dit que d’une personne pour laquelle on n’avoit ni respect, ni estime, ni considération.

Delvau, 1866 : v. n. Se déniaiser, se remettre de son émotion, — dans le même argot [des faubouriens]. Signifie aussi : Mourir.

Rossignol, 1901 : Mourir.

Hayard, 1907 : Assassiner.

Dégéler

un détenu, 1846 : Mourir par violence en prison.

Dégeler (se)

La Rue, 1894 : Se déniaiser, se dégourdir.

France, 1907 : Se déniaiser, se dégourdir.

Ne te semble-t-il pas que la petite Georgette s’est joliment dégelée depuis sa sortie du couvent ?
— Bah ! ce n’était qu’une couche de givre. Un baiser de son cousin le cuirassier l’a fait fondre.

(Les Propos du Commandeur)

Dégeler son membre

Delvau, 1864 : L’introduire à moitié roide dans le vagin d’une femme dont la chaleur le force à grossir et à brûler lui-même.

Un jour d’hiver Collas tout éperdu
Vint à Catin présenter sa requête
Pour dégeler son chose morfondu.

Cl. Marot.

Déger

La Rue, 1894 : Mort. Dégelé, cadavre.

Degingandé

France, 1907 : Débauché. Personne à longues jambes, d’une tournure gauche ou ridicule.

Dégingandé

d’Hautel, 1808 : On dit par mépris d’une femme grande et mal bâtie, dont le maintien est libre et peu décent, qu’Elle est toute dégingandée ; et plus communément toute déhanchée.

Delvau, 1866 : adj. s. Qui a mauvaise grâce, au propre et au figuré, — dans l’argot du peuple.

Dégingander (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se donner des allures excentriques et de mauvais goût.

France, 1907 : Marcher d’une façon gauche : se donner des allures excentriques. Le mot date du XVe siècle. On écrivait alors déguenguander. Rabelais dit déhingander.

— Je me donne à tous les diables, si les rhagadies (gerçures) et hémorrhoïdes ne m’advinrent si très horribles que le pauvre trou de mon clouz bruneau en feut déhingandé.

(Pantagruel)

Charles Nisard donne comme radical à ce mot le roman guandia ou guanda ; au figuré, tromperie, tergiversation, détour et, au propre, tout mouvement de côté pour s’esquiver.

Déglingué (être)

France, 1907 : Être fripé, déchiré, en haillons.

Déglingue (tomber dans la)

Virmaître, 1894 : Être tout à fait par terre. Plus misérable que les misérables (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Tomber dans la dernière misère.

Déglinguer

Fustier, 1889 : Détériorer.

La Rue, 1894 : Détériorer. Arracher.

Rossignol, 1901 : Déchirer.

Tu viens de nu déglinguer les baguenaudes de mon serouel.

Hayard, 1907 : Abîmer, déchirer.

France, 1907 : Abimer, détériorer, friper.

— Hé ! dites donc, vous, là-bas ! Quand vous aurez fini de tripoter ma fille ! vous allez me la déglinguer !

(Les Joyeusetés du régiment)

Dégobillade

Delvau, 1866 : s. f. Résultat d’une indigestion, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Vomissement, chose malpropre et répugnante.

Dégobillage

Rigaud, 1881 : Matières rejetées hors de l’estomac. — Dégobiller, vomir. — Pratiquer sa cambrure dans un fort dégobillage escrabouillé sur le trot. Mettre le pied dans un fort dégobillage aplati sur le trottoir.

Dégobiller

d’Hautel, 1808 : Vomir les viandes, que l’on a prises avec excès ; regorger le vin dont on s’est enivré.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Avoir une indigestion.

Virmaître, 1894 : Vomir (Argot du peuple). V. Mettre du cœur sur le carreau.

Rossignol, 1901 : Vomir.

Hayard, 1907 : Vomir.

France, 1907 : Vomir : de gobiller, fréquentatif de gober.

Lors je fis mettre le couvert
Sous un rocher creux et couvert
De quantité d’arbres sans nombre,
Où l’on pouvoit manger à l’ombre,
Aussi tost que l’on eut servy,
Tout aussi-tost tout fut ravy
Par ces franches escornifleuses :
O bon Dieu ! les braves mangeuses !
Le chancre près d’elles n’est rien,
Quoy qu’un chancre mange très bien,
Mais les porques dégobillèrent
Et toutes nos napes souillèrent.

(Scarron, Le Virgile travesti)

Dégobillis

d’Hautel, 1808 : Vomissement ; rejet des alimens que l’on a pris avec trop d’abondance. Le peuple dit par corruption, dégobillage.

Dégoiser

d’Hautel, 1808 : Babiller, bavarder avec feu ; caqueter comme un perroquet.
Il a l’air dégoisé ; c’est-à-dire, fin et mâdré.
On dit aussi d’une fille hardie, qui semble en savoir plus qu’il ne convient, qu’elle a l’air dégoisée.
Faire dégoiser quelqu’un.
Le faire jaser, lui tirer les vers du nez.

Rossignol, 1901 : Parler, causer, dire.

As-tu bientôt fini de dégoiser sur tout le monde. — Je le sais, on me la dégoisé.

Dégommade

Delvau, 1866 : s. f. Vieillesse, décrépitude naturelle ou précoce, — dans l’argot du peuple.

France, 1907 : Voir Dégommage.

Dégommage

Rigaud, 1881 : Perte d’emploi. — Misère. Allusion aux timbres-poste qui, faute de gomme, ne tiennent pas.

France, 1907 : Ruine morale ou physique. En argot militaire, cassation. Le gradé cassé perd en effet, de son brillant, de son lustre, de sa gomme.

Dégommé

Larchey, 1865 : Fané, terni.

Je me rouille, je me dégomme.

Labiche.

Rigaud, 1881 : Usé, vieilli, flétri. — Comme elle est dégommée. — Infortuné qui a perdu sa place. — Préfet dégommé.

C’est moi qui du coin d’la rue,
J’ta l’premier trognon de laitue
À c’ pouvoir qu’est dégommé.

(L. Festeau, Le Gamin 1834.)

France, 1907 : Mort. Quart des dégommés, commissaire des morts.

Dégommer

un détenu, 1846 : Mourir, cesser de vivre.

Larchey, 1865 : Destituer.

Réélu ! — Dégommé !

Gavarni.

Delvau, 1866 : v. a. Destituer, casser d’un grade, — dans l’argot des troupiers. Se dégommer. S’entre-tuer.

Rigaud, 1881 : Surpasser. — Destituer.

Fustier, 1889 : Mourir. Dégommé, mort. Quart des dégommés, commissaire des morts.

France, 1907 : Surpasser.

France, 1907 : Mourir.

— Comment ! Le colonel est dégommé ! C’est pour ça qu’on est si joyeux ! C’était pourtant un brave brave homme.
— Brave homme, c’est possible ! mais ça va faire de l’avancement ! de l’avancement, mon bon, de l’avancement…

(Hector France, L’Homme qui tue)

France, 1907 : Casser, en argot militaire, un caporal ou un sous-officier de son grade. Destituer un fonctionnaire, lui enlever sa gomme.

La cour, qui en voit de raides cependant, a eu de la peine à digérer celle-là. Toutelois, on n’ose jamais tenir grande rigueur à un premier ministre. Timidement la magistrature lui a posé cette petite question : Mais vous êtes trigame ?
— C’est bien possible, a répondu Crispi, mais je suis aussi ministre. Si vous ne me f… pas la paix, je vous dégomme.

(Le Petit Pioupiou)

N’est-ce pas la gomme qu’on emploie pour donner à une étoffe la roideur, le poli, l’éclat ? Quand cette étoffe est dégommée, elle a perdu son lustre, elle est devenue chiffon. Un homme maladif, souffrant, est, dit-on, dégommé. C’est une expression très juste et qui lait image. Voyez ce préfet, à la démarche roide et fière, au regard olympien. Il fait trembler son département. — Vienne un simple télégramme, trois mots… Il est démissionné — non, il est dégommné. Son œil se voile, sa raideur s’affaisse. (J’en ai connu un qui avait perdu en une nuit dix centimètres de sa taille.) Le frac vulgaire, ou le démocratique paletot-sac, a remplacé l’habit brodé. Dégommé ! oh ! oui, dégommé !

(Baron Piot)

Dégommer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Vieillir, perdre de ses cheveux, de son élégance, de sa fraîcheur, — au propre et au figuré.

France, 1907 : S’entre-tuer.

Napoléon, c’vieux grognard,
D’ces jeux où l’on se dégomme,
En queuqu’s mots résumait l’art.

(Vieille chanson)

Se dit aussi pour vieillir, perdre ses cheveux, ses dents, sa fraîcheur.

Dégorger

d’Hautel, 1808 : C’est un gros pigeon qu’il faut faire dégorger. Pour c’est un escroc, un voleur, qu’il faut forcer à restitution.
Dégorge. Se dit à un joueur de mauvaise foi, qui après avoir gagné frauduleusement finit par perdre.

Rigaud, 1881 : Avouer.

Il devait en jauger plus qu’il n’avait voulu certainement en dégorger.

(L. Cladel, Ompdrailles, Le Tombeau des lutteurs.)

France, 1907 : Payer. Dégorger sa sangsue, avoir commerce avec une femme.

Trop de sang, nom de Dieu ! s’écriait le capitaine ; le sang m’étouffe ! J’ai besoin d’une saignée.
— Oui, répliqua le médecin-major, il vous faut dégorger votre sangsue.

(Les Propos du Commandeur)

Dégoté (être)

France, 1907 : Être renvoyé, perdre son emploi.

Pauvre ouvrier en redingote,
Que l’État traite en vrai bourreau,
Pour ne pas que l’on te dégote,
Trime pour ton chef de bureau.

(Jules Jouy)

Dégoter

d’Hautel, 1808 : Terme burlesque fort usité parmi les écoliers, et qui équivaut à déplacer, chasser quelqu’un de son poste, le supplanter dans la place ou le rang qu’il occupoit.
Il a beau faire, il ne le dégotera pas. C’est-à dire, quoiqu’il fasse, quelque peine qu’il se donne pour le déplacer, il n’y parviendra pas.

La Rue, 1894 : Prendre. Apercevoir. Découvrir. Destituer. Surpasser.

Rossignol, 1901 : Trouver, voir.

Il y a un mois que je cherchais mon chien, j’ai fini par le dégoter. — J’ai dégoté la femme à Jules au bras d’un amoureux.

Dégoter veut aussi dire faire mieux qu’un autre. On dit encore de quelqu’un qui est mal vêtu : il la dégote mal.

Dégoter, dégotter

France, 1907 : Surpasser.

L’émulation, ce puissant moteur du bien, existe aussi pour le mal. Les jeunes rôdeurs se montent mutuellement la tête. Ils veulent faire parler d’eux, devenir célèbres, dégotter tel ou tel cabot du crime dont le public s’entretient. Ils vont au mal, parce que la route du mal s’ouvre devant eux. Peut-être iraient-ils au bien si la société se préoccupait avec plus d’intelligence de leur en montrer le chemin.

(Paul Foucher)

Bien à tort, le public s’exclame
Sur la finesse de Prado ;
Cet assassin, je le proclame,
N’est qu’un maladroit, un lourdaud.
Sans me faire de la réclame,
Je puis dire, sans vanité,
Que, par mon habileté,
Je l’ai vraiment dégoté !

(Jules Joly)

— Sieds-toi, monsieur ; regarde comme je suis belle ! Et prends-moi, si ça te plaît !
Il s’étendit à plat le ventre sur le divan aux couleurs tapageuses qui, rehaussant cet humble boudoir, lui prêtait, à la clarté molle de deux lampes d’albâtre, une certaine apparence de luxe, et, s’étant étiré les quatre membres, il bâilla, puis il la contempla nonchalamment de cet œil connaisseur avec lequel maquignons et gentilshommes étudient la structure des pur sang.
— Hé ! hé ! bourdonna-t-il, tu dégotes la Médicis et la Milo !

(Léon Cladel, Une Maudite)

Dégottage

Delvau, 1866 : s. m. Action de surpasser quelqu’un en force ou en talent, en esprit ou en beauté. Argot des faubouriens. Signifie aussi : Recherche couronnée de succès.

Rigaud, 1881 : Trouvaille.

Rigaud, 1881 : Supériorité morale ou physique.

France, 1907 : Action de surpasser quelqu’un d’une façon quelconque.

Dégotter

un détenu, 1846 : Trouver quelqu’un ; piller, prendre, enlever.

Larchey, 1865 : Surpasser. On disait en 1808 dégoutter, c’est-à-dire : être placé au-dessus de quelqu’un, dégoutter sur lui. V. d’Hautel.

Quel style ! Ça dégotte Mm’ de Sévigné.

Labiche.

Delvau, 1866 : v. a. Surpasser, faire mieux ou pis ; étonner, par sa force ou par son esprit, des gens malingres ou niais. Signifie aussi : Trouver ce que l’on cherche.

Rigaud, 1881 : Surpasser. — Prendre la place d’un autre — Trouver. Dégotter une roue de derrière, trouver une pièce de cinq francs.

D’ailleurs, l’affaire est à moi. Je l’ai dégottée et, de plus, j’ai donné le coup.

(G. Marot, l’Enfant de la Morgue.)

Merlin, 1888 : Surpasser.

Virmaître, 1894 : Se dit de quelqu’un mal habillé.
— Tu la dégottes mal.
Dégotter, signifie également trouver.
— Il y a deux mois que je la cherche, j’ai fini par la dégotter.
Dégotter
quelqu’un : faire quelque chose mieux que lui. Victor-Hugo, par exemple dégotte Sarrazin, le poète aux olives (Argot du peuple).

France, 1907 : Trouver, découvrir.

Pour cette fois, les policiers ont fait four, ils n’ont pu rien dégotter qui donne un semblant de raison à leurs menteries.

(Père Peinard)

— Tiens ! quoi donc que j’dégott’ dans l’noir,
Qu’est à g’noux, là-bas, su’ l’trottoir ?
Eh ben ! là-bas, eh ! la gonzesse !

(André Gill, La muse à Bibi)

Dégotter (la)

Rigaud, 1881 : Faire figure, représenter. Il la dégotte mal, il a mauvaise tournure, argot du peuple.

Dégouler

Rigaud, 1881 : Baisser, diminuer, ralentir, s’en aller. « Le travail dégoule, » — dans le jargon des ouvriers. C’est l’opposé Rabouter.

France, 1907 : Tomber.

Dégoulinage

Rigaud, 1881 : Larmes silencieuses ; eau qui tombe goutte à goutte.

France, 1907 : Boisson de qualité inférieure.

Dégoulinement

France, 1907 : Coulement lent d’un liquide.

Par intermittences, des grommellements sourds lui montaient aux dents, à travers le tire-jutage d’une chique de tabac que, d’un coup de langue, il poussait d’une joue à l’autre ; et en un mouvement machinal, il passait la main sur le bas de son groin lubrifié par le dégoulinement des salives.

(Camille Lemonnier)

Dégouliner

Larchey, 1865 : Couler doucement. — Onomatopée.

V’là au moins la vingtième (larme) qui dégouline sur ma joue.

Ricard.

Delvau, 1866 : v. n. Couler, tomber goutte à goutte des yeux et surtout de la bouche, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Couler doucement goutte à goutte. Les larmes dégoulinent le long des joues. — Dégouliner ce qu’on a sur le cœur, dire sa façon de penser, se soulager par l’aveu d’un secret. Le mot date de la fin du XVIIIe siècle.

Céline baissa la tête, alors l’autre baissa aussi la tête et une grosse larme lui dégoulina des cils.

(Huysmans, les Sœurs Vatard)

France, 1907 : Couler lentement, goutte à goutte. Dégouliner ce que l’on a sur le cœur, même sens que se déboutonner.

Il avait gardé dans les mâchoires une chique de tabac dont le jus coulait en filets bruns sur les picots de son menton, et de là dégoulinait parmi les ganglions du cou, comme à travers des rigoles.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Dégourdi

d’Hautel, 1808 : Un dégourdi. Un garçon alerte et éveillé, et très-près regardant sur ses intérêts.

Virmaître, 1894 : Se dit par ironie d’un homme lourd et pâteux.
— J’ai froid, je vais marcher vite pour me dégourdir les jambes.
On dit d’une gamine qui connaît à six ans ce qu’elle devrait ignorer à quinze : elle est dégourdie pour son âge (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Malin. On dit aussi de celui qui est leste : c’est un dégourdi.

France, 1907 : S’emploie ironiquement pour le contraire.

— Allons, espèce d’empoté ! Vous avez l’air d’une andouille ! Avancez donc, bougre de dégourdi !… hurla au jeune engagé le sous-off, en guise d’encouragement.

(Les Joyeusetés du régiment)

France, 1907 : Émancipé, alerte, actif.

Un grand gaillard, propre comme un sou neuf, des guêtres éblouissantes, la vareuse bien tendue sur le ceinturon luisant, le képi sur l’oreille, le teint brûlé, de la moustache à peine, l’air dégourdi d’un faubourien de grande ville.

(Paul Bonnetain, Le nommé Perreux)

Dégourdir

d’Hautel, 1808 : On dit malicieusement d’une jeune demoiselle qui chaque jour devient plus libre, qui prend un air gaillard avec les hommes, qu’elle commence à se dégourdir.

Delvau, 1866 : v. a. Émanciper l’esprit ou les sens de quelqu’un, — dans le même argot [du peuple]. Se dégourdir. Se débourrer, se débarrasser de ses allures gauches, de la timidité naturelle à la jeunesse. Signifie aussi : S’amuser.

Rossignol, 1901 : Lorsqu’il fait froid, on marche vite pour se dégourdir les membres. On dit aussi à celui qui est mou, mollasse :

Je vais te dégourdir.

France, 1907 : Déniaiser quelqu’un. Donner à quelqu’un de l’entregent, de l’initiative, lui faire perdre de sa gaucherie et de sa timidité.

Dégoutation

Rigaud, 1881 : Personnification dégoûtante. (L. Larchey) Une dégoutation d’homme.

Dégoûtation

France, 1907 : Personne ou chose dégoûtante.

En course, l’après-midi, son grand carton sous le bras, ou, le soir, lorsqu’elle remontait vers les pruneaux paternels, elle allumait les regards et électrisait les moelles des vieillards fatigués qui guettent le fruit vert dans les passages. Mais les vieillards fatigués en étaient pour leurs furtifs attouchements et leurs propositions chuchotées. Elle filait comme une comète, avait vite essoufflé les suiveurs. Enfin, chaque soir, à son sixième de la rue de la Goutte-d’Or, en se mettant au lit, séparée par une cloison mince comme une feuille de papier du lit où l’épicier cohabitait avec sa concubine, Solange s’endormait en se disant : « Pouah ! tout ça c’est de la degoûtation… Moi, je le garde pour me marier… »

(Paul Alexis)

Dégoûté (n’être pas)

Delvau, 1866 : Prendre le meilleur morceau, choisir la plus jolie femme, — dans le même argot [du peuple].

Rigaud, 1881 : Savoir apprécier, montrer du goût. — Vous aimez les jolies femmes, vous n’êtes pas dégoûté.

Dégouté (pas)

Larchey, 1865 : Ambitieux.

Se dit en plaisantant d’un homme qui sans avoir l’air de choisir, prend le meilleur morceau.

d’Hautel, 1808.

« Belle dame, vous êtes joliment jolie ce soir ! je souperais fièrement avec vous. » — « Tu n’es fichtre pas dégoûté. » — Gavarni.

Dégoûté (pas)

France, 1907 : Se dit de quelqu’un qui désire au-dessus de sa condition ou hors de toute probabilité de réussite.

— Je coucherais bien avec la marquise.
— Je te crois, mon vieux larbin, tu n’es pas dégoûté !

Dégoûter

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas dégoûté. Se dit en plaisantant d’un homme qui, sans avoir l’air de choisir, prend toujours le meilleur morceau d’un plat, ou s’approprie la meilleure partie d’un lot ou d’une affaire.
C’est un bon dégouté. Pour c’est un luron de bon appétit, qui aime le plaisir par-dessus toute chose.

Dégoutter

d’Hautel, 1808 : Quand il pleuvra sur lui il dégouttera sur moi. C’est-à-dire, j’aurai part au bien ou au malheur qui lui arrivera.
À la cour, chez les gens puissans, s’il n’y pleut il y dégoutte. Signifie que s’il n’est pas jours permis d’y espérer une grande fortune, on peut du moins y prétendre à quelqu’avantage.

Dégrafée

Hayard, 1907 : Prostituée élégante.

France, 1907 : Jeune personne de mœurs plus que légères.

Chez une de nos dégrafées :
Après déjeuner, le vieux baron de X… ayant trop présumé de ses forces, s’affale tout à coup sur le canapé, pris d’une syncope.
La belle, effrayée, sonne et dit à sa camériste qui accourt :
— Des sels, vite, des sels !
Le vieux, se remettant un peu et entr’ouvrant péniblement un œil :
— Non, du poivre, plutôt !

(Ange Pitou)

Deux dégrafées de haute marque parlent chacune de son seigneur et maître avec une égale désinvolture.
— Il est très gentil le baron, mais il m’embête.
— Comme le comte, alors !
— Dame ! Il est toujours sur mon dos.
— Moi, c’est le contraire !

(Gil Blas)

Dégraffer

d’Hautel, 1808 : Détacher une agraffe. Le peuple dit par corruption désagraffer.

Dégraisser

d’Hautel, 1808 : On dit figurément d’un homme que l’on a dépouillé d’une grande partie des biens qu’il avoit mal acquis, qu’on l’a bien dégraissé.

Rigaud, 1881 : Faire perdre de l’argent. — Dégraisser le hausse, faire perdre de l’argent au patron.

La Rue, 1894 : Voler.

France, 1907 : Voler, l’argent étant considéré comme une graisse. Se dit aussi pour toucher de l’argent chez un débiteur. Dans l’argot des filles dégraisser un homme, c’est de ruiner.

Dégraisser (se)

Delvau, 1866 : Maigrir, — dans l’argot du peuple.

Dégraisser un homme

Delvau, 1866 : v. a. Le ruiner, — dans l’argot des petites dames, qui trouvent alors qu’il n’y a pas gras dans ses poches.

Dégraisseur

Rigaud, 1881 : Filou, usurier, — dans le jargon des voyous. Envoyer une bobine chez le dégraisseur, voler une montre.

Virmaître, 1894 : Le garçon de banque qui à chaque échéance vient dégraisser les débiteurs (Argot du peuple). N.

Hayard, 1907 : Garçon de recettes.

France, 1907 : Garçon de banque qui passe à chaque échéance chez le débiteur pour le dégraisser.

Dégraisseurs

Rossignol, 1901 : Garçons de recette.

Degré de longitude

France, 1907 : Membre viril. On l’appelle aussi : bâton pastoral, bâton de lit, branche de corail, bréviaire, fuseau, laboureur de nature, paquet de mariage, pèrm bout avant, pièce de génération, touche d’Allemand.

Dégrimauder

France, 1907 : Marmotter entre ses dents d’un air mécontent, comme fout les vieilles femmes.

Dégrimoner (se)

France, 1907 : S’agiter, se tourmenter.

Dégrimonner

Rigaud, 1881 : S’agiter, se tourmenter, — dans l’argot des bourgeois. (L. Larchey)

Dégringiller

France, 1907 : Sortir.

Dégringolade

Delvau, 1866 : s. f. Ruine, débâcle de fortune, — dans l’argot des bourgeois, témoins des croulements fréquents des parvenus d’aujourd’hui.

Rigaud, 1881 : Vol. — Dégringolade à la flûte, vol commis par une fille publique sur la personne d’un client.

La Rue, 1894 : Vol ou assassinat. Mort.

Virmaître, 1894 : V. Dégringoler.

Rossignol, 1901 : Lorsque les affaires vont en périclitant, c’est de la dégringolade.

France, 1907 : Chute ; vol ; assassinat ; mort.

Nous qui, jadis, montrions tant d’ardeur et d’enthousiasme, et à qui les autres peuples prêtaient tant d’esprit, — pourquoi dit-on qu’ils nous prêtaient de l’esprit ? ils en avaient donc ? — je nous regarde aujourd’hui veules, avachis, et nous laissant aller à une véritable dégringolade, effet désastreux de j’ignore quelle cause et qui nous abîmera au fond de je ne sais quoi.

(Louis Davyl)

Dégringolade à la flûte

La Rue, 1894 : Vol commis par une prostituée sur son client.

Virmaître, 1894 : Vol commis par une fille sur un miché de passage. L’expression flûte est assez significative (Argot des voleurs).

France, 1907 : Vol commis par une fille publique sur un client de passage. Expression imagée.

Dégringolage

France, 1907 : Vol.

Dégringolé du c. de Marie la salope

Rigaud, 1881 : Enfant de père inconnu.

Dégringoler

d’Hautel, 1808 : Descendre en hâte, se laisser choir ; tomber de l’endroit où l’on étoit monté.
Faire dégringoler les escaliers à quelqu’un. Le faire descendre quatre à quatre, avec ignominie.
On dit aussi figurément d’une personne dont la fortune va toujours en décroissant, qu’il dégringole.

Rigaud, 1881 : Voler. Dégringoler un aminche, voler un camarade.

Virmaître, 1894 : Tomber d’une haute situation dans la misère. Dégringoler un pante : tuer un bourgeois. Dégringoler des hauteurs d’un succès pour tomber dans la médiocrité (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Voler. Si en entrant chez soi on trouve son logement dévalisé, c’est que l’on a été dégringolé.

Hayard, 1907 : Glisser, tomber.

France, 1907 : Voler où tuer.

Nos pères ne connaissaient pas le récidiviste, plaie de nos grandes villes. De leur temps, la première fois qu’on prenait un particulier à dégringoler un pante, on lui cassait les bras et les jambes et on le laissait expirer, les membres entrelacés, dans les jantes d’une roue de cabriolet, supplice d’une inutile atrocité, mais qui ne permettait pas la récidive.

(Albert Rogat)

Quand la môm’ rend visite
À Lazar’, son patron,
Pour remplacer la p’tite
Faut qu’ils gagn’nt du pognon
Ils dégringol’nt, en douce,
Les malheureux poivrots,
Car ils n’ont pas la frousse
Les petits gigolos !…

(Léo Lelièvre)

France, 1907 : Tomber, perdre sa situation.

Chose curieuse ! sa fin (Maurice Richard) lui avait été prédite avec tous les détours possibles, il y a peu de temps, par une mondaine de ses amies qui s’occupe de graphologie.
Elle faisait devant lui des expériences avec l’écriture de diverses personnes. Le châtelain de Millemont voulut avoir son horoscope et se mit à griffonner quelques lignes d’écriture.
— Oh ! oh ! se récria la dame en inspectant l’autographe, il faut faire attention, car vous dégringolez, mon cher ministre !…

(Gil Blas)

Dégringoler de la mansarde

Fustier, 1889 : Sentir mauvais de la bouche.

France, 1907 : Avoir mauvaise haleine.

Dégringoler par la gargouille

France, 1907 : Couler dans le gosier ou sur la figure.

Sûr, i’ pleut ! Mêm’ que ça coul’ dru ;
Ça dégringol’ par la gargouille ;
Jusqu’à présent j’ai toujours cru
Qu’quand i’ tombe d’eau ça vous mouille…

(Aristide Bruant)

Dégringoleur, euse

Fustier, 1889 : Voleur, euse.

Malgré la réputation de dégringoleuse de la prévenue, le vol du chronomètre n’a pas été suffisamment établi à sa charge.

(Gazette des Tribunaux, août 1884)

Dégringoleuse

Hayard, 1907 : Prostituée qui dévalise.

Dégrossir

Delvau, 1866 : v. a. Découper des viandes, — dans l’argot des francs-maçons.

France, 1907 : Découper de la viande. Terme de bouchers

Dégrossir une paysanne

France, 1907 : La dégourdir et, souvent, la rendre grosse.

Une jolie petite bonne, arrivée récemment de la campagne et paraissant fort naïve, éprouve tout à coup une indisposition inaccoutumée. On envoie chercher le médecin.
— Oh ! oh ! fait celui-ci au maître de céans, je crois que notre ingénue a été dégrossie.
— Non, monsieur, répond la paysanne, je crois, au contraire, que je suis grosse.
Et elle se met à pleurer.
— C’est ce que je voulais dire, reprend le docteur. Et… de combien, pensez-vous ?
— Hélas ! monsieur, d’une fois seulement.

Dégrouiller

France, 1907 : Bruit que les boyaux font dus le ventre.

Dégrouper (se)

Rigaud, 1881 : Se retirer d’un endroit, quitter une société, — dans le jargon du peuple. Dégroupons, faut aller pioncer.

T vas te fair’ dégrouper et p’us vite que ça, vadrouilleux.

Déguelade, dégueulage

France, 1907 : Vomissement.

Déguelindo

Rossignol, 1901 : Rot, roter.

Dégueulade, dégueulage, dégueulis

Fustier, 1889 : Vomissement. Dégueulage a aussi, dans le peuple, le sens de cravate.

Dégueulando

France, 1907 : « En dégueulant », latinisme de cuisine.

Et sur ces pauvres faces, si dolentes au réveil, un rayon s’allumait et comme une aurore se mettait à fleurir, tandis que le chanteur continuait sa romance, pourtant bien banale, barytonnée de quel accent à la fois vulgaire et prétentieux, avec des ports de voix pleurarde, des roulades gargouillantes et de savonneux roucoulements dégueulando…
Plus prétentieux alors, plus artiste et plus cabotin se faisait le chanteur, qui grasseyait jusqu’à l’écœurement ses flûteries mélancoliques, se gargarisait sans fin de ses roulades, roucoulait caracoulait et s’alanguissait en ports de voix où l’on eût dit que dans un dégueulando suprême il allait rendre l’âme.

(Jean Richepin)

Dégueularder

France, 1907 : Parler, médire.

Dégueulas

Delvau, 1866 : adj. Dégoûtant, — dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des gens et des choses.

Rigaud, 1881 : Dégoûtant.

Rossignol, 1901 : Chose écœurante à voir.

France, 1907 : Qui donne envie de vomir. Le féminin est dégueulasse.

Voir cette fin de siècle, dégueulasse au possible, où tout est menteries, crapuleries et brigandages, — et assister la bouche close à tout ça : nom de Dieu ! je pouvais pas m’y faire.

(Almanach du Père Peinard, 1894.)

Dégueulas, dégueulatif, dégueuldif, dégoutatif et emmerdatoire

Virmaître, 1894 : Individu à l’aspect tellement dégoûtant que sa vue soulève le cœur et donne envie de vomir (Argot du peuple). N.

Dégueulasse

Hayard, 1907 : Dégoûtant.

Dégueulatif

Rigaud, 1881 : Être, objet dégoûtant, dont la vue fait vomir.

Vos pareils ont l’habitude vraiment dégueulative d’attendre les filles du peuple à la sortie des ateliers.

(L’art de se conduire dans la société des pauvres bougres, 1879.)

Dégueulatoire

Fustier, 1889 : Repoussant, dégoûtant, qui donne envie de dégueuler.

France, 1907 : Repoussant.

Dégueulbite, dégueulboche

Rigaud, 1881 : Dégoûtant, — dans le jargon des voyous. Dérivés de dégueulis.

Dégueuler

d’Hautel, 1808 : Terme bas et ignoble quand on l’applique à un être doué de raison, et qui signifie vomir, dégorger. On dit figurément d’un grossier, d’un butor qui se plait à dire des injures, qu’il ne fait que dégueuler.

Delvau, 1866 : v. a. et n. Avoir une indigestion, — dans l’argot du peuple.

La Rue, 1894 : Dénoncer ses complices.

France, 1907 : Vomir.

Françoise, qui toujours est prête
À faire entendre son caquet,
Veut crier plus haut ; un hoquet
Lui coupe soudain la parole,
Il redouble. — Oh ! lui dit Nicole,
Ne nous dégueulez pas au nez…

(J.-J. Vadé, Œuvres poissardes)

France, 1907 : Parler avec abondance, comme si l’on vomissait ses paroles.

Réciter de mémoire une leçon du professeur, tout un chapitre de chimie : parler d’abondance sans s’inquiéter de comprendre ce que l’on dit. Certains « colleurs » prétendent coter l’intelligence de l’élève ; d’autres apprécient uniquement le dégueulage. Le comble de l’astuce est de dégueuler sa réponse, en s’exprimant avec une légère hésitation, afin de laisser croire qu’on a trouvé par réflexion la réponse à la question posée.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argort de l’X)

Dégueulis

Delvau, 1866 : s. m. Résultat d’une indigestion.

Rigaud, 1881 : Matières rejetées hors de l’estomac. Mot à mot : au-delà de la gueule.

France, 1907 : Vomissement.

Dégueuloir

France, 1907 : Récipient dont se servaient les anciens pendant leurs banquets pour se décharger l’estomac et pouvoir le remplir à nouveau.

Si les consuls romains, en général, étalaient leurs déportements, ils apportaient dans l’administration, dans l’armée, dans les arts, des merveilleuses capacités intellectuelles, parce que ces gens-là sentent si bien la nécessité de renouveler leur chyle, puis leur sang riche, qu’ils mangeaient même plus que leur estomac ne pouvait contenir ; et ne sait-on pas que leurs salles de festins étaient pourvues de dégueuloirs !

(Paul Pourot, Les Ventres)

Dégui

Delvau, 1866 : s. m. Déguisement — dans l’argot des voleurs.

La Rue, 1894 : Déguisement. Signalement.

Virmaître, 1894 : Abréviation de déguisement (Argot des voleurs).

Déguignoner

d’Hautel, 1808 : Être déguignoné. N’être pas toujours dans le malheur, avoir des intervalles de bonne fortune ; regagner ce que l’on a perdu au jeu.

Déguis

France, 1907 : Abréviation de déguisement.

Déguiser (se) en cerf

La Rue, 1894 : Fuir.

Déguiser en cerf

un détenu, 1846 : Prendre la fuite.

Déguiser en cerf (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se retirer avec plus ou moins d’empressement, — dans l’argot des faubouriens.

Virmaître, 1894 : Se sauver le plus rapidement possible.
— Je t’invite à un bal masqué, quel costume prendras-tu ?
— Je me déguise en cerf.
Mot à mot : Je n’y vais pas (Argot du peuple). N.

France, 1907 : S’enfuir le plus vite possible.

Déguismar

Rigaud, 1881 : Déguisement. Variantes : Déguis, déguisemuche, déguisemince.

Déhanché

d’Hautel, 1808 : Avoir l’air d’un déhanché. C’est-à-dire, l’air d’un polisson, d’un libertin, d’un mauvais sujet

Déhotter

Hayard, 1907 : Partir.

France, 1907 : Débourber un chariot ; du patois rémois.

Deïe

un détenu, 1846 : Foule, monde, attroupement.

Déjeté

Delvau, 1866 : adj. Individu mal fait, laid, maigre, dégingandé, — dans l’argot des ouvriers. N’être pas trop déjeté. Être bien conservé.

Rigaud, 1881 : Homme courbé par le malheur ou la maladie, affaissé moralement ou physiquement. Femme déjetée, femme sur le retour.

La Rue, 1894 : Laid. Mal venu. Ne pas être déjeté, avoir bonne mine, être joli, bien fait.

Hayard, 1907 : Décrépit.

France, 1907 : Mal bâti. N’être pas déjeté, avoir bonne mine.

Déjeter

Rossignol, 1901 : Mal, vilain. Une femme d’un certain âge, bien conservée, n’est pas toujours à déjeter.

Déjeûner

d’Hautel, 1808 : Il n’en a pas pour un déjeûner. Métaphore qui se prend en bonne part, en parlant d’un ouvrier fort habile à l’ouvrage ; et en mauvaise part en parlant d’un dissipateur.
Déjeûner de clerc. Déjeûner sec et de courte durée.

Déjeuner à la fourchette

Merlin, 1888 : Se battre en duel. C’est le matin qu’on se rend, en effet, généralement sur le terrain ; mais comme dans le métier militaire on se bat parfois pour des motifs futiles et qu’avec les précautions prises, le duel n’a, la plupart du temps, aucun résultat fâcheux, il n’est pas rare que l’incident soit suivi d’un véritable déjeuner à la fourchette.

France, 1907 : Duel au sabre ou au fleuret ; argot militaire.

Déjeuner de perroquet

Delvau, 1866 : s. m. Biscuit trempé dans du vin, qui permet d’attendre un repas plus substantiel. Argot des bourgeois.

France, 1907 : Pain où biscuit trempé dans du vin.

Déjeuner de soleil

Rigaud, 1881 : Objet de peu de durée : s’emploie surtout en parlant d’une étoffe mauvais teint.

C’est un déjeuner de soleil.

Déjoséphier

France, 1907 : Déniaiser, en parlant des garçons, par allusion à Joseph que madame Putiphar ne parvint pas à déniaiser.

Déjucher

d’Hautel, 1808 : Chasser quelqu’un d’un lieu où il est bien établi.
On aura bien de la peine à le déjucher de là. Pour on le fera difficilement déguerpir de ce lieu là.

Delader

M.D., 1844 : Ne pas être heureux.

Délamponné

France, 1907 : Débraillé, déchiré ; du patois rémois. « Un petit drôle tout délamponné. »

Deleatur

Boutmy, 1883 : s. m. Signe ayant à peu près la forme d’un delta grec, et par lequel on indique, dans la correction des épreuves, ce qui est à retrancher. Ce mot qui est la troisième personne sing. du présent du subjonctif passif du verbe latin delere, effacer, signifie : qu’il soit effacé.

Delenda Carthago

France, 1907 : « Il faut détruire Carthage. » Ce latinisme s’emploie en parlant d’un orateur où d’un écrivain qui ramène sans cesse et avec obstination ses discours ou ses écrits sur le même sujet, une idée qu’il croit bonne et utile à la cause qu’il défend, comme le célèbre Caton, dit l’Ancien ou le Censeur, qui ne prenait la parole au sénat romain que pour terminer ses discours par ces mots « et delenda Carthago ». La reprise de l’Alsace-Lorraine est le delenda Carthago des patriotes.

Délibérable (un)

Merlin, 1888 : Pour libérable.

Délicat

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme qui a le goût difficile, qu’il est délicat et blond.

Délicat et blond

Delvau, 1866 : adj. Se dit ironiquement d’un gandin, d’un homme douillet, quelles que soient la couleur de ses cheveux et la vigueur de son corps. L’expression date d’un siècle.

France, 1907 : Gandin, homme douillet, petit crevé.

Délicoquentieusement

Larchey, 1865 : Délicieusement. — V. Supercoquelicantieux.

Pour y retrouver un Arthur delicoquentieusement séducteur.

Ed. Lemoine.

Delvau, 1866 : adv. Merveilleusement, — dans l’argot des coulisses.

France, 1907 : Mot inventé par quelque imbécile ou quelque fat de lettres pour dire délicieusement et qui a été adopté aussitôt par les moutons de Panurge qui composent le public.

Delige

Larchey, 1865 : Voiture publique (Vidocq). — Abrév. de diligence.

Délige

Delvau, 1866 : s. f. Diligence, — dans l’argot des voyous, qui ne parlent pas toujours diligentissimè.

France, 1907 : Coche, patache. Altération de diligence.

Délinquement

France, 1907 : Délit, faute : vieux français.

Blanquine de Laborde ayant été séduite par Jean du Ganser, le sénéchal d’Oloron condamna ce dernier à payer à sa victime pour son délinquement et récompense de la défloration cinquante écus petits et une vache pleine ou avec son veau.

(V. Lespy et P. Raymond)

Déliquescence

France, 1907 : Coterie littéraire, cousine germaine des décadents.

La politique des groupes n’a et ne peut avoir que deux résultats : la violence, — comme dans la Convention — ou la déliquescence, comme aujourd’hui.

(Nestor, Gil Blas)

Déliquescent

France, 1907 : Poète qui se dit délicat, et qui n’est le plus souvent qu’incompréhensible et assommant.

Eugénie Forestier sort de la geôle pour reprendre son métier de fille entretenue. Le jury a fait preuve envers elle d’une indulgence extraordinaire. On avait parlé à l’audience de la possibilité de la ramener au bien. O le joli pied de nez qu’elle fait, la belle fille, à ces humanitaires déliquescents ! L’écrou levé elle reprend le collier de travail et de diamants.

(Edmond Deschaumes)

Délirant

Rigaud, 1881 : Charmant.

Je ne vous connaissais pas ce bracelet, Cydalise ; il est délirant.

(Al. Karr, Les Femmes.)

Delirium tremens

France, 1907 : Folie furieuse ; latinisme.

L’ivresse est héréditaire dans sa famille : sa mère est morte à Sainte-Anne, à la suite d’un delirium tremens ; son père, après une tentative de suicide, a fini ses jours récemment à l’hôpital ; elle-même est maintenant près de sa fin ; l’alcool accomplit son œuvre néfaste ; bientôt la mort aura raison de ce corps saturé.

(G. Macé, Un Joli monde)

Trouver un rapport quelconque entre la très sublime et très sainte idée du socialisme et ces cas de delirium tremens pour lesquels Chartenton tresse ses camisoles de force et capte tes eaux courantes, ô fleuve séquanien, en ses réservoirs à douches, c’est mériter soi-même ces douches et ces camisoles, car, pas plus que les autres philosophies, le socialisme n’est responsable des idiots ou des canailles qui, au nom de n’importe quelle théorie de progrès ou de réaction, incendient les temples de Delphes ou les bibliothèques d’Alexandrie.

(Émile Bergerat)

Délivre

France, 1907 : Synonyme vulgaire d’arrière-faix ; le placenta et les enveloppes du fœtus.

(Dr Michel Villemaret, Dictionnaire scientifique de l’amour)

Déloger

d’Hautel, 1808 : Il a pris Jacques Déloge pour son procureur. Facétie populaire pour dire qu’un homme a déménagé sans payer ; qu’il s’en est allé furtivement.
Déloger sans tambour ni trompette. Mettre la clef sous la porte ; faire banqueroute ; s’en aller à petit bruit.

Déluber

Rigaud, 1881 : Commencer, débuter. C’est la dislocation de ce dernier mot.

Demain

Larchey, 1865 : Jamais. — Terme ironique. — Demain ne sera jamais aujourd’hui.

France, 1907 : Jamais.

Démancher

d’Hautel, 1808 : Se démancher. Se donner beaucoup de peine ; crier à tue tête ; s’agiter, se démener ; se détraquer pour des choses très-peu importantes.

Démancher (se)

Larchey, 1865 : Se donner grand mouvement.

Et d’la façon dont j’me démanche, On nous verra requinqués à la papa.

Duverny, Chanson, 1813.

Delvau, 1866 : Se remuer beaucoup, se donner beaucoup de mal, souvent inutilement. Argot du peuple.

France, 1907 : Se donner du mal ou du mouvement.

Demande

d’Hautel, 1808 : À sotte demande point de réponse. Se dit à quelqu’un qui fait de sottes questions. Il est moins incivil de dire : À folle demande point de réponse.

Demander

d’Hautel, 1808 : Faut-il demander à un malade s’il veut la santé ? Équivaut à, faut-il demander à un prisonnier s’il veut la liberté ; à une belle, si les hommages la flattent ; à un glorieux, si les honneurs lui sont agréables ; à un avare, si l’argent lui plaît ; à un fat, si la pédanterie lui sied ?

Démanger

d’Hautel, 1808 : La langue lui démange. Se dit d’un grand bavard qui ne peut trouver l’occasion de parler, et qui en meurt d’envie.
On dit aussi d’un homme vif, pétulant et impétueux, que les pieds lui démangent.
Le dos lui démange.
Pour dire, il fait tout ce qu’il faut pour se faire battre.
Gratter où cela démange. Flatter une passion dominante ; caresser ses vices.

Démantibuler

d’Hautel, 1808 : Ce meuble est tout démantibulé. C’est-à-dire, est brisé ; est hors d’état de servir.
Avoir la mâchoire toute démantibulée. C’est à-dire, ébranlée ; en fort mauvais état.

Delvau, 1866 : v. a. Briser, disjoindre. Même argot [du peuple]. C’est démandibuler qu’il faudrait dire ; la première application de ce verbe a dû être faite à propos de la mâchoire, qui se désarticule facilement. Se démantibuler. Se séparer, se briser, — au propre et au figuré.

France, 1907 : Briser, disjoindre. « Un vieux tout démantibulé. »

Démantibuler (se)

Rigaud, 1881 : Se battre, chercher à se casser un ou plusieurs membres.

Démaquiller

Larchey, 1865 : Défaire. V. Maquiller.

Delvau, 1866 : v. a. Défaire une chose faite ou convenue, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Décommander, défaire, renoncer à, — dans le jargon des voleurs.

La Rue, 1894 : Défaire une chose convenue ou faite.

France, 1907 : Défaire une chose arrangée.

Demarcouser

Hayard, 1907 : Démarquer.

Démarger

Delvau, 1866 : v. a. S’en aller, disparaître, s’enfuir, — dans le même argot [des voleurs]. On disait autrefois Démurger.

France, 1907 : Partir ; altération du vieux mot français desmarcher.

Démariager

d’Hautel, 1808 : Se démariager. Pour se séparer de corps et de biens avec sa femme ; divorcer ; faire faux bond à l’hyménée.

Démarquage de linge

Rigaud, 1881 : « Il s’est adonné tout bonnement à un genre d’exercice qu’en argot du métier (de journaliste) nous appelons un démarquage de linge. Il a taillé, coupé, rogné dans notre article sans nous citer. » (H. de Villemessant, Figaro du 6 août 1877.)

Démarquer

France, 1907 : Changer le texte d’un article tout en en conservant le fond.

Démarquer le linge

Rigaud, 1881 : Se parer des plumes, non, de la plume d’un confrère en journalisme.

Démarqueur de linge

Rigaud, 1881 : Journaliste qui s’approprie l’article d’un confrère en changeant quelquefois un peu la rédaction. Par laconisme on dit démarqueur.

M. de P. est ce qu’on peut appeler un de nos bons démarqueurs.

(H. de Villemessant, Figaro du 6 août 1877.)

Dans une autre acception, démarqueur sert à désigner celui qui ôte les marques d’un objet dans un but de tromperie ou de vol. (Littré, Supplément au Dict. franc.)

Virmaître, 1894 : Homme de lettres qui pille ses confrères sans façon. Démarquer un article de journal : changer simplement les phrases. Allusion aux voleurs qui démarquent le linge avant de le bazarder au fourgat (Argot du peuple).

France, 1907 : Plagiaire.

Démarrer

d’Hautel, 1808 : Changer continuellement de place ; être pétulant, vif et léger.
On dit d’un homme très-attaché, très-constant dans ses habitudes, qu’Il ne démarre pas d’un lieu.

Delvau, 1866 : v. n. S’en aller ; quitter une place pour une autre, — dans l’argot du peuple, qui a emprunté ce mot au vocabulaire des marins.

Rigaud, 1881 : Quitter un lieu après une longue station. Les soûlots démarrent péniblement de chez le mastroc, les ivrognes s’en vont avec peine de chez le marchand de vin.

France, 1907 : Partir ; terme venu des gens de mer. Quand on part, on lève l’amarre.

Psit !… viens ici, viens que j’t’accroche,
V’là l’omnibus, faut démarrer !
Rubau !… r’cul’ donc, hé ! têt’ de boche !Tu vas p’têt’ pas t’foute à tirer
Au cul ! T’en a assez d’la côte ?
T’as déjà soupé du métier ?
Mais tu peux pus en faire un aute,
Te v’là comm’ moi, te v’là côtier.

(Aristide Bruant)

Dématé

M.D., 1844 : Jeter quelqu’un par terre.

Démêler

d’Hautel, 1808 : Démêler une fusée avec quelqu’un. Avoir une explication, débrouiller une affaire par intrigue ; vider une querelle, un différent.

Déménager

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme qui a le cerveau foible, qui faits des extravagances, des folies, que as tête déménage.
Déménager.
Signifie aussi devenir vieux, foible et débile ; incliner vers sa dernière demeure.

Larchey, 1865 : Faire des extravagances, agoniser. — Ces deux sens étaient connus de d’Hautel.

Delvau, 1866 : v. n. Perdre la raison, le bon sens, le sang-froid, — dans le même argot [du peuple]. Signifie aussi : Être vieux, être sur le point de partir pour l’autre monde.

Rigaud, 1881 : Déraisonner.

Je craignais que dans le changement de domicile sa tête n’eût déménagé la première.

(E. Pelletan, La Nouvelle Babylone.)

France, 1907 : Faire des folies, perdre la tête et aussi mourir.

Déménager à la cloche de bois

France, 1907 : Partir furtivement d’un logement ou d’un hôtel sans payer. On dit dans le même sens : à la cloche de zinc, ou à la clochette de bois.

Déménager à la ficelle

Larchey, 1865 : Déloger clandestinement par la fenêtre en descendant certains objets à l’aide d’une ficelle. — Mettre les ficelles : Garrotter.

Delvau, 1866 : v. n. À l’insu du propriétaire, la nuit, avec ou sans cordes, par la fenêtre ou par la porte, — dans l’argot des bohèmes, pour qui le dieu Terme est le diable. On dit aussi Déménager à la cloche de bois.

France, 1907 : Faire descendre ses meubles par la fenêtre à l’aide de cordes.

Déménager à la lune

France, 1907 : Variante lyonnaise de déménager à la cloche de bois.

Déménager avant le terme

Delvau, 1866 : Faire un Lapsus linguæ, « mettre la charrue devant les bœufs ». Argot du peuple.

Déménager par la cheminée

Delvau, 1866 : v. n. Brûler ses meubles lorsqu’on a reçu congé, — dans le même argot [du peuple].

France, 1907 : Brûler ses meubles pour faire une niche à son propriétaire qui s’apprête à les saisir. Le mot est de Murger.

Démener

d’Hautel, 1808 : Il se démène comme trois pois dans une marmitte. Pour, il est actif, vigilant, inquiet, tourmenté ; il se donne de la peine et du mouvement pour faire réussir une affaire.
On dit dans le même sens : Il se démène comme le diable dans un bénitier.

Démenti

d’Hautel, 1808 : Un démenti vaut un soufflet. Locution dont on se sert en appliquant un soufflet à la personne qui vous donne un démenti, afin de lui apprendre que rien n’est plus insultant pour un homme d’honneur que de recevoir un démenti.
Il en aura le démenti. Pour dire, à quelque prix que ce soit, on saura maîtriser ses volontés, il ne fera pas ce qu’il a en vue.
Il n’en aura pas le démenti. Se dit d’une personne opiniâtre, obstinée, qui veut, coûte qui coûte, faire à sa tête.

Demeurer

d’Hautel, 1808 : Demeurer sur son appétit. Demeurer sur sa bonne bouche. Demeurer en beau chemin. On se sert plus communément du verbe rester dans ces trois locutions. Voy. Rester.

Demi

d’Hautel, 1808 : Il n’est pas fripon à demi. Se dit injurieusement d’un homme sans délicatesse et sans probité
Sans respect ni demi. Pour, sans aucun respect
À trompeur, trompeur et demi. Signifie qu’il faut le plus possible agir de ruse avec les fourbes et les fripons

Demi sac

France, 1907 : Cinq cents francs, le sac étant de mille.

Demi stroc

Larchey, 1865 : Demi-setier (Vidocq). — Diminutif corrompu du même mot.

Demi-aune

Larchey, 1865 : « Il y avait deux heures que je tendais ma demi-aune sans pincer un radis. »

Luc Bardas.

Delvau, 1866 : s. f. Bras, — dans l’argot des faubouriens. Tendre la demi-aune. — Mendier.

Virmaître, 1894 : Le bras. Les mendiants disent :
— Je tends la demi-aune.
C’est une façon de ne pas avoir l’air que l’on tend la main (Argot des mendiants).

France, 1907 : Bras, dans l’argot des mendiants, qui disent : tendre la demi-aune, pour tendre la main.

Demi-cachemire

Delvau, 1866 : s. m. Fille ou femme qui est encore dans les limbes de la richesse et de la galanterie, et qui attend quelque protection secourable pour briller au premier rang des drôlesses. Au XVIIIe siècle, en appelait ça Demi-castor. Les mots changent, mais les vices restent.

France, 1907 : Se disait, au temps où les châles des Indes étaient à la mode, des filles qui commençaient à se lancer dans la galanterie.

Demi-castor

Delvau, 1864 : Femme de moyenne vertu.

Deux de ces filles qu’on appelle dans le monde demi-castors, se trouvèrent, par hasard, assises près de moi l’autre jour au jardin des Tuileries.

(Correspondance secrète.)

Fustier, 1889 : « Demi-castor est devenu un terme courant sous lequel on désigne une personne suspecte, équivoque, sous des dehors soignés ; mais en grattant le castor on trouverait le lapin. »

(Figaro, janvier 1887.)

France, 1907 : Fille qui commence à se lancer dans le monde de la haute noce. Le mot est du XVIIIe siècle.

Les carpes de ces messieurs, turbineuses d’amour, rôdeuses de bitume, splendeurs fleuries d’Opéra, noctambules des cabinets particuliers, demi-castors, marquises complaisantes, toutes sont égales au pied de l’autel du grand Saint Alphonse. Celle qui donne cent louis et celle qui donne cent sous, les ont gagnés du même travail.

(Fin de Siècle)

Encore un ménage de demi-castor qui se lézarde. À vrai dire, presque tous finissent de la sorte. Du reste, comment voudriez-vous qu’il en fut autrement ? Est-ce qu’une femme qui a vécu pendant vingt ans de la vie libre et indépendante, changeant d’amant comme de chemise, peut supporter longtemps la vie de ménage ?

(Gil Blas)

Demi-castor, demi-poil

La Rue, 1894 : Demi-vertu.

Demi-cercle

France, 1907 : Voir Cercle.

Demi-fortune

France, 1907 : Voiture à un cheval.

Aux Champs-Élysées, officiers et jeune-mondains à cheval luttent de vitesse et de noble allure, tandis que les financiers se prélassent au fond de leur berline fermée, et que les jolies femmes sourient dans leur calèche découverte ou leur demi-fortune.

(Octave Uzanne, La Femme et la Mode)

Demi-jetée

France, 1907 : Cinquante francs.

Demi-jetée, demi-pile

La Rue, 1894 : Cinquante francs.

Demi-kilo

France, 1907 : Chopine.

Demi-lune

France, 1907 : Fesse.

La petite blanchisseuse, dos tourné et se croyant seule, enlevait sa chemise ; mais j’eus beau écarquiller les yeux, je n’aperçus qu’une demi-lune.

(Les Propos du Commandeur)

Demi-mondaine

Delvau, 1866 : s. f. Femme du demi-monde, — dans l’argot des gens de lettres.

France, 1907 : Femme ou fille qui a reçu une certaine éducation et qui est tombée dans la prostitution élégante.

Demi-monde

Larchey, 1865 : Une femme demi-monde est celle qu’on appelait en 1841 une femme déchue, — née dans un monde distingué dont elle conserve les manières sans respecter les lois. Le succès d’une pièce de Dumas fils a créé le nouveau mot. On a créé par analogie ceux de meilleur monde, et de quart de monde.

On écrit en toutes lettres que vous régnez sur le demi-monde. — C’est fort désagréable pour moi.

A. Second.

Delvau, 1866 : s. m. Sphère galante de la société parisienne, dans l’argot de M. Alexandre Dumas fils, qui a fait une pièce là-dessus.

Demi-pile

France, 1907 : Cinquante francs, la pile étant de cent francs.

Demi-poil

Fustier, 1889 : Demi-vertu.

Allez donc établir une distinction quelconque entre une marquise célébrée par les reporters de salon et une fille de demi-poil.

(L. Chapron.)

France, 1907 : Demi-mondaine.

Demi-point

France, 1907 : Cinquante centimes ; ancien argot des marchands du Temple.

Demi-récolte

Virmaître, 1894 : Personne petite, naine, chétive. On dit dans le peuple :
— Sa mère devait être concierge, un locataire aura demandé le cordon au bon moment (Argot du peuple). V. Bas du cul.

France, 1907 : Personne chétive.

Demi-stroc

Rigaud, 1881 : Demi-setier.

La Rue, 1894 : Demi-setier.

France, 1907 : Demi-setier.

Demi-supe, demi-supérieure

Rigaud, 1881 : Demi-bouteille de vin de qualité supérieure, vin d’extra.

Demi-tour

Fustier, 1889 : Jargon des élèves de l’école de Saint-Cyr. Le demi-tour est une sorte de brimade qui consiste à jeter bas de leurs lits les nouveaux élèves et à renverser leur literie.

Le soir, les élèves se livrèrent à ce qu’ils appellent le demi-tour.

(Événement, juillet 1884)

Demi-vertu

Delvau, 1864 : Femme qui n’est pas encore fille.

Et ces d’mi-vertus à panache,
Tendres à cent écus par mois.

E. Debraux.

Delvau, 1866 : s. f. Demoiselle qui est devenue dame de son propre chef, sans passer par l’église ni par la mairie : la chrysalide d’une fille.

Rigaud, 1881 : Personne du sexe faible dont la vertu a subi, une fois au moins, le feu des enchères de l’amour.

France, 1907 : Fille qui a vu le loup.

Démoc

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de Démocrate, — dans l’argot du peuple. Démoc-soc. Démocrate socialiste.

Démoc-soc

Larchey, 1865 : Démocrate socialiste. — Abréviation.

Messieurs les Démocs-socs, vous voyez si vos menaces m’ont effrayé.

Chenu.

Rigaud, 1881 : Démocrate socialiste. En 1848, les démocs-socs étaient ce que sont aujourd’hui les radicaux, l’épouvantail de la bourgeoisie.

France, 1907 : Double abréviation de démocrate socialiste.

Nous savons que la Patti affectait un dédain tout aristocratique – avant d’être Mme Nicolas, elle était marquise, s’il vous plaît ! – pour notre France de démocs-socs : elle avait refusé énergiquement de chanter chez nous tant que nous serions en République ; elle a fini par céder. On avait employé, il est vrai, vis-à-vis d’elle, l’argument de la duchesse de Bouillon. Elle a fini par dire, elle aussi, à mesure qu’on augmentait la somme : « Vous m’en direz tant ! »

(Edmond Lepelletier)

Demoiselle

d’Hautel, 1808 : C’est une demoiselle dont auquel. Phrase équivoque et de convention, qui se prend toujours en mauvaise part, et qui signifie une demoiselle allurée, de vertu, de mœurs suspectes ; ou celle dont l’humeur est revèche et acariâtre.

Delvau, 1864 : Fille, dirait le portier de Prud’homme — qui est encore garçon, — parce qu’elle n’est pas mariée. — Se dit aussi pour pucelle.

Par hasard la trouvant d’moiselle,
À son pèr’ je d’mandai la belle.

E. Debraux.

Rigaud, 1881 : Bouteille. Foutre un soufflet à la demoiselle, qu’on lui en voit le derrière, vider une bouteille d’un coup en buvant à la régalade.

La Rue, 1894 : Bouteille de vin. La petite fille est la demi-bouteille.

Rossignol, 1901 : Demi-bouteille de vin rouge.

France, 1907 : Jeune personne dite comme il faut ; nom que les concierges donnent à leur fille.

Vous pensez bien qu’une adorable petite papetière comme celle-là, qui avait atteint ses vingt ans aux dernières giroflées, n’aurait pas eu de peine à trouver un amoureux ; et, bien entendu, pour le bon motif. Mais voilà. Elle était trop fine, trop demoiselle, pour se contenter du monde, assez vulgaire, du faubourg.

(François Coppée)

France, 1907 : Bouteille de vin. La petite fille est la demi-bouteille.

Demoiselle de paveur

Virmaître, 1894 : Sorte de pilon en bois garni à sa base d’un fort morceau de fer. Il sert à enfoncer les pavés pour égaliser la rue. Ce pilon a deux anses en forme de bras ; pour le soulever, les paveurs le prennent par les bras. Allusion au bras que l’on donne aux demoiselles. Elles sont généralement moins dures à soulever que la demoiselle du paveur (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Outil à l’usage des paveurs pour enfoncer les pavés. La femme qui tient les bras en cerceau a les bras comme une demoiselle de paveur.

France, 1907 : Pilon en bois dont on se sert pour enfoncer les pavés. Nom que l’on donne à une femme qui met ses poings sur les hanches.

Demoiselle des tuileries

Delvau, 1864 : Vieille fille en quête d’un mari.

La demoiselle des Tuileries appartient aux Tuileries à titre de meuble, comme la statue de Méléagre ou comme celle de Spartacus. — Elle avoue vingt-cinq ans et en a trente bien sonnés. Elle est arrivée à cette époque fatale de la vie ou l’on dit : Voilà une femme qui a dû être fort bien. De trente à trente-cinq ans, elle dissimule la tristesse qui la gagne, elle s’efforce de sourire. Quand elle voit passer à sa portée un bel enfant avec des cheveux blonds, elle l’attire a elle, l’embrasse tendrement et pousse un profond soupir qui veut dire : J’aurais été si bonne mère ! — Les trente-cinq ans arrivent : oh ! alors, c’est l’énergie du désespoir, c’est la rage, une fureur. La demoiselle des Tuileries s’accroche à tout ; elle est prête à tout ; elle épousera, si on le veut, avec un égal empressement, un jeune homme de dix-huit ans qui veut s’émanciper, ou un vieillard qui cherche une garde-malade… — À quarante ans, le rôle de la demoiselle des Tuileries est fini ; elle prend le mariage en horreur, elle est vieille fille et restera vieille fille…

E. Glorieux.

Demoiselle du Pont-Neuf

Delvau, 1864 : Fille ou femme sur le ventre de qui tout le monde passe, a passé, ou passera.

Delvau, 1866 : s. f. Femme banale dans le cœur de laquelle tout le Paris galant a le droit de circuler.

France, 1907 : Prostituée. Le Pont-Neuf était autrefois ce que devint plus tard le Palais-Royal, et ce que sont les boulevards aujourd’hui. On dit aussi : demoiselle du bitume.

Demoiselles (ces)

Rigaud, 1881 : Nom générique donné à toutes les femmes qui, de près ou de loin, touchent au métier ou à l’art de la prostitution. « Ces demoiselles ont été successivement appelées : Lorettes, Filles de marbre, Dames aux camélias, Biches, Cocottes, autant de mots que l’on chercherait en vain dans le dictionnaire de l’Académie. » (G. Claudin, Paris et l’Exposition.) Le succès de la Dame aux camélias, pièce de M. A. Dumas fils, valut à ces demoiselles l’honneur d’un nouveau baptême. En souvenir de l’héroïne de la pièce — qui méritait mieux — elles furent sacrées : dames aux camélias. Le prototype a existé sous le nom de Marie Duplessis « Remarquablement jolie, grande, médiocrement faite, ignorante, sans esprit, mais riche d’instinct. Ex-paysanne normande, elle s’était composé une généalogie nobiliaire, et, de son autorité, rapprochait d’un nom historique son nom légèrement modifié. » (N. Roqueplan, Purisme.)

Démolir

Larchey, 1865 : Maltraiter quelqu’un en actes, en paroles, en écrits.

Deux champions prononçant la phrase sacramentelle : Numérote tes os que je les démolisse.

Th. Gautier, 1845.

Ruffard la dansera, c’est un raille à démolir.

(Balzac)

On démolissait Voltaire, on enfonçait Racine.

L. Reybaud.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, — dans l’argot des faubouriens, qui oublient trop qu’il faut vingt ans pour construire un homme.

Delvau, 1866 : v. a. Critiquer âprement et injustement, — dans l’argot des gens de lettres, qui oublient trop qu’il faut quelquefois dix ans pour bâtir un livre.

Hayard, 1907 : Assassiner.

France, 1907 : Maltraiter quelqu’un, soit par des voies de fait, des injures on des écrits.

Certains journalistes se donnent la tâche de démolir la réputation de leurs confrères.

France, 1907 : Destituer. Démolir un fonctionnaire.

Démolir un homme

France, 1907 : Tuer.

Mais ses principes d’obligeance reparaissent encore chez lui dans ces moments-là, et avant de démolir un homme (comme il dit), notre héros le prévient charitablement de numéroter ses membres.

(P. Bernard, L’Homme à tout faire)

Démolisseur

France, 1907 : Pamphlétaire ; critique mordant et acerbe. Un écrivain d’un grand talent, Léon Bloy, s’est intitulé « entrepreneur de démolitions ».

Démon

d’Hautel, 1808 : Il a de l’esprit comme un petit démon. Se dit d’un enfant enclin à la malice et à l’espièglerie, qui montre des dispositions et un goût prématuré.

Démonétiser

Delvau, 1866 : v. a. Attaquer la réputation de quelqu’un et le ruiner, — dans l’argot du peuple. Se démonétiser. Se discréditer, s’amoindrir, se ruiner moralement.

Rigaud, 1881 : Perdre quelqu’un de réputation. — Se démonétiser, ne laisser à personne autre qu’à soi-même le soin de se perdre de réputation.

Démonétiser (se)

France, 1907 : Se discréditer ; s’amoindrir.

Démonter

d’Hautel, 1808 : Pour, dépiter, impatienter, contrarier quelqu’un ; le contre-carrer dans ses projets.
Il se démonte le visage, suivant les circonstances. Pour, il fait paroître la joie ou la tristesse, selon que cela convient à ses intérêts.

Démonter son chouberski

Virmaître, 1894 : Mourir. L’expression n’est pas juste, on devrait plutôt dire : monter son chouberski, car chacun sait que ce poêle n’a rien de commun avec l’élixir de longue vie (Argot du peuple). N.

Démordre

d’Hautel, 1808 : Il n’en démordra pas. Se dit d’un homme sottement opiniâtre qui s’acharne à soutenir une mauvaise cause.

Démorfillage

Rigaud, 1881 : Action de démarquer une carte, c’est-à-dire enlever les signes, traits d’ongles, points de repère que les grecs font aux cartes qu’ils veulent reconnaître.

Je vas leur z’y en coller du démorfillage.

(A. de Caston, Les Tricheurs.)

France, 1907 : Action de faire disparaître le marquage d’une carte.

Démorfiller

Rigaud, 1881 : Démarquer une carte, — dans le jargon des grecs.

France, 1907 : Enlever la trace indicatrice d’une carte morfillée ; argot des grecs.

Démorganer

Larchey, 1865 : Se rendre à une observation. — Mot à mot : perdre de sa morgue.

Delvau, 1866 : v. n. Se ranger à un avis, se rendre à une observation, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Accepter une observation. Comprendre que la morgue est inutile (Argot du peuple).

France, 1907 : S’humilier, perdre de sa morgue ; accepter une réprimande ou une observation.

Demorre

Virmaître, 1894 : Homme (Argot des voleurs).

Démorre

France, 1907 : Homme ; argot des voleurs.

Démurger

anon., 1827 : S’en aller.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : S’en aller.

Bras-de-Fer, 1829 : S’en aller.

Halbert, 1849 : S’en aller.

Rigaud, 1881 : Sortir de prison. — Démurger sans caserne, sortir de prison sans savoir où aller coucher.

Virmaître, 1894 : Fuir. Cette expression est fréquemment employée par les souteneurs au cours d’une bataille :
— Voilà la rousse, démurge ou y vont te faire chouette. La copaille va rendre l’affe, il est saigné au bon coin (Argot des voleurs).

Rossignol, 1901 : Sortir, s’en aller.

Je ne veux pas de clients comme vous, il faut démurger de chez moi. — Allez, démurgez !

Hayard, 1907 : S’enfuir.

France, 1907 : S’en aller, fuir ; corruption de démarger.

Démuseler

France, 1907 : C’est, dans l’argot des écoles, parler après avoir été longtemps silencieux.

Denaille (Saint)

Rigaud, 1881 : Saint-Denis.

France, 1907 : Saint Denis.

Déniaiser

d’Hautel, 1808 : Se déniaiser. S’enhardir ; devenir fin et rusé dans les affaires, après avoir appris à ses dépens.

Dénicher

d’Hautel, 1808 : Les oiseaux sont dénichés. Pour faire entendre qu’un prisonnier s’est sauvé des mains de la justice, ou que quelqu’un étoit sorti lorsqu’on a été lui rendre visite.

Dénicheur

d’Hautel, 1808 : Dénicheur de merles, de fauvettes. Chevalier d’industrie fort ardent à rechercher tout ce qui peut contribuer à ses plaisirs ; coureur de bonnes fortunes.

Dénicheur de fauvettes

Delvau, 1864 : Libertin, dont l’unique occupation est de faire la chasse aux connins, de dénicher les pucelages pour son propre compte.

Delvau, 1866 : s. m. Coureur de filles, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Terme ironique employé pour se moquer d’un individu qui se vante de prendre la virginité des filles (Argot du peuple). V. Dépuceleur de nourrices.

France, 1907 : Coureur de jeunes filles.

Grand dénicheur de fauvettes, il allait gaiement à travers la vie, vidant les bouteilles et emplissant les filles.

Dénicheur de pigeons ou de moineaux

France, 1907 : Chevalier d’industrie qui va chercher quelque bon nid, un gogo qui lui confie son argent ou une femme à exploiter.

Au café de l’allumage, le pigeon était jaugé sur la mine par une douzaine de grecs, qui en achetaient aux enchères, dans un langage convenu, la propriété au dénicheur.

(Ch. Virmaître, Paris oublié)

Denier

d’Hautel, 1808 : Il le vendroit à beaux deniers comptans. Pour exprimer qu’un homme est plus subtil qu’un autre ; qu’il lui est supérieur dans un art ou profession quelconque.
Il n’y a point de borne qui ne lui doive un denier. Se dit d’un domestique musard, indolent, paresseux, qui s’arrête aux moindres bagatelles.
Il vaut plus de deniers que lui ne vaut de mailles. Pour, il l’emporte sur lui en toute chose.
Net comme un denier. Manière figurée qui s’entend d’un compte mis au net, réparé.

Denier à Dieu

France, 1907 : On appelle ainsi la prime donnée à un concierge quand on retient un appartement.

Le propriétaire du lieu,
Ayant eu le denier à Dieu.

(Scarron)

Dent

d’Hautel, 1808 : Une vieille sans-dents. Surnom injurieux que l’on donne à une vieille femme qui ne fait que radoter.
Avoir une dent de lait contre quelqu’un. Lui garder rancune.
Brèche dent. Mot railleur dont on se sert pour désigner un homme à qui il manque quelques dents sur le devant de la bouche.
Il n’en a pas pour sa dent creuse. Se dit en mauvaise part d’un dissipateur à qui on semble ne jamais donner assez ; et d’un ouvrier peu soigneux qui mène l’ouvrage grand train.
Rire du bout des dents. Sans en avoir envie ; malgré soi.
Ne pas desserrer les dents. Être de mauvaise humeur ; ne dire mot ; garder un morne silence.
Montrer les grosses dents. Faire menace ; prendre un ton dur et sévère.
Il n’a rien à mettre sous la dent. Pour, il est réduit à la mendicité ; il est dénué de toutes ressources.
Il ment comme un arracheur de dents. Voyez Arracheur.
Il n’en perd pas un coup de dents. Se dit de quelqu’un qui, quoique très occupé, ou indisposé, ne laisse pas que de bien manger.
Il n’en croquera que d’une dent. Pour, il ne viendra pas tout-à-fait à bout de ce qu’il désire.
Malgré lui, malgré ses dents. C’est-à-dire, quelqu’obstacle qu’il puisse mettre à cette affaire.
Tomber sur les dents. Être harassé de fatigue ; n’en pouvoir plus.
Il lui vient du bien quand il n’a plus de dents. Se dit d’une personne qui fait un héritage dans un âge très-avancé, où il ne lui est pas possible d’espérer d’en jouir long-temps.
Avoir la mort entre les dents. Être dangereusement malade ; être à l’agonie.
On dit, pour empêcher les enfans de toucher à un couteau ou à quelque chose de nuisible, que cela mord, que cela a des dents.
Prendre le mors aux dents.
Briser les freins de subordination ; commettre de grands excès. Se dit aussi pour, travailler avec une grande ardeur, après avoir fait des siennes.
Il y a long-temps qu’il n’a plus mal aux dents. Se dit d’un homme mort depuis long-temps, et dont on demande des nouvelles.
Le vin trouble ne casse point les dents. Maxime bachique, qui signifie que le vin, quelque médiocre qu’il soit, est toujours bon à boire.
Avoir les dents longues. Être réduit aux dernières ressources, et dans une indigence affreuse ; ou être à jeun.
Savant jusqu’aux dents. Amplification, pour dire un pédant érudit, un sot docteur.
Donner un coup de dent à quelqu’un. Le mettre en pièces dans ses propos ; tenir des discours satiriques, offensans sur son compte.
Pour empêcher les enfans de manger des bonbons, des sucreries, on leur dit que cela casse les dents.

Dent (avoir de la)

Delvau, 1866 : Être encore beau cavalier ou jolie femme, — dans l’argot de Breda-Street. Les petites dames de ce pays cythéréen qui veulent donner a rêver aux hommes disent aussi : Seize ans, toutes ses dents et pas de corset.
Mal de dents.
Mal d’amour. N’avoir plus mal aux dents. Être mort.

Dent (garder une)

France, 1907 : Conserver de la rancune contre quelqu’un, avoir une haine sourde ou cachée. Avoir de la dent, être bien conservé, pouvoir mordre au besoin.

… Monté par l’escalier du million jusqu’à l’Olympe où trônent les dieux de la finance, il gardait une dent contre les riches, des imbéciles, disait-il, dont il avait fait bêtement les affaires, lui, l’ex-porion, en partageant avec eux les bénéfices dus à ses seules et persistantes initiatives…

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Dent creuse (ne pas en avoir pour sa)

Rigaud, 1881 : Avoir très peu de chose à manger ; avoir une très petite portion sur son assiette. (Oudin.) Un pilon de volaille, merci, j’en ai seulement pas pour ma dent creuse. N’a pas cessé d’être usité.

Dentelle

Hayard, 1907 : Billet de banque.

France, 1907 : Billet de banque. Vol à la dentelle, émission de faux billets de banque. Dentelle de millet, billet de mille.

Dentelle (de la)

Rigaud, 1881 : Billets de banque. — C’est un girondin calé qu’a de la dentelle à faire péter son porte-mince.

Dentelle de milled

La Rue, 1894 : Billet de 1.000 fr.

Dents (avoir toutes ses)

Rigaud, 1881 : Être à l’âge de raison, à cet âge où l’on peut mordre son voisin et au besoin sa voisine.

Dents (être sur les)

France, 1907 : Être las, fatigué, rendu, n’en pouvoir plus à force de maladie ou de travail.

Dents ne lui font plus mal (les)

Rigaud, 1881 : Il est mort depuis longtemps.

Dépagnoter

France, 1907 : Se séparer ; de pagnoter, se coucher. Altération de paniotter, qui a le même sens.

Dépagnotter (se)

La Rue, 1894 : Se quitter.

Dépailler

Virmaître, 1894 : Jusqu’ici cette expression était employée pour dire qu’une chaise n’avait plus de paille : elle était dépaillée. Dans les quartiers pauvres, les ouvriers n’ont généralement pas de sommiers ; ils couchent sur des paillasses garnies de paille de seigle ; quand un propriétaire, un vautour impitoyable, veut les faire expulser, ils disent :
— Tu peux aller chercher le quart et tous ses sergots. tu ne me feras pas dépailler.
Mot à mot : abandonner ma paille (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Quitter un garni. Mot à mot : abandonner sa paille.

Jusqu’ici cette expression était employée pour dire qu’une chaise n’avait plus de paille : elle était dépaillée.
Dans les quartiers pauvres, les ouvriers n’ont généralement pas de sommiers ; ils couchent sur des paillasses garnies de paille de seigle ; quand un propriétaire, un vautour impitoyable, veut les faire expulser, ils disent :
— Tu peux aller chercher le quart et tous ses sergots, tu ne me feras pas dépailler.

(Ch. Virmaître)

Dépairer

France, 1907 : Déparailler ; mot à mot : défaire la paire.

Déparier

Rigaud, 1881 : Avoir le délire, — dans le jargon des garde-malades.

Déparler

Delvau, 1866 : v. n. Ne pas savoir ce que l’on dit, parler d’une chose que l’on ne connaît pas. Argot des faubouriens.

Delvau, 1866 : v. n. Cesser de parler, — dans l’argot du peuple. Ne pas déparler. Bavarder fort et longtemps.

France, 1907 : Parler à tort et à travers ; discuter sur un sujet que l’on ne connaît pas.

Département

d’Hautel, 1808 : Prendre son département. S’en aller d’un lieu ; se retirer chez soi après avoir terminé des affaires extérieures.

Département du bas-rein

Delvau, 1866 : s. m. La partie du corps sur laquelle on s’assied, et qui depuis des siècles a le privilège de servir d’aliment à ce qu’on est convenu d’appeler « la vieille gaieté gauloise ». L’expression appartient à l’argot des ouvriers, loustics de leur nature.

Rigaud, 1881 : Partie de l’être humain qui a quelquefois besoin de ronds hygiéniques comme certains yeux ont besoin de lunettes. — La cible à tant de plaisanteries surannées.

France, 1907 : Le derrière.

Dépasser ou ne pas dépasser la rampe

France, 1907 : Garder une juste mesure ; ne pas trop accentuer une bouffonnerie ; avoir du tact en scène.

« Dépasser ou ne pas dépasser la rampe », tout est là pour l’acteur. La science n’a rien à voir dans cet effet spontané et, pour ainsi dire, inconscient de la vis comica. La Comédie-Française, entre autres qui possède tant d’excellents professeurs, compte peu de comédiens qui « dépassent la rampe ». Ce sont des fonctionnaires du Rire national, des chefs de bureau préposés à la gaieté publique qui époussettent d’une main morose les bustes des grands patrons et s’esclaffent dans une majestueuse nécropole.

(François Chevassu)

Dépayser

d’Hautel, 1808 : Au propre, faire passer quel qu’un de son pays dans un autre ; au figuré, le leurrer, l’égarer ; ou le duper par des pièces artificieuses.

Dépeceur

France, 1907 : Ouvrier employé à un certain travail de carrosserie.

Les véhicules usés jusqu’à la corde et dont le maquillage est impossible sont abandonnés aux dépeceurs, qui se livrent sur eux à un véritable travail de dissection chirurgicale, et qui mettent de côté et divisent par sortes et par lots toute la ferraille provenant de ces démolitions, lames de ressorts, boulons, fers de roues, etc., etc.
Ces épaves de la carrosserie trouvent preneurs à des prix avantageux, et, après avoir traversé le feu de la forge et subi l’épreuve du marteau, recommence un nouveau service qui quelquefois n’est pas le dernier.

(X. de Montépin, La Comtesse de Nancey)

Dépêche

d’Hautel, 1808 : Pour faux-fuyant, défaite, subterfuge.
C’est une bonne dépêche qu’il nous a donnée là. Pour il nous en a fait accroire ; il nous a attrappés.

Dépêcher

d’Hautel, 1808 : Il l’aura bientôt dépêché pour l’autre monde. Se dit d’un empirique ignorant, d’un charlatan en médecine, qui, par ses ordonnances, avance les jours de son malade.

Dépenaillé

d’Hautel, 1808 : Mot burlesque très-borné, et qui n’est d’usage qu’en style populaire, où il se prend pour déguenillé, mis en pièces.
Un habit tout dépenaillé. Pour tout déchiré ; en loques.

Dépendeur d’andouilles

Delvau, 1866 : s. m. Homme d’une taille exagérée, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Homme grand comme une perche à houblon. Allusion à ce qu’il pourrait sans échelle dépendre les andouilles suspendues au plafond (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Imbécile.

France, 1907 : Homme grand et sot. Voir Andouille. Se dit aussi pour gaillard solide et de haute taille.

M. Gulinel avança jusque sur le pas de sa porte, en déboutonnant ses manches, et en commençant à les retrousser avec ostentation.
Mais, à la vue du grand dépendeur d’andouilles qui lui était désigné, le charcutier prit tout de suite un air rêveur.

(Paul Hervieu)

Dépendeuse d’andouilles

France, 1907 : Cette expression n’est pas le féminin de la précédente, avec laquelle elle n’a aucun rapport. Une dépendeuse d’andouilles est une coureuse nocturne.

Dépendre

d’Hautel, 1808 : Qui bien gagne et bien dépend, n’a que faire de serrer son argent. Proverbe qui signifie qu’un prodigue a rarement assez d’argent pour pouvoir le mettre en bourse.
On dit d’un homme entièrement dévoué aux intérêts de quelqu’un, qu’il est à lui vendre et à dépendre.

Dépense

d’Hautel, 1808 : Il ne paroît pas pour la dépense. Se dit par raillerie d’un avare, d’un homme inhabile, dans les actions duquel un défaut total d’esprit, de sens et de jugement se fait apercevoir.

Dépenser

d’Hautel, 1808 : Journée gagnée, journée dépensée. Se dit de ceux qui dépensent l’argent aussi facilement qu’ils le gagnent.
Il ne dépense guères en espions. Pour exprimer qu’un homme ignore les choses qu’il lui importe le plus de savoir.
Il y a plus de moyens de dépenser que d’acquérir. Signifie que les occasions de dépenser sont fréquentes, et que celles de faire quelque bénéfice sont difficiles à trouver.

Dépenser sa salive

Delvau, 1866 : v. a. Parler, — dans le même argot [du peuple]. On dit aussi Perdre sa salive, dans le sens de : Parler inutilement.

Rigaud, 1881 : Parler-On dit de quelqu’un de taciturne : En voilà un qui a peur de dépenser sa salive.

Virmaître, 1894 : Orateur qui parle à un auditoire distrait ; il parle en pure perte et dépense sa salive inutilement. On dépense sa salive à vouloir convaincre quelqu’un qui ne veut rien savoir (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Parler inutilement.

Dépenser ses côtelettes

Delvau, 1864 : Tirer un coup, parce que le sperme est le résultat de la nourriture absorbée. — Cette expression a été employée pour la première fois dans une nouvelle à la main du Figaro, dont le parquet a ri — sans la poursuivre comme outrage à la morale publique. Une dame avait un amant pauvre, qu’elle invitait souvent à dîner chez elle, afin de lui confectionner un sperme de bonne qualité et de le forcer à bander en temps utile. Un jour elle s’aperçut qu’il la trompait pour une autre femme ; elle s’en plaignit amèrement à une de ses amies, en disant : « Il va dépenser ailleurs les côtelettes qu’il mange chez moi ! »

Dépêtrer

d’Hautel, 1808 : Ne pouvoir se dépêtrer de quelqu’un. Ne pouvoir se débarrasser d’une personne importune et quelquefois à charge.
Se dépêtrer. Se tirer d’un mauvais pas ; se débarrasser d’une affaire épineuse.

Dépétri

France, 1907 : Fatigué, démoli.

— Écoutez, ma belle petite chatte, si vous tombez jamais dans mon lit entre cinq et six du matin, l’heure où Cupidon s’éveille, je vous prouverai qu’on est pas aussi dépétri qu’on en a l’air.

(Les Propos du Commandeur)

Dépiauler

La Rue, 1894 : Découvrir le domicile.

France, 1907 : Découvrir le domicile de quelqu’un qui se cache ; de piaule, maison.

Dépiauter

Delvau, 1866 : v. a. Enlever la peau, l’écorce, — dans le même argot [du peuple]. Se dépiauter. S’écorcher. Signifie aussi Se déshabiller.

Rigaud, 1881 : Battre fortement. Mot à mot : enlever la peau comme à un lapin ; faute de mieux, se contenter d’enlever les vêtements.

Virmaître, 1894 : Synonyme de dépouiller. Terme commun.
— Je me déshabille, je me dépiaute.
Quand les voleurs s’en veulent pour un motif quelconque, ils tentent de s’arracher la peau. Mot à mot : se dépiauter comme un lapin (Argot des souteneurs).

Dépiauter, dépioter

France, 1907 : Dépouiller. Mot à mot : enlever la peau. Se dit aussi pour déshabiller.

Elle commença la tournée par les officiers supérieurs, les dépiota comme des écrevisses jusqu’à leur dernier son d’économies, et, les huit jours finis, leur tirant sa révérence, s’écria :
— Vous savez, j’en ai mon compte… Quand vous me reverrez, vieux singes !…

(Mora, Gil Blas)

Dépiecer

d’Hautel, 1808 : Mettre en pièces, démembrer ; et non dépiéceter, comme on le dit fréquemment à Paris.

Dépieuter

Rossignol, 1901 : Sortir du lit, du pieu.

Dépioter

Larchey, 1865 : Enlever la peau.

Si monsieur croit que c’est commode… on se dépiote les pouces.

P. de Kock.

Dépiotter

un détenu, 1846 : Ôter, enlever, priver quelqu’un de quelque chose.

Dépité

Virmaître, 1894 : Ennuyé, éprouver du dépit, dans le sens de déception. Dans le peuple on applique cette expression aux députés non réélus. Le mot français est devenu un mot d’argot.
— C’est un dépité de la Seine ou d’ailleurs.
On dit encore qu’il a été dépoté, prenant la Chambre pour un pot. Ou bien :
— Les électeurs l’ont enfin déporté (Argot du peuple). N.

France, 1907 : Député non réélu.

Dépiter

d’Hautel, 1808 : Cela me dépite. Pour me contrarie, m’afflige, me fâche.
Se dépiter contre son ventre. Prendre de l’humeur contre soi-même ; agir, par dépit, contre ses propres intérêts.

Déplaisant

d’Hautel, 1808 : Ce qui est petit est gentil, ce qui est grand est déplaisant. Dicton facétieux et badin dont on se sert par flatterie, lorsqu’une personne se plaint du peu d’avantages physiques que la nature lui a donnés.

Déplanquer

un détenu, 1846 : Ôter, découvrir, dégager du Mont-de-Piété.

Halbert, 1849 : Déterrer.

Larchey, 1865 : Exhiber (Vidocq). V. Vague.

Delvau, 1866 : v. a. Retirer des objets d’une cachette ou du plan, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Retirer un objet caché, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Quand un voleur est en prison, il est en planque. Il est également en planque quand il est filé par un agent ; quand il sort de prison ou quand il grille l’agent, il se déplanque (Argot des voleurs). V. Déplanqueur.

Hayard, 1907 : Sortir de prison.

France, 1907 : Retirer des objets de chez le recéleur ; de planque, cachette. Se dit aussi pour un voleur sorti de prison.

Déplanquer son faux centre

Rigaud, 1881 : Être condamné sous un nom d’emprunt.

Déplanqueur

Virmaître, 1894 : Complice qui déterre les objets volés pendant que son camarade subit sa peine. C’est un usage chez les voleurs d’enterrer pour les soustraire à la justice, les objets volés ; au moins s’ils subissent une peine ils ne font pas du plan de couillé (Argot des voleurs).

France, 1907 : « Complice qui déterre les objets volés pendant que son camarade subit sa peine. C’est un usage chez les voleurs d’enterrer, pour les soustraire à la justice, les objets volés. »

(Ch. Virmaître)

Déplceleur de femme enceinte

Virmaître, 1894 : V. Enfonceur de porte ouverte.

Déplumé

Delvau, 1866 : s. m. et a. Homme chauve, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Sénateur. La cambuse aux déplumés, le sénat, — dans le jargon du peuple.

Rossignol, 1901 : Celui qui n’a plus ou peu de cheveux.

Hayard, 1907 : Chauve.

Déplumer

d’Hautel, 1808 : Il a l’air bien déplumé. Pour dire il présente l’aspect de la détresse et de la pauvreté.

Déplumer (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Perdre ses cheveux.

Rigaud, 1881 : Perdre ses cheveux. — Déplumé, chauve.

France, 1907 : Devenir chauve.

Certes, ce mariage ne remplissait pas tous les vœux d’Aline, il s’en fallait ! M. Saulnoy n’avait plus l’âge ni la tournure d’un jeune premier ; son ventre commençait à bedonner, son crâne à se déplumer ; ce n’était pas son idéal, à elle, le mari de ses rêves, oh ! non. Mais le rencontre-t-on jamais ce parfait galant et soupirant accompli, ce pur être de raison ?

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Déponer

Delvau, 1866 : v. n. Levare ventris onus, — dans l’argot du peuple, pour qui le derrière est le ponant du corps.

Virmaître, 1894 : Levare ventris onus. A. D. Nous voilà suffisamment renseigné si on ajoute pour comprendre que déponer vient de ponant, derrière, et que déponer est synonyme de débourrer. Quand un individu vous cramponne par trop, on l’envoie… déponer sur la planche où il met son pain (Argot du peuple).

France, 1907 : Rendre le produit de la digestion ; de ponant, derrière.

Déponner, dépousser

Rigaud, 1881 : Sacrifier à Domange, — dans l’ancien argot.

Déporter

Rigaud, 1881 : Renvoyer, — dans le jargon des ouvriers. — Être déporté, être renvoyé de l’atelier.

Rossignol, 1901 : Renvoyer quelqu’un de chez soi ou le mettre à la porte, c’est le déporter.

France, 1907 : Mettre à la porte.

Les rixes sont fréquentes dans la salle du Sénat, mais tout se passe en famille, et rarement la police intervient. Si, par hasard, une affaire prend trop mauvaise tournure, le garçon, solide gaillard, déporte (c’est le mot consacré) les combattants dans la rue, où un cercle de curieux les protège, pendant qu’ils s’administrent une peignée en règle ; ensuite, comme les duellistes renommés, ils se réconcilient sur le terrain et rentrent dans l’établissement, où ils se font servir une tournée de tord-boyaux qui cimente la paix conclue.

(G. Macé, Un Joli monde)

Par la venterne on te déporte,
Au claq renquille par la porte.

(Hogier-Grison)

Déposer un kilo

Rigaud, 1881 : Faire ses nécessités, — dans le jargon des ouvriers qui disent encore, sans respect pour le suffrage universel : Déposer son bulletin, déposer un bulletin dans l’urne.

Déposer une pèche

France, 1907 : Faire ses besoins.

Déposer une pêche

Delvau, 1866 : v. a. Levare ventris onus, — dans l’argot des ouvriers. Ils disent aussi Déposer un kilo.

Dépot

France, 1907 : Prison située sous le Palais de Justice, enclavée derrière les tourelles de la Conciergerie, dans le massif d’édifices qui comporte la cour d’appel, le tribunal, les greffes, le parquet, la cour de cassation, la cour d’assises, et les services annexes de l’instruction, du petit parquet, de la préfecture de police, de la souricière, des archives, de l’assistance judiciaire, du bureau des amendes et des criées ; enfin, occupant tout le vaste quadrilatère du boulevard du Palais, du quai des Orfèvres, de la place Dauphine, du quai de l’Horloge, qu’on nommait jadis le quai des Morfondus.
On y conduit par le panier à salade toutes les personnes arrêtées par les agents. « C’est, dit Charles Virmaître, un lieu infect, indigne de notre époque, en raison de la promiscuité des détenus et de l’absence d’air et de lumière. Ce n’est pas dépôt que l’on devrait dire, mais dépotoir, car il y passe annuellement 67,000 individus, environ 13.000 vagabonds et 22,000 filles publiques. »

Dépôt

Rigaud, 1881 : Dépôt de la préfecture de police.

Dans le siècle dernier, ce dépôt (spécialement affecté aux prostituées) portait le nom de salle ou de maison Saint-Martin ; il était situé rue du Verbois, au coin de la rue Saint-Martin.

(Parent-Duchatelet.)

En 1785 les prostituées furent dirigées sur l’hôtel de Brienne dit la Petite-Force. Depuis 1798 elles sont consignées au dépôt général de la préfecture de police. — On envoie au Dépôt les individus mis en état d’arrestation par ordre du commissaire de police. On les transporte du violon au Dépôt dans le panier à salade. Ils y restent jusqu’à ce que le juge d’instruction ait statué sur leur sort.

Virmaître, 1894 : Prison située sous le Palais de Justice, où l’on conduit par le panier à salade tous les individus arrêtés par les agents. C’est un lieu infect, indigne de notre époque, en raison de la promiscuité des détenus et de l’absence d’air et de lumière. Ce n’est pas dépôt que l’on devrait dire, mais bien dépotoir, car il y passe annuellement 67 000 individus. Environ 13 000 vagabonds et 22 000 filles publiques. Je ne compte pas les voleurs qui ont horreur de ce lieu de détention surnommé la Cigogne (Argot des voleurs). N.

Dépoter

Fustier, 1889 : Accoucher.

Une tante qui, sans être sage-femme, était experte en ce genre d’ouvrage, dépota l’enfant.

(Huysmans : À vau-l’eau.)

France, 1907 : Accoucher, partir.

— Tu sais qu’il doit y avoir une soirée au ministère des affaires étrangères. Ce que ce sera chic ! rien que le beau monde… Attends, auparavant il y en a une au ministère de l’intérieur, une soirée libre, entrera qui voudra. Il y aura des démoc-socs. Et ça continuera… Partout des buffets à l’œil, naturellement. Alors, tu sais, je n’en dépote.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Dépotoir

Delvau, 1866 : s. m. Confessionnal, — dans l’argot des voleurs, qui ont de rares occasions d’y décharger leur conscience, pourtant bien remplie d’impuretés.

Delvau, 1866 : s. m. « Pot qu’en chambre on demande », — dans l’argot des faubouriens. Signifie aussi Coffre-fort.

Delvau, 1866 : s. m. Prostibulum, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Pot de chambre.

Rigaud, 1881 : Confessionnal, — dans le jargon des voleurs.

Virmaître, 1894 : Confessionnal. C’est bien en effet un dépotoir, puisque l’on y laisse ses ordures, une fois l’absolution reçue. (Argot des voleurs). V. Comberge.

France, 1907 : Vase de nuit. Confessionnal. C’est dans ce pot de chambre, en effet, que les vieilles dévotes viennent déposer toutes leurs petites ordures.

Dépôts & consignations (caisse des)

Rigaud, 1881 : Lieux d’aisances, en style d’employés des grandes compagnies financières.

Dépouiller

d’Hautel, 1808 : Il ne faut pas se dépouiller avant de se coucher. Signifie qu’il ne faut pas, tant que l’on existe, se dessaisir de ce que l’on possède, si l’on ne veut être à la merci d’autrui.

Dépouiller le vieil homme

France, 1907 : Quitter ses habitudes, changer de conduite.

L’expression : dépouiller le vieil homme, est un souvenir textuel de la formule employée chez les juifs pour ordonner au néophyte de revêtir de nouveaux habits, avant son entrée dans le sanctuaires. C’est saint Paul qui nous l’a transmise.

(Fournier, L’Esprit des autres)

Dépousser

Halbert, 1849 : Faire ses nécessités.

Dépuceler une fille

Delvau, 1864 : La débarrasser, à coups de pine, du fardeau de sa virginité ; briser la cloison de l’hymen pour entrer dans son divin retrait, — où déjà, peut-être, est entré l’indiscret médium.

Il trouve son écolière sur le lit, qui l’attendait, dont il jouit à son souhait, et la dépucelle.

Mililot.

Il vaut mieux dépuceler une garce que d’avoir les restes d’un roi.

Brantôme.

Çà donc, mon cœur et ma rebelle,
Çà mon âme, çà mes amours,
Qu’à ce coup je vous dépucelle.

(Cabinet Satyrique.)

La nouvelle mariée fit pourtant si bien qu’elle dépucela son mari.

Tallemant des Réaux.

Dépuceleur de femmes enceintes

Rigaud, 1881 : Fanfaron en fait de galanterie, don Juan grotesque.

Dépuceleur de nourrice

Virmaître, 1894 : Fanfaron qui s’imagine avoir trouvé la pie au nid et qui y trouve souvent une chose désagréable. (Argot du peuple).

Dépuceleur de nourrice ou de femme enceinte

France, 1907 : Vantard, fanfaron.

Un grand dépuceleur de filles,
Un grand ruineur de familles.

(Scarron)

Dépuceleur de nourrices

Delvau, 1864 : Fat qui joue au don Juan, qui prétend avoir mis à mal une infinité de pauvres innocentes, et qui n’a jamais baisé que des gourgandines.

Delvau, 1866 : s. m. Fat ridicule, cousin germain de l’amoureux des onze mille vierges, — dans l’argot du peuple, qui n’aime pas les Gascons.

Députados, député

France, 1907 : Cigare de dix centimes.

Nous venions chacun de toucher notre paye : lui, de journalier, moi, de journaliste, et c’était à qui des deux offrirait à l’autre le députados de dix centimes par lequel on célèbre l’égalité du salaire à la tâche.

(É. Bergerat, Le Journal)

Ici le préfet, ouvrant un des tiroirs de son bureau, empli de havanes, de londrès, de partagos, de bouts, et aussi de ces cigares à dix centimes nommés des députés, qu’on fabrique spécialement pour les débits ouverts au Palais-Bourbon et au Luxembourg…

(Edmond Lepelletier)

Député

France, 1907 : Billet de faveur ; argot théâtral.

Député de buvette

France, 1907 : Représentant de la nation qui n’est bon à rien, si ce n’est à voter, et dont la principale occupation est de se faire servir des consommations à la buvette de la Chambre ; argot des coulisses parlementaires.

— Voyons, chère petite, vous n’êtes plus dans votre province, n’est-ce pas ? Vous êtes à Paris et votre mari est député. Vous appartenez au monde officiel. Avez-vous un mari dans le genre de Lebossard, une manière d’ivrogne qui ne deviendra jamais que ce qu’on appelle, dans notre langage, des députés de buvette ou des « machines à voter » ? Non, vous avez un mari qui à déjà la réputation d’être intelligent et travailleur et sur lequel on fonde des espérances. Donc, vous n’êtes pas un zéro dans le monde officiel, vous êtes un chiffre, vous vous additionnez, et vous n’aurez qu’une chose contre vous, chose qui est plus utile dans le monde officiel que dans n’importe quel monde : vous n’avez pas d’argent.

(Edgar Monteil, Le Monde officiel)

Déquiller

France, 1907 : Éstropier. Mot à mot : faire tomber les quilles, c’est-à-dire les jambes.

Les gars dont le cœur battait ferme entre les côtes se foutaient en révolte. Formés en bandes, toujours prêtes aux coups de torchon, ils dévalisaient les diligences, ratiboisaient le pognon de l’État, déquillaient les gendarmes, s’emparaient des villes.

(Almanach du Père Peinard, 1894)

Der

Delvau, 1866 : s. m. Apocope de dernier, — dans l’argot des écoliers.

France, 1907 : Apocope de dernier, dont se servent les enfants dans leurs jeux.

Dérager

France, 1907 : Cesser de rager.

Dérailler

Rigaud, 1881 : Sortir de son sujet, perdre le fil d’un discours — Dans le vocabulaire de l’amour, c’est… dame, c’est difficile à dire, quoique le sens soit le même.

Fustier, 1889 : Divaguer.

France, 1907 : Se déranger, divaguer. Courir la pretantaine.

Quèqu’ tu r’gard’ ? eun’ jument qui pisse…
Ça t’fait donc encor’ de l’effet ?
Vrai, j’taurais pas cru si novice,
Les femm’s !… tiens… (il crache) v’là l’effet qu’ça m’fait.
Viens, mon salaud, viens, guide à gauche,
T’es trop vieux, vu, pour dérailler,
D’ailleurs, c’est pour ça qu’on t’embauche :
Tu n’es pus bon qu’à travailler.

(Aristide Bruant)

France, 1907 : Déclassé, homme jeté en dehors de sa vocation.

Déralinguer

Larchey, 1865 : Mourir. — Terme de marine.

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot des marins d’eau salée et d’eau douce.

France, 1907 : Mourir ; argot des marins.

Au temps des coquelicots d’État, il n’y en a que pour leurs boutonnières (les peintres). Et tout ça, parce qu’au moment précis ils ont su donner le banquet voulu à un Maître. Pendant ce temps, nous autres, épars et déralingués, nous nous courons les uns après les autres, et nous f… le camp devant le Scandinave.

(Émile Bergerat)

Dératé

d’Hautel, 1808 : Il court comme un dératé. Pour dire à toutes jambes, comme un fou.
Un dératé. Homme éveillé, alerte et rusé, dont il est difficile de faire une dupe.

Dératifier

France, 1907 : Empêcher quelqu’un d’être rat, c’est-à-dire en retard, dans l’argot de l’École Polytechnique. Voir Rat.

Derne (être)

France, 1907 : Être étourdi, troublé, perdre la tête ; du patois rémois. Dans l’argot des enfants, c’est être le dernier.

Dernier

d’Hautel, 1808 : Il n’aura pas le dernier. Espèce de menace que l’on fait à un homme entêté qui répond insolemment à toutes les représentations qu’on lui fait, et qui ne veut jamais convenir de ses torts ; pour dire qu’on est bien décidé à lui tenir tête, à ne lui point céder.
On dit aussi, il veut toujours avoir le dernier. Pour il est d’une obstination, d’un entêtement sans égal ; il faut que tout lui cède.

Dernier (avoir le)

Larchey, 1865 : Avoir le dernier mot. V. Double.

France, 1907 : Sous-entendu : dernier mot.

Dernier bateau (être du)

France, 1907 : Être dans le mouvement, suivre la mode.

Je sais bien que l’employé de bureau n’a plus les manches de lustrine et le toquet de velours des romans de Paul de Kock. Je le veux aussi du dernier bateau, jeunet, habillé aux laissés pour compte des grands tailleurs, cachant même Bourget dans le fond de son pupitre, ce qui indique, ce me semble, une jolie culture intellectuelle. Pris individuellement, il est charmant, spirituel même, sachant joliment tourner une lettre agressive.

(Mentor, Le Journal)

Un membre du Jockey, tout à fait dernier bateau et converti au sport moderne, sollicite la concession d’une grande piste pour bicyclettes. Je le sais par la veuve d’un officier supérieur, qui postule elle-même la location des chaises sur la piste. Les chances de cette dame respectable étaient, jusqu’ici, à peu près nulles. Elle n’avait dans sa manche qu’une douzaine de sénateurs et de députés, personnages de second plan, sans grande influence, pas même compromis dans le Panama. Mais je viens d’apprendre avec plaisir qu’elle est sérieusement recommandée par le concierge de la maîtresse du beau-frère du fameux Terront.

(François Coppée)

Dernier de M. de Kock

Larchey, 1865 : « Ce mot a signifié cocu pendant quinze jours. En ce temps, il venait de paraître un roman de M. Paul de Kock intitulé le Cocu. Ce fut un scandale merveilleux… Il fallait bien pourtant se tenir au courant et demander le fameux roman. Alors (admirez l’escobarderie !) fut trouvée cette honnête périphrase : Avez-vous le dernier de M. de Kock ? » — Th. Gautier. — « Le mari. — Et de cette façon je serais le dernier de M. de Kock, minotaure, comme dit M. de Balzac. » — Id.

Dernier mot de M. de Kock

France, 1907 : Périphrase par laquelle les pudibondes bourgeoises désignaient le roman de Paul de Kock intitulée Le Cocu.

Dernière faveur (la)

Delvau, 1864 : Ainsi appelait-on, au XVIIIe siècle, la complaisance qu’une femme avait de prêter son derrière à un homme après lui avoir prêté son devant. Cela résulte clairement de ce passage des Tableaux des mœurs du temps, de La Popelinière :

— Comment donc, comtesse, vous ne lui avez pas encore accordé la dernière faveur ! — Non certes, je m’y suis toujours opposée. — Cela vous tourmentera et lui aussi, ma petite reine ; il faut bien que vous fassiez comme les autres… Les hommes sont intraitables avec nous jusqu’à ce qu’ils en soient venus là.

(Dialogue XVII.)

Aujourd’hui, la Dernière faveur, dans le langage de la galanterie décente, c’est la coucherie pure et simple — et c’est déjà bien joli.

Dernières recommandations

France, 1907 : Conseils sur les règles à suivre dans la couche nuptiale, que croient devoir donner les mamans naïves à leurs filles, le soir de leurs noces.

Une veuve déjà un peu mûre vient d’épouser un tout jeune homme.
Le soir du mariage, vers minuit, comme elle causait mystérieusement avec son mari :
— Que lui racontes-tu ? lui demande une de ses amies.
— Je lui fais les dernières recommandations avant de nous retirer dans notre appartement : le pauvre enfant n’a plus sa mère !

(Gil Blas)

Derniers outrages

France, 1907 : Euphémisme par lequel on désigne l’acte de prendre violemment une femme.

— Parbleu ! cette vieille en veut aux jeunes femmes, d’autant plus qu’elle a toujours été laide comme une horreurs ; on ne lui a jamais fait la cour, elle n’a même pas de souvenirs ; alors, elle crève de jalousie… Elle est de ces femmes pour lesquelles les derniers outrages seraient les premières politesses.

(Maurice Donnay, Chère Madame)

— Oui, j’ai goûté l’ivresse des suprêmes abandons sans qu’il m’ait été nécessaire de subir ce que ces messieurs, dans leur langue toujours un peu triviale, appellent les derniers outrages.

(Camille Lemonnier, L’Ironique amour)

… Ce lâche suborneur
Vous a fait perdre votre honneur
Et subir les derniers outrages !
Mathurine frémit…
Sur son banc
Retombant,
Elle se met à fondre en larmes…
— Si j’pleurons…
C’est point parc’ que vous m’avez dit
Qu’il avait été trop hardi
Et que d’sous les ombrages,
Au p’tit bois des nois’tiers,
Y m’a fait subir des outrages…
Mais… c’est… parc’ que vous m’dit’s… que ça s’ra… les derniers !

(Octave Pradels)

Dérober

Fustier, 1889 : Argot de turf. Un cheval se dérobe quand il s’écarte de la piste.

Dérober (se)

France, 1907 : C’est, dans l’argot du turf, un cheval qui s’écarte de la piste.

Dérondiner

Halbert, 1849 : Payer.

Rigaud, 1881 : Payer, — dans l’ancien argot.

Virmaître, 1894 : Un sou se nommant un rond, de là l’expression pour indiquer que l’on s’en sépare en payant :
— Je me dérondine tous les jours pour sorguer (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Payer. De celui qui est avare, qui ne sort pas ses ronds (sous) de son porte-monnaie on dit qu’il n’est pas facile de le faire dérondiner.

France, 1907 : Payer. Mot à mot : se défaire de ses ronds.

Dérouiller

d’Hautel, 1808 : On dit d’un provincial qui a l’air neuf, gauche et emprunté, qui n’a nulle idée des usages de Paris, qu’il n’est pas encore dérouillé.

Virmaître, 1894 : Recouvrer sa souplesse, se mettre au fait d’un service L. L. Dérouiller : enlever la rouille d’une pièce de fer ou d’acier. Dérouiller : perdre ses habitudes casanières pour reprendre ses relations. Dérouiller a dans le peuple une autre signification. Pour dérouiller, ce n’est pas le papier émeri qui est employé, mais la première femme venue (Argot du peuple). N.

Rossignol, 1901 : Il paraît que c’est pour avoir dérouillé que Adam et Eve furent chassés du Paradis.

Hayard, 1907 : Vendre.

Dérouiller (chercher à)

France, 1907 : Faire la cour à une femme.

Dérouiller (se)

France, 1907 : Sortir de sa torpeur, se mettre en train, s’initier à de nouvelles fonctions. Perdre ses habitudes casanières.

Déroute

d’Hautel, 1808 : Être en déroute. Équivaut à se mettre en ribotte ; se livrer à la dissipation, à la débauche.

Dérouter

d’Hautel, 1808 : Dérouter quelqu’un. Le déconcerter ; le rendre confus.

Déroyaliser

Delvau, 1866 : v. a. Détrôner un roi, enlever à un pays la forme monarchique et la remplacer par la forme républicaine. L’expression date de la première Révolution et a pour père le conventionnel Peysard.

Rigaud, 1881 : Renverser un souverain de son trône. Enlever à un roi la couronne de dessus la tête, et quelquefois la tête, avec la couronne.

Derrière

d’Hautel, 1808 : Montrer le derrière. Manquer à sa parole ; reculer dans l’exécution d’une affaire après s’y être engagé avec fanfaronnade.
Mettre une chose sens devant derrière. Pour dire à rebours, dans un sens opposé à celui qui convient.
Il a toujours quelques portes de derrière. Se dit d’un homme de mauvaise foi, qui se comporte de manière à ne jamais tenir sa parole.
Faire rage des pieds de derrière. Employer tous les moyens pour venir à bout d’une affaire.
Prendre quelqu’un par derrière. L’attaquer en traître ; le prendre à l’improviste.
S’en torcher le derrière. Locution fort ignoble, qui se dit d’un papier, d’un écrit, d’un acte quelconque dont on ne fait aucun cas, que l’on regarde avec mépris et comme une chose très-peu importante.

Derrière (enlever le)

Rigaud, 1881 : Donner un coup de pied au derrière.

Derrière (le)

Delvau, 1864 : Le cul, soit de la femme, soit de l’homme.

Et pour peu que, d’un air tendre,
On dirige un doigt savant,
On les voit se laisser prendre
Le derrière et le devant.

Charles Monselet.

Phœbus, au bout de sa carrière,
Put les apercevoir tous deux,
Le brigadier dans le derrière
Agitant son membre nerveux.

(Parnasse satyrique.)

Pour offrir
Son devant aux madames,
Son derrièr’ ferme et doux
Aux époux.

(Chanson anonyme moderne.)

Derrière le poêle

Boutmy, 1883 : V. Il n’y en a pas !

Derrière le poêle chez Cosson

France, 1907 : « Phrase de l’argot des typographes, qui la mettent à toutes sauces et l’emploient surtout lorsqu’il ne leur plaît pas de répondre à une question. N’importe ce qu’on leur demande, ils vous renvoient toujours là. L’expression sort de l’imprimerie Cosson, et du patron est descendue aux ouvriers. »

(Delvau)

Derrière le premier (se lever le)

Rigaud, 1881 : Se lever de mauvaise humeur. — Être de mauvaise humeur dès le matin.

France, 1907 : Se réveiller de mauvaise humeur.

Derrière les fagots (vin de)

France, 1907 : Vin que l’on a gardé précieusement pour servir à de vieux amis ou à des hôtes d’importance. Pour le mettre à l’abri, on cachait généralement les bouteilles derrière les fagots.

Des dattes

Rossignol, 1901 : Celui qui vous répond des dattes à une demande que vous lui faites, oppose un refus.

Tu offres un vermouth ? Oh ! des dattes. — On t’a promis telle chose, si tu comptes dessus, c’est comme des dattes.

Désarçonné (être)

Delvau, 1864 : Ne plus bander, pour avoir trop bandé ; — femme, faire déconner son fouteur.

L’étudiant qui n’est pas encore désarçonné.

Henry Monnier.

Je désarçonnai mon cavalier, qui n’avait pas encore fini sa course.

(Meursius.)

Désargenter

France, 1907 : Être sans argent.

Quand on est désargenté, on se la brosse, et l’on ne va pas se taper un souper à l’œil.

(Mémoires de Vidocq)

J’avais donc, en courant de fredaine en fredaine,
Ruiné mes parents, qui sont morts à la peine,
Et c’est bien fait pour eux, ils m’avaient trop gâté,
Enfin, lorsque je fus par trop désargenté,
— Hélas ! j’avais vendu mes dernières dépouilles
Pour une autre boisson que celle des grenouilles ! –
Voulant continuer mon état de rentier,
Car je l’aimais, je fis plus d’un sale métier.

(Barillot, La Mascarade humaine)

Désargoté

France, 1907 : Malin, l’argoté étant la dupe.

Désargoter

Halbert, 1849 : Faire le malin.

Rigaud, 1881 : Déniaiser, — s’ingénier, — dans le jargon des voleurs. — Désargoté, malin.

La Rue, 1894 : Déniaiser. Désargoté, malin.

France, 1907 : Déniaiser.

Désarrer

Halbert, 1849 : S’enfuir.

France, 1907 : Fuir.

Désatiller

Halbert, 1849 : Châtrer.

Delvau, 1866 : v. a. Châtrer, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Châtrer (Argot des voleurs).

Hayard, 1907 : Châtrer.

France, 1907 : Châtrer ; argot des voleurs.

Desbrouf

M.D., 1844 : Vivement.

Descendre

d’Hautel, 1808 : Descendre la garde. Expression plaisante et figurée, qui signifie, parmi le peuple, tomber d’un lieu élevé ; s’en aller dans l’autre monde ; laisser ses os dans une affaire, dans une batterie quelconque.
Descendez, on vous demande en bas. V. Bas.
On dit vulgairement descendre en bas, et monter en haut.
Le génie de la langue allemande et de la langue anglaise peut tolérer ces locutions ; mais la langue française les rejette absolument ; il faut dire simplement sans régime, monter et descendre.

Delvau, 1864 : Aller faire la rue, dans l’argot des filles de bordel, qui descendent le plus souvent qu’elles peuvent, afin d’être montées d’autant.

Va t’êt’ onze heures, j’ descends pus… Nous allons nous coucher, dis, veux-tu ?

Henry Monnier.

Larchey, 1865 : Tuer, faire tomber.

J’ajuste le Prussien et je le descends.

M. Saint-Hilaire.

Delvau, 1866 : v. a. Tuer, abattre d’un coup de fusil, — dans l’argot des soldats et des chasseurs.

Rigaud, 1881 : Faire tomber ; tuer d’un coup de fusil. — Descendre la garde, mourir.

Fustier, 1889 : Expression théâtrale en usage dans les répétitions. C’est aller dans la direction de la rampe. — Terme de turf ; quand un cheval appelé à courir acquiert une plus value, on dit qu’il descend, parce qu’en effet la proportion dans laquelle on pariait contre lui tombe. Ainsi, un cheval qui hier était coté à 7 contre — 1, et qui est aujourd’hui à 5 contre — 1 est un cheval qui descend (Littré.)

La Rue, 1894 : Mourir. Mettre hors de combat. Tuer.

Hayard, 1907 : Assassiner.

France, 1907 : Tuer.

— Prends le reste des spahis et va explorer le sommet des mamelons sur notre gauche, jusqu’à la plaine. Si tu rencontres des Kabyles, descends-les.
— Oui, mon colonel.

(Hector France, L’Homme qui tue)

Descendre à la cave

Rossignol, 1901 : Il y a des gens qui n’aiment pas y descendre, ils prétendent que c’est une cave qui est située trop près de la fosse d’aisances.

Descendre à la crémerie

Virmaître, 1894 : Cette expression est employée par les filles qui n’aiment pas les hommes ; elle est suffisamment claire. Par la satisfaction qu’elles éprouvent, elles boivent du lait non écrémé (Argot des filles). V. Accouplée. N.

France, 1907 : « Cette expression est employée par les filles qui n’aiment pas les hommes ; elle est suffisamment claire. Par la satisfaction qu’elles éprouvent, elles boivent du lait non écrémé. Argot des filles. »

(Ch. Virmaître)

Descendre de La Courtille

France, 1907 : La Courtille était située au haut du faubourg du Temple, après la barrière de Belleville. Les matins de carnaval, après avoir passé la nuit à danser et à boire, les masques sortaient des bals et des guinguettes de la Courtille et rentraient en masse, ivres, bruyants, crottés dans Paris par la grande rue. C’est ce qui s’appelait la descente de La Courtille.

Une chose très importante, selon nous, dont il faut, en finissant, féliciter Chicard, c’est d’avoir tué pour jamais la descente de la Courtille. Si quelque chose sentait le vulgaire, l’épicier, le rétrospectif, c’est sans contredit cette solennité, qui n’était en définitive qu’une débauche de Debureau, une orgie de farine.

(Taxile Delort)

Descendre des travaux

Fustier, 1889 : Argot ouvrier. Travailler d’arraché pied.

Le patron avec qui nous avons traité… était étonné de la façon dont nous avons descendu les travaux…

(Enquête de la Commission extraparlementaire des associations ouvrières.)

Descendre la garde

Larchey, 1865 : Mourir. — Mot à mot : n’être plus de service.

Amis, quand la camarde
M’fera descendre la garde.

Festeau.

Delvau, 1866 : v. n. Mourir, — dans l’argot du peuple.

Virmaître, 1894 : Mourir (Argot du peuple).

France, 1907 : Mourir. En style militaire, c’est, après avoir fini son service de garde, qui est de vingt-quatre heures, retourner au quartier.

— Eh bien, reprit Hulot, qui possédait éminemment l’art de parler la langue pittoresque du soldat, il ne faut pas que de bons lapins comme nous se laissent embêter par des chouans… Vous allez, à vous quatre, battre les deux côtés de cette route. Tâchez de ne pas descendre la garde, et éclairez-moi cela vivement.

(Balzac, Les Chouans)

On enterrait un soldat. Un bataillon accompagnait le convoi.
Passe un gavroche :
Ce que c’est que la vie, pourtant, dit-il ; il y en a qui montent la garde et d’autres qui la descendent.

Descendre son crayon sur la colonne

Rigaud, 1881 : Administrer une volée de coups de canne, — dans le jargon des voyous.

Descente

d’Hautel, 1808 : Faire une descente chez quelqu’un. S’y transporter en masse et sans y être attendu, à dessein de faire quelques perquisitions ou d’exercer quelqu’exaction.
Une descente de gosier. Expression burlesque, pour dire un mal de gorge.

Descente de gosier

Virmaître, 1894 : Avoir une soif perpétuelle. Pochard jamais rassasié (Argot du peuple).

France, 1907 : Soif perpétuelle.

Descente de lit

Delvau, 1866 : s. f. Lion que l’esclavage a abruti et qui se laisse donner des coups de cravache par son dompteur sans protester par des coups de griffes.

Virmaître, 1894 : Femme facile, qui se couche au moindre signe. Synonyme de paillasse (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « Femme facile, qui se couche au moindre signe. Synonyme de paillasse. » (Ch. Virmaître)

Désembrener

France, 1907 : Enlever le bran au derrière des enfants.

Il leur fallait, à ces messieurs, de bonnes grosses dots, en espèces sonnantes et trébuchantes — ou des femmes utiles à quelque chose, pouvant raccommoder leurs chaussettes, préparer leur popotte et désembrener leurs mioches.

(Albert Cim, Demoiselles à marier)

Désenberluer

France, 1907 : Désennuyer.

Il était bien le fils de ce bonhomme qui se vantait de n’avoir jamais bu qu’à sa soif, ne s’étant grisé qu’une fois, le jour de con mariage, par révérence pour son beau-père, un vieux bibard. Simonard, pour le désenberluer, à plusieurs reprises, avait essayé de l’entraîner à des bordées.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Désenbonnetdecotonner

Delvau, 1866 : v. a. Débourgeoiser, donner de l’élégance à quelqu’un ou à quelque chose. Le mot est de Balzac.

France, 1907 : Débourgeoiser. Mot créé par Balzac.

Désenfariner (se)

France, 1907 : Se dégrossir, sortir des bas rangs sociaux ; changer son nom de vilain contre un nom de gentilhomme. Se dit de tout rustaud enrichi qui, par un moyen quelconque, essaye de faire oublier son origine sans y réussir, car, dit le proverbe : La caque sent toujours le hareng.

Sachant fort bien qu’en France on ne juge parfois du sac que par l’étiquette et qu’avec un titre sur une carte et des armoiries sur sa voiture on fait assez bonne figure dans le monde, nombre de fils de meuniers désireux de se « désenfariner » s’imaginent avoir assez fait pour légaliser l’usurpation de leur titre, lorsqu’ils défrayent, à force d’exploits, la conversation des « copurchics » dans les boudoirs achalandés, ou les sous-entendus des articliers dans la chronique scandaleuse.

(Albert Dubrujeaud)

Désenflaquer

Rigaud, 1881 : Se tirer d’une situation difficile. Mot à mot : se tirer d’une flaque.

Virmaître, 1894 : Se tirer d’un mauvais pas. Mot à mot : sortir de la merde. Un prisonnier est enflaqué ; le désenflaquer, c’est lui rendre la liberté (Argot des voleurs).

France, 1907 : Tirer d’embarras. Sortir de la flaque.

Désenflaquer (se)

Delvau, 1866 : Se tirer de peine, et aussi de prison, — dans l’argot des voleurs.

Delvau, 1866 : Se désem…nuyer, — dans l’argot des faubouriens.

Désenfrusquiner (se)

Delvau, 1866 : Se déshabiller, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Se déshabiller. Retirer ses frusques.

Désennuyeur

Rigaud, 1881 : Terme réservé qu’emploient les souteneurs de filles pour se désigner. Ils désennuient ces dames.

Desentiflage

Rigaud, 1881 : Séparation entre époux. — Être désentiflé, vivre séparé de sa femme.

Désentiflage

Delvau, 1866 : s. m. Rupture, divorce, — dans l’argot des voleurs.

Virmaître, 1894 : Rompre avec quelqu’un avec qui on était lié. Mot à mot : se désentifler, se quitter, se séparer. C’est l’opération contraire à celle d’entifler (Argot du peuple).

France, 1907 : Rupture, séparation, divorce.

Désentifler

Larchey, 1865 : Divorcer. V. Antifler.

France, 1907 : Se séparer, divorcer.

Désentifler (se)

Delvau, 1866 : v. réfl. Se quitter, divorcer.

Déséquilibrée

France, 1907 : Femme atteinte d’une maladie spéciale, causée par l’état anormal où nous met notre civilisation ou par l’abus de lectures idiotes ou de plaisirs excessifs ou hors nature.

Or, c’est un point remarquable que toute la littérature d’à présent tend aux mêmes héroïnes. Pour peu qu’un écrivain s’attaque à une étude de psychologie conjugale, il y a cent à parier contre un qu’il nous présentera une petite déséquilibrée qui n’aura pas de plus grand ennemi au monde que son mari.

(E. Depré)

Désert

France, 1907 : On appelle ainsi, dans l’argot de l’École Polytechnique, un coin de la salle d’études qui échappe au regard du surveillant.

C’est là que se réfugie l’élève qui veut griller une « sèche », c’est-à-dire fumer tranquillement une cigarette sans être vu ; c’est dans le désert qu’on s’allonge sur un lit confectionné à l’aide des cartons à dessin, cherchant dans le sommeil l’oubli momentané des intégrales et de l’arche biaise ; c’est encore là qu’on va piquer le bouquin, c’est-à-dire lire le journal où le roman nouveau, faire un mort ou cuisiner le chocolat du matin.

(Albert Lévy et G. Pinet, L’Argot de l’X)

Il existe dans chaque salle,
Dans l’coin en entrant, un désert.
C’est là que l’cuisinier s’installe,
Car de cuisine je lui sers.
L’gaz descend par un tub’ flexible,
Depuis le « rosto » jusqu’au fond’ment d’un brûleur,
Er j’rends la marmite invisible
Pour les regards inquisiteurs.
Ça va bien, ça va bien !
Ça va bien, ça va bien !
Grâce à moi, le capitaine
Qui dans le corri s’promène,
Ne s’apercevra de rien.

(J. Dreyfus et Onillon, 1882)

Désespérade

d’Hautel, 1808 : À la désespérade ; jouer à la désespérade. Pour dire, en désespéré.

Désespoir

d’Hautel, 1808 : Par quolibet, désespomme. Ce pitoyable calembourg est fort usité parmi le peuple, qui l’emploie dans un sens ironique. En parlant de quelqu’un qui affiche une douleur fausse et hypocrite, on dit : elle est tombée dans un désespomme affreux.

Desfoux

Rigaud, 1881 : Enorme casquette de soie, bouffante, casquette à triple étage, casquette à trois ponts, particulière aux Desgrieux de barrière. Vient du nom du fournisseur. On dit une desfoux, comme dans un autre monde, un gibus. Je viens de me fendre d’une desfoux un peu chouette, cinq balles !

France, 1907 : Casquette de soie, particulière aux souteneurs, appelée généralement casquette à trois ponts. On les appelait primitivement Desfoux, du nom d’un chapelier voisin du Pont-Neuf qui en faisait un grand débit.

Desgenais

France, 1907 : Personnage vertueux d’une comédie de Théodore Barrière. Faire son Desgenais, jouer au moraliste.

Desgenais en chambre

Rigaud, 1881 : Moraliste qui entend la plaisanterie et la noce. Moraliste bon enfant. — Allusion au type d’un des personnages des Filles de marbre. Expression un peu démodée comme la pièce. Faire son Desgenais, faire de la morale.

Desgrieux

Delvau, 1864 : Maquereau, amant de cœur d’une femme galante. — Tout le monde a lu le roman de l’abbé Prévost d’Exiles, intitulé Manon Lescaut, et, l’ayant lu, sait que dans ce roman — qui a l’air d’être une histoire arrivée — le chevalier Desgrieux joue le rôle de maquereau, et même un peu d’escroc.

Delvau, 1866 : s. m. Chevalier d’industrie et souteneur de Manons, — dans l’argot des gens de lettres, qui, avec raison, ne peuvent pardonner à l’abbé Prévost d’avoir poétisé le vice et le vol.

Rigaud, 1881 : Aimable et joli souteneur de filles, le frère aîné de M. Alphonse. En souvenir du nom du héros du roman de Manon Lescaut.

France, 1907 : Amant de cœur d’une prostituée, du nom du triste héros du célèbre roman de l’abbé Prévost : Manon Lescaut.

Déshabillage

France, 1907 : Critique à laquelle se livrent les artistes et les gens de lettres, contre un confrère absent. On le déshabille de façon à montrer touts ses tares.

Déshabillé

France, 1907 : Terme de boucherie, synonyme d’écorcher, dépouiller. On déshabille un mouton ou un bœuf en lui enlevant la peau.

Les aides mettaient la main au couteau. En une seconde, la gorge était ouverte, la robe fendue du mufle aux mamelles, la bête déshabillée ; et sur le sol où ruisselait le sang, la peau traînait à terre, comme, après un bain, un peignoir foulé. Puis par les deux pieds de derrière, un treuil élevait le bœuf au-dessus du sol, la tête en bas.

(Hugues Le Roux, Les Larrons)

Déshabiller

Delvau, 1866 : v. a. Donner des coups, battre quelqu’un à lui en déchirer ses vêtements, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Donner à quelqu’un une telle tripotée qu’on en déchire ses vêtements.

Désheuré

France, 1907 : Qui a l’habitude d’être en retard, qui n’a pas d’heures régulières.

Bien certainement, si elle tardait, ce n’était pas pour baguenauder dans les rues, sachant qu’il était seul à garder la maison. Et pour la première fois, il s’avisa de la déconsidération qui s’attache à une ménagère désheurée.

(Camille Lemonnier, Happe-chair)

Desiderata

France, 1907 : Choses désirées. Latinisme : pluriel de desideratum.

Les ouvriers de toutes les nations ont forcément des desiderata communs et dans la lutte qu’ils soutiennent contre leurs exploiteurs, vrais ou supposés, ils se servent des armes qui sont à leur disposition.
Mais que dire de ces nobles qui ont un pied en France, et l’autre en Allemagne, qui pourraient siéger un jour au Palais-Bourbon et le lendemain à la Chambre des seigneurs de Prusse ?

(Camille Dreyfus, La Nation)

Desideratum

France, 1907 : Singulier du mot précédent.

Désirance

France, 1907 : Envie de femme grosse.

Deslasé

France, 1907 : Désaoulé.

Desmesure

France, 1907 : Excès, défaut de mesure.

Désoler

Halbert, 1849 : Jeter.

France, 1907 : Jeter.

Désoler un saint

Halbert, 1849 : Jeter quelqu’un à l’eau.

Désosse

Rigaud, 1881 : Misère, ruine, — dans le jargon des barrières. — Jouer la désosse, être ruiné.

France, 1907 : Détresse. On n’a, en effet, plus d’osse.

Désossé

Delvau, 1866 : adj. et s. Homme extrêmement maigre, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Qui est sans argent, — dans le jargon des voyous. Os veut dire argent ; désossé, c’est donc celui qui n’a pas d’os.

France, 1907 : Homme maigre.

Désosser

Rigaud, 1881 : Tomber sur quelqu’un à grands coups de poing. — Je t’vas désosser.

Hayard, 1907 : Battre.

France, 1907 : Taper à grands coups de poing.

Despicable

France, 1907 : Méprisable ; vieux français.

En simple état des mondaines despicables.

(Fourqué, Vie de Jésus-Christ)

Dessalé

Virmaître, 1894 : Noyé que l’on retire de l’eau, Allusion à la morue que les ménagères font dessaler avant de la manger (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Dégourdi, malin. Un intelligent est un dessalé. Un noyé, un dessalé. Tomber à l’eau c’est se dessaler.

Dessalé (être)

Hayard, 1907 : Être dégourdi, à la coule.

Dessalée

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme de mauvaise vie, — dans le même argot [du peuple]. Cette expression, qui a plus d’un siècle, signifie aussi femme rusée, roublarde.

Rigaud, 1881 : Femme rusée, coquine délurée, femme sans moralité ni tenue. La dessalée était la gourgandine de nos pères. Ce n’était primitivement qu’une épithète accrochée au vocable « morue. » On disait sous Louis XV « morue dessalée » pour donner plus de force à l’injure. Aujourd’hui tout est si cher, même les mots du bas langage, que d’mie injure on en a fait deux, et voilà pourquoi l’on dit « morue » pour désigner une femme sale, repoussante, et pourquoi « dessalée » dans le sens de fille de joie.

Vous paraissez toutes deux assez dessalées.

(Les Souffleurs.)

La Rue, 1894 : Femme rusée ou sans moralité ni tenue.

France, 1907 : Femme de mœurs légères.

Dessaler

d’Hautel, 1808 : Terme typographique qui signifie s’acquitter, remplir la tâche dont on a touché le montant d’avance ; se mettre au courant de son ouvrage. Voy. Saler.
Un dessalé. Pour dire un finot, un luron alerte et éveillé ; un gaillard auquel on n’en fait pas accroire.

Rigaud, 1881 : Noyer. Dessaler le client à la faux, noyer quelqu’un après l’avoir volé.

France, 1907 : S’acquitter.

France, 1907 : Noyer quelqu’un, d’où l’appellation de dessalés aux noyés que l’on retire de l’eau.

Dessaler (se)

Larchey, 1865 : Boire.

Delvau, 1866 : v. Boire le vin blanc du matin, — dans l’argot des faubouriens, qui dorment volontiers salé, comme Gargantua.

Rigaud, 1881 : Tomber malade, — dans le jargon des voleurs. Allusion aux conserves qui s’amollissent lorsqu’elles perdent leur sel.

Rigaud, 1881 : S’acquitter d’une avance faite, — dans le jargon des typographes. C’est mot à mot : restituer son salé. Les avances d’argent ont reçu le nom de salé, par abréviation de salaire.

Rigaud, 1881 : Boire, — dans le jargon des voyous. — Viens-tu nous dessaler ?

Boutmy, 1883 : v. pr. S’acquitter, se mettre au pair, quand on a compté par avance une composition qui n’était pas faite. V. Salé.

France, 1907 : Boire le petit verre de vin blanc matinal qui dessale le gosier, ou se rendre malade.

Dessaler le client à la faux

France, 1907 : Noyer l’homme que l’on vient de voler.

Dessaler, désoler

La Rue, 1894 : Noyer. Dessaler le client à la faux. Noyer l’homme que l’on a volé.

Dessaleurs

Virmaître, 1894 : C’était une compagnie d’assassins qui attendaient sur les quais déserts du canal Saint-Martin les passants attardés. Ils les dépouillaient d’abord et les jetaient ensuite à l’eau. Le lendemain matin ils arrivaient comme par, hasard sur la berge, armés d’un croc et repêchaient le dessalé pour avoir la prime. L’opération était doublement fructueuse. La bande fut arrêtée et condamnée. L’expression est restée dans le peuple ; tout noyé pour lui est un dessalé (Argot du peuple). N.

France, 1907 : « C’était une compagnie d’assassins qui attendaient sur les quais déserts du canal Saint-Martin les passants attardés. Ils les dépouillaient d’abord et les jetaient ensuite à l’eau. Le lendemain matin, ils arrivaient comme par hasard sur la herse, armés d’un croc, et repêchaient le dessalé pour avoir la prime. L’opération était doublement fructueuse. La bande fut arrêtée et condamnée. »

(Ch. Virmaître)

Dessaquer

d’Hautel, 1808 : Vider ses sacs.
Il a dessaqué ses écus. Se dit par raillerie d’un avare qui est contraint à faire une grosse dépense.

Dessécher

d’Hautel, 1808 : Il dessèche sur pied. Se dit d’un homme que le travail, le chagrin ou la maladie font maigrir sensiblement.

Desserre

d’Hautel, 1808 : Être dur à la desserre. Être fort intéressé ; aimer trop l’argent ; se faire tirer l’oreille pour acquitter ses dettes.

Desserrer les genoux

Delvau, 1864 : Consentir à se laisser baiser. Ouvrir les cuisses pour recevoir un homme, de même qu’on ouvre la bouche et desserre les dents pour recevoir un vit.

Un cordelier d’une riche encolure,
Large de quarrure,
Fier de son pouvoir,
Prodigue du mouchoir,
Au coin d’un bois rencontra sœur Julie,
Lui dit : Je vous prie,
Çà, dépêchez-vous,
Desserrez les genoux.

Haguenier.

Dessert

d’Hautel, 1808 : Entre Pâques et la Pentecôte, le dessert n’est qu’une croûte. Signifie qu’à cette époque, la saison n’offre aucun fruit.
Le peuple a coutume de dire : Entre Pâques et la Pentecôte, le dessert n’est qu’une crotte.

Desserte (vol à la)

France, 1907 : S’introduire en costume de cuisinier dans une maison où l’on donne un grand dîner et s’emparer de l’argenterie.

Dessinandier

Rigaud, 1881 : Dessinateur.

Dessouler

d’Hautel, 1808 : Il ne dessoule jamais. Pour, il vit continuellement dans l’ivrognerie, la débauche et la fange.

Dessous

d’Hautel, 1808 : Savoir le dessous des cartes. Connoitre les intrigues, les ressorts cachés d’une affaire.

Halbert, 1849 : Amant supplémentaire.

France, 1907 : La chemise, les jupons et le pantalon d’une femme.
Nini Patte-en-l’air affirme que ses dessous lui coûtent trois cents francs. Puisqu’ils sont destinés à être exhibés, ce luxe n’a rien de surprenant ; mais que penser de cette prude dévote à qui une amie demandait pourquoi, au moment de partir en voyage, elle soignait tant ses dessous. — « Ah ! Répliqua-t-elle, on ne sait avec qui l’on se trouve dans les trains et l’on peut rencontrer un insolent. »

Les jambes en question, les demi-nus suspects, les dessous prévenus, il me semble qu’on serait juste, qu’on ferait preuve de bonne grâce en reconnaissant la part qu’ils ont souvent dans la naissance du sentiment et dans la conservation de l’amour.

(Fernand Vandérem, Le Journal)

France, 1907 : Amant de cœur d’une fille. Celui qu’on cache quand se présente l’amant payant, le miché sérieux.

Dessous (tomber dans le troisième)

Rigaud, 1881 : Être complètement ruiné, tomber dans la misère. — Au théâtre on entend par dessous les étages pratiqués sous la scène pour les besoins des décors. On dit d’une pièce qui a échoué qu’elle est tombée dans le troisième dessous.

France, 1907 : Faire une chute complète, dans l’argot théâtral ; tomber dans la misère et le discrédit.

Dessus

d’Hautel, 1808 : Par-dessus l’épaule ; tu l’auras par-dessus l’épaule. Expression métaphorique qui veut dire, point du tout, jamais.
En avoir cent pieds par-dessus la tête. Être fatigué, dégoûté de quelque chose.
Il a des affaires par-dessus les yeux. Pour, il est accablé d’occupations.

Halbert, 1849 : Amant en titre.

France, 1907 : Amant payant. Celui qu’on montre.

Dessus des châsses

France, 1907 : Front.

Dessus du panier

France, 1907 : Ce qu’il y a de mieux. Allusion aux maraîchères qui étalent, au dessus de leurs paniers, leurs fruits les plus beaux ou leurs plus fraiches marchandises.

Trop pressé de signer un livre,
Pauvres vers, éclos en rêvant,
Sans raisonner, quand je vous livre
À tous les caprices du vent ;
Lorsque durant toute ma vie,
Ne vous mirant qu’à mon miroir,
J’aurais, sans peur et sans envie,
Pu vous garder dans mon tiroir,
Peut-être vainement j’enroule
Vos fleurs d’un ruban printanier ;
Ceci, me répondra la foule,
N’est pas le dessus du panier.

(Léon Rossignol, Lettres d’un mauvais jeune homme à sa Nini)

Dessus du panier des amours (le)

Delvau, 1864 : Le pucelage des jeunes filles, auquel personne n’a encore touché du bout de la queue.

Ces messieurs du faubourg ont le dessus du panier des amours, et, comme ils ont l’appétit et les dents de la jeunesse, ils mordent aux grappes lorsqu’elles ont précisément toute leur fraîcheur, toute leur saveur, tout leur parfum.

A. Delvau.

Destrier

Delvau, 1866 : s. m. Cheval. — dans l’argot des académiciens, qui ont horreur du mot propre. Ils disent aussi Palefroi, — dans les grandes circonstances.

Destrois

France, 1907 : Difficulté.

Destructeur

France, 1907 : Genre de sadique.

Ces maniaques coupent, à l’aide de ciseaux, les robes, les manteaux des femmes, et les morceaux qu’ils enlèvent sont précieusement entassés dans des tiroirs. Sur l’étiquette indicatrice, on lit, avec la date, le nom du magasin, le signalement de la femme, la satisfaction du… charme éprouvé. La personne qui a le malheur de faire leur caprice est certaine d’avoir ses vêtements à remplacer.

(G. Macé, Un Joli monde)

Destruction

d’Hautel, 1808 : Il ne se plaît qu’à la destruction. Pour il a le génie destructeur et malfaisant.

Destuc

Halbert, 1849 : De moitié.

France, 1907 : Part à demi dans un vol.

Détaché

Fustier, 1889 : Argot de sport. Qui est en avant des autres chevaux. Tel cheval est arrivé second, mais il était complètement détaché du reste du champ, c’est-à-dire qu’à l’exception du vainqueur, tous ses rivaux étaient loin derrière lui.

France, 1907 : En argot du sport, c’est le cheval qui, quoique arrivé second, laisse tous les autres chevaux loin derrière lui ; il est, par conséquent, complètement détaché du reste.

Détacher

d’Hautel, 1808 : En détacher. Montrer beaucoup d’ardeur à l’ouvrage ; être très-habile dans un art ou profession.
Il en détache, quand il est à la besogne. Se dit d’un ouvrier fort expéditif, très-assidu.

Raban et Saint-Hilaire, 1829 : Couper (Voyez Cosser).

Bras-de-Fer, 1829 : Couper.

Delvau, 1866 : v. a. Donner, — dans l’argot du peuple. Détacher un soufflet. Souffleter quelqu’un. Détacher un coup de pied. Donner un coup de pied.

Détacher le bouchon

anon., 1827 : Couper la bourse.

Halbert, 1849 : Couper la bourse.

Delvau, 1866 : v. a. Couper la bourse ou la chaîne de montre, — dans l’argot des voleurs.

Rigaud, 1881 : Aller à la selle. — Les anciens tireurs employaient cette expression dans le sens de voler la bourse.

Virmaître, 1894 : Vider ses intestins. Allusion à la bouteille qui se vide le bouchon retiré (Argot du peuple). V. Débourrer sa pipe.

France, 1907 : Ouvrir le derrière, c’est-à-dire mettre culotte bas.

Détacher un coupon

France, 1907 : Gagner une grosse somme sur son propre cheval ; argot des courses.

Détacher un transfert, un transferrement

Rigaud, 1881 : Détacher un solide coup de pied.

Je détache un transferrement au cab avec mon rigodon à clous.

(La Petite Lune, 1879.)

Détaffer

Larchey, 1865 : Aguerrir. V. Taffe.

Delvau, 1866 : v. a. Aguerrir quelqu’un, l’assurer contre le taf, — dans l’argot des voyous.

Rigaud, 1881 : Remonter le moral ; donner du courage. Mot à mot : enlever le taf, enlever la peur.

France, 1907 : Aguerrir, ne plus avoir le taffe.

Détail

Delvau, 1866 : s. m. Chose grave que l’on traite en riant, — dans l’argot du peuple. L’est un détail ! signifie : Cela n’est rien ! — même lorsque c’est quelque chose d’important, d’excessivement important, fortune perdue ou coups reçus.

Détail (c’est un)

Larchey, 1865 : C’est un accident grave. — Ironie parisienne… Annoncez qu’un tel s’est cassé le bras, a perdu cinquante mille francs, etc., on vous répondra toujours : C’est un détail !

Rigaud, 1881 : Ce n’est rien. Mot que le scepticisme moderne devait appliquer aux événements les plus graves et qu’ordinairement on souligne par un rire. — Vous êtes en deuil ? — Ma femme est morte. — C’est un détail. Un tel a fait faillite et ruine plus de cent familles. — C’est un détail, je n’avais pas un sou chez lui.

Détail (faire le)

Rigaud, 1881 : Couper sa victime en morceaux d’après la méthode Billoir, — dans le jargon des voyous.

Détailler le couplet

France, 1907 : Nuancer habilement les différents effets d’une chanson. Détailler un rôle, c’est, en argot théâtral, mettre en relief toutes ses parties.

Détaler

d’Hautel, 1808 : Mot comique qui signifie s’esquiver, s’enfuir à la hâte, se retirer sans bruit et à la sourdine.

Clémens, 1840 : Courir.

Delvau, 1866 : v. n. S’enfuir, s’en aller sans bruit, — dans le même argot [du peuple].

Détar

Fustier, 1889 : Veston. Argot du peuple.

Détaroquer

Larchey, 1865 : Démarquer (Vidocq). — Du vieux mot taroter : marquer. V. Roquefort.

Delvau, 1866 : v. a. Démarquer du linge, — dans l’argot des voleurs, qui ont bien le droit de faire ce que certains vaudevillistes font de certaines pièces.

Rigaud, 1881 : Démarquer, — dans l’ancien argot des grecs ; c’est, mot à mot : effacer les marques des tarots.

La Rue, 1894 : Démarquer le linge.

France, 1907 : Démarquer le linge.

Détectant

Hayard, 1907 : Dégoûtant.

Détective

France, 1907 : Agent de la police de sûreté ; anglicisme.

— Comment ! vous êtes de La police ? fit le jeune homme avec un soubresaut.
— Eh bien, quoi ! répliqua cyniquement l’autre. Tout le monde ne peut pas être dans les ambassades. Vous figuriez-vous parler à un major général ! Je suis détective, je l’avoue, et c’est en cette qualité que je vous ai filé, mon camarade.

(Hector France, La Taverne de l’Éventreur)

Déteindre

France, 1907 : Mourir.

Dételer

Delvau, 1866 : v. n. Renoncer aux jeux de l’amour et du hasard, — dans l’argot des bourgeois, qui connaissent le Solve senescentem d’Horace, mais qui ont de la peine à y obéir. On dit aussi Enrayer.

Rigaud, 1881 : Dételer le char de l’amour, pour parler la langue académique. Se retirer des joies de ce monde, parce qu’on est vieux, infirme et désillusionné.

À cette heure il avait dételé, mais il aimait encore la société des femmes folles de leur corps.

(E. de Goncourt, La Fille Élisa)

France, 1907 : Ne plus pouvoir sacrifier à Vénus. Un cheval dételé ne tire plus. « Le mot, dit Lorédan Larchey, est du XVIIIe siècle. Effrayé dès le début de sa dernière maladie, Louis XV disait à La Martinière : — Je le sens, il faut enrayer. — Sentez plutôt qu’il faut dételer ! répondit brusquement le docteur. »

Comme nous nous attardions, après ce souper frugal de camarades qui ont dételé, qui regardent avec une sereine philosophie les autres continuer la fête, qui ne se passionnent plus pour rien, et ainsi que des soldats chevronnés qui firent les mêmes campagnes, commencent à remuer ce tas de feuilles mortes qu’est le passé !

(Champaubert)

Dételer, enrayer

La Rue, 1894 : Renoncer à la vie Joyeuse, à l’amour.

Détente (avoir de la)

Merlin, 1888 : Avoir de l’énergie.

Détente (dur, dure à la)

Rigaud, 1881 : Celui, celle qui ne délie pas facilement les cordons de sa bourse.

Leur famille est riche, mais elle est également dure à la détente, ce qui est l’expression consacrée.

(Adrien Paul, Floueurs et Floués.)

Détente (facile à la)

France, 1907 : Libéral, généreux, donnant facilement. Mot à mot : détendant sa main.

Sidonie rêvait. Aimait-elle Ugène ? Mon Dieu ! oui ; autant celui-là qu’un autre ; c’était un bon garçon, assez facile à la détente, en matière d’argent, bien entendu ; et lui, il l’adorait, certainement, car on a beau dire, le cœur est dans la bourse.

(Maurice Montégut)

Déterrer

d’Hautel, 1808 : Découvrir quelque chose après beaucoup de recherches et de perquisitions ; trouver la retraite de quelqu’un que l’on cherchoit de puis long-temps.
Il a une mine de déterré. Pour, il a le visage blême et décharné.

Détester

d’Hautel, 1808 : Détester sa vie. Se dépiter ; se manger les sens ; maudire les misères de la vie.

Détirer

d’Hautel, 1808 : Se détirer. Étendre ses bras et ses jambes en bâillant, comme lorsqu’on sort des bras de Morphée, ou qu’on a resté long-temps occupé et dans la même position.

Détoce

Virmaître, 1894 : Détresse, misère. Quand les aminches n’ont plus d’os, ils sont dans la détoce (Argot du peuple).

Detoce ou Détosse

Delvau, 1866 : s. f. Détresse, guignon, — dans l’argot des prisons.

Détorce

Rossignol, 1901 : Appauvrissement, misère.

Détorse (la)

Clémens, 1840 : Système pénitentiaire.

Detosse

un détenu, 1846 : Misère.

Détosse

La Rue, 1894 : Misère.

Hayard, 1907 : Misère.

France, 1907 : Détresse, misère.

Détosse (être de la)

Halbert, 1849 : Être ruiné.

Détourne (vol à la)

Delvau, 1866 : s. m. Vol dans l’intérieur des magasins ou à la devanture des boutiques. On dit aussi Grinchissage à la détourne.

Rigaud, 1881 : Vol qui se pratique dans l’intérieur des magasins.

France, 1907 : C’est une spécialité exercée généralement par les femmes dans les grands magasins ; tandis que l’une attire l’attention du commis, l’autre détourne l’objet.

Détourner

d’Hautel, 1808 : Prendre des chemins détournés dans une affaire. Se conduire avec adresse, et de manière à ne se point compromettre ; avoir recours aux subterfuges et aux faux-fuyans.

Larchey, 1865 : Voler dans l’intérieur d’une boutique.

Parmi les détourneurs, on distingue : 1) les grinchisseuses à la mitaine, assez adroites de leur pied pour saisir et cacher dans de larges pantoufles les dentelles et les bijoux qu’elles font tomber (on appelle mitaine leur bas qui est coupe pour laisser aux doigts leur liberté d’action) ; 2) les enquilleuses, femmes cachant des objets entre leurs cuisses (quilles) ; 3) les avale tout cru, cachant les bijoux dans leur bouche ; 4) les aumôniers, jetant le produit de leur vol à de faux mendiants.

(Vidocq)

Ces genres de vol constituent le vol à la détourne.

Détourneur

Rigaud, 1881 : Voleur à la détourne.

Il y a des voleurs à la détourne de trois classes : les aristos, les bourgeois et les voyous. Les premiers ne travaillent qu’en équipage et ne font que la pièce de soie, de velours, ou le cachemire des Indes ; ils ont des laquais avec des galons d’argent et des jambes torses comme les colonnes d’un lit Louis XIII.

(L. Paillet, Voleurs et Volés.)

La Rue, 1894 : Voleur à la détourne dans intérieur des magasins.

Virmaître, 1894 : Voleur. Détourner un objet de sa destination (Argot des voleurs).

Détourneur, détourneuse

France, 1907 : Voleur ou voleuse à la détourne dans les magasins.

Détourneur, euse

Delvau, 1866 : s. Individu qui pratique le grinchissage à la détourne.

Détourneuse

Virmaître, 1894 : Voleuse qui opère spécialement dans les grands magasins de nouveautés. Il y a bien des manières de pratiquer ce vol, elles sont expliquées à leur place (Argot des voleurs).

Détourneuse au momignard

Virmaître, 1894 : V. Abéqueuse.

France, 1907 : Variété des voleuses de magasins. « Ce vol, dit Ch. Virmaître, nécessite trois personnes : la mère, la nourrice et le momignard. Tous trois entrent dans un magasin. La mère se fait montrer les étoffes. Elle détourne l’attention du commis par un manège quelconque. Profitant de ce moment, elle fait tomber à terre une pièce d’étoffe. La nourrice se baisse, comme pour y déposer l’enfant un instant, et cache prestement l’objet sous la pelisse du petit. Aussitôt elle le pince fortement. L’enfant crie comme un possédé. Elle fait semblant d’essayer de le calmer, mais elle le pince encore plus fort. Ses cris redoublent. Alors la mère témoigne une impatience très vive : — Te tairas-tu ? lui dit-elle ; allez-vous-en, nourrice. Nous reviendrons une autre fois. »
On dit aussi dans le même sens : détourneuse à la nourrice.

Détraper, détrapper

France, 1907 : Déménager, débarrasser, tirer ; mot à mot : sortir d’une trappe ; du patois bourguignon, vieux français. On trouve dans Du Bartas, poète du XVIe siècle, ces vers tirés de la description du cheval de Caïn :

Le champ plat bat, abat, détrappe, grappe, attrappe
Le vent qui va devant…

(La Seconde Semaine)

Détraquage

France, 1907 : Maladie nerveuse qui affecte spécialement les Parisiennes, les dévotes et les bas-bleus.

Le détraquage a fait son œuvre. La licence a porté ses fruits. Je demande la création d’un Musée national des horreurs où l’on conserve religieusement les documents de l’histoire scandaleuse de ce temps. On pourra y contempler, à côté de la reproduction des beautés mâles de Pranzini, la collection d’autographes de la Limousin et le rasoir de Prado.

(Edmond Deschaumes)

Détraqué, détraquée

France, 1907 : Personne fantasque et que les nerfs surexcités poussent à toutes les extravagances.

Certes, il y a parmi nous des romanesques et des détraquées, mais alors celles-là s’adonnent entièrement à leur passion, sans réflexion, sans calcul : elles seront toujours sorties — et pour cause, — elles ne s’occuperont pas de leur intérieur, les enfants seront élevés à la grâce de Dieu par les gouvernantes, et le ménage ira à la diable.

(Colombine, Gil Blas)

Une des plus grandes détraquées de notre temps et qui n’est pas la première venue, en une heure d’abandon, a dit à un ami : « Vous voulez savoir pourquoi je suis qui je suis ? demandez-le à l’homme de ma famille qui m’a violée quand j’avais treize ans ! »

(Colombine)

Du haut en bas de l’échelle, les ferments cérébraux travaillent et décomposent l’argile humaine, depuis les grandes dames jusqu’aux filles ; et, du salon à l’atelier, le même travail de démoralisation s’accomplit dans les esprits. Les grandes détraquées et les grandes névrosées se touchent à travers les trop franchissables hiérarchies sociales.

(Arsène Houssaye)

Détraquer le trognon (se)

France, 1907 : Devenir fou.

Détrempe

d’Hautel, 1808 : Un mariage en détrempe. Expression vulgaire ; commerce illicite que l’on a avec une fille, sous les apparences d’une alliance légitime.

Détrousser

d’Hautel, 1808 : Escroquer, voler, dépouiller.
Détrousser les passans sur les grands chemins. Les dévaliser.
Aller chez quelqu’un, robe détroussée. Y aller en grande parure, en pompeuse cérémonie.

Détrousseur

d’Hautel, 1808 : Larron, voleur qui exerce ses brigandages sur les grands chemins.

Dette

d’Hautel, 1808 : Être rongé de dettes. Devoir à Pierre et à Paul ; être accablé de créanciers.
Qui épouse la veuve, épouse les dettes. Pour dire qu’un mari doit payer les dettes de la femme qu’il prend pour épouse.
Dettes véreuses. Mauvaises créances, dettes dont le paiement est très-incertain.
Dettes criardes. Petites dettes ; ce que l’on doit aux débitans, à la fruitière, au marchand de vin, et qui font crier après le débiteur

Dette (payer une)

Halbert, 1849 : Être en prison.

France, 1907 : Être en prison.

Dette de cœur (payer une)

Rigaud, 1881 : Faire honneur à un engagement souscrit par le cœur au profit des sens, — dans l’argot des grandes dames. Dans le monde faubourien, où l’on n’enguirlande pas les expressions, les femmes disent : « S’exécuter à la bonne franquette. »

Deuil

d’Hautel, 1808 : Porter le deuil de sa blanchisseuse. Voy. Blanchisseur.
Porter un deuil joyeux. Porter le deuil d’une personne dont l’intérêt faisoit désirer la mort.

Deuil (demi-)

France, 1907 : Café sans cognac. Le café avec cognac s’appelle grand deuil.

Deuil (grand)

Rigaud, 1881 : Café avec cognac. — Demi-deuil, café sans cognac. (L. Larchey)

Deuil (il y a du)

Rigaud, 1881 : Ça marche mal dans le ménage.

La Rue, 1894 : Ça va mal ; il y a du danger.

France, 1907 : Il y a du danger. Cela tourne au noir.

Deuil (ongle en)

Larchey, 1865 : Ongle cerné d’une crasse noire.

J’aurai l’air d’être en deuil depuis la cravate jusqu’aux ongles, inclusivement.

A. Second.

Deuil (très)

Fustier, 1889 : Homme du monde ou mieux voulant se faire passer comme tel. Le mot, d’usage boulevardier, n’a fait qu’une courte apparition en 1886. Il faisait allusion au deuil porté avec ostentation par certaines personnes à l’occasion de la mort de la comtesse de Chambord.

Deuil de sa blanchisseuse (porter le)

Rigaud, 1881 : Porter du linge très sale.

France, 1907 : Ne pas souvent changer de linge. Imiter le vœu de la reine Isabelle de Castille, qui promit à Dieu de ne pas changer de chemise avant que ses troupes n’aient pris Grenade aux Mores, ce qui dut joliment faire plaisir au Père Éternel.

Deus aut bestia

France, 1907 : « Dieu ou bête » Axiome aristotélique. À voir la quantité d’animaux à deux pattes qui remplissent le monde, dindons, oies, renards, pourceaux et tigres, il reste en effet, peu de place pour l’homme.

Deux

d’Hautel, 1808 : N’en faire ni une ni deux. Ne plus garder de ménagement ; rompre toute mesure ; prendre sur le champ son parti.
Les deux font la paire. Se dit ironiquement de deux personnes qui ont les mêmes inclinations, les mêmes habitudes, les mêmes défauts.
Ils s’entendent tous deux comme larron en foire. Se dit de deux personnes qui forment clique ou coterie ; qui ont une intrigue, un intérêt commun.
Marcher deux à deux comme frères mineurs.
Deux chapons de rente,
etc. Voy. Chapons.
Il n’en fit pas à deux fois. Pour, il se détermine promptement.

Deux adjoints (les)

Delvau, 1864 : Les testicules, qui accompagnent partout le membre viril, — le maire naturel de Confoutu.

Ses deux adjoints lui font escorte ;
Mais, par un caprice nouveau,
Tous les deux restent à la porte :
Il entre seul à son… bureau.

Eugène Vachette.

Deux bibelots (les)

Delvau, 1864 : Les testicules, avec lesquels les femmes se plaisent à jouer.

Donne-moi tes deux bibelots, mon chéri, que je les pelote.

Jean Du Boys.

Deux bossus (les)

France, 1907 : Le numéro 33, au jeu de loto.

Deux cocottes (les)

Delvau, 1866 : Le numéro 22, — dans l’argot des joueurs de loto.

France, 1907 : Le numéro 22, dans l’argot des joueurs de loto, qui disent aussi les deux canards du Rhin.

Deux d’amour

Delvau, 1866 : s. m. Le numéro 2, — dans le même argot [des joueurs de loto].

France, 1907 : Le numéro 2 ; argot des joueurs de loto.

Deux dos (bête à)

France, 1907 : Accouplement de l’homme et de la femme.

… Les rideaux
Sont tirés. L’homme, sur la femme à la renverse,
Lui bave entre les dents, lui met le ventre en perce,
Leurs corps, de par la loi, font la bête à deux dos.

(Jean Richepin, Les Blasphèmes)

Deux épaules qui trottent (les)

France, 1907 : Le derrière.

Alors ce polisson lui allonge un maître coup de pied entre les deux épaules qui trottent, comme disent au régiment ceux qui se piquent d’élégance.

(Les Mésaventures de Bistrouille)

Deux fois

Rigaud, 1881 : Expression très usitée dans les régiments de cavalerie et qui équivaut à une négation. Le sous-off de garde dit : Tiens, tiens, tiens ! vous avez des bretelles deux fois demi-tour sur les hanches. — J’ai planché non pas deux fois, mais une bonne. — Quelquefois cette expression s’emploie dans le sens de « plus souvent » Veux-tu me prêter cinq ronds ? — Deux fois.

Deux galons

Fustier, 1889 : Lieutenant. Argot militaire.

Comment, disait-on, un médecin de deuxième classe qui n’a que le grade de lieutenant dans l’armée, un deux galons va commander des amiraux !

(Événement, juin 1884)

Deux liards de beurre (gros comme)

France, 1907 : Tout petit.

— J’ai une petite fille, Marie, un amour, vrai. C’est gros comme pour deux liards de beurre et ça donne pour cent mille francs de bonheur ! Oh ! je me trouve heureux. L’enfant, vois-tu, Louis, c’est la joie de la maison !

(Félix Pyat, Le Chiffonnier de Paris)

Deux novembre 33

France, 1907 : Haricot de mouton ; argot militaire. Ce plat, vu son bon marché, étant d’un usage fréquent dans les pensions d’officiers, a été surnommé par eux 2 novembre 33, le 2 novembre 1833 étant la date du règlement sur le service intérieur des corps de troupe.

Deux oreilles

Delvau, 1864 : Les deux couilles.

Tu ronfles, tu sommeilles,
Tu mérit’rais, dans c’cas,
Puisque tu n’t’en sers pas,
Que j’te coup’ les deux oreilles.
Adrien, c’n’est pas bien, etc.

(Anonyme moderne.)

Deux sœurs

Delvau, 1866 : s. f. pl. Les nates de Martial, — dans l’argot des faubouriens.

Deux sœurs (les)

Delvau, 1864 : Les deux fesses, inséparables.

Deux sœurs (mes)

Virmaître, 1894 : Dans le peuple, par abréviation, on dit : mes deux pour te faire une paire de lunettes. Ce n’est pas des fesses qu’il s’agit, comme le dit Delvau, mais des testicules. On appelle aussi deux sœurs, les deux nattes de cheveux que les femmes portent sur leurs épaules (Argot du peuple).

France, 1907 : Expression ironique dont se servent les ouvriers pour répondre à une question indiscrète. Mes deux sœurs, dit Alfred Delvau, sont les fesses, Charles Virmaître, de son côté, affirme que ce sont les testicules. Tous les deux ont raison.

J’aim’ pas les raseurs politiques ;
Faux radicaux, tas d’bonisseurs,
Faites vos discours à mes deux sœurs !
Je n’serai jamais de vos pratiques.

(Victor Meusy, Chansons d’hier et d’aujourd’hui)

Deux sous du garçon

Delvau, 1866 : s. m. pl. Le pourboire que chaque consommateur est forcé — sous peine d’être « mal servi » — de donner aux garçons de café, qui s’achètent des établissements avec le produit capitalisé de cet impôt direct.

Deux trous (les)

Delvau, 1864 : L’anus et le con.

Le trou du cul, le trou du con,
Sont deux trous qui me semblent farces :
Par l’un, on jouit d’un garçon
Et par l’autre on jouît des garces.
Tous les deux me sont défendus ;
Mais puisqu’il faut que je me perde…
Je préfère le trou du cul,
Malgré mon dégoût pour la merde.

Bing.

Deux-bouts

France, 1907 : La rue.

— Oui, amour d’homme, c’est moi !… hein ! j’ai bien frisé… allons ! ouate !… enfilons la deux-bouts, les vaches ne nous auront pas encore cette fois !…

(Edmond Lepelletier)

Dévalidé

France, 1907 : Synonyme d’invalidé.

Devant

d’Hautel, 1808 : Préposition de lieu.
Si vous êtes pressé, courez devant. Se dit aux gens qui affectent des airs expéditifs et, empressés.
Mettre tout sens devant derrière, sens dessus dessous. Mettre tout en confusion, en désordre ; bouleverser quelque chose de fond en comble.
Bâtir sur le devant. Voy. Bâtir.

France, 1907 : Le côté opposé au derrière, dans le langage des petites filles qui n’ont pas encore été en pension.

À la place Maubert,
Un jour, une harengère
De monsieur Saint-Hubert
Insulta la bannière.
Pour punir cette infame,
L’on vit, soudainement,
Son chaudron plein de flamme,
Griller tout son devant.

(J.-J. Vadé, Cantique de Saint-Hubert)

Dialogue surpris sur le boulevard :
— Cocher, vous avez quelque chose qui se lève par devant, n’est-ce pas ?
— Oui, madame.
— Bien, c’est pour que ma bonne puisse s’asseoir dessus.
— Comme madame voudra.

(Gil Blas)

Devant (le)

Delvau, 1864 : Les parties sexuelles de l’homme et de la femme.

Le p’tit gueux, près des femmes,
Bientôt s’mit à courir,
Pour offrir
Son devant aux mesdames.

(Chanson anonyme moderne.)

On pourra désormais avoir confiance en moi, car on dit communément qu’il faut se défier du devant d’une femme, du derrière d’une mule, et d’un moine de tous les côtés.

(Le Moine sécularisé.)

Ah ! mon Dieu, quelle injustice que l’honneur d’un homme dépende du devant d’une femme !

Ch. Sorel.

Devant de gilet

Delvau, 1866 : s. m. Gorge de femme, — dans l’argot des faubouriens.

France, 1907 : Gorge de femme.

Devant la glace (passer)

France, 1907 : Annoncer ses consommations au comptoir sans les payer. Derrière chaque comptoir se trouve, en effet, une glace.

Devanteau

France, 1907 : Tablier.

Devantier

d’Hautel, 1808 : Pour dire tablier.

Dévasté

France, 1907 : Homme courbé, fatigué par les excès plutôt que par les ans.

Le dévasté plaît, le dévasté intéresse parce qu’en le voyant, chacun se dit : Si cet homme a la tête plus nue que le genou, c’est que le volcan qui lui tient lieu de cervelle a anéanti sa chevelure, son œil est éteint ? C’est qu’il a trop flamboyé. Il n’a plus de mollets ? Ah ! Qu’est-ce que prouve cette absence du gras de la jambe, sinon que cet homme a trop abusé de ses mollets, sinon que cet homme a trop aimé !

(Ed. Lemoine)

Dévauler

France, 1907 : Descendre. Corruption de dévaler.

Déveinard

France, 1907 : Pauvre diable que la malchance poursuit.

Un de ces ouvriers déveinards, un de ces inventeurs en chambre, qui ont compté sur le coup de fortune du nouvel an.

(Jean Richepin, Le Pavé)

Déveine

Larchey, 1865 : Malheur constant. V. Veine.

Il paraît que la banque est en déveine.

About.

Delvau, 1866 : s. f. Malheur constant dans une série d’opérations constantes. Être en déveine. Perdre constamment au jeu.

France, 1907 : Série de malchances où de pertes.

Devenir

d’Hautel, 1808 : D’évêque devenir meunier. Passer d’une charge considérable à un emploi médiocre.
Devenir cruche. Rabêtir ; perdre tout le fruit de l’éducation qu’on a reçue.

Dévergondée

d’Hautel, 1808 : C’est une dévergondée. Terme injurieux qui ne s’emploie qu’en parlant d’une fille sans pudeur, d’une effrontée qui a levé le masque.

Delvau, 1866 : s. f. Fille ou femme qui a toute vergogne bue, — dans l’argot des bourgeoises, qui quelquefois donnent ce nom à une pauvre fille dont le seul crime est de n’avoir qu’un amant.

Dévidage

Larchey, 1865 : Discours aussi long que le dévidage d’un écheveau.

Delvau, 1866 : s. m. Long discours, bavardage interminable, — dans l’argot des voleurs. Dévidage à l’estorgue. Accusation.

Rigaud, 1881 : Promenade dans le préau d’une prison. (L. Larchey)

Rigaud, 1881 : Long discours.

Hayard, 1907 : Bavardage.

France, 1907 : Promenade dans le préau d’une prison.

France, 1907 : Discours interminable, bavardage incessant. Allusion à un écheveau que l’on dévide.

Dévidage à l’estorgue

Larchey, 1865 : Acte d’accusation.

Rigaud, 1881 : Mensonge. — Acte d’accusation.

Virmaître, 1894 : Acte d’accusation lu en cours d’assises par le greffier. Dévider : parler : à l’estorgue, faussement (Argot des voleurs). Dévider : promenade en dévidoir que font les prisonniers sur le préau (Argot des voleurs). V. Queue de cervelas.

France, 1907 : Accusation, mensonge.

Dévidage d’aminches

France, 1907 : Dénonciation d’amis.

Dévidages (faire des)

France, 1907 : Dénoncer.

Dévider

Larchey, 1865 : Avouer. V. Bayafe. — On dit communément dévider son chapelet. — Dévider à l’estorgue : Mentir. — Dévideur : Bavard (Vidocq).

Delvau, 1866 : v. a. et n. Parler, et, naturellement, bavarder. Dévider à l’estorgue. Mentir. Dévider le jar. Parler argot. On dit aussi Entraver le jar.

Rigaud, 1881 : Parler. C’est dévider le fil d’un discours dans le langage métaphorique et précieux. — Dévider le jars, parler argot.

La Rue, 1894 : Parler. Dévidage à l’estorgue, mensonge, acte d’accusation. Dévidage d’amiches, dénonciation d’amis.

Rossignol, 1901 : Parler.

France, 1907 : Parler, mentir. Dévider le jars, parler argot.

Les mots rigolbocheurs, épars
De tout côtés dans le langage,
Attrape-les pour ton usage,
Et crûment dévide le jars.

(André Gill, La Muse à Bibi)

Dévider son chapelet, commérer, bavarder sans relâche en disant du mal du prochain. Dévider une retentissante, casser une sonnette. Dévider son peloton, parler sans prendre haleine, faire une confession.

Dévider le jars

Halbert, 1849 : Parler argot.

Hayard, 1907 : Parler argot.

Dévider son chapelet

Virmaître, 1894 : Les portières se chargent de cette opération en cancanant sur les locataires (Argot du peuple).

Dévideur

Delvau, 1866 : s. m. Bavard.

Dévideur, dévideuse

France, 1907 : Bavard, bavarde.

Dévierger

Delvau, 1866 : v. a. Séduire une jeune fille et la rendre mère, — dans l’argot du peuple.

Rigaud, 1881 : Enlever la fleur de l’innocence à une jeune fille, ainsi qu’on s’exprime sous la coupole de l’Institut les jours où il n’y a pas de prix de vertu à décerner. — C’est, en bon français, peut-être, faire une femme avant la lettre… de faire part du mariage.

France, 1907 : Prendre la virginité d’une fille.

Quand j’étais petit, le téton de ma nourrice est ce que j’aimais le mieux.
— Et maintenant, c’est celui de ta servante.
— Je préfère, comme dit cet autre, dévierger une gueuse, que d’avoir le reste d’un roi.

(Les propos du Commandeur)

Deviner

d’Hautel, 1808 : Je vous donne cent ans pour le deviner. Se dit à celui que l’on cherche à embarrasser par quelqu’énigme, ou par quelque question, difficile à résoudre.
Il devine que c’est fête quand les boutiques sont fermées. Se dit d’un homme simple et crédule, à qui l’on en impose facilement.

Deviner les fêtes lorsqu’elles sont passées

France, 1907 : Être niais ou étourdi ; annoncer des nouvelles que tout Le monde connaît ; deviner les choses après qu’elles sont arrivées.

Dévirginer

Delvau, 1864 : Ôter la virginité.

Ceux-ci ne trouvèrent pas d’autres moyens que de les dévirginer eux-mêmes avant qu’elles pussent tenter personne.

Pigault-Lebrun

Oui, tout semblait m’annoncer qu’enfin j’allais être, et même très agréablement, dévirginée.

(Mon noviciat.)

Extasiée, fendue par l’énorme grosseur du vigoureux bourdon de mon dévirgineur,… je restai quelque temps accablée par la fatigue et le plaisir.

(Mémoires de miss Fanny.)

Dévisager

Delvau, 1866 : v. a. Égratigner le visage, le meurtrir de coups, — dans le même argot [du peuple]. Signifie aussi : Regarder quelqu’un avec attention.

France, 1907 : Regarder quelqu’un attentivement ou insolemment.

France, 1907 : Égratigner ou meurtrir le visage.

Dévisser

Rigaud, 1881 : Estropier, casser un ou plusieurs membres.

Tu veux donc te faire dévisser ?

(L. Cladel, Ompdrailles, le Tombeau des lutteurs.)

La Rue, 1894 : Estropier. Dévisser son billard, mourir.

France, 1907 : Perdre son rang, dans l’argot des polytechniciens. « Le major vient d’être dévissé. »

France, 1907 : Estropier.

Dévisser (se)

Fustier, 1889 : « C’était l’école préparatoire de Sainte-Barbe qui dévissait. Et pourquoi dévissait-elle l’école préparatoire ? Parce que beaucoup d’élèves étaient mécontents de ce que quelques-uns de leurs camarades avaient été renvoyés… »

(Constitutionnel, février 1883.)

France, 1907 : S’en aller. Se dévisser la pétrouille, se casser la tête.

Dévisser la pétronille (se)

Rigaud, 1881 : Se mettre en frais d’imagination, se creuser la cervelle, — dans le jargon des voyous.

Dévisser le coco

Rigaud, 1881 : Tordre le cou, étrangler.

France, 1907 : Étrangler. On dit aussi : dévisser le trognon.

Dévisser son billard

Delvau, 1866 : v. a. Mourir, — dans l’argot des faubouriens.

Rigaud, 1881 : Mourir, — dans le jargon des piliers de café. Et par abréviation : dévisser. — Que devient, Machin ? Il a dévissé.

Virmaître, 1894 : Mourir. Quand le billard est dévissé, adieu la partie. Un à peu près dit qu’il n’y a plus Moyaux de faire une partie de Billoir quand on joue Troppmann (Argot du peuple).

Rossignol, 1901 : Mourir.

Hayard, 1907 : Mourir.

France, 1907 : Mourir.

— Faut pas en dire du mal, car c’était une femme de bonne volonté, un peu portée sur sa bouche de l’opposée, mais vaillante à la besogne, ripostant bravement de la langue et du reste, et, pour un coup qu’on lui baillait, en rendant volontiers deux. Ah ! mais !… Du reste, elle s’est jamais plainte de moi, et j’ai rien à me reprocher sur cet article, car je lui faisais toujours bonne chère, remplissant comme il faut mon devoir de coquebas ! Pauvre vieille ! Elle a dévissé son billard, comme vous savez, en revenant des foires !

(Les Propos du Commandeur)

Dévisseur

Delvau, 1866 : s. m. et adj. Médisant, débineur, — dans l’argot des gens de lettres et des faubouriens.

France, 1907 : Médisant ; synonyme de débineur.

Devoir

d’Hautel, 1808 : On dit d’un homme qui a des dettes innombrables, qu’Il doit à Dieu et à diable.
Il doit plus d’argent qu’il n’est gros.
Manière, exagérée de dire qu’un homme est fort endetté.
Il n’y a point de borne qui ne lui doive un denier. Pour dire qu’un homme est musard, causeur ; qu’il s’arrête à tout bout de champ.
Qui fait ce qu’il peut, fait ce qu’il doit. Signifie qu’on doit savoir gré à quelqu’un de la bonne volonté et du zèle qu’il met à s’acquitter de ses devoirs.
Il doit au tiers et au quart. Pour, il a des créanciers de tout état, de toute condition.
Qui doit a tort. Signifie qu’un débiteur est toujours condamnable quand il ne paye pas ses dettes.
Chose promise, chose due. Pour, il est du devoir d’un honnête homme de tenir inviolablement ses promesses.
Je lui en dois. Pour, je me vengerai de lui dès que l’occasion s’en présentera.
Il croit toujours qu’on lui en doit de reste. Se dit d’un vaniteux, d’un homme très-prévenu de son mérite, et pour lequel on semble ne jamais faire assez

France, 1907 : Compagnon charpentier.

Devoir (le)

Delvau, 1864 : La fouterie, qui est en effet le premier des devoirs, le plus sacré, celui auquel on manque le moins tant qu’on est jeune et qu’on sait jouer des reins.

Allons ! rentre chez toi, père de famille ! et fais ton devoir près de ta femme, cela dût-il te valoir un enfant !

Lemercier de Neuville.

Puis quand on vint au naturel devoir,
Ah ! dit Catin, le grand dégel s’approche.
Vrai, dit-il, car il va pleuvoir.

Cl. Marot.

Devoir une belle chandelle

France, 1907 : Avoir des obligations à quelqu’un. Allusion à la coutume des dévotes qui font brûler des cierges dans les églises quand elles croient leurs souhaits accomplis, et aussi des marins, rentrés au port après avoir échappé à un danger.

Devoir une dette

Delvau, 1866 : v. a. Avoir promis un rendez-vous d’amour, — dans l’argot des filles, qui sont brouillées avec la grammaire comme avec la vertu, et qui redoutent moins un pléonasme qu’un agent de police.

France, 1907 : Avoir promis un rendez-vous ; argot des filles.

Dévorant

d’Hautel, 1808 : C’est un dévorant. Pour, c’est un envahisseur, un homme ardent et cupide. Se dit communément d’un ouvrier qui entreprend plus d’ouvrage qu’il n’en peut faire, et souvent au détriment de ses camarades.
Un appétit dévorant ; une soif dévorante. Métaphores, pour un grand appétit ; une altération excessive.

Larchey, 1865 : Compagnon.

Je ne suis pas un dévorant, je suis un compagnon du devoir de liberté, un gavot.

Biéville.

Delvau, 1866 : s. m. Compagnon du Tour de France, — dans l’argot des ouvriers.

Rigaud, 1881 : Pour dévoirant, compagnon du devoir.

Terme du compagnonnage qui nous a légué une petite ménagerie assez intéressante ; il y avait le singe, le lapin, le renard de liberté, le loup, etc… c’est-assez logique d’avoir le dévorant.

(Le Sublime.)

France, 1907 : Compagnon du devoir ; corruption de dévoirant. C’est le nom que se donnaient les ouvriers faisant le tour de France.

Dévorer

d’Hautel, 1808 : Manger avec avidité, en glouton ; travailler avec trop d’empressement.
Dévorer un livre. Le lire promptement, et sans désemparer ; se laisser entrainer au charme qu’il inspire.
Il ne mange pas ; mais il dévore. Se dit d’un homme qui mange avidement.

Dévotion

d’Hautel, 1808 : Ceci est à votre dévotion. Pour, à votre volonté, à votre commandement, à votre disposition.
Il n’est dévotion que de jeunes prêtres. Phrase proverbiale qui signifie qu’on n’est jamais plus ardent dans une entreprise quelconque, que lorsqu’on la commence.

Dévouser

France, 1907 : Tutoyer, cesser de dire vous.

Dévoyé

Rigaud, 1881 : Acquitté ; renvoyé des fins de la plainte, — dans le jargon des voleurs.

France, 1907 : Acquitté en justice, c’est dire relâché. Jeu de mots : relâchement, dévoiement.


Argot classique, le livreTelegram

Dictionnaire d’argot classique